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septembre 26, 2016

Économie - Fiscalité - Mensonge d'État

Ce site n'est plus sur FB, alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes, comme sur vos propres murs respectifs. D'avance merci. L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses. 

Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 




Sommaire:

A) L'économie mondiale 2017 - CEPII -  http://www.cepii.fr/

B) L’injustice fiscale Ou l’abus de bien commun - Nicolas Lecaussin - IREF

C) L'Élysée brise l'embargo de l'Insee et fait de la désinformation économique - 





A) L'économie mondiale 2017
 
Introduction
l’été 2016, l’économie mondiale hésite encore entre stagnation et transition vers un nouveau modèle toujours difficile à cerner. La montée des tensions qui en résulte est analysée par Sébastien Jean dans le chapitre i. Tensions dans le domaine politique avec la montée des populismes, tensions aussi dans la construction européenne avec la crise des réfugiés et le Brexit, tensions économiques et financières avec les doutes suscités par les politiques monétaires ultra-accommodantes qui n’ont pas réussi à raviver la croissance, mais pourraient avoir nourri des bulles de prix d’actifs et des prises de risque excessives. Tensions, en n, dans la gouvernance mondiale avec les difficultés d’adaptation à un monde multipolaire qui réclame de revoir les schémas qui prévalaient jusque-là. 

La brève histoire des mondialisations, que nous relatent Michel Fouquin, Jules Hugot et Sébastien Jean dans le chapitre ii, fait ressortir un risque de fragmentation du système commercial mondial. La stagnation des interdépendances commerciales depuis l’éclatement de la crise financière avive, de manière paradoxale, les controverses autour de la mondialisation : les gains liés à l’intensification du commerce s’épuisant, les conflits de répartition et de légitimité qui y sont associés prennent le dessus. À l’inverse, dans le domaine financier, l’analyse de Michel

Aglietta et Virginie Coudert, présentée dans le chapitre iii, nous enseigne que c’est l’intensification des interdépendances qui pose problème : à la politique monétaire américaine qui doit désormais composer avec les évolutions qui se produisent dans le reste du monde et, plus largement, au système monétaire international qui, confronté à un multilatéralisme rampant, souffre d’un défaut de coordination. Or, que ce soit dans le domaine commercial ou dans le domaine financier, ce défaut pourrait conduire à un retour des souverainetés nationales aux dépens des mondialisations. 

La coordination n’a toutefois pas été inexistante au niveau financier. Depuis la crise de 2008, des efforts importants ont été déployés par plusieurs instances internationales pour tenter de réformer le secteur bancaire. C’est à une analyse de ces réformes que nous convie Jézabel Couppey-Soubeyran dans le chapitre iv. Le message qu’elle livre n’est cependant guère encourageant. Le secteur bancaire et financier demeure vulnérable. Certes, des mesures ont été prises, mais les efforts soutenus des banques pour tenter d’en limiter le contenu et la portée entretiennent une défiance citoyenne qui pourrait déboucher sur des revendications bien plus radicales que les réformes engagées jusque-là. 

Étienne Espagne, dans le chapitre v consacré à la COP21, apporte une note d’optimisme à cet ouvrage : si, comme le prévoit l’Accord de Paris signé en décembre 2015, la finance était mise au service du changement climatique, c’est à un jeu gagnant-gagnant que l’on aboutirait. Pour y parvenir, il faudra toutefois réussir à saisir les opportunités que la gestion du risque climatique présente pour les secteurs de la finance et de l’assurance tout en cernant la dimension systémique du risque climatique. Cela nécessitera de trouver le meilleur arbitrage possible entre gestion privée et gestion collective de ce risque. Dans le chapitre vi, qui présente un état des lieux des migrations internationales et de leurs conséquences économiques, Anthony Edo nous ramène dans le champ des tensions qui traversent la construction européenne : la gestion de la crise des réfugiés est venue rappeler l’incapacité de l’Union à se coordonner. Le chapitre vii met quant à lui l’accent sur les tensions internes qui affectent le Brésil. Pour Cristina Terra, les politiques économiques inappropriées du gouvernement de Dilma Roussef sont à l’origine de la crise brésilienne. Les compléments statistiques présentés en n d’ouvrage ont été rassemblés par Alix de Saint Vaulry.

Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran* * Isabelle Bensidoun, économiste au CEPII, et Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et conseillère éditoriale au CEPII, ont assuré la conception et la coordination de cet ouvrage.

Vue d’ensemble : la montée des tensions
En dépit d’une légère accélération par rapport à l’année précédente, la croissance mondiale reste décevante à l’été 2016. Bientôt dix ans après le début de la crise économique et financière mondiale, un retour aux tendances antérieures semble de plus en plus improbable. La médiocrité de la croissance ne doit pas être acceptée comme une nouvelle norme, avait mis en garde le Fonds monétaire international (FMI) au printemps 2015. Pour autant, il reste difficile de déterminer quelles pourraient être les nouvelles références d’une économie mondiale traversée par des tensions croissantes et multiformes. Non seulement la croissance n’a plus retrouvé son niveau d’avant crise dans beaucoup de pays, mais les déséquilibres massifs accumulés dans les années 2000 ne se sont guère résorbés, quand ils ne se sont pas accrus. Sur les marchés du pétrole et des matières premières, l’abondance de l’offre s’est combinée avec l’atonie de la demande pour entraîner une importante chute des cours, déstabilisante pour beaucoup de pays producteurs et moins profitable qu’attendue pour les pays consommateurs. Dans un contexte de faiblesse persistante de l’inflation, les autorités monétaires de plusieurs économies avancées ont réagi en abaissant certains taux d’intérêt directeurs au-dessous de zéro, suscitant de nombreuses interrogations sur les causes profondes du mal, sur l’efficacité de ce remède et sur ses possibles effets secondaires. Le niveau et la tendance de l’endettement laissent craindre pour la stabilité financière. Enfin, les tensions géopolitiques s’exacerbent dans différentes zones. Le vote britannique en faveur du Brexit n’a fait qu’ajouter à ce climat d’incertitude, illustrant la nervosité des marchés et posant des questions profondes sur l’évolution du projet européen.  [...] 

Sébastien Jean est Directeur du CEPII.


Une brève histoire des mondialisations commerciales
Le terme « mondialisation » est couramment utilisé pour caractériser l’interdépendance croissante des économies. Si certains ont pu y voir l’avènement d’un « monde sans frontières », l’intensification des relations économiques internationales évolue en réalité selon des modalités complexes et une tendance qui n’est ni linéaire ni irrévocable. En dépit du caractère spectaculaire des évolutions récentes, le phénomène n’est d’ailleurs pas sans précédent puisque le XIXe siècle a lui aussi connu une période de mondialisation. Pour beaucoup de pays, le niveau d’intégration commerciale de la fin du XIXe siècle n’a été dépassé que très récemment. Entre-temps, en effet, les relations économiques internationales s’étaient massivement détériorées pendant l’entre-deux-guerres.
 
L’interdépendance économique internationale est le résultat de l’intensification du commerce de biens, mais aussi des flux financiers, migratoires ou informationnels. Ce chapitre se concentre sur la dimension commerciale. Il brosse le tableau de ces différentes périodes, avant de s’interroger sur leurs similitudes et spécificités, et sur les enseignements qu’il est possible d’en tirer. [...]

Michel Fouquin - Jules Hugot - Sébastien Jean


Interrogations sur le système dollar
Après le cataclysme de 2008, la globalisation financière a décollé des évolutions économiques réelles : alors que le PIB mondial et le volume du commerce international ont sensiblement ralenti, les flux de capitaux internationaux ont été gonflés par la surabondance de liquidités mises à disposition du système financier globalisé. Cette discordance n’est pas sans conséquences. Le recyclage des liquidités en dollars a provoqué une montée de l’endettement au niveau mondial, tandis que le ralentissement de la croissance s’est traduit par des surcapacités de production qui ont détérioré les bilans dans les pays émergents. Les reflux de capitaux des pays émergents vers les pays avancés ont provoqué des dynamiques déséquilibrantes sur les marchés des actions et des devises.
 
L’intensification des interdépendances financières crée un dilemme pour la politique monétaire américaine, fondée jusqu’alors sur l’indépendance de ses objectifs vis-à-vis des évolutions dans le reste du monde. Cette situation nouvelle pose le problème de l’absence de coordination au sein du système monétaire international.
 
C’est aux répercussions des excès de la globalisation financière sur le système monétaire international et aux dilemmes qu’elles posent aux banques centrales que ce chapitre est consacré. [...]

 Michel Aglietta - Virginie Coudert

 
Les réformes bancaires ont-elles été poussées trop loin ?
« Le secteur financier a exercé un lobbying intense pour préserver sa structure et faire barrage aux changements nécessaires. » « Les grandes banques sont l’équivalent de réacteurs nucléaires. » Ces mots n’ont pas été prononcés par les militants de Nuit debout sur la place de la République à Paris, mais par le nouveau président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, en février 2016. S’ils concernent d’abord le secteur bancaire américain, ils valent aussi pour les banques européennes et a fortiori françaises. Bien sûr, des réformes ont eu lieu, impulsées par les travaux du G20, les accords du comité de Bâle, les standards du Conseil de stabilité financière et divers rapports, comme le rapport Vickers au Royaume-Uni. Des lois en ont résulté, d’envergure nationale (Dodd-Franck aux États-Unis, loi de réforme bancaire au Royaume-Uni, loi de séparation et de régulation des activités bancaires en France, etc.) ou d’envergure européenne (directives CRD IV, révision de la directive sur les systèmes de garantie des dépôts, directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires, etc.).
 
Aucune n’a profondément transformé le secteur bancaire et financier. Elles exigent des banques un peu plus de fonds propres et de liquidité. Elles tentent de responsabiliser leurs créanciers obligataires et de réduire le risque systémique en confiant aux banques centrales la mission de superviser les banques d’importance. Mais est-ce assez pour remettre au service de l’économie réelle un secteur bancaire hypertrophié et dominé dans chaque pays par quelques mastodontes dont le bilan pèse pour chacun à peu près l’équivalent du PIB de leur pays, et dont 10 % seulement de l’actif contribue au financement des entreprises ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
 
Et, pourtant, en mai 2016, Jonathan Hill, le commissaire européen aux services financiers, parlait déjà de « faire le point », « vérifier si nous pourrions atteindre les mêmes objectifs de régulation d’une façon plus favorable à la croissance », en clair de faire une pause, voire mettre un terme aux réformes bancaires européennes, du moins à celles visant à renforcer la stabilité du secteur. Le temps est-il venu de refermer la parenthèse des réformes bancaires que la crise enclenchée en 2007-2008 avait (entre)ouverte ? Sont-elles la cause d’une distribution du crédit et d’un investissement atones, un frein à la reprise ? Ce chapitre propose de faire un point sur les réformes engagées, de montrer qu’elles n’ont pas toutes le caractère contraignant que les représentants des banques leur prêtent, que beaucoup d’entre elles ne sont encore que partiellement engagées et pas toujours à la hauteur de l’ambition affichée et que, à revenir en arrière sur ces petits pas, le risque est grand de fragiliser davantage l’Europe. [...]

