mars 29, 2015

Alain Madelin son programme entier pour 2017, s'il se présentait ! + réponses diverses de mars

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


UNIR POUR AGIR, un programme d’action pour 2017… ou avant

 « C’est bien de donner vos analyses, mais ce serait mieux de nous dire ce que vous feriez si vous étiez au pouvoir!». 

Cette question m’est si souvent posée qu’elle me fait obligation d’y répondre.
A partir d’un constat, celui de lassitude d’un grand nombre de français devant le spectacle de l’impuissance publique et des oppositions stériles d’une classe politique jugée largement incompétente et tournée vers elle-même.
Avec l’idée aussi que les clivages inutiles et les postures démagogiques empêchent les pédagogies et les progressions nécessaires.
Avec enfin la conviction qu’il existe beaucoup de réformes nécessaires et possibles qui peuvent aujourd’hui rassembler les plus sages au-delà des appartenances partisanes.
Je me suis donc glissé quelques instants dans le rôle d’un candidat à l’élection présidentielle de 2017 pour écrire ce programme que je publie sur ce blog en trois parties (que l’on pourra aussi consulter sous forme d’ebook)

Alain Madelin


Partie 1-       Une nouvelle offre politique


Les immenses manifestations du 11 janvier ont assurément bouleversé la donne politique.
Chacun s’interroge aujourd’hui sur la portée de cette communion nationale.
Les Français ont vécu un psychodrame au sens thérapeutique du terme, avec une tragédie, un début, un milieu et surtout une fin, une fin cathartique, qui libère les émotions refoulées, purge les passions et les peurs.
Il y avait bien des raisons de descendre dans la rue : se retrouver ensemble pour conjurer les peurs ou pour montrer son refus de la peur ; la défense de la liberté de la presse, sentinelle des autres libertés ; la volonté pour les uns de faire barrage à un islam conquérant ou encore pour les autres le refus de l’amalgame de l’Islam et du terrorisme ; répondre par l’union aux divisions souhaitées par les terroristes… Toujours est-il que le pays semble ressorti apaisé par cette grande démonstration de force tranquille. Avec une exigence : que les politiques soient à la hauteur de la situation, qu’ils nous épargnent les affrontements inutiles et les surenchères stériles pour se réunir sur les mesures essentielles afin de faire face.
Cette aspiration a été aussitôt saisie par le Président de la République et le gouvernement qui – se plaçant à la hauteur des événements – ont cherché à rassembler, à réunir aussi largement que possible autour de mesures destinées à assurer la sécurité, la lutte contre le terrorisme et sans doute plus largement la lutte contre la déshérence d’une partie de la jeunesse.
Mais le temps passe, l’émotion se dissipe et beaucoup pronostiquent le retour de la politique politicienne après le feu de paille de ce moment unitaire.
Ce serait dommage car, en fait, le mouvement du 11 janvier a aussi été le révélateur d’une  demande latente de la société française.
Face à l’impuissance  publique et à l’incapacité apparente des politiques, toutes tendances confondues, à régler les vrais problèmes de leur pays, on saurait grandir le nombre des français qui, lassés des postures médiatiques et des oppositions stériles d’une classe politique jugée largement incompétente, se laisseraient tenter par les votes de rejet extrême.
Des français qui, pour beaucoup, malgré tout, semblaient rester prêts à donner une dernière chance aux politiques qui sauraient leur proposer un projet rassembleur et crédible, au-delà des clivages partisans, tourné vers le redressement du pays.
Bien avant le mouvement du 11 janvier, l’idée – ou la chimère – d’une union des modernes des grands partis de gouvernement faisait son chemin.
Constatant le peu de différences entre les performances  gouvernementales de la droite et de la gauche, l’accord de fait sur les grandes orientations, beaucoup se prenaient ainsi à imaginer une coalition des réformateurs raisonnables (Juppé, Bayrou, Valls…).
Il existait cependant un grand décalage entre l’attente d’une nouvelle offre politique et l’offre politique réelle qui se dessinait au travers du jeu politique et institutionnel dominé par la perspective de l’élection présidentielle de 2017.
L’installation dans les esprits et dans les sondages d’une quasi-certitude de voir Marine Le Pen au second tour transforme la nature de cette élection. Dès lors que l’élection présidentielle se joue au premier tour, plus besoin de chercher à rassembler pour le second tour. La victoire appartient à celui qui saura le mieux mobiliser et entraîner son camp. Il fallait donc « cliver », disaient déjà les « spin doctors ».
La Droite devait donc être « à droite », chassant sans complexe sur les terres du Front National. Et ce d’autant plus que la primaire qu’entend organiser la Droite pèse en faveur du noyau dur de son électorat.
La Gauche en conséquence se devait de retrouver le peuple de gauche.
Ajoutez à cela la déshérence d’une France populaire que l’on allait chercher une fois encore à séduire par des propos et des promesses démagogiques, par l’exploitation de toutes les peurs en désignant des bouc émissaires (l’Europe, les élites, les immigrés, les riches, les assistés…) et nous avions tous les ingrédients d’une élection présidentielle « encore ratée ».
Si le Président élu en 2017 devait l’être sur  programme clivant, démagogique, avec une légitimité limitée à son score de premier tour, sa possibilité d’engager les vraies réformes dont la France a besoin serait extrêmement faible.
Le 11 janvier est venu bousculer ce triste scénario qui s’annonçait.
On a pris conscience que s’il faut agir énergiquement en matière de sécurité, de justice, d’immigration et d’intégration, de lutte contre le radicalisme islamique, d’éducation,  cette action s’inscrit dans un temps long. Il faudra une génération a dit le Premier ministre. C’est dire que les politiques à mener exigent la constance, la résistance aux alternances et qu’elles doivent donc s’élaborer dans un climat d’union responsable.
Mais il est sûrement possible d’aller plus loin, d’étendre cet esprit de réunion à bien d’autres domaines.
On peut penser que si, il y a quelques semaines, il existait une prime politique à ceux qui sauraient le mieux cliver, aujourd’hui, la prime va à ceux qui sauront rassembler.
Il devient possible aujourd’hui de parler, de réfléchir et éventuellement d’agir en transcendant les frontières politiques. Ce n’est plus là trahir son camp ; c’est répondre à un besoin d’union nationale.
Cette situation politique nouvelle permettra-t-elle l’affirmation d’une nouvelle offre politique ? Reviendrons-nous à la politique à l’ancienne ?
Telle est la question.
C’est en tout cas une opportunité à saisir pour les réformateurs de toutes tendances.

Rassembler, pour quoi faire ?
Régulièrement, des magazines nous donnent un aperçu de ce que pourrait être un tel projet de rassemblement. Il s’agit – à partir des politiques présentes et passées des deux camps de créer une sorte de politique commune moyenne dont on pense – à tort – que dès lors qu’elle apparaîtrait comme bipartisane, elle serait couronnée de succès.
A tort car hélas, l’addition d’une mauvaise politique de gauche et d’une mauvaise politique de droite ne saurait fabriquer une bonne politique. Elle ne peut conduire qu’à un double échec dont le Front National – qui dénonce depuis longtemps l’UMPS – sortirait assurément gagnant.

Le besoin d’une nouvelle offre politique
C’est une toute autre offre politique dont la France a besoin.
Il ne s’agit pas d’esquisser je ne sais trop quel programme commun d’un improbable gouvernement d’union nationale. Il s’agit de tracer les contours de quelques mesures fortes, à la fois susceptibles d’ouvrir le chemin d’une nouvelle croissance et d’un nouveau progrès social en dépassant les clivages politiques pour élargir leur soutien. De leur donner sens et cohérence.
Paraphrasant l’archonte Solon, il ne s’agit pas des meilleures réformes que l’on puisse imaginer (j’ai moi-même quelques autres idées), mais des meilleures que les français soient aujourd’hui capables de recevoir.
Je ne présenterai donc ici que des mesures dont je sais qu’elles ont déjà des soutiens à la fois à gauche, à droite et au centre, qu’elles sont susceptibles d’être construites avec des économistes de diverses sensibilités, d’être acceptables par les plus sages au-delà des appartenances partisanes et qu’elles peuvent faire l’objet de majorité d’idées explicites ou implicites.
Je ne fixerai ici que les principes et les grandes lignes des principales mesures d’un tel programme en laissant volontairement à ce stade les modalités ouvertes.

Concentrée sur l’essentiel
Une telle politique suppose que l’on se concentre sur l’essentiel. Pour ce faire, il est indispensable de laisser les réformes totémiques au vestiaire, de renoncer aux gesticulations inutiles sur des sujets emblématiques qui, certes, permettent de mobiliser son camp mais qui en réalité, sont non seulement bien secondaires au regard de l’objectif de mobilisation nationale sur l’essentiel mais qui encore entretiennent des divisions préjudiciables.
Non seulement, il n’y a pas besoin de cliver pour progresser ; mais les clivages inutiles empêchent les progressions nécessaires.
Cette approche est d’autant plus actuelle qu’il s’agit – comme nous le verrons – non pas de « restaurer » mais de « refonder », d’adapter nos institutions et notre règle du jeu à une nouvelle époque. De telles refondations sociales pour être légitimes, acceptables et durables, se doivent d’être acceptées et comprises par une large majorité.
Ceci suppose encore que sur des sujets difficiles et complexes tels que l’immigration, l’éducation ou la sécurité pour lesquelles, dans la pratique du pouvoir, aucun camp ne s’est illustré par un bilan probant, des sujets dont on sait qu’ils nécessitent une politique longue menée sur plusieurs quinquennats, on recherche des approches consensuelles ou pour le moins que l’on mette fin aux postures.
Et de se souvenir que la politique, aujourd’hui, gagnerait beaucoup à la « décrispation » comme l’avait voulu Valéry Giscard d’Estaing à une autre époque.
C’est dans cet esprit que je veux maintenant présenter quelques orientations et quelques propositions qui peuvent servir de plateforme de réflexion pour les quelques bonnes volontés qui voudraient prolonger l’élan du 11 janvier pour réfléchir et agir ensemble.

