mars 03, 2016

Géopolitique de la Culture: Décrypter Daech

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Daech d’où vient-il et que veut-il ?

Depuis son irruption sur la scène internationale, en juin 2014, lorsqu’il a annoncé son intention d’établir un califat sur les territoires qu’il occupait en Irak et en Syrie, Daech a stupéfait le monde entier par sa brutalité. Sa soudaine notoriété, du moins en apparence, a suscité de multiples hypothèses quant à ses origines. Quels sont les forces et les événements qui ont conduit à l’émergence de ce groupe djihadiste ? Dans cet article, premier d’une série sur la genèse de Daech, James Gelvin, spécialiste de l’Histoire moderne du Moyen-Orient, souligne qu’il ne faut pas se contenter de réponses simplistes : le fait qu’un événement en précède un autre ne signifie pas nécessairement qu’il en soit la cause. Il est bien plus intéressant d’examiner les interactions historiques et sociales, et de reconnaître que des groupes comme Daech tentent souvent de trouver a posteriori une justification idéologique à leurs actes et déclarations. Cette série d’articles tentera de faire l’inventaire objectif des divers forces et événements susceptibles d’avoir favorisé l’émergence de ce groupe djihadiste. Nous avons tenté d’être aussi complets que possible dans notre approche, mais nous n’avons évidemment pas la prétention d’être exhaustifs, ni d’apporter une explication définitive sur les origines de Daech. Dans les jours à venir, un panel de spécialistes de la religion et de l’histoire moderne et médiévale, issus du monde entier, apportera son expertise à ces débats afin de comprendre comment est né le groupe djihadiste le plus connu de ces dernières années. Jusqu’où faut-il remonter pour découvrir les racines du prétendu groupe État islamique (Daech) ? Au choc pétrolier de 1973-74, quand les pays producteurs du Golfe persique ont exploité l’immense excédent budgétaire en dollars dont ils disposaient pour financer la diffusion de leur interprétation rigoriste de l’islam ? À la fin de la Première Guerre mondiale, quand les vainqueurs de l’Entente ont fait naître un énorme ressentiment dans le monde arabe en dessinant des frontières artificielles au Moyen-Orient, dont nous entendons encore parler aujourd’hui ? Et pourquoi pas à l’an 632, date de la mort du prophète Mahomet, quand la communauté islamique naissante s’est divisée pour savoir qui lui succéderait – ce qui a conduit à la scission entre sunnites et chiites que Daech exploite aujourd’hui à son compte ? Les hypothèses, apparemment infinies, feraient presque penser, si le sujet n’était aussi macabre, au jeu des Six degrés de séparation – lequel laisse entendre que tous les habitants de la planète seraient reliés entre eux par un maximum de six personnes. En ne considérant les phénomènes historiques qu’à travers une succession de causes et d’effets, on en vient à ignorer le nombre presque infini de combinaisons qui peuvent en résulter. C’est aussi l’un des raisonnements les plus fallacieux auxquels doivent faire face les historiens : post hoc, ergo propter hoc (à la suite de cela, donc à cause de cela). Plutôt que de relier l’émergence de Daech à un ou plusieurs événements historiques, je suggère donc de recourir à une méthode différente. 

Une longue lignée
Mohammed Ahmed, l’un des innombrables rédempteurs autoproclamés de l’islam. Wikimedia Commons Daech est l’illustration d’un phénomène qui se produit dans la plupart des religions, et notamment au sein de toutes les religions monothéistes. Régulièrement, un groupe d’activistes surgit, prospère momentanément avant de disparaître dans les ténèbres. Il cède alors la place à un autre groupe qui a émergé au sein du même bouillon de culture. Au VIIe siècle, les Kharijites (la première secte islamique de l’Histoire) – une organisation puritaine radicale – ont assassiné deux des premiers califes. Comme Daech, ils prétendaient savoir mieux que quiconque qui respectait réellement, ou pas, les préceptes de l’islam. Au XVIIIe siècle, Mohammed ibn Saoud, le fondateur de la dynastie saoudienne, était l’un des disciples de Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab, un prédicateur originaire du centre de la péninsule arabique. Considérant que la vénération des saints et la construction de mausolées étaient des actes impies, ibn Saoud et son armée détruisirent des sites sacrés pour les sunnites et pour les chiites en Arabie ainsi que sur l’actuel territoire irakien. Des actes qui font écho à la destruction de sites antiques perpétrée aujourd’hui par Daech. Au XIXe siècle, Mohammed Ahmed s’est autoproclamé mahdi (rédempteur de l’islam) sur le territoire de ce qui est aujourd’hui le Soudan, comme Abou Bakr al-Baghdadi, fondateur et chef de Daech, s’est récemment autoproclamé calife (commandeur des musulmans), une fonction plus opérationnelle. Les hommes d’Ahmed envahirent Khartoum, où ils massacrèrent une garnison britannique et décapitèrent son commandant. Avant al-Baghdadi, bien d’autres leaders ont donc marché sur les traces de Mohammed Ahmed. Bien que l’idée soit tentante, il serait totalement erroné de considérer que chaque groupuscule a « engendré » le suivant, même si certains militants s’inspirent des actions de leurs aînés. Ce serait aussi absurde que de voir dans les Zélotes de l’Antiquité (une secte juive qui a combattu les Romains) les ancêtres des colons juifs d’aujourd’hui en Cisjordanie, ou de considérer que les Croisés ont donné naissance aux ultras chrétiens qui jettent des bombes sur les cliniques pratiquant l’avortement. 

