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août 17, 2021

Afghanes news !!

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), 

 Tout esprit profond a besoin d'un masque. Je dirai plus encore : autour de tout esprit profond, grandit et se développe sans cesse un masque, grâce à l'interprétation toujours fausse de chacune de ses paroles, du moindre signe de vie qu'il donne. 

Friedrich Nietzsche


 






















Sur la seule année 2018, 10% des demandes d’asile étaient déposées par des afghans, soit plus de 9.000 personnes.
 

 
Afghanistan's central bank, da Afghanistan Bank, holds 703,005 ounces of gold, all deposited at the Federal Reserve Bank of New York. That's worth US$1.25 billion. It's a safe guess that with the Taliban taking over this gold will be frozen. Source: dab.gov.af/sites/default/
 

avril 24, 2015

Arménie notre Amour ! Մեծարանք եւ սեր է Հայաստանի համար

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire:

A) La Question arménienne - Jean-Varoujean GUREGHIAN - Imprescriptible


B) 24 avril 1915 - Le génocide arménien - André Larané - Hérodote

C) Génocide de 1915 : trois générations d'Arméniens de France témoignent -

D) Obama aussi refuse de parler de "génocide" arménien - Par

E) La position chancelante d’Israël sur le génocide arménien - par dans Enjeux

F) «Génocide» arménien : un mot toujours tabou pour la Turquie -

G) Génocide arménien : les promesses oubliées du candidat Hollande - leJDD.fr

H) La Turquie commémore les Dardanelles pour occulter le génocide arménien -

I) Quand l’Arménie soviétique faisait vibrer la diaspora - Eric Vartzbed - Le Temps


J) Arménie et Arméniens dans la Première Guerre - http://armeniens-14-18.fr/

K)  GEOPOLITIQUE DE LA CULTURE : Génocide arménien : l’Azerbaïdjan, l’allié négationniste de la Turquie - le Point - Quentin Raverdy


100 ans et des milliers de bougies


A) La Question arménienne

La majorité des Arméniens se trouvaient dans l’Empire ottoman, essentiellement dans les sept provinces orientales de l’empire (Van, Bitlis, Erzeroum, Diyarbékir, Kharpout, Sivas, Trébizonde) et en Cilicie (Petite Arménie). En dehors des régions historiquement arméniennes, existaient aussi d’importantes communautés dispersées sur tout le territoire, en  particulier à Constantinople, où le patriarche était le représentant de la nation devant les autorités.
 
Avant le début du processus d’extermination (1894), il y avait sur le territoire de la Turquie actuelle trois millions d’Arméniens et autant de Turcs ; l’autre moitié était composée d’une véritable mosaïque de peuples (Kurdes, Grecs, Assyro-Chaldéens, Lazes, Tcherkesses, etc.).
En 1914, les Arméniens n’étaient plus que 2 250 000 (suite aux massacres, conversions forcées à l’islam et à l’exil). Dans l’Empire ottoman, les Arméniens subissaient une discrimination officielle. Ils étaient considérés comme des citoyens de seconde catégorie qui devaient payer plus d’impôts. Ils n’avaient pas le droit de porter des armes (contrairement aux musulmans), ne pouvaient pas témoigner devant les tribunaux. Dans leur grande majorité, les Arméniens étaient des paysans pauvres qui devaient en plus subir les violences des nomades kurdes armés venant régulièrement les rançonner.

Avec la décadence de l’empire au XIXe siècle, la situation des Arméniens ne fit qu’empirer ; parallèlement, les peuples dominés s’émancipaient au fur et à mesure. La déclaration d’indépendance de la Grèce en 1821 marqua le début du démembrement de l’Empire ottoman.

On peut situer le début de l’émergence de la Question arménienne à la guerre russo-turque de 1877-1878. Après la défaite de la Turquie, le traité de San Stefano, signé en mars 1878, accordait l’indépendance à la Serbie, au Monténégro, à la Roumanie et l’autonomie à la Bulgarie. 

L’Arménie obtint, pour sa part, d’après l’article 16, des réformes assurant la protection de ses habitants. Les Arméniens n’en demandaient pas plus à l’époque. La Russie, d’après ce traité, annexait une partie de l’Arménie turque et ne devait se retirer de l’autre partie (de l’Arménie turque qu’elle occupait), seulement après l’application des réformes.

Mais l’Angleterre, ainsi que l’Allemagne et l’Autriche, voyaient d’un très mauvais œil la future et prévisible indépendance de l’Arménie. Quelques mois plus tard, au congrès de Berlin qui conduisit à la révision  du traité de San Stefano, l’Anglais Salisbury fit transformer l’article 16 en...  61, en y rajoutant une phrase assassine qui rendait très aléatoire l’application des réformes. En guise de remerciements, l’Angleterre reçut comme cadeau des Turcs l’île de Chypre. 

Les représailles reprirent de plus belle. Des tribus kurdes organisées et armées par le gouvernement répandaient plus que jamais la terreur dans les provinces arméniennes, particulièrement les territoires d’où l’armée russe s’était récemment retirée.

En 1879, le Grand Vizir déclare : « Aujourd’hui, même l’intérêt de l’Angleterre exige que notre pays soit à l’abri de toute intervention étrangère et que tout prétexte à cette intervention soit éliminé. Nous, Turcs et Anglais, non seulement nous méconnaissons le mot Arménie, mais encore nous briserons la mâchoire de ceux qui prononceront ce nom. Aussi, pour assurer l’avenir, dans ce but sacré, la raison d’état exige que tous les éléments suspects disparaissent.

Nous supprimerons donc et ferons disparaître à jamais le peuple arménien. Pour y parvenir rien ne nous manque : nous avons à notre disposition les Kurdes, les Tcherkesses, les gouverneurs de province, les percepteurs, les agents de police, en un mot tous ceux qui font la guerre sainte à un peuple qui n’a ni armes ni moyens de défense. Nous, au contraire, nous avons une armée et des armes, et la protectrice de nos possessions en Asie Mineure est la plus grande et la plus riche des puissances du monde. » 

L’intention des Turcs, dès 1879, de « faire disparaître à jamais le peuple arménien », d’après les propres paroles du Grand Vizir, ne peut pas être plus claire.

La résistance s’organise

Les Arméniens commencent bientôt à s’organiser. La première organisation de combat naît : c’est le parti Armenakan, créé à Van en plein cœur de l’Arménie, en 1885. Les deux autres partis, le Hentchak, créé en 1887 à Genève et le Dachnak, créé en 1890 à Tiflis, ont tous les deux des philosophies révolutionnaires marxistes et sont plutôt partisans d’actions violentes et spectaculaires ; ce qui n’est pas le cas des Armenakans. 

Les fédaïs arméniens commencent à se faire connaître par leurs actions héroïques de défense du peuple contre les Kurdes et l’armée turque. Ils suscitent toute une légende populaire à travers de nombreux chants et poèmes. Nombreux furent ces héros issus du peuple à vouer leur vie à la libération de leur patrie. Le plus prestigieux d’entre eux fut sans aucun doute Antranik (1865-1927), originaire de Chabin-Karahissar (Arménie mineure) et vénéré par le peuple arménien.


Le génocide

Face aux revendications arméniennes, la riposte des autorités turques fut radicale. Trois régimes (Abdul Hamid, les Jeunes-Turcs et Kemal Attaturk) ont, de 1894 à 1922, appliqué de différentes façons le même plan d’extermination des Arméniens avec son point culminant des années 1915-1917.

Au printemps 1894, les habitants de Sassoun et sa région (à l’ouest du lac de Van) s’insurgèrent contre les Kurdes  venus les rançonner pour la énième fois. Le sultan Abdul Hamid profita de cette occasion pour tester la réaction des puissances européennes. Il envoya sur Sassoun une véritable armada : la 4e armée turque et la 26e division commandée par Zeki pacha, forte de 12 000 hommes, ainsi que 40 000 Kurdes armés jusqu’aux dents, qui se livrèrent à une véritable boucherie qui dura plusieurs semaines. Les réactions des Européens, bien que parfois outragées, ne furent que verbales. C’est ce qu’attendait le sultan qui pouvait désormais mettre en application son plan d’extermination à grande échelle, à travers tout l’empire, dès l’année suivante.

La méthode était toujours et partout la même : vers midi, on sonne le clairon, c’est le signal des tueries. Préalablement préparés, des soldats, des Kurdes, des Tcherkesses, des Tchétchènes et des bandes de tueurs spécialement recrutés massacrent la population arménienne, sans distinction d’âge et de sexe. Dans les quartiers ou villages multinationaux, les maisons habitées par les Arméniens sont préalablement marquées à la craie par les indicateurs (troublante coïncidence, c’est la même méthode qui fut utilisée, lors des massacres des Arméniens d’Azerbaïdjan en 1988 et 1990). 

Aucune région ne fut épargnée. Même la capitale, Constantinople, fut le théâtre de deux effroyables massacres. C’était là peut-être l’erreur des Turcs, car il y avait à Constantinople des témoins oculaires occidentaux (ambassades, sociétés diverses, etc.). Après une sérieuse menace d’intervention militaire des Occidentaux, suite à la boucherie de Constantinople d’août 1896, qui était consécutive à la prise en otage des dirigeants de la Banque ottomane par des fédaïs arméniens (du parti dachnak), le sultan arrêta enfin les massacres.

Deux ans (1894-1896) de massacres sans précédent transformèrent donc l’Arménie occidentale tout entière en un vaste champ de ruines. Le missionnaire allemand Johannes Lepsius mena une enquête minutieuse, au terme de laquelle il fit le bilan catastrophique suivant : 2 493 villages pillés et détruits, 568 églises et 77 couvents pillés et détruits, 646 villages convertis, 191 ecclésiastiques tués, 55 prêtres convertis, 328 églises transformées en mosquées, 546 000 personnes souffrant du dénuement le plus complet et de la famine... et il rajoute :« Ces chiffres sont le résultat de mes recherches personnelles ; ils ne correspondent pas à la réalité des faits, réalité bien plus épouvantable encore ! ... »

Compte tenu de ces données, des 300 000 personnes tuées, des 50 000 orphelins et des 100 000 réfugiés en Transcaucasie, la population arménienne de l’Empire ottoman diminua de plus d’un demi-million d’âmes entre 1894 et 1896. 

En 1908, les Jeunes Turcs arrivèrent au pouvoir, apportant avec eux des promesses d’égalité et de fraternité entre tous les peuples de l’empire. Beaucoup y ont cru. Les dirigeants du parti dachnak en premier (ils avaient d’ailleurs contribué à leur arrivée au pouvoir). Il y eut même de grandes manifestations de fraternité arméno-turques dans la capitale et dans les provinces.