Jézabel Couppey-Soubeyran


Après la COP21, comment climatiser la finance ?
L’accroissement des inégalités de revenu et de patrimoine occupe une place grandissante dans le débat public, dont l’intensité a redoublé avec la publication de l’ouvrage Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty [2013]. Dans un rapport de mai 2015, l’OCDE attirait aussi l’attention sur les niveaux record d’inégalités dans la plupart des pays de l’OCDE ainsi que dans les pays émergents. « Nous avons atteint un point critique. Les inégalités dans les pays de l’OCDE n’ont jamais été aussi élevées depuis que nous les mesurons », a déclaré son secrétaire général, Angel Gurria, lors du lancement du rapport.
 
De façon plus inattendue, des voix se sont élevées pour attribuer à ces inégalités croissantes une responsabilité dans le surendettement des ménages modestes et pauvres ayant conduit à la crise financière de 2007-2008. Dans son ouvrage Fault Lines [2010], Raghuram Rajan soutient ainsi que la progression des inégalités de revenu aux États-Unis a contraint les ménages à revenus faibles et moyens à accroître leur endettement afin de maintenir leurs niveaux de consommation, compensant l’impact de la baisse de leur revenu relatif sur la croissance du PIB. Till Van Treeck [2014] a présenté une somme substantielle d’arguments qui corroborent cette thèse pour les États-Unis sur la période 1980-2010.
 
Empiriquement, la causalité directe entre la montée des inégalités et celle de l’endettement susceptible de dégénérer en crises financières reste encore difficile à établir, tant chacun des deux phénomènes met en jeu un grand nombre de facteurs concurrents et entremêlés. Il est en outre tout à fait possible que l’augmentation parallèle des inégalités et de la taille de la sphère financière soit le produit d’un facteur commun, tel que la déréglementation croissante des économies depuis le début des années 1980. Il est donc nécessaire de commencer par rappeler les éléments du débat en présence, en détaillant tour à tour l’étendue et les caractéristiques, d’abord de l’expansion de la sphère financière, puis de la montée des inégalités. D’autant que les deux phénomènes ont longtemps été appréhendés sans chercher à établir de lien entre eux. Ces liens potentiels mobilisent depuis peu l’attention des économistes. [...]

Etienne Espagne


Migrations et mouvements de réfugiés : état des lieux et conséquences économiques
Les mouvements de population actuels à travers le monde et l’Europe marqueront l’histoire des migrations internationales. À l’échelle mondiale, les guerres et les persécutions n’ont jamais provoqué, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, autant de déplacements de personnes au sein des pays ou en dehors. Les conflits qui sévissent en Syrie, en Irak, en Libye, en Afghanistan, au Yémen, ou encore en Somalie et au Soudan poussent les populations au départ. La plupart se relocalisent au sein de leur pays d’origine ou dans un pays limitrophe, mais une partie de ces déplacements forcés se dirige vers l’Europe, où plus d’un million de personnes se sont réfugiées au cours de l’année 2015. Au-delà de l’ampleur du phénomène migratoire, l’histoire questionnera aussi les modalités d’action engagées par les pays européens pour y répondre. Face au défi de l’accueil des réfugiés, les pays de l’Union européenne (UE) peinent toujours à s’accorder sur une politique commune ambitieuse.
 
Le contexte migratoire actuel et les difficultés de coordination entre pays européens suscitent de nombreuses interrogations tant sur l’ampleur des migrations internationales et les choix de localisation des réfugiés, que sur les conditions d’accueil des pays de l’UE et leur politique en matière d’asile. Les questions relatives aux mouvements de réfugiés se sont aussi étendues à la sphère économique, comme l’illustre une vive et récente controverse concernant les effets de l’immigration et des réfugiés sur les conditions d’emploi dans les pays d’accueil. Avant d’y revenir plus longuement, ce chapitre décrit les mouvements de personnes et de réfugiés dans le monde, puis analyse la situation spécifique de l’UE face à l’accueil de ces derniers. [...]

Anthony Edo


La crise made in Brazil
Le Brésil, l’un des pays les plus inégalitaires au monde, a connu, pendant vingt ans de dictature militaire (1964-1985), des taux de croissance très élevés sans que les inégalités se réduisent. Ses dirigeants avaient coutume de dire qu’il fallait laisser grossir le gâteau pour mieux le partager plus tard. Mais ce « plus tard » était sans cesse repoussé. En 2002, Luiz Inácio Lula da Silva, un ancien ouvrier métallo pugnace, remporte l’élection présidentielle. Lors de sa première interview présidentielle, il déclare : « L’espoir a vaincu la peur », le peuple a voté « sans avoir peur d’être heureux ». Lula fait naître alors un immense espoir, surtout chez les plus démunis. Ses électeurs attendent de lui qu’il lutte contre la pauvreté, réduise les inégalités et que le gouvernement soit enfin intègre : en somme, que le peuple ne soit plus volé. Lorsque, au terme de son second mandat en 2010, Lula quitte le pouvoir, avec une cote de popularité qui dépasse les 85 %, il laisse un pays moins inégalitaire et moins pauvre. Selon le secrétariat des Affaires stratégiques (Secretaria de Assuntos Estratégicos), 19,3 millions de personnes sont sorties de la pauvreté entre 2004 et 2010 tandis que la classe moyenne s’est élargie à 32 millions de nouveaux venus avec un revenu mensuel supérieur à 330 euros.
 
Six ans plus tard, le pays est plongé dans une profonde récession économique qui met en péril les acquis sociaux. Dilma Rousseff, qui a succédé à Lula, est suspendue de ses fonctions présidentielles au terme d’un procès en destitution, tandis que Lula lui-même est sous la menace d’un mandat d’arrêt pour corruption. Que s’est-il passé ? D’aucuns prétendent que, lasse de devoir partager les salons d’aéroport avec la nouvelle classe moyenne, l’élite brésilienne aurait décidé de prendre les choses en main. Elle aurait orchestré un coup d’État pour revenir à l’ordre ancien, avec des politiques moins sociales et plus favorables aux entreprises. Si l’on ne saurait exclure la préférence d’une partie de l’ancienne élite pour des aéroports moins encombrés, les conflits de classes ne nous semblent pas être le principal facteur de la crise économique et politique qui secoue le pays. La récession actuelle ne tient pas non plus à l’accroissement des dépenses sociales, ni aux chocs externes (baisse du prix des matières premières, politique monétaire américaine…) qui ont également affecté d’autres pays émergents sans les plonger dans une crise aussi profonde que celle du Brésil, mais à des politiques économiques inappropriées : l’objectif de stabilité macroéconomique a été abandonné ; la priorité a été donnée à la croissance et d’importants transferts de ressources ont été effectués au profit d’une clientèle ciblée d’entrepreneurs dans le but de renforcer la compétitivité industrielle, mais au prix de distorsions profondes dans l’appareil productif. [...]

Cristina Terra

Base de données sur l’économie mondiale Alix de Saint Vaulry

Voir le rapport global avec le CEPII




B) L’injustice fiscale Ou l’abus de bien commun

Un nouvel ouvrage de Jean-Philippe DELSOL sort cette semaine en librairie, publié chez Desclée de Brouwer, sous le titre L’injustice fiscale ou l’abus de bien commun.

Dans ce livre Jean-Philippe Delsol explore les sources du droit pour comprendre les causes de l’injustice fiscale et les excès de l’Etat-providence afin de mieux les combattre. Alors qu’à l’origine le droit est un art laissé entre les mains des juristes, les prudents romains, pour déterminer ce qui doit être rendu à chacun, ce fut un progrès que l’impôt ne relève plus de la violence mais du droit. Malheureusement, le droit lui-même sera bien vite dénaturé et la fiscalité avec lui.

Ce livre passionnant mêle le droit, l’histoire, l’économie et la philosophie pour raconter comment le droit s’est abandonné à la loi, sous l’influence des nominalistes, pour perdre sa référence à la nature humaine qui lui fixait d’utiles limites. Ensuite, le Pouvoir s’est emparé de l’impôt pour étendre son pouvoir aux lieu et place de celui des citoyens. Il a voulu se substituer aux églises et à la religion pour dire et faire le bien. Là où la vieille règle d’or exigeait à juste titre qu’aucun ne fasse à autrui ce qu’il ne voudrait pas qu’autrui lui fasse, l’Etat a emprunté aux préceptes évangéliques pour demander à chacun de faire aux autres ce qu’il voudrait qu’on lui fasse. De négative, défensive et protectrice des droits de chacun, la loi est devenue positive et intrusive, transposant dans le domaine public ce qui ne relève que de la morale personnelle. La justice a perdu sa balance avec laquelle elle mesurait à chacun ce qui lui revenait et elle est devenue l’objet de la volonté hasardeuse du législateur.

Une démocratie populiste a fait le reste en répondant aux demandes insensées des uns et des autres pour faire croître l’Etat au détriment de citoyens infantilisés et déresponsabilisés qu’il incitait en même temps à lui demander toujours plus. Il a voulu tout entreprendre plutôt que de déléguer, régir les hommes plutôt que de leur faire confiance. L’Etat a accaparé la vie civile, sacralisé la notion de bien public. Et désormais, l’Etat omnipotent devient impotent en même temps qu’il asphyxie les citoyens d’impôts excessifs et souvent iniques.

Pour déterminer ce qui semble devoir être juste ou injuste et ce qui pourrait être une justice fiscale, il faut revenir à l’origine du droit et à son évolution. Ce long détour permet de percevoir qu’il ne peut y avoir de justice, y compris fiscale, que là où l’homme est respecté dans ce qu’il est et dans ce qu’il possède. La liberté a apporté plus au monde qu’elle ne lui a enlevé. Et la justice peut se mesurer à l’aune de la liberté réelle laissée à chacun d’atteindre ses fins, de s’accomplir en les accomplissant. Le seul rôle de la collectivité pourrait être en fin de compte de favoriser l’autonomie de chacun dans le respect de celle des autres. La justice fiscale trouverait là un critère utile et équitable de sa mesure.

C’est donc au fond un message d’espoir que nous laisse cet ouvrage de réflexion utile, voire nécessaire pour mener demain les réformes qu’exige notre pays. Car il ne suffit pas de dénoncer des faits et des situations, ni même de proposer des réformes nouvelles, comme l’IREF a vocation à le faire, si ces analyses et ces réformes ne sont pas fondées sur le roc d’une pensée rationnelle. C’est l’objectif de cet ouvrage d’y contribuer. A lire avec intérêt autant qu’avec plaisir.

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C) L'Élysée brise l'embargo de l'Insee et fait de la désinformation économique

L'Élysée a défloré avec deux jours d'avance la note trimestrielle de conjoncture de l'Insee, mettant en valeur des signes de reprise qui n'existent pas vraiment. Une façon fort critiquable d'orienter les jugements.

L'Élysée en flagrant délit de manipulation des esprits. Mercredi matin la radio Europe 1 bat le tambour et claironne que la note trimestrielle de l'Insee, attendue le lendemain jeudi à 18 heures, affiche des signes encourageants. L'information émane, nous dit-on, de la Présidence de la République qui a reçu le précieux document avec quelques jours d'avance, tout comme Bercy. C'est un scoop, bonnes gens. Le printemps est là.

Invité de la station ce même matin, et prié de confirmer, Emmanuel Macron relaie le message d'optimisme, sur le fond sinon dans la forme. Il a certes en mains la note de l'Institut national de la statistique et des études économiques, mais il se garde bien de la citer explicitement: le «wunderkind», le petit génie de Bercy ne veut pas laisser penser qu'il enfreint un embargo. Il a des principes. A l'Assemblée nationale des députés recommandent aux journalistes de regarder la note de l'Insee «qui est bonne» susurrent-ils . Même s'ils ne l'ont pas lue, ils reprennent le message de la radio périphérique. La rumeur vole comme une brise printanière. Il y a du soleil dans le ciel de mars et dans les têtes. 