À chacun sa marque
Dans toutes les religions, de temps à autre, et sans qu’il soit d’ailleurs possible de prédire quand cela va se produire, un fidèle imprime sa propre marque sur la tradition. Pour qu’elle soit durable, il faut qu’elle emporte l’adhésion d’une partie des croyants, qui tentent alors de la mettre en pratique. Certaines interprétations, comme celle des Wahhabites saoudiens, sont plus durables que d’autres. Non pas parce qu’elles seraient plus « fidèles » au dogme, mais parce que ceux qui s’en font l’écho se montrent plus capables que d’autres de mobiliser des ressources – un petit groupe de croyants dévoués, des forces militaires, une aide extérieure, etc. – pour les défendre. La plupart n’y parviennent pas. C’est le cas d’Al-Baghdadi (et du fondateur d’al-Qaïda, Oussama ben Laden). Son interprétation combine trois notions qui trouvent leur origine dans la tradition islamique. La première est khilafa (le califat). Pour Al- Baghdadi, l’islam exige la création d’un califat, c’est-à-dire d’un territoire où s’applique la loi islamique sous l’autorité d’un calife – un descendant juste et instruit du prophète. Quand ses hommes ont envahi Mossoul à l’été 2014, il s’est autoproclamé calife et, pour établir sa légitimité, est devenu le calife Ibrahim al-Qurachi al-Hachimi. Les deux derniers noms signifient qu’il fait partie de la tribu de Mahomet, et qu’il descend directement du prophète. La deuxième notion est celle de takfir, qui fait des musulmans n’adhérant pas à sa lecture stricte du Coran des apostats, un crime puni de mort. Ceci explique les massacres commis par Daech à l’encontre des chiites, massacres que le haut commandement d’al-Qaïda lui-même trouve contre-productifs, voire écœurants. Abu Musab al-Zarqaoui, fondateur de la branche irakienne d’al-Qaïda, a quant à lui eu l’idée de ressusciter le concept du takfir. Sa stratégie était de s’en servir pour renforcer les liens communautaires entre sunnites irakiens en les mobilisant contre les chiites, afin de rendre le pays ingouvernable après l’invasion américaine. Al-Baghdadi va encore plus loin : ce concept lui sert à purifier le territoire du califat qui, espère-t-il, s’étendra bientôt sur l’ensemble du monde islamique. Enfin, il y a l’hégire, l’émigration des musulmans du dar al-harb (le domaine de la guerre, c’est-à-dire les pays à majorité non-musulmane) vers dar al-islam (le domaine de la soumission à Dieu). Tout comme Mahomet et ses disciples avaient quitté La Mecque pour Médine, où ils avaient fondé la première communauté islamique permanente. Daech veut que les musulmans s’installent en masse dans le califat, parce que l’organisation a besoin de gestionnaires et de guerriers expérimentés, et qu’elle considère l’immigration vers les « terres musulmanes » comme un devoir religieux. 

Une distraction dangereuse
Certains commentateurs pensent qu’al-Baghdadi a intégré une quatrième notion, celle d’une vision apocalyptique. Ils s’appuient sur le nom du luxueux magazine de Daech, Dabiq – qui
fait allusion à un site du nord de la Syrie où, d’après la tradition islamique, aura lieu l’Armageddon, le combat final entre le bien et le mal –, mais aussi sur des articles publiés dans ce magazine, et des vidéos de propagande. Cette théorie de la vision apocalyptique de Daech est tout à fait plausible. Après tout, chaque religion monothéiste a ses radicaux, et sa propre vision de l’apocalypse. Cependant, je ne suis toujours pas convaincu qu’une telle notion joue un rôle significatif dans la vision du monde de Daech. Quoi que l’avenir nous réserve, Daech, comme certaines sectes apocalyptiques chrétiennes, s’est montré si doué sur le plan tactique et stratégique qu’il a de toute évidence renvoyé aux calendes grecques l’idée de « fin du monde » – comme al-Qaïda l’avait fait pour la notion de rétablissement du califat. De plus, une grande partie des cadres de Daech sont d’anciens officiers de l’armée baasiste irakienne, qui accordent probablement autant d’importance au concept d’apocalypse que les généraux d’Hitler n’en donnaient aux divagations des fanatiques du Parti nazi. Réduire Daech à sa vision apocalyptique permet de mettre en lumière le côté irrationnel, voire médiéval, de ce groupe terroriste. Mais c’est aussi un exercice dangereux car si l’histoire récente nous a appris quelque chose, c’est bien que Daech prospère quand ses adversaires sous-estiment sa capacité de nuisance. 
The Conversation
2 mars 2016
James L Gelvin
*Professor of Modern Middle Eastern History, University of California, Los Angeles 



La théologie musulmane dévoyée

Quelles idées et quels événements ont fait le lit de Daech ? Pour le savoir, notre série sur les origines du groupe djihadiste s’intéresse au jeu des forces historiques et sociales qui ont contribué à son avènement. Aujourd’hui, l’historien de l’islam Harith Bin Ramlin explique en quoi l’État islamique s’inscrit – ou non – dans la théologie musulmane. Ce faisant, il répond à une question à laquelle les musulmans d’Occident sont souvent renvoyés. Les musulmans du monde entier souffrent quotidiennement de voir l’islam assimilé à la cruauté et à l’inhumanité de ce prétendu État islamique. Il serait certes tentant de considérer Daech comme sortant totalement du cadre de l’islam, mais on prendrait alors le risque de faire son jeu. Depuis la mort du prophète Mahomet, en 632, les musulmans ne se sont jamais accordés sur une autorité unique. Non contente d’être en désaccord, la première génération de fidèles s’est déchirée pour savoir qui devrait lui succéder à la tête de la communauté. Ces divisions ont provoqué l’émergence du sunnisme et du chiisme – les deux principales théologies qui se sont imposées au fil du temps. Leurs affrontements sanglants ont suscité une forte inquiétude au sein du monde musulman sur les conséquences potentielles des divisions de type politique et théologique. Pourtant, la nécessité de respecter les différences a rapidement fait consensus parmi les fidèles du prophète. S’il convenait de se « désolidariser » de ceux qui ne partageaient pas le même point de vue sur les questions essentielles, les intéressés étaient toujours tenus pour musulmans dès lors qu’ils respectaient les principes fondamentaux de l’islam, comme l’unicité de Dieu ou la prophétie de Mahomet. 



