mai 31, 2015

Dossier Réforme Territoriale + alternatives (libérales, fédérale et de droite)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


 Sommaire:

A) Une réforme territoriale respectueuse des collectivités et génératrice d’économies - De 36 000 à 2 500 budgets communaux De 101 à 50 départements - Mai 2015 - Sous la direction du préfet André Viau (HC) - FONDATION CONCORDE



B) La réforme territoriale - Mis à jour le 27 avril 2015 - Projet porté par Bernard Cazeneuve, Marylise Lebranchu, André Vallini - gouvernement.fr

C) La réforme territoriale - Valérie Mazuir - Dossier des Échos

D) La réforme territoriale est indispensable + 2 ! - Vincent Benard  - Le site de l'auteur -  via contrepoints
 
E) Réforme territoriale : l’inutile deuxième volet - Anthony Escurat - Trop Libre - Le site de l'auteur

F) La réforme territoriale Hollande : dernier avatar du jacobinisme - Jean-Philippe Feldman - Contrepoints

G) Réforme territoriale : regard fédéraliste sur un projet jacobin - Ferghane Azihari - http://fazihari.eu/

H) Réforme territoriale - Voir ici les différents posts d'auteur(e)s sur Contrepoints




A) Une réforme territoriale respectueuse des collectivités et génératrice d’économies - De 36 000 à 2 500 budgets communaux De 101 à 50 départements - Mai 2015

Le projet de réorganisation des collectivités que nous proposons est avant tout réaliste1

Nous ne voulons pas construire une architecture nouvelle, soi-disant moderne, car nous sommes persuadés que les Français sont attachés à leurs repères locaux et à la proximité, parties intégrantes de leur identité. 

Ainsi, nous proposons de travailler sur les économies d’échelles pour la gestion des budgets communaux, en passant de 36 000 à 2 500 budgets, mais de garder les maires et conseils municipaux aussi longtemps que la population le souhaitera pour assurer la vie locale, le contact avec les habitants, les fêtes et traditions ; 450 000 conseillers municipaux bénévoles y sont une force de notre démocratie. 

Cette volonté de réaliser des économies sera bien comprises de nos concitoyens, comme ils comprendront que le département peut réaliser des économies rapides en se rassemblant avec un ou des voisins qui partagent ses ambitions et préoccupations sans pour autant trop éloigner les responsables des réalités du terrain. 

Ces départements fusionnés qui rassembleront plus d’1 million d’habitants permettront une réduction mécanique des dépenses et constituront des territoires à fort potentiel pour des modernisations dans différents domaines, cela sans bureaucratie nouvelle. 

1 Ce rapport est le résultat d’entretiens et d’auditions avec une quinzaine de personnalités, et de la contribution particulière dEric Doligé, sénateur, alors président du Conseil Général du Loiret. 

Quant aux régions, dans ce projet, elles resteront des grandes entités qui traitent des intérêts stratégiques en liaison avec l’Etat, qui, si elles doivent être une fois encore transformées, devront l’être en visant l’ouverture sur le monde à travers un appui sur une métropole puissante en mesure d’offrir ce rayonnement. Pour leur gestion, nous nous sommes tenus à une recommandation de bon sens: les dirigeants régionaux devront être élus parmi les conseillers départementaux ou les représentants des métropoles afin de renforcer la cohésion des politiques locales et régionales. Nous préconisons une élection pour constituer un exécutif de 30 membres représentatifs des métropoles et des grands départements. 

Enfin, nous proposons une mise en place rapide de ces nouvelles structures démocratiques créées dans le but d’obtenir des réductions de dépenses et de libérer les énergies. 

Michel Rousseau
Président de la Fondation Concorde


Introduction :

De 36 000 à 2 500 budgets communaux ; de 101 à 50 départements 


La réforme territoriale doit s'inspirer de trois considérations : elle est indispensable, elle doit être générale, elle doit respecter les contraintes de notre géographie et les acquis de notre histoire. 

Elle est indispensable parce que la concurrence internationale et le poids des prélèvements publics nous imposent de rechercher une meilleure efficacité à la dépense publique, hausse de la productivité que rendent possible, par ailleurs, les larges perspectives de l'administration numérique et la facilité des transports qui rapprochent le citoyen des centres de décision. 

Elle doit être générale. L’imbrication des niveaux d’administration est telle aujourd’hui que la réforme de chacun d’eux doit être engagée au même moment sauf à s’épuiser dans l’affrontement des corporatismes et se confronter à la délicate question des situations intermédiaires. 

Enfin, la réforme doit s'inscrire dans la réalité de notre géographie et dans notre tradition historique. Tous les géographes constatent l'extrême diversité de la géographie française:

 géologie, végétation, modes de culture, habitats. Bref, les paysages changent au fil des kilomètres ; mentalité, traditions, habitudes et réflexes conservent leurs particularismes que le rouleau compresseur de la modernité n'est jamais parvenu à écraser tout à fait. Et quelle erreur serait-ce que de faire fi de tout cela au nom des modes du moment : parions que la réalité se vengerait et que de nouveaux bonnets rouges viendraient rappeler à nos législateurs en chambre que la province est sous leurs pieds et commence à Paris. 

Conserver l'essentiel, moderniser sans crainte, rechercher efficacité et donc économies : voici ce qui inspire les réformes proposées ci-après. Elles se veulent, à la fois, raisonnables et audacieuses. 

Chap. 1 : Passer de 36 000 budgets communaux à 2 500 budgets communautaires 

Comme la famille, le législateur trouve la commune, il ne la crée pas. Elle est un héritage précieux. Elle assure à notre pays une administration de proximité irremplaçable et pour l'essentiel, bénévole. La population y est si évidemment attachée qu'aucun gouvernement n'a véritablement envisagé sa suppression. 

Mais aujourd'hui, la commune est inadaptée aux multiples missions assignées à l'administration locale : grande ou petite, si elle reste isolée, elle se prive des immenses ressources de la mutualisation. Certes, l’autorité publique l'a compris depuis plus d'un siècle, et a créé, au fil des décennies, de multiples formes de coopération intercommunale : 

syndicats à vocation unique, puis multiple, puis mixte, communautés urbaines, communautés de communes, d'agglomération, métropoles. 

Il en résulte un enchevêtrement d'institutions de second degré rendant illisible la carte des compétences et la répartition des responsabilités tandis que subsistent 36 000 égoïsmes sacrés qui sont autant de freins à une administration efficace et économe. 

La mutualisation des moyens et des personnels au niveau des communautés de communes (ou d’agglomération) doit donc être généralisée et simplifiée par des mesures radicales : 

Les communautés de communes et d’agglomération doivent assurer la gestion globalisée et fongible des budgets et des personnels des communes qui les composent et peuvent donc exercer la totalité des compétences communales. 

Les communes exerceront des compétences déléguées et pourront recevoir de la part de la communauté des dotations financières. Les conseils municipaux seront obligatoirement consultés sur les questions d’intérêt communal. 

La suppression de tous les syndicats intercommunaux situés intégralement dans le périmètre de la communauté devient possible, dès lors que leurs compétences seront exercées par la communauté. 

Ce dispositif permettra ainsi de conserver nos 36000 communes, leurs 36 000 maires et leurs 450 000 conseillers municipaux, mais de réduire à 2 500 environ le nombre de budgets communaux. 

Bien sûr, certaines modifications de périmètre des actuelles communautés pourront être envisagées pour corriger des défauts devenus évidents et s'adapter aux missions élargies des communautés. 

Certes, l’harmonisation de la pression fiscale et l'intégration dans un seul budget des emprunts contractés par les différentes communes ne seront pas aisées. 

Afin que cette nouvelle organisation puisse se faire sans heurts pour les habitants des communes dont les impôts sont plus faibles que la moyenne communautaire, on peut envisager un lissage progressif des taux d'imposition sur 5, 10 ou 15 ans. L'objectif sera bien sûr de faire bénéficier immédiatement les contribuables communautaires des économies générées par la mutualisation des moyens. 

En application de ces principes, les métropoles disposeront dans leur périmètre de la totalité des personnels et des budgets communaux. 

On peut faire l'hypothèse que la plupart d'entre elles suivront l'exemple de Lyon et exerceront sur leur territoire les compétences du département : elles seront ainsi bien armées pour jouer leur partition dans la compétition que se livrent aujourd'hui les grandes villes du monde. 

Investi de responsabilités étendues, le conseil communautaire devra désormais être élu au scrutin universel direct, mais le dispositif électoral choisi devra permettre à chaque commune, quelle que soit sa taille, d'être représentée au sein du conseil communautaire par au moins un élu. 

Ainsi, le maire de chaque commune sera toujours conseiller communautaire et le nombre de représentants des différentes communes au sein de la communauté sera fonction du nombre d’habitants de chaque commune avec un minimum d’un conseiller par commune. 

La composition du conseil communautaire respectera une certaine proportionnalité entre la taille des communes et le nombre de leurs représentants et, en application des dispositions légales et constitutionnelles, favorisera la parité. 

L'élection des conseils communautaires aura lieu le même jour que l'élection des conseils municipaux. 

Les économies espérées et les conditions du succès
Dans un premier temps, la fusion des sections de fonctionnement peut générer 10 à 15% d’économies, comme le montre l'exemple des fusions de petites communes en territoire rural. Les économies budgétaires permises par la réduction des effectifs de la fonction publique locale devraient être sensibles au bout de 5 ans environ. Réduire de 20% les dépenses de fonctionnement des communautés, à égalité de service, est un objectif raisonnable. 

Les économies quasi mécaniques sur les dépenses de fonctionnement seront complétées par une gestion moins coûteuse des investissements dont les coûts unitaires seront moindres dans une communauté que dans une commune isolée, par effet des économies d'échelle. 

Les reformes précédentes n'ont pas réussi à éviter un travers séculaire de notre administration qui crée des institutions nouvelles sans en supprimer aucune. Pour y échapper, deux mesures sont suggérées: 

- créer un groupe de commissaires spécialistes des budgets qui, dans chaque département, se consacreront à l’accompagnement des maires pour organiser les regroupements et rationnaliser la carte des syndicats intercommunaux. Ce pourrait être des sous-préfets ou des administrateurs, après qu'ils aient reçu une courte formation sur les techniques d’ajustement fiscal entre communes.
- proposer à chaque communauté de passer un contrat avec l'Etat qui indexerait les dotations qu'il lui verse à l'atteinte d'objectifs de réduction de la pression fiscale, de réduction des effectifs et globalement de maîtrise des dépenses. 

Chap. 2 : Pour une France de moins de 50 départements 

Le département a acquis une légitimité incontestable. C’est l’échelon où s’exerce le plus efficacement la solidarité entre le milieu urbain et le milieu rural : la communauté de commune est trop proche, la région trop lointaine pour gérer l’aide sociale, le handicap, le RSA, la dépendance, la vieillesse. 

Le département est aussi le niveau le mieux adapté pour mettre en œuvre une grande partie des politiques publiques nationales. La grande région est vaste, et le gouvernement, s'il devait agir seulement à ce seul niveau, serait réduit à des injonctions sans portée pratique faute de contact avec les vrais échelons d'exécution. 