CINQ LIGNES DIRECTRICES

Pour construire un tel programme, et pour en assurer la pédagogie, il faut préalablement définir les lignes directrices susceptibles d’offrir un cadre cohérent et rassembleur aux mesures suggérées. En voici cinq :

1 – NOUS NE SUBISSONS PAS UNE CRISE, NOUS VIVONS UNE MUTATION

Commençons par ce constat : nous ne subissons pas une crise, nous vivons une mutation.
Le passage des vieux États nations industriels à une société mondiale de la connaissance, entraîne de profondes remises en cause.
Remises en cause économiques dans la création de richesses dont la part immatérielle ne cesse de monter et dans une internationalisation toujours plus grande des produits et des services.
Remises en cause des États qui doivent s’adapter à ce nouvel âge de l’économie, revoir leurs normes juridiques, leurs services publics, leur fiscalité, les structures de leur protection sociale…
Il ne s’agit pas de restaurer le passé mais d’accompagner cette mutation, de déverrouiller l’avenir en transformant nos contraintes en innovations.
Une telle période de mutation est très délicate à conduire car c’est une période de destruction créatrice dans tous les domaines. On voit ce que l’on perd et l’on ne discerne guère ce que l’on va gagner. C’est une période de crispations et de peurs, propices à toutes les démagogies.
Nous devons cependant regarder l’avenir avec confiance.
Nous sommes au pied d’un Himalaya de progrès scientifique et technique (nano-technologies, biologique et génétique, nouvelles énergies…), et nous n’avons progressé que de quelques mètres.
Une nouvelle croissance se dessine. Elle est portée par l’innovation, l’invention de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux emplois, de nouvelles façons de fabriquer ou de vendre sur de nouveaux marchés.
Pour tirer parti de cette nouvelle croissance, la France se doit d’être compétitive.
La compétitivité d’un pays, c’est à la fois la compétitivité de ses entreprises et celle de son État.
Or, si l’État vit au-dessus des moyens des Français, les Français produisent en dessous de leur capacité. Et si notre dépense publique est trop élevée, des gains de productivité et d’efficacité considérables sont possibles.
A la différence d’autres pays, nous avons des marges d’action considérables pour doper la croissance et la compétitivité.

2 – NOUS SOMMES DANS UNE SITUATION FINANCIÈRE DANGEREUSE

La dette accumulée par la France au fil de décennies de fuite en avant dans la dépense publique, aggravée par la facture de la crise, est aujourd’hui devenue insoutenable. Seule l’action de la Banque Centrale Européenne nous permet de faire face.
Il nous faut de toute urgence stopper notre dérive de la dette, revenir à l’équilibre budgétaire et pour le moins à une situation de dette soutenable (c’est-à-dire à l’arrêt de la progression de la dette) et s’engager dans la voie du désendettement.
Bien entendu, nos problèmes ne sont pas isolés, notre situation ne saurait s’abstraire de celle de la zone euro.
Le refus des disciplines budgétaires qui devaient accompagner le bon fonctionnement de l’euro nous a conduits (ainsi que d’autres pays) à poursuivre des politiques de dépenses publiques et à accumuler des déficits qui nous auraient été interdits si nous étions restés au franc. Les taux d’intérêts auraient augmenté  et notre monnaie se serait dépréciée.
Avec l’euro, faute de pouvoir dévaluer, les déséquilibres accumulés nous conduisent aujourd’hui à une correction sévère.
Il nous faut donc retrouver la maîtrise de notre dépense publique et de notre dette.
Mais les seules coupes budgétaires ne sauraient suffire. C’est pourquoi beaucoup de pays – la Grèce, le Portugal, l’Espagne et dans une moindre mesure, la France – se sont engagés dans des politiques dites de « dévaluation fiscale ».
Il s’agit de faire varier les prix relatifs – le coût du travail, le coût des biens et des services… – par rapport à un pays de référence – ici l’Allemagne – pour obtenir l’équivalent d’une dévaluation. De telles politiques déflationnistes peuvent certes parfois être couronnées de succès mais ce sont des politiques dangereuses, très difficiles à manier.
Elles sont dangereuses politiquement car elles ont un très fort coût social. Elles sont dangereuses économiquement car toute remontée des taux d’intérêts réels porte le risque d’une dépression.
Dans un contexte de très faible inflation, à la fois pour permettre aux pays surendettés de gagner du temps – un temps qui devrait impérativement être mis à profit pour mener les réformes structurelles permettant de doper leur croissance potentielle – et à la fois pour fournir les liquidités qui permettent de lutter contre le risque de déflation, la Banque Centrale Européenne est conduite à pratiquer durablement une politique de taux d’intérêts 0 (par l’injection de liquidités et le rachat d’actifs longs).
Une telle politique a pour effet de fausser le signal du prix de l’argent (le prix du temps et le prix du risque) nécessaire au bon fonctionnement d’une économie de marché.
Cette politique a hélas aussi pour conséquence de désorganiser le métier des banques, et de permettre à des entreprises ou des États endettés de se maintenir artificiellement, ce qui mine la compétitivité et réduit le potentiel de croissance.
Elle porte ainsi le risque d’enfermer la zone euro dans une sorte de « stagnation-déflation » à la japonaise.
La seule voie possible pour éviter la trappe de la dette est que la croissance soit supérieure aux taux d’intérêt. Or, la croissance potentielle – celle que l’on atteint par beau temps économique – a sans doute pour la France régressé bien en dessous de 1%.
Il n’existe donc ni pour la France – ni pour la zone euro – de sortie de crise sans croissance, sans une forte croissance.

3 – IL Y A URGENCE SOCIALE

Il existe aujourd’hui une France vulnérable, une France délaissée, une France de la misère qui appelle des mesures d’urgence et des réponses durables.
C’est la France des précaires, celle du chômage, du chômage de longue durée et des travailleurs pauvres. Celle de l’exclusion et de la relégation dans ces quartiers que faute de mieux on appelle « sensibles » et qui constituent de plus en plus un monde à part, un monde qui décroche et qui s’enferme. Celle des fins de mois difficiles pour un nombre toujours plus grand de français.
La part des dépenses contraintes ne cesse d’augmenter, du loyer aux dépenses téléphoniques en passant par le chauffage.
Le « reste à vivre » c’est-à-dire la part d’argent que l’on peut librement affecter aux vacances, au restaurant, au cinéma, à de petits cadeaux, celle qui fait le bonheur de vivre, ne cesse de se réduire. Les fins de mois sont de plus en plus difficiles et l’angoisse d’une dépense imprévue hante de trop nombreuses familles.
Il existe aujourd’hui un grand décalage entre les réalités de ces fins de mois difficiles des trop nombreux Français et le spectacle d’une France de l’argent facile, décalage qui nourrit un sentiment d’injustice.
Cette situation sociale constitue une priorité politique pour laquelle il faut savoir engager des mesures fortes pour retrouver la croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat et mettre en œuvre en urgence des mesures non conventionnelles de protection et de réinsertion sociales pour les plus vulnérables.
Cela étant, la seule approche par la redistribution, la lutte contre les inégalités et la croissance des dépenses publiques est dans l’impasse.
D’abord parce que l’on n’a jamais autant dépensé pour le social ou pour  l’emploi. Ensuite parce que le « social » au sens large, connait aujourd’hui une crise d’efficacité, parfois de légitimité. Enfin, parce que les moyens de cette redistribution nous sont aujourd’hui comptés.
Pour faire face, il nous faut de la croissance bien sûr – pas de bonne politique sociale sans croissance – mais il nous faut aussi explorer de nouvelles voies pour un État social efficace et faire vivre plus que jamais l’exigence de justice sociale.
Nous devons faire le choix d’un État social qui assure un filet de sécurité sociale protecteur en offrant un revenu minimum de solidarité à ceux qui sont durablement privés d’emplois, à ceux qui sont enfermés dans le précariat ou encore aux travailleurs les plus pauvres qui luttent à la limite de la survie, conforme à l’idée que nous nous faisons de la dignité humaine. Un État social qui assure aussi le bon fonctionnement et l’équilibre de nos systèmes d’assurance et de prévoyance  sociale.

Nous devons aussi reposer la question des inégalités. Elle ne se résume pas à celle des revenus, c’est aussi celle de l’inégalité face aux opportunités.
La justice sociale aujourd’hui se doit d’être  une politique active d’émancipation, de recapitalisation en matière de formation, d’ouverture d’opportunités en direction des plus démunis et de tous ceux qui souhaitent évoluer. Ce serait d’ailleurs là, me semble-t-il, s’inscrire aussi dans la continuité de l’histoire de la gauche.


4 – CHANGER DE CAP POUR UNE NOUVELLE CROISSANCE

Pour faire face à des déficits et à notre dette, à la paupérisation d’un nombre grandissant de Français, pour créer des emplois et relever les défis du futur et notamment ceux du vieillissement de la population nous avons donc impérativement besoin de croissance.
Actuellement, la politique économique dominante tant à droite qu’à gauche ou au patronat, repose sur l’idée que les entreprises ayant distribué depuis près de 15 ans davantage de salaires qu’il n’y a eu de gains de productivité, il nous faudrait aujourd’hui impérativement baisser le coût du travail pour retrouver notre compétitivité.
Notre appartenance à l’euro nous interdisant une dévaluation externe, il s’agit d’effectuer ainsi ce que les économistes appellent une dévaluation interne, c’est-à-dire une baisse des prix du made in France.
C’est le raisonnement économique qui se trouvait hier derrière l’idée de TVA sociale qui, aujourd’hui, explique le CICE, le Pacte de responsabilité et les baisses de charges associées.
Il s’agit là d’une politique qui est à la fin extrêmement coûteuse – plus de 40 milliards – et très peu efficace en terme de compétitivité compte tenu du saupoudrage des subventions sur l’ensemble des entreprises et de leur concentration sur les bas salaires.
Notre coût du travail est trop élevé ? Certes, mais par rapport à quoi ? Par rapport à d’autres pays peut-être mais où s’arrêter dans cette course aux bas salaires ?
La réalité, c’est que notre coût du travail est trop élevé par rapport au capital investi. Et que nos déficits sont trop importants par rapport à la richesse nationale mesurée par le Pib.
Plutôt que de poursuivre toujours plus loin une politique de déflation salariale, nous devons nous concentrer sur quelques mesures fortes susceptibles de favoriser une nouvelle croissance tirée par l’investissement et l’initiative des plus entreprenants.
Plutôt que de couper toujours plus à l’aveugle dans nos dépenses publiques, nous devons chercher avant tout l’efficacité de la dépense publique, repenser l’action publique et redélimiter son champ.