Le précédent des Kharijites
Jadis, une secte a remis en question cette approche pluraliste : les Kharijites. Selon eux, les chefs musulmans dissidents ou corrompus n’étaient que des apostats. Au sein de cette secte, certaines factions ont progressivement étendu leur conception de l’apostasie à tous les musulmans qui seraient en désaccord avec eux. Déclarés infidèles, ceux-ci pouvaient dès lors être tués ou réduits en esclavage. Mais il est important de préciser que la violence de ces extrémistes n’a jamais séduit qu’une minorité de croyants. D’autres Kharijites ont adopté une position plus modérée, davantage en phase avec le consensus en formation. L’horreur provoquée par les premières divisions au sein de l’Oumma (la communauté des musulmans) et la terreur mise en œuvre par les extrémistes kharijites ont, par réaction, conforté au sein de l’islam la reconnaissance des divergences d’opinion. Celle-ci s’est accompagnée d’une culture du savoir fondée sur l’idée que la recherche du « vrai » sens des écritures était une aventure humaine au long cours et faillible. Au-delà des points faisant l’objet d’un consensus indiscutable, certaines divergences d’interprétation étaient donc tolérées. Daech ne se distingue pas réellement de l’islam traditionnel par l’usage des textes religieux auquel il se réfère. Pour justifier l’esclavage ou la guerre contre les non musulmans, l’organisation s’appuie sur des passages relativement connus du Coran, de la Sunna ou du droit, issus de la tradition islamique médiévale. Mais ces textes – sacrés ou non – ont toujours été lus en vertu d’une longue tradition d’interprétation théologique. Comme le souligne Sohaira Siddiqui, professeure adjointe de théologie à l’Université Georgetown, les groupes tels que Daech s’écartent de l’islam en rejetant cette culture d’interprétation savante et de pluralisme religieux. L’approche de Daech s’inspire principalement du wahhabisme, un mouvement né de l’interprétation radicale faite par un théologien du XIVe siècle, Ibn Taymiyya. À ses yeux, les musulmans qui ne souscrivaient pas à son interprétation stricte du monothéisme étaient tout simplement des apostats. On peut aussi la rattacher aux théoriciens politiques radicaux du XXe siècle tel que Sayyid Qutb, qui qualifiait d’« idolâtres » et non fondés sur la loi de Dieu l’État moderne et les idéologies s’y rattachant, le nationalisme et la démocratie compris. En restaurant le califat, Daech entend aujourd’hui susciter une alternative à l’ordre politique dominant. 

Les conséquences de la précipitation
« Avec ou contre nous ». Fort de ce slogan simpliste, Daech peut traiter les dirigeants musulmans de « tyrans » et les religieux qui les soutiennent de « savants de palais ». Plus généralement, les musulmans qui refusent de « se repentir » et d’adhérer au dogme sont menacés d’« apostasie », un crime puni de mort. Ce faisant, le groupe a ressuscité l’ancienne mouvance kharijite sous la forme d’une idéologie politique meurtrière. Daech a raison sur un point : la solution aux problèmes du monde musulman ne viendra pas du maintien du statu quo politique, ni de l’instrumentalisation hypocrite de la religion visant à soutenir des régimes corrompus et oppresseurs. Avec son projet de restauration du califat, Daech entend créer une alternative au système politique actuel. REUTERS/Umit Bektas Mais en faisant fi du pluralisme théologique et de la tolérance religieuse, Daech met son interprétation des écritures et de la tradition religieuse au service de ses objectifs politiques, et non l’inverse. Les plus hautes autorités religieuses musulmanes, tel que l’imam de la mosquée al-Azar au Caire, se sont abstenues d’accuser Daech d’« apostasie », tout en appelant à combattre la secte par les armes. Cette hésitation s’explique peut-être par le fait qu’une telle accusation abaisserait la communauté des musulmans au même niveau que Daech, comme cette dernière le souhaite. Au lieu de déclarer ce groupe non conforme à l’islam, le monde musulman ferait mieux de réaffirmer son attachement à sa culture du pluralisme. Ce faisant, il ouvrirait un débat aussi nécessaire qu’urgent sur les relations qu’entretiennent l’État et la religion au sein des sociétés musulmanes contemporaines. 

Hâter la volonté de Dieu
De nombreux musulmans partagent sans doute la conviction de Daech que de nombreux signes attestent de la fin prochaine des temps. La secte s’écarte cependant de l’eschatologie musulmane dominante à deux égards. D’abord, sa littérature omet toute référence au mahdi (le guide attendu) et au retour de Jésus, le fils de Marie, dont les hadiths annoncent qu’il triomphera de l’Imposteur (Dajjal ou Antéchrist). Ensuite, Daech s’arroge un rôle central dans le déroulement de ces événements, alors que le musulman moyen admet qu’il ne peut réellement les comprendre. Autrement dit, au lieu d’attendre que Dieu provoque la fin des temps, Daech espère la précipiter par ses agissements. À cet égard, la secte se rapproche des extrémistes chrétiens et juifs. Si l’on accorde le bénéfice du doute aux adeptes de Daech – hormis les criminels, bien sûr –, il apparaît que leur idéologie se nourrit de la volonté d’appliquer à la hâte celle de Dieu. Et d’un rejet encore plus hâtif de la démarche, plus humble et prudente, des autres musulmans. 

Comme le dit le Coran :

« L’homme a été créé impatient ». (Sourate 21, 37) et
« Tous les hommes sont perdus, sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres, et s’enjoignent mutuellement la Vérité et la patience ». (Sourate 103, 2-3)

The Conversation
2 mars 2016
Harith Bin Ramli*
*Research Fellow, Cambridge Muslim College & Teaching Fellow, SOAS, University of London





Si l’EI se fonde sur la religion, pourquoi est-il si violent ? 



La soudaine notoriété de Daech (du moins en apparence) a suscité de multiples hypothèses quant à ses origines. Quels sont les forces et les événements qui ont conduit à l’émergence de ce groupe djihadiste ? Aujourd’hui, Aaron Hughes, spécialiste en sciences des religions, pose la question de savoir si sa violence est inhérente à l’islam. Malgré ce que l’on entend ici ou là, la religion n’est pas intrinsèquement pacifique. Ce présupposé repose largement sur l’idée, héritée du protestantisme, selon laquelle la religion est une pratique spirituelle, propre à chaque individu, et pervertie uniquement par des considérations bassement matérielles, notamment politiques. Pourtant, des gens tuent – et adorent – au nom de la religion.