Hélas ! La métamorphose des Jeunes Turcs fut fulgurante. Bientôt ils devinrent de farouches nationalistes panturquistes. Cela pourrait peut-être s’expliquer comme une conséquence de la perte des provinces balkaniques. En effet, les Turcs, originaires d’Asie centrale, se retournèrent naturellement vers les pays et peuples frères situés en Asie centrale et en Azerbaïdjan (tous soumis au joug étranger, russe ou persan), d’où la tentation de créer un très vaste état turc du Bosphore à la Chine. De surcroît, les Jeunes Turcs considéraient la race turque comme supérieure. L’Arménie et les Arméniens se trouvant au centre de ce projet, il était impératif, d’après cette logique raciste et barbare, de les éliminer.

Dès avril 1909 des massacres commencent en Cilicie, d’abord à Adana, puis dans le reste de la région. Les Jeunes Turcs se montrent les dignes héritiers du « sultan rouge ». Il ne manquera rien à leur panoplie des cruautés. Il y aura au total 30 000 morts. Certains attribuèrent les massacres de Cilicie à l’ancien régime du sultan, revenu un court moment au pouvoir, mais les vrais responsables étaient bien les Jeunes Turcs. 



En 1913, les trois dirigeants de l’Ittihat, Talaat, Enver et Djemal, établissent une dictature militaire. 

à la veille de la guerre, les réformes en Arménie avaient paradoxalement bien avancé. Malgré les réticences de l’Allemagne et de l’Autriche, les puissances européennes parvinrent à un règlement de compromis qui regroupait les sept provinces arméniennes sous la forme de deux grandes régions administratives autonomes (au nord : Sivas, Trébizonde, Erzeroum ; au sud : Van, Bitlis, Dyarbekir, Kharpout), le tout sous la surveillance d’inspecteurs généraux européens de pays neutres. Ainsi, l’Arménie, après tant d’années de souffrance, était parvenue au seuil de l’indépendance. Malheureusement, tout autre était le sort qui lui était réservé par les dirigeants turcs, qui avaient déjà secrètement programmé la solution finale. La guerre allait procurer aux Jeunes Turcs les conditions idéales pour mettre en application leur plan diabolique.

Avant même que la guerre n’éclate en Europe, le gouvernement envoie des gendarmes dans les villes et les villages pour réquisitionner les armes. Cette réquisition est limitée aux Arméniens ; ni les Turcs, ni les Kurdes, ni les Tcherkesses n’y sont astreints. Elle est accompagnée de l’arsenal connu des plus cruelles tortures. Plus grave encore, dès août 1914, les inspecteurs généraux européens nouvellement nommés dans les régions arméniennes sont expulsés ; sans que la guerre ne soit déclarée l’Empire turc procède déjà à la mobilisation générale et met sur pied la redoutable « Organisation spéciale », chargée de coordonner le programme d’extermination.

Le 29 octobre 1914, la Turquie s’allie à l’Allemagne et entre en guerre contre les Alliés. Le champ est désormais libre. Dès janvier 1915, on désarme les 250 000 soldats arméniens de l’armée ottomane pour les affecter dans des « bataillons de travail ». à l’aube du 24 avril, qui deviendra la date commémorative, le coup d’envoi du génocide est donné par l’arrestation à Constantinople de 650 intellectuels et notables arméniens. Dans les jours suivants, ils seront en tout 2 000, dans la capitale, à être arrêtés, déportés et assassinés. Dans tout l’Empire ottoman, c’est le même scénario : on arrête puis on assassine partout les élites arméniennes. Le peuple arménien est décapité. 

Les soldats arméniens affectés dans les « bataillons de travail » seront assassinés par petits groupes, le plus souvent après avoir creusé eux- mêmes les « tranchées » qui leurs serviront de fosses communes. Le peuple arménien est non seulement décapité, mais il est dorénavant privé de ses défenseurs. Il ne reste plus aux dirigeants de l’Ittihat qu’à achever le génocide.

La déportation - solution finale

L’idée est nouvelle et terriblement efficace: c’est la déportation de toutes les populations civiles arméniennes vers les déserts de Syrie pour des prétendues raisons de sécurité. La destination réelle est la mort.

D’après l’ambassadeur des états-Unis à Constantinople de 1913 à 1916, Henri Morgenthau, ainsi que d’après certains historiens, les Turcs n’auraient jamais trouvé tout seuls cette idée. Ce seraient les Allemands qui auraient suggéré cette nouvelle méthode. D’ailleurs, pendant toute la guerre, la mission militaire allemande était omniprésente en Turquie, et il est vrai qu’un général allemand, Bronsart Von Schellendorf, avait (imprudemment) signé un ordre de déportation avec une recommandation spéciale de prendre des « mesures rigoureuses » à l’égard des Arméniens regroupés dans les « bataillons de travail ». Or « déportation » et « mesures rigoureuses  » étaient des mots codés qui signifiaient la mort. Quant au commandant Wolffskeel, comte de Reichenberg, chef d’état-major du gouverneur de Syrie, il s’était distingué lors des massacres des populations de Moussa-Dagh et d’Urfa.

à la fin de 1915, à l’exception  de Constantinople et Smyrne, toutes les populations civiles arméniennes de l’Empire ottoman avaient pris le chemin mortel de la déportation vers un point final : Deir ez-Zor en Syrie.

Les convois de déportation étaient formés par des regroupements de 1 000 à 3 000 personnes. Très rapidement, on sépare des convois les hommes de plus de 15 ans qui seront assassinés à l’arme blanche par des équipes de tueurs dans des lieux prévus à l’avance. Parfois les convois sont massacrés sur place, à la sortie des villages ou des villes, notamment dans les provinces orientales isolées. Les autres, escortés de gendarmes, suivront la longue marche de la mort vers le désert, à travers des chemins arides ou des sentiers de montagne, privés d’eau et de nourriture, rapidement déshumanisés par les sévices, les assassinats, les viols et les rapts de femmes et d’enfants perpétrés par les Kurdes et les Tcherkesses. Les survivants, arrivés à Deir ez-Zor, seront parqués dans des camps de concentration dans le désert et seront exterminés, par petits groupes, par les tueurs de l’Organisation spéciale et les Tchétchènes spécialement recrutés pour cette besogne. Beaucoup seront attachés ensemble et brûlés vifs. 

à la fin de 1916, le bilan est celui d’un génocide parfait, les deux tiers des Arméniens (environ 1 500 000 personnes) de l’Empire ottoman sont exterminés. Tous les Arméniens des provinces (vilayets) orientales, soit 1 200 000 personnes, d’après les statistiques du patriarcat, disparaissent définitivement d’un territoire qui était le cœur de l’Arménie historique depuis des millénaires. Seuls survivent encore les Arméniens de Constantinople, de Smyrne, quelque 350 000 personnes qui ont réussi à se réfugier en Arménie russe, quelques poignées de combattants arméniens qui résistent et se cachent encore dans la montagne et des milliers de femmes, de jeunes filles et d’enfants récupérés par des Turcs, des Kurdes et des Arabes.          
 
Il y eut tout de même de nombreux actes héroïques en certains endroits. Prévoyant ce qui allait être leur destin, les Arméniens refusèrent la déportation et résistèrent désespérément, avec des moyens dérisoires, à Chabin-Karahissar, Van, Chatakh, Moussa-Dagh, Urfa, Sassoun, Mouch, etc. Le plus célèbre de ces épisodes est celui des « Quarante jours du Moussa-Dagh », immortalisé par le roman de Franz Werfel : sur cette montagne de la côte méditerranéenne, une population de 5 000 personnes (principalement des femmes et des enfants), dont 600 combattants, résistèrent plus de 40 jours au siège de l’armée turque. Les survivants (environ 4 000 personnes) furent sauvés par le vaisseau français  Jeanne d’Arc.  


Le parachèvement
L’Arménie occidentale était anéantie, mais les Turcs ne s’arrêtèrent pas là. Profitant de la retraite de l’armée russe consécutive à la révolution de 1917, la Turquie lança une offensive sur l’Arménie orientale (russe). Elle fut arrêtée au dernier moment par une fantastique mobilisation populaire le 24 mai 1918 à Sardarapat, près d’Erevan. Le 28 mai, l’Arménie (ce qu’il en restait) proclamait son indépendance et devenait, après des siècles de dominations diverses, la première République d’Arménie. 

La capitulation, le 30 octobre 1918, de l’Empire ottoman, suscita de vastes espoirs chez les Arméniens  survivants. Effectivement, au début, les Alliés vainqueurs semblaient tenir leurs promesses de rendre justice aux Arméniens. Le traité de Sèvres accordait l’existence d’un état arménien sur une bonne partie des provinces orientales de l’ex-Empire ottoman. En 1919, il y eut même un « Nuremberg » avec le « Procès des Unionistes » à Constantinople. Les principaux responsables du génocide s’étaient enfuis en Allemagne ; ils furent néanmoins condamnés à mort par contumace. Si ce procès resta sans suite, il a toutefois le mérite d’avoir existé et prouvé (si besoin était) la véracité du génocide, grâce entre autres à ses minutes et conclusions publiées dans le supplément judiciaire du « Journal officiel » ottoman.

Mais la Turquie vaincue ne fut jamais démobilisée. Bientôt, face au danger bolchevique et afin d’y faire face, les Alliés se montrèrent de plus en plus bienveillants envers la Turquie qui allait bientôt renaître de ses cendres.

à peine arrivé au pouvoir, Mustafa Kemal se donna comme priorité... la liquidation du reste de la présence arménienne en Turquie. Jouant astucieusement et parallèlement des appuis bolcheviques et franco-anglais selon la circonstance, il attaqua et écrasa dans un bain de sang (faisant 200 000 victimes) la République d’Arménie de septembre à décembre 1920, qui ne dut sa survie qu’à l’intervention in extremis des troupes bolcheviques. Annulant le traité de Sèvres, Turcs et bolcheviques s’accordèrent sur les frontières d’une Arménie réduite au minimum. Une bonne partie de l’Arménie ex-russe (20 000 km²) était cédée à la Turquie ; le Karabagh et le Nakhitchevan aux Azéris. 

