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janvier 21, 2018

Comme c’est étrange... ! NON ?

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes ( notamment ou j'en étais l'administrateur), comme sur vos propres murs respectifs. 
D'avance merci. 

 L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...

Merci de vos lectures, et de vos analyses. Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 

 Al, 

PS: N'hésitez pas à m'envoyer vos articles (voir être administrateur du site) afin d'être lu par environ 3000 lecteurs jour sur l'Université Liberté (genestine.alain@orange.fr). Il est dommageable d'effectuer des recherches comme des CC. Merci




Brexit, Trump...
« Vous avez dit bizarre... ? Comme c’est étrange... !
 
Les électeurs ne votent pas comme le souhaiteraient nos édiles. Quel drame ! Dans les faits, jamais le décrochage des opinions vis-à-vis des élites n’a été aussi flagrant. Ce qui s’exprime de façon explicite suite au Brexit, voire excentrique pour les Etats-Unis avec l’élection fulgurante de Donald Trump, s’applique désormais pour les pays européens, et particulièrement pour la France, dans la perspective des prochaines consultations. La crise de confiance est profonde, beaucoup plus que nous ne pouvons l’admettre dans les cercles encore lucides. Elle n’est absolument pas surprenante sur le fond. Cette crise génère pour le moment séisme politique sur séisme politique, en déjouant « l’arrogance des avis éclairés des chroniqueurs et sondeurs, tout en révélant une colère froide des peuples vis-à-vis du système...». C’est la version désormais reprise après chaque verdict, avec le même aplomb, par ceux là même qui avaient affirmés l’inverse la veille.... Il faut bien expliquer pourquoi les électeurs ne sont pas allés dans la direction que nos experts et communicants avaient assénés sur les ondes. 

Mais ne nous leurrons pas, ces quelques réveils forcément « populistes », pour ceux qui méprisent les peuples, comme pour ceux qui cherchent à masquer leurs échecs, cachent en réalité un profond désarroi au sein des populations. Les marges de manœuvre pour sortir des impasses sociétales dans lesquelles nous sommes enfermés sont en réalité très étroites. Les électeurs le savent. Certes, ils sanctionnent les errements politiques au travers de votes compulsifs, mais en réalité ils sont résignés et peu enclins à faire la révolution. Ils ne sont pas forcément atones. Il suffit d’aller sur les réseaux sociaux et de suivre la mobilisation des collectifs. Ils sont justes profondément désabusés face aux dévoiements de nos démocraties par tous ces jeux d’oligarques qui sévissent sous toutes les latitudes. Ils sont résignés car ils savent qu’ils sont piégés financièrement par le déclassement généré par la pression fiscale, et démocratiquement par la tyrannie du jeu des partis. L’évolution des courbes de l’abstentionnisme depuis 15 ans dans la plupart des pays occidentaux est une bonne illustration de ces niveaux de décrochage des opinions partout en Occident. 

Il faut avouer que la plupart des rendez-vous électoraux sont devenus des affrontements médiocres de mercenaires sponsorisés par des circuits essentiellement financiers....C’est un peu partout l’argent contre l’argent... Il n’est plus question de projets collectifs et d’avenir, juste de taux de croissance tristounets et de courbes de chômage mortifères que l’on instrumentalise et réassure avec des planches à billet devenues folles....Les rares politiques qui osent ouvrir le questionnement sur ces sujets sont immédiatement ridiculisés et marginalisés par tous les lobbies et réseaux qui vivent impunément de ces spéculations sous toutes les latitudes. Où est la démocratie lorsque ce ne sont que des jeux minoritaires, avec en arrière plan des machineries électorales perverses, qui prennent en otage, voire spolient nos pays ? Nous n’avons plus que le choix entre la peste et le choléra. De fait, compte-tenu de l’état de nos dettes abyssales et du niveau de fractalisation de nos sociétés, les peuples ont pris conscience du fait que ceux qui dirigent nos économies et notre devenir ont depuis longtemps démissionné, en abandonnant sur le champ de bataille des pugilats médiatiques la défense de nos valeurs et de l’intérêt général. Ils ont d’abord vendu à l’opinion la mondialisation heureuse et ils récidivent en mettant sur l’étal l’identité toujours heureuse... La question fondamentale n’est ni dans l’avoir, ni dans l’identitaire mais dans l’âme incarnée par une signature collective derrière des dirigeants honnêtes, désintéressés et surtout compétents. Rares sont ceux qui ont le courage de s’engager sur ce niveau de posture. La plupart préfèrent nourrir la machine à faire du bruit, ce qui permet de maintenir les opinions dans un niveau d’abêtissement, voire de manipulation, guère égalé dans l’histoire moderne, excepté pendant les guerres où la propagande et la désinformation constituent une règle de gouvernance. Nous pourrions presque penser que nos dirigeants sont entrés en guerre contre leurs propres peuples...Une sorte de guerre civile où la défense des valeurs serait devenue la vraie ligne de front. 

Nos peuples savent qu’aujourd’hui l’avenir, comme l’enfer, n’est pavé que de bonnes intentions avec encore plus de dettes pour monnayer la sempiternelle paix sociale, plus de déficit public pour alimenter des Léviathans devenus incontrôlables, plus de multiculturalisme pour négocier une pseudo paix civile, plus de déchristianisation pour se garantir du radicalisme religieux, plus de monétarisation pour soutenir des faux taux de croissance, plus de migrations des sous continents qui convoitent notre bien être pour compenser nos effondrements démographiques et surtout plus de sécurité pour obtenir enfin ce « risque zéro » qui nous obsède tant. Dans les faits toutes ces gesticulations, pour ne pas dire ces impostures stratégiques, ne font que générer de la division, voire de la haine, et accélérer la destruction du modèle qui nous sert de socle et de référentiel. 

Dans ce contexte qu’importe que la France soit heureuse ou malheureuse, elle n’est plus ce qu’elle fut et elle ne sait plus où elle va ! Le spectacle absolument consternant offert par l’égo de nos dirigeants, qui se complaisent dans des joutes fratricides par médias interposés, ne contribue pas à résoudre les niveaux de défiance atteints au sein de notre semblant de démocratie, sur fond de monarchie républicaine. Vu le temps qu’ils passent sur les plateaux de télévision et sur Twitter pour «se raconter» nous pouvons honnêtement nous interroger sur le temps qu’ils consacrent réellement à leurs missions....Bien entendu la formulation de tels constats est forcément inacceptable au regard des conventions politico-médiatiques. Jamais l’encéphalogramme n’a été aussi plat sur les plans philosophiques, littéraires, artistiques et encore plus politiques alors que la situation exige plus que jamais d’être réaliste, imaginatif, audacieux et responsable. Mais il semble qu’il ne peut y avoir de place que pour des optimistes béats ou des pessimistes accrédités... Or la réalité est impitoyable ! 

Cette réalité, c’est celle d’une longue déconstruction de l’hégémonie oligarchique occidentale qui est entamée depuis plusieurs décennies, bien avant la chute du mur de Berlin ou le 11 septembre qui ne sont que des étapes. Nous feignons chaque fois d’être pris de court. Certes l’effet de surprise est constitutif des crises et il n’est pas interdit de se tromper. Il est plus difficile d’admettre la récidive et il est préférable de ne pas s’obstiner dans l’erreur. Le Brexit, l’élection de Trump, n’ont rien de surprenants sauf pour ceux qui ne voyagent pas, qui n’écoutent pas et qui « savent » mieux que ceux qui vivent dans les pays concernés. Demain, la sortie de l’Allemagne de l’Euro, après demain, l’implosion des pays du bassin méditerranéen et le retour d’un califat ottoman sont autant de scénarios inconcevables mais fortement probables. Allons-nous continuer à pleurnicher chaque fois qu’il y a selon la terminologie des clercs « une surprise stratégique » ou bien faire preuve de lucidité et « d’anticipation stratégique » ? Souvent le discours sur les effets de surprise dans les crises ne fait que révéler les niveaux d’enfermement de la pensée, les blocages idéologiques, l’obsolescence des filtres de raisonnement et la pauvreté des grammaires utilisées dans les évaluations des situations.
 