5 – UNE NOUVELLE APPROCHE POLITIQUE

Nous avons besoin d’une nouvelle approche politique. Il faut en finir avec le recours au Président providentiel et les engagements égocentriques
« Moi, Président »…
Après tant d’années d’impuissance publique, ce « faites-moi confiance » des politiques a d’ailleurs perdu beaucoup de sa crédibilité. D’autant que pour la plupart des candidats qui se profilent, ce « faites-moi confiance » signifie en réalité « refaites-moi confiance, redonnez- moi le pouvoir et, cette fois, vous allez voir ce que vous allez voir, je ne vous décevrai pas ».
En fait, c’est tout un système de pouvoir et de décision qui est aujourd’hui usé. Celui qui, de la droite à la gauche, du centre aux extrêmes, invite les français à faire toujours davantage confiance à l’État. La centralisation française, c’est « l’apoplexie au centre et la paralysie aux extrêmités ». Dans les pays de l’Est, peu avant la chute du mur de Berlin, on disait « le sommet ne peut plus, la base ne veut plus ».
Le fil directeur d’une nouvelle approche de l’action publique, c’est celui de la redistribution des pouvoirs au profit des consommateurs, des citoyens, des entreprises.
Retrouver la confiance des français, c’est leur faire davantage confiance. Et leur offrir de plus grandes libertés d’agir et de choisir dans tous les domaines.
Peut-être un jour faudra-t-il donner une traduction institutionnelle et constitutionnelle à cette nouvelle approche. Mais ce ne saurait être à l’ordre du jour. La flexibilité des institutions de la Vè République permet aujourd’hui, pourvu qu’on le veuille, cette nouvelle pratique du pouvoir.
Après le sage constat de Lionel Jospin « L’État ne peut pas tout », une formule heureuse utilisée par François Hollande à plusieurs reprises et empruntée à Jacques Delors – « mettre la France en mouvement » peut servir à illustrer notre projet.
Mettre la France en mouvement aujourd’hui, c’est libérer la créativité et l’innovation  dans tous les domaines, économique, culturel, administratif… et social.
Le rôle des politiques aujourd’hui n’est pas d’administrer une purge mais de conduire une mutation.


Un programme de rassemblement

Nous avons donc besoin de croissance. Parce qu’elle est le seul vrai moyen de réduire notre dette et de combattre nos déficits. Parce que la croissance et le plein emploi constituent  assurément le socle de toute bonne politique sociale, la seule vraie réponse à la précarité, au chômage, à l’angoisse d’un nombre de français devant des fins de mois de plus en plus difficiles.
La croissance est inséparable de la compétitivité. Et dans un monde ouvert, nous l’avons vu, la compétitivité de la France, c’est à la fois :

-          La compétitivité des entreprises et de l’économie
-          La compétitivité de l’État et des systèmes sociaux


Partie 2- La compétitivité des entreprises et de l’économie


Nous avons besoin d’une politique audacieuse de libération de la croissance.
Cette politique repose sur quatre piliers

1.         Une fiscalité résolument pro croissance
2.         Davantage de concurrence
3.         La modernisation du droit du travail
4.         Une mobilisation pour la formation professionnelle


1.        UNE FISCALITÉ PRO-CROISSANCE

Vouloir une fiscalité pro croissance, c’est se concentrer sur les baisses des impôts et des charges qui brident notre croissance, c’est-à-dire essentiellement notre fiscalité de l’épargne et du patrimoine, la taxation marginale des créateurs de richesses (impôt sur le revenu + charges sociales) et l’impôt sur les sociétés.
La croissance se fait par nature à la marge. Elle est le fruit d’une augmentation de la population active, des initiatives d’entrepreneurs qui créent de nouveaux produits ou de nouveaux services qui inventent de nouvelles façons de produire ou de vendre et qui mobilisent du capital pour cela.
La croissance, c’est le mélange du capital et des talents. Pour doper la croissance, le capital doit être encouragé et le talent récompensé.

Retour à la normale européenne
Si une hausse de la fiscalité pouvait être une nécessité et un choix d’urgence, elle ne saurait être un choix pérenne.
S’il n’est pas anormal dans une période de redressement de demander un effort à ceux qui peuvent le plus le supporter (et sans doute les détenteurs de capital et les personnes aux revenus les plus élevés étaient prêts à cet effort fiscal si cet effort avait été présenté d’une part, avec des objectifs précis, à l’instar des contributions de solidarité liée à la réunification allemande et d’autre part, avec une durée limitée), c’est une erreur profonde que de présenter cette fiscalité anormale comme juste et durable, avec in fine tout au plus un objectif de stabilisation.
Au point où nous en sommes, on ne doit pas demander aux gouvernements – qu’ils soient de gauche ou de droite – d’imaginer des remèdes originaux, d’inventer un nouveau modèle français mais plus prosaïquement, dans un monde où les États tout comme les entreprises sont en concurrence, de faire le choix d’une fiscalité compétitive.
Il ne s’agit pas de s’aligner sur le moins-disant fiscal, ni même sur la moyenne européenne, mais de se mettre en phase avec les pays nordiques européens ayant, comme la France, un fort taux de dépenses publiques et sociales.
Nous devons avoir une fiscalité compétitive et non punitive, une « fiscalité normale » résolument pro-croissance. Une fiscalité plus légère, plus simple et plus compréhensible.

Agir sur la fiscalité personnelle
Dans une société de créativité, la surtaxation des talents constitue un handicap majeur. Or, avec le cumul de la fiscalité marginale sur le revenu de la CSG – CRDS, des effets de seuil de diverses allocations, nous avons sans aucun doute le record du monde de la taxation marginale des talents.
Notre coin fiscal et social marginal sur le seul travail – comme disent les économistes – approche les 75%.
Or, le comportement marginal des acteurs économiques les plus créatifs et les plus entreprenants est un déterminant fort de la croissance. Une réflrme de la fiscalité personnelle est nécessaire à la croissance.
En préalable à toute réforme, une clarification s’impose pour distinguer ce qui d’une part, relève de la solidarité nationale et donc de l’impôt et ce qui d’autre part, relève de l’assurance et des cotisations.
Pour faire simple, on peut dire que la politique familiale  relève de la solidarité, tout comme une part de la vieillesse, – le minimum retraite -, les allocations dues aux handicapés, une part des dépenses d’assurance maladie (la CMU et l’AME) ou encore la part de l’assurance chômage liée au chômage de longue durée, ou le RSA.
En revanche, les accidents du travail, la retraite ou l’assurance maladie doivent être considérée comme des assurances (certes à contraintes particulières). Elles doivent être responsabilisées par un principe d’équilibre entre cotisations et prestations.
Dans cet esprit, la CSG serait intégrée dans l’impôt sur le revenu qui s’afficherait alors payé par tous les français. Cet impôt sur le revenu serait alors prélevé à la source, composé d’une tranche proportionnelle, payée par tous les français (la CSG) et de 2 ou 3 tranches progressives.
Pour réduire la progressivité excessive qui pèse aux deux extrêmes de l’échelle des revenus, nous devrions – pour les hauts revenus – mettre cette progressivité en ligne avec la fiscalité européenne en agissant sur le taux marginal (et/ou en plafonnant les cotisations sociales).
En bas de l’échelle des revenus, il s’agirait d’offrir un filet de sécurité sous forme d’impôt négatif – ou de revenu familial minimum garanti – comme nous le détaillerons plus loin, ce qui renforcerait aussi les incitations au retour sur le marché du travail.

Agir sur la fiscalité du capital
Aucune croissance durable n’est possible sans une fiscalité compétitive sur le capital productif.
La mise en œuvre du slogan « taxer le capital comme le travail » et parachevé par la gauche a été une profonde erreur économique.
D’abord parce qu’il est absurde d’opposer  le capital et le travail. C’est le niveau du capital qui détermine le niveau des salaires. Non seulement au sein d’une entreprise mais aussi à celui d’un pays. C’est le niveau du capital en France qui fait que le coût d’une coupe de cheveux à Paris est supérieur à celui de Dakar même si la productivité des coiffeurs est la même.
Ensuite, parce que le capital n’est  qu’un revenu du travail épargné qui a déjà supporté l’impôt et qui va en payer encore bien d’autres lorsqu’il est investi dans une activité économique.
Si l’on entend préférer la recherche de la compétitivité par le haut, c’est-à-dire par l’investissement, l’innovation et la productivité, si l’on refuse d’aller toujours plus loin dans la diminution du coût du travail, il nous faut massivement recapitaliser nos entreprises et donc pour le moins offrir une fiscalité très compétitive sur le capital productif investi.
Si l’on veut taxer le capital, faisons le quand il s’immobilise ou quand il se transmet et non quand il est investi dans le fonctionnement de l’économie.