Les journalistes qui assistent jeudi matin à l'Insee à la conférence de presse traditionnelle , elle aussi sous embargo, sont appâtés . Certes on préfère généralement parler des trains en retard que de ceux qui arrivent à l'heure. Mais quand les nouvelles sont dans l'ensemble toutes grises, annoncer un peu de bleu entre les nuages est gage d'originalité pour les papiers.

Hélas il faut déchanter: la note de conjoncture de l'Insee de mars 2016 reprend les mêmes chiffres que celle de décembre 2015, à savoir une croissance du PIB de 1,1% en 2015, et une prévision de 0,4% pour le premier et pour le deuxième trimestre 2016. Rien de nouveau sous le soleil.

Pas de réel changement non plus dans les commentaires de nos conjoncturistes publics. «L'économie française serait pénalisée par les conséquences des attentats fin 2015 mais reprendrait de l'élan début 2016», écrivaient-ils peu avant Noël dernier. «L'économie française accélérerait légèrement, en dépit de la conjoncture mondiale morose» disent-ils aujourd'hui, toujours avec ce conditionnel horripilant pour le commun des mortels mais dont les conjoncturistes raffolent. On est dans la nuance impalpable. «On pèse des œufs de mouche dans des balances de toile d'araignée», disait Voltaire. 

Mais le pli est pris. Sauf à apparaître comme des rabat-joie malveillants, les plumitifs en charge de la chose économique préféreront décrire le verre à moitié plein. L'Élysée a gagné son pari, le la est donné: la tonalité des commentateurs sera en majeur plutôt qu'en mineur.
Interrogés sur leur embargo qui a volé en éclat par la grâce présidentielle, les conjoncturistes de l'Insee ne peuvent que rappeler les règles déontologiques qui s'appliquent aux journalistes. Sans s'appesantir, et on les comprend: ils n'ont pas à commenter les pratiques des pouvoirs publics français, qui de gouvernement en gouvernement, ne résistent pas à la tentation d'instrumentaliser à leur convenance les informations émanant de l'Insee. 

En mai dernier, par exemple, Bercy avait brisé l'embargo sur le «bon chiffre» de croissance du PIB du premier trimestre 2015 de façon à valoriser au mieux l'information (un taux de 0,6% révisé ultérieurement à 0,7%) .

Ces méthodes, qui ne se retrouvent nulle part chez nos voisins européens, et moins encore aux États-Unis, sont d'un autre âge et peu dignes. Elles font peser un doute permanent sur l'indépendance de l'Insee, qui est pourtant garantie statutairement par les réglementations européennes: les statistiques doivent être établies et communiquées de façon irréprochable au sein de l'Union européenne. Sinon cela revient à institutionnaliser le mensonge dans le dialogue des États européens entre eux. Mais qui s'en soucie à Paris?






septembre 24, 2016

Johnny Britt - Marvin Meets Miles Official Music Video



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Guerres et fausses paix des Dieux

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Sommaire:

A) Les idées de la France et de l’Allemagne pour faire avancer la défense européenne - La Croix - Jean-Christophe Ploquin

B) Terrorisme : un hommage et des tensions - le figaro - Anne Jouan

C) Salman Rushdie: «Les hommes doivent apprendre à vivre dans un monde sans dieux» - Le Temps

D) Libye, l’incontournable général Haftar : jeu trouble de la France, de l’Egypte et des Occidentaux - Orient XXI - Patrick Haimzade

E) « Unis » contre l’Iran nucléaire : une bien curieuse organisation...Proche&Moyen-Orien-Online - François Nicoullaud


F)  L’offensive des musulmans contre les extrémistes - Yves Montenay - Blog d'Histoire, Culture, Economie et Géopolitique via Contrepoints

G) Hollande, un prix et l’indignité - Jacques Sapir - https://francais.rt.com





A) Les idées de la France et de l’Allemagne pour faire avancer la défense européenne 

« LaFrance et l’Allemagne souhaitent présenter des propositions visant une défense globale, réaliste et crédible au sein de l’Union européenne »

Dans un rapport remis dimanche 11 septembre à Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’Union européenne La protection des habitants de l’Union européenne est l’un des principaux objectifs que se sont assignés les États membres lors du sommet du 16 septembre 2016 à Bratislava, capitale de la Slovaquie. Dans une courte déclaration, les responsables de 27 pays les 28 États membres moins le Royaume Uni ont affiché leur détermination à s’unir pour affronter différents défis : le contrôle des frontières extérieures face aux migrations de masse; la coopération dans la lutte contre le terrorisme et contre les menaces extérieures; le renforcement économique du continent, notamment pour empêcher le chômage des jeunes. Ils se sont donnés rendez-vous début 2017, à Malte, puis le 25 mars 2017, à Rome, pour fixer leurs orientations. Ce sommet exceptionnel a été convoqué dans un format inédit après le choix des Britanniques de quitter l’Union européenne. Cette décision, affirmée par le référendum du 23 juin 2016, a en effet provoqué un choc dans tous les pays européens. Alors que la désunion des gouvernements était déjà grande face aux nombreux défis qu’affronte le continent, ce choix d’un peuple européen de quitter le navire a augmenté le trouble. La perspective d’un effilochage, voire d’un effondrement de l’Union est redoutée par de nombreux dirigeants. Dans cette tempête, la France et l’Allemagne ont tenté de redonner un cap. Divisées sur la question des politiques économiques, elles ont identifié la sécurité et la défense comme des domaines à fort enjeux où des avancées étaient possibles. Le départ prochain du Royaume-Uni, qui bloquait depuis des années toute idée de défense européenne autonome et restait à la marge de l’espace Schengen, ouvre de nouvelles perspectives de coopération. 
 
Trois documents franco-allemands
Paris et Berlin se sont donc beaucoup concertés, en amont de la rencontre de Bratislava. Trois documents conjoints ont notamment été préparés : une « contribution » commune des ministres des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault et Frank-Walter Steinmeier, dès le 27 juin; une « initiative » des ministres de l’intérieur, Bernard Cazeneuve et Thomas de Maizière, le 23 août 2016; et des propositions élaborées par les ministres de la défense, Jean- Yves Le Drian et Ursula von der Leyen, qui les ont transmises le 11 septembre cinq jours avant le sommet de Bratislava – à Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la sécurité. C’est ce dernier document que je souhaite mettre en lumière – les deux autres se trouvent à la fin de l’article dans la partie ‘Pour aller plus loin’. Il éclaire en effet certaines perspectives tout juste esquissées à Bratislava. Concis, technique, truffé de sigles, il n’est pas destiné au grand public mais il éclaire les ambitions et – en creux – les freins d’une politique européenne de défense qui soit à la fois autonome et complémentaire de l’Otan. Je l’ai dépouillé de paragraphes et de phrases alourdissant le propos. 

« La responsabilité première des États membres »
« Dans le contexte d’un environnement sécuritaire dégradé avec notamment les attaques armées à Paris, Bruxelles et récemment encore à Nice, Ansbach ou Würzburg, et l’invocation de l’article 42.7 du traité de l’Union européenne en novembre 2015, il est grand temps de renforcer notre solidarité et les capacités européennes de défense », commencent Jean-Yves Le Drian et Ursula von der Leyen. « Les menaces militaires et non militaires contre les citoyens de l’UE et le territoire de l’UE sont une réalité. Si la responsabilité des politiques de défense repose en premier lieu sur les États membres, nous reconnaissons que la coopération de ceux-ci doit être approfondie à chaque fois que cela nous procure une plus grande efficacité ». 

« Traduire la Stratégie globale de l’UE en plans d’action concrets »
« La ‘Stratégie globale pour la politique étrangère et la sécurité de l’UE’, dont la présentation a reçu l’accueil favorable du Conseil européen du 29 juin, appelle à une Europe renforcée
dans le domaine de la sécurité et de la défense, à une autonomie stratégique européenne, et à une politique de sécurité et de défense commune crédible, efficace et réactive. Cette stratégie doit à présent être traduite à court terme en plans d’action concrets. Dans ce contexte, la France et l’Allemagne souhaitent présenter un certain nombre de propositions. » 

« Utiliser la Coopération structurée permanente »
« Certaines devraient être prises en compte dans le cadre de la Coopération structurée permanente (CSP), créée par le Traité de Lisbonne et jamais utilisée à ce jour : la participation y est volontaire, inclusive et ouverte. Dès que décidée, elle conduira à un engagement plus contraignant permettant un authentique changement d’échelle ». 

« Une impulsion politique au Conseil européen de décembre 2016 »
Jean-Yves Le Drian et Ursula von der Leyen avancent un calendrier avec des échéances rapprochées. « Nous pourrions proposer une feuille de route vers une Coopération structurée permanente lors de la réunion informelle des ministres de la défense des 26-27 septembre 2016 à Bratislava, en vue d’une décision positive lors de la réunion des ministres de la défense du 15 novembre 2016. Le Conseil européen de décembre 2016 pourrait alors approuver le travail réalisé et lui donner l’impulsion politique nécessaire. Plus largement, une orientation politique devrait être donnée lors de ce Conseil européen de décembre 2016, sur la base de conclusions substantielles adoptées par le Conseil Affaires étrangères/défense des 14- 15 novembre 2016. Pour assurer un suivi approprié de ces actions et donner la dynamique nécessaire, nous appelons le président du Conseil européen, la Haute représentante, le président de la Commission européenne et les États membres à consacrer régulièrement des réunions du conseil européen aux sujets de sécurité et de défense ». 

« Une capacité unique de combiner des instruments militaires et civils »
Le premier axe de développement pour les deux ministres concerne le renforcement rapide et concret des activités et des capacités de l’Union européenne. « Sur les 13 années passées, les missions et opérations militaires de la politique de sécurité et de défense commune ont montré leur pertinence et leur valeur ajoutée », soulignent-ils, en pointant notamment la Somalie, le Mali, la République centrafricaine et la Méditerranée. « L’UE a la capacité unique de pouvoir utiliser et combiner des instruments militaires et civils. Idéalement, cette capacité devrait pouvoir se refléter dans le processus de planification stratégique et opératif des missions et opérations ». 

« Pour un quartier général permanent »
« La capacité de planification stratégique devrait demeurer au sein des structures de gestion de crise du Service européen pour l’action extérieure , et la chaine de commandement sous le contrôle politique du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Nous réitérons qu’un quartier général permanent pour les missions et opérations militaires et civiles de l’UE – une capacité permanente de planification et de conduite militaire et civile demeure notre objectif de moyen terme ». 

« Poursuivre le renforcement de l’Eurocorps »
« Nous entendons poursuivre le renforcement de l’Eurocorps, qui pourrait appuyer l’UE par de l’expertise pour les missions de formation, de conseil stratégique et d’assistance. A moyen terme, notre objectif serait de placer à disposition de l’UE des capacités adéquates au niveau tactique et opératif pour la planification et la conduite de missions et opérations militaires. Dans le même temps, l’Eurocorps continuerait à se tenir prête à soutenir l’Otan en temps voulu ». 

« Un hub logistique pour le transport stratégique »
« Les incitations suivantes devraient également être explorées. 

1) Un commandement médical européen : soutenir les déploiements par des ressources requises d’urgence et contribuer à la coordination, aux synergies et à l’interopérabilité des différentes services de santé des États membres de l’UE. 
2) L’établissement de capacités européennes de transport stratégique (terre/air/mer) dans un possible futur hub logistique européen : des modèles tels que le Commandement du transport aérien devrait être pris en considération ». 