Les raisons des fusions
La modification du contour des périmètres administratifs doit être engagée avec prudence. Nos concitoyens y sont attachés, spécialement en zone rurale. Le département est aujourd’hui un échelon familier. 

Toutefois, l’amélioration des transports, le développement de l’administration connectée et les avantages de la mutualisation sont autant de raisons qui conduisent à préconiser le regroupement des départements, retrouvant ainsi les propositions de Michel Debré publiées en 1947 dans son livre La mort de l'Etat républicain. 

Les départements pourraient ainsi être fusionnés deux à deux et parfois à trois. La France compterait alors 50 départements environ, d’une population moyenne supérieure à 1 million d’habitants. Les économies d’échelle seraient automatiques : fusions et regroupements de services aux missions identiques permettraient de rationaliser les moyens et de réduire les dépenses. 

Des préfets siègeraient au chef-lieu de ces nouvelles collectivités, assistés, dans chacun des anciens départements, de préfets délégués. 

On ne saurait se dissimuler que le choix du chef-lieu fera souvent l’objet de difficiles discussions. C’est un aspect sensible de la réforme proposée, mais dans ce domaine comme dans d’autres, rien d’important n’est indolore. 

Le maintien du dispositif électoral actuel, réformé récemment, parait une bonne solution après qu'ait été effectué le regroupement deux à deux des cantons. Au total, ce sont environ 2000 conseillers départementaux qui seront élus sur l’ensemble du territoire. 

Dans les nouveaux départements ainsi créés (ex. : regroupement de Savoie et Haute-Savoie, Haut-Rhin et Bas-Rhin, Charente et Charente-Maritime, Eure-et-Loir et Loiret, etc.) il sera nécessaire d’envisager une coordination étroite des agglomérations avec le conseil départemental ; un dispositif électoral devra être adapté pour que les représentants de l’agglomération puissent s’exprimer au sein du Conseil Départemental. 

Chap. 3 : Donner aux régions leur vraie vocation d’orientation stratégique et améliorer la réforme entreprise en 2015 

Prévoir d’attribuer aux grandes régions les compétences d'administration de proximité dévolues aujourd’hui aux départements et penser que cela permettra une meilleure administration relève d'une ignorance manifeste des réalités locales : comment imaginer que les choix en matière d'insertion, de transports scolaires, d'aide sociale, d'accueil de la personne handicapée puissent être effectués à Toulouse, organisés et mis en œuvre depuis Toulouse au profit du petit village des Cévennes, sans que n'apparaisse aussitôt indispensable de reconstituer une nouvelle administration de proximité en lieu et place de l'administration départementale que l'on vient de supprimer. Créer ces nouvelles entités reviendrait à se lancer dans des aventures budgétaires allant à l’inverse du but recherché. 

C'est au niveau du département élargi que ces compétences s'exerceront tout naturellement. 

La grande région doit au contraire tirer profit des avantages de sa taille pour se concentrer sur les grands choix qui dépassent manifestement le cadre départemental : grandes infrastructures de transport (ferroviaires, autoroutières, aéroportuaires, portuaires) enseignement supérieur, innovation, formation professionnelle. C'est pour cela qu'elle a été conçue, c'est là qu'elle peut exceller avec cette importante nouvelle vocation de s’ouvrir sur le monde et de développer, à cet effet, la capitale. 

Les nouvelles régions renforceront leur articulation avec les départements et les métropoles, seront associées comme aujourd’hui aux travaux d’analyse, de stratégie et de planification de l’Etat, exerceront un rôle décisif en matière d’aménagement du territoire, d’aide à l’innovation et à l’industrie, tout en sachant déléguer leurs moyens aux départements et aux structures plus proches du terrain. 

Régions, départements et métropoles pourraient convenir par convention de la répartition des compétences la mieux adaptée.
L’élection du conseil régional au suffrage universel direct ne s’imposera plus : les conseillers départementaux, auxquels s’ajouteraient les parlementaires et des représentants des grandes villes constitueraient le corps électoral qui élirait en son sein un conseil régional au scrutin de liste, avec une prime majoritaire

Ainsi, seuls les membres de ce corps électoral pourront être élus à la région. On éviterait les défauts manifestes du système actuel qui voit siéger des conseillers régionaux désignés par des instances partisanes, sans expérience du terrain local, et en rivalité possible avec les grandes métropoles. 

Chap. 4 : Clarifier les compétences 

La simplification proposée ici permet un partage simple des compétences principales : 

A la région,
  • la planification stratégique avec l’Etat et avec l’Union européenne
  • la formation professionnelle
  • le ferroviaire
  • la contractualisation autoroutière (en coordination avec l’Etat
    et les sociétés autoroutières)
  • les aéroports, les ports, les canaux
  • l’immobilier universitaire et le logement étudiant
  • l’aide à l’innovation, l’aide au financement des entreprises
  • l’aménagement numérique 

    Au département,
  • Collèges et lycées
  • L’aide sociale et le RSA
  • La dépendance, le handicap, les personnes âgées
  • Les transports scolaires (délégués éventuellement aux communautés)
  • Le logement social
  • Les routes
  • Les transports en autocar, en coordination avec la Région 

    Aux communautés de communes,
L’urbanisme
Les zones d’activité
Le social de proximité Le réseau routier vicinal
• L’élimination des déchets

Les compétences actuellement exercées par le maire en matière de police administrative et de sécurité reviendraient à l’intercommunalité. Le président de la communauté serait donc officier de police judiciaire, autorité de police administrative et chef de la police municipale. On peut en attendre une meilleure sécurité, notamment dans les zones rurales. 

Aux métropoles et à certaines communautés d’agglomération, 

La plus grande partie des compétences des départements et des communautés. 

La compétence économique est évidemment partagée entre les différents niveaux. Elle s’ajoute à celle de l’Etat (fiscalité, politique monétaire, politique industrielle, recherche et innovation, etc.). L’importance des enjeux économiques suggère que le rôle d’arbitre et de régulateur revienne dans ce domaine à l’Etat, et à son représentant local, le Préfet. 

A l’occasion de ces réorganisations pourrait être décidé un audit des missions actuelles des régions, en particulier pour que soit mesurée l’efficacité des programmes économiques et des différentes agences. 

Chap. 5 : Restaurer l’autorité de l’Etat au niveau territorial 

La réforme des collectivités territoriales ne peut évidemment faire l’économie d’une réflexion sur l’Etat déconcentré. 

L'histoire nous enseigne qu’en France, à la différence de nos voisins européens, c’est l’Etat qui a forgé la nation, et nos concitoyens le considèrent toujours comme le ciment de notre société. C'est d'ailleurs à lui seul qu'ils adressent leurs reproches comme leurs exigences, et leurs manifestations sont organisées devant les préfectures ou à Paris. 

Force est de constater, depuis une génération, l'effritement des valeurs républicaines, l'affaiblissement de leur enseignement et leur mise en pratique incertaine. Les compromissions locales, le manque de vigilance et de détermination dans l'application de la loi, la perte de vue des principes de neutralité et d'autorité ont alimenté chez nos concitoyens le sentiment d'abandon et les ont quelquefois poussés vers le communautarisme, pauvre et dangereux substitut à l'autorité démocratique. 

La priorité légitime donnée à l'emploi et donc aux objectifs économiques, font du développement une priorité nationale. C'est l'Etat qui en assume la responsabilité quels que soient ses efforts pour la transférer à d'autres. C'est vers lui que tous se tournent pour réclamer moyens financiers et réformes : c'est lui en effet qui donne son cadre à l'action économique, qui souscrit des accords internationaux, qui représente les intérêts nationaux au sein de l'Union, qui définit et en met en œuvre la politique fiscale, industrielle, l'aide à l'innovation, l'éducation, qui encadre la formation professionnelle, qui conçoit, promeut les grandes infrastructures de transport, de production et de distribution d'énergie, bref rien de ce qui permet à l'entreprise de naître et de croître ne se fait sans lui. 

Enfin, l'Etat est depuis toujours l'interlocuteur des collectivités locales, et à ce titre il en mènera la réforme. Il veillera à ce qu'elle soit comprise et juste et, qu'elle produise efficacité et meilleure économie. 

Se trouvent ainsi définis les trois axes de l'action de l’Etat dans les régions et les départements : reconquérir l'espace républicain et y assurer équité et sécurité, promouvoir le développement économique et encadrer la réforme territoriale. 

C’est en fonction de ces objectifs que sera redéfinie l'organisation territoriale de l'Etat. 

Conclusion 

La mise en œuvre de ces réformes suppose une volonté politique ferme. On s'épuiserait à des combats d'arrière-garde si leur mise en œuvre était hésitante, émiettée, incertaine, d'autant que l'articulation des différents calendriers électoraux serait particulièrement délicate. 

Deux options seront ouvertes au Président de la République nouvellement élu :
  • - Soit la nouvelle majorité parlementaire élue à la suite de l'élection présidentielle habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances : celles-ci, préparées dès l'élection présidentielle, seraient mises en œuvre en septembre.
  • - Soit, la réforme serait adoptée par référendum (ce qui évite la question constitutionnelle).
    Ainsi, dès l'automne, se trouveraient installés environ 2500 conseils de communauté, 50 conseils départementaux, une quinzaine de régions qui dessineraient le visage d'une France modernisée, assurée de stabilité, dotée d’une administration efficace et économe en mesure d’accompagner et d’accélérer le redressement attendu.
Annexes 

Annexe 1 : la réduction de la dépense publique
Il est particulièrement difficile de chiffrer précisément les économies à attendre des réformes préconisées ci-dessus et, en raison de l'inertie de la dépense publique, il est illusoire d'en espérer des effets rapides. Il ne faut pas non plus sous-estimer les dépenses nouvelles que provoque toute réorganisation (immobilier, équipement, alignement par le haut des avantages consentis au personnel). 

Toutefois, à terme, la disparition d’un grand nombre de syndicats intercommunaux, le regroupement des achats et la fusion des services doivent permettre d'importantes économies, notamment en matière de personnel (qui représente 40% de la dépense locale). 

Il est clair, en effet, qu’après la fusion, des effets spectaculaires de réduction de dépenses seront constatés. Tous les services pourront, à terme, être pratiquement divisés par deux. 

C’est sans doute la raison majeure pour laquelle cette réorganisation d’une France à 50 départements et à 2500 « super- communes » s’impose. 

Dans cette perspective, on peut décider sans délai de ne remplacer aucun départ à la retraite des fonctionnaires locaux. 

Evolution des dépenses des collectivités locales. En mds€ 

2001
2012
2012/2001
Investissements
38,3
55,21
44,2%
dont
Départements
10,4
11,87
14,1%
Régions
5,55
8,76
57,8%
Communes
18,41
25,14
36,6%
Intercommunalités
3,94
9,44
139,6%
Personnel
30,97
54,76
76,8%
dont
Départements
4,47
11,46
156,4%
Régions
0,43
2,97
590,7%
Communes
24,22
34,06
40,6%
Intercommunalités
1,85
6,27
238,9%
Achats et charges externes
19,87
29,94
50,7%
dont
Départements
4,74
5,61
18,4%
Régions
0,39
1,88
382,1%
Communes
12,42
16,69
34,4%
Intercommunalités
2,32
5,76
148,3%
Source DGCL.

