juillet 02, 2015

François Baroin entre République, Laïcité, religion - Le compromis !

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François Baroin : "Je veux protéger le modèle français"

Le sénateur des Républicains François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF), vient de présenter des "recommandations" aux maires confrontés sur le terrain à une remise en cause de plus en plus fréquente du principe de laïcité. 


 
Après les attentats, comment doit réagir la France? La laïcité est-elle une réponse?
La réponse est la fermeté et la confiance dans nos services pour faire obstacle aux attentats de ces barbares illuminés. S'agissant du vivre-ensemble, le fait de vivre dans un État laïc qui se tient à égale distance de chaque religion sans en privilégier ni exclure aucune, c'est-à-dire qui est neutre, est naturellement plus que jamais d'actualité.

Sur le terrain de la laïcité, estimez-vous que la République, depuis vingt ans, a reculé?
Elle a incontestablement ­reculé. Mais nous sommes dans une phase de reconquête. La loi sur le voile à l'école a montré que, quand la République était forte sur ses principes et qu'elle les affirmait par la loi, elle était capable de les faire respecter.
«Nous proposons une idée simple : le refus de tout menu confessionnel.»


En matière de laïcité, faut-il faire preuve de davantage de souplesse ou de plus de fermeté?
Il faut faire preuve de fermeté. Car la laïcité est avant tout une liberté. Un certain nombre de barrages se sont fissurés par une confusion des esprits, sincère ou entretenue par des gens qui n'acceptent pas le principe de laïcité. Nous avions vécu une situation similaire lors du débat sur le voile à l'école, avant la loi d'interdiction de 2004. Nous vivions sur une incertitude juridique en l'absence de loi. On disait aux principaux des collèges : "Débrouillez-vous, dialoguez et faites ce qui vous paraît le mieux." Aujourd'hui, nous observons la même chose sur toute une série de sujets : les cantines scolaires, les crèches, les sorties scolaires, la gestion des subventions aux associations… Dans nos recommandations, nous rappelons d'abord la nécessité de ne pas toucher à la loi de 1905, car il y a tout dedans. Et nous proposons aux maires de France un guide pratique sur tous les sujets du quotidien auxquels nous sommes confrontés. Lorsqu'il y a des zones d'incertitude, nous en appelons aux ministères compétents. Il faut refaire vivre la laïcité car c'est un bien commun très précieux.

Faut-il refuser à l'école les menus "de substitution", comme le réclame Nicolas Sarkozy?
Le groupe de travail et le bureau de l'Association des maires de France, composés d'élus de droite, de gauche et du centre, ont travaillé sur ce sujet et se sont prononcés sur une recommandation qui a obtenu un large consensus. D'abord, je rappelle que la cantine est un service public facultatif : l'obligation alimentaire relève des familles. Je rappelle aussi que la cantine a un coût pour le contribuable. Nous proposons donc une idée simple : le refus de tout menu confessionnel. Ne nous laissons pas piéger par les mots! Le terme "menu de substitution" est utilisé par ceux qui veulent utiliser la nourriture au service d'une religion. Mais il n'y a pas de place pour la religion lorsqu'il s'agit de se nourrir. Donc, libre à chaque conseil municipal de décider ou non d'offrir un menu, ou deux s'il en a les moyens et, à l'intérieur de ces menus, pas question de parler de porc ou de poisson. On peut, en revanche, évoquer par exemple le caractère protéiné des menus qu'on donne aux enfants.


Pourquoi dites-vous qu'il faut interdire les congés demandés pour des fêtes religieuses?
Cette question se pose pour les agents publics : il n'y a pas de place pour la religion lorsqu'on est au ­service d'un service public dans un pays laïc. Or, il y a de plus en plus de demandes de congés pour des fêtes qui ne sont pas intégrées au calendrier actuel des jours chômés. Le refus doit être la règle. Mais, là aussi, il faut un cadre juridique clair. Nous alertons également l'Ordre des médecins sur des certificats médicaux qui pourraient servir d'alibis, à l'appui de ces demandes dérogatoires qui s'avèrent de plus en plus nombreuses. Si quelqu'un veut s'absenter pour une fête religieuse, il doit le faire en prenant sur ses vacances ou en posant une journée de RTT. Mais il n'a pas à demander une dérogation au droit commun.
 «La laïcité permet à tous les citoyens de vivre ensemble.»