 
Les deux fausses surprises que nous connaissons avec le Brexit et l’élection de Trump sont la caricature de ces dérives. Pourtant ces deux évènements, comme ceux qui vont suivre, s’inscrivent dans un temps long : celui des conséquences de la résignation face au nihilisme contemporain, de la démission en termes d’exercice de la puissance et de l’auto destruction de notre mode de civilisation.
Ne nous méprenons pas le Brexit n’est qu’un pis aller pour sauver la perfide Albion du suicide européen. Trump ne sera ni Superman ni Batman pour sauver l’oncle Sam des maléfices du « système ». S’il arrive à éviter aux Etats-Unis un effondrement financier ce sera déjà de l’ordre de l’exploit. La sortie à venir de l’Allemagne de l’Euro, voire un rapprochement stratégique avec la Russie, sont inhérents à la fin imminente des accords de Yalta et à cette nostalgie de la Sainte alliance que nous ne pouvons plus sous-estimer. Les scénarios inconcevables ne manquent pas. La situation n’exige ni la force du gladiateur ni l'âme du poète. Elle demande juste de la force d'âme pour réinsuffler cette espérance perdue et cette intuition stratégique qui nous font défaut face à un monde en profonde transformation. Les solutions ne sont pas uniquement dans les mirages des ruptures technologiques et dans les miroirs aux alouettes des économistes. Elles sont dans la robustesse de nos socles de valeurs, la résilience de nos modes de pensée et dans les fondements chrétiens de notre civilisation. Il faut choisir entre le suicide collectif et la renaissance de notre civilisation. Entre les deux il faut juste réapprendre à survivre avec les réalités d'un monde en déconstruction dans lequel la position de chaque acteur est de nouveau négociable. C'est pour cela que nous ne sommes qu'au tout début d'une certaine intensité sismique sur le plan géostratégique que nos experts qualifient mollement d’incertitudes. 

Ce constat n’est pas évident à entendre et à admettre pour des sociétés opulentes, déconnectées des réalités du monde, dépressives et désenchantées, qui ont privilégié le principe de précaution à la prise de risque, l'angoisse au courage. Notre défi est maintenant de trouver les hommes et les femmes qui auront le courage de mettre les vraies questions à l'agenda et qui sauront incarner cette force d'âme indispensable avec droiture, abnégation et détermination. Les échéances électorales qui arrivent en Europe vont constituer à ce titre un formidable rendez-vous stratégique. Soit ce sera celui courageux de la responsabilité et de la lucidité. Soit ce sera celui infantile de la poursuite des dénis, de la fuite en avant et de l'imposture. N'oublions pas, quels que soient les discours sur le réveil des peuples, que nous sommes toujours à un moment jugés par l'Histoire, et que les générations futures ne nous pardonneraient pas nos défauts de lucidité et notre lâcheté sous le prétexte que nous aurions été surpris. 

Xavier Guilhou
Depuis trente ans, au travers de mes diverses expériences privées, publiques et académiques, j'ai été confronté à de multiples crises au niveau international et en ai tiré quelques convictions.

Beaucoup considèrent que la modernité de nos sociétés permet d'améliorer sans cesse la maîtrise des risques. C'est indéniable, mais ces progrès ne sauraient constituer en soi la certitude que nous allons vers un avenir plus sûr et plus fiable.

La réalité que je côtoie n'est pas celle-là. Je pense que nous sommes confrontés depuis plus d'une décennie à des ruptures majeures qui se traduisent par des franchissements de seuils cruciaux pour la survivance de nos modèles de vie.

Certains risques sont devenus explicites, comme la menace terroriste, la guerre des ressources, les confrontations d'ambitions au niveau mondial. D'autres nous déstabilisent dans nos certitudes, comme les récents désastres naturels du Tsunami en Asie du Sud, Katrina, la menace de la grippe aviaire ou Fukushima. Mais beaucoup émergent de façon implicite, en contournant nos croyances et nos défenses.

Ces transformations majeures de nos environnements appellent un exercice de lucidité, une prise de recul plus stratégique et un apprentissage des nouvelles grammaires de la gestion des risques et du pilotage des crises. Elles exigent surtout de se recentrer sur des pratiques de management moins technocratiques et sur des comportements plus authentiques.
 
 
 






octobre 22, 2014

Conservatisme et néo-conservatisme politique et la critique

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Terme dérivé du latin conservare et appliqué aux mouvements politiques et intellectuels qui ont pour but la conservation de l'ordre social existant ou le rétablissement d'un ordre antérieur, ordre fondé à leurs yeux sur des lois naturelles ou sur des données transcendantes. Les conservateurs considèrent avec un certain scepticisme les innovations sociales et les grandes théories abstraites.
Mouvement d'opposition au libéralisme et au radicalisme , issu de la résistance aux idées des Lumières et de la Révolution française
 
Autant de conservateurs à Gauche qu'à Droite! 
Le terme est apparu dans la première moitié du XIXème siècle mais avec un sens différent selon les pays. C’est donc une idée moderne mais dont la spécificité est d’être une idée contre, puisqu’elle naît contre la modernité. Elle s’est en effet constituée en défense de l’ordre politique et social traditionnel, celui-là même que vient bouleverser la Révolution française.

Contrairement au libéralisme et au socialisme , le conservatisme politique représente plus une attitude dans un contexte historique précis qu'une philosophie achevée. Il offre une idéologie à ceux qui se sentent dépassés ou mis à l'écart par la modernisation . Néanmoins, il reste ambivalent face à la modernité, puisque pour la combattre il se sert des instruments qu'elle a forgés, comme les associations, les partis et les médias.
À l’origine, la notion de conservatisme ne s’identifie ni plus ni moins qu’à une réaction contre la révolution donc à un courant contre-révolutionnaire porté par trois figures intellectuelles et politiques importantes : l’Anglais Burke et les Français De Maistre et Bonald. Ces trois hommes ont en commun de juger les principes de la Révolution française contraires à la nature de l’Homme, tant sur le plan politique que social ou même moral. Leur critique, qui s’oppose aux Lumières et aux Droits de l’Homme, s’articule selon trois axes : 

une critique de principe : l’Homme est une créature divine. Il est limité et ne peut pas tout savoir ni tout maîtriser. Il doit donc être modeste face aux volontés divines et ne peut pas faire oeuvre prométhéenne en essayant de bouleverser un ordre politique et social institué depuis des siècles. 

Une critique politique : la démocratie est incompatible avec la vraie autorité qui doit encadrer les passions humaines. Or la démocratie permet justement cette libération des passions ce qui en fait un régime terrifiant. En outre le pouvoir politique doit avoir une origine transcendante, comme c’est le cas de la monarchie de droit divin, ce qui ne l’est pas pour la démocratie qui vient de la souveraineté populaire. 

Une critique sociale : la bonne société humaine ne saurait être un agrégat d’individus mais une communauté vivante et ordonnée, organisée selon le principe des hiérarchies naturelles, là aussi voulues par dieu. 

Ces trois axes placent donc le conservatisme comme une réaction : réaction contre l’universalisme (il n’y a que dieu d’universel) et réaction contre le rationalisme. 