A. Les effectifs de la fonction publique territoriale
Les dépenses de personnels dépassent les 55 Mds€ dont plus de 40 Mds € pour les communes et EPCI qui emploient 1,4 million d’agents sur les 1,9 million d’agents territoriaux.
Source PLF 2015 en milliers. 

2000
2005
2010
2011
2012
2013
FPT
1 327,9
1 562,8
1 811,0
1 830,7
1 862,4
1 951,4 

Répartition des effectifs en 2012


Organismes communaux
1 155 846
Organismes intercommunaux
257 846
Organismes départementaux
360 351
Régions
81 682

Nombre d’admission en retraite dans la fonction publique territoriale en 2012 : 26 000. 

En partant de l’hypothèse d’un maintien du nombre de départ en retraite aux alentours de 26 000 par an, soit 1,37% de l’effectif, nous proposons de bloquer tout recrutement au sein de la fonction publique territoriale pendant 5 ans. En effet, les mutualisations de services et de missions engendrées par la réforme proposée entraineront automatiquement un moindre besoin en personnel, mais nécessiteront néanmoins des réorganisations. 

Une diminution du budget de personnel de 1,37% par an pendant 5 ans devrait conduire à réaliser 3,7 milliards € d’économies au bout de 5 ans 

B. La massification des achats
On estime à 10% les économies réalisables en 2 ans sur le montant
total des achats, soit environ 3 milliards €. 

C. Priorité à l’investissement productif
Une rationalisation de 10% des dépenses d’investissement au profit d’investissements dans les domaines jugés prioritaires pourra conduire très rapidement à 5 milliards € d’économies. 
Par ailleurs, il est suggéré d’adopter deux propositions issues du rapport Lambert-Malvy2 permettant d’encadrer l’évolution des dépenses des collectivités locales. 
2 Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l’engagement de chacun, avril 2014.


« Formaliser dans un texte législatif les évolutions des dotations de l’État et les perspectives d’évolution des principaux agrégats budgétaires des collectivités. Sans être prescriptif, le texte permettrait d’identifier des objectifs nationaux d’évolution des dépenses des administrations locales par strate de collectivités. Il constituerait un point d’aboutissement des travaux de concertation sur les finances publiques indispensables entre État et collectivités afin d’assurer le respect de nos engagements européens. 

Proposer aux régions, aux départements et aux principales agglomérations un pacte volontaire individualisé avec l’État fixant :
- l’évolution de la DGF sur 3 ans et la compensation des décisions de l’État impactant sans accord préalable les finances des collectivités ;
- l’évolution des dépenses, prélèvements, déficit et endettement, et éventuellement, les fusions ou regroupements de collectivités.
Ce pacte serait assorti de mécanismes
d’incitation financière pour les deux parties. » 

Total des économies réalisées en 5 ans : 11,7 milliards € Budget personnel : -3,7 milliards € en 5 ans
Budget achat : -3 milliards € en 2 ans
Budget investissement : -
5 milliards € en 5 ans.


Annexe 2 : la nécessaire restauration de l’autorité de l’Etat
Si le préfet s’est vu, au fil du temps, reconnaître une telle autorité légale, voire morale, c’est parce qu’il concentre les pouvoirs régaliens de l’Etat dans le domaine de la sécurité mais aussi parce qu’en sa qualité de représentant du gouvernement et de chaque ministre, il est chargé de promouvoir l’ensemble des politiques de l’Etat au service des territoires dans les domaines économique, social ou culturel. 

Or, il apparait nettement que la fonction préfectorale s’est considérablement affaiblie et diluée au gré des différentes vagues de décentralisation aussi bien que de la création foisonnante d’agences ou autres démembrements de l’Etat échappant dans la réalité à l’autorité du préfet. 

L’Etat a ainsi peu à peu perdu sa visibilité et lisibilité.
Il importe donc d’inclure la réforme de l’Etat territorial dans la réforme globale des collectivités territoriales, avec l’objectif clair de renforcer l’Etat dans son autorité et sa capacité d’action dans les nouvelles circonscriptions administratives. 

Plusieurs pistes de réflexion mériteraient d’être approfondies. D’abord, le préfet devrait avoir une autorité plus effective sur les directeurs des services déconcentrés, notamment dans le pouvoir de notation de ces fonctionnaires qui n’existe aujourd’hui que fictivement. Leur affectation dans une région ou un département devrait être conditionnée à l’accord préalable du préfet. 

S’agissant des agences, offices, établissements publics, ceux-ci devraient pour la majeure partie être purement et simplement réintégrés au sein des ministères, ce qui permettrait des économies et des synergies importantes au sein de l’Etat. Ceux qui seraient maintenus devraient être placés directement sous l’autorité du préfet. 

Il conviendrait aussi de renforcer la cohérence des actions de l’Etat notamment dans le domaine économique en confiant au préfet un réel pouvoir d’animation des établissements financiers relevant de l’Etat en coordination avec les élus locaux. 

FONDATION CONCORDE
 


B) La réforme territoriale - Mis à jour le 27 avril 2015 

Le Conseil constitutionnel a validé, le 15 janvier 2015, la nouvelle carte à 13 régions et le calendrier des élections départementales et régionales, premier volet de la réforme territoriale adopté par l'Assemblée nationale le 25 novembre 2014. L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 10 mars 2015, le projet de loi portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) à 306 voix pour, 238 contre et 11 abstentions.

Conseil des ministres18 juin 2014
Vote solennel25 novembre 2014
Métropoles 1er janvier 2015
1ère lecture10 mars 2015
Élections22 et 29 mars 2015
Élections6 et 13 décembre 2015
22 à 13 régions janvier 2016
Conseils départementaux janvier 2020

Le contexte
Processus d’aménagement du territoire français, la décentralisation permet de transférer des compétences administratives de l’État vers les collectivités locales. L’article 1er de la Constitution précise que "l'organisation de la République française est décentralisée". La France compte 101 départements, 36 700 communes, 22 régions et 2 600 groupements intercommunaux.
Aujourd’hui, la France compte quatre échelons administratifs locaux qui se partagent des compétences : commune, intercommunalité, département et région. Cet empilement des échelons d’administration, les compétences partagées et les financements croisés sont souvent résumés par l'expression "millefeuille territorial". Cette organisation est souvent illisible pour le citoyen et nuit à l’efficacité de l’action publique des territoires.

Une importante réforme territoriale portée par le chef de l’État entend transformer pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République. En jeu, la baisse des dépenses publiques et une meilleure prise en compte des besoins citoyens.

De quoi s'agit-il ?
Un premier volet a déjà été ouvert en janvier 2014 avec la loi dite de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. La création d'un nouveau statut pour ces dernières amorcera une vraie clarification de l’exercice des compétences au niveau local.
Le 1er janvier 2015 ont vu le jour les métropoles de Rennes, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Brest, Lille, Rouen, Grenoble, Strasbourg et Montpellier. Créée également le 1er  janvier 2015, la Métropole de Lyon est une collectivité territoriale à part entière et dispose d’un statut particulier. Celles du Grand Paris et d'Aix-Marseille-Provence verront le jour au 1er janvier 2016. Ces nouvelles entités auront plus de pouvoir et interviendront dans la voirie départementale, les transports scolaires et la promotion internationale du territoire.

Le deuxième volet de la réforme territoriale vise à réduire le nombre de régions de 22 à 13.
Le 27 janvier 2015, le Sénat a adopté en première lecture, selon une nouvelle procédure de vote solennel par scrutin public, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) par 192 voix pour et 11 voix contre. Ce projet de loi constitue le troisième volet de la réforme des territoires souhaitée par le président de la République, après la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et le projet de loi relatif à la délimitation des régions adopté par le Sénat en nouvelle lecture le 15 décembre.

Le 10 mars 2015, l'Assemblée a, à son tour, adopté le projet de loi NOTRe en première lecture, à 306 voix pour, 238 contre et 11 abstentions. "Une nouvelle étape de la réforme territoriale est franchie", a souligné Manuel Valls. L’examen parlementaire du projet de loi NOTRe va se poursuivre. L’architecture des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales étant désormais stabilisée à l’issue de cette première lecture, le Premier ministre souhaite qu’un accord puisse être défini, au nom de l’intérêt général, entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
 

Le 22 avril 2015, le Gouvernement a présenté les principes et la méthode permettant l'adaptation de l'organisation territoriale de l'État à la nouvelle carte des régions. Sept préfets préfigurateurs ont été nommés par Manuels Valls (les préfets d’Alsace, d’Aquitaine, de Bourgogne, de Midi-Pyrenées, de Haute-Normandie, du Nord-Pas-de-Calais et de Rhône-Alpes). Ils seront chargés, dans les sept nouvelles régions fusionnées, d'élaborer et de coordonner le projet d'organisation régionale. Ils arrêteront, également, d’ici fin juin 2015 le choix du siège des futurs chefs-lieux provisoires des sept régions fusionnées.

Les grands principes de la réforme territoriale ont été présentés. Ils reposent sur la volonté de garantir une proximité et un fonctionnement plus efficace des services territoriaux de l’État. Des directions régionales uniques seront créées à partir des anciennes directions régionales dans les régions fusionnées. Celles-ci ne seront pas forcément implantées dans les chefs-lieux de région.
 
 

Réforme territoriale : coup d'envoi de la nouvelle architecture de la République

jeudi 23 avril 2015
 

Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe)

Troisième volet de la réforme territoriale, le projet NOTRe vise à clarifier les compétences des différents échelons territoriaux (régions, départements, intercommunalités, communes).
Ce projet de loi prévoit que : La clause de compétence générale est supprimée

La clause de compétence générale est supprimée pour les départements et les régions. Ces deux échelons n’auront donc plus le droit d’intervenir sur tous les sujets, de dépenser dans tous les domaines d’action publique. Cela permettra de clarifier "qui fait quoi", d’harmoniser les politiques publiques entre les différents échelons, et d’éviter des dépenses inutiles lorsque que plusieurs niveaux de collectivités se concurrencent sur un même domaine d’action.


Les communes sont confortées
La commune est l'échelon de base de la République : celui de la démocratie locale. La commune demeure ainsi l’unique échelon de collectivité à disposer de la clause de compétence générale, qui lui permettra de répondre à tous les besoins du quotidien des citoyens. Cet échelon est également renforcé par de nouveaux outils encourageant les regroupements de communes. La proposition de loi dite des "communes nouvelles", proposée en parallèle du projet de loi NOTRe et soutenue par le Gouvernement, propose que les communes qui se lanceront dans cette démarche de rationalisation bénéficient d’une incitation financière


Les intercommunalités montent en puissance
L’intercommunalité désigne les différentes formes de coopération existant entre les communes au service de projets de territoire. Depuis le 1er janvier 2014, les 36 700 communes de France font partie d’une intercommunalité : communauté de communes, agglomérations urbaines ou encore futures métropoles. Lors des dernières élections municipales, les citoyens ont élu pour la première fois leurs conseillers communautaires.