Le cas particulier de l’ISF
Assurément, au regard de l’objectif de « normalité » de notre fiscalité en Europe, l’ISF fait exception.
Mais l’ISF est devenu un tel marqueur idéologique qu’il peut être de meilleure politique de l’inclure dans une réforme d’ensemble de la fiscalité du patrimoine. Celui-ci supporte toute une série d’impôts (droits de donation et de succession, imposition des plus-values, droits de mutation à titre onéreux, prélèvements sociaux sur les revenus du capital…).
C’est ce bloc qu’il s’agit de ramener à la « normalité » européenne.
Il faut se donner aussi pour objectif d’éliminer les doubles ou triples taxations qui pèsent sur l’épargne et d’assurer autant que possible les neutralités fiscales entre les divers placements.
Dans une telle perspective, nous pouvons réformer l’ISF en soustrayant les investissements productifs (à l’instar des œuvres d’art !!) ou encore la résidence principale.
Nous pouvons également, après restructuration, en faire un à valoir sur les droits de succession au choix du contribuable.
Si l’on veut taxer la richesse, mieux vaut la frapper lorsqu’elle s’immobilise ou lorsqu’elle se transmet plutôt que lorsqu’elle se créé.

Des marges de manœuvre existent
D’un côté, l’État prélève beaucoup et même trop. De l’autre, l’État subventionne massivement, sûrement trop.
En effet, si nous sommes un pays aux prélèvements records, nous sommes aussi celui des aides records à l’économie et aux entreprises : bientôt plus de 150 milliards ! C’est-à-dire davantage que l’addition de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu, et des charges sociales patronales !
Bien sûr, toutes ces aides ne peuvent pas être redéployées, mais un grand troc favorable à la croissance et à l’initiative est possible. « Echange réduction de subvention contre réduction d’impôts et davantage de libertés ».
Sur un quinquennat, plusieurs dizaines de milliards peuvent sûrement être ainsi troqués contre des baisses d’impôts et contre des libertés entrepreneuriales.
Les entreprises, dont on comprend qu’elles soient attachées à des mécanismes de subventions devenus vitaux pour beaucoup  et qui ne viennent qu’adoucir les contraintes qu’on leur impose par ailleurs, devraient cependant réfléchir à une sortie prudente, progressive et négociée d’un tel système absurde, coûteux et aux multiples effets pervers.
Au surplus, lorsque certains impôts ont pour effet d’étouffer la croissance notre fiscalité ne maximise sûrement par les recettes fiscales potentielles (c’est l’effet Laffer). Et l’on peut obtenir des recettes fiscales équivalentes et même supérieures en baissant les impôts, en concentrant cette baisse sur les impôts qui pèsent le plus sur la croissance.

2.     L’OUVERTURE À LA CONCURRENCE

Dans une telle époque de mutation et d’innovation, le bon fonctionnement des règles de concurrence est essentiel pour permettre au « neuf » d’émerger.
Il est dans la nature humaine et dans la nature des entreprises de chercher à se protéger de la concurrence. Au fil du temps, pour de bonnes et de mauvaises raisons (caractère de service public d’une activité, protection du consommateur ou du producteur…) on a multiplié les situations de rente.
La récente reconnaissance par les socialistes des vertus de la concurrence ouvre la voie au grand déverrouillage économique de l’économie française.
Ouvrir la voie d’une nouvelle croissance, c’est ouvrir à la concurrence les secteurs protégés, élargir la sphère du marché soumis aux lois de l’efficacité économique pour multiplier les opportunités entrepreneuriales.
Mais cette ouverture à la concurrence ne concerne pas seulement les activités marchandes. Elle doit englober autant que faire se peut les activités publiques afin d’introduire de la compétition dans nos grands systèmes publics (l’assurance-maladie, l’éducation…). A l’instar des sociales démocraties réformées d’Europe du Nord.
Cette remise en cause est difficile politiquement car la pression politique des minorités rentières est très forte quand le coût de leur rente est masqué et dilué sur l’ensemble des contribuables ou des consommateurs.
Elle l’est d’autant plus que ces rentes fort anciennes ont été souvent rachetées par ceux qui en bénéficient aujourd’hui (le numerus clausus des chauffeurs de taxis à Paris s’est capitalisé dans la valeur des plaques rachetées par les actuels chauffeurs et considérées aujourd’hui comme un capital retraite auquel on ne saurait toucher), ce qui légitime leur résistance farouche.
C’est pourquoi, au-delà du choix politique, l’ouverture à la concurrence est affaire de méthode.
La théorie économique (l’école des choix publics) et la pratique internationale fournissent de précieux principes d’actions, hélas très largement ignorés en France sur les techniques de rachat, d’échange ou d’extinction des rentes ou encore sur la mobilisation des bénéficiaires des réformes, sur l’expérimentation…
Ainsi, si des lois sectorielles spécifiques peuvent être nécessaires, il est possible de procéder aussi par des lois générales, réaffirmant la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que le principe de concurrence afin de permettre aux tribunaux d’autoriser, sous certaines conditions, l’activité de nouveaux acteurs concurrents (en s’aidant en tant que de besoin des avis de l’Autorité de la concurrence, ou en confiant à cette Autorité elle-même ce pouvoir judiciaire).
S’agissant de la sphère publique, on peut aussi permettre aux entreprises privées, aux associations, ou à un groupe de fonctionnaires, de « challenger » une activité publique en proposant le même service, à résultat identique ou meilleur avec une liberté de moyens et une économie financière.
Un tel dispositif pourrait s’inscrire dans le cadre d’un « statut de l’expérimentation ».

 3.        MODERNISER NOTRE DROIT SOCIAL, FAIRE FONCTIONNER LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Notre droit du travail a été créé par et pour la civilisation de l’usine : emploi à durée indéterminée, horaires réguliers, salaires fixées garanties négociée dans le cadre de conventions collectives assurant une uniformité de traitement selon l’ancienneté, le grade, le métier exercé…
Ce droit du travail trop pesant, constitue aujourd’hui un frein à l’innovation. Sa rigidité devient insupportable lorsque l’économie est en pleine mutation et que les entreprises doivent faire preuve de souplesse. Une rigidité qui se retourne souvent contre ceux que l’on veut protéger.
Il est possible aujourd’hui de faire évoluer notre droit du travail en laissant le contrat individuel et collectif organiser les rapports de travail dans un cadre plus souple est tout aussi protecteur.
Dans un article publiée par Le Monde en juin 2011, François Hollande, alors candidat potentiel à la présidence de la République avait proposé d’inscrire une véritable autonomie normative des partenaires sociaux dans la Constitution. En clair, il souhaitait donner force de loi aux contrats conclus sous certaines conditions par les partenaires sociaux.
Cette proposition s’est plus tard atténuée et diluée dans la promesse d’inscrire dans la Constitution le droit des partenaires sociaux  à être consultés avant tout projet de loi les concernant (ce qui fait aujourd’hui l’objet d’une simple loi).
En fait, un tel mélange des genres n’est pas souhaitable. Les partenaires sociaux n’ont pas vocation à être des coproducteurs législatifs mais à devenir des producteurs autonomes de règles dans le cadre de lois générales.
Il serait bon de revenir à la proposition initiale de refondation sociale soutenue par François Hollande.
Pour cela, il faut retracer la frontière entre le contrat et la loi.
Ce qui n’est pas chose facile car la notion envahissante « d’ordre public social » et le « principe de faveur » (qui ne permet de déroger à des normes que dans un sens plus favorable aux salariés) réduisent l’espace du dialogue social et la possibilité d’accords « gagnant – gagnant ». Cette situation particulière du droit social tient au caractère déséquilibré de la relation contractuelle, conséquence de l’état de subordination du salarié.
Vouloir aujourd’hui  élargir le domaine du contrat par rapport à celui de la loi suppose à la fois que l’on délimite plus étroitement la part du droit du travail que l’on considère d’ordre public absolu et que l’on définisse les règles de procédure et de représentativité qui permettent de conclure des accords et conventions dans des conditions d’équilibre pour leur permettre de  devenir la loi des parties.
Le droit actuel ne s’appliquerait alors que par défaut en cas d’absence de tissu conventionnel.
Curieusement, le droit de la durée du travail est à l’avant-garde de cette évolution nécessaire.

La durée du travail et les 35 heures
Les 35 heures apparaissent pour la droite et pour de nombreux chefs d’entreprises comme une contrainte dont il faudrait aujourd’hui se débarrasser.
Mais la réalité est quelque peu différente.
D’abord parce que dans l’application des 35 heures, beaucoup d’entreprises ont trouvé une flexibilité longtemps souhaitée.
Ensuite parce que les baisses de charges provisoires qui accompagnaient la mise en œuvre des 35 heures ont été élargies et prolongées.
Enfin, parce qu’il est surréaliste à d’entendre les responsables du patronat réclamer la possibilité de déroger aux 35 heures au moyen d’accords d’entreprises et à de voir les leaders de la droite rivaliser d’engagements sur ce point alors que cette possibilité existe déjà avec la loi d’août 2008.
En effet, celle-ci permet en effet de convenir librement de la durée du travail par accord majoritaire dans l’entreprise. La convention d’entreprise prime alors sur la convention professionnelle et sur la loi.
Certes, les heures supplémentaires convenues doivent être payées en heures supplémentaires mais les parties peuvent limiter leur surcoût à 10%, c’est-à-dire par exemple 39 heures payées 39 heures ½.
Il serait de bonne politique d’inscrire les quelques aménagements qui pourraient s’avérer nécessaires -notamment l’extension de cette procédure au secteur public à la situation très difficile des hôpitaux – dans le cadre d’amendements à cette loi plutôt que de vouloir ressusciter inutilement un débat idéologique.