Prétendre que le choix de l’une d’entre elles est plus juste que l’autre est non seulement problématique mais historiquement faux. Les croisades, les attentats contre les cliniques qui pratiquent l’avortement, certains assassinats politiques, et les attaques des colons israéliens contre des biens matériels appartenant aux Palestiniens – pour ne citer que quelques exemples – ont été, et sont encore, motivés par la religion. Ceci est dû au fait qu’elle repose sur la notion métaphysique de « croyant » et de « non-croyant » – une distinction fondée sur les concepts de bien et de mal, qui peut opportunément servir à justifier les actes de n’importe quel groupe. 


Un passé imaginaire
Daech, une organisation fondamentalement violente qui prétend refléter fidèlement l’islam du prophète Mahomet, fait partie de ceux-là. Elle s’apparente à d’autres courants réformistes islamiques qui cherchent à ressusciter, à l’époque moderne, l’idée qu’ils se font du système politique et social que Mahomet (570-632) et ses premiers fidèles instaurèrent et vécurent en Arabie au VIIe siècle après Jésus-Christ. Le problème, c’est que nous savons très peu de choses de ce système, si ce n’est par le biais de sources beaucoup plus tardives, comme la biographie (sira) de Mahomet ou les travaux d’historiens comme ceux d’al-Tabari (839- 923) . La restauration du califat est l’un des principes fondateurs de Daech. Cette entité géopolitique, synonyme de l’empire islamique qui s’étendait du Maroc et de l’Espagne, à l’ouest, jusqu’aux Indes à l’est, constitue le symbole l’apogée de l’islam. 

Quand il influait sur tout le Moyen-Orient et le pourtour méditerranéen, au VIIe siècle, l’islam propageait une vision résolument apocalyptique. De nombreuses sources, parmi les plus anciennes, évoquent ainsi la fin du monde. Citons notamment la lettre du deuxième calife, Oumar,à l’empereur byzantin Léon III, ainsi que des sources contemporaines non- musulmanes, tel le pamphlet Doctrina Jacobi (VIIe siècle) ou la version juive de l’apocalypse Les Secrets du rabbin Shimon bar Yohai (milieu du VIIIe siècle). La destruction du monde débuterait par une lutte entre les forces du bien (les musulmans) et celle du mal. Cette vision apocalyptique, Daech se l’est appropriée. Là encore, il est utile de rappeler deux choses. La première, c’est que la majorité des musulmans n’accorde aucun crédit à cette vision des choses. La seconde, c’est que cette notion de « fin du monde » n’est évidemment pas propre à l’islam. On la retrouve dans le judaïsme et le christianisme, où elle ne relève pas du tout de l’orthodoxie. 

Tolérance médiévale
Indépendamment du concept d’apocalypse, l’islam était-il particulièrement violent au VIIe siècle ? Sans émettre de jugement définitif sur ce sujet, on peut en tout cas rappeler les assassinats de trois des quatre premiers califes (successeurs) de Mahomet, ou les intenses débats théologiques de l’époque sur le fait de savoir qui était musulman ou non. Les débats se concentraient notamment sur l’âme des grands pécheurs. Ces derniers restaient-ils toujours musulmans, ou bien leurs péchés les avaient-ils exclus de la communauté des fidèles ? Dans la doctrine de la plupart des musulmans, c’est à Dieu de statuer, et non aux hommes. Cependant, des groupes comme Daech prétendent en décider à la place de Dieu, ce qui ne correspond en rien aux croyances de la majorité des musulmans orthodoxes. Un tel point de vue n’est certes pas incompatible avec l’islam, mais prétendre que des groupes comme Daech incarnent une interprétation médiévale de la doctrine islamique est injuste pour l’islam médiéval. 

Une bayt al-hikma (maison de sagesse ), construite au VIIIe siècle à Bagdad, symbolise ce que l’on a appelé l’âge d’or de la civilisation islamique. Pendant cette période de l’Histoire, des musulmans, des Juifs et des chrétiens étudiaient les textes philosophiques et scientifiques de la Grèce antique. Ces érudits ont contribué à faire progresser diverses disciplines, dont les mathématiques, l’astronomie, la médecine, l’alchimie ou la chimie, notamment. En un siècle à peine, l’islam était devenu un empire cosmopolite qui n’avait rien à voir avec l’interprétation stricte et dogmatique qu’en font des groupes comme Daech aujourd’hui. 

Un outil puissant
Les critiques occidentaux qui tentent de faire croire que l’islam est responsable des actions de Daech, et qui brandissent celles-ci comme une preuve supplémentaire de la violence intrinsèque de cette religion, négligent d’autres causes profondes, et très récentes. Parmi elles, citons le passé colonialiste européen dans la région, le soutien des États-Unis et de l’Europe à divers dictateurs impitoyables au Moyen-Orient et l’instabilité engendrée par l’invasion américaine en Irak après les attentats du 11-Septembre 2001. Sur la base de cette histoire moderne, Daech et d’autres groupes nourrissent un rêve « romantique », celui de ressusciter le règne idéalisé du puissant califat islamique. La capacité indéniable de la religion à ne pas s’embarrasser de nuances quand il s’agit de faire la différence entre «fidèles» et « infidèles », ou entre le « bien » et le « mal », en fait une idéologie puissante. Entre les mains de démagogues, le discours religieux – utilisé de manière sélective et manipulé afin d’atteindre des objectifs précis – s’avère redoutable. S’il est inexact de dire que la rhétorique de Daech est non-islamique, il importe de souligner ici qu’elle ne représente qu’un courant très particulier de l’islam, certainement pas le principal. 


The Conversation 
 2 mars 2016
Auteur : Aaron W Hughes*

Traduit par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.