Mais de tailles différentes, ces intercommunalités ont aujourd’hui des moyens  trop faibles pour
porter des projets d’envergure. La réforme amplifie le processus d’intégration des communes pour faire changer les intercommunalités d’échelle

1er janvier 2017
Les intercommunalités devront compter au moins 20 000 habitants et être organisées autour de bassins de vie.


Le relèvement du seuil d’intercommunalité de 5 000 à 20 000 habitants permettra d’avoir davantage de capacités à agir au niveau des bassins de vie d’aujourd’hui, plus étendus que ceux d’hier. Il s’accompagne d’un mouvement d’augmentation des compétences des intercommunalités (tourisme, aires d’accueil des gens du voyage, maisons de services au public), qui permettra la diminution du nombre de syndicats intercommunaux (13 700 actuellement) et génèrera des économies de gestion dans des services utilisés au quotidien par nos concitoyens comme l’eau, les déchets ou les transports. Des adaptations sont prévues pour les territoires à caractéristiques spécifiques. (voir infra)
 
Janvier 2017
 
  • Réforme des sous-préfectures en créant des maisons de l'État pour regrouper les services administratifs et maintenir une présence sur le territoire.
  • Renforcement de l'intercommunalité par la loi NOTRe en transférant les compétences des communes vers les intercommunalités pour mutualiser davantage. 
  Les départements sont centrés sur la solidarité
Les départements seront centrées sur la solidarité sociale avec la réaffirmation de la compétence de prévention et de prise en charge des situations de fragilité, du développement social, de l’accueil des jeunes enfants et de l’autonomie des personnes. Ils seront également centrés sur la solidarité territoriale, avec le développement d’une capacité d’ingéniérie avec un soutien d’experts pour accompagner les communes et les intercommunalités dans des domaines techniques pour lesquels elles ne disposent pas de moyens (aménagement, logement…).

Quant à l'avenir des conseils départementaux, trois solutions seront possibles, pour s'adapter aux situations existantes :
 
  • Dans les départements dotés d’une métropole – comme Lyon, par exemple, la fusion des deux structures pourra être retenue.
  • Lorsque le département compte des intercommunalités fortes, les compétences départementales pourront être assumées par une fédération d’intercommunalités.
  • Enfin, dans les départements – notamment ruraux – où les communautés de communes n’atteignent pas la masse critique, le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées.

 
Les élections départementales ont eu lieu les 22 et 29 mars 2015, conformément à la loi votée en 2013. Les élections régionales, avec la nouvelle carte de France, auront lieu avant la fin 2015.

Les régions sont renforcées

Acteurs clés du redressement économique du pays, les régions seront renforcées en passant de 22 à 13 (voir infra). Cette nouvelle carte territoriale "prend en compte les volontés de coopération qui ont été déjà engagées par les élus et sera soumise au débat parlementaire", a expliqué le chef de l’État dans sa tribune à la presse quotidienne régionale du 3 juin 2014 .

Les régions seront renforcées : elles seront en charge de l'élaboration d’un schéma régional en matière de développement économique, d’innovation et d’internalisation (SRDEII) ; de la coordination sur leur territoire de toutes les actions en faveur de l’économie ; de l’animation des pôles de compétitivité. Elles se voient également confier la gestion des ports et des aéroports, infrastructures nécessaires au développement et à l’emploi. Elles piloteront encore toutes les politiques en matière de transport TER, et transports inter-urbains, ainsi que la voirie qui sont des politiques complémentaires dont l’efficacité sera renforcée si elles sont confiées à une seule collectivité. Enfin, elles disposent de l’autorité de gestion des fonds européens depuis 2014 dans le cadre de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et sont pleinement responsables en matière de formation professionnelle depuis le 1er janvier 2015. (voir infra)
 
Métropoles, régions, clarification des compétences : un train de réformes 
 
 

LA carte à 13 régions EST ADOPTÉE


Lors du vote solennel du 25 novembre, les députés ont adopté définitivement la carte à 13 régions. Le Conseil constitutionnel a validé la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral le 15 janvier 2015. Voir la décision du Conseil constitutionnel
 
Le rattachement des régions
 
  • Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne,
  • Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie,
  • Bourgogne et Franche Comté,
  • Haute-Normandie et Basse-Normandie,
  • Rhône-Alpes et Auvergne,
  • Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon,
  • Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes.

6 régions inchangées
 
  • Bretagne,
  • Pays de la Loire,
  • Centre, désormais dénommée Centre-Val de Loire,
  • Ile-de-France,
  • Provence-Alpes-Côte d'Azur,
  • Corse.
Cette carte à 13 régions, avait été adoptée, le 23 juillet, par l'Assemblée en première lecture. Le 30 octobre 2014, les sénateurs avaient de leur côté voté pour une carte à 15 régions en rétablissant l'autonomie de l'Alsace, du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées. Lors du vote solennel du 25 novembre, les députés ont adopté définitivement la carte à 13 régions.
 
Elections départementales de 2015 : les nouvelles dispositions
Les élections départementales ont eu lieu les 22 et 29 mars 2015.
 
Les nouvelles dispositions :
 
  • Les conseils généraux et les conseillers généraux sont dénommés respectivement conseils départementaux et conseillers départementaux.
  • L’intégralité des conseillers départementaux a été renouvelée pour une durée de 6 ans, alors que les conseillers généraux étaient renouvelés par moitié au sein de chaque Conseil général. La réforme renforce ainsi la stabilité et la clarté des majorités pour la durée du mandat.
  • L’élection des conseillers départementaux s'est déroulée au scrutin majoritaire et binominal à deux tours. Dans chacun des 2 054 nouveaux cantons a été élu un binôme de candidats toujours composé d’une femme et d’un homme. Il s’agit d’une étape majeure en faveur de la parité et de la représentation des femmes dans la vie politique.
  • Enfin, les circonscriptions cantonales, dont le périmètre n’avait que très peu changé depuis leur création en 1790, ont fait l’objet d’une profonde révision de leurs limites afin de les adapter aux évolutions démographiques des territoires et de permettre la mise en œuvre du scrutin binominal.

La métropole de Lyon, la Guyane et la Martinique qui élisaient jusqu'alors des conseillers généraux n'étaient pas concernées par ce scrutin. Comme précédemment, les électeurs de la ville de Paris, qui exerce les compétences départementales, ne participent pas au scrutin.

En savoir plus sur les élections départementales


  Tout savoir sur les projets de loi présentés en Conseil des ministres 
 

Réforme territoriale : coup d'envoi de la nouvelle architecture de la République

jeudi 23 avril 2015




C) La réforme territoriale
 
Après la création de métropoles et l’adoption d’une nouvelle carte de France à 13 régions contre 22 actuellement, le Parlement débat du dernier volet de la réforme territoriale : la refonte des compétences des régions et des départements.

Dès 2008, le comité Balladur avait émis l’hypothèse que des régions plus puissantes et d’une taille critique supérieure seraient plus compétitives. Plus récemment, en 2013, les sénateurs Jean-Pierre Raffarin (UMP) et Yves Krattinger (PS) ont préconisé de passer de 22 à 8 ou 10 régions d’ici à 2020-2025. Cette perspective a séduit François Hollande, en quête de mesures de simplification et d’économies. Lors de sa troisième conférence de presse, le 14 janvier 2014, le chef de l’Etat a annoncé son souhait d’alléger le millefeuille territorial, avec moins de régions et des départements redessinés.

Après six mois de débat et trois lectures dans chaque chambre, le Parlement a adopté le 17 décembre une nouvelle carte de France à 13 régions. C'est la vision du groupe socialiste à l'Assemblée qui s'est imposée là où le gouvernement avait proposé 14 régions et où le Sénat en voulait 15 au lieu des 22 actuelles.

Cette réforme qui entrera en vigueur début 2016 fusionne l'Alsace avec la Lorraine et Champagne-Ardenne, le Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie, et Midi-Pyrénées avec Languedoc-Roussillon, trois fusions contestées, surtout la première. Les autres regroupements ont été moins polémiques (Poitou-Charentes avec Limousin et Aquitaine, Bourgogne avec Franche-Comté, Rhône-Alpes avec Auvergne), voire enthousiastes (les deux Normandie).



La carte proposée par les députés socialistes et adoptée définitivement.
 
Cette réforme suscité une vive opposition en Alsace. Seule consolation pour les Alsaciens : Strasbourg a déjà été désignée comme le siège de la future préfecture de région alors que pour les autres régions, le « chef-lieu » sera désigné par décret.

Le texte modifie aussi le mécanisme permettant à un département de changer de région en abrogeant la condition du référendum locale. Ce « droit d’option » sera permis entre 2016 et 2019. Mais ce changement de région devra obtenir l’aval des deux conseils régionaux concernés, ainsi que du conseil départemental à une majorité des trois cinquièmes.

Les texte a aussi reporté les élections départementales à mars 2015 et les élections régionales à la fin de 2015.

NOTRe, le volet sur les compétences

Loin d’en avoir fini avec le chantier de la réforme territoriale, les parlementaires débattent de l’autre volet, le projet de loi sur la Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui prévoit la refonte des compétences des régions et des départements. Un texte plus technique, mais tout aussi polémique.

Le texte initial du gouvernement, qui entendait transférer le plus possible de compétences des départements vers les régions et les intercommunalités, dans la perspective d’une suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, a bien évolué. Dès octobre, sous la pression notamment des radicaux de gauche, très attachés aux départements, Manuel Valls rectifiait le tir en se prononçant pour le maintien des départements, au moins dans de nombreuses zones rurales.

En décembre, les sénateurs obtenaient que les collèges restent dans les compétences des départements. Les députés et le gouvernement ont aussi renoncé à leur retirer la gestion de la voirie (380.000 km de routes), ne transférant aux régions que les transports scolaires.
Les députés ont néanmoins mis fin au principe de la clause de compétence générale pour éviter les doublons entre régions et départements. Ces dernières deviennent clairement le chef de file du développement économique et pourront jouer un rôle au niveau de l’emploi, sans toucher aux prérogatives de Pôle Emploi. Les députés ont également ouvert la voie à la délégation de certaines compétences, comme la voirie, des départements aux métropoles créées fin 2013, comme c’est déjà le cas à Lyon.

Le renforcement des intercommunalités est un des autres objectifs du texte. Les députés ont ainsi commencé à s’attaquer aux innombrables syndicats mixtes en votant le transfert des compétences concernant l’eau et l’assainissement aux intercommunalités d’ici à fin 2017. Ils ont voté le relèvement de la taille minimale des intercommunalités de 5 à 20.000 habitants avec cependant de nombreuses dérogations pour les zones peuplées ou celles récemment fusionnées. La métropole du Grand Paris voit en revanche ses pouvoirs réduits. 

POUR EN SAVOIR PLUS :


Les grandes villes deviennent métropoles

Le premier volet de la réforme territoriale du mandat Hollande est entré en application le 1er janvier 2015 avec la transformation de 11 agglomérations en métropoles. De Brest à Strasbourg, en passant par Toulouse ou Grenoble, ces aires urbaines de plus de 400.000 habitants gagnent ainsi un statut plus fort en France comme à l'international mais aussi plus de responsabilités. Elles s'ajoutent à la métropole de Nice, déjà en place depuis deux ans. Et seront rejoints par le Grand Paris et Aix-Marseille en 2016.