« Un accès accru à l’imagerie satellitaire pour Frontex »
« 3) Un cadre de coopération pour accorder aux institutions, services et agences pertinents de l’UE un accès accru à l’imagerie satellitaire prodiguée par le système d’observation conjoint ‘Composante spatiale optique‘ et le système satellitaire allemand SARah, via le Centre satellitaire de l’UE. Cette initiative pourrait renforcer la capacité de l‘Agence des garde-frontières et des garde-côtes de l’UE. Une capacité d’appréciation de situation maritime devrait être développée. 
4) Une forme de base européenne pour les élèves-officiers ou un cours pour les troupes européennes. Nous pourrions développer le Réseau d’officiers européens déjà existant en vue de développer un esprit authentiquement européen chez nos officiers ». 

« Créer un nouvel instrument financier »
Rappelant les engagements pris en 2013 et en 2015 par le Conseil européen dans le domaine du financement des opérations de sécurité et de défense, Jean-Yves Le Drian et Ursula von der Leyen plaident pour qu’un « nouvel instrument financier dédié soit créé dès que possible ». Ils appellent à « améliorer la capacité de déploiement des groupements tactiques de l’UE » (1500 hommes chacun), « en renforçant leur capacité à remplir des opérations d’entrée en premier » ainsi que « le processus de génération de force ». 

« Intensifier la coopération UE-Otan »
Le rôle crucial de l’Otan pour la défense du continent n’est pas occulté. Les deux ministres veulent « intensifier la coopération UE-Otan, en particulier dans le domaine cyber, la lutte contre les menaces hybrides, le renseignement et l’appréciation de situation ». « Nous accueillons très favorablement la déclaration conjointe UE-Otan du 8 juillet 2016 et reconnaissons qu’une défense de l’Europe plus forte et plus capable est vectrice d’une Otan également plus forte », soulignent-ils. 

« Un partenariat efficace avec les États africains »
« Par ailleurs, notre relation avec nos partenaires européens, africains et nord-africains devrait être davantage développée dans le soutien que nous pouvons leur apporter pour assurer la paix, la sécurité et le développement dans des zones clés, en particulier la Méditerranée, l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, la République centrafricaine et la Corne de l’Afrique, zones dans lesquelles notre sécurité commune est en jeu. Compte tenu du fait que le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne, nous devrons désormais agir à 27. En ligne avec la Déclaration du sommet UE-Afrique du 3 avril 2014, un partenariat efficace avec les États africains dans le domaine de la sécurité et de la défense devrait être développé en vue de renforcer leurs capacités à agir de manière autonome et en partenariat au profit de leur propre sécurité et de promouvoir la paix et la sécurité internationales ». 
« Une base industrielle et technologique forte, compétitive et innovante »
Jean-Yves Le Drian et Ursula von der Leyen s’arrêtent enfin sur le socle économique nécessaire pour faire progresser l’Europe de la défense. « La défense de l’Europe doit reposer sur une base industrielle et technologique forte, compétitive et innovante. Elle doit promouvoir le développement d’acteurs économiques authentiquement européens, tout en prenant en compte la nécessité de maintenir des liens forts entre les différentes catégories d’entreprises – les grandes entreprises et les PME dans le contexte de chaines d’approvisionnement renforcées ». 

« Des mesures fiscales pour stimuler la coopération »
« L’objectif de consacrer 20% des budgets de défense à l’investissement et à la recherche devrait être un principe directeur pour nos budgets nationaux. Nous appelons en outre la Commission européenne et l’Agence européenne de défense à stimuler la coopération entre les États membres par le truchement d’incitatifs appropriés incluant des mesures fiscales sans effet de distorsion sur les marchés. Le travail en cours sur ces incitatifs, incluant la possibilité de financements par laBanque européenne d’investissement, devrait être développé plus avant. » 

« Plus de transparence dans l’élaboration des budgets »
« La France et l’Allemagne poursuivront leurs efforts dans les quatre capacités clés identifiées dans les conclusions du Conseil européen de 2013 : le ravitaillement en vol, la communication satellitaire gouvernementale, la cybersécurité et le drone européen MALE. Elles plaident également en faveur d’une coordination et d’une transparence plus poussées des États membres sur leurs développements capacitaires et leurs budgets de défense, en vue d’identifier de nouveaux programmes et de promouvoir les possibilités de coopération. Ce processus pourrait être appuyé par l’Agence européenne de défense dans le cadre d’un ‘Semestre européen de défense' ». 

« Il est grand temps de lancer une initiative »
« Il est grand temps de débuter une initiative inclusive, basée sur les traités de l’Union européenne, en vue de promouvoir la politique de sécurité et de défense commune en faisant usage de la Coopération structurée permanente », concluent Jean-Yves Le Drian et Ursula von der Leyen. 

« La défense des pays européens est essentielle pour la protection des citoyens de l’Union et pour la crédibilité de l’Union européenne dans son ensemble ».

- La Croix - Jean-Christophe Ploquin




B) Terrorisme : un hommage et des tensions 
 
La Marseillaise, une fois encore. Ce lundi 19 septembre, à 9heures, aux Invalides, une cérémonie d'hommages aux victimes du terrorisme est organisée, non pas dans la cour intérieure comme au lendemain du 13 novembre, mais dans les jardins de l'Intendant. Là où, depuis 1998, sous les arbres est érigé un mémorial, «Parole portée à la mémoire des victimes du terrorisme», une statue-fontaine en bronze signée Nicolas Alquin. La date n'est pas le fait du hasard. Le 19 septembre 1989 explosait le DC-10 d'UTA au-dessus du Niger, un vol reliant Brazzaville à Paris. Il y avait 170 personnes à bord, dont 54 Français. Pour la présidence de la République, il s'agit aujourd'hui de rendre un hommage aux morts et aux blessés de l'année passée: le 13 novembre à Paris, le 15 janvier à Ouagadougou, le 13 mars à Grand-Bassam, le 22 mars à Bruxelles, le 13 juin à Magnanville, le 14 juillet à Nice et le 26 juillet à Saint-Étienne-du-Rouvray. En tout, ce sont 230 noms de morts qui seront lus. Puis des survivants prendront la parole devant François Hollande avant qu'il ne prononce un discours. Environ un millier de personnes est attendu, dont de nombreux membres du gouvernement et de l'opposition. Mais la cérémonie peine à faire l'unanimité. Juliette Méadel, la secrétaire d'État en charge de l'Aide aux victimes, l'avait pourtant assuré: «toutes les victimes d'attentat terroriste» seront invitées. Toutes, sauf que seules celles de l'an passé ont été conviées. Mais pas celles de Charlie ou de l'Hyper Cacher. Pas plus que celles de l'attentat de la rue de Rennes perpétré le mercredi 17 septembre 1986 et dont on fête pourtant, quasiment jour pour jour, le trentième «anniversaire». Au secrétariat d'État, on explique que les invitations ont été envoyées par les associations. Mais pour ceux qui n'en font pas partie? Ils ont découvert la date de l'hommage aux Invalides dans la presse. «Ces associations s'érigent en interlocuteurs des pouvoirs publics, elles noyautent tout. Il y en a marre», confie ainsi une femme qui a perdu un proche. Ou cette autre femme qui a écrit à la secrétaire d'État: «Mon neveu a été assassiné le 13 novembre au Bataclan. J'ai été invitée la veille de l'hommage de novembre par SMS alors que nous étions en train de l'enterrer (...). J'ai été invitée ce matin (9 septembre, NDLR) par mail au prochain hommage de septembre et j'ai contacté l'association 13 Novembre Fraternité et Vérité pour leur demander si l'État avait prévu une aide financière et/ou pour l'acheminement des provinciaux désirant s'y rendre. On m'a répondu que rien n'était prévu (...). Je souhaitais vous faire part de notre déception dans la famille de ce manque de considération et d'humanité dans un pareil moment. Nous commençons malheureusement à en avoir l'habitude.» L'unité qui a suivi le 13 novembre a vécu. Les associations s'écharpent, au point que certains évoquent «la guéguerre entre elles» pour décrire une atmosphère lourde. L'un des participants raconte ainsi: «Lors des réunions de préparation, elles se sont pris la tête pour savoir qui aurait le droit de parler le plus longtemps possible devant le président? Ce n'est pas possible.» Anaïs a perdu son frère de 33 ans à la terrasse de la Belle Équipe et elle est en colère. Si elle n'avait pas fait partie de «Life for Paris», elle n'aurait rien su de l'organisation du 19 septembre. «Ma mère qui ne fait partie d'aucune association n'a pas été informée. Mais enfin, son fils est mort!» Quant à la médaille remise aux victimes du terrorisme , elle aussi suscite l'incompréhension. «Mon grand-oncle a perdu un bras à Verdun, explique ce père dont le fils a été assassiné au Bataclan. On lui a donné la Légion d'honneur dans les années 1950. Il l'a refusée. Mais pour ceux qui ont fait 14- 18, ces médailles se devaient d'être accrochées au mur en signe de fierté. Là, on va la mettre où la nôtre? Nous n'en voulons pas, il n'y a aucune fierté d'être mort au Bataclan.» Anaïs acquiesce: «Mon frère buvait un verre avec ses amis. Il n'a pas combattu en Afghanistan. Pourquoi le décorer?»

- le figaro - Anne Jouan



C) Salman Rushdie: «Les hommes doivent apprendre à vivre dans un monde sans dieux» 

«Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits» est une brève épopée des temps présents qui mêle fantastique et conscience tragique du monde, qui tente d’en finir avec l’idée de dieu mais n’en finit pas de puiser dans la mer des histoires. Interview

Un feu d’artifice qui hésite entre bombardements sinistres et fête nocturne, entre tragique et jubilation, voilà ce à quoi ressemble le dernier roman de Salman ­Rushdie. Son titre curieux, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, fait référence à la durée des Mille et Une Nuits.
Ainsi, après Joseph Anton, mémoire sur sa vie sous le coup de la fatwa qui l’a frappé en 1988, Salman Rushdie, qui assure aujourd’hui mener une «vie normale», s’offre un retour vers la fiction, vers le fantastique, retrouve sa plume d’alchimiste pyrotechnicien pour bâtir un conte fou, une sorte de superproduction bourrée d’effets spéciaux, où il tente de donner de notre monde une image à la fois sombre et éclairante.

Le livre traverse les siècles allégrement. Voici que s’avance Averroès, Ibn Rushd en langue originale – à qui la famille Rushdie doit, d’ailleurs, son patronyme. Le philosophe andalou, père de l’islam des Lumières, mène la controverse contre Al-Ghazali, inspirateur d’une religion jalouse et rigoriste. Un débat bien connu dans l’islam. On se bat à coups de traités, Al-Ghazali dénonçant L’Incohérence des philosophes, Ibn Rushd L’Incohérence de l’incohérence. Or ce monde de la raison va croiser le fantastique.

Fantômes

Ibn Rushd rencontre Dunia, princesse venue du monde invisible des jinns. Ils s’aiment et leur descendance mi-jinn, mi-humaine essaime jusqu’à nos jours. Tandis que les fantômes des deux philosophes continuent leur controverse depuis la tombe, les jinns réapparaissent soudain dans le monde des humains. En ce début de XXI siècle, ils suscitent prodiges, catastrophes, incertitudes, fanatismes et merveilles aux dépens des humains. On lévite, on s’écrase, on se transforme, on rêve, on meurt, on aime. Une guerre entre jinns sombres et jinns lumineux éclate. Le temps des prodiges et des horreurs durera deux ans, huit mois et vingt-huit nuits.