Le califat et le spectre des accords Sykes-Picot 


Depuis son arrivée sur la scène internationale en juin 2014, l’État islamique a stupéfait le monde entier par sa brutalité et par son intention d’établir un califat sur les territoires conquis en Irak et en Syrie. Dans une série d’articles, The Conversation analyse les forces historiques et culturelles qui expliquent la montée en puissance de ces djihadistes. Aujourd’hui, l’historien James Renton examine l’instrumentalisation des accords Sykes-Picot que l’État islamique a ostensiblement condamnés dans sa toute première vidéo. Depuis que le porte-parole de l’État islamique, Abou Mouhammad al-Adnani, a proclamé l’instauration d’un califat, le 29 juin 2014, les experts tentent de comprendre les origines et les objectifs du groupe. La majorité des analyses se focalisent sur la théologie des cadres de l’État islamique : une pensée apocalyptique appelant de ses vœux un retour à l’islam fantasmé des fondateurs de cette religion. Dans le même temps, l’analyse des objectifs politiques autoproclamés du groupe a été largement négligée. Or, indépendamment de la place qu’occupe la religion dans le fonctionnement et les justifications de l’État islamique, on ne peut comprendre le califat qu’en décortiquant les déclarations publiques, véritables manifestes modernistes, de ceux qui définissent sa ligne politique. Vu sous cet angle, le califat apparaît principalement comme une tentative de libérer l’oumma – la communauté mondiale des musulmans – de l’héritage du colonialisme européen. Pour les dirigeants de l’État islamique, le premier objectif du califat n’est donc pas théocratique, mais vise bien à s’émanciper du colonialisme. 

Retour aux sources
L’un des pseudonymes que le chef déclaré du califat s’est choisis est symptomatique de l’obsession qu’il manifeste à l’égard d’une mission spécifiquement religieuse, remontant aux premières années de l’islam. Ibrahim bin Awwad bin Ibrahim al-Badri al-Samarra’i (ou l’une des variantes de ce patronyme) a pris, bien avant l’été 2014, celui d’Abou Bakr, du nom du premier successeur de Mahomet, chef religieux et politique de l’oumma. 

Le Britannique Mark Sykes s’était entendu avec son homologue français, François Georges-Picot, pour que leurs pays respectifs se partagent le Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale. Wikimedi Abou Bakr, qui dirigea l’oumma de 632 à 634, avait mis un terme à toute dissidence à l’encontre du nouveau système islamique dans les territoires qu’il administrait. D’après les sources dont nous disposons, il fit du califat un empire expansionniste qui mena des campagnes militaires sur les territoires actuels de la Syrie, l’Irak, la Jordanie et la Palestine- Israël. Le choix du nom d’Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi, en plus de celui de « Calife Ibrahim » est révélateur des ambitions du nouveau califat. Dans sa proclamation, al- Adnani s’est d’ailleurs fait un devoir de célébrer les victoires militaires des premières décennies de l’islam, et de rappeler que l’oumma avait « fait régner la justice sur Terre [...] et dominé le monde pendant des siècles ». Ce succès, pense-t-il, résulte directement de la foi que les musulmans ont placée en Allah et de l’adhésion de l’oumma aux préceptes du prophète Mahomet. Mais la conquête territoriale et la création d’un empire musulman – ou d’un État, comme préfèrent l’appeler les auteurs du nouveau califat – n’est pas une fin en soi. Elles visent un objectif bien particulier. 

L’infamie franco-britannique
Selon al-Adnani, il est indispensable d’en finir avec la disgrâce dont est victime l’oumma, avec son humiliation et sa soumission aux gouvernements « les plus vils ». Deux jours après avoir été proclamé calife, al-Baghdadi a tenu des propos bien plus précis. La chute du dernier califat – et, avec lui, la perte d’un État – a conduit à l’humiliation et la perte d’autonomie des musulmans dans le monde entier, expliquait-il. Ce statut apatride a permis aux « infidèles » d’occuper les terres musulmanes, d’y installer des gouvernements autoritaires et de propager les mensonges des Occidentaux. Ce récit assez confus fait allusion à la dissolution, après la Première Guerre mondiale, de l’Empire ottoman, qui a régné sur la majeure partie de l’Asie de l’Ouest pendant quatre siècles. 

Le chef de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi
Les empires britannique et français se sont alors partagé des territoires considérables dans la région, qu’ils contrôlèrent pendant plusieurs décennies. Et quand ils durent y renoncer, ces États coloniaux ne ménagèrent pas leurs efforts pour mettre en place des régimes qui serviraient leurs intérêts et, plus généralement, ceux des Occidentaux. Pour les dirigeants de l’État islamique, ces agissements n’ont jamais cessé d’alimenter la stagnation de l’oumma, à qui l’on a ôté l’essence même du pouvoir contemporain : la souveraineté, c’est-à-dire une indépendance politique enracinée dans un territoire géographique donné. C’est la raison pour laquelle al-Baghdadi estime qu’il est urgent de ressusciter le califat afin de mettre un terme à cette absence funeste. Dans un tout autre état d’esprit, l’universitaire S. Sayyid, installé au Royaume-Uni, est parvenu à une conclusion similaire en 2014. La preuve la plus nette de la primauté de cet objectif politique dans l’agenda de l’État islamique apparaît clairement dans la propagande du nouveau califat, qui joue un rôle clé dans le projet de l’État islamique. À l’occasion de la proclamation de ce califat, ils ont publié une vidéo intitulée La Fin de Sykes- Picot. Signés en mai 1916, les accords secrets franco-britanniques, dits Sykes-Picot, prévoyaient le partage de l’Empire ottoman en zones d’influence et d’administration directe pour les deux empires européens. Mais les bolcheviks découvrirent une copie de cet accord dans les archives russes en novembre 1917, peu de temps après la Révolution, et en révélèrent l’existence au monde entier. 