Reste à savoir la place définitive que ces métropoles parviendront à décrocher dans la prochaine réforme territoriale, qui risque d'exacerber la rivalité entre ces pôles urbains et les conseils régionaux.

Combien d'économies ?

Difficile pour l’instant de mesurer les conséquences financières d’un tel séisme territorial. André Vallini, secrétaire d’Etat à la décentralisation, espère « 5 à 10 % d’économies en dix ans ». «En faisant des économies d’échelle, en supprimant les chevauchements de compétences, les doublons », a-t-il expliqué.
Une étude de L’iFRAP estime que les futures régions économiseraient jusqu’à 2 milliards d’euros en s’alignant sur les pratiques des moins dépensières.

Partout en Europe

De nombreux pays européens ont, eux aussi, entrepris ces dernières années (parfois non sans difficultés) de réformer leurs institutions locales. Les communes sont les premières touchées par les plans de rigueur. Leur nombre tend à diminuer dans de nombreux pays (Grèce, Allemagne). Et les régions montent en puissance sur le plan économique.

La carte proposée par le gouvernement. - Les Echos


La carte souhaitée par le Sénat. - Sénat

Valérie Mazuir
 
 
 
 
D) La réforme territoriale est indispensable !
 
Les maux de l’organisation actuelle du millefeuille administratif sont nombreux.
Le président Hollande vient d’annoncer une réforme du « millefeuille » institutionnel territorial français, et ses ministres se sont succédés à l’antenne pour affirmer que cette réforme permettrait 10 milliards d’économies annuelles. Les médias, quant à eux, se sont focalisés sur la mesure la plus spectaculaire, le regroupement du nombre de régions de 22 à 14. Mais pour savoir si la réforme a des chances d’avoir les effets escomptés, il convient de se livrer à une analyse plus détaillée des éléments du communiqué de l’Élysée du 2 juin.
Cette analyse se déroulera en trois articles :
1 – Diagnostic du fonctionnement actuel du millefeuille
2 – Maux auxquels la réforme présentée répond, ou pas
3 – Grandes lignes d’une proposition alternative plus ambitieuse
Nous porterons aujourd’hui un regard critique sur le millefeuille administratif.
Sur le principe, réformer l’organisation territoriale française est absolument indispensable. En effet, les maux de l’organisation actuelle sont nombreux, quand bien même je n’en ai jamais lu de diagnostic exhaustif.

L’empilement
Le « millefeuille », comme on l’appelle, est une réalité. Nos désormais célèbres 36 000 communes sont regroupées dans environ 2600 communautés de communes, sous le parapluie de 100 départements, 26 régions, un État, et Bruxelles. Pour aggraver la situation, les collectivités s’administrent (théoriquement, nous verrons que ce n’est pas toujours le cas) « librement » depuis les lois de décentralisation Defferre, et disposent de ce que l’on appelle une « clause de compétence générale ».
Le mot « compétence » doit ici être compris comme « attribution » ou « droit de mettre son nez dans » tel ou tel domaine. Chaque niveau de collectivité s’est vu attribuer des compétences dites « obligatoires » (par exemple, pour les départements, les routes d’intérêt interurbain local, ou le versement du RSA) par l’État, mais peut s’auto-saisir de toute compétence lui paraissant nécessiter son intervention sur son territoire. Voilà pourquoi tous les niveaux de collectivités s’occupent de culture, de tourisme ou de développement économique, pour citer quelques exemples, avec, évidemment, des redondances fâcheuses, exacerbées par la rivalité entre grands élus locaux.
Le cas particulier des communautés de communes qui se sont dotées de services spécifiques mais sans que la moindre économie d’échelle vis-à-vis des communes participantes ne soit notée, bien au contraire, est emblématique de l’incapacité de l’administration française à se réformer autrement qu’en superposant de nouvelles structures aux anciennes.

Le doublon avec les administrations d’État
Les collectivités locales s’administrent donc « librement ». Enfin, il faut le dire vite. Car l’État a conservé localement 100 préfectures de département, environ 200 sous préfectures, 26 préfectures de région, et des services ministériels déconcentrés qui, bien que réorganisés depuis le début des années 2000, n’en restent pas moins encore bien joufflus. Fisc, aménagement du territoire, protection des personnes, police, armée, justice, éducation, environnement, les services de l’État se chargent de vérifier que les collectivités locales appliquent bel et bien la myriade de lois que chaque micro projet implique. Toutes ces lois et contraintes ne sont pas nécessairement idiotes, loin de là, mais force est de reconnaître que leur empilement ajoute bien des coûts liés à la complexité pour toute entreprise.
Prenons l’exemple de l’implantation d’une grande surface. Celle-ci devra recevoir l’aval de principe d’une CDAC, commission départementale d’aménagement commercial, réunissant représentants des petits et grands commerçants, fonctionnaires et élus locaux, sous l’égide du préfet de département. La zone sur laquelle elle va s’implanter, en admettant qu’elle soit constructible, devra faire l’objet d’un permis d’aménager généralement long à obtenir. Le commerçant devra généralement négocier avec le Conseil général, au titre des routes, le droit de créer un accès de bonne qualité à son magasin, pour éviter que le carrefour routier desservant l’équipement ne soit accidentogène.
Les tracasseries environnementales ne sont pas les derniers des ennuis à guetter notre commerçant. Cas vécu : si un bout du giratoire d’accès touche un bout de terrain classé en zone « humide » au sens des directives européennes, quand bien même ledit terrain n’a pas vu d’eau stagner de mémoire de villageois, alors la grande surface devra reconstituer le double des zones humides détruites par ledit giratoire sur un autre terrain. L’acceptation du projet dépend de la plus ou moins bonne volonté d’un obscur fonctionnaire d’une DREAL (Direction régionale de l’environnement et je ne sais plus quoi), ou de la capacité du maire à taper directement à la porte du préfet pour lui demander gentiment de calmer les ardeurs dudit fonctionnaire trop zélé.
Restera à obtenir le permis de construire (différent du permis d’aménager), la validation de la commission départementale de sécurité pour les équipements recevant du public, un avis de la CDAC sur le projet final, et j’en oublie sûrement.
Et je ne vous parle pas du casse-tête qu’est devenue la révision d’un « plan local d’urbanisme », anciennement « plan d’occupation des sols », par une commune. Chaque administration, européenne, d’État, régionale, départementale, y a son mot à dire, ainsi que nombre de « bureaucraties de spécialité » (chambres de commerce, d’agriculture, architectes des bâtiments de France, INAO, etc.).

« Libre administration » ? Dans les rêves seulement…
Pire : les administrations d’État ayant vu leur rôle « d’acteur » de l’action publique réduit à peau de chagrin, les fonctionnaires qui y travaillent, pour justifier leur salaire, se sont recentrés sur le contrôle « régalien », au sens large : le PLU respecte-t-il toutes les couches législatives supérieures ? Les formes des consultations ont-elles été respectées ? Est-il conforme au SCOT, aux PPR, aux atlas de paysages, aux PDU, aux PLH, aux Schémas de services collectifs, aux Schémas d’équipement commercial, aux SAGE, etc. ? Je vous fais grâce de la traduction des abréviations.
Un nouvel élu d’une commune importante du sud de la France fut stupéfait de découvrir que 92% du territoire non bâti de sa commune était en quelque sorte « pré-zoné » par des règles nationales ou européennes, ce qui ne lui laissait pas vraiment de marge de manœuvre… Combien de fois ai-je entendu des élus locaux se demander à quoi ils servaient, puisqu’ils ne pouvaient en réalité qu’appliquer à la lettre un cadre ultra rigide fixé par l’État ?
Prolongement de l’urbanisme, la politique du logement n’échappe pas aux ukases de l’État. J’ai eu l’occasion de diffuser une vidéo du sénateur Charron critiquant vertement le renforcement des contraintes imposées aux élus locaux par la loi SRU, cette loi qui impose désormais à une commune de plus de 3500 habitants de compter au moins 25% de logements sociaux, sous peine d’amendes multipliées par 5 sous l’impulsion de l’ex-ministre du logement. Dans cette vidéo, M. Charron, comme beaucoup d’élus en privé, pense que le logement social n’est pas le bon moyen de lutter contre la détresse des mal-logés, et voudrait que l’État laisse les communes expérimenter et trouver de meilleurs moyens d’améliorer la situation des ménages dans ce domaine, si possible en laissant faire le secteur privé et la société civile. En l’état actuel de la loi SRU, cela est rigoureusement impossible.
Ce qui me fait dire, et la plupart des élus que je rencontre m’approuvent en privé, que l’explosion normative est le moyen que l’administration d’État, blessée dans sa raison d’être (et donc de percevoir des salaires) par les lois de 1982, 1992 et 2004, a trouvé pour reprendre une partie du pouvoir perdu au bénéfice des collectivités. La décentralisation à la Française n’est pas une vraie décentralisation mais la transmission par l’État des conséquences fâcheuses des lois qu’il édicte aux échelons locaux.

Les structures satellites
Comme si cela ne suffisait pas, les collectivités sont complétées par des organismes soit mutuels, soit consulaires, soit… indéfinissables, qui se spécialisent dans un domaine bien précis : Syndicats intercommunaux pour l’électrification ou l’adduction, ou encore l’assainissement, chambres d’industrie et d’agriculture, CAUE (Conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement), sociétés d’économie mixte en aménagement du territoire, agences foncières régionales et/ou départementales chargées de préempter tout terrain de bonne taille qui se présente, Sociétés publiques locales (une nouveauté de 2010) susceptibles de remplacer au moins en partie les missions de conseil autrefois assurées par les services d’État… Sans parler des « machins » d’État qui ne sont pas des administrations mais qui en ont l’odeur, la saveur et la couleur : Agence régionale de santé, Direction interrégionale des routes (pour les grands itinéraires), Agence Nationale de Rénovation Urbaine, Agences de l’eau, Commission des sites, commission nationale du débat public, etc., etc., etc., jusqu’à la nausée.
Comme cela ne suffisait pas, les lois de décentralisation ont permis à des collectivités de créer des « pays », qui peuvent avoir en charge, par exemple, la promotion touristique d’un vieux terroir historique, et ont imposé la création d’un nouveau type d’établissement public, les « SCOT », ou schémas de cohérence territoriale, une monstruosité que j’ai déjà abondamment dénoncée par ailleurs, et qui a pour but, rien moins, que de planifier le développement d’un territoire à horizon 15-20 ans. Car la planification, c’était bien connu dans l’ex-URSS, ça marche.
Ces structures peuvent tantôt co-financer, tantôt appuyer, tantôt bloquer un projet. Tantôt conseillères, tantôt quasi régaliennes, elles ajoutent souvent à l’action publique locale une petite touche baroque.
Et j’oublie nombre d’associations « bidon » qui sont en fait des « filiales » des administrations dont le seul but est d’appuyer une politique en s’affranchissant du code des marchés publics…

Un financement illisible et pousse-au-gaspillage
Les dépenses totales des collectivités locales représentent environ 220 milliards annuels, soit 11% du PIB, ou encore 20,5% de la somme des dépenses publiques. Sur le total, seuls 75 milliards proviennent de fiscalité directe, 33 de fiscalité indirecte (cartes grises, droits de mutation, etc.) et le reste soit de dotations de l’État, ou de l’Europe (environ 100Mds), soit, plus marginalement, de produits d’exploitation (des parcmètres, les cantines scolaires, ou une mairie qui loue des bureaux, par exemple, environ 12Mds). Sur les 75 milliards d’impôts locaux, seule une partie voit ses taux décidés par les collectivités. (voir encadré ci-dessous).