à mille kilomètres de distance de la République d’Arménie, les Français avaient créé, en 1919, un foyer arménien en Cilicie (Petite Arménie), sur les bords de la Méditerranée, où 160 000 Arméniens rescapés du génocide étaient retournés dans leur foyer. Malgré la présence des Français, les troupes de Kemal massacrèrent, en 1920, plus de 25 000 Arméniens à Aïntap, Marach, Zeïtoun, Hadjin et ailleurs. Finalement, la France abandonnait les Arméniens à leur sort en 1921 et bradait la Cilicie aux Turcs, ce qui provoqua l’exode de tous les Arméniens de Cilicie vers la Syrie et le Liban. 

En 1922, à Smyrne, les Arméniens furent massacrés (en même temps que les Grecs) pour la dernière fois en Turquie. Il s’ensuivit une dernière et importante vague d’exode. Tous les Arméniens (survivants) revenus dans leurs foyers après l’armistice de 1918 furent systématiquement chassés. 

Si le gros du travail du génocide avait été fait par Abdul Hamid et les Jeunes Turcs, c’est bien Kemal Ataturk qui l’a parachevé en s’appropriant, en même temps, tous les biens nationaux et individuels des Arméniens. Depuis, tous les gouvernements successifs de la République turque, fondée sur les ruines de l’Arménie, ont toujours nié la culpabilité de la Turquie dans le génocide des Arméniens.

En 1923, la Conférence de Lausanne annula les accords signés à Sèvres entre la Turquie et les Alliés. Winston Churchill écrivit dans ses mémoires : « Dans le traité qui établit la paix entre la Turquie et les Alliés, l’histoire cherchera en vain le mot Arménie. »

Texte extrait du livre :
LE GOLGOTHA DE L'ARMENIE MINEURE, Le destin de mon père de Jean-Varoujean GUREGHIAN
Préface d’Yves Ternon

CouvertureRescapé du génocide arménien, Aram Gureghian témoigne. Plus tard témoin devant le Tribunal des peuples, il avait onze ans au moment des faits : « Il y avait des cadavres d’arméniens par milliers, par dizaines de milliers, à perte de vue. Leurs corps étaient souvent affreusement mutilés et gonflés sous le soleil »... L’impunité des auteurs (le gouvernement Jeune Turc allié aux allemands) du premier génocide (1915) laisse la porte ouverte à d’autres génocides... ISBN : 2-7384-7995-2 • octobre 1999 • 208 pages

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B) 24 avril 1915 - Le génocide arménien

Le samedi 24 avril 1915, à Constantinople (*), capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle.

Il va faire environ 1,2 à 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc (ainsi que plus de 250.000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350.000 chez les Pontiques, orthodoxes hellénophones de la province du Pont).
André Larané



La République turque et le génocide
La République turque, qui a succédé en 1923 à l'empire ottoman, ne nie pas la réalité des déportations et des massacres mais en conteste la responsabilité et rejette contre toute évidence le qualificatif de génocide, autrement dit de crime planifié.

Les Turcs les plus accommodants attribuent la responsabilité des massacres à un régime disparu, le sultanat, ou aux aléas de la guerre. Le gouvernement d'Istamboul, allié de l'Allemagne contre la Russie, la France et l'Angleterre, pouvait en effet craindre une alliance entre les Russes et les Arméniens de l'intérieur, chrétiens comme eux.

Ils font aussi valoir que ces massacres n'étaient pas motivés par une idéologie raciale. Ils ne visaient pas à l'extermination systématique du peuple arménien. Ainsi, les Arméniens de Jérusalem et de Syrie, alors possessions ottomanes, n'ont pas été affectés par les massacres. Beaucoup de jeunes filles ont aussi pu sauver leur vie en se convertissant à l'islam et en épousant un Turc, une « chance » dont n'ont pas bénéficié les Juives victimes des nazis... Pour les mêmes raisons, certains historiens occidentaux contestent également le qualificatif de génocide.

Toujours est-il que le massacre et l'expulsion des Arméniens et des autres chrétiens d'Anatolie, poursuivi sous la férule de Moustafa Kémal, a fait de la Turquie le premier État moyen-oriental « Christianenfrei » (sans presque plus de chrétiens). C'est elle que de bonnes âmes européistes veulent inclure dans l'Union européenne cependant que son gouvernement encourage comme la Libye le transit d'immigrants illégaux vers l'Europe en vue de déstabiliser celle-ci. C'est elle aussi qui, membre de l'OTAN, sert occasionnellement de base arrière aux combattants de l'État islamique.  


Un empire composite

Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait une majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens, Assyriens....). Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et l'administration, et leur influence s'étendait au Sérail, le palais du sultan. Ces « protégés » (dhimmis en arabe coranique) n'en étaient pas moins soumis à de lourds impôts et avaient l'interdiction de porter les armes.

Les premiers sultans, souvent nés d'une mère chrétienne, témoignaient d'une relative bienveillance à l'égard des Grecs orthodoxes et des Arméniens monophysites.

Ces derniers étaient surtout établis dans l'ancien royaume d'Arménie, au pied du Caucase, premier royaume de l'Histoire à s'être rallié au christianisme ! Ils étaient majoritaires aussi en Cilicie, une province du sud de l'Asie mineure que l'on appelait parfois « Petite Arménie ». On en retrouvait à Istamboul ainsi que dans les villes libanaises et à Jérusalem.

L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.


Vidéo : les massacres des Arméniens



Réalisée par Jean Eckian, journaliste d'origine arménienne, la vidéo ci-dessus raconte en 14 minutes l'histoire de l'Arménie et du génocide (première diffusion : Radio Monte-Carlo, 1976).

Ébauche de génocide

Après une tentative de modernisation par le haut, dans la période du Tanzimat, de 1839 à 1876, l'empire ottoman entre dans une décadence accélérée. Après la déposition du sultan Mourad V le 31 août 1876, son frère Abdul-Hamid II monte à son tour sur le trône mais il ne réussit pas mieux à redresser l'empire et se voit humilié par le congrès de Berlin de 1878. Il attise sans vergogne les haines religieuses pour consolider son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur empire).

Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200.000 à 250.000 avec le concours diligent des montagnards kurdes. À Constantinople même, la violence se déchaîne contre les Arméniens du grand bazar, tués à coups de gourdin.

Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou transformées en mosquées... Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van, au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés de la carte.

Ces massacres planifiés ont déjà un avant-goût de génocide. L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les faits, écrit : « Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est excessivement sombre. Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint » (*).

En Europe, à Londres comme à Paris, les intellectuels se mobilisent contre ces massacres, les plus importants du XIXe siècle, aux dires de Charles Péguy (qui oublie la Chine). Mais les gouvernements se contentent de plates protestations. Il est vrai que le « Sultan rouge » fait le maximum pour dissimuler son forfait et paie même  la presse européenne pour qu'elle fasse silence sur les massacres.

Abdul-Hamid II joue par ailleurs la carte de chef spirituel de tous les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II.

Malgré ses efforts, il ne peut empêcher l'insurrection des « Jeunes-Turcs »Ces jeunes officiers, à l'origine du sentiment national turc, lui reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop de complaisance pour les Arabes. Par l'intitulé de leur mouvement, ils veulent se démarquer des « Vieux-Turcs » qui, au début du XIXe siècle, s'opposèrent à la modernisation de l'empire.

Le sultan cède à leurs exigences et rétablit une Constitution le 24 juillet 1908. Mais cela ne suffit pas à ses opposants. Le 27 avril 1909, les Jeunes-Turcs le déposent et installent sur le trône un nouveau sultan, Mohamed V, sous l'étroite surveillance d'un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans).



Soucieux de créer une nation turque racialement homogène, les Jeunes-Turcs multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie mineure dès leur prise de pouvoir. On compte ainsi 20.000 à 30.000 morts à Adana le 1er avril 1909...

Ils lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des Grecs, des Juifs ou des Arméniens, en s'appuyant sur le ressentiment et la haine des musulmans turcs refoulés des Balkans.

Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila, voire aux Hittites de la haute Antiquité. Ce nationalisme outrancier ne les empêche pas de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.

La Turquie dans la guerre de 1914-1918

Le 8 février 1914, la Russie impose au gouvernement turc une commission internationale destinée à veiller aux bonnes relations entre les populations ottomanes. Les Jeunes-Turcs ravalent leur humiliation mais lorsque la Grande Guerre éclate, en août de la même année, ils poussent le sultan Mahomet V à entrer dans le conflit, aux côtés des Puissances centrales (Allemagne et Autriche), contre la Russie et les Occidentaux.

Le sultan déclare la guerre le 1er novembre 1914. Les Turcs tentent de soulever en leur faveur les Arméniens de Russie. Mal leur en prend... Bien qu'en nombre supérieur, ils sont défaits par les Russes à Sarikamish le 29 décembre 1914.

L'empire ottoman est envahi. L'armée turque perd 100.000 hommes. Elle bat en retraite et, exaspérée, multiplie les violences à l'égard des chrétiens dans les territoires qu'elle traverse, qu'ils soient Arméniens, Assyro-Chaldéens ou Pontiques (grecs orthodoxes de la province du Pont, sur la mer Noire).

Les Russes, à leur tour, retournent en leur faveur les Arméniens mais aussi les Assyro-Chaldéens des provinces orientales de la Turquie. Le 7 avril 1915, la ville de Van, à l'est de la Turquie, se soulève et proclame un gouvernement arménien autonome. De son côté, le Mar Shimoun, patriarche des Assyro-Chaldéens, sollicite les Russes pour contrer les exactions des Kurdes contre sa communauté.

Dans le même temps, à l'initiative du Lord britannique de l'Amirauté, un certain Winston Churchill, les Français et les Britanniques préparent un débarquement dans le détroit des Dardanelles en vue de se saisir de Constantinople.


Le génocide

Les Jeunes-Turcs profitent de l'occasion pour accomplir leur dessein d'éliminer la totalité des Arméniens et des Assyro-Chaldéens de l'Asie mineure, une région qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.

L'un de leurs chefs, le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, ordonne l'assassinat des élites arméniennes de la capitale puis des Arméniens de l'armée, bien que ces derniers aient fait la preuve de leur loyauté (on a ainsi compté moins de désertions chez les soldats arméniens que chez leurs homologues turcs). Ces soldats sont retirés du front, affectés à l'arrière, désarmés, enfin exécutés.

C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes des sept provinces orientales (les Arméniens des provinces arabophones du Liban et de Jérusalem ne seront jamais inquiétés).

Voici le texte d'un télégramme transmis par le ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d'Alep : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici ». Ne laissant rien au hasard, le gouvernement destitue les fonctionnaires locaux qui font preuve de tiédeur, ainsi que le rapporte l'historien britannique Arnold Toynbee, qui enquêta sur place.