Les accords Sykes-Picot
Contrairement à ce que suggère cette vidéo, les accords Sykes-Picot n’ont donc pas dessiné les frontières des États créés sur les décombres de l’ex-Empire ottoman. Mais cette erreur ne doit pas nous empêcher de mesurer l’importance qu’ont ces accords aux yeux de l’État islamique, ni la portée de ce qu’ils nous disent du califat. Au Moyen-Orient, ces accords sont en effet devenus les symboles de la trahison et du complot occidental dans la région, mais aussi de la manière dont les Européens se sont servis de leur empire colonial pour priver les peuples de la région de leur souveraineté. Le but avoué de l’État islamique est d’en finir avec cet héritage. Ce qui explique pourquoi « La Fin de Sykes-Picot », parmi tant d’autres sujets possibles, fit l’objet de la toute première vidéo accompagnant la proclamation du califat. Pour al-Baghdadi, islam et souveraineté sont indissociables – ce qui explique la nécessité d’un État islamique, et le choix précis de ce terme au détriment de celui d’« empire », qui décrit pourtant mieux les objectifs expansionnistes de son califat. Il ne s’agit pas, en effet, d’une simple question de sémantique : ce choix est au cœur de la raison d’être de l’État islamique. Le califat, soutiennent les dirigeants du groupe terroriste, est indispensable pour mettre fin aux conséquences de l’impérialisme et du colonialisme européens. Il s’agit donc d’une tentative de s’émanciper du joug colonial et d’accéder à une oumma post-colonialiste. Souveraineté et lutte pour l’indépendance vont souvent de pair. L’ordre mondial né des cendres de la Première Guerre mondiale, et incarné par la Ligue des Nations puis les Nations unies, place l’idée de souveraineté au cœur de notre concept de puissance. Dans ce système, l’absence d’État est synonyme d’absence de pouvoir. La défaite militaire de l’État islamique, et la perte des territoires conquis, anéantiraient toute notion de souveraineté, et donc de califat. Mais cette éventuelle défaite ne résoudrait pas la problématique du sentiment d’impuissance qui a nourri l’idée de califat en 2014. Au contraire, elle ne ferait que le renforcer. Les vrais défis qui se posent sur le long terme aux adversaires de l’État islamique ne concernent donc pas seulement la chute du califat – qui sera indubitablement compliquée – ni même une hypothétique victoire contre l’« extrémisme ». Il faudra surtout vaincre le cri de ralliement de l’État islamique : l’aliénation des musulmans dans l’ordre mondial. 
 
The Conversation
4 mars 2016
James Renton

Traduit par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.



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février 21, 2016

Essais: Les clivages gauche/droite et plus; mais pourquoi ? Et les libertariens qui sont-ils ?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.




Sommaire:

A) Alors être de gauche ou de droite, pourquoi faire ? - Xavier Alberti - http://xavieralberti.org

B) Être de droite a-t-il encore un sens ? - FIGARO VOX Vox Politique

C) Droite de Wikiberal

D) Gauche de Wikiberal

E)  Les libertariens sont-ils à droite? - Plusieurs auteurs au sein de QL

F) Gauche/Droite : vraie ou fausse dichotomie politique ? - Nathalie Elgrably-Lévy - Contrepoints

G) Naît-on ou devient-on libéral, socialiste ou conservateur ? - Le Minarchiste - Contrepoints

H) où se niche le clivage droite gauche? réaction de M. Hirch - Nl-Obs avec Alain Genestine et Lumières et Liberté

I) Clivage Gauche, Centre et Droite: Quelle démagogie! Publié le par A. Genestine










A) Alors être de gauche ou de droite, pourquoi faire ?

Dans un monde qui vit une révolution digne de celle de Gutenberg et dans un pays qui suffoque chaque jour un peu plus sous le poids des conservatismes, il faudrait forcément être d’une catégorie, d’un parti ou d’un clan pour être légitime. Ce décalage historique et cette hémiplégie intellectuelle et politique voudraient nous ramener à une France qui n’existe plus et à des catégories qui ont démontré leur incapacité à agir efficacement. Pour transformer la France, il faut d’abord transformer notre façon de penser.

En France, il faut être de gauche ou de droite, socialiste ou libéral, patriote ou mondialiste. C’est ainsi, il n’y a pas d’échappatoire. En tout cas, c’est le choix auquel il faudrait se soumettre à chaque fois que l’on ose un avis, un projet, ou pire, que l’on nourrit une ambition pour ce pays.

Il y a derrière ce réflexe conditionné la marque d’un modèle organisé pour se reproduire sans cesse et chasser ainsi les gêneurs qui voudraient le renouveler. Il y a également au creux de cette taxinomie filandreuse la marque d’une division profonde de la communauté nationale, qui année après année, mois après mois, n’en finit plus de se disloquer, se diviser pour se retrouver dans les chapelles dont on ne sort plus que pour empêcher les autres d’entrer.

Pire encore, c’est au nom de postures idéologiques sur lesquelles se sont fondés 40 ans de désastres économiques et sociaux, qu’il faudrait continuer à se positionner. De quoi la droite et la gauche sont elles les glorieuses solutions pour qu’on les vénère au point de vouloir finir nos vies, enfermés dans leurs certitudes et finalement leurs éclatantes faillites.

Par ailleurs, que reste-t-il de la gauche et de la droite quand la première a abandonné la classe ouvrière pendant que la seconde abandonnait la nation ? Que reste-t-il de la gauche et la droite quand il ne reste de leurs convictions que celle de suivre le dernier sondage publié ? Que reste-t-il de la gauche et la droite quand l’alternance ressemble au scenario d’ « Un jour sans fin », où les mêmes causes produisent invariablement les mêmes politiques qui conduisent aux même désastreux effets. Que reste-t-il de la gauche et de la droite quand les deux se soumettent aux lobbies en oubliant systématiquement de servir le seul qui les élit et au nom duquel ils devraient gouverner, le peuple.

La vérité c’est que la gauche et la droite se sont fondues dans une seule et unique caste pour protéger leurs précieux acquis, gagnés à la force du réseau, de la naissance ou de la reproduction endogamique d’une élite qui n’en a plus que le nom.

Loin de la gauche et de la droite, voilà le nouveau clivage qui divise finalement la France et nous entraine vers les rivages de la violence sociale :

– d’un côté « les Protégés », du chômage, de la pauvreté et des crises, ceux pour qui il existe toujours une fonction, un mandat, un siège d’administrateur, une fondation, un observatoire, une mission, ceux qui ne risquent jamais rien, à commencer par l’argent qu’ils gagnent pour se contenter de vivre grassement de l’argent des contribuables et quand il ne suffit plus, de celui de notre colossale dette publique ;

– De l’autre, « Les Exposés » au chômage, à la pauvreté, à la précarité, à toutes les crises surtout quand elles se jouent dans les hautes sphères d’une vertigineuse finance que plus personne ne comprend, les ouvriers, les petits commerçants, les artisans, les entrepreneurs, ceux qui loin de rester le cul vissé à un siège, gagnent quotidiennement le salaire que seul le travail leur mérite, ceux qui loin des tours de passe-passe algorithmiques de la bourse ont investi dans leur four à pain, la rénovation de leurs chambres d’hôtels, leur camion de livraison, la terrasse de leur café, leur modeste T2 en ville « pour qu’un jour les enfants puissent y faire des études », ceux qui cumulent trois emplois de 15 heures pour boucler leur fin de mois en serrant les dents, bref ceux qui se donnent du mal et ceux qui ont mal, c’est à dire tous ceux qui s’exposent en permanence pendant que d’autres se protègent de tout, du risque, de la crise et même parfois des lois.