Contrat de travail et licenciement
Le constat est sans appel : l’excès de rigidité du CDI entraîne un développement disproportionné des CDD (80% des embauches) et ce faisant, le développement du précariat, véritable fléau social.
Le succès des ruptures conventionnelles (ni démission, ni licenciement) qui permettent une rupture amiable sans justification (même s’il faut combattre les abus qui visent à faire financer les pré-retraites ou les congés sabbatiques par l’assurance chômage), montre l’importance d’une réforme du droit du licenciement.
L’exigence d’une « cause réelle et sérieuse » de licenciement interprétée de façon très restrictive par la jurisprudence de la Cour de Cassation, fait redouter des contentieux sans fin aux chefs d’entreprises, et constitue un vrai frein à l’embauche en CDI. Ceci est particulièrement vrai pour les PME.
Il est parfois suggéré de remplacer ces contrats par un contrat unique avec des droits progressifs à l’ancienneté. Cette proposition ne saurait être retenue.
Le marché du travail a besoin d’une multiplicité de contrats adaptés à des situations très différentes pour bien fonctionner. Le contrat d’une caissière de supermarché, en totale situation de subordination sera par nature, différent de celui d’un jeune cadre d’une start-up bien armé pour discuter de son contrat et de son éventuelle association au capital.
En fait, l’idée de contrat unique cache sans doute pour beaucoup l’idée d’un socle contractuel minimum.
Plutôt que de proposer une diminution globale de la protection de tous, mieux vaut fixer ce socle d’ordre public par loi et laisser les partenaires sociaux fixer le cadre général des contrats spécifiques (qui pourraient, par exemple, prévoir des procédures contradictoires alternatives pour le règlement des conflits individuels ou collectifs).
Il serait aussi utile de mieux définir dans la loi le contenu de la « cause réelle et sérieuse » de licenciement afin d’encadrer la jurisprudence.

4.        UNE MOBILISATION GÉNÉRALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La formation professionnelle est au cœur de la reconquête de notre compétitivité.

Face à l’urgence sociale des jeunes sous qualifiés exclus du marché du travail, des moins jeunes enfermés dans un chômage persistant, nous avons besoin d’une mobilisation générale en faveur de la formation professionnelle. Une mobilisation qui peut nous permettre dans le même temps d’engager la restructuration indispensable de notre dispositif de formation professionnelle.
Les entreprises sont en première ligne de cette mobilisation, pour la formation professionnelle.
Il ne s’agit pas d’inventer un ènième contrat miracle mais de permettre de mettre en œuvre des formations diverses, adaptées, en offrant aux entreprises et aux partenaires sociaux les moyens et les outils.

Les moyens
Ce sont les contrats aidés existants auxquels on peut ajouter un nombre important de contrats d’avenir de durée variable assortis d’un devoir de formation.
L’accord sur la formation professionnelle de décembre 2013 a institué un compte personnel de formation (d’un maximum de 150 heures après 9 ans de travail). Cette direction est la bonne.
Dans le cadre d’une mobilisation générale pour la formation professionnelle, on peut imaginer l’octroi d’un crédit formation de X heures à tous ceux qui ont quitté le système éducatif depuis plus de trois ans et qui n’auraient pu bénéficier d’un second cycle.
Une partie de l’argent consacré à l’indemnisation des chômeurs et à la formation professionnelle pouvant être reconvertie dans ce capital éducatif de nouvelle chance. Et il est sans doute possible de mobiliser des crédits européens sur une telle initiative.
Ce nouveau « crédit individuel de formation professionnelle » offrirait aussi aux chômeurs la possibilité de souscrire par eux-mêmes – ou avec les conseils de Pôle Emploi – à une formation qualifiante – et mieux encore à des formations accompagnées d’offres d’emplois – permettant de réorienter ainsi en souplesse  notre système de formation vers des offres plus adaptées aux besoins des entreprises.
Nous passerions ainsi d’une logique de subvention aux organismes de formation à une logique de financement de la personne formée.

Les outils
Une telle mobilisation doit être l’occasion de moderniser notre formation professionnelle et de la mettre à l’heure de la révolution de l’éducation numérique éducative.
Il est possible, sans coût budgétaire supplémentaire, de numériser l’ensemble des meilleurs cours de notre formation professionnelle (sous forme de modules multi-supports interactifs) et de les ouvrir gratuitement à tous. C’est-à-dire de les mettre tant à la disposition des entreprises et des organismes de formation professionnelle pour  améliorer et moderniser leur façon d’enseigner apprendre, construire des parcours de formation. De les offrir aussi en accès direct (sur Internet et sur tablettes) à toutes celles et ceux qui veulent améliorer leur formation.
On favoriserait ainsi l’effort personnel de promotion professionnelle – comme autrefois avec les cours du soir et les bibliothèques publiques – sous la forme d’un  grand campus numérique des savoirs et savoirs faire professionnels en accès gratuit. Nous pourrions ainsi, avec des plateformes d’exercices en ligne, mettre le meilleur de la technologie des MOOCs que l’on développe dans l’enseignement supérieur, au service de la formation professionnelle.
Un tel dispositif de crédit formation individuelle pourrait non seulement répondre au besoin de formation des chômeurs mais encore offrir de nouvelles chances aux mal-formés de notre système éducatif et répondre aux défis de la formation tout au long de la vie.


La compétitivité de l’Etat et des systèmes sociaux


L’exigence de réduction de la dépense publique se traduit dans la pratique gouvernementale par des coupes budgétaires dans les dépenses de l’État, des collectivités locales et les dépenses sociales et la réduction programmée du nombre de fonctionnaires. A droite, on rivalise déjà dans l’affichage de ces coupes dans les budgets publics. Le problème, c’est que ces coupes, si elles permettent de réaliser des économies, diminuent le plus souvent le service rendu et se traduisent par la diminution du pouvoir d’achat.
Ce qui ne peut que renforcer les crispations et les oppositions.
Au surplus, cette stratégie de la hache n’améliore en rien la compétitivité de l’État et des systèmes sociaux.
Ce qui doit prioritairement retenir l’attention, que l’on soit de gauche ou de droite, c’est l’efficacité des dépenses sociales et de la dépense publique.
  • L’EFFICACITÉ SOCIALE

Notre État providence – comme tous ses homologues européens – est fourbu. Il connait une crise financière et aussi une crise de légitimité et d’efficacité.
Mais l’inévitable remise en cause de notre modèle social ne signifie pas la fin du social ni même la fin du haut niveau de protection sociale auquel les Français sont légitimement attachés. Au nord de l’Europe, des sociales démocraties réformées ont dessiné un nouvel État social protecteur.
Il nous faut, nous aussi, reconstruire notre système de protection sociale et ses institutions : maladie, chômage, vieillesses ainsi que les prestations de solidarité qui protègent les plus faibles.

UN VRAI REVENU MINIMUM POUR TOUS
Les mécanismes de solidarité et d’assistance aux plus faibles que nous avons accumulés au fil du temps ont gagné en complexité et perdu en lisibilité et en efficacité.
L’urgence sociale nous invite à mettre en place un vrai filet de sécurité sociale pour tous, simple et lisible.
Aujourd’hui, la fusion du RSA et de la PPE pour créer une « Prime d’activité » a été annoncée pour 2016. Mais il faut aller plus loin et mettre en place un véritable impôt négatif.
D’où l’idée d’un revenu minimum de base ayant vocation à se substituer à nos minima sociaux (RSA, Prime pour l’Emploi, allocation de solidarité spécifique, allocation de parent isolé, chômage longue durée, allocation d’adulte handicapé, minimum vieillesse, minimum d’invalidité, allocation logement, exonération de la taxe d’habitation…).
Ce revenu de base serait accompagné par un complément de revenus dégressif en cas d’activité jusqu’à un certain plafond.
Ce qui permet à la fois de faciliter la reprise du travail pour celles et ceux qui sont enfermés dans la « trappe à inactivité » et de soutenir le revenu des « travailleurs pauvres ».
C’est là le mécanisme « d’impôt négatif » parfois proposé en France sous la forme d’un « revenu familial garanti ».
Un tel revenu a d’ailleurs failli être mis en œuvre par le gouvernement de Lionel Jospin, en 2000-2001, après que le Conseil d’Analyse Économique ait recommandé la création d’une « allocation universelle » ajustée sur la composition du ménage, se rapprochant le plus possible de ce qu’il appelait « le système idéal de l’impôt négatif ».
Cette idée reçut alors bien des renforts, celui de l’économiste Thomas Piketty, de Michel Rocard (qui publiera un article « crédit d’impôt : pas de timidité camarade ! »), et même le soutien du Président de la République Jacques Chirac. La majorité du Sénat qui proposa elle aussi un dispositif en ce sens en janvier 2001. Hélas, après avoir imaginé un crédit d’impôt imputable sur la CSG, cette proposition audacieuse se réduira – après son invalidation par le Conseil Constitutionnel -  à l’ajout d’une « Prime Pour l’Emploi » aux dispositifs sociaux existants.
La réforme fiscale dont nous avons tracé précédemment les grandes lignes (clarification entre impôts et cotisations sociales, intégration de la CSG dans l’IR, prélèvement à la source) pourrait aisément s’articuler sur cet impôt négatif.
Certes, des effets pervers sont possibles.
Ne va-t-on pas encourager les employeurs à maintenir les salaires au plus bas sachant que les bas salaires seront complétés par une allocation d’État ?
Ne va-t-on pas exagérément favoriser le temps partiel dès lors que cette rémunération est complétée par l’impôt ?
Ne risque-t-on pas de faire de ce revenu minimum un enfermement ou même un choix de vie ?
Ces critiques sont sérieuses. Mais, si des précautions sont assurément à prendre, il est facile d’observer que « l’impôt négatif » en simplifiant notre système social ne fait que rendre plus apparent des effets pervers qui existent déjà, dissimulés dans notre maquis social.
C’est pourquoi pour éviter que les mécanismes de filet de sécurité – c’est vrai du RSA comme de toutes les formes d’impôt négatif – ne finissent par enfermer leurs bénéficiaires, il est souvent proposé de les accompagner de politiques d’insertion (de « workfare) plus ou moins contraignantes.
Il ne saurait être question de fustiger « les assistés » comme le fait volontiers la droite mais d’offrir autant que possible des chances de sortir de l’assistance, du sentiment d’être inutile et rejeté par la société et de retrouver l’estime de soi dans un travail, fut-il d’utilité sociale au service de la collectivité.