Dans un premier temps, les agents du gouvernement rassemblent les hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup d'hommes sont aussi tués sur place.

La « Loi provisoire de déportation » du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.

Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont toute facilité à réunir les femmes et les enfants. Ces malheureux sont réunis en longs convois et déportés vers Deir ez-Zor, sur l'Euphrate, une région désertique de la Syrie ottomane.

Les marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions épouvantables, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des montagnards kurdeset tcherkesses, trop heureux de pouvoir librement exterminer leurs voisins et rivaux. Elles débouchent en général sur une mort rapide.


Survivent toutefois beaucoup de jeunes femmes ou d'adolescentes (parmi les plus jolies) ; celles-là sont enlevées par les Turcs ou les Kurdes pour être vendues comme esclaves ou converties de force à l'islam et mariées à des familiers (en ce début du XXIe siècle, beaucoup de Turcs sont troublés de découvrir qu'ils descendent ainsi d'une jeune chrétienne d'Arménie arrachée à sa famille et à sa culture).

En septembre, après les habitants des provinces orientales, vient le tour des Arméniens de Cilicie. Ils sont aussi convoyés vers le désert de Syrie dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à leur tour, loin des regards indiscrets.

Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la population arménienne sous souveraineté ottomane. Ajoutons à cela la disparition de 250.000 à 750.000 Assyro-Chaldéens des provinces orientales de Diarbékir, Erzeroum et Bitlis, généralement associés à leurs voisins arméniens dans les déportations et les massacres.

Seules subsistent les communautés arméniennes de Smyrne, d'Istamboul et du Proche-Orient ainsi que les communautés assyro-chaldéennes de Mésopotamie. Dans le Caucase, les Arméniens repoussent en 1918, à Sardarapat, près d'Érévan, un assaut de l'armée turque. Profitant de la décomposition des empires russe et ottoman, ils proclament l'indépendance d'une république d'Arménie le 28 mai 1918.


Les Européens et le génocide

En Occident, les informations sur le génocide émeuvent l'opinion mais le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les populations pour des raisons militaires !

Le gouvernement allemand, allié de la Turquie, censure les informations sur le génocide. L'Allemagne entretient en Turquie, pendant le conflit, une mission militaire très importante (jusqu'à 12.000 hommes). Et après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les responsables du génocide, y compris Talaat Pacha.

Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien, Soghomon Tehlirian. Mais l'assassin sera acquitté par la justice allemande, preuve si besoin est d'une réelle démocratisation de la vie allemande sous le régime républicain issu de Weimar !

Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 entre les Alliés et le nouveau gouvernement de l'empire ottoman prévoit la mise en jugement des responsables du génocide. Mais le sursaut nationaliste du général Moustafa Kémal bouscule ces bonnes résolutions. 

D'abord favorable à ce que soient punis les responsables de la défaite et du génocide, Moustafa Kémal se ravise car il a besoin de ressouder la nation turque face aux Grecs et aux Occidentaux qui menacent sa souveraineté. Il décrète une amnistie générale, le 31 mars 1923.


La même année, le général parachève la « turcisation » de la Turquie en expulsant les Grecs qui y vivaient depuis la haute Antiquité. Istamboul, ville aux deux-tiers chrétienne en 1914, devient dès lors exclusivement turque et musulmane.

Les nazis tireront les leçons du premier génocide de l'Histoire et de cette occasion perdue de juger les coupables... « Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens ? » aurait lancé Hitler en 1939, à la veille de massacrer les handicapés de son pays (l'extermination des Juifs viendra deux ans plus tard).

À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à l'investigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des attentats contre les intérêts turcs.

Les historiens multiplient depuis lors les enquêtes et les témoignages sur ce génocide, le premier du siècle. Le cinéaste français d'origine arménienne Henri Verneuil a évoqué dans un film émouvant, Mayrig, en 1991, l'histoire de sa famille qui a vécu ce drame dans sa chair. On trouvera par ailleurs dans Le siècle des génocides (Bernard Bruneteau, Armand Colin, 2004) une très claire et très complète enquête sur ce génocide (et les autres), avec sources et références à l'appui.

La France et le génocide arménien
De nombreux Arméniens rescapés des massacres de 1915 ont débarqué à Marseille et se sont établis en France. Leurs descendants sont aujourd'hui 300.000 à 500.000.

Dans le dessein de gagner leur vote à l'élection présidentielle de 2002, la droite et la gauche parlementaires ont voté à l'unanimité une loi réduite à un article : « La République française reconnaît le génocide arménien ». Il en est résulté une crise avec la Turquie, déjà agacée par l'opposition de la France à son entrée dans l'Union européenne.

En 2006, peu avant l'élection présidentielle suivante, le parti socialiste a fait de la surenchère en tentant de pénaliser la « négation » du génocide. Il y a échoué et son texte a été prestement enterré par le nouveau président, soucieux de restaurer de bonnes relations avec la Turquie. 

Mais à l'avant-veille de l'élection présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy lui-même a relancé le projet  pour retrouver la faveur des électeurs d'origine arménienne. C'est ainsi que le 22 décembre 2011, une députée UMP a déposé une proposition de loi qui punit d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende la négation, voire la « minimisation », d'un génocide reconnu par la République française. 

Les Turcs ont immédiatement menacé les entreprises françaises de mesures de rétorsion. L'affaire pourrait être contre-productive en Turquie même, où les citoyens de toutes obédiences se sentent peu ou prou atteints dans leur honneur par cette immixtion étrangère.



C) Génocide de 1915 : trois générations d'Arméniens de France témoignent

Le génocide arménien de 1915, ils ne l'ont pas vécu. Mais par leur histoire familiale, ils le portent, et le transmettent.

Albert Moscofian, né en 1927, à Paris: «Les sales étrangers, ça reste au fond»

«Mon père est arrivé à Marseille, avec ses deux frères dans les années 20», explique-t-il. Il y avait aussi un cousin, une cousine, et sa grand-mère. Sa mère, est arrivée en France après s'être réfugiée à Istanbul, «où les massacres étaient moins visibles». Elle devient enseignante, au Raincy, à l'école Tebrotzassère: 

«En arménien, cela veut dire ‘ceux qui aiment l'école‘. Elle avait appris le français petite, dans son village d'Ak-Chéhir».

«Mon père a commencé à travailler, dans les usines de métaux. Il est d'abord allé à Cusset, près de Vichy, avec un contrat de travail pour immigrants. Comme il était qualifié, son patron l'a envoyé à Paris, porte de Choisy, dans les ateliers Panhard & Levassor»

, se souvient Albert Moscofian. Les jeunes gens se marient en 1926, à Ablon-sur-Seine. 

«Je suis né en 1927, à Paris. Deux ans plus tard, mes parents ont fait une demande de naturalisation pour moi. À l'époque, il n'y avait pas de droit du sol. Il fallait confirmer sa volonté d'être Français à la majorité», explique Albert Moscofian.

1929, c'est aussi l'année de la grande crise. A partir de cette date, plus de prototypes chez Panhard: les ouvriers étrangers sont licenciés. Son père se retrouve sans droits, ni civiques ni aides sociales. Il est apatride. 

«Il est devenu chauffeur de taxi à Paris, comme un de mes oncles. Et beaucoup d'Arméniens, ou de Russes arrivés après la révolution d'Octobre». 

Beaucoup d'Arméniens sont aussi devenus coiffeurs, tailleurs. 

«Ils ne pouvaient plus être embauchés, ils devaient survivre, se mettre à leur compte».

Puis vient la guerre, et la mobilisation pour une partie d'entre eux. 

«Le plus jeune de mes oncles a été mobilisé en 1939. Il a passé cinq ans derrière les barreaux allemands. Faite à la Libération, sa demande de naturalisation a mis deux ans à aboutir. Il a repris son métier de taxi.» 

Dans la fratrie, le troisième est parti à Nice, avec sa femme, ouvrir un magasin de fruits et légumes. Il est resté apatride toute sa vie. 

«Pour passeport, il avait un document en accordéon, de couleur verte, où était inscrite la mention ‘réfugié d'origine arménienne'».

«Mes parents, eux, sont restés apatrides. À force d'être traités de sales étrangers, ils n'avaient plus envie de devenir Français». 

Les souvenirs sont douloureux pour Albert. 

«Moi, j'allais à l'école à Ivry, c'était avant la guerre. À l'école, une maîtresse, à qui j'avais demandé de m'avancer parce que je ne voyais pas bien, m'a répondu que les ‘sales étrangers, ça reste au fond'. 

J'ai toujours entendu ce terme. Dans le quartier, une seule famille nous a accueillis, ne nous considérait pas comme de sales étrangers. Plus tard, Albert deviendra médecin. Il exerce toujours.

● Ara Aram S. Dzérounian, né en 1954, au Liban: «Ma mère est née sur la route de la déportation»

Ses grands-parents n'ont jamais évoqué le génocide devant lui. 

«J'en ai entendu parler par mes tantes, ma mère, par bribes, dans ma jeunesse. Mes grands-parents voulaient m'épargner des histoires atroces. Je comprends, pour moi, c'est aussi ça un Arménien: quelqu'un qui n'aime pas pleurer, qui ne craque que quand c'est au-delà du supportable».

Pourtant, il s'en est passé, des choses atroces. Lorsqu'il parle de l'histoire de sa grand-mère, du génocide, Ara retire ses lunettes de soleil, dévoilant des yeux bleus perçants. 

«Elle a dû enterrer sa mère vivante, pendant la marche, forcée par les soldats turcs. Sa mère tombait, elle était trop fatiguée. Ils l'ont forcée à creuser un trou, avec son frère, avant de la mettre dedans, le reboucher, et repartir.»

Son frère n'a pas survécu à cette marche. C'est lorsque les réfugiés ont été rassemblés, plus tard, qu'elle a rencontré celui qui deviendra son mari. Elle n'était plus seule, quelque part en Anatolie, près de la chaîne de montagnes Taurus. Ara n'aime pas prononcer le mot de «Turquie».  

La famille se retrouve au Liban. Après des études au lycée français de Beyrouth, Ara rejoint l'International Collège, puis vient poursuivre ses études en France. Finalement, il n'a jamais vraiment vécu dans un «cadre arménien», sauf en famille. Et à l'église. 

«On est toujours un peu croyants, chez les Arméniens. L'église, surtout pour la diaspora, c'est un peu la patrie, ça n'est pas que Dieu», explique-t-il.