Magritte

Cette fable politique, qui fait écho à des affrontements bien réels, a la saveur d’une épopée épique, puisqu’elle nous parvient par le biais d’un narrateur venu des siècles futurs. Ainsi, le monde contemporain prend des airs de Mahabharata, de conte surréaliste. Salman Rushdie se tient aux frontières des cultures, mêlant, en écrivain du monde global qu’il est devenu, les légendes indiennes, les mythes d’Occident, les miniatures persanes et les tableaux de Magritte. Cette aisance planétaire, qui se double d’une étonnante capacité à prédire les convulsions contemporaines, fait de cet écrivain, que nous avons rencontré à Paris, un être fidèle aux cultures dont il se nourrit, mais qui sait franchir, d’un bond, les clivages d’un vieux monde qui ne cesse de renaître.

Le Temps: En exergue de votre nouveau roman, on peut lire cette phrase d’Italo Calvino: «Au lieu de m’efforcer d’écrire le livre que je devais écrire, le roman qu’on attendait de moi, j’ai préféré imaginer le livre que j’aurais aimé lire…» Vous la reprenez à votre compte?
Salman Rushdie: Tout le monde veut que je parle de politique. C’est un de mes problèmes. Or je n’y tiens pas. Du moins, pas en permanence. Lorsque Italo Calvino, qui était un ami, a commencé à écrire, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il s’est retrouvé en plein néoréalisme. En Italie, tout le monde faisait du néoréalisme, au cinéma et en littérature. Son premier roman Le Sentier des nids d’araignées est, d’une certaine façon, néoréaliste. Puis, il a décidé d’arrêter. Il n’allait pas écrire le livre que tout le monde attendait. Cela a donné Le Baron perché, qui a pris tout le monde de court. Eh bien, moi non plus, je n’ai pas voulu écrire le livre qu’on attendait de moi.

– «Mille et Une Nuits», surréalisme, jinns et super-héros, le livre a des airs de roman fantastique, pour autant, il est aussi politique. C’est une fable sur le temps présent.
– Oui. Mais le plus étrange, c’est qu’il a anticipé les événements qui se produisent aujourd’hui. Lorsque j’ai commencé à travailler, il y a à peu près quatre ans, ISIS (Islamic State of Iraq and Syria, Daech, ndlr) était encore le nom d’une déesse égyptienne. La guerre au Proche-Orient n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Pourtant, le livre en parlait déjà.
Cette grande guerre entre les jinns noirs et la famille de la princesse jinn Dunia, je l’ai inventée de toutes pièces. Si elle a lieu en Irak, c’est parce que c’est l’ancienne Mésopotamie, le berceau de la race humaine. Puis, le réel a rattrapé le roman… Daech est apparu. Et cette guerre de fiction est devenue réelle. Le livre est devenu de plus en plus politique, au fur et à mesure que les événements qu’il décrivait se produisaient.

– La bonne nouvelle, c’est que cette fable sur le temps présent, marqué par le fanatisme et la violence, se termine bien…
– Il n’est pas impossible que cette fin heureuse soit la partie la plus fictionnelle du livre! Mais, plaisanterie à part, je trouve qu’il est trop facile d’écrire un livre où tout va mal, où tout s’aggrave, où tout se termine mal. Il suffit d’écouter les nouvelles! Ce genre de dystopie catastrophiste ne m’intéresse pas. D’ailleurs, en étudiant l’histoire, j’ai appris qu’elle prend, souvent, des directions inattendues. Elle n’avance pas sur des rails. D’énormes changements peuvent avoir lieu soudainement.
L’idée que tout va inévitablement dans une seule direction est une erreur sur la nature humaine et sur la façon dont avance l’histoire. Le pire n’est pas certain. Et je trouve beaucoup plus intéressant d’imaginer une alternative…

– L’intérêt de cette fable folle, c’est qu’elle permet de prendre du recul. On regarde le présent de loin…
– Cette idée que le narrateur nous regarde à travers le passé, depuis un futur lointain, qu’il décrit notre monde de façon à la fois factuelle et mythologique, d’un ton à la fois moqueur et érudit, a été pour moi une des clés du livre. Si tous les deux, ici, nous voulions recréer le monde d’il y a quinze siècles, on se raconterait le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde. Le narrateur venu du futur m’a permis de mélanger vérités et fantaisies, mythologie et réel, parce que c’est ainsi que nous regardons notre passé lointain et que le futur se souviendra de nous, probablement…

– La fin de la fable est heureuse, mais à une condition, précisez-vous, la fin de l’idée de Dieu.
– Oui, Dieu doit s’en aller. Dieu est une idée dépassée. Je le dis sérieusement. A une certaine époque, nous avons eu besoin de Dieu, parce que nos connaissances sur le monde étaient bien moins avancées. La première question que la religion tente de résoudre est celle des origines: d’où venons-nous, comment sommes-nous arrivés là? Puis, des questions éthiques: comment vivre? Qu’est-ce qui est bien? Qu’est-ce qui est mal? Voilà la source de toutes les religions, à part peut-être le bouddhisme qui, lui, interroge la souffrance. Il est très important de discuter des origines et de l’éthique.
Mais, aujourd’hui, le monde a changé. Les histoires de créations que racontent les religions du monde sont extraordinaires, mais nous savons désormais qu’elles sont toutes fausses! S’agissant de l’éthique, je n’ai plus besoin d’un prêtre pour savoir ce qui est juste ou ce qui est faux. Pour moi, cette dimension-là doit aussi être dépassée.

– C’est une idée très moderne…
– Ce n’est pas une idée neuve. Le beau livre de Roberto Calasso, Les Noces de Cadmos et Harmonie, raconte que le banquet de mariage de Cadmos, l’inventeur de l’alphabet, et d’Harmonie, créature du monde spirituel, fut la dernière occasion pour les dieux de se mêler aux humains. Ensuite, les dieux sont retournés sur l’Olympe et ne se sont plus mêlés des affaires humaines. Dans les mythologies nordiques, c’est pareil avec le Götterdämmerung, le crépuscule des dieux.
Les dieux doivent combattre leurs ennemis, ils les détruisent, mais ils sont aussi détruits par eux… Ainsi les humains doivent-ils apprendre à vivre dans un monde sans dieux. Pour moi, ces mythes sont une allégorie de la destinée humaine. Les enfants ont besoin de leurs parents, comme les humains des dieux, mais, devenus adultes, ils deviennent autonomes. Nous sommes des enfants qui ont vécu trop longtemps chez nos parents. Il est temps de déménager!

– Votre roman fourmille de personnages. Comment vous apparaissent-ils? Comme des jinns?
– Parfois, les personnages apparaissent de manière soudaine. Ils grandissent aussi. Par exemple, Jimmy Kapoor, le jeune dessinateur de BD, devait rester un petit personnage comique. Mais il était plein d’énergie, très vivant. Il a beaucoup insisté pour avoir un plus grand rôle. Parfois, je ne perçois que des fragments d’un personnage. Alors, je me demande: comment ce personnage parle-t-il? A-t-il un accent? Est-il bavard ou non? Dit-il des gros mots? A-t-il du vocabulaire? Je me pose toute une série de questions sur la manière dont il s’exprime. En Angleterre, l’accent trahit la classe sociale, aux Etats-Unis, l’appartenance ethnique ou l’origine géographique. Une fois que je tiens la voix de mon personnage, j’en sais long sur lui.

– Il y a beaucoup de monde dans le livre, c’est une sorte de superproduction entre Hollywood et Bollywood…
– Je l’ai voulu ainsi. Je voulais qu’il soit un genre de carnaval! Lorsque j’ai vraiment su où j’allais, lorsque l’histoire de Monsieur Geronimo, le jardinier qui lévite, premier noyau du livre, s’est retrouvée enchâssée et entourée de toutes sortes d’autres récits, alors c’est devenu formidable, très agréable à écrire. Il y a un moment où l’expérimentation, qui a marqué mes premiers mois de travail, doit s’arrêter et où il faut se lancer dans le flux de l’écriture. Ce livre est, pour moi, une sorte de célébration, même si son sujet est sombre. Il est sombre mais d’une manière lumineuse.

 «Deux ans, huit mois et vingt-huit jours», Salman Rushdie, Actes Sud, 314 p.

 Salman Rushdie avec Le Temps



D) Libye, l’incontournable général Haftar : jeu trouble de la France, de l’Egypte et des Occidentaux 

Khalifa Haftar a lancé le 11 septembre 2016 une offensive militaire contre les milices d’Ibrahim Jadhran, rallié au Conseil présidentiel de Tripoli. Avec la prise de cinq terminaux pétroliers à la frontière de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine, le vieux général s’engage en dehors de sa zone d’implantation traditionnelle de Cyrénaïque, dans une confrontation directe avec les autorités de Tripoli reconnues officiellement par les puissances occidentales. L’offensive éclair lancée le 11 septembre par les forces du général Khalifa Haftar constitue un tournant majeur dans l’évolution de la situation en Libye. Moins de deux ans après le lancement de son opération « Al-Karama » (« Dignité ») destinée à éradiquer ses adversaires politiques, qualifiés sans distinction de « terroristes islamistes », le général Haftar a donc décidé cette fois d’attaquer les milices de son ex-allié Ibrahim Jadhran, rallié au Conseil présidentiel de Tripoli reconnu par les Nations unies. Si cette attaque est cohérente avec le refus du général Haftar de reconnaître le Conseil présidentiel de Faïez Sarraj, elle n’en constitue pas moins une rupture avec la situation qui prévalait jusqu’alors. Les troupes du général Haftar s’étaient en effet cantonnées jusqu’à présent à combattre les « islamistes » de Benghazi, Derna et Ajdabiya en Cyrénaïque. Avec cette incursion dans le croissant pétrolier et la prise de ses cinq terminaux pétroliers à la frontière de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine, le vieux général s’engage donc désormais en dehors de sa zone d’implantation traditionnelle de Cyrénaïque, dans une confrontation directe avec les autorités de Tripoli reconnues officiellement par les grandes puissances occidentales. Cette prise de gage survient alors que le processus de mise en place du gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj parrainé par la communauté internationale est totalement bloqué dans sa forme actuelle. De l’avis même du représentant des Nations unies pour la Libye Martin Kobler1, la confiance et les espoirs suscités par l’arrivée de Faïez Sarraj et de son Conseil présidentiel sont largement dissipés. Au nombre des causes de cette désaffection, le refus du Parlement de Tobrouk de ratifier la mise en place du Conseil présidentiel, son incapacité à répondre aux attentes légitimes des Libyens en matière sécuritaire et économique et le sentiment général qu’il a été imposé par l’étranger. 