DES RETRAITES A LA CARTE
Une nouvelle fois, malgré les réformes successives de 2003, 2010, 2013, la réforme des régimes de retraite s’invite à l’ordre du jour.
Les réformes « paramétriques » (on repousse l’âge de la retraite, on allonge la durée de cotisations…) ont montré leurs limites. Cette fois, une réforme « systémique » s’impose.
On peut dessiner les contours d’une telle réforme. Chaque euro cotisé donnerait droit à des points, comme dans les systèmes complémentaires Agirc-Arrco. Les pensions seraient proportionnées au nombre de points accumulés au cours de la vie. À cotisations égales, retraites égales.
Chacun pourrait choisir son âge de départ en fonction de sa situation personnelle, c’est la retraite à la carte, l’équilibre financier serait automatiquement assuré : la valeur d’un point serait déterminée en fonction des recettes des caisses. Seul l’argent disponible serait distribué. Un simple calcul économique, plutôt que des querelles politiques, permettrait de fixer la valeur du point.
Pour bénéficier d’une pension plus élevée, trois choix seraient possibles : travailler plus longtemps, cotiser davantage ou souscrire une retraite complémentaire.
Ce système devrait être complété par un système d’épargne retraite complémentaire tel qu’il existe pour les fonctionnaires ou les professions indépendantes.
Un tel régime par points trouve aujourd’hui des partisans à droite, à gauche et au centre. Depuis longtemps, la CFDT prône une retraite par points calquée sur le modèle suédois, tout comme à gauche Jacques Attali, Thomas Piketty, Terra Nova ou Philippe Aghion.
Le PS lui-même a proposé un système qui s’y apparente : fondé sur un « compte temps » qui permettrait une « retraite choisie ».
Ajoutons qu’un système par points permettrait l’intégration progressive de tous les régimes au sein d’un régime universel incluant les régimes spéciaux.
La pluriactivité ne serait plus pénalisée : les points acquis en tant que salarié du privé, puis en tant qu’indépendant ou que fonctionnaire s’additionneraient simplement. Les actifs menant de front plusieurs activités cumuleraient leurs points.
Un régime de vrais droits ferait assurément apparaître des problèmes de pension minimum ou de catégories marginalisées pour lesquelles il est légitime de faire appel à la solidarité nationale et donc à l’impôt.
La différence politique autour d’un système par points se cristalliserait sans doute sur la part réservée à cette solidarité nationale et sur le type d’impôt mobilisé, mais cela aurait alors le mérite de se faire sur des bases claires.

RECONSTRUIRE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ
Le déficit persistant de notre assurance maladie appelle une réforme structurelle.
Depuis des années, on cherche à brider la croissance des dépenses de santé. On contrôle les prix, on dérembourse… ou l’on augmente les cotisations. Ce qui conduit à un transfert toujours plus important des remboursements de l’assurance maladie vers les assurances complémentaires et les mutuelles. Et tout ceci en vain.
Certes, le chômage pèse sur les recettes de l’assurance maladie mais ce qui est en cause fondamentalement, c’est la structure économique même de notre système de santé.
Car avec une santé administrée par l’État, nous avons certes des chiffres, mais ce ne sont par nature que des « tarifs »  et non de vrais « prix » au sens économique du terme. Les prix ont besoin pour apparaître de mécanismes de marché et de concurrence.
Ce n’est donc pas un système plus performant de contrôle des prix qu’il faut vouloir mettre en place, mais un système de formation de vrais prix.
Et pour cela, il faut donc repenser et reconstruire toute l’architecture de notre système de santé.
Il existe des règles économiques applicables au domaine de la santé qui permettent – tout en refusant la privatisation à l’américaine ou l’étatisation à l’anglaise – d’introduire une dose de concurrence indispensable au moyen de la délégation de gestion de services publics qui seule peut mettre les acteurs en situation de responsabilité.
Il s’agit d’établir – sous certaines conditions – une double concurrence entre d’une part les organismes qui assurent et d’autre part, les producteurs de soins.

Les assureurs 
Le moyen, c’est la délégation de gestion globale du risque au premier euro (car le risque maladie ne se divise pas).
Cette délégation de gestion du risque maladie à des institutions d’assurance en situation de concurrence, serait organisée dans le cadre d’un cahier des charges garant de la solidarité nationale et de la non sélection des risques et allouant une cotisation maladie globale à l’institution d’assurance en fonction des caractéristiques actuariels de la population couverte par celle-ci (âge, sexe, affections de longue durée, etc…).
Les mutuelles et les complémentaires pourraient gérer l’assurance de base pour leurs membres.
En sens inverse, les caisses primaires pourraient proposer des assurances complémentaires (à l’instar de la Caisse d’Alsace-Moselle).
Le libre choix de l’assuré pourrait s’exercer individuellement ou par le biais de contrats d’entreprise.

L’offre de soins
Devenues autonomes et responsables, les institutions délégataires de l’assurance maladie négocieraient avec les hôpitaux, les cliniques, les médecins, se comporteraient non plus en « payeurs aveugles » mais en « acheteurs avisés » de soins pertinents et de qualité, négocient les prestations de santé dans les meilleures conditions, expérimentent de nombreux mode d’exercices de la médecine et de rémunération.
Le contrôle des prix des « fournisseurs de soins » serait alors exercé par les gens du métier qui ne s’en laissent pas compter et qui ont un intérêt direct à exiger le meilleur rapport qualité-prix.
Cette intégration verticale forte entre le financement du système et la production des soins, entraînerait une plus grande variété d’organisations et de relations contractuelles entre les différents professionnels de santé et les assureurs, et une plus grande efficacité.
On pourrait ainsi plus facilement développer des formes innovantes d’organisation de la médecine.
Cette architecture, dont l’expérience internationale montre qu’elle est plus moderne et plus efficace, se situe dans la droite ligne de nos assurances sociales et de nos mutualités ouvrières d’autrefois.

LIBÉRER L’INNOVATION SOCIALE
Mettre la France en mouvement, c’est aussi favoriser l’innovation sociale, l’engagement citoyen, l’initiative entrepreneuriale ou associative au service du social.
Cette innovation sociale est d’autant plus nécessaire qu’émerge une nouvelle approche de la justice sociale privilégiant l’ouverture d’opportunités à ceux qui sont en bas de l’échelle sociale.
Cette nouvelle approche s’inscrit d’abord dans le cadre d’une conception moderne de la justice sociale qui privilégie l’ouverture d’opportunités à ceux qui sont en bas de l’échelle sociale et l’augmentation du niveau de vie par la croissance plutôt que par la redistribution. Cette nouvelle approche procède aussi d’un renouveau politique de l’attention aux autres et de la prise en compte de l’empathie naturelle des êtres humains.
Une empathie souvent étouffée par des mécanismes de solidarité étatiques qui non seulement conduisent à une solidarité froide, bureaucratique et dispendieuse, mais encore à une atrophie des vrais sentiments de solidarité :
«Pourquoi m’occuper de mon voisin dans la détresse ? Il y a des fonctionnaires pour cela, payés par mes impôts !»
Cette conception d’une solidarité de proximité, plus efficace et plus chaleureuse, se retrouve dans les conceptions très diverses telle celle du «care» mise en avant par Martine Aubry.
C’est d’ailleurs là l’idée –liée à un projet d’amélioration intellectuelle et morale – qui a engendré la pensée fédéraliste, le mouvement mutualiste, les coopératives, des courants novateurs dans l’éducation (de l’Ecole Emancipée à la pédagogie Freinet) jusqu’aux idées récentes d’autogestion. C’est de cette approche que sont nées les caisses d’épargne et les premières sociétés de secours mutuel à l’origine de nos assurances sociales.
Il faut savoir aujourd’hui mettre l’initiative privée et associative au service du social.
L’innovation sociale c’est l’ouverture de missions d’intérêt général à l’initiative privée ou associative.
Pour accompagner ce mouvement, l’État pourrait créer avec la caisse de dépôt des « obligations à impact social » à l’instar d’autres pays.
Il s’agit de fixer aux porteurs d’initiatives sociales des objectifs de résultat en leur laissant la liberté de moyens. Si  tel résultat est atteint, le financement obligataire fonctionne. Si tel objectif est dépassé, l’innovateur tire un profit convenu. Si le résultat minimum fixé n’est pas atteint, il subit une perte.

Permettre le développement d’une économie non marchande
Depuis toujours la propension à coopérer, à échanger, est le moteur du progrès. Mais cela dépasse la seule économie marchande.
Une large part de l’activité humaine échappe à l’univers marchand et au calcul économique. Le travail domestique et le métier de parents, le bénévolat et l’entraide, les activités privées d’intérêt général, l’autoproduction et le troc, le bricolage ou le jardinage, autant d’activités qui ne rentrent pas dans le calcul du PIB.
La nouveauté est que cette part non marchande de la société, loin d’être une survivance du passé destinée à être toujours davantage grignotée par les avancées de la société marchande apparaît comme constitutive d’un nouveau système de richesse lié à notre entrée dans la société ouverte de la connaissance.
Les technologies numériques, les échanges sur le Web et les réseaux sociaux contribuent au développement de cette nouvelle dimension de la richesse. Les conseils de dépannage, l’acquisition de connaissances, la formation, la prévention en matière de santé, l’enseignant qui prépare son cours pour l’utiliser sur un tableau blanc interactif pour l’échanger avec un autre enseignant qui va l’adapter ou l’améliorer sont autant d’exemples de contributions à la richesse en dehors de la sphère marchande.
La connaissance numérisée, qui est de plus en plus au cœur de la création de nouvelles richesses dans la  nouvelle civilisation du savoir, échappe d’ailleurs largement à l’économie marchande. La connaissance est le seul bien qui ne vous appauvrit pas lorsque vous le partagez.
L’immense majorité des connaissances de l’humanité est aujourd’hui disponible gratuitement sur le Web.
Le coût de reproduction et de diffusion de ce savoir numérique est quasi nul.
Et sous un régime de licence libre, le partage de connaissances produites permet l’enrichissement permanent à la manière de Wikipédia, de Linux et de l’open source.
Si l’on considère enfin la connaissance comme la source d’énergie de la nouvelle économie, celle-ci est non seulement inépuisable mais en expansion à la différence des ressources naturelles.
Il apparait alors clairement que la part non marchande de la création de richesse contribue non seulement au développement de l’économie marchande mais qu’elle induit encore une dynamique de productivité (même si celle-ci est mal prise en compte dans la comptabilité, ce qui permet à certains d’imaginer une panne du progrès !).
Pour favoriser les échanges non marchands, éviter les problèmes fiscaux et sociaux que génèrent ces échanges mal appréhendés par les administrations – on pourrait créer un « statut de l’entraide » à l’instar du statut de l’autoentrepreneur pour les activités marchandes.
Cette dynamique d’innovation sociale peut se déployer dans tous les domaines : la santé et la prévention, les transports, la construction, l’environnement, le développement durable, l’école, le soutien scolaire, la réinsertion des décrocheurs, les crèches, la dépendance, les sans-abri, la réinsertion des délinquants, la création d’entreprises dans les quartiers…