«En France, quand j'envoyais des CV, on me répondait par ‘Madame, ou mademoiselle'. Mon prénom ne disait rien à personne. On me demandait de quelle région j'étais originaire». 

Ni du nord, ni du sud, d'ailleurs, avec un nom comme ça. C'était sa réponse.

«Mais j'ai toujours voulu m'intégrer. Je considère que c'est un devoir, surtout vis-à-vis de mon père qui s'est engagé jeune dans l'armée française, qui s'est battu pour la France. Le génocide, l'Arménie, personne n'en parlait en France, personne n'était au courant, à part quelques groupes d'intellectuels. Je me suis adapté, sans argent, mais j'ai fini par m'en sortir. J'ai commencé comme commercial, puis j'ai évolué, j'ai construit ma carrière.»

Ara commence à travailler tôt dans le deuxième œuvre, puis dans de grands groupes d'ingénierie et de BTP, dans les pays du Golfe, en Allemagne, et en France. 

«J'étais chargé des affaires avec le monde arabe, souvent en déplacement.» Mais c'est en France qu'il a voulu faire vivre ses enfants. 

«Quand ils étaient jeunes, en 1993, on a dû s'expatrier en Allemagne, mais dès le départ, l'objectif était le retour en France».

● Astrid Sarkissian, née en 1987, à Issy-les-Moulineaux: «Du mal à oublier, même à la quatrième génération»

Les arrière-grands-parents paternels d'Astrid sont arrivés en France après avoir fui le génocide. 

«Ils sont arrivés à Issy-les-Moulineaux, où il y avait les usines Renault, et donc du travail. Ils vivaient avec des Italiens, des Portugais, dans des bidonvilles qu'ils ont construits à la hâte».

 Puis, son arrière-grand-mère fait construire un immeuble, rue de la Défense à Issy. 

«C'est devenu l'immeuble familial. Chaque membre avait son étage. Moi-même je suis allé y vivre, lorsque je suis rentré de Londres, où je faisais mes études.»

C'est à l'âge de 18 ans qu'Astrid est allée en Arménie pour la première fois. 

«Je suis allée à Erevan deux étés de suite, en vacances. C'est dans cette ville que mes parents se sont rencontrés. Ils y faisaient leurs études, en pleine période soviétique. Pour mon père, qui y étudiait l'astrophysique, l'intérêt des soviétiques pour les sciences a été capital. Ces vacances étaient pour moi un peu comme un retour aux sources».

Astrid explique avoir toujours baigné dans la culture arménienne. 

«À Londres, j'ai vraiment progressé en langue, je m'étais faite des amies avec qui on parlait arménien». 

A son retour en France, elle fréquente des écoles culturelles, le mercredi. 

«Il y avait des cours de langue, de dessin… je passais mes journée dans les associations, comme la Croix Bleue». 

Lancée dans la voie artistique, elle fait une dizaine d'expositions en 2007, pendant l'année de l'Arménie en France. Aujourd'hui, devenue créatrice, elle continue de se servir de sa culture. Mais elle est aussi inspirée par l'histoire de sa famille. 

 «J'utilise des photos, notamment une où on voit la famille de mon arrière-grand père, la première génération. La femme de son frère est morte durant le génocide. C'est une forme d'hommage, un lien direct».

Un lien direct qu'elle garde grâce aux histoires de famille. Avec une question: jusque quand va durer le traumatisme? «J'ai du mal à oublier, même à la quatrième génération. Je ne veux pas parler de haine contre la Turquie, mais cela reste une blessure. Aujourd'hui, j'aimerais aller en Turquie, rien que pour y voir la culture, mais pour l'instant je ne peux pas franchir le pas.» Astrid est aussi dubitative sur l'avenir: «Je me demande jusque quand on va pouvoir sauver notre culture». Pour elle, participer aux commémorations du 24 avril est en tout cas une obligation.

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D) Obama aussi refuse de parler de "génocide" arménien

Pour ne pas heurter son allié turc au Moyen-Orient, le président américain a finalement renoncé à sa promesse de campagne après de vifs débats.

La Turquie n'est pas seule dans son entêtement à refuser l'évocation de tout "génocide" concernant le massacre de 1,5 million d'Arméniens sous l'Empire ottoman. Elle est suivie en ce sens par son plus grand allié au sein de l'Otan : les États-Unis. En prévision des commémorations du centenaire des massacres vendredi en Arménie, Barack Obama a appelé à une reconnaissance "pleine, franche et juste" des "atrocités de 1915", selon un communiqué de la Maison-Blanche publié mardi. Mais comme les années précédentes, le président américain a pris soin de ne pas prononcer le mot tabou.

Pour le plus grand plaisir de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. "Je n'aimerais pas entendre Obama dire quelque chose comme ça et je ne m'y attends pas de toute façon", s'est réjoui dans la foulée le président turc. "Pour la Turquie, la position américaine est très claire, elle est contre" la reconnaissance du génocide. "Tout au long de ces six années depuis qu'il est président, nous avons longuement parlé de cette question et convenu qu'elle devait être laissée aux historiens, pas aux dirigeants politiques", a-t-il ajouté.

Message d'apaisement de la Turquie
 
Profitant des commémorations à venir pour lancer un message d'apaisement, Ankara a néanmoins indiqué "partager les souffrances des enfants et des petits-enfants" des Arméniens et présenté ses "condoléances" aux descendants des victimes, selon un communiqué du bureau du Premier ministre Ahmet Davutoglu. Mais soucieux de ne pas entacher la mémoire des fondateurs de la Turquie moderne avec un terme qui les placerait sur le même plan que les nazis, le gouvernement turc persiste à évoquer des "massacres mutuels" survenus lors du démantèlement de l'Empire ottoman, dont elle est l'héritière.

À ce sujet, Barack Obama tenait pourtant un tout autre discours du temps où il était sénateur de l'Illinois. En campagne pour la présidence de 2008, le candidat démocrate parlait volontiers de "génocide", promettant même de prononcer ce mot à la Maison-Blanche s'il était élu. Mais arrivé au pouvoir, le président américain a été rattrapé par la realpolitik. Dans un souci de ne pas heurter son allié au Moyen-Orient, pilier oriental de l'Otan avec lequel les États-Unis sont liés en vertu d'un partenariat stratégique, Barack Obama s'est tu. À contrecoeur.

Promesse de campagne

À en croire plusieurs hauts responsables américains cités par l'agence de presse Associated Press, de vastes débats auraient agité Washington au cours de la semaine passée sur l'occasion de briser le tabou en cette année de centenaire. Et ainsi emboîter le pas au pape, qui a provoqué la fureur d'Erdogan la semaine dernière en osant parler pour la première fois de "génocide" arménien.

D'un côté, des responsables de la Maison-Blanche et du département d'État, davantage spécialisés sur les questions relatives aux droits de l'homme, ont enjoint au président de profiter de l'occasion pour honorer sa promesse de campagne. C'est le cas de Samantha Power, ambassadrice américaine auprès des Nations unies, qui avait exhorté en janvier 2008 la communauté arménienne des États-Unis à voter pour le candidat démocrate en échange de l'évocation publique du "génocide" arménien.

Face à eux se sont dressés d'autres officiels beaucoup plus réalistes, tant au département d'État qu'au Pentagone. Ils ont souligné au contraire qu'une telle décision pouvait sérieusement nuire aux relations bilatérales entre les deux pays, à un moment où les États-Unis ont cruellement besoin de l'aide turque dans la lutte contre l'organisation État islamique. Toujours selon les hauts responsables cités par Associated Press, la sécurité des 1 500 soldats américains présents en Turquie a également été évoquée. Au pied du mur à la veille de la date fatidique, Barack Obama a finalement tranché.
"Sauver des vies dans le présent" (haut responsable américain)

Aucun mot ni référence aux massacres d'Arméniens ou aux commémorations du 24 avril n'a été publiquement prononcé par le secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue turc Mevlut Cavusoglu, à l'occasion de la visite de ce dernier à Washington mardi. Toutefois, la Maison-Blanche a précisé dans son communiqué que la conseillère de Barack Obama pour les affaires de sécurité, Susan Rice, avait encouragé le chef de la diplomatie turque à lancer un dialogue ouvert en Turquie sur les "atrocités de 1915". Interrogé par Associated Press, un haut responsable américain a défendu cette décision "aussi bien pour la reconnaissance du passé, que pour notre capacité à travailler avec des partenaires régionaux pour sauver des vies dans le présent", autrement dit au Moyen-Orient.

Tandis que la France et la Russie, qui font partie de la vingtaine de pays au monde reconnaissant le génocide arménien, s'apprêtent à envoyer leur président à Erevan vendredi, les États-Unis se contenteront de leur secrétaire au Trésor, Jack Lew.

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E) La position chancelante d’Israël sur le génocide arménien


Israël sera représenté par une délégation parlementaire aux cérémonies organisées à Erevan pour commémorer le centenaire des évènements de 1915. Mais le député Nachman Shai de l’Union sioniste et sa collègue Anat Berko du Likoud ont été prié par les diplomates israéliens, avant leur départ pour Erevan, de choisir avec soin les mots qu’ils emploieront durant leur mission. Cette situation illustre parfaitement l’exercice d’équilibriste auquel se livre la diplomatie israélienne. L’Etat hébreu a toujours utilisé le terme de « tragédie » pour qualifier les massacres de 1915. S’il se refuse à employer le terme « génocide », c’est pour ne pas froisser la Turquie et l’Azerbaïdjan. La Turquie est l’un des rares alliés d’Israël dans la région mais les deux pays ont des relations tendues depuis l’assaut mortel des forces israéliennes contre le navire turc Mavi Marmara en 2010. Par ailleurs, Israël entretient depuis les années 1990 une relation étroite avec l’Azerbaidjan qui lui apporte une aide discrète mais essentielle dans ses efforts pour surveiller le programme nucléaire iranien.

Mais malgré cette circonstance, la représentation d’Israël aux commémorations suggère que la position de l’Etat hébreu sur les évènements de 1915 n’est immuable. De plus en plus de voix s’élèvent dans le pays pour appeler les autorités à ne pas sacrifier leurs principes à des considérations géopolitiques. Une vingtaine de pays seulement à travers le monde ont à ce jour reconnu le génocide arménien.


F) «Génocide» arménien : un mot toujours tabou pour la Turquie

Après que François ait évoqué dimanche le «génocide arménien», Ankara a rappelé son ambassadeur au Vatican, accusant le pape d'avoir un «point de vue sélectif» sur l'histoire. Le gouvernement turc refuse toujours d'y voir une extermination planifiée, Erdogan se contentant de reconnaitre timidement des «conséquences inhumaines» de la Première guerre mondiale, niant toujours un «prétendu génocide» des Arméniens. 