Les deux adversaires du conservateur sont donc les deux autres figures politiques de la modernité : le libéral et le socialiste (ou révolutionnaire). Les deux ont en commun une solide croyance dans le progrès et le déroulement d’un temps linéaire appelé autrement « sens de l’histoire ». 

De fait, durant une majeure partie du XIXème siècle, le conservatisme s’est identifié à la Contre-révolution, que ce soit en France ou dans les pays d’Europe touchés par les conséquences libérales de la Révolution française. Mais ce conservatisme était voué à l’échec dès lors que la tradition ante-révolutionnaire était rompue, sans possibilité de retour comme l’a montré l’évolution de la monarchie française de 1815 à 1848. Il s’est alors transformé en Réaction et le conservatisme politique a désigné autre chose. 

DES CONSERVATISMES ?
Il est resté de cette première période du conservatisme un attachement à ce qui est de l’ordre supposé de la permanence et de l’éternité, quelle que soit le domaine envisagé, ce qui continua à opposer les conservateurs aux libéraux et a fortiori aux socialistes, les deux s’attachant au progrès et à la maxime « Du passé faisons table rase… ». Ce que l’intellectuel allemand conservateur Moeller Van Den Bruck traduisait au début des années 1920 par :

 « Celui qui ne croit pas que nous remplissons le but de notre existence dans le court laps de temps, durant la minute qui s’écoule, celui-là est conservateur. » 

Politiquement, cela s’est traduit au Royaume-Uni et dans les États germaniques devenus l’Empire allemand en 1870 par un attachement sans faille à la monarchie et au principe monarchique dans lequel s’incarnait la nation. Cette simplification à outrance ne saurait cependant masquer le fait qu’il pouvait y avoir des nuances d’un pays à un autre, ne serait-ce que sur la classe sociale qui portait ce conservatisme politique (la noblesse rurale par exemple pour les pays germaniques). 

Mais la France occupe de fait une place à part car la puissance du mouvement républicain a semblé repousser le principe conservateur aux marges politiques. Hormis les légitimistes, on pourrait même se demander s’il y a pu y avoir des conservateurs en France puisque l’origine de la République est largement libérale. En fait c’est clairement la nation qui a pris en France le relais du principe monarchique comme ancrage du conservatisme. 

Ainsi peu à peu, quels que soient les pays, on a pu attribuer au conservatisme quelques caractéristiques simples : 

défense de la nation
conservation de la structure familiale comme base de la structure politique
foi dans la monarchie ou plus largement dans l’État
vie dans l’ordre social et la discipline 

Ceci étant posé, la définition du conservatisme n’est pas forcément plus claire car à bien observer ces éléments, on peut s’apercevoir que ce sont ceux finalement défendus par n’importe quel État. Or cela amène à la remarque assez évidente que l’État est en effet conservateur par essence et qu’il y a donc coexistence des deux principes. C’est d’ailleurs tellement vrai que l’État soviétique est rapidement devenu sous l’emprise de la contre-révolution bureaucratique le champion de ces principes. 

Autre élément de difficulté : l’existence d’un conservatisme social qui a connu une évolution similaire au conservatisme politique. Il apparaît en effet lui aussi au XIXème siècle en réaction à l’industrialisation et ses conséquences sociales, en particulier le laminage des élites traditionnelles et l’urbanisation. Mais il suit la même évolution que le conservatisme politique en gardant de sa première période l’hostilité au changement et à l’évolution tout en s’attachant à certains principes comme la défense de la hiérarchisation sociale de la société ou la nécessité des élites.
 

La gauche est gagnée par un conservatisme de principe

par André Comte-SponvilleGaz de schiste, OGM, nucléaire... La gauche en France, globalement, est contre. L’opinion n’est pas pour. Comme ce sont des sujets sur lesquels je n’ai aucune compétence particulière, je me garderai bien de trancher. Au reste, les experts eux-mêmes, sur ces questions, divergent. Mais ce qui me frappe, c’est ce tir nourri contre des ressources, énergétiques ou agricoles, qui résultent d’abord de considérables progrès scientifiques ou techniques. Cela ne prouve évidemment pas qu’il faille les utiliser (un progrès scientifique peut déboucher, socialement, sur une régression), mais devrait amener à les considérer, jusqu’à plus ample informé, avec bienveillance.

Or, c’est le contraire qui se passe : les sciences nous sont devenues suspectes, les techniques, inquiétantes. C’est un renversement considérable.
La gauche, qui se voulut pendant trois siècles du côté de tous ces progrès, y compris scientifiques, devient plus frileuse, plus méfiante, voire, parfois, carrément conservatrice. Qu’il puisse y avoir à cela de bonnes raisons, je n’en doute pas. Préserver les acquis sociaux, les paysages, l’environnement, ce sont des combats légitimes. Mais qu’il serait suicidaire, pour notre pays, de confondre avec le refus de principe de toute innovation, de toute adaptation, de toute transformation, fussent-elles difficiles et non dépourvues de risques. Qu’il y ait dans tout progrès une part de conservation nécessaire, je l’ai rappelé bien souvent. Ce n’est pas une raison pour glisser, comme certains le font, du progressisme à l’immobilisme, ni du rationalisme à l’obscurantisme.

Le principe de précaution, tel qu’il est énoncé par la Déclaration de Rio ou par la loi Barnier, se veut un principe d’action : l’absence de certitude scientifique, concernant un risque possiblement irréversible, ne doit pas nous dispenser de prendre « des mesures effectives », c’est-à-dire d’agir. Mais il fonctionne plutôt, en pratique, comme un principe d’inhibition, qu’on pourrait formuler à peu près ainsi : « Dans le doute, abstiens-toi. » Comme il y a toujours un doute (le risque zéro n’existe pas), il pousse certains à vouloir s’abstenir toujours, donc à ne rien faire. C’est opter pour la peur plutôt que pour la prudence. Et augmenter les risques, bien souvent, au lieu de les réduire. Toute action est risquée. Mais l’inaction presque toujours, l’est davantage.

Il n’y a pas de progrès sans risque. C’était vrai de la maîtrise du feu au paléolithique, comme de la Révolution industrielle au XIXe siècle. D’ailleurs, l’une et l’autre ont entraîné, au fil des siècles, des millions de morts. Est-ce une raison, rétrospectivement, pour les condamner ? Bien sûr que non ! Un progrès risqué, comme ils le sont tous, vaut mieux que l’immobilisme, qui est, lui, risque certain et plus grand. Ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi. Mais c’en est une pour refuser l’obscurantisme et le conservatisme de principe. Pour transmettre à nos enfants une planète habitable, nous avons besoin de davantage de science, de technique, de progrès, et non pas de moins.

Vive le conservatisme de gauche !

Qu’est-ce alors que l’instinct de conservation ? Au commencement, nous dit Dupré La Tour, il y a dans l'attitude conservatrice une certaine forme d'inquiétude, liée à la conscience intime de notre finitude:

 « Être conservateur, dit-il, c'est d'abord se savoir périssable ». 

 C’est ensuite faire gré à la désobéissance de manière à renouer avec l’humanisme radical. Les conservateurs d’autre part cultivent l'ordre avec la volonté de réinstaller une liturgie dans le chaos du monde. Ils défendent avec énergie les institutions. Ils ne démantèlent pas l’Etat. Ils luttent contre tous ceux qui font publicité de leur vie privée. Ils séparent à outrance leurs activités. Ils outrepassent l'individualisme sauvage afin de reconstruire ce lien que nous avons rompu avec les générations futures. Ils se méfient des imprécateurs romantiques, des grands émotifs, et préfèrent les intellectuels lucides qui prennent au sérieux la Science, tel Gaston Berger (1896-1960), le père de la prospective. Le conservateur n’est pas un précautionneux. S’il combat le libéralisme affairiste, et le consumérisme, il entend renforcer les ordres – la séparation des pouvoirs – qui garantissent le vivre ensemble. Vous l’aurez compris, l’ennemi du libéralisme révolutionnaire est ami du conservatisme social. Et ne me demandez surtout pas de quel bord est l’auteur ? 