  • L’EFFICACITÉ DE L’ÉTAT ET DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
Le moins que l’on puisse dire  c’est qu’au regard de ce qui s’est fait dans de nombreux pays, les efforts de réduction de la dépense publique française ne sont guère couronnés de succès.
Au surplus, les coupes budgétaires, les réductions autoritaires du nombre de fonctionnaires désorganisent ou affaiblissent l’exercice des missions de l’État.
La surenchère verbale de la droite sur les économies que l’on promet de réaliser ou sur le nombre de fonctionnaires que l’on entend supprimer manque de crédibilité.
Il nous faut changer d’approche et promouvoir d’abord l’efficacité de la dépense publique. Les économies n’en sont que la conséquence.
Il ne s’agit pas tant de couper davantage dans les dépenses de l’État car la marge de manœuvre restante pour les coupes budgétaires est étroite, que de refonder l’État, de repenser son organisation et ses missions.
Un rapport de l’OCDE avait justement noté que pour la France, « une baisse sensible des dépenses passe par une remise en cause profonde du rôle et du mode d’intervention de l’État dans divers domaines ».
Pour réduire vraiment la dépense publique, il nous faut réduire le périmètre de l’État, redéfinir ses missions, et passer au crible toutes ses fonctions : cette tâche, cette mission est-elle nécessaire ? Faut-il que l’État l’exécute, l’externalise ou la délègue ? Faut-il que le contribuable la finance ? Si oui, comment accroître son efficacité ? Si non, comment la concevoir et l’exécuter autrement ? Bref, il faut accroître la part du marché soumis à la concurrence et aux choix individuels, réduire la part de notre économie soumise aux choix collectifs exprimés sur le marché politique.
Il faut – à l’exemple des sociales démocraties nordiques réformées – revisiter le périmètre de l’État en accroissant la part des activités d’intérêt général soumise à la concurrence et aux choix individuels par rapport à celle qui est soumise aux décisions politiques et aux choix collectifs.
L’efficacité de la dépense publique n’est pas une question de droite ou de gauche. C’est une question de méthode. Beaucoup de missions d’intérêt général peuvent être déléguées, concédées, ouvertes aux partenariats et faire appel à l’initiative associative.
La révolution numérique est un levier de changement et d’innovation. Et bien évidemment, les fonctionnaires doivent être pleinement impliqués dans cette mutation.

Sur le statut des fonctionnaires
Diverses propositions s’avancent à droite : supprimer le statut des fonctionnaires, le réserver aux fonctions régaliennes, promouvoir des CDD de 10 ans…
Sans doute la question de l’application d’un statut de fonctionnaire au-delà des fonctions régaliennes pour des emplois souvent analogues au privé est-elle discutable (faut-il être fonctionnaire pour planter des arbres au bord des routes ?), mais au moment où il est nécessaire d’entraîner et de mobiliser les fonctionnaires dans la transformation de l’État, agiter cette question du statut est inutile et sûrement contre-productif.

Sur les 35 heures
La question du temps de travail dans la fonction publique se pose. Mais là encore, il est contre- productif d’imaginer un retour autoritaire aux 39 heures.
Comme l’a noté la Cour des Comptes, il serait déjà de bonne gestion, d’aligner la durée réelle du travail sur la durée légale.
Pour le reste, on peut imaginer d’étendre au secteur public la loi du 25 août 2008, laissant une liberté contractuelle pour fixer la durée du travail. Cette question pouvant être abordée dans des contrats de modernisation de l’État négociés au plus près des services en intéressant les fonctionnaires aux gains d’efficacité.

Sur la réforme territoriale et les collectivités locales
La réforme territoriale a posé la question de la taille des collectivités locales. Il y aurait un gain à fondre les départements dans les régions et à agrandir les régions. On peut sérieusement douter des économies que sont censés réaliser ces fusions ou ces agrandissements.
La question essentielle de l’efficacité de la dépense publique locale n’a pas été posée. Elle reste d’actualité.
Cette question de l’efficacité se pose à peu près de la même façon que pour l’État : revisiter toutes les missions, déléguer, ouvrir à la concurrence, utiliser la révolution numérique…
A ce réexamen des missions des collectivités locales et des conditions de leur exercice doit correspondre une réforme de la fiscalité locale pour apporter des ressources fiscales claires et distinctes aux collectivités afin de mieux les responsabiliser.

SUR DIVERSES POLITIQUES PUBLIQUES

L’IMMIGRATION
Il est facile d’aller de flatter une opinion qui vit l’immigration comme un fardeau et l’Islam une menace. Il est plus difficile d’apporter des réponses concrètes et humaines aux questions posées par l’immigration.
En France comme dans de nombreux pays européens, l’idée que les immigrés sont trop nombreux, trop différents de nous, trop coûteux pour notre économie et ruineux pour notre État-providence rencontre un fort écho populaire et alimente des partis xénophobes.
À l’en croire, il suffirait de restreindre les flux migratoires, y compris à l’intérieur de l’union européenne élargie ; de réserver le travail le logement ou les prestations de l’État-providence aux vrais citoyens ; de mettre fin au « laisser-faire multiculturaliste » qui permet aux musulmans de faire passer avant leur citoyenneté une identité religieuse dont certains principes ne s’accordent pas avec nos sociétés libérales et laïques.
On ne saurait nier les problèmes posés par l’immigration mais leur instrumentalisation politique est dangereuse et inutile car il n’existe pas de solution miraculeuse.
Les Français ont pu observer qu’au-delà des mâles déclaration de la droite, les différences réelles de politiques sont ténues.

Voici trois éléments d’approche:
Sur les flux migratoires
La même question se pose partout en Europe et sans aucun doute faut-il améliorer nos règles communes, les conditions de séjour, de travail ou de regroupement familial.
Mais la question des flux migratoires ne se résume pas au contrôle des frontières et de l’immigration légale.
On voit bien que quelle que soit la hauteur des barrières qui séparent le Mexique des États-Unis, les immigrés clandestins finissent par passer et posent à peu près partout les mêmes problèmes. Sauf que l’intégration par le travail fait toute la différence.
Car le premier facteur d’intégration, c’est le travail. Dans une économie de marché qui fonctionne, les économistes considèrent l’immigration comme globalement positive. Il est d’ailleurs il est facile d’observer comment les pays sont en compétition pour attirer les talents, ou comment aux États-Unis par exemple, le dynamisme entrepreneurial et innovateur se nourrit de l’immigration.
En fait, ce n’est pas l’immigration qui fait échec à l’État-providence. Ce sont les échecs de l’État-providence qui compliquent les solutions aux problèmes de l’immigration.
Les quartiers dits « sensibles » ne sont que le miroir grossissant des échecs de notre État-Providence.
C’est l’échec de notre urbanisme collectif qui enferme une part de notre jeunesse dans des cités ghettos, qui sécrète une culture de violence et de délinquance, en rupture avec notre société. L’échec des écoles ghettos de ces cités ghettos où les enfants sont assignés à résidence. L’échec de l’État à faire respecter la loi et à assurer la sécurité.

Sur la difficile question des prestations sociales.
Leur générosité joue assurément – même s’il n’est pas déterminant – un effet d’appel pour les candidats à l’émigration.
Les jeunes émigrés célibataires privilégieront les pays qui offrent des perspectives de travail quand les familles chercheront le meilleur filet de protection sociale.
Cela dit, les marges de manœuvre restent étroites même si elles ont une importance symbolique pour des milieux populaires qui ont le sentiment d’une sorte de « préférence étrangère » dans les hôpitaux ou l’attribution de logements.
Écartons les prestations d’assurance – assurance-maladie, assurance-chômage, assurance- vieillesse – qui ne sont que les contreparties des cotisations des immigrés au travail.
Restent les prestations de solidarité dont il n’est pas choquant de vouloir limiter l’accès, ce qui est le cas en France pour le RSA ou le minimum vieillesse ou les allocations familiales (certes payées par des cotisations mais qui constituent en fait une politique de solidarité nationale.
Cependant, on ne voit guère comment, d’un point de vue humain et social, on pourrait exclure des enfants souvent nés sur le sol français ayant vocation à devenir Français.
Pas plus qu’on ne pourrait supprimer l’aide médicale ouverte aux étrangers qui répond – au-delà des considérations humaines – à des exigences de santé publique.
Le renforcement de la lutte contre les abus ou les quelques restrictions qui pourraient être apportées ne peuvent qu’avoir un impact limité.