Largement occultée pendant la majeure partie du XXème siècle, le génocide arménien est reconnu tardivement, suite à l'apparition du terrorisme arménien dans les années 1970 et à la pression de la diaspora arménienne.

«Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens» aurait lancé Hitler en 1939 avant de lancer l'Aktion T4 qui conduira au massacre des handicapés du troisième Reich. Aujourd'hui, les Arméniens se battent pour que l'extermination de deux-tiers de leur peuple ne sombre pas dans l'oubli. S'ils ont renoncé à des réparations matérielles ils livrent bataille pour que le mot génocide soit appliqué au massacre qui a touché les leurs.

24 pays reconnaissent le génocide arménien

À l'heure actuelle, 24 pays ont reconnu officiellement le génocide arménien, parmi lesquels la Russie, les États-Unis, l'Italie, et la France. D'autres pays reconnaissent le massacre tout en refusant d'employer le mot génocide: c'est le cas du Royaume-Uni, de l'Allemagne et d'Israël. Pour ce dernier, cette reconnaissance fait l'objet de nombreuses hésitations, mais reste un tabou au nom de la raison d'Etat et de la nécessité de préserver la Turquie comme un allié capital dans la région. 

Alors que l'on commémore le centenaire du massacre - débuté en avril 1915- , le négationnisme turc est soumis à de nombreuses pressions internationales. 

Le rappel d'ambassadeur, une pratique coutumière

Après la sortie du pape, la Turquie a rappelé dans la foulée son ambassadeur pour «consultations». Une rétorsion diplomatique coutumière de la part d'Ankara dès qu'un Etat s'avise de faire un pas vers la reconnaissance du génocide. Ainsi en 2010, la Turquie rappelait son ambassadeur aux États-Unis, aussitôt après l'adoption par une commission de la Chambre des représentants d'une résolution qualifiant de «génocide» les massacres d'Arméniens commis sous l'Empire ottoman

En 2011, la crise est ouverte entre la Turquie et la France alors que celle-ci vote la répression pénale de la contestation du génocide arménien. Ankara rappelle alors son ambassadeur, suspend ses relations diplomatiques, et menace la France de sanctions économiques, ce qui freinera le processus de loi mémorielle. 

Dernier en date avant le pape François, le parlement syrien a reconnu le génocide arménien le 19 mars 2015. Bachar el-Assad est alors accusé d'instrumentaliser l'histoire en raison de ses mauvaises relations avec la Turquie. 

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Trois ans après, la promesse de François Hollande de faire voter une loi pénalisant la négation du génocide arménien reste sans suite. Le 24 avril 2012, le candidat PS déclarait pourtant qu'il "tiendrait bon". En pleine campagne, François Hollande avait devancé de quelques minutes Nicolas Sarkozy, Place du Canada à Paris, pour le 97e anniversaire du drame. Ce jour-là, les deux hommes avaient chacun promis une loi contre la négociation du génocide. François Hollande défendait "deux principes" : l'"efficacité" et une "plus grande sécurité juridique" d'un côté, "la sérénité" de l'autre. En 2011, on estimait à 400.000 le nombre d'électeurs français d'origine arménienne.

En 2012, Nicolas Sarkozy s'était heurté au Conseil constitutionnel, qui avait retoqué un texte de loi réprimant la contestation des génocides adopté en janvier par le parlement. Le Conseil avait alors estimé que le législateur avait porté une "atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication." Trois ans plus tard, François Hollande n'a pas légiféré de nouveau sur la question. La législation française s'en remet donc à un texte du 29 janvier 2001 reconnaissant le génocide arménien sans nommer ses auteurs.


Un partenaire économique important

François Hollande n'a pas inscrit cette idée dans ses 60 engagements de campagne, mais l'absence de nouveau texte interroge à l'heure du centenaire du génocide. Vendredi matin, le Président a déclaré à Erevan qu'il attendait "d'autres mots" de la part de la Turquie, qu'il appelle à reconnaître les faits. Lors d'une visite à Ankara le 27 janvier 2014, il avait exhorté le pays à faire son "devoir de mémoire", mais était resté flou quant aux mesures qu'il comptait prendre en France. La France "fera le droit et rien que le droit", déclarait-il alors.

Sur ce dossier sensible, la France cherche évidemment à ménager son partenaire turc, qui n'a que peu apprécié la loi de 2001. Si la Turquie n'est que le 13e débouché pour les importations françaises, elle se situe devant l'Inde et le Brésil par exemple. Ces dix dernières années, Paris a doublé ses ventes en direction d'Ankara, et se soucie donc de ses échanges. L'Etat craint en effet d'être pénalisé sur les appels d'offres à venir en insistant sur ce projet de loi. En 2012, le texte adopté par le parlement avait entraîné le boycott des personnels diplomatiques français en Turquie, avant que le pays ne salue le refus du Conseil constitutionnel quelques semaines plus tard…

Refus de la CEDH en Suisse

L'autre inquiétude à laquelle fait face le gouvernement est purement juridique. La décision du Conseil constitutionnel a donné le ton il y a trois ans, et l'Elysée n'a pas oublié que la Suisse s'était heurtée à la Cour européenne des droits de l'Homme en décembre 2013. La CEDH avait en effet estimé que Berne avait violé la liberté d'expression d'un homme en le condamnant pour avoir nié le génocide arménien. Une décision qui complique un peu plus un hypothétique texte de loi en France.

Le site Lui Président, qui dresse le bilan des promesses tenues ou non par François Hollande, note que le socialiste n'a pas fait preuve d'une grande rigueur sur le dossier arménien. En avril 2012, il promettait par exemple d'honorer la mémoire des victimes du génocide tous les ans : promesse rompue dès 2013, la faute à un voyage en Chine. François Hollande s'est aussi engagé "à promouvoir la création d'un Centre de mémoire et de civilisation arménien" qui devrait naître en 2015. Le projet n'a pas encore vu le jour.

leJDD.fr






 H) La Turquie commémore les Dardanelles pour occulter le génocide arménien


Ankara célèbre l’anniversaire de la bataille des Dardanelles au moment des commémorations du génocide arménien. 
 

Le déplacement de la date habituelle des célébrations fait polémique.


Le gouvernement islamo-conservateur accentue le caractère religieux de l’événement.

Alors qu’à l'échelle du monde, les commémorations du centenaire du massacre arménien de 1915 auront lieu ce vendredi 24 avril, les autorités turques mettront plutôt en avant les célébrations du centième anniversaire de la bataille des Dardanelles, qui avait vu l'armée turque résister à l'assaut des troupes franco-britanniques débarquées sur les rives de l'étroit passage qui relie la mer de Marmara à la mer Egée, durant la Première Guerre mondiale.

Une guerre liée à Mustafa Kemal

La « Guerre de Çanakkale », du nom de la ville voisine, est un marqueur essentiel de l’historiographie de la Turquie contemporaine. S’y était distingué un jeune lieutenant-colonel, Mustafa Kemal, fondateur quelques années plus tard de la République turque sur les ruines de l'Empire ottoman.

De toute la Turquie, au printemps, des milliers d'écoliers viennent en groupe pour assister à la reconstitution des combats. Sur le flanc de la colline dominant le port, les premières strophes d'un poème figurent en lettres géantes, flanquées d'un énorme drapeau turc et de la silhouette d'un soldat : 

« Arrête-toi, voyageur ; tu foules une terre où, tu l'ignores, une période vient de se clore ». 

Mais depuis l’arrivée au pouvoir du Parti de la Justice et du Développement (AKP) en 2002, l'interprétation officielle de cette période s'est transformée, et la lecture de l'histoire est radicalement différente et concurrente entre « kémalistes » et islamo-conservateurs.
      

La célébration de la nation turque moderne

Durant des décennies, le récit de la bataille des Dardanelles s’est constitué autour de l'idée de la naissance de la nation turque moderne et de sa première victoire militaire, sans attacher d'importance à l'adversaire de l'époque. Les autorités turques actuelles, en revanche, tendent à présenter la « Guerre de Çanakkale » comme un combat entre « eux », Occidentaux, et « nous », musulmans.

Un film publicitaire de trois minutes, produit par le Bureau de la Présidence turque, a ainsi soulevé la controverse lors de sa diffusion sur les principales chaînes télévisuelles du pays lundi. On y voit entre autres le président turc, Recep Tayyip Erdogan, réciter un poème à forte connotation religieuse, sur fond d’images évoquant l'appel à la prière, le Ramadan ou la Guerre sainte, avant de se recueillir en priant sur la tombe de soldats turcs tués lors de la bataille des Dardanelles.

 > Lire aussi le portrait du photographe franco-arménien Antoine Agoudjian  

Le choix épineux de la date de commémoration de la bataille des Dardanelles

La date de la commémoration de cette année a également suscité de vives critiques, depuis que les autorités d’Ankara ont décidé de d’avancer d’un jour les célébrations - elles se déroulent habituellement le 25 avril - , soit au même moment que les commémorations entourant le centenaire du génocide arménien. « Cet enfantillage décrédibilise la Turquie sur la scène internationale », selon le politologue Cengiz Aktar.

Mais les autorités turques n'en ont cure. Le premier ministre Ahmet Davutoglu a assuré que les commémorations des « événements » de 1915 ne seraient pas oubliées puisqu'une cérémonie religieuse est prévue au Patriarcat arménien d'Istanbul. De nombreux événements, organisés par des mouvements issus de la société civile, sont cependant au programme cette semaine pour commémorer le centenaire du génocide arménien. Vendredi soir, des milliers de personnes sont attendues sur la place Taksim, au centre d’Istanbul, pour un hommage aux victimes des massacres.

Le président Erdogan a nourri la polémique en invitant personnellement à la commémoration de la bataille des Dardanelles le président arménien, Serge Sargissian, qui s’est fendu d'une réponse assassine : 

« Excellence, vous aviez déjà été invité à Erevan ce 24 avril pour rendre hommage aux victimes innocentes du génocide arménien. Nous n'avons pas pour habitude, chez nous, de se rendre chez des hôtes qui n'ont pas daigné répondre à notre propre invitation »...

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Soldat turc revêtu d’un uniforme historique devant un monument commémorant la victoire des Dardanelles.

 LA BATAILLE DES DARDANELLES 
- En 1915, une coalition alliée décide de porter la guerre au coeur de l’Em­pire ot­to­man, allié de l’Al­le­magne.