 

L’imposture du « libéral-conservatisme »

L’expression « libéral-conservateur » gagne en popularité. Que se cache-t-il derrière ce mariage invraisemblable ?
Par Mathieu Bédard.

Libéral parce que conservateur


Le conservatisme libéral est une option politique viable qui a fait ses preuves à l’époque des plus belles heures du libéralisme et qui reste tout à fait envisageable dans un futur panorama politique français.

Par José López Martínez.


Conservateur

De Wikiberal
 
Un conservateur est quelqu'un qui
  1. vise à conserver le système tel qu'il est, autant dans ces aspects libéraux qu'illibéraux
  2. défend les libertés sur le plan économique et au niveau du pays mais non sur le plan personnel. Synonyme grosso modo et en général de "droite".
  3. défend la propriété et les « valeurs morales » (famille, travail, religion, patrie, traditions).
Dans son livre, paru en 1987, sur le mouvement conservateur aux Etats-Unis, John P. West cite 7 personnalités importantes : Russell Kirk, Richard Weaver, Frank S. Meyer, Willmoore Kendall, Leo Strauss, Eric Voegelin et Ludwig von Mises

Critique libérale

Un libéral ne se positionne pas pour ou contre le conservatisme : il est à la fois conservateur sous un certain plan ("le libéralisme est la seule idéologie qui n’aspire pas à changer l'homme mais à le respecter", Mathieu Laine) et progressiste sous un autre ("le libéralisme (...) n'est hostile ni à l'évolution ni au changement ; et là où l'évolution spontanée a été étouffée par des contrôles gouvernementaux, il réclame une profonde révision des mesures prises", Friedrich Hayek).
Friedrich Hayek dresse une critique du conservatisme en soulignant ses caractéristiques antilibérales :
  • sa prédilection aveugle pour l'autorité ;
  • son ignorance du fonctionnement des forces économiques (incapacité à comprendre l'ordre spontané qui le conduit souvent à privilégier des politiques absurdes, comme le protectionnisme, le salaire minimum, etc.);
  • son manque de principes (non pas moraux, mais politiques) ;
  • son interventionnisme pour raisons morales, alors que pour un libéral "les convictions morales qui concernent des aspects du comportement personnel n'affectant pas directement la sphère protégée des autres personnes ne justifient aucune intervention coercitive" ;
  • son absence d'objectif, fautes de principes : "le conservatisme peut, par sa résistance aux tendances prédominantes, ralentir une dérive indésirable, mais il ne peut empêcher que la dérive persiste, puisqu'il n'indique aucun autre chemin" ;
  • son acceptation de l'inégalité en droit au bénéfice d'une élite ou d'une hiérarchie, alors que "le libéral estime qu'aucune déférence envers des valeurs reconnues ne peut justifier le recours à des privilèges, monopoles, ou autres moyens de contrainte, en vue de protéger les personnes en question contre les forces du changement économique".

Conservatisme libéral

Hans-Hermann Hoppe a une définition du conservatisme plus positive qui lui est propre, qui n'est pas une opposition au changement ou une préservation du status quo, mais qui est liée à sa conception d'un ordre naturel :
Est conservateur celui qui croit en l'existence d'un ordre naturel, correspondant à la nature des choses : celle de la nature et celle de l'homme (Democracy: The God that Failed, 2001, chapter 10).
Pour Edmund Burke, le conservatisme libéral découle d'un refus de faire table rase du passé : la tradition, la famille, la religion, la hiérarchie, etc. fournissent des cadres de référence aux individus qui leur permettent de se développer. Ce sont de précieux garde-fous contre les doctrinaires constructivistes. Ainsi, Burke critique la conception française des droits de l'homme, construction abstraite et universaliste, pour lui préférer les droits des Anglais, héritage du passé.

Conservatisme antilibéral

De nombreux conservateurs de droite ou de gauche sont antilibéraux par nationalisme, traditionalisme, bellicisme, étatisme, interventionnisme, anti-individualisme, corporatisme, etc. Ils considèrent généralement que la coercition et la violence sont justifiées pour sauvegarder des "valeurs" nationales ou des "valeurs" morales.

Le conservatisme est une utopie car l’État finit toujours par devenir un
Léviathan incontrôlable. « Si l’on rejette le laissez-faire à cause de la faillibilité de l’homme et de sa faiblesse morale, il faut aussi, pour les mêmes raisons, rejeter toute espèce d’action du gouvernement », écrit Ludwig von Mises. (Damien Theillier, Libres ! 100 idées, 100 auteurs)

 

Néo-conservatisme

De Wikiberal
 
Le néo-conservatisme (ou néoconservatisme) est un courant de pensée politique d'origine américaine apparu à la fin du XXe siècle (années 1980). Il s'oppose au relativisme culturel et moral, et à la contre-culture de la nouvelle gauche (« New Left »). Il a influencé Ronald Reagan, George W. Bush et, dans une moindre mesure, Tony Blair.
Le néoconservateur (aussi abrégé en néocon) ne doit pas être confondu avec un partisan de la nouvelle droite française et européenne. Par ailleurs, le néoconservatisme est assimilé à tort à un courant particulier du libéralisme, bien que son discours soit très modérément libéral. En fait, les néoconservateurs acceptent des interventions étatiques importantes dans l'éducation et la santé, en échange de réduction d'impôts et de contrôle de l'inflation (et encore). Ils considèrent comme très important l'engagement de l'État dans le domaine militaire — en vue de lui faire servir des fins offensives (à l'opposé du courant paléoconservateur, partisan de l'isolationnisme).

Historique

En opposition avec la "vieille droite" américaine, fortement anti-étatiste, la "néo-droite" qui a émergé au cours de la guerre froide, sous la houlette du journaliste William F. Buckley Jr., directeur de la National Review, a ouvertement demandé une augmentation massive des dépenses étatiques et une extension de l'appareil policier au motif de combattre plus efficacement le communisme à l'intérieur et à l'extérieur des frontières américaines. Dans la foulée, au cours des années 60, de jeunes intellectuels ayant abjuré leur ancienne foi dans l'Union soviétique, mais toujours marqués par la pensée politique trotskiste, ont commencé à se faire connaître en critiquant la faillite morale entraînée par les politiques sociales lancées sous Kennedy et Johnson sous l'étiquette de "Grande Société" - mais il faut noter qu'ils n'ont jamais remis en cause le Welfare State rooseveltien.
Ces universitaires se nomment Irving Kristol (surnommé "le Pape du néoconservatisme"), Daniel Bell, James Burnham, Seymour Martin Lipset, Patrick Moynihan, etc. et fondent au même moment des revues telles que Encounter, The Public Interest, The National Interest. Ils seront rejoints par Norman Podhoretz, qui a créé de son côté Commentary, où il défend la politique de l'Etat d'Israël et s'oppose au pacifisme de la New Left.
Quittant progressivement le terrain social, ces auteurs s'intéresseront aux relations internationales et défendront - à la suite du polémologue, stratège et mathématicien Albert Wohlstetter, ainsi que de l'éditorialiste William F. Buckley, que l'implication croissante de l'armée américaine dans le monde entier afin, disent-ils, de faire pièces à l'empire soviétique. Ils attireront l'attention du très belliqueux - et supporter inconditionnel de l’État d'Israël - le sénateur démocrate Henry "Scoop" Jackson, en compagnie duquel plusieurs d'entre eux siègeront au sein du Committee on Present Danger. Ils feront campagne au sein du parti démocrate pour que Jackson devienne en 1976 le prochain président des Etats-Unis, mais ils échoueront : Jimmy Carter sera le candidat démocrate et gagnera les élections présidentielles.
Quand Ronald Reagan triomphe en 1980, ils devinent qu'il est leur homme: ancien démocrate passé à droite, anticommuniste décomplexé, désireux de faire de son pays la puissance qui déstabilisera l'URSS, le nouveau président s'entoure d'ailleurs de certains d'entre eux, nommant en particulier Jeanne Kirkpatrick ambassadeur représentant les USA aux Nations unies.
Durant les années 80, une nouvelle génération prend la relève: William Kristol (fils d'Irving et fondateur du Weekly Standard), Paul Wolfowitz, Paul Kagan, Francis Fukuyama, Daniel Pipes, etc. Avec la chute du communisme, il sont orphelins de l'ennemi qui entretenait leur soif d'expansionnisme et d'interventionnisme. Mais ils conservent leur attachement à la défense d'Israël et, sous le prétexte de protéger ce pays, militent pour que les gouvernements américains successifs se lancent dans des "guerres préventives". Au sein de multiples think tanks (Heritage Foundation, American Enterprise Institute, PNAC, etc.) ils travaillent à la confection de rapports visant à convaincre les dirigeants politiques de leurs options (cf. la lettre ouverte à Bill Clinton l'adjurant, en 1998, de renverser le régime de Saddam Hussein).
Aujourd'hui, les néoconservateurs s'identifient généralement avec le Parti Républicain des États-Unis - bien que l'un de leurs mentors, Richard Perle, continue de voter pour le parti démocrate - et avec la défense de l’État d'Israël face à la menace palestinienne.