Les chiffres de la fiscalité locale en France en 2012
Recettes des collectivités :
  • Total 215 Mds (% PIB : 10,5%)
  • Part de la fiscalité directe : 75 Mds
    Dont Taxe foncière : 27
    TH : 19
    CVA: 15
    CFE : 7
    (différence : Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères, et autres « petites taxes »…)
  • Fiscalité indirecte : Cartes grises, taxe sur l’électricité, Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO)… 33 Mds
  • Transferts de l’État : 100 Mds
    Dont dotations : 61 (DGE, DGF, FCTVA…) – Le reste: « fiscalité transférée », subventions spécifiques, Contrat de plan État-région (CPER), compensations liées à la réforme de la Taxe professionnelle et de l’exemption des ménages à faible revenu des taxes locales.
  • Produits des domaines, d’exploitation (cantines, etc…) ou subventions spécifiques de l’UE (fonds structurels) : la différence, environ 12Mds


Le système d’impôts locaux français est un chef-d’œuvre d’art administratif contemporain. Les deux taxes les plus connues, la taxe d’habitation et la taxe foncière, voient leur assiette calculée sur des bases obsolètes par les services de l’État, et leur taux voté par les différents niveaux de collectivités qui en reçoivent chacun une partie. Presque aucun citoyen ne connaît les taux d’impôts locaux en vigueur dans sa commune, quant à la « valeur locative » du bien utilisée pour calculer son impôt local, elle relève généralement de la plaisanterie.
Autrement dit, quand une mairie se targue de ne pas augmenter la taxe d’habitation, ne vous réjouissez pas, cela veut dire que le département augmente sa quote part sur la même assiette dans le même temps. Et vice versa, et idem pour la région. Et je vous fais grâce des compensations versées par l’État au titre de l’exonération des ménages modestes ou du comblement de la différence entre l’ancienne taxe professionnelle et les deux machins qui l’ont remplacée, la Contribution Additionnelle sur la Valeur Ajoutée et la Contribution Foncière des entreprises.
Conséquences de ce fatras budgétaire : les communes ne comptent que faiblement sur des recettes propres pour financer leurs projets et vont donc « à la pêche » aux subventions des collectivités de rang supérieur, des ministères ou des agences spécialisées (ANRU, agences de bassin, etc.) pour financer la moindre place de village, le moindre équipement public. Dans les discours d’inauguration de ces investissements, l’élu porteur se doit de remercier tous les co-financeurs, et ils sont parfois nombreux… Le résultat est que l’élu peut se vanter d’avoir eu son projet « pour rien » et d’avoir épargné le contribuable local. Sauf que celui-ci, également contribuable national, a payé indirectement autant de dépenses de même nature effectuées par des collectivités à l’autre bout du pays.
Le résultat de ce système où les gens ont l’impression que « quelqu’un d’autre paye », est que nombre d’élus dépensent beaucoup, et mal ; les innombrables scandales et gaspillages mis au jour par la presse ou la cour des comptes ne sont que le résultat de ce découplage entre une fiscalité illisible et des budgets somme toute peu abondés par l’impôt.

La faiblesse des garde-fous et contre-pouvoirs contre les élus dépensiers
Les collectivités, de par la « clause de compétence générale », peuvent se saisir de n’importe quelle attribution, ici appelée « compétence », souvent mal-à-propos. Et donc les « dépenses d’intervention », en clair, les subventions et autres aides sociales, à des tiers en tout genre, pleuvent. Tel département finance des chambres d’hôtes, tel autre des forages de puits agricoles, tel troisième des antennes satellites internet pour résidents des zones « creuses » rurales… Les régions financent à corps perdu des lignes de TER sans voyageurs, ou l’installation de Ryanair et autres compagnies low cost sur leur aéroport sans cela désaffecté, des carrossiers en faillite (Heuliez), des fabricants d’avions en faillite (GECI), etc. Sans oublier les indispensables associations, parfois sans but lucratif, et parfois, comme le disait Pierre-Patrick Kaltenbach, « lucratives et sans but ».
Naturellement, les dépenses s’empilent sur les dépenses, le plus souvent sans évaluation ni de leurs retours sur investissement, ni de leurs coûts induits ultérieurs, la notion de « coût global de possession » n’étant pas encore usuellement maîtrisée dans les directions opérationnelles publiques.
Il y a certes des limitations théoriques à ce que les élus peuvent subventionner, notamment lorsque le commissariat à la concurrence de Bruxelles décide d’y mettre son nez. Ces subventions sont en grande partie vouées au gaspillage, et opèrent une distorsion concurrentielle entre ceux qui peuvent en bénéficier et les autres, voilà pourquoi Bruxelles ne les apprécie guère. Mais ce garde-fou est à mailles larges et laisse passer de nombreux financements publics qui ne devraient pas avoir lieu d’être.

Éducation : des compétences décentralisées, mais pas vraiment…
Vous entendrez souvent que « les communes ont en charges les maternelles et le primaire, les départements ont la compétence pour les collèges, et les régions pour les lycées ». Cela n’est vrai que pour l’édification et l’entretien des bâtiments, ou le recrutement et la rémunération des personnels auxiliaires d’éducation (cantines, agents d’entretien…), mais certainement pas pour le management des établissements, le recrutement des enseignants ou des directeurs, et les programmes, qui restent l’apanage de l’Éducation nationale. Et les décisions d’ouverture et de fermetures de classe ou d’établissement restent du ressort de la toute puissante DASEN (le nom administratif du rectorat de l’académie), bien que les coûts en soient supportés par les collectivités.
Bref, l’État décide, les collectivités paient, et n’ont aucun droit de regard sur la qualité du produit final. On a déjà vu mieux pour générer de la dépense efficiente…
Pour aggraver une situation déjà mal engagée, départements et régions éprouvent les pires difficultés à créer des établissement communs collèges/lycées. Qui doit payer le chauffage ? Les personnels non enseignants ? Quelles règles de prorata ? Comment gérer ces fichus marchés publics ?
Bref, même lorsque les deux présidents d’exécutif ne se détestent pas et peuvent collaborer, une gestion commune des établissements vire rapidement au casse-tête. Et voilà pourquoi les établissements d’enseignement se démultiplient parfois inutilement.

Le statut de la fonction publique
Quand vous regroupez des collectivités, impossible de mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire. Vous devez redéployer les doublons, sur des postes où ils ne seront en général ni formés, ni motivés. Les effectifs ne baisseront qu’au fur et à mesure des départs en retraite. Dans la fonction publique actuelle, les économies de masse salariale sont faibles.
En outre, lorsque des entités publiques se regroupent, très vite, les employeurs tendent à céder aux syndicats et à aligner les primes des agents sur l’entité de départ la plus généreuse. Il résulte qu’une fusion, dans la fonction publique, aboutit toujours à une augmentation de masse salariale.

Conclusion de cette première partie
Tout concourt à renchérir inutilement les coûts de l’action publique territoriale : pas de limites aux possibilités d’ingérence politique dans des secteurs qui pourraient être fort bien tenus par la société civile, pas de responsabilisation fiscale des élus locaux, pas de vrai contrôle ni évaluation de ce qu’ils font, pléthore d’intervenants (promoteurs, co-financeurs, conseillers, censeurs…) sur chaque projet, coûts réels des projets cachés par un entrelac de subventions, fiscalité illisible pour le citoyen, lois d’État s’imposant aux élus sans leur laisser la possibilité d’être plus intelligents que le législateur…

De fait, le « citoyen » au sens noble du terme se désintéresse totalement de la politique locale en général. Il ne se mobilisera que contre le projet de route près de chez lui. Les seules personnes actives en politique sont celles qui espèrent bénéficier du système, que ce bénéfice s’inscrive dans une perspective honnête ou pas : aspirants élus, responsables associatifs, chefs d’entreprise chassant la subvention, propriétaires fonciers souhaitant devenir constructibles, etc. Le citoyen ne joue donc pas son rôle de contre-pouvoir, ceux qui s’investissent poussent plutôt dans le sens de plus de dépenses publiques, pourvu que ce soit à leur avantage.

Dans le prochain article, il conviendra d’analyser si la réforme proposée par François Hollande peut corriger ces travers. Lire: La réforme territoriale de François Hollande passe à côté des vraies questions
 
La réforme territoriale de François Hollande ne résoudra aucun des maux du millefeuille administratif. Voici quelques propositions plus audacieuses.
 