- Le 18 mars 1915, les forces navales conjointes franco-britanniques tentent de forcer le passage du détroit des Dardanelles, goulet de 60 kilomètres de long et 1 à 4 kilomètres de large, pour se diriger vers Istanbul, selon une stratégie conçue par Winston Churchill. L’attaque est repoussée par les forces turques.

 - Le 25 avril 1915, des troupes an­glaises, néo-zé­lan­daises, aus­tra­liennes et fran­çaises dé­bar­quent sur le sol de la pé­nin­sule de Gal­li­poli, dans le dé­troit. Elles ne parviennent pas à faire de percée. C’est au cours de cette ba­taille que s’illus­tre le co­lo­nel Mus­tafa Kemal, qui pro­cla­mera en 1923 la Ré­pu­blique turque mo­derne née de la chute de l'Em­pire ot­to­man.

 - Le 8 janvier 1916, les dernières troupes alliées sont évacuées. La ba­taille a coûté la vie à 180.000 al­liés et 66.000 Turcs. Plus de 200 000 hommes ont été blessés. L’Angleterre, ainsi que les troupes de l’Empire britannique, ont subi le plus de pertes humaines. L’Australie et la Nouvelle Zélande ont perdu 11 500 combattants, appelés les ’Anzacs’(Aus­tra­lian and New-Zea­land Army Corps). La France a perdu 30 000 hommes.






I) Quand l’Arménie soviétique faisait vibrer la diaspora


La tentation de l’Arménie soviétique fut très forte au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Comme en témoigne ce texte d’un petit-fils d’Arménien, le psychologue lausannois Eric Vartzbed, qui fait un retour nostalgique sur les rêves de la diaspora

D’origine arménienne, mon grand-père tenait une petite boutique au Caire, une chemiserie relativement prospère. En 1947, des propagandistes mandatés par le gouvernement de Staline proposèrent aux Arméniens de la diaspora de rejoindre leur mère patrie et de contribuer à l’édification d’une société plus juste. Les bonnes volontés étaient requises. Le gouvernement soviétique assurait à chacun une parcelle de terrain. A charge pour l’arrivant d’y bâtir une maison.

La perspective d’un retour en Arménie enthousiasma ma famille. Mais il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. Les émissaires soviétiques disaient qu’ils «tireraient au sort» les noms retenus, que le hasard déciderait des départs. En réalité, les candidatures des jeunes couples furent acceptées en priorité. Ma tante, son mari mécanicien (ancien légionnaire de l’armée française) et leur fils âgé de 2 ans partirent ainsi avec la première vague d’émigrés.



Une deuxième vague devait quitter l’Egypte pour rejoindre l’Arménie, mais le départ fut retardé par une épidémie de choléra survenue au Caire. L’Union soviétique avait momentanément fermé ses frontières. Mon grand-père se prépara néanmoins au voyage en envisageant une possibilité qui existait déjà à l’époque: l’achat d’une maison préfabriquée suédoise, un peu à la manière des meubles Ikea… Il projetait de la monter une fois arrivé au pays. Un oncle, quant à lui, apprenait le russe. Il fut décidé qu’ils appartiendraient au troisième convoi de voyageurs.

Dans les récits entendus, j’ai surtout remarqué que le moteur de cet exode était le patriotisme. La perspective de contribuer à l’idéal socialiste ne comptait guère.

Un fait massif semblait se confirmer: l’identification nationale est plus forte que l’identification de classe. Un ouvrier français se sentira peut-être toujours plus proche d’un patron français que d’un ouvrier allemand. Bref, ma famille carburait au rêve d’un retour au pays. Le socialisme, lui, les laissait plutôt indifférents, voire méfiants.

Certes, ils aspiraient à gagner un pays où l’éducation et les soins étaient gratuits, mais ils savaient aussi que la chape de plomb d’un contrôle policier les paralyserait. Conscients que la communication était surveillée, ma tante et son mari convinrent avec mon grand-père d’un code secret pour déjouer les censures. Quelques mois après leur arrivée, ils enverraient à mon grand-père une photo d’eux. Sur l’image, s’ils apparaissaient debout, cela signifierait qu’ils étaient relativement libres et prospères, que leurs espoirs avaient tenu leurs promesses. En revanche, une autre posture indiquerait la déception, l’échec.

Quelques mois après le départ de sa fille et de son gendre, mon grand-père reçut en effet une lettre d’Arménie. Il l’ouvrit fébrilement. Sa fille, son gendre, un groupe d’amis apparaissaient sur l’image: tous arboraient un sourire radieux, l’un assis sur un rocher, la majorité couchés sur l’herbe, personne debout…

Censé partir avec la troisième vague, mon grand-père annula la commande de la maison préfabriquée et renonça à son projet.

Plus tard, en Arménie soviétique, ma tante fut trahie par son mari et le quitta. Après une période de désespoir, elle connut un cinéaste roumain d’origine arménienne qui avait croupi dans les geôles sibériennes. Les années passèrent, plombées. La pauvreté, l’absence de futur firent germer, encore une fois, le rêve d’un ailleurs.

Ma tante demanda à son frère qui vivait à Paris de lui obtenir un certificat d’hébergement. Il ne s’agissait pas pour elle et les siens de vivre en France, mais ce document était une condition pour être autorisé à s’extraire du bloc de l’Est. Elle voulait quitter l’Arménie, transiter par Rome pour rejoindre les Etats-Unis.

A cette époque, les Américains venaient de marcher sur la Lune et accueillaient à bras ouverts tous ceux qui les rassuraient sur la supériorité de leur système politique. Le vœu de ma tante se réalisa. Son frère lui procura le certificat attendu. Après avoir passé quarante jours (!) dans un monastère romain, ma tante et ses proches partirent pour Los Angeles. Agée aujourd’hui de 96 ans, elle y coule encore des jours relativement heureux.

L’Arménie réelle qu’elle a connue n’a plus l’aura mythique de l’Arménie imaginaire dont rêve la diaspora. Les rêves, comme le papier d’Arménie, sentent bon, mais se consument. Il est vrai que l’Arménie s’est depuis métamorphosée. Et il est encore peut-être trop tôt pour dire si l’on y vit couché ou debout.
 Eric Vartzbed
 




J) Arménie et Arméniens dans la Première Guerre
La présence d'Arméniens en France est attestée dès les époques romaine et surtout médiévale. Grégoire de Tours, dans son "Histoire des Francs", relate qu'en 591, un évêque arménien, Simon, était venu se réfugier dans son diocèse. A l'ère des Croisades, l'histoire des alliances militaires et politiques entre les Etats francs du Levant et le royaume de Cilicie, dit de la Petite Arménie, dont la dernière dynastie est apparentée aux Lusignan du Poitou, est bien connue. Le cénotaphe du dernier souverain, Léon V de Lusignan, aux côtés des tombes des rois de France en la basilique de Saint-Denis, en porte le témoignage. Des marchands arméniens participent aux foires de Lyon au Moyen-Age et au XVIIe siècle, le commerce arménien occupe une place non négligeable à Marseille où furent établies une chapelle et une imprimerie. Les jardins de Versailles, abritent toujours des statues à l'effigie de Tigrane le Grand (95-55 av. J.-C.), battu par Pompée, et du roi Tiridate. Il est difficile de citer toutes les mentions des Arméniens dans l'art, la musique, les récits de voyage et la littérature en France. Tout au long du XIXe siècle, dans un espace arménien partagé entre trois empires - ottoman, persan et russe - les relations se font plus actives. De jeunes Arméniens viennent faire leurs études en France tandis que plusieurs ordres religieux français développent une action éducative et philanthropique auprès des Arméniens dans les trois empires et contribuent, avec les consuls, à informer l'opinion publique lors des premiers massacres de masse de 1894-1896, sous le règne du sultan Abdülhamid II (1876-1909). Des investisseurs français commencent par ailleurs à s'intéresser aux possibilités économiques qu'offrent les provinces arméniennes du Caucase russe.


Comme l'atteste l'accord secret signé avec l'Allemagne le 2 août 1914, l'Empire ottoman se prépare à participer à la guerre aux côtés des Puissances centrales, mais n'entre vraiment en guerre que le 2 novembre 1914, lorsque sa marine attaque des ports russes de la mer Noire. Le ministère français des Affaires étrangères a voulu croire jusqu'au bout que Constantinople maintiendrait sa neutralité affichée, recommandant à l'ambassadeur Bompard, comme à son allié russe de multiplier les efforts dans ce but. Même après l'abolition unilatérale des Capitulations (9 septembre), de la protection française sur les Lieux Saints (24 octobre), ou de la rupture des relations diplomatiques (28 octobre), Paris tente l'apaisement, tant pour éviter les risques d'un nouveau front que ceux de tensions dans ses colonies musulmanes. L'état de guerre n'est reconnu de facto, à contre-coeur, que le 5 novembre, non contre la "nation ottomane" à laquelle le Gouvernement de la République "ne retire pas sa sympathie", mais "contre le gouvernement actuel de Constantinople composé d'éléments inféodés à l'Allemagne". D'où un relatif régime de faveur pour les Ottomans, opposants ou issus des minorités opprimées, qui seront autorisés à rester en France sans être internés au titre de ressortissants ennemis. Mais l'intérêt bienveillant des Puissances de l'Entente pour ces minorités - dont les Arméniens au premier chef - les désignent aussi comme cibles du gouvernement nationaliste jeune-turc au pouvoir. Partagés entre deux empires rivaux qui affutent leurs armes, ils seront bientôt au coeur du champ de bataille.


Lorsque la guerre éclate sur le front du Caucase, les Arméniens, partagés entre l'Empire ottoman et l'Empire russe, se retrouvent mobilisés en masse dans les armées régulières des deux camps ennemis. Dans l'Empire ottoman, malgré leur loyauté reconnue par le ministre de la Guerre, Enver Pacha lui-même, dans un message au Patriarche arménien de Constantinople en janvier 1915, ils sont bientôt désarmés et affectés à des bataillons de travail, puis éliminés, en prélude au génocide. A l'instar d'autres nations divisées par des frontières impériales et en quête d'émancipation, comme les Polonais, les Arméniens forment aussi des groupes de volontaires qui vont participer aux combats sur tous les fronts aux côtés de l'Entente : sur le front caucasien, essentiellement constitués de sujets de l'empire russe réservistes ou jeunes qui devancent l'appel ; sur le front occidental, dans les rangs de la Légion étrangère, avec des étudiants ou exilés politiques résidant en France ou d'anciens émigrants aux Etats-Unis ; sur le front d'Orient à partir de 1916-1917, lorsqu'après le génocide, il ne semble plus envisageable de laisser les survivants arméniens sous le gouvernement turc et que les représentants de la nation entendent participer aux négociations de paix.