Leurs rapports avec les libéraux et les libertariens

Les néoconservateurs, de leur propre aveu, ne partagent pas le souhait libéral de voir diminuer le rôle de l'État. Au contraire, ils aspirent à une augmentation des crédits en matière d'armements, à une extension de l'influence gouvernementale américaine dans le monde, au travers d'interventions militaires, de coups d'État téléguidés, de soutiens financiers à des organisations satellites dans différents pays d'Europe ou d'ailleurs.
S'ils contestent, comme les libertariens et la plupart des libéraux, la légitimité de l'ONU, ce n'est pas pour les mêmes raisons : les seconds le font parce qu'ils n'apprécient guère l'idée d'un "gouvernement mondial", tandis que les premiers se mobilisent contre ce type d'institution... parce qu'elle concurrence trop, selon eux, l'influence des États-Unis dans les affaires internationales.
Les néoconservateurs sont partisans en particulier de la "doctrine Wolfowitz", qui pose que l'objectif principal de la politique étrangère des États-Unis est d'empêcher la montée de tout pays (Russie, Chine...) qui pourrait faire échec à l'hégémonie américaine sur le monde entier.
Il n'est donc pas étonnant que les libertariens américains aient, pour la plupart, identifié les néoconservateurs comme des étatistes au moins aussi nuisibles que leurs homologues d'autres tendances politiques. Murray Rothbard, qui avait identifié en eux un discours fortement imprégné de philosophie marxiste, a dénoncé sans faillir leur influence dans la politique américaine et a notamment insisté sur le fait qu'ils servaient l'alliance du Big Business et du Big Government, tandis qu'ils défendaient le développement d'un Warfare State jouxtant le Welfare State (deux faces d'une même médaille, puisque - pour citer la célèbre phrase de Randolph Bourne: War is the Health of State). Plusieurs de ses libelles anti-néocons sont accessibles ici.
Depuis la mort de Rothbard, d'autres auteurs libertariens ont pris la relève pour dénoncer les politiques néoconservatrices, par exemple sur lewrockwell.com ou antiwar.com. Ivan Eland, par exemple, a consacré plusieurs livres très critiques vis-à-vis du néo-conservatisme. Ron Paul souligne l'alliance du welfare state avec le warfare state. Martin Masse, fondateur du webzine libertarien Le Québecois libre a brillamment résumé la vraie nature de l'idéologie néoconservatrice lorsqu'il écrit :
Aujourd'hui, les néoconservateurs américains prétendent défendre la « démocratie » et la « liberté » mais ont gardé cette tendance à vouloir l'imposer aux autres pays par la force. Le fait que les États-Unis doivent se transformer en empire pour atteindre cet idéal ne semble pas les déranger particulièrement. Ils valorisent les valeurs militaristes et croient que la liberté ne sera protégée que par un État fort. C'est tout le contraire de ce que croient les libertariens cohérents. Les néoconservateurs ne sont en fait que des trotskistes mutants qui ont plaqué leurs croyances étatistes et impérialistes sur un discours superficiellement « conservateur » dans le sens américain du terme, c'est-à-dire en faveur du libre marché et des valeurs traditionnelles.
De ce côté-ci de l'Atlantique, l'antilibéralisme foncier des néoconservateurs n'est pas bien compris, de sorte que l'on a pu voir des personnalités libérales (Alain Madelin, notamment) reprendre à leur compte leurs vues, comme s'il s'agissait d'options compatibles avec la pensée libérale.
Ron Paul caractérise les néoconservateurs par la pratique du "noble mensonge" et résume leurs idées ainsi (Liberty Defined, Noble lie) :
  • il est du devoir des élites de tromper les masses
  • les gouvernants sont des êtres supérieurs qui ont des droits et des devoirs à l’égard des inférieurs
  • une utilisation cynique de la religion est importante pour faire passer le message à destination d’une société obéissante, de façon à empêcher les individus de penser par eux-mêmes
  • les menaces externes unissent le peuple ; la peur est un ingrédient nécessaire au succès. Selon Machiavel, s'il n'existe pas une menace extérieure, les dirigeants doivent en créer une
  • cela unit les gens et les rend plus obéissants envers l'Etat. Les néoconservateurs affirment que c'est dans l’intérêt du peuple puisque l'individualisme est fondamentalement mauvais et que l'élite doit se conformer à son devoir de gouverner les incompétents
  • la religion, le mensonge et la guerre sont les outils utilisés par les néoconservateurs pour supprimer l'individualisme et fortifier une élite dirigeante. Ces points de vue sont, à des degrés divers et sur diverses questions, adoptés par les dirigeants des deux partis politiques. C'est pourquoi l'individualisme est sous attaque constante et la philosophie des Pères fondateurs a été si gravement compromise. Les néoconservateurs nieront toujours cela (cela fait partie de leur noble mensonge) car cela ferait exploser leur couverture
  • ils font en fait le contraire, revendiquant un brevet de superpatriotisme, et quiconque est en désaccord avec leurs guerres et leurs projets d’assistanat est anti-américain, anti-patriote, non-humanitaire, opposé aux troupes, et ainsi de suite.

Postérité

La vision du monde néoconservatrice a séduit nombre d'intellectuels aux Etats-Unis, tels que le philosophe Allan Bloom (qui servit de modèle au romancier Saul Bellow pour son roman Ravelstein), disciple de Leo Strauss, philosophe politique d'origine allemande (très prisé par un Paul Wolfowitz, par exemple).
En Europe, l'influence néoconservatrice semble avoir gagné une partie du Labour de Tony Blair et se reconnaît en France dans les articles et essais de nombreuses personnalités comme Jean-François Revel (depuis Comment les démocraties finissent jusqu'à L'Obsession anti-américaine), André Glucksmann (en particulier dans Ouest contre Ouest)), Yves Roucaute (La Puissance de la liberté et Le Néoconservatisme est un humanisme), ou encore Guy Millière, le laudateur attitré pour l'Hexagone de George W. Bush auquel il a déjà consacré pas moins de trois livres (!!).
Des sites comme libres.org ou encore l'Institut Hayek défendent plus ou moins ouvertement le point de vue néoconservateur au sein du monde francophone.