N'est-il pas excessif de réclamer, comme vous le faites, que les équipes nationales aient sur les terrains un comportement laïquement exemplaire, en demandant par exemple aux joueurs de ne pas se signer?
Ce sujet est de l'ordre du symbolique. Les fédérations sportives nationales, comme toute structure accompagnée par l'État, pour partie subventionnées par le contribuable et en charge d'une mission de service public, ont à ce titre une pleine et entière responsabilité dans la mise en œuvre du principe de laïcité. Je rappelle que les règles de la Fifa autorisent, par exemple, le port du voile dans le football féminin. C'est inconcevable dans un pays laïc comme la France. Dans un pays laïc, lorsqu'on porte le maillot de l'équipe nationale, on doit s'abstenir de toute manifestation publique de nature religieuse. Ce qui est vrai pour les sportifs l'est aussi pour les élus. Chacun connaissait la ferveur du général de Gaulle, mais il refusait de se signer lorsqu'il était en responsabilité de chef d'État.

La laïcité ne risque-t-elle pas de devenir trop exigeante, trop restrictive?
C'est l'inverse : n'a-t-on pas montré trop de faiblesse? Ne nous sommes-nous pas accommodés de trop de facilités, au fond, pour ne pas avoir trop de difficultés au quotidien ? À la lumière de ce qui se passe depuis les attentats du 7 janvier, il est nécessaire pour tous, singulièrement pour les maires, de réaffirmer comment on peut fonctionner intelligemment. La laïcité permet à tous les citoyens de vivre ensemble, quelles que soient leurs croyances et quelles que soient leurs opinions. C'est ce modèle français que je veux protéger.

Faut-il interdire le port du voile à l'université?
Nous ne pouvons pas traiter la question à l'université comme nous avons traité le problème à l'école sous la présidence Chirac. À l'université, on a affaire à des majeurs. Le débat pourrait éventuellement s'engager autour du principe de neutralité dans un espace public, autre que l'école, mais c'est à haut risque car il faudrait être certain de la position de la Cour européenne de Strasbourg. Il n'y aurait rien de pire que de faire une loi, par la suite censurée par la Cour de Strasbourg. Donc c'est un sujet à manier avec prudence, même s'il ne faut pas nier l'existence réelle d'une poussée communautariste à l'intérieur de l'université.

Était-il opportun que Nicolas Sarkozy rouvre le débat sur droit du sol et droit du sang?
J’avais moi-même, lorsque j’étais ministre de l’outre-mer, ouvert ce débat, mais sur un cas très spécifique : celui de Mayotte. Mon idée était alors de faire réfléchir sur la question de l’immigration clandestine, extraordinairement importante là-bas puisqu’on compte 30 à 40% de clandestins. Mais je ne l’imaginais pas pour la métropole. Le sujet de l’immigration doit certainement être traité d’une autre manière, à travers une réflexion à l‘échelle européenne. Il faut un Schengen 2.


«Je suis favorable à l'impôt sur le revenu à la source.»
C’est un piège, ce débat?
Cela a le mérite de faire réfléchir. Mais à l'heure où nous parlons, il y a un problème d'asile politique avec des questionnements sur nos capacités d'accueil et un problème d'immigration en termes d'intégration à l'échelle européenne. Une politique d'immigration doit avant tout répondre aux besoins d'un pays, elle est donc liée à  sa situation économique et démographique. Prenons l'exemple de l'Allemagne avec un vieillissement de la population et une faible démographie, peu de chômage et des besoins pour accompagner la croissance, on ne peut faire un papier-calque de la politique allemande.