Dynamiques de conciliation compromises
Alors que des dynamiques vertueuses entre est et ouest étaient encore envisageables en décembre 2015 quelques semaines avant l’entrée en vigueur du Conseil présidentiel de Sarraj, ces perspectives sont de plus en plus hypothétiques, du fait des trajectoires très différenciées des deux régions. En Cyrénaïque on assiste jour après jour à une militarisation des institutions et de la pratique politique. Ainsi, en août, le général Abderrazak Nadhouri, chef d’état-major de l’armée nationale libyenne et gouverneur militaire de la région, a-t-il destitué les maires élus des municipalités de Benghazi, Ajdabiya et Koufra pour les remplacer par des colonels de l’armée2. De nombreux témoignages font en outre état du retour des pratiques de l’ancien régime en matière policière : mise sous surveillance, intimidation directe ou menaces sur les familles d’opposants présumés, incarcérations préventives et contrôle des médias. Ceci n’est guère surprenant au regard de la présence de nombreux anciens cadres militaires et des services de sécurité qui ont repris du service dans les rangs de l’armée nationale libyenne. Le général Haftar est bien sûr la pierre angulaire de ce processus que l’on pourrait qualifier de retour à l’autoritarisme militaire sur le modèle de ce qui est à l’œuvre dans l’Égypte du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi. Mais ce système n’aurait pu s’imposer sans le soutien et l’adhésion des structures sociales traditionnelles tribales ni le sentiment d’appartenance régionaliste, très puissant en Cyrénaïque. En Tripolitaine, la population est très diversifiée, le développement d’une forte culture urbaine et les influences extérieures notamment ottomanes — ont contribué à affaiblir le poids des appartenances tribales. À l’opposé, la Cyrénaïque se caractérise encore par un poids important de ces structures traditionnelles. Nombre de notables des grandes tribus de l’est ont vu dans la mise en place du gouvernement provisoire d’Al-Baïda en 2014 et la création de l’armée nationale libyenne du général Haftar une occasion de réaffirmer leur rôle de contrôle social. Ils avaient été marginalisés pendant l’insurrection de 2011 — qu’ils avaient ralliée après son déclenchement —, par la montée en puissance des chefs de milices révolutionnaires proches de la confrériedes Frères musulmans et anciens du Groupe islamique combattant de Libye (GICL). Jouant sur le fort sentiment d’appartenance régionale, la cohésion des douze grandes tribus « nobles » de Cyrénaïque et de leurs tribus clientes et la défiance traditionnelle envers la Tripolitaine, Haftar a gagné le soutien des structures traditionnelles. Ce qui s’est traduit notamment par un fort ralliement de jeunes à son armée. C’est ainsi qu’une importante proportion de la population de Cyrénaïque lui est acquise ou n’a pas les moyens de s’opposer à lui, à l’exception des villes de Derna, Ajdabiya et Benghazi. Ces trois villes se caractérisent en effet par des populations plus diversifiées, une proportion importante d’entre elles provenant des villes de l’ouest. Elles disposent aussi des plus puissantes milices d’obédience islamiste, constituées dès les premiers jours de l’insurrection de 2011. La position des tribus n’est néanmoins pas monolithique, avec parfois des divisions internes. Ainsi un certain nombre de chefs de milices et d’officiers de la tribu des Awaguir implantée à Benghazi et ses environs ont-ils fait allégeance au gouvernement de Faïez Sarraj3. En Tripolitaine, la diversité du tissu social et des élites locales se reflète dans la pluralité du paysage politique, la fluidité des alliances, la capacité à dialoguer, se réconcilier et engager le combat en dernier lieu. Les élites locales se composent de chefs de milices islamistes ou tribaux, d’officiers de l’ancien régime ayant rallié l’insurrection, de notables tribaux ou issus de la bourgeoisie urbaine, d’hommes d’affaires et d’anciens opposants islamistes du régime Kadhafi reconvertis en politique. La fragmentation des grands pôles de puissance y compris les villes de Misrata, Zaouïa, voire Zintan dans une certaine mesure et les milices parfois rivales de Tripoli ont contribué à la naissance d’une culture du compromis et de la négociation qui s’est reflétée dans la position à l’égard du Conseil présidentiel de Sarraj. Des processus de réconciliation ont été conduits avec succès dans le djebel Nefoussa ces derniers mois. Des contacts directs, encore inimaginables il y a quelques mois, sont même en cours entre certaines factions armées de Zintan et de Misrata. Et si des tensions se transforment régulièrement en affrontements sporadiques entre groupes armés, les différents protagonistes ont jusqu’à présent réussi à éviter une reprise des combats dans la capitale. Si l’on ne peut nier l’antagonisme entre groupes armés à connotation islamiste et groupes armés rejetant toute appartenance « idéologique », la majorité des acteurs ont donc veillé jusqu’à présent à préserver cette coexistence fondée sur l’équilibre dynamique des forces. La situation en Tripolitaine se caractérise donc par la multiplicité des pôles de puissance, la flexibilité des alliances entre eux sur la base de leurs intérêts du moment et la fragmentation interne de ces pôles de puissance. 

Un échec diplomatique international
Deux « cultures politiques » distinctes sont donc en train de se dessiner entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque, qui ne contribuent pas à l’émergence d’un consensus sur la forme que pourrait revêtir la future gouvernance de la Libye. Au lieu de lancer une dynamique vertueuse, la mise en place du Conseil présidentiel de Faïez Sarraj a au contraire contribué à créer de nouvelles lignes de fracture dans un paysage déjà extrêmement fragmenté. Pour avoir notamment négligé la négociation et la recherche d’un compromis préalable au profit de la mise en place accélérée du Conseil présidentiel, les grandes puissances ont donc perdu à ce stade leur pari que l’arrivée du Conseil présidentiel déclencherait une logique vertueuse de ralliements. Elles peuvent en revanche se féliciter de ce qui était pour elles sa fonction première : reprendre l’enclave de Syrte aux combattants ralliés à l’organisation de l’État islamique (OEI) en demandant au besoin un soutien occidental militaire direct. La question est malgré tout en passe d’être réglée au plan militaire par les seules milices de Misrata après trois mois de combats. Au plan militaire, les soutiens directs de l’Égypte, des Émirats arabes unis et de la France n’ont pas permis aux forces du général Haftar de contrôler Derna ni certains quartiers de Benghazi et Ajdabiya, mais lui ont probablement été d’une grande utilité pour lancer son offensive du 11 septembre contre les terminaux pétroliers. À cet égard, la position française apparaît comme particulièrement illisible. Alors qu’au plan diplomatique, la France soutient officiellement le gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj, elle fournit dans le même temps à son rival le général Haftar une assistance militaire sous la forme de conseillers. Réagissant aux révélations de cette implication dans le journal Le Monde4 en février 2016, le ministère de la défense avait alors nié tout soutien direct en Cyrénaïque. Il a dû finalement le reconnaître en juillet, après la mort de trois hommes de la force spéciale de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) dans le crash d’un hélicoptère abattu dans une zone de combat proche de Benghazi. Contrairement à ce qu’affirmaient les dirigeants politiques5 et les médias français6 quasi unanimes il y a quelques mois pour évoquer l’inéluctabilité et l’imminence d’une nouvelle intervention en Libye, les Libyens n’ont pas eu besoin d’une intervention étrangère pour reprendre Syrte. Les chiffres — répétés en boucle à partir des évaluations des seuls services de renseignement occidentaux de 6 000 combattants de l’OEI à Syrte occupant un territoire de 200 km se sont une fois de plus révélés faux, les chiffres réels n’ayant probablement jamais dépassé les 1 500 combattants. 

L’enjeu du croissant pétrolier
L’action du général Haftar entraîne d’ores et déjà une modification de l’équilibre des forces entre l’est et l’ouest et au sein du Conseil présidentiel lui-même. Si l’intention des autorités de l’est de relancer rapidement les exportations de pétrole à partir des terminaux repris est avérée, cela leur permettra de renforcer leur prestige en Cyrénaïque et d’accroitre le poids de leurs représentants au sein du Conseil présidentiel. Cette action réactivera également par ricochet des lignes de fracture existantes en Tripolitaine entre les factions pro-Haftar de certaines villes du djebel Nefoussa (notamment Zintan, Roujban et Ouarchafana) et les villes et tribus soutenant le Conseil présidentiel. Au niveau militaire, on ne peut exclure désormais des offensives contre les terminaux pétroliers lancées par les brigades de défense de Benghazi et Ajdabiya qui regroupent les combattants islamistes et opposants au général Haftar de ces deux villes. S’il semble peu probable que les grandes milices de Misrata combattant l’OEI à Syrte depuis trois mois ouvrent un nouveau front, d’autres pourraient en revanche lancer des attaques contre les forces d’Haftar dans le croissant pétrolier. Des risques d’escalade militaire ne sont donc pas exclus. Après cette action, les autorités de l’est disposent d’un levier politique sur un Conseil présidentiel miné par les divisions internes et affaibli par son incapacité à améliorer la situation de la population. Dans ces conditions, on peut légitimement s’interroger sur l’avenir du Conseil présidentiel dans sa forme et sa composition actuelles. En attendant, les voix se multiplient dans le pays pour critiquer la mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) et demander le départ de son chef Martin Kobler, qui pourrait bien être de facto l’une des prochaines victimes collatérales de cette opération militaire sur le croissant pétrolier. 

1Michael Shields, « Support for Libyan unity government ’crumbling’ : U.N. envoy », Reuters.com, 12 août 2016.
2« Al-Nadhouri nomme le colonel Salih Al-Zarouq au poste de maire de Koufra » (en arabe), bawwaba al-ikhbariya al-ifriqiyya, 27 août 2016.
3Le colonel Mahdi Al-Barghathi, ministre de la défense désigné par le Conseil présidentiel est lui-même un officier awaguir, ancien commandant d’une brigade affiliée au général Haftar.
4Nathalie Guibert, « La France mène des opérations secrètes en Libye », Le Monde, 24 février 2016.
5« Il faudra combattre Daech sans doute demain en Libye », Manuel Valls à France Inter le 11 décembre 2015.
6Antoine Malo et François Clemenceau, « La France s’impatiente pour la Libye », Le Journal du dimanche, 10 janvier 2016.

- Orient XXI - Patrick Haimzade
 




E) « Unis » contre l’Iran nucléaire : une bien curieuse organisation... 

Par une fuite dans la presse 1, les Français ont récemment découvert qu’une organisation américaine,United Against Nuclear Iran(UANI), menait une campagne d’intimidation auprès de grandes sociétés françaises intéressées par le marché iranien. Dans les lettres adressées à ces sociétés, UANI souligne tous les risques liés à une présence en Iran, et annonce son intention de dénoncer les sociétés qui bénéficieraient d’argent public américain tout en faisant des affaires avec l’Iran. Quelle est cette organisation qui poursuit l’Iran de sa vindicte après l’accord de Vienne de juillet 2015, mettant fin en principe à la crise nucléaire iranienne ? Deux hommes sont à l’origine d’UANI : l’un, Mark D. Wallace, avocat et brièvement diplomate, son principal fondateur et depuis son directeur général, l’autre, Thomas Kaplan, homme d’affaires et mécène, son principal financier. Tous deux sont très liés, Mark Wallace figurant parmi les dirigeants de plusieurs des sociétés d’investissement et de commerce contrôlées par Thomas Kaplan, notamment Tigris Financial Group et Electrum Group

UN DIPLOMATE D’OCCASION
Mark Wallace, d’abord avocat à Miami et proche de Jeb Bush, gouverneur de Floride, conseille son frère, George W. Bush, lors de l’élection présidentielle de 2000 au moment clé de la vérification des votes de l’Etat de Floride. Après la victoire de ce dernier grâce à une décision de la Cour suprême, il entre dans l’administration fédérale, puis fait partie des dirigeants de son équipe de campagne lors de sa réélection en 2004. Il participera aussi à la campagne de John McCain en 2008, battu par Barack Obama. Wallace se pare volontiers du titre d’ambassadeur, ayant en effet été nommé fin 2005 ambassadeur auprès des Nations Unies, non comme chef de la mission américaine, mais comme adjoint responsable des questions administratives et financières de l’ONU. Il travaille alors en parfaite harmonie avec l’ambassadeur chef de mission, John Bolton, néoconservateur connu pour son style abrupt et ses vues radicales, et mène avec lui une politique agressive de pression sur le Secrétariat des Nations Unies. Bolton entrera plus tard au Conseil consultatif de l’UANI. Wallace ne s’entend pas avec le successeur de Bolton, Zalmay Khalilzad, beaucoup plus modéré, et démissionne début 2008. 