Sur le vivre ensemble
Reste la grande question de l’écart culturel.
Trop de diversité complique la cohésion sociale et affaiblit la solidarité.
D’autant que la montée d’un islamisme radical aggrave les problèmes, exacerbe les tensions et appelle une mobilisation de l’islam de France pour le délégitimer.
Il serait là encore absurde de nier les problèmes nés d’une coexistence difficile avec des étrangers, ou des jeunes issus de l’immigration, au comportement parfois agressif et arrogant. Seulement, cette diversité culturelle et religieuse est inséparable des libertés dans une société ouverte.
Assurément, il y a un déficit de savoir-vivre ensemble. Il ne suffit pas de respecter les lois, il faut aussi respecter les us et coutumes du pays qui vous accueille.
Ce savoir-vivre et cette civilité ont besoin de tuteurs sociaux.
Il est de bon ton de condamner le communautarisme et sans doute a-t-on raison s’il s’agit de communautés qui enferment et à plus forte raison des communautés dotées de droits spéciaux qui institueraient l’apartheid. En revanche, des communautés ouvertes peuvent être de puissants facteurs d’intégration, d’interface des cultures, d’apprentissage des règles de respect et d’un savoir vivre ensemble.
De même faut-il réfléchir et agir pour améliorer le fonctionnement des institutions qui, comme l’école, travaillent à forger ce savoir-vivre ensemble.
Le développement d’une contre culture des « incivilités » et d’un mode de vie délinquant est une question qui, même si elle ne saurait être confondue avec l’immigration, est néanmoins concrètement vécue comme partiellement liée à l’immigration, ou plus exactement liée en partie à la non intégration – pour les raisons que nous avons explicitées plus haut – de jeunes Français issus de l’immigration.
Ceci pose des questions pour la police et la justice.
Indiscutablement, notre ordre social souffre de voir des jeunes multi-délinquants, multirécidivistes, échapper à toute peine, de voir des comportements agressifs, y compris vis-à-vis des forces de l’ordre, rester impunis.
En réalité, ce sont là moins des questions de police que des questions de justice et de politique pénale.
Les économistes spécialistes du « marché » de la délinquance et du crime savent que plus la barrière d’entrée sur ce « marché » est haute – c’est-à-dire le risque d’être arrêté, d’être condamné et d’effectuer une peine suffisamment dissuasive – mieux la délinquance est combattue.
Or, faute de place dans les prisons ( qui tendent à devenir des écoles de l’islamisme radical ou tout autre durcissement identitaire), faute surtout d’établissements d’accueil adaptés aux mineurs délinquants et à leur réinsertion, des peines dissuasives ne sont ni prononcées ni exécutées.
La question des moyens donnés à notre justice est une question cruciale.
Tout ceci appelle une politique alliant fermeté et humanité, installée dans la durée et résistante aux alternances politiques.

LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Un effort d’investissement de grande ampleur est nécessaire pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique liés au développement durable et à la transition énergétique.
Le principe même de l’efficacité énergétique – innover et investir pour consommer moins et dépenser moins – veut que de tels investissements soient – dans leur principe – rentables avec un temps plus ou moins long de retour sur investissement.
Répondre aux défis de la transition énergétique exige de bâtir une industrie financière spécifique permettant d’accompagner les nouvelles industries de l’efficacité énergétique.
En s’inspirant des mécanismes mis en place à l’étranger, il est possible de financer en France des travaux considérables en matière d’efficacité énergétique à condition de donner une valeur sûre aux économies d’énergie réalisées.
Il existe en effet dans de nombreux pays des sociétés de services énergétiques qui se rémunèrent sur l’économie réalisée (autrefois les Sofergies en France).
Pour créer l’industrie financière de l’efficacité énergétique, il faut pouvoir sécuriser juridiquement les économies d’énergie, et standardiser les différents types d’efficacité énergétique afin de les titriser et de les transformer  en produits financiers.
Un fonds de garantie (permanent ou éphémère) pourrait être créé pour favoriser l’émergence de ce nouveau marché.
Des dispositifs de soutiens régionaux (esquissés en Rhône-Alpes et en Ile-de-France) pourraient être mis en place à l’instar de ce qui se pratique dans plusieurs États des États-Unis.
En titrisant les créances nées de cette sécurisation juridique de l’efficacité énergétique attendue, les marchés financiers assureurs pourraient apporter le financement nécessaire (au surplus considéré comme « Investissement Socialement Responsable »).
Un mécanisme viable de financement  des économies d’énergie pourrait consister à adosser des sociétés de financement à des Sociétés de Services d’Efficacité Énergétique.

L’ÉDUCATION
À l’aube de la nouvelle civilisation de la connaissance, notre progrès économique et social dépend plus que jamais l’éducation et de la formation.
À la mutation de notre société doit enfin correspondre une mutation de notre système éducatif et ce, depuis la maternelle et l’école primaire où « tout se joue ».
Celui-ci a besoin de beaucoup de souplesse pour s’adapter à la diversité des attentes, aux évolutions de notre société et des méthodes d’enseignement.
Cette adaptation ne se décrétera pas d’en haut. Elle sera l’œuvre des enseignants et elle partira du bas en permettant la mobilisation de l’intelligence collective des enseignants et de leur créativité.
Déjà quelques écoles différentes par leur organisation ou leur pédagogie (Freinet, Montessori…) font la preuve de leur utilité, de leur efficacité, de leur capacité d’adaptation à des élèves différents.
L’utilisation des technologies numériques – aujourd’hui le tableau blanc interactif (en fait la transformation d’un mur de la classe en écran géant numérique interactif) et la généralisation des tablettes – constitue une formidable opportunité de modernisation de nos systèmes éducatifs.
A l’heure actuelle, la créativité d’un enseignant ne franchit pas les murs de sa classe. La numérisation de la classe (Tableau blanc interactif, tablettes) en favorisant la création de ressources éducatives numériques libres de droits et leur échange dans un éco-système communautaire d’enseignants (chaque ressource pouvant être adaptée, enrichie par un autre enseignant) permet de « capitaliser » les gains de créativité des enseignants et de mobiliser leur intelligence collective.
Miser sur l’initiative et la créativité des enseignants, impulser une dynamique de changement et d’adaptation, c’est aussi permettre à des équipes enseignantes d’innover en optant pour un statut d’établissement autonome disposant d’une grande liberté des moyens (recrutements extérieurs, horaires, pédagogie, contenu…) dans le cadre d’un budget garanti (sur une base proportionnelle au nombre d’élèves accueillis) et avec évaluation des résultats.
Ce statut innovant pourrait être ouvert aux établissements sous contrats.

Voici quelques pistes pouvant servir de socle à une plateforme de propositions ouvertes au-delà des clivages traditionnels.
Je les livre à la discussion.

Par Alain Madelin




La nouvelle prime d’activité ne résout en rien l’empilement des aides sociales françaises, alors que la création d’un impôt négatif permettrait de le faire

Le premier ministre a annoncé mardi 3 mars la création d’une « prime d’activité », à destination des bas salaires et qui a pour intention de remplacer le revenu de solidarité active et la prime pour l’emploi. Ouverte aux jeunes, contrairement au RSA, elle a pour vocation à compléter les salaires modeste et à inciter les chômeurs à retrouver du travail.

Atlantico : Alors que la France doit prouver sa maîtrise budgétaire pour répondre aux critères de Maastricht, quel impact cet impôt négatif aurait-il dans les finances publiques ?

Alain Madelin : J’ai le sentiment que cet impôt négatif correspondrait à une rationalisation de l’Etat providence, avec une concentration d’aide à ceux qui en ont le plus besoin.

Il n’y aurait pas de coût supplémentaire. L’objet est d’avoir une protection efficace pour ceux qui en ont vraiment besoin. Comme le disait Tony Blair: « Il nous faut construire un filet de solidarité qui soit un tremplin, et non pas un filet qui enferme ».

A. : La solidarité de l’Etat se finance à travers de nombreuses ponctions, comme la CSG par exemple. Qu’en serait-il d’un impôt négatif ?

A.M : En réalité, l’impôt négatif aurait effectivement beaucoup plus de sens si l’on faisait une réforme de l’impôt sur le revenu qui engloberait la CSG – qui est en réalité un impôt déguisé. Et non pas avec pour perspective d’augmenter la progressivité de la CSG comme le propose Piketty, qui serait une folie alors que nous avons déjà le record de la taxation marginale sur le travail. Mais au contraire, dans l’esprit de proportionnaliser davantage l’ensemble impôt sur le revenu + CSG, avec une retenue à la source. Cela constituerait un dispositif simple, efficace, par rapport au mille feuille des diverses allocations sociales votées au fil du temps.

A. : En quoi un tel impôt pourrait-il pallier la désincitation au travail que les dispositions actuelles semblent provoquer ?

A.M : Il faut être clair sur l’idée qu’un impôt négatif a avant tout pour objectif d’être un filet de solidarité efficace. En effet, il permettrait de gommer l’effet de taxation marginale dissuasive du travail en bas de l’échelle des salaires.

En revanche, certains comme à gauche, ou libéraux comme Gaspard Koenig, évoquent un revenu universel pour tous. Je suis très réservé sur cette proposition qui alimente les mécanismes de l’assistance et qui donnerait à chacun un droit sur le travail des autres. Je défends le revenu minimum garanti. Il faut pour autant faire attention à ce que ce revenu minimum ne soit pas considéré comme un choix de vie : c’est la raison pour laquelle l’Angleterre, ou les Etats-Unis par exemple ont développé un « workfare », c’est-à-dire des emplois d’utilité collective pour sortir les personnes de l’enfermement éventuel dans ces revenus minimums.

A: Dans quelle mesure, selon vous, le système actuel n’est-il pas suffisamment incitatif à l’emploi ? Comment coupler ces deux objectifs que sont le fait d’assurer un revenu minimum pour tous, et d’inciter à un retour à l’emploi ?

A.M : C’est une question délicate. Indiscutablement cependant, lorsque le montant et la durée des indemnisations de chômage est moins généreuse qu’en France, on observe que le phénomène qui consiste à aller « prendre son chômage » existe moins.

Nous connaissons tous des gens qui « prennent leur chômage », qui l’utilisent au maximum, de manière répréhensible.  Il faut peut-être revoir les allocations chômage dans un sens plus incitatif, réformer dans le but d’inciter au travail est une bonne chose, mais cela n’aurait aucun sens de le faire dans une période où il n’y a pas d’emploi.

Cet article est initialement paru sur Atlantico.




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