La guerre est à la fois la condition et l'occasion pour commettre ce qui ne s'appelle pas encore un "génocide", mais déjà "le meurtre d'une nation" (Arnold Toynbee), "l'assassinat de l'Arménie", dans la continuité des massacres de masse précédents, sous le régime hamidien, comme sous celui des débuts du régime jeune-turc, mais d'une autre nature et d'une autre ampleur. Malgré la censure et les dénégations du gouvernement jeune-turc, ils sont connus et dénoncés très tôt. Dans le contexte de guerre totale en cours, l'intervention des Puissances de l'Entente consistera surtout à aider les survivants : un monde d'orphelins.
L'armistice du 11 novembre 1918 n'achève pas la guerre sur les fronts d'Orient et du Caucase où la dislocation de deux empires - ottoman et russe - provoque de nombreux soubresauts lors de la reconfiguration des frontières et des pouvoirs. La confrontation entre les forces politiques prétendant à la succession de l'Etat central, les nations en quête d'indépendance contre les héritiers des empires déchus, mais aussi en guerre entre elles pour la définition de leur territoire, et les puissances européennes en rivalité pour le partage des dépouilles et des zones d'influence, prolonge le conflit jusqu'au début des années 1920. Le traité de Sèvres (10 août 1920) qui reconnaît l'indépendance de la république d'Arménie proclamée au Caucase le 28 mai 1918, lors de l'éclatement de l'Empire tsariste, avec des frontières englobant les provinces arméniennes de l'Empire ottoman, est caduc à peine signé. L'alliance des forces kémalistes et bolchéviques, refusant aux Puissances européennes le soin de déterminer la situation régionale, aboutira à la soviétisation de l'Arménie et des autres républiques indépendantes du Caucase, comme à l'échec de la tentative d'un foyer arménien en Cilicie sous mandat français. Le traité de Lausanne (24 juillet 1923) annule celui de Sèvres, laissant peu de place dans la nouvelle Turquie républicaine aux rescapés arméniens qui s'éparpillent dans une vaste diaspora mondiale.


La France fut présente en Arménie lors de première indépendance éphémère et turbulente de 1918-1920. Si les relations furent d'intensité variable après la soviétisation, les liens n'ont jamais été totalement coupés. Depuis la fin de l'URSS et l'indépendance proclamée et reconnue en 1991, les relations se sont multipliées dans tous les domaines et à tous les niveaux. 

http://armeniens-14-18.fr/



K)  GEOPOLITIQUE DE LA CULTURE : Génocide arménien : l’Azerbaïdjan, l’allié négationniste de la Turquie


Dans la guerre mémorielle que se livrent Ankara et Erevan, Bakou, qui veut récupérer l'enclave du Haut-Karabakh, souffle sur les braises. 


À mesure qu'approchaient les célébrations du centenaire du génocide arménien organisées à Erevan et dans le monde entier ce 24 avril, le bras de fer mémoriel avec la Turquie s'est intensifié. Après le pape François, le Parlement européen a lui aussi appelé le pays à faire face à son histoire en reconnaissant le caractère génocidaire du massacre de plus d'un million d'Arméniens en 1915, sous l'Empire ottoman. Mais comme chaque printemps, même acculée diplomatiquement, la Turquie d'Erdogan sait qu'elle peut compter sur l'infaillible soutien de son voisin azerbaïdjanais. Mi-avril, le président de la République caucasienne, Elkhan Suleymanov, avait d'ailleurs vertement critiqué l'Europe et sa vision partiale des événements de 1915, l'accusant également de vouloir attiser aujourd'hui "la haine et l'hostilité" entre Turcs et Arméniens. Des saillies médiatiques qui s'expliquent par la haine viscérale entre Arméniens et Azéris. Entre 1988 et 1994, les deux pays voisins se sont livré une guerre sanglante (plus de 20 000 morts et des centaines de milliers de déplacés), aboutissant à la prise de contrôle par les troupes arméniennes de 15 % du territoire azerbaïdjanais, dont la région du Haut- Karabakh. Une région devenue par la suite autonome - bien que largement financée par l'Arménie et la diaspora à l'étranger -, mais non reconnue par la communauté internationale. Aujourd'hui, malgré le cessez-le-feu toujours en vigueur, sur la ligne de front la tension est omniprésente et les escarmouches sont monnaie courante. 




Simulacres de colloques
Et dans ce conflit, la "bataille mémorielle" fait rage. "En Azerbaïdjan, beaucoup de manuels scolaires et universitaires, de publications - plus ou moins académiques - continuent de partager une des visions les plus nationalistes de l'historiographie turque sur la question arménienne", rappelle Elshan Mustafayev, doctorant azerbaïdjanais à Sciences Po Lyon. Une vision relayée par la presse qui minimise à la fois le nombre de morts et justifie les massacres de 1915 par des raisons de sécurité nationale, certains Arméniens s'étant ralliés à l'époque à l'ennemi russe. Voyant les caméras se tourner vers l'Arménie, centenaire oblige, l'Azerbaïdjan a choisi de riposter par une "contre-stratégie" culturelle, visant à offrir une histoire du Caucase et de ses drames. Aux États-Unis surtout, des académiciens et des diplomates azéris "ont monté à coups de pétrodollars quelques simulacres de colloques, tout ça pour essayer d'influencer le Congrès américain avec leurs thèses négationnistes". En vain, estime Ceginz Aktar, journaliste et écrivain turc engagé dans la reconnaissance des crimes commis par la Turquie. Le 10 avril dernier, l'académie des sciences d'Azerbaïdjan tenait à Bakou une conférence au nom évocateur : "Le soi-disant génocide arménien : fiction et réalité." On y rappelle également que c'est l'Arménie le seul État assassin de la région, responsable notamment de nombreuses exactions dans les années 1990. Comme le "génocide de Khodjali, la tragédie du XXe siècle", rappelle le site de l'ambassade azérie à Ankara. Plusieurs centaines de personnes ont été massacrées par les forces arméniennes en 1992.



Solidarité
Un massacre d'ailleurs commémoré par le gouvernement turc en février 2012 sur la place Taksim d'Istanbul, pour le vingtième anniversaire. Un nouveau témoignage des liens forts entre Ankara et Bakou. "Les deux pays ont de fortes affinités sur le plan culturel et ethnique, souligne Elshan Mustafayev. Bakou, c'est la première visite officielle pour tout nouveau président turc." Une solidarité entre les deux peuples qui remonte au début du conflit pour le Haut-Karabakh quand, en soutien à Bakou, Ankara avait fermé ses frontières et rompu ses relations diplomatiques avec Erevan. Une décision politique dont certaines régions voisines de l'Arménie paient encore le prix aujourd'hui. Naif Alibeyoglu, ancien maire de la ville turque de Kars, peut en témoigner : "Il n'y a presque plus d'industrie à Kars, le taux de chômage est énorme et beaucoup de personnes désertent la ville. Pour changer les choses, on a essayé de lancer des jumelages entre les villes, de favoriser la coopération régionale, on a même construit une statue pour la paix : le monument à l'Humanité". En pure perte. Une à une les initiatives sont détricotées et les monuments mis à bas. Oubliés aussi les espoirs des protocoles de Zurich, en 2009, qui voyaient pour la première fois les présidents turc et arménien s'accorder sur une feuille de route commune. "À chaque fois que la Turquie a fait un pas pour le rapprochement avec l'Arménie, elle s'est fait rappeler à l'ordre par l'opinion publique azérie", rappelle Elshan Mustafayev. À Kars, "le consulat d'Azerbaïdjan surveille toutes les activités à la frontière et prend des mesures pour contrer les tentatives comme celles favorisant l'ouverture des frontières avec l'Arménie", explique Gengiz Aktar (1). Et de conclure : "La Turquie semble avoir sous-traité à l'Azerbaïdjan sa politique envers l'Arménie et les Arméniens." 

Pétrodollars
Une confiance que l'Azerbaïdjan se paie à grand renfort de pétrodollars dont le petit État caucasien regorge. Si Bakou ne fournit à la Turquie qu'entre 7 et 10 % de ses importations énergétiques, ses tarifs pour Ankara défient toute concurrence. Et son géant de l'hydrocarbure, le groupe national Socar (10 % du PNB azéri) investit à tour de bras en Turquie. Symbole de cette union énergie et géopolitique, le gazoduc transanatolien Tanap, dont les deux pays (avec la Géorgie) viennent de lancer la construction et qui raccordera bientôt les champs gaziers de la Caspienne à l'Europe. L'Azerbaïdjan et la Turquie, rappelle Elshan Mustafayev, ce sont aussi des milliers d'entreprises partenaires, des échanges commerciaux se hissant à 5 milliards de dollars par an, un demi-million de touristes azéris foulant le sol turc chaque année ainsi que le principal contingent d'étudiants inscrits dans les universités turques. "Tous ces projets de coopération économique ont bien évidemment renforcé le poids de l'Azerbaïdjan dans la politique régionale de la Turquie, ce qui fragilise en retour l'Arménie en l'excluant de tous les projets économiques régionaux et empêche la Turquie de se réconcilier avec Erevan", conclut le chercheur. 

Impasse



"C'est une situation ridicule", martèle l'ancien ambassadeur turc à Bakou, Ünal Çevikoz : "La frontière entre la Turquie et l'Arménie est fermée depuis 22 ans et ça n'a aidé ni la Turquie ni l'Arménie et encore moins l'Azerbaïdjan." Et de préciser : "22 ans d'enclavement pour faire pression sur l'Arménie afin de régler la question du Haut-Karabakh sans le moindre résultat." Mais à l'approche des élections législatives de juin, "aucun parti politique en Turquie n'est prêt à assumer les conséquences électorales d'une détérioration des relations avec l'Azerbaïdjan", avance Elshan Mustafayev. Et surtout pas l'AKP. Malmené dans les sondages en raison de son bilan économique, l'ancien parti du président Erdogan voit son électorat s'effriter, notamment au profit de la formation ultranationaliste du MHP, très véhémente sur la question arménienne. Pas sûr de voir les leaders de l'AKP tendre prochainement la main à Erevan. La réconciliation devra attendre. 

(1) Dans un rapport pour le Parlement européen de 2013 





 
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