La « réforme territoriale » annoncée par l’Élysée semble avoir été conçue à la va-vite, sans analyse de fond des tares de notre modèle, pour donner aux électeurs l’illusion que le gouvernement agit en profondeur tout en se contentant de gratter le vernis du fonctionnement de notre société.
L’on peut proposer une réforme territoriale bien plus audacieuse sans réinventer la démocratie : notre voisin Suisse dispose déjà d’une expérience incomparable en matière de société ultra-décentralisée, où l’action publique part de la volonté du citoyen et ne délègue à chaque échelon supérieur que ce qui lui parait devoir l’être. De surcroît, la Suisse est une « confédération » et non une fédération, ce qui implique que l’échelon local peut reprendre une délégation qu’il a donnée à l’échelon supérieur, et à l’extrême, on peut imaginer qu’un canton puisse quitter la confédération si celle-ci ne donnait plus satisfaction. Ce modèle a amplement montré son efficacité, la Suisse, pays sans ressource naturelle, parmi les plus pauvres d’Europe au début du XIXème siècle, est aujourd’hui un des trois plus riches avec la Norvège et le Luxembourg.
Certes, me direz-vous, « mais enfin, la France a une longue tradition d’unicité de la loi sur son territoire, importer la culture et le modèle Suisse de but en blanc ne fonctionnerait pas automatiquement chez nous ». Cette question est pertinente. Tout sociologue sait que l’importation d’un modèle extérieur sans précaution dans une organisation elle-même pourvue de traditions très ancrées est vouée à l’échec. Mais on peut, à mon avis, concilier le meilleur des deux mondes.
Poussons jusqu’au bout la logique de deux raisonnements opposés, ceux qui veulent rapprocher la décision du citoyen, et ceux qui veulent une certaine unicité d’action publique au niveau national. Dans ce cas, il n’y a que deux niveaux de décision réellement utiles : la commune, parce qu’elle est la plus proche du citoyen, et l’État, parce qu’on conçoit assez mal une armée, une diplomatie et une police purement locales, ou même régionales.
Les deux échelons intermédiaires que sont le département et la région ne sont finalement que des institutions bâtardes qui ne peuvent gérer correctement les problématiques régaliennes, tout en éloignant la décision politique du citoyen sur les autres sujets, et ne sont en général considérés par les communes que comme de grands tiroirs-caisses pour subventionner des projets d’intérêt purement local.
À l’état, l’armée, la diplomatie, la police nationale (le crime est géographiquement mobile…), l’organisation générale des tribunaux, le vote des lois à caractère pénal, et le soin de fixer des cadres législatifs suffisamment communs mais avec de bonnes marges de manœuvres pour l’action des communes. Pour ce faire, l’État aurait comme ressource les impôts indirects, principalement la TVA, et quelques recettes vouées à diminuer dans le temps, comme la TIPP, etc.
Aux communes, dont le regroupement éventuel serait évidemment soumis à référendum local, tout le reste, mais uniquement dans la mesure où l’action privée serait impuissante à délivrer certains services. Pour ce faire, les communes auraient accès à une ressource fiscale unique, une Flat Tax calculée à la fois sur les revenus des ménages et les gains « corporate ». Le niveau national se bornerait à définir l’assiette de l’impôt, mais les communes en fixeraient le taux, ce qui les placerait en situation de très saine concurrence fiscale, avec un impôt ultra-lisible pour les citoyens. On pourrait d’ailleurs imaginer que toute augmentation du taux de Flat Tax oblige les communes à recourir à un référendum budgétaire, une baisse pouvant par contre être votée simplement en conseil municipal. Initialement, le taux de cette Flat Tax pourrait être de l’ordre de 15% des revenus, avec pour seule niche une réduction du revenu imposable d’environ 10 000 € par enfant à charge (calcul).
Aucun échelon intermédiaire ne pourrait prélever l’impôt. Un maire aurait donc des moyens plus importants qu’aujourd’hui, mais la concurrence entre collectivités limiterait ses ardeurs fiscales.
Une municipalité pourrait être soit très libérale et prendre très peu d’impôts, soit très redistributrice, d’inspiration sociale-démocrate, et plus coûteuse. De même, elle aurait toute latitude pour confier ses missions à des fonctionnaires ou à des structures privées, le droit du travail de la fonction publique étant ramené dans le droit commun. La concurrence entre collectivités permettrait à tout un chacun de trouver celle dont le rapport prestations/prix collerait le mieux à ses aspirations. En outre, les contribuables sauraient qui aller trouver si les impôts augmentaient de façon déraisonnable. Alors qu’un ministre des finances à Paris, technocrate désincarné, où même un adjoint aux finances de conseil régional – élu à la proportionnelle de surcroît –, n’auront que faire des récriminations des vaches à lait dont ils pressureront le pis, un maire aura à cœur de ne pas mécontenter des contribuables si proches…
Concernant les tâches qui ne pourraient être gérées efficacement par les communes (par exemple, la création et l’entretien d’infrastructures interurbaines, la mutualisation de polices locales ou des services de secours, ou la gestion d’un chèque éducation, l’école en tant que service étant privatisée…), les communes en délègueraient l’exécution à une structure de type GIE1 intermédiaire, dont les salariés seraient également de droit privé. Le GIE n’aurait pas de structure politique propre mais un conseil d’administration, à élire ou désigner par les maires du périmètre du GIE.
En phase initiale, le contour de certains GIE serait peut être celui des actuels départements, mais gageons qu’assez vite, ce contour évoluerait, selon les souhaits des communes participant au GIE : scissions, évolutions limitrophes, etc. Ajoutons que les GIE pourraient être soit multimissions (un GIE pour toutes les missions confiées à l’échelon supra-communal), soient thématiques (GIE route, GIE chèques sociaux, etc.).
De par sa proximité des décideurs communaux, l’échelon départemental paraît ici mieux adapté que l’échelon régional. Mais peut être que des communes choisiraient un échelon infra ou supra départemental, les rares projets dépassant ce cadre étant gérés dans une logique de projet commun entre différents GIE, et non dans une logique de création de structure politique dédiée.
Le principe de subsidiarité gouvernerait l’action des GIE : les communes pourraient déléguer plus difficilement aux GIE leurs prérogatives qu’elles ne pourraient les reprendre. En outre, l’assemblée départementale des maires devrait décider quel pourcentage des recettes communales chacune apporterait aux GIE publics. Voilà qui les obligerait à s’interroger sur leur efficacité, car en cas de dérapage des coûts, les communes pourraient baisser leurs contributions, reprendre des délégations concédées aux GIE, etc.
Enfin, les missions confiées aux GIE pourraient être sans état d’âme privatisées, totalement ou partiellement.
Naturellement, ce ne sont là que de grandes lignes brossées à traits grossiers, qui mériteraient d’être affinées. Mais ainsi mises en concurrence, les communes auraient intérêt à rechercher, pour résoudre les problèmes se posant sur leur territoire, les solutions les plus efficaces, en évitant au maximum les considérations idéologiques. Elles en viendraient le plus souvent à privilégier la recherche de solutions partiellement ou totalement privées, que la société civile locale ne manquerait pas d’élaborer, de la façon la plus adaptée qui soit aux contraintes locales.

Conclusion
La proposition qui précède est évidemment utopique dans le contexte français actuel, et on peut en imaginer d’autres, pourvu qu’elles respectent les principes de subsidiarité, de responsabilité fiscale, de liberté de choix des méthodes et périmètres d’intervention, et de prépondérance a priori de la société civile sur le secteur public. Espérons sans trop y croire que les textes présentés comporteront, de ce point de vue, de bonnes surprises, mais l’évaluation des annonces initiales du gouvernement laisse craindre que la réforme créera beaucoup de remous pour des résultats faibles, voire contre-productifs.
 
 
Vincent Benard, est analyste à l'Institut Turgot (Paris). C'est un spécialiste du logement et un observateur attentif de la crise financière de 2007-2008. Il a également consacré de nombreux textes à la problématique du changement climatique. Il est par ailleurs Conseiller national du Parti Libéral Démocrate.
 
 

E) Réforme territoriale : l’inutile deuxième volet

La refonte de la carte administrative de la France ne sera finalement pas la grande révolution territoriale attendue.

Affublé de l’acronyme « NOTRe » (Nouvelle organisation territoriale de la République), le second volet de la réforme territoriale mériterait d’être baptisé du nom de Friedrich Accum, en hommage à l’inventeur de l’usine à gaz. Adoptée le 10 mars dernier en première lecture à l’Assemblée nationale après un premier examen mouvementé au Palais du Luxembourg, la refonte de la carte administrative de la France ne sera finalement pas la grande révolution territoriale attendue, de l’aveu même de Marylise Lebranchu, la ministre en charge du dossier. Explications.

Détricotage-retricotage
Cette réforme sortie du chapeau du François Hollande ne figurait pas parmi les soixante engagements du candidat. Totalement absente de la campagne de 2012, elle s’est pourtant invitée avec fracas dans le quinquennat à la faveur du printemps 2014. D’aucuns y verront un moyen habile pour le chef de l’État d’engager une réforme indolore pour les Français, mais occupant en revanche et les élus et les médias le temps d’une longue séquence politique et législative. Permettant, par effet pendulaire, de mettre en sourdine l’atonie de la croissance économique et la courbe du chômage qui n’en finit plus de ne pas s’inverser. Sur la forme, l’opération est donc plutôt réussie.

Rappelons également que l’actuelle majorité, aujourd’hui si prompte à dégraisser le mammouth administratif, était hier vent debout contre la loi du 16 décembre 2010, dite de « réforme des collectivités territoriales », portée par le gouvernement Fillon. Inspirée par les recommandations de la commission Attali et du comité Balladur, celle-ci prévoyait notamment la création du conseiller territorial, fruit de la fusion des conseillers régionaux et généraux, la clarification des compétences entre les différents échelons territoriaux, l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires ainsi que la suppression de la clause générale de compétence. Compte tenu de l’opposition en bloc et en détail des parlementaires socialistes de l’époque, la loi fut finalement adoptée à une très courte majorité.

Un quinquennat plus tard, à la stupeur de la droite désormais dans l’opposition, la réforme territoriale de la gauche, jamais à court de contradictions, reprend sans ambages l’esprit et le corps de la loi du 16 décembre 2010, face à laquelle elle avait poussé tant de cris d’orfraie. Moralité : ce qu’il a décousu hier, le PS le retricote aujourd’hui.

Peau de chagrin
Dès lors, annoncée par Manuel Valls lors de son discours de politique générale puis présentée en grande pompe en Conseil des ministres un 18 juin (heureux hasard du calendrier), la réforme territoriale du gouvernement se voulait ambitieuse.

Pour l’occasion, le couple exécutif l’avait habillée de ses plus beaux discours, tutoyant parfois le firmament du lyrisme : « grande réforme», « souffle »,  ou encore « élan pour l’unité de la République ». Ces effets de communication prennent aujourd’hui des allures de poncifs, ayant en réalité servi à masquer la vacuité d’une réforme mort-née. En effet, près d’un an après son annonce, force est de constater qu’elle se trouve aujourd’hui réduite à peau de chagrin, balayée par la tempête parlementaire et les compromissions gouvernementales.

Après avoir redessiné – à la hussarde et dans une pure tradition jacobine – la carte des régions sans aucune étude d’impact ni concertation avec les élus (voire avec les citoyens), l’exécutif s’attèle depuis décembre à la redéfinition des compétences des collectivités locales. Un dossier épineux dont il ne sortira certainement pas grandi. Car depuis plusieurs semaines, dans un exerce de style dont ils ont le secret, sénateurs et députés de droite comme de gauche se livrent à un « concours Lépine de détricotage législatif ». Avec près de 2.000 amendements déposés, soit autant de coups de canif portés au texte du gouvernement, la navette parlementaire a largement revisité le « big-bang territorial » annoncé, accouchant finalement d’un ersatz de réforme.

Rétropédalages
Ainsi, exit la suppression définitive des départements, véritables miraculés du marathon parlementaire et qui, in fine, ne perdront que peu de leurs compétences ; l’exécutif ayant baissé pavillon face au lobbying des barons locaux aujourd’hui ragaillardis. Exit aussi la compétence exclusive des régions sur le plan économique : les départements conservant des prérogatives en la matière aux côtés des métropoles notamment. Exit encore la rationalisation des intercommunalités : le relèvement du seuil de constitution des groupements de communes à 20.000 habitants (au lieu de 5 000) ayant subi un sérieux lifting par les parlementaires sonnant, en définitive, le glas de la rationalisation de la carte intercommunale.

Exit par ailleurs la suppression de la clause générale de compétence : bien que le gouvernement Valls l’ait gravé dans la loi (alors même que le gouvernement Ayrault l’avait quant à lui réhabilitée quelques mois auparavant), des compétences, et non des moindres, demeureront dans la pratique partagées entre les différents échelons administratifs : le tourisme, le sport, la culture et la santé. Un micmac bien éloigné de l’objectif initial de clarification.

Exit enfin la diminution du nombre d’élus locaux : alors que la France détient le record européen du nombre de titulaires de mandats électifs et que le nombre de régions a été divisé par deux, celui des conseillers régionaux ne bougera pas d’un iota. Résultat d’un amendement voté en catimini et dans un rare moment d’œcuménisme parlementaire par des députés de gauche comme de droite. Aux oubliettes donc les économies et l’exemplarité. Parmi les autres rétropédalages du gouvernement, la gestion des collèges demeurera dans le giron des départements, et ce alors que les transports scolaires seront, quant à eux, transférés aux régions.