UN NID DE « FAUCONS »
C’est alors qu’il fonde l’association « American Coalition against a Nuclear Iran », plus connue sous le nom de « United against Nuclear Iran ». Le principal organe collégial de l’organisation, le Conseil consultatif, agrège d’anciennes figures du monde de la défense et du renseignement, américaines mais aussi britannique, allemande, israélienne, et plusieurs anciens ministres de différents pays, dont l’Espagnole Ana Palacio, passée à l’histoire pour avoir, en qualité de ministre des affaires étrangères, donné instruction à ses ambassades d’attribuer à l’ETA les attentats islamiques du 11 mars 2004 à Madrid. On y trouve encore une figure connue de la diplomatie américaine au Proche-Orient, Dennis Ross, réputé très proche d’Israël. Ce conseil est actuellement présidé par Joseph Lieberman, ancien sénateur démocrate, fervent avocat de la relation spéciale entre les Etats-Unis et l’Etat hébreu. 

« UN HOMME DE RENAISSANCE »
L’autre personnalité clé d’UANI, bien qu’elle n’y occupe aucun poste, est Thomas Kaplan, qui finance à lui seul environ la moitié de son budget. Kaplan a fait fortune en investissant dans les métaux, notamment or et argent. Il est aussi, avec sa femme, un collectionneur d’art avisé, un ardent défenseur d’Israël, un militant de la cause des grands félins menacés. Il est enfin un philanthrope tourné vers la France, ayant notamment contribué à la récente création d’une librairie française sur la Cinquième avenue à New-York. En somme, « un homme de la Renaissance », si l’on en croit le discours qui a accompagné la remise de sa croix de chevalier de la Légion d’Honneur en avril 2014. Dans sa réponse, le récipiendaire évoque son engagement face aux ambitions nucléaires de l’Iran, motivé par le souvenir du sort infligé aux Juifs par le nazisme, et citant UANI, s’exprime ainsi : « certes, UANI ne dispose pas de missiles Tomahawk ou de porte-avions, mais nous avons plus fait pour mettre l’Iran à genoux que n’importe quelle initiative privée et la plupart des initiatives publiques ». De fait, UANI, à même époque, obtient l’engagement de grandes compagnies, américaines, européennes, asiatiques, de rompre toute relation avec l’Iran. UANI se flatte aussi d’avoir obtenu en juin 2013 du président Obama un décret plaçant sous sanctions toute coopération avec l’industrie automobile iranienne, où les Français étaient très présents. Dès février 2012, Peugeot avait déjà quitté l’Iran, où il contribuait à assembler près de 500.000 voitures par an, dans l’espoir de nouer un partenariat avec General Motors, elle-même sous pression d’UANI. Mais le décret de juin 2013, abrogé en 2016 après l’accord de Vienne, a mis en difficulté Renault, très actif en Iran. Au total, l’industrie automobile française, selon les représentants du secteur, a dû perdre en cette affaire au moins 5.000 emplois. 
UNE AMITIE MAL PLACEE
A noter que Thomas Kaplan se trouve à ce jour éclaboussé par une méchante affaire de détournement d’argent d’au moins un milliard de dollars au détriment d’un fonds public malaisien voué au développement du pays. La justice américaine et la justice suisse sont en effet sur la piste d’un sulfureux playboy et homme d’affaires, se présentant aussi comme philanthrope, Taek Jho Low, qui est au cœur de ce scandale. Or Thomas Kaplan a bénéficié de placements venant de Taek Jho Low, lui a offert un siège au conseil d’administration de sa société Electrum, et lui a apporté son soutien public dans un clip promotionnel pour sa société Jynwel Capital : on y voit ainsi Thomas Kaplan, après une poignée de mains prolongée avec Taek Jho Low, le présenter comme un partenaire de totale confiance. 

CASINOS ET BOMBES ATOMIQUES
L’autre important mécène d’UANI, à hauteur d’à peu près le quart de son budget, est le milliardaire américain Sheldon Adelson, qui a fait sa fortune dans les hôtels de luxe et les casinos à Las Vegas, Macao et Singapour. Sheldon Adelson est un fervent soutien de Benjamin Netanyahou, notamment au travers du quotidien gratuit Israel Hayom, qu’il possède. Il condamne évidemment le « socialisme » d’Obama et apporte son appui à Donald Trump. En ce qui concerne l’Iran, il s’est fait remarquer en octobre 2013, alors que se nouait la négociation avec Téhéran, en recommandant publiquement de procéder à un tir de semonce atomique dans le désert iranien, et de notifier à la République islamique qu’une seconde bombe serait envoyée sur Téhéran si elle ne se pliait pas aux exigences américaines.

SECRETS D’ETAT
Reste à savoir s’il existe des complicités entre UANI et « l’État profond » américain : services de renseignement, néoconservateurs insérés dans l’administration et agissant en informateurs bénévoles... Un coin du voile a été brièvement soulevé lors d’un procès en diffamation et chantage qui a opposé de 2013 à 2015 un armateur grec, Victor Restis, à UANI. L’organisation accusait en effet Victor Restis de violer l’embargo américain, alors que celui- ci affirmait n’acheminer vers l’Iran que des produits agroalimentaires, exemptés de sanctions pour raisons humanitaires. Au fil de la procédure, les avocats de Victor Restis ont demandé au tribunal fédéral saisi de l’affaire d’ordonner à UANI de présenter les documents à la source de ses accusations. C’est alors qu’en un mouvement sans précédent, le Département de la Justice américain a demandé au tribunal d’écarter cette requête au nom de la protection du secret d’État. Le tribunal s’étant incliné, l’affaire a été classée sans que l’on en sache davantage sur les secrets à protéger. Mais cette intervention extraordinaire a laissé présumer qu’UANI avait accès à des informations privilégiées venant de l’appareil d’État américain, voire d’appareils d’État étrangers 2

1 Le Parisien, 4 août 2016 http://www.leparisien.fr/espace-premium/fait-du-jour/coups-bas- contre-les-societes-francaises-en-iran-04-08-2016-6014317.php
Challenges/le/29/août/2016 http://www.challenges.fr/monde/20160826.CHA2666/l-etrange- ong-americaine-qui-fait-la-chasse-aux-groupes-francais-en-iran.html
2 Eli Clifton est le premier journaliste ayant mené une enquête approfondie sur les activités d’UANI. Ses révélations ont beaucoup apporté
au/présent/article. Cf/notamment :http://www.salon.com/2014/08/11/billionaires_sketchy_mid dle_east_gamble_meet_the_man_betting_on_war_with_iran/et http://lobelog.com/uani- principals-tied-to-target-of-money-laundering-investigation/

Proche&Moyen-Orien-Online - François Nicoullaud  
 



F)  L’offensive des musulmans contre les extrémistes 

Il y a toujours eu des musulmans, des simples individus aux intellectuels, qui ont rejeté l’islamisme, tandis que la majorité ne se sentait pas concernée, à l’instar des catholiques français face au terrorisme anti-protestant en l’Irlande du Nord.

Nous parlerons aujourd’hui de la réaction à l’islamisme et au terrorisme des musulmans dits « modérés », qui se qualifient eux-mêmes de « normaux ».
Il y a toujours eu des musulmans, des simples individus aux intellectuels, qui ont rejeté l’islamisme, tandis que la majorité ne se sentait pas concernée, à l’instar des catholiques français face au terrorisme catholique anti-protestant en l’Irlande du Nord.

Sommés de manifester leur modération

Le terrorisme ayant gagné la France, ils se sont sentis sommés de manifester leur modération. Dans un premier temps, cela les a agacés : « Il faudrait s’excuser d’être musulman ! » ou « On nous demande à la fois d’être comme les autres Français et de manifester en tant que musulmans, c’est incohérent ». Finalement, face au danger d’amalgame et de stigmatisation, mais aussi face au danger encouru par leurs enfants recrutés par l’État Islamique, les manifestations de rejet se sont multipliées.

Elles n’avaient pas jusqu’à présent les faveurs des médias, car c’était moins vendeur que de parler d’un attentat. C’est en train d’évoluer, ainsi qu’en témoigne la revue de presse ci-dessous, où j’ai résumé quelques articles issus de divers médias ayant en commun la réaction de musulmans par rapport au traditionalisme, à l’islamisme et au terrorisme (avec mes commentaires entre parenthèses)

L’appel des 41
Le Journal du dimanche du 31 juillet 2016 a publié l’appel de 41 médecins, chefs d’entreprise, ingénieurs, universitaires, avocats, cadres supérieurs, hommes et femmes, « Français et musulmans » qui se sont déclarés « prêts à assumer [leurs]responsabilités » dans la gestion d’un islam de France par une institution envisagée par les politiques au pouvoir ou dans l’opposition.

Excommunier les Wahhabites ?

Du 25 au 27 août 2016 à Grozny, en Tchétchénie, se sont réunis plus de deux cents oulémas dont l’imam de l’université Al-Azhar, au Caire, l’institution de référence de l’islam sunnite. De nombreux autres pays du Proche-Orient étaient représentés, comme la Syrie (côté Bachar Al-Assad), le Koweït, la Libye, la Jordanie et le Soudan, ainsi que des participants d’Europe, d’Inde, et d’Indonésie.
La conférence était notamment organisée par une fondation soufie, proche des dirigeants émiratis (NDR précision : les 2 seuls pays wahhabites sont l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui ne fait pas partie de la Fédération des Émirats Arabes Unis). L’état d’esprit général a été qualifié de « néo-traditionnel et quiétiste », c’est-à-dire tentant de concilier tradition, modernité, activité pieuse et pacifisme. Cette tradition sunnite est légaliste c’est-à-dire soutient par principe les régimes en place, «qui sont là parce que Dieu l’a voulu ».
Le sujet de la conférence était  » Qui sont les vrais sunnites ? » , et la conclusion que le wahhabisme ne fait pas partie du sunnisme. Déjà, en 2010, une réunion en Turquie avait abouti à la réfutation de la fatwa du théologien médiéval Ibn Taymiyya, qui autorise des musulmans à excommunier ( takfir ) et tuer des coreligionnaires.
Sur le plan politique, on imagine le scandale et la réaction de l’Arabie.