Alors être de gauche ou de droite, pourquoi faire ? La France a-t-elle encore besoin de cette grille de lecture-là si ce n’est pour lire l’acte de décès d’une République qui n’assume plus sa laïcité, qui n’est plus sociale et qui d’Ajaccio à Calais, semble de moins en moins indivisible.
Le fait est que c’est bien de l’inverse dont la France a un besoin urgent, d’écoute, d’empathie, d’ouverture et surtout, surtout, de renouvellement, aussi bien des hommes que des cases dans lesquelles ils finissent par croupir.

Il y a des moments où il est facile de se rassembler sur un ennemi commun et d’autres où il faut savoir se rassembler sur une espérance commune. Cette espérance d’un avenir meilleur se nourrit de ce qui comble bon nombre de fossés idéologiques, de divisions partisanes ou de divergences politiques, et qui se niche au creux des bonnes volontés.

Transgresser les clivages pour réfléchir ensemble, agir ensemble, imaginer ensemble un avenir pour la France et finalement gouverner ensemble, c’est que nous avons voulu en fondant La Transition (www.la-transition.fr), parce que nous savons qu’en des temps exceptionnels, ce qui nous réunit est plus important, plus profond et finalement plus puissant que ce qui nous divise.

La France est à ce croisement de son Histoire où elle doit transcender ses vieux clivages pour poser les bases d’un nouveau partage et d’un nouveau contrat social et républicain sans quoi, elle continuera de glisser vers la division et la communautarisation qui mènent à l’explosion.
Tout ce qui est concevable est réalisable. Il reste au peuple français de concevoir ce qu’il peut réaliser.

Xavier Alberti
http://xavieralberti.org



B) Être de droite a-t-il encore un sens ?

A huit mois de la primaire de la droite et du centre, le chercheur Marc Crapez s'interroge sur ce que signifie le fait d'être de droite. Il estime que la «droitisation» des débats est une escroquerie intellectuelle.

Quelle fracture idéologique persiste-t-elle entre la droite et la gauche?
Le rassemblement de la gauche s'effectue sous le mot de ralliement: «battre la droite et l'extrême-droite»! Dès lors, érigé en impératif catégorique, cet anathème alimente une fracture idéologique, pour reprendre votre expression. En fait, la violence politique physique a considérablement régressé. Mais la virulence verbale demeure importante. Droite et gauche se distinguent par leur rapport à l'histoire, la droite jugeant prudent de tenir compte de la nature humaine ; par une conception différente du calendrier, la droite évitant de précipiter les choses ; et par une vision différente du pouvoir, la droite estimant qu'il faut le voir à l'œuvre.

Comme je l'écrivais ici même, en octobre 2014, propos que le journal L'Humanité a reproduit in extenso

«On peut énumérer cinq grands tabous de gauche: la fonction publique, l'immigration, le couple dirigisme-redistribution (pour corriger les maux sociaux sous la dictée de grands principes), le “pas d'ennemis à gauche” et le mythe de la gauche. La gauche française, l'une des plus à gauche au monde, n'a pas encore procédé à un aggiornamento qui l'affranchirait de son dogmatisme».

Le coeur des débats s'est-il droitisé? Vous semblez le réfuter dans votre livre Eloge de la pensée de droite
Oui, c'est vrai. Je consacre un chapitre à réfuter l'idée que le centre de gravité des débats se serait droitisé. Le terme de droitisation est issu du langage du Politburo sous Staline, destiné à stigmatiser le déviationnisme de Boukharine. Il sous-entend, au fond, une glissade vers l'extrême-droite. Il s'agit d'une escroquerie intellectuelle pour six raisons: elle ne correspond pas aux tendances observables dans la vie politique française, elle est inférée par des sondeurs à partir de questions biaisées, elle est certifiée sans qu'il soit jamais question de la gauchisation son contraire, elle traduit en fait l'épuisement du processus de gauchisation structurelle qui nourrit chez les élites une impression subjective de droitisation conjoncturelle, c'est une arme idéologique destinée à relancer le moteur de la gauchisation en culpabilisant l'adversaire, c'est enfin une stratégie qui déplace subrepticement les pions sur l'échiquier afin de dissimuler une droitisation circonstancielle du parti socialiste.

Les tendances observables dans la vie politique française indiquent depuis quarante ans un processus continu de gauchisation. Primo, il n'existe plus de personnalités aussi à droite que Poniatowski ou Pasqua. Secundo, ce sont des personnalités comme Chirac ou Juppé qui ont effectué des glissades de gauchisation (le premier était surnommé «facho-Chirac» et le second prônait le «retour au pays» des immigrés). Tertio, en dépit des accusations et procès d'intention, la question des alliances électorales avec le Front national n'a jamais été aussi peu à l'ordre du jour (même pour des personnalités considérées comme droitières, tels Xavier Bertrand et Christian Estrosi). Quarto, si la droite n'a pas bougé, le FN suit un processus de «dés-extrême-droitisation» depuis deux décennies.

Il s'agit de faire croire à une dérive vers la droite afin de mieux la contrecarrer, tout comme l'idée de montée du FN est chargée de mobiliser en sa défaveur pour le faire baisser. Et beaucoup relaient cette idée de droitisation, se faisant ainsi les «idiots utiles» de ceux qui l'utilisent pour empêcher tout correctif vers la droite.

Existe-t-il un complexe de l'homme de droite qui trancherait avec une éventuelle fierté de l'homme de gauche?
Oui, puisque la personne de gauche se déclare plus facilement à son entourage, ou aux sondeurs, tandis que la personne de droite use volontiers de divers périphrases. Pour échapper à la stigmatisation, on prétexte souvent, à droite, que l'on n'est «pas de gauche», ou «ni de droite, ni de gauche», ou «au centre», ou «à l'écart» du clivage gauche droite.