Un non-sens, symbole supplémentaire s’il en fallait d’une réforme qui remplace finalement l’illisibilité par de l’opacité, l’immobilisme par du statu quo. Une réforme phagocytée par les intérêts individuels et sacrifiée sur l’autel des conservatismes politiques. Vue du ciel, une brume épaisse continuera donc de flotter encore longtemps sur l’organisation territoriale de la République…

Anthony Escurat Trop Libre est le blog de la Fondation pour l'innovation politique, dirigée par Dominique Reynié. Il ambitionne de devenir le « hub » des idées innovantes en France, une tête de prospection des pratiques réformistes, des débats intellectuels, des innovations politiques et économiques à travers le monde.
 

F) La réforme territoriale Hollande : dernier avatar du jacobinisme
 
La vraie réforme territoriale supposerait, pour être pertinente, qu’on applique strictement le principe de subsidiarité.
 
Les tares de l’organisation territoriale remontent loin dans l’histoire de France. L’Ancien Régime et la Révolution de Tocqueville avait décrit avec brio le fait que la centralisation caractérisait l’Ancien Régime et que la Révolution avait moins été une rupture qu’une confirmation. L’œuvre de centralisation s’est poursuivie à une tout autre échelle sous la République, puis sous l’Empire. En dépit de plusieurs changements normatifs, la France est restée un pays centralisé jusqu’à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.
 Les lois de décentralisation de 1982-1983 ont certes desserré l’étau du gouvernement sur les collectivités locales, mais elles ont surtout permis à l’opposition de se constituer des baronnies inexpugnables ou peu s’en faut, motif pour lequel la droite, traditionnellement centralisatrice, s’est en définitive bien accommodée des nouveaux textes. De multiples scandales s’en sont suivis. Le budget des collectivités locales a explosé, au même titre que le nombre des fonctionnaires territoriaux, donc la dette publique et les impôts dits locaux.

Après avoir nié l’évidence lors de la campagne électorale de 2012, François Hollande a découvert il y a peu l’ampleur de la catastrophe. La réponse du pouvoir tient à l’adoption d’une nouvelle réforme territoriale. Le débat, ces derniers jours, s’est focalisé autour du nombre des régions. De 22, il fallait passer à 14, puis à 13 ; des potentats locaux se sont déchirés sur le thème du « Touche pas à ma région ! » en mettant en exergue de médiocres intérêts et en livrant un cas clinique du « marché politique » qui sévit en France. Pourquoi au demeurant vouloir réduire à tout prix le nombre des régions ? Pour constituer des régions à taille européenne – cela rappelle les beaux jours du Gosplan – sur le mode du « big is beautiful ». Pour soutenir les entreprises en accordant à un échelon local le monopole des aides territoriales, nullement pour supprimer les aides, cela va de soi.

Une telle vision, partagée par moult élus de l’opposition, s’inscrit une nouvelle fois dans la lignée d’un jacobinisme et d’un interventionnisme bien français. La réforme vient d’en haut ; elle provient du Deus ex machina que constitue le Président de la République. C’est lui qui tricote et détricote les régions comme un mécano, selon les canons du constructivisme le plus éculé. C’est la « décentralisation centralisée », autrement dit la réforme territoriale à l’envers.

Au contraire, la vraie réforme supposerait, pour être pertinente, le respect strict de la subsidiarité, à commencer par la subsidiarité fiscale. Actuellement, les collectivités locales ne sont pas autonomes parce qu’elles ne bénéficient pas pour l’essentiel de ressources qui leur soient propres et parce qu’elles ne sont pas libres de fixer totalement le poids de l’imposition, au prétexte de la péréquation, traduisons : de l’égalitarisme. Elles en sont donc réduites à quémander des ressources et autres subventions à l’État.

Une véritable réforme territoriale ne peut advenir qu’en donnant au niveau local la place de choix qui lui revient. Les impôts doivent être prélevés localement, ce qui permettra d’une part de rapprocher le contribuable du citoyen, donc de conjuguer consentement de l’impôt et consentement à l’impôt, et d’autre part de juguler l’irresponsabilité des édiles, de créer une concurrence entre les collectivités et les niveaux de collectivités, et de limiter les rentes de situation. On ne se battra plus comme aujourd’hui sur le point de savoir si la région Nord-Pas-de-Calais doit être fusionnée avec la Picardie, si le Poitou-Charentes doit s’adjoindre au Limousin et à l’Aquitaine pour former des ensembles de taille idoine et mieux subventionner les entreprises, ou encore si le nombre des régions doit être réduit à 13 plutôt qu’à 14.

On ne s’écorchera plus sur des questions dérisoires aux yeux des contribuables. On se livrera à la concurrence pour attirer les individus et les sociétés dans des zones de droit, et non plus de non-droit. Quant aux rapprochements entre collectivités locales, ils s’effectueront spontanément et non plus par dirigisme. En ce sens, l’existence actuelle de 37 000 communes en France, loin d’être un poids mort, peut être envisagée comme une véritable richesse.

Jean-Philippe Feldman est professeur agrégé des facultés de droit et maître de conférences à SciencesPo. Avocat à la Cour de Paris, il est aussi l'un des principaux contributeurs du Dictionnaire du libéralisme (Larousse, 2012).  
 

G) Réforme territoriale : regard fédéraliste sur un projet jacobin
 
Le projet de réforme territoriale en France a officiellement une triple finalité : faire des économies, renforcer l’efficacité administrative, tout en confortant la subsidiarité. La réalité tient à ce que cette réforme est l’avatar d’un jacobinisme arriéré. Dans ces conditions, on voit mal comment elle pourrait satisfaire les objectifs susmentionnés. Ce faisant, la France s’érige en nation poussiéreuse à contre-courant des tendances observables sur le vieux continent qui tendent à favoriser la démocratie locale.
 
Le premier réflexe de nos politiciens pour faire des économies consiste à attaquer les collectivités territoriales. C’est tout de même curieux si l’on considère les chiffres de l’INSEE selon lesquels les administrations territoriales ne sollicitent qu’une faible portion des finances publiques. Celles-ci sont effectivement captées par l’État et les administrations de sécurité sociale à 78%. Certes une rationalisation de la carte territoriale engendrerait des économies au niveau des services déconcentrés de l’État et des autres administrations qu’il supervise. Mais réduire le train de vie ces administrations est tout à fait possible sans avoir recours à des méthodes autoritaires. On pourrait par exemple supprimer purement et simplement les services déconcentrés. Toutes les prérogatives actuellement détenues par ces services, c’est-à-dire la quasi-totalité des compétences budgétaires, fiscales et sociales, seraient ainsi dévolues aux territoires. Ce serait le début de la construction d’une véritable culture de la subsidiarité.

Un redécoupage arbitraire qui occulte la question de la souveraineté budgétaire locale
L’État français veut modifier unilatéralement la carte des régions au motif que celles-ci lui coûtent cher. Supposons un instant que c’est effectivement le cas. Accepterions-nous que Bruxelles puisse redécouper unilatéralement les territoires des États européens sous prétexte qu’ils ne savent pas gérer leur budget ? Il y aurait pourtant de quoi faire ! Il n’y a aucune raison d’accepter de la France ce qu’on n’accepterait pas de l’Europe. Si l’État français ne supporte plus de gérer les politiques budgétaires des collectivités, il peut parfaitement les mettre face à leurs responsabilités en décentralisant toutes les compétences en question. Ce faisant, il conférerait aux territoires une véritable « souveraineté » fiscale et budgétaire et la responsabilité qui va avec. Ces derniers seraient eux-mêmes aptes à rationaliser leurs dépenses. Plutôt que d’entretenir un paternalisme jacobin qui ignore les réalités locales, on mettrait l’accent sur l’autonomie et l’émancipation des acteurs locaux. On favoriserait la concurrence en permettant aux localités d’expérimenter de nouvelles politiques, ce qui accroitrait le potentiel d’innovation en la matière.

L’efficacité ? Ce n’est pas la taille qui compte !
Curieusement, pour nos politiciens, agrandir la taille des régions permettrait de conforter la performance des politiques publiques. Si la bonne gouvernance était déterminée par la taille d’une circonscription administrative, cela se saurait depuis longtemps. Beaucoup de petites entités souveraines et administratives sont mieux gérées que notre mille-feuille bureaucratique. C’est notamment le cas de l’État suisse et de ses multiples petits cantons. Étrangement, les régimes de sécurité sociale en Alsace-Moselle s’en sortent plutôt bien quand les autres ne savent pas comment résorber leurs déficits. L’efficacité des politiques, loin de croître en même temps que la taille des circonscriptions, ne dépend finalement que des moyens fiscaux et budgétaires ainsi que des qualités, l’adaptabilité et la flexibilité managériales des gestionnaires. On peut même se demander s’il ne serait pas finalement plus facile d’administrer des petits ensembles. Or ces questions étant totalement éludées, ce projet de réforme n’a aucun intérêt au regard de l’efficacité administrative.

Small is beautiful, big is not !
Le dernier argument en faveur de la réforme territoriale énonce qu’elle permettra d’accroître la qualité de la démocratie grâce à une application plus saine du principe de subsidiarité. Pourtant il semble que plus une communauté politique est petite, plus elle est respectueuse de la diversité des réalités individuelles et sociales et corrélativement de l’idéal démocratique. Prétendre favoriser la démocratie locale en accroissant la superficie des circonscriptions ne relève dans ces conditions que d’une vaste plaisanterie. Cette réforme ne présente décidément aucun intérêt pour les territoires. Tout ce qu’elle cherche à accomplir va au contraire dans le sens de plus de centralisation. Il s’agit simplement de faciliter la vie des bureaucraties nationales chargées de contrôler et d’infantiliser les territoires. Comme si les pouvoirs des services déconcentrés n’étaient pas suffisamment surréalistes, le gouvernement semble vouloir brider davantage le peu de libertés locales dont bénéficient les collectivités.

La France, dernier pays centralisé d’Europe
Ce projet de réforme illustre à quel point le jacobinisme français est indécrottable. Il se place ainsi à contre-courant de la tendance générale en Europe qui va vers une localisation accrue des processus décisionnels. Le dernier événement qui témoigne de cette tendance est probablement le référendum écossais qui a obligé Downing Street à envisager une dévolution plus importante pour freiner les ardeurs indépendantistes. Quant à la France, elle justifie sa centralisation administrative en criant son uniformité culturelle sur tous les toits. Il sera intéressant de voir si l’hypercentralisation séculaire qui caractérise notre pays a suffisamment bien endormi les régionalismes pour que ces derniers se laissent faire sans sourciller, et cela en dépit de la persistance d’un discours ethnocentriste dont la violence semble ignorer l’unité dans la diversité.

Ferghane Azihari. est un partisan de l'anarchisme mutualiste et individualiste membre des Jeunes européens Fédéralistes et du comité de rédaction du Taurillon. Il est également coordinateur de la rédaction du Mouvement des libéraux de gauche.
Un article du Taurillon 
 
 
 
 
H) Réforme territoriale  
 
Voir ici les différents posts d'auteur(e)s sur Contrepoints  
 
 
 
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