  • La doctrine néo-con ne reconnaît ni les responsabilités globales des USA, ni même leurs dettes. Ils considèrent que les dettes n’en sont pas, et qu’en fait ils représentent une sorte de tribut que le monde doit payer « en échange du monde que les Etats-Unis ont fait ». C’est un peu le même raisonnement, élargi, que celui qui a prévalu au moment de la guerre froide : les USA assurant la défense du monde libre, et ce monde libre refusant de payer pour sa sécurité, alors les USA sont légitimes à prélever un tribut. C’est l’origine objective du seigneuriage monétaire.

ANTICONS : Observatoire du néo-conservatisme

Ce site se propose de faire connaître au public francophone la nébuleuse française au service de l’idéologie néo-conservatrice, un cercle de pensée né aux États-Unis dans les années 70, dont les promoteurs ont accédé de façon coordonnée au pouvoir en 2001, à l’origine des grands bouleversements géopolitiques guerriers de la dernière décennie.
Il se veut une compilation non exhaustive mais factuelle d’informations sourcées et/ou facilement vérifiables.
 

octobre 15, 2014

La génèse du libéralisme par JR ALCARAS (économiste) - "Gauche" Libérale ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

La naissance du libéralisme au 18ème siècle :
un projet de société indissociable de l’utopie des Lumières
 
La question du libéralisme est évidemment au coeur des conceptions contemporaines de la liberté… L’idée d’un régime prônant la liberté de tous et de chacun est généreuse ; la réalité est souvent plus discutable… mais pour se prononcer, il faut d’abord se poser la question de quel libéralisme parle-t-on ?
 
Jean-Robert Alcaras propose ici de revenir sur la genèse du libéralisme au 18ème siècle, comme libéralisme total (politique, moral et économique) indissociable de la philosophie des Lumières.


INTRODUCTION

Si la liberté se définit comme « puissance de la volonté » (c’est-à-dire vouloir et pouvoir faire ce que l’on veut), alors… comment vivre en paix et dans l’harmonie sociale dans une société constituée par des individus auxquels on accorde une grande liberté ? Autrement dit, la paix et la sécurité (des biens et des personnes) sont-elles compatibles avec un régime de libertés individuelles les plus étendues possibles ?

Cette question, c’est l’une des questions centrales — pour ne pas dire LA question — qui est au coeur de la problématique de la modernité.
Ce que je voudrais montrer, c’est que le libéralisme — pas seulement économique — est une des réponses possibles à cette question. Mieux encore : c’est peut-être même la seule réponse pragmatiquement faisable que la modernité ait réellement trouvé à ce problème — avec toutefois la possibilité de constater de grandes nuances entre les différentes versions qui se sont ensuite inspirées, au 19ème et au 20ème siècles, du projet libéral originel !!!

Je vous proposerai donc comme principale conclusion la proposition suivante : sauf exception notable (ce qui est le cas des anti-modernes ou du moins des pensées critiques face à la modernité, comme celle de H. Arendt), et contrairement à ce que l’on entend souvent en France, nous sommes (presque) tous des libéraux au sens originel du terme — même ceux qui parmi nous se définissent comme… des anti-libéraux !

Pour arriver à ces conclusions, il faudra d’abord que nous nous entendions sur les termes qui seront ici employés : de quel libéralisme parle-t-on ? A quelle modernité fais-je référence ?



1. Libéralisme ?
  Il n’y a pas qu’un libéralisme… et le mot est assez vague en soi, il est polysémique, c’est-à-dire qu’il évoque des choses différentes selon les moments, et selon les endroits aussi.
Ainsi, par exemple, le mot « libéral » qualifie clairement une attitude « de gauche » aux USA… et une attitude « de droite » en France ! Et cela ne provient pas seulement du caractère confus de la distinction droite-gauche, ni de la différence entre les conceptions politiques de part et d’autre de l’Atlantique… mais surtout d’un sens différent donné au même mot lui-même de part et d’autre de l’Atlantique.

Je vous parlerai ici du libéralisme originel, celui qui est né à la fin du 18ème siècle en Europe (à noter : c’est une idée franco-anglaise ! Comme quoi, l’entente cordiale…). Et je vous présenterai ce libéralisme originel comme une utopie sociale globale.

• Une utopie sociale, au sens où il s’agit d’un projet de société fondé sur un certain nombre d’hypothèses (notamment sur la capacité des hommes à vivre ensemble tout en étant libres) dont nous ne serons jamais sûr de les vérifier dans la réalité, mais qui nous montre la voie à suivre…
• Une utopie globale, dans la mesure où le libéralisme est un système qui est fondé sur l’hypothèse de la plus grande liberté pour tous, dans tous les domaines, de manière indissociable : libertés politiques, libertés de morales et de moeurs, libertés de comportement et de pensée, libertés économiques…
Et je vous demande aussi de bien faire la différence entre le libéralisme (originel) et le capitalisme !
• D’abord, ni la notion, ni la réalité qu’elle décrit n’existaient au moment où le libéralisme a été inventé ! Le capitalisme (comme notion et comme réalité) n’est apparu qu’au 19ème siècle ou à la toute fin du 18ème…
• Le capitalisme désigne une réalité (pas une utopie) : c’est un système économique qui, comme l’a souligné Karl Marx, repose fondamentalement sur le principe de l’appropriation privée des moyens de production (propriété privée du capital). Peut-être que le libéralisme n’a pu donner lieu qu’au capitalisme…

Et c’est au nom de l’écart entre la réalité capitaliste et l’utopie libérale qu’un certain nombre de contestations auront lieu au 19ème siècle (à commencer par celles des socialistes, des marxistes et des anarchistes.

2. Modernité ?
Apparue à partir de la renaissance, l’idée de modernité va se développer tout au long du 17ème et du 18ème siècles, et donner lieu à des changements qui vont se réaliser massivement, pour l’ensemble de la population, du 19ème au 20ème siècles.

La modernité naît d’une critique de l’ordre traditionnel à partir duquel s’organisait la société médiévale. Elle va contribuer notamment aux changements fondamentaux suivants :

• à remettre en cause le géocentrisme et les autorités traditionnelles (de Droit divin) — ce qui pousse l’homme à repousser toutes les frontières, à modifier ses repères pour percevoir l’espace et le temps, et à ne plus se considérer dans un monde fermé, limité…
• à ne plus fonder l’ordre social sur la foi et l’ordre naturel mais plutôt sur la raison et le progrès scientifique, technologique et matériel — ce qui pousse les hommes à être de plus en plus matérialistes, de moins en moins focalisés sur la spiritualité et l’idéalisme…
• à valoriser l’individu et sa raison (exemple du « cogito ergo sum » de Descartes) : chaque homme devient en quelque sorte un monde à lui tout seul, dont il nous faudrait respecter l’intégrité et les droits « naturels » (liberté, propriété…).

Dans ce monde nouveau, fondé sur cet homme nouveau, peut-on espérer une harmonie sociale ? Est-il possible de ne pas tendre inéluctablement vers le chaos et la violence généralisée ? Ceux qui répondent clairement « OUI » à cette question sont les libéraux (au
sens du libéralisme originel dont je vous parlerai ici) — et ce sont peut-être même les seuls à donner cette réponse, sans nuance ni réserve.
 
je tenterai de vous montrer la pertinence de cette analyse, que l’on peut retrouver en substance dans un livre de Pierre Rosanvallon « Le capitalisme utopique — Histoire de l’idée de marché » (Le Seuil, Point, 1979-1999), ainsi que les principales conséquences de cette idée.
 