En second lieu, au sein des professions intellectuelles, la gauche s'assume comme telle, alors que la personne de droite, de peur de se retrouver isolée sinon «blacklistée», affiche souvent un souci d'ouverture afin de donner des gages. Concrètement, un éditeur peut se permettre d'avoir un catalogue d'auteurs exclusivement de gauche, mais la réciproque n'est plus possible. Autre exemple, un politologue de gauche -qui propage les idées jumelles de droitisation, de mort de la gauche et de silence des intellectuels-, va être interviewé dans des médias de droite, alors qu'il ne viendrait pas à l'idée d'un média de gauche d'interviewer un politologue de droite.

Cette question des professions intellectuelles est importante puisque celles-ci contribuent à «faire l'opinion» et qu'elles penchent nettement à gauche. Dans ces milieux, l'expression «marqué à droite» n'a pas son équivalent pour la gauche. Il est, en effet, considéré comme légitime d'être très à gauche et l'expression «extrême-gauche» est prohibée, on doit dire la «gauche de la gauche». À l'inverse, les intellectuels sont prompts à «extrême-droitiser» tout ce qui déborde «à droite du centre-droit», selon la formule de l'un d'eux.

Tous les sujets sont-ils abordés ou certains sont-ils occultés pour éviter de «faire le jeu du FN»?
Poser la question n'est-il pas déjà une façon d'y répondre? Jean-François Revel évoquaient jadis «la masse des interprétations stupides que suscite l'existence du FN». En fait, c'est encore plus grave que cela. Si le personnel politique est incapable de réformer la France depuis trente ans, ce n'est pas dû à une sorte de médiocrité d'ensemble. Hormis la génération façonnée par la Résistance, le personnel politique fut fort médiocre à certaines périodes de la troisième République ou de la Quatrième (de Charles Dupuy à Maurice Bourgès-Maunoury).

L'incapacité à réformer est dû à une série de causes telles que l'emballement européiste (à distinguer de l'enthousiasme pro-européen), l'obsession du Front national, la phobie du populisme, la propagande anti-libérale, la paresse démagogique, l'éclipse des grandes figures de droite (mort de Raymond Aron puis d'Annie Kriegel). Au total, le facteur FN prédomine. Il obnubile et obscurcit le jugement. Son impact est comparable à celui du traumatisme du «2 décembre». La fixation des républicains sur leur hantise de la reproduction d'un coup d'Etat à la Napoléon III empêcha durant un siècle la stabilisation de l'exécutif (jusqu'à la cinquième République). 

Le «gaullisme social» dont se revendique tout le monde à droite existe-t-il encore dans les faits?
Le gaullisme social est devenu un mythe. C'est une sorte de sobriquet que la gauche médiatique emploie pour ne pas appeler son chouchou «mon chouchou». Hier, c'était François Fillon contre Jean-François Copé ; aujourd'hui, c'est Alain Juppé contre Nicolas Sarkozy. Bref, le gaulliste social se voit décerné par la gauche un label de fréquentabilité ou brevet de dé-droitisation.

Qui paraît être en mesure de gagner la guerre que les droites vont se livrer lors de la campagne de la primaire de novembre prochain?
Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire me paraissent les mieux placés. La hauteur de l'enjeu laminera, je crois, les «petits» candidats, y compris Hervé Mariton et Nadine Morano, qui occupent plus ou moins le segment «droitier» jadis incarné par Christine Boutin ou Nicolas Dupont-Aignan. Quant à François Fillon et Alain Juppé, leurs chances me paraissent obérées par le fait qu'ils se sont mis dans des postures quelque peu ridicules, incompatibles avec l'esprit français. Juppé bénéficie néanmoins d'un puissant appui des élites, sans compter ce que j'appelle le syndrome de Mac-Mahon, une propension française à s'en remettre à un vieillard, ce qu'il sera, au cours d'un éventuel second mandat, en devenant octogénaire.

Quelle part jouera la communication? Quel sera la part laissée aux convictions politiques?
La question se pose effectivement. On a l'impression que des spin-doctors à l'américaine sont à la manœuvre. Avec des stratégies à géométrie variable, selon que l'on s'adresse à telle ou telle clientèle. Alain Juppé ne se prononce-t-il pas, dans son dernier livre, en faveur d'une déchéance de nationalité qu'il a plutôt dénigrée depuis? Et je m'empresse de préciser que les autres candidats ne sont pas exempts de ce travers. En revanche, il faut se garder de jugements trop sévères brodant autour du cliché «rien de bien nouveau»! C'est souvent vite dit. Les idées ne courent pas les rues. Les idées nouvelles ne sont pas légion. Les brides d'idées nouvelles ou les réagencements d'idées anciennes peuvent devenir novateurs.

Il est trop facile d'intenter le procès des hommes politiques par rapport aux hommes de plume, qui souvent deviennent eux aussi des hommes de micros. Au story-telling des hommes politiques correspond la «people-isation» du débat d'idées. Ce sont les élites en général qui sont en roue libre. En décembre 2015, un journal classa Hollande parmi les personnalités les mieux habillées au monde. En avril 2015, Malek Boutih, Benoît Hamon, Alain Juppé figuraient dans un top 20 d'hommes politiques les plus sexy!

Selon vous, quelle est la vision de la droite qui sortira de cette primaire de la droite et du centre?
Je n'en sais rien mais je voudrais répondre un peu à côté, au sujet de votre formule sur la droite et le centre. Bruno le Maire déclarait le 14 mai 2012, sur LCP: «Est-ce que la droite républicaine et du centre défend la nation?». Cette formule, répétée à deux reprises est, à proprement parler, un janotisme, une tournure absurde («la droite du centre», autant dire le football du rugby, ou le Canada de la France). Or, on comprend bien qu'il ne s'agit pas d'un lapsus, mais d'un souci de désamorcer le fait de parler de «nation» en montrant qu'on n'est pas d'extrême droite.

On touche du doigt la grande inhibition sémantique dictée par la gauche. Pour échapper à la stigmatisation du mot d'ordre de gauche contre «la droite et l'extrême droite», les notables LR se réclament du centre-droit. Dans mon livre Naissance de la gauche, j'avais souligné ce problème d'équation sémantique qui handicape la droite: difficile de convaincre que l'on est