Les collectivités locales - que vous décrivez comme étranglées par la diminution des dotations de l’Etat - ne doivent-elles pas, elles aussi, faire un effort d’économies?
Personne ne conteste la nécessité pour chacun d’apporter sa contribution à la réduction des déficits. Mais poser la question des déficits, c’est d’abord poser la question de la dette, qui atteint autour de 2000 milliards d’euros. Quelle est la part des collectivités locales, et singulièrement des communes, dans cette dette? Elle est de 4%. 80% de cette dette, c’est l’Etat. La baisse des dotations aux collectivités locales représente 28 milliards d’euros sur quatre ans. C’est absurde, c’est injuste et c’est dangereux. Non seulement parce que cela abîme des services publics de proximité, mais surtout parce que les communes sont des acteurs majeurs d’un des moteurs de la croissance : l’investissement public. Quelque 70% de l’investissement public est porté par les collectivités locales, et plus de 65%  par les communes et groupements de communes. Nous alertons donc, pour l’instant, malheureusement comme un cri dans le désert, autour du risque majeur pris pour la croissance économique française. Cet effondrement  de l’investissement public que nous annonçons - moins 25 à moins 30% dans les deux années qui viennent - aura un coût en terme d’emplois dans les travaux publics, estimé de 60 à 80.000. Nous alertons aussi solennellement sur un autre risque majeur : entre 1500 à 2000 communes sont menacées de faillite d’ici la fin de l’année. Elles seront alors gérées par le préfet qui, représentant de l’Etat, augmentera les impôts pour mettre les comptes à jour. En 2017, plus d’une commune sur deux pourrait être sous la tutelle de l’Etat. Je ne vois pas comment l’Etat peut se permettre de ne pas faire mouvement sur cette question.

«Il faut un Schengen 2.»
Quand aurez-vous un nouveau rendez-vous avec Manuel Valls sur cette question?
Un troisième rendez-vous avec le Premier ministre est prévu autour du 14 juillet. Le dialogue est naturellement républicain. Nous ne sommes pas aujourd'hui assez entendus sur les enjeux que nous portons. Je ne cesse d'alerter l'Etat sur le risque majeur pour nos communes et pour l'économie française. Quelque soit le résultat du rendez-vous, une grande journée nationale d’action est déjà programmée le 19 septembre prochain. Les Maires de France, engagés et responsables, expriment légitimement leurs inquiétudes face aux difficultés annoncées pour les prochains mois. 

Approuvez-vous le principe du prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source?
J’ai été ministre du Budget. Comme tout ministre du Budget, j’y ai pensé en arrivant. Et je fais partie de la longue liste des ministres qui ne l’ont pas fait… Je suis favorable à la mesure pour son caractère technique de simplicité. Mais je suis aussi favorable à la franchise sur ces questions : oui, il y aura toujours une déclaration à faire, et non il n’y aura naturellement pas une année blanche en 2017, année de l’élection présidentielle. Mais attention : s’il s’agit de la première étape vers une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, ainsi que de la remise en cause du quotient familial, j’y suis radicalement hostile.

Alain Juppé a-t-il raison, selon son expression, de redouter un "bidouillage" de la primaire de la droite eut du centre?
Je ne comprends pas tous ces débats. Je suis mobilisé sur d’autres sujets et, pour moi, le calendrier de la primaire n’a pas commencé. Épargnons deux ans de campagne aux français sur ce sujet. Le principe de la primaire a été inscrit dans les statuts pour éviter la destruction de l’UMP après la guerre pour la présidence de l’UMP. C’était  un projet qui nous a évité le pire, mais ce n’est pas dans la nature du parti. Aujourd’hui il n’y a aucune interrogation. Il y a un comité de la primaire. Le bureau politique a validé ce dispositif. Laissons faire les choses et travaillons pour qu'elle se passe bien.

En disant au micro de RMC qu’un président "n’est pas un enfant trouvé au pied de la crèche", avez-vous voulu suggérer que la primaire va se jouer forcément entre Juppé et Sarkozy?
Je me suis engagé en politique pour et aux côtés de Jacques Chirac. J’ai appris le service de l’Etat à ses côtés, et j’en ai retenu des leçons. C’est très long pour faire un président de la République d’un grand pays comme le nôtre. Il faut une solide et forte expérience pour aspirer à ce type de responsabilités. Peut-être que l’histoire me démentira, mais la France reste un vieux pays. Les gens choisissent le chef d’Etat, au vu de l’immensité de ses pouvoirs, en fonction de ce besoin d’expérience au service de la France au plus haut niveau de l'Etat.



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