Le libéralisme : naissance d’une utopie sociale globale au 18ème siècle

La modernité pose le problème fondamental de la possibilité de faire vivre ensemble, dans la paix et l’harmonie, des gens différents et libres de faire ce qu’ils veulent ! Autrement dit, peut-on instituer et faire fonctionner une société sur cette base d’individus libres, en se fondant sur la raison et non par sur le respect des autorités traditionnelles ?

I – La réponse des philosophes modernes qui précèdent les Lumières :

Pour répondre à cette question, les philosophes du 16ème & du 17ème siècles se placeront essentiellement sur le plan politique, en glissant progressivement d’une position assez autoritaire (limitant de fait les libertés individuelles pour rendre possible l’ordre social) vers une position plus respectueuse des libertés individuelles. Quelques exemples de cette progression :

1. Nicolas MACHIAVEL (1469-1527) : Dans « Le Prince » (1513), il développe une vision pragmatique de la politique, dans laquelle il donne naissance au concept moderne de la « raison d’Etat ». La politique a une fin (le bien général) et cette fin justifie les moyens qui vont être employés pour l’atteindre. Machiavel prône un gouvernement pragmatique, détaché de la morale et de la religion, ayant parfois recours au mensonge ou à la force dans le but d’apporter, à terme, le bien général. Cette attitude diffère profondément de la pensée médiévale, qui est encore contemporaine à Machiavel. Si sa question centrale n’est pas l’ordre social mais plutôt la pérennité de l’Etat, sa solution réside clairement dans la politique et dans l’affirmation de l’autorité — et des différents moyens, fussent-ils liberticides, de la réaliser, la « fin justifiant toujours les moyens »…

2. Thomas HOBBES (1588-1679) : Dans « Le Léviathan » (1651) il ouvre la voie à la philosophie politique moderne, qui alimentera la réflexion politique jusqu'à la Révolution française. Contrairement à ses nombreux prédécesseurs, Hobbes ne soulève plus la question du choix du meilleur régime, mais il contribue à fonder la politique sur la "vérité effective des choses", à la façon de Machiavel, et s'interroge sur l'obéissance légitime et par conséquent sur la souveraineté. L'état de nature qu'Hobbes décrit est un mode de vie impitoyable et insupportable : « Homo homini lupus » ; dans l’état de nature, c’est la guerre de tous contre tous et de chacun contre chacun ! Ainsi, les hommes, pour préserver leur vie et pour s'acheminer vers la paix, sont conduits à renoncer d'eux-mêmes à cet état de guerre et à choisir une autorité supérieure : le souverain. Celui-ci hérite de tout ce qui était propre aux individus dans l'état de nature pour en être le détenteur exclusif. Il incarne ainsi le « Léviathan », en référence au monstre biblique, détient un pouvoir absolu et illimité en échange de la paix civile apportée aux individus. C'est une organisation politique artificielle : elle est le résultat d'un contrat social passé entre les hommes. L'unité de ce "corps" politique est rendue possible par l'existence d'un représentant unique (le monarque) et non pas par les individus qui le composent.

Son âme est l'autorité politique. L’Etat est donc, pour Hobbes, fondé sur un double pacte : un pacte d’association (ce sont les individus qui, librement, consentent à la fondation de l’Etat) ET un pacte de soumission (l’Etat doit exercer une autorité forte pour contraindre les individus à la paix civile).

3. John LOCKE (1632-1704) : Dans ses « Deux Traités sur le gouvernement civil » (1689), il poursuit l’idée de Hobbes sur l’Etat comme pacte d’association pour rendre possible la
paix civile, tout en assouplissant ses positions concernant la nécessaire soumission des individus à l’autorité du souverain. Il pense notamment que les hommes sont par nature raisonnables, libres et égaux. L'usage de la raison permet et impose à chacun de se conserver en vie par ses propres moyens tout en veillant à ne pas entraver la liberté des autres. L’état de nature est présenté comme une période heureuse de communisme primitif : contrairement à Hobbes, Locke croit que l’homme est bon par nature, il est relativement pacifique, raisonnable et sociable. Cet état de nature n’est pas régi par la loi de la jungle, comme le pense Hobbes. L’homme a une totale liberté de disposer de lui-même et de ses biens : chacun est maître et propriétaire de sa propre personne et de son travail, chacun est seigneur absolu de sa personne et de ses possessions. En raison de l’égalité entre les hommes, un droit de nature minimum impose à chacun le respect des autres dans leur personne et dans leurs biens. Pour Locke, c’est l’absence d’un arbitre entre les hommes et non l’exercice de la violence qui caractérise l’état de nature.

L'homme naturel est un propriétaire avant la lettre, entouré de sa famille, travailleur et honnête. Pourquoi abandonne t- il alors cet état si heureux (sans arbitre) pour passer contrat avec d'autres et former une société (avec un Etat qui arbitre les conflits entre individus) ?
 
L’homme échange, et pour cela il crée, au sein même de l'état de nature, les deux instruments de l'échange que sont la monnaie et la capitalisation des marchandises. Par suite des hasards des récoltes successives ou par effet de la paresse et du mauvais vouloir de certains, les propriétés se modifient.

Certaines croissent, d'autres s'amenuisent ou disparaissent. Naturellement égaux devant le droit, les hommes deviennent insensiblement inégaux devant la fortune.
Cette inégalité engendre alors un danger, celui de la guerre civile entre les hommes. Il faut donc réactiver l'égalité naturelle, par les lois et la menace du châtiment : protéger par une "société d'assurance mutuelle" la grande majorité des individus contre ceux qui les contestent. Ainsi naît la société politique, fondée sur le contrat librement consenti et tacitement accepté par ceux-là même qui ne l'auraient point voulu (pacte d’association).
 
L’origine de la société civile ou du gouvernement civil résulte donc de la volonté des hommes de sauvegarder leurs droits naturels à la vie, à la liberté et à la possession légitime des biens — ce que Locke appelle "propriété". Ainsi, pour régler les différends communs qui naissent du pouvoir de l’homme de faire tout ce qui est nécessaire pour sa préservation et de la liberté où chacun est d’être juge de sa propre cause, les hommes, par un contrat social, consentent librement à ce que le gouvernement fasse les lois et l’autorise à les exécuter en vue du bien public.

II – La réponse des philosophes des Lumières :

La philosophie des Lumières peut alors, durant tout le 18ème siècle, se développer sur les bases posées par Locke : Voltaire, Rousseau, les encyclopédistes (Diderot, D’Alembert) et les physiocrates en France ; David Hume, Adam Ferguson ou… Adam Smith en GB ; E. Kant en Allemagne…

Dans son essai intitulé « Qu’est-ce que la philosophie des Lumières ? », Kant, en 1784, écrit : « Les Lumières se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité, où il se maintient par sa propre faute. La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute quand elle résulte non pas d'un manque d'entendement, mais d'un manque de résolution et de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières. » Se servir de sa raison pour sortir de la minorité, d’une sorte de « servitude volontaire », c’est-à-dire… pour être, pour devenir LIBRE !
Les idées essentielles des Lumières tournent donc autour de quelques mots-clefs :

La liberté : « Les hommes naissent tous libres. C'est le plus précieux de tous les biens que l'homme puisse posséder. Il ne peut ni se vendre ni se perdre » (selon l'Encyclopédie). LA LIBERTE, TOUTES LES LIBERTES…y compris les libertés politiques, morales, de moeurs, et les libertés économiques…
La raison : c'est le moyen d'acquérir des connaissances. Quesnay dit : « la raison est à l'âme ce que les yeux sont au corps : sans les yeux, l'homme ne peut jouir de la lumière, et sans la lumière, il ne peut rien voir ».
La tolérance : D'après Voltaire, on doit respecter la liberté et les opinions sociales, politique et religieuses d'autrui.
L'égalité : D'après Rousseau, « être libre, n'avoir que des égaux est la vraie vie, la vie naturelle de l'homme. Les hommes naissent égaux ». C’est d’une égalité en droit dont il s’agit, bien sûr…
Le progrès : ils sont pour le progrès de la société et pour
l'innovation scientifique & technologique, le progrès économique et du commerce…
Ils sont contre les abus de pouvoir, c'est pourquoi il veulent la séparation des pouvoirs : (Montesquieu, « De l'esprit des lois », 1748). On retrouve cette idée dans le libéralisme économique qui pourfend les monopoles (car ils ont trop de pouvoir), et qui présente l’Etat comme un contre-pouvoir qui doit se servir de sa puissance pour limiter le pouvoir excessif de quelques-uns.
Ils sont pour le rejet de la monarchie de droit divin et contre toutes les formes traditionnelles de gouvernement, même s’ils restent généralement favorable à un régime monarchique.
Mais ils ne sont pas pour une démocratie, sauf dans le cas de Rousseau.

Dans le cadre de la philosophie des Lumières, la question n’est plus vraiment celle de l’institution du social à partir d’individus libres : en quelque sorte, sur ce point, ils reprennent les bases de Locke (c’est notamment le cas de J. J. Rousseau (1712-1778) dans « Le contrat social », 1762, qui inspira tant les révolutionnaires en France). La vraie question de philosophie politique des Lumières consiste à questionner la régulation du social (son fonctionnement plutôt que son institution) : comment concilier les intérêts particuliers et l’intérêt général dans une société composée d’individus déclarés libres et égaux ? Ainsi, Rousseau résume son projet de la manière suivante : « trouver une forme d’association qui
défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ».

Autrement dit, est-il possible de concilier liberté et sécurité ? Et ne nuit-on pas à autrui dès lors que l’on agit à sa guise et, inversement, n’entravons-nous pas notre liberté lorsque nous avons le souci du respect d’autrui ? A cette question, il y a deux réponses possibles dans la philosophie des Lumières :

1. La réponse de Rousseau (1712-1778) : l’idée de la « volonté générale » ! Chaque citoyen est capable de distinguer son intérêt particulier et l’intérêt général, qu’il se doit de défendre comme « associé » — ainsi du fameux consentement à payer librement l’impôt !!! Cette solution est donc une solution politique, fondée sur l’idée que l’homme serait fondamentalement un animal politique… Ne trouve-t-on pas dans cette première voie la tendance républicaine de la modernité ?

• Cette réponse, séduisante, a pourtant deux inconvénients majeurs :

o Elle repose sur une hypothèse discutable de capacité citoyenne de l’homme, difficile à diffuser correctement dans toute société : l’expression et la compréhension par chacun de la volonté générale n’est pas triviale !
o Elle peut éventuellement fonder la paix civile, mais quid de la paix entre les Nations ? Les citoyens du monde ne sont en effet liés, eux, par aucun pacte…

2. C’est pourquoi la deuxième réponse des Lumières est une solution économique, qui tend d’ailleurs à substituer l’économique au politique (le marché au contrat) pour réguler harmonieusement la société… C’est la tendance libérale totale de la modernité. Passer par des relations de type commercial entre les individus apparaît en effet comme une solution simple et universelle de pacifier les relations entre les individus.

Montesquieu parlait déjà du « doux commerce », qui apaise les moeurs !
Les physiocrates français demandaient au roi de respecter les lois de la nature, qui gouvernent l’économie : « Sire, ne faites rien ! » (Quesnay) ; « Laissez-faire ; laissez passer » (V. De Gournay).

Adam Smith ne fera que reprendre et développer cette idée : si nous confrontons les individus à partir de leurs seuls intérêts particuliers (économiques et commerciaux), il n’est pas nécessaire que chacun aime les autres ni même qu’il ait compris la volonté générale pour vivre en paix avec autrui ! Il lui suffit de comprendre qu’il a besoin des autres pour satisfaire ses propres besoins, de dire aux autres : « donne-moi ce dont tu as besoin et tu auras, en retour, ce dont tu as toi-même besoin » (dit Smith dans la « Richesse des Nations », 1776). En outre, la portée des relations marchandes est universelle, elle dépasse les frontières, elle ne nécessite pas de socle politique international pour favoriser la paix entre les Nations.

Qu’on s’entende bien : Smith est un philosophe des Lumières.
Il accepte donc la théorie du contrat social — fondée par Locke et reprise par Rousseau — pour ce qui est de l’institution du social.
Il ne dénie pas l’intérêt de l’Etat, qui a son rôle à jouer pour préserver les libertés individuelles… Mais c’est au niveau de la manière d’organiser la régulation du fonctionnement de la société qu’il préfère la solution marchande (libérale) à la solution politique (républicaine) :

• Elle a l’avantage d’être immédiate et de reposer sur des instincts « naturels » des êtres humains (plutôt que de supposer leur capacité à s’élever vers une volonté générale) ;
• Elle a aussi l’avantage d’être universelle et de dépasser les frontières ;
• Elle a enfin l’avantage de rendre cohérent tout le projet social des lumières :

o Si la nature est bien faite, si l’homme est naturellement bon, pourquoi le commerce qui est naturel aux hommes serait-il un mal pour eux ? Pourquoi les hommes seraient-ils mauvais lorsqu’ils sont naturellement égoïstes ?
o Cette hypothèse correspond bien à la façon dont les Lumières envisagent un Etat qui protège par des lois les libertés, un Etat arbitre, qui ne se substitue pas aux individus dans la régulation du social
o Pourquoi la liberté serait bonne pour le progrès de l’humanité dans tous les domaines, sauf le domaine économique ?

Mais on voit aussi que cette voie nous entraîne aussi vers une conception plus économique, plus matérialiste de la société, et vers une sorte d’extinction du politique dans sa capacité à organiser la société. Comme l’a dit H. Arendt, la modernité consiste essentiellement en une disparition de fait de la politique, telle que les grecs la concevaient… Mais c’est une autre histoire !

Si on devait classer politiquement le libéralisme originel des Lumières dans son contexte, il aurait été clairement à gauche (explications sur ce petit anachronisme)…
Dans ce libéralisme utopique originel, on ne peut distinguer le libéralisme économique du libéralisme politique, moral, … C’est un tout.

Comment donc être anti-libéral aujourd’hui, surtout lorsqu’on a ses affinités politiques à gauche ? N’est-ce pas contradictoire ? Ne veut-on pas dire plutôt qu’on est anti-capitaliste ?
 
Se déclarer antilibéral, n’est-ce pas prendre le risque de rejeter aussi tout ce qui nous attache aux droits de l’homme, à la défense des libertés individuelles… ? Si nous sommes attachés au projet et à l’utopie des Lumières, comment pourrait-on rejeter leur libéralisme ?
 
 
Bien sûr, ce qui se passera au 19ème siècle fera évoluer les conceptions du libéralisme (et donc de l’anti-libéralisme). Mais si le libéralisme économique se détache du projet des Lumières, c’est donc lui qu’on devrait accuser de ne pas être assez (ou vraiment) fidèle à ce projet… et donc de le trahir ! Plutôt que de se déclarer un peu trop vite anti-libéral, pourquoi ne pas plutôt accuser certains économistes (qui se disent « libéraux ») de ne pas être fidèles au libéralisme originel ? Ce sera d’ailleurs, en quelque sorte, la voie empruntée par Marx, qui critiquera les économistes libéraux sur ce plan…
 
Intervenant : Jean-Robert ALCARAS, Economiste
 



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