Une analyse par des musulmanes

Le Monde avait organisé un débat entre musulmanes le 17 septembre 2016 sur le thème « L’islam et les femmes, entre fantasmes et réalité ».
À la question « Le Coran est-il misogyne ? », l’écrivaine Asma Lamrabet considère que sa religion n’est pas misogyne par essence, mais en raison de l’interprétation qu’en ont faite les hommes (elle n’est pas la seule de cet avis et j’ai eu des étudiants musulmans démontrant que les responsables politiques feraient bien de s’inspirer du Coran pour libérer les femmes).
D’après l’écrivaine iranienne exilée en France Chahla Chafiq, ce qu’il y a dans les textes n’est pas fondamental, car ils seront toujours interprétés par les pouvoirs en place. « En Iran, par exemple, les islamistes ont rejeté la tradition sunnite selon laquelle Aïcha avait 7 ans lorsqu’elle s’est mariée avec Mahomet pour se rallier à la vérité historique, 17 ans, mais ça n’a pas amélioré les droits des femmes et notamment pas mis un terme aux mariages forcés des mineures… on peut démontrer par a + b que le Coran est misogyne et, à l’inverse, on peut démontrer par a + b qu’il ne l’est pas. mais quand l’islam devient la loi, l’interprétation est politique. » (Effectivement bien que l’on n’ait théoriquement pas le droit d’interpréter le Coran, c’est bien ce qui se pratique soit parce que le texte n’est pas précis, soit, plus souvent, parce qu’on l’ignore ou qu’on veut le plier à un objectif politique).
À l’opposé, Asma Lamrabet, témoigne qu’au Maroc où elle vit  « la religion est incontournable, je suis obligée de m’appuyer sur le Coran pour répondre aux hommes qui me disent que je n’ai pas le droit de participer à une conférence. »
Le Monde conclut son compte rendu du colloque par les citations suivantes : « L’islam politique a ruiné l’éthique et la spiritualité… La laïcité est le seul cadre à même de protéger la religion… L’islam a besoin d’espace démocratique et de réformes ».

Mohamed VI envoie un message solennel aux Marocains de l’étranger

Le 20 août 2016, il a exhorté les 5 millions de Marocains de l’étranger « à être en première ligne parmi les défenseurs de la paix, de la concorde et du vivre-ensemble dans leurs pays de résidence respectifs… Les terroristes qui agissent au nom de l’islam sont des individus égarés condamnés à l’enfer. Ils instrumentalisent certains jeunes musulmans et exploitent leur méconnaissance de la langue arabe et de l’islam véridique ».
C’est la première fois qu’il s’adresse ainsi directement sur ce sujet aux Marocains de la diaspora. On sait que ces derniers sont souvent encadrés en France par un réseau de mosquées et d’imams « marocains », dont les nouveaux reçoivent maintenant des cours de civilisation française. C’est à rappeler, alors que certains Français se désolent de la présence d’imams étrangers, oubliant que la plupart des imams français n’ont aucune formation.

« Le Maghreb vit dans l’hypocrisie et le mensonge »

La romancière franco-marocaine Leïla Slimani prépare un livre qui s’intitule Sexe et Mensonge :  « C’est une série d’entretiens et de réflexions sur la sexualité des femmes au Maroc, dont ce que disait Kamel Daoud sur la misère sexuelle au Maghreb. Pour moi, toute la question est de savoir si une société peut longtemps rester schizophrène. Tu peux faire les choses, mais en cachette : ne fais pas le ramadan, couche avec qui tu veux, mais tant pis pour toi si tu te fais prendre… »  (Le Point, 15 septembre 2016)



G) Hollande, un prix et l’indignité 
 
La nouvelle de la désignation par la fondation The appeal of conscience de François Hollande comme «homme d’Etat de l’année» a fait beaucoup de bruit. L'économiste Jacques Sapir explique en quoi cet événement est un honneur plus que douteux. 

Le président François Hollande est allé chercher le 19 septembre 2016 un prix décerné par une fondation américaine. Ainsi, huit ans après Nicolas SarkozyFrançois Hollande a été désigné «homme d’Etat de l’année» par la fondation The appeal of conscience et a reçu sa distinction à New York des mains de l’ancien prix Nobel Henry Kissinger et du rabbin Arthur Schneier. Il est humain de céder aux honneurs. Après tout Nicolas Sarkozy avait reçu ce prix avant lui, ce qui n’est pas nécessairement une référence. Mais il est sage de chercher à en savoir un peu plus sur qui vous honore.
La première chose qui dérange est le précédent récipiendaire de la distinction «d’homme de l’année». Ce n’était autre que le président du Mexique, monsieur Enrique Peña Nieto

Une indignité
Cette fondation a été créée en 1965 par le rabbin Arthur Schneier pour défendre la liberté religieuse et les droits de l’homme à travers le monde. Rassemblant le monde des affaires et des responsables religieux, elle cherche à promouvoir les dirigeants qui ont promu la paix, la tolérance, et qui ont œuvré pour la résolution des conflits. Jusque là, il n’y a rien à dire. Mais, la première chose qui dérange est le précédent récipiendaire de la distinction «d’homme de l’année». Ce n’était autre que le Président du Mexique, monsieur Enrique Peña Nieto. Qui ne s’est pas spécialement distingué dans la paix, la tolérance, et la résolution des conflits.

Et puis, la présence à la cérémonie d’Henry Kissinger, suscite plus qu’un trouble. Rappelons, pour les jeunes générations, qu’Henry Kissinger, alors ministre des Affaires étrangères (secrétaire d’Etat) de Richard Nixon, a été l’homme qui a suscité le coup d’Etat de 1973 au Chili et la prise de pouvoir des généraux argentins en mars 1976, qui s’est accompagnée de ce que l’on appelle la «sale guerre». Ces coups d’Etat ont fait des centaines de milliers de victimes et, encore aujourd’hui, le souvenir des «disparus», torturés et assassinés par ces dirigeants militaires hante la mémoire du Chili et de l’Argentine. Lors de son récent voyage à Buenos Aires le président Barack Obama a été accueilli par des manifestants qui demandaient aux Etats-Unis des explications pour leur implication dans ce qui reste comme l’un des chapitres les plus sombre de l’Argentine. Jon Lee Anderson, dans le NewYorker pose la bonne question : Henry Kissinger a-t-il une conscience ? Et la réponse, bien évidemment, est non.
Les mains d’Henry Kissinger sont tachées du sang des Argentins et des Chiliens, mais aussi de bien d’autres
Henry Kissinger avait apporté son soutien à ces généraux, tout comme il avait soutenu les généraux chiliens. A sa demande, le Congrès des Etats-Unis avait voté des budgets incluant une aide militaire importante pour les généraux argentins. Les mains d’Henry Kissinger sont tachées du sang des Argentins et des Chiliens, mais aussi de bien d’autres, car durant les années où il a exercé les fonctions de ministre des affaires étrangères des Etats-Unis, il n’a eu de cesse de promouvoir la plus brutale et la plus sanguinaire des politiques.

Une liste a été établie par Dan Froomkin (et traduite par Laurent Schiaparelli) qui  a été publiée sur le site du SakerFrancophone : 
  1. Il a inutilement prolongé la guerre du Vietnam de cinq années.
  2. Il a fait bombarder illégalement le Cambodge et le Laos.
  3. Il a poussé Nixon à mettre sur écoute ses équipes et des journalistes.
  4. Il porte la responsabilité de trois génocides, au Cambodge, au Timor oriental et au Bangladesh.
  5. Il a encouragé Nixon à poursuivre Daniel Ellsberg pour avoir publié les papiers du Pentagone, déclenchant ainsi un enchaînement d’événements qui ont précipité la chute du gouvernement Nixon.
  6. Il a renforcé l’ISI, les services secrets pakistanais, et les a encouragés à utiliser un islam politique pour déstabiliser l’Afghanistan.
  7. Il a été à l’origine de la politique, addictive pour les Etats-Unis, de pétrole-contre-armes avec l’Arabie saoudite et avec l’Iran avant sa révolution.
  8. Il a encouragé d’inutiles guerres civiles en Afrique subsaharienne, qui, au nom d’un soutien au suprématisme blanc, ont laissé dans leur sillage des millions de morts.
  9. Il a soutenu d’innombrables coups d’Etat et escadrons de la mort en Amérique latine.
  10. Il s’est acquis les bonnes grâces de la première génération de néo-conservateurs, les Dick Cheney et Paul Wolfowitz, qui ont amené le militarisme américain à un niveau supérieur de désastre pour le pays.
Dès lors, on peut s’interroger sur le trouble qu’a pu ressentir François Hollande quand il a reçu cette distinction des mains certes tremblantes mais toujours ensanglantées d’Henry Kissinger. A-t-il eu une pensée pour toutes les personnes torturées et assassinées, pour les citoyens français, qui ont été victimes des politiques suscitées ou soutenues par ce «cher Henry» ? Il n’y a pas de plus symbolique reniement des principes de la gauche que l’acceptation de la présence d’Henry Kissinger lors de la remise de ce prix. Et cela confirme ce que l’on écrivait dans une autre note : la véritable extrême-droite s’incarne aujourd’hui dans des hommes et des femmes qui, de François Hollande à Nicolas Sarkozy, en passant par Alain Juppé et quelques autres, mettent en œuvre une politique dangereuse tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur.
Le plus probable est qu’on a voulu faire une plaisanterie et donner à «monsieur petites blagues» une leçon d’humour juif new-yorkais
Une plaisanterie?
Mais qu’ont dû penser les responsables de Appeal of Conscience quand ils ont décidé d’attribuer le prix pour l’année 2015 à François Hollande ? Ils ne pouvaient ignorer la détestation qui entoure l’homme et sa politique. Le plus probable est qu’il ont voulu faire une plaisanterie et donner à «monsieur petites blagues» une leçon d’humour juif new-yorkais. Cette plaisanterie renvoie au folklore juif d’Europe centrale et fait référence à l’histoire suivante, que j’avais entendue enfant de la bouche d’amis de mon père :

Un jour, dans un ghetto situé entre Lvov et Cracovie, vivait un très misérable tailleur prénommé Moïshe. Il vivait avec sa femme et ses six enfants, avec sa mère qui perdait un peu la tête, dans une pièce unique et insalubre. A bout de forces et de nerfs, il alla voir le rabbin et lui dit : «Rabbin, que dois-je faire ? Je n’ai plus la force de coudre alors que mes enfants crient dans la pièce, que ma femme se dispute avec ma mère, que c’est toujours la confusion». Et le rabbin, après avoir réfléchi un instant lui dit : «Moïshe, achète-toi une chèvre». Et Moïshe, qui avait confiance dans le bon sens du rabbin fait ce que ce dernier lui a dit de faire : il achète une chèvre. Et là, la situation devient catastrophique. La chèvre court et bondit dans la pièce, mange le tissu sur lequel travaille Moïshe, fait des crottes partout. Alors Moïshe se précipite vers le rabbin et lui dit : «Oh, rabbin, qu’avez vous fait ? C’est l’enfer que vous me faites vivre». Alors le rabbin lui dit : «Moïshe, vend maintenant la chèvre…». Et, là encore, Moïshe dont la confiance dans les avis du rabbin n’a pas été ébranlée, fait ce que le rabbin lui a dit de faire. Trois jours s’écoulent, et Moïshe vient pour le Shabbat à la pauvre Synagogue du lieu et il voit le rabbin. Et il se précipite vers lui, tombe à ses genoux, les embrasse et dit «Rabbin, vous m’avez sauvé la vie, maintenant tout est calme à la maison depuis que j’ai vendu la chèvre. Je n’entends plus mes enfants crier, ni ma femme et ma mère se disputer».

Certains, à la lecture de cette histoire vont me dire : «comment, vous osez comparer François Hollande, Président de la république, à une chèvre ?» A ceux là, je répliquerai par une autre histoire, que l’on racontait dans la Pologne sous le joug soviétique, quand un commissaire de police vit entrer un homme en furie qui hurlait «un soldat suisse vient de me voler ma montre russe». Le commissaire, un instant interloqué, lui dit «calmez vous. Vous vouliez dire : un soldat russe vous a volé votre montre suisse ?» Et l’homme de rétorquer «ce sont vos propres mots, monsieur le commissaire, ce sont vos propres mots»…

Du même auteur : Sondages : les souverainistes majoritaires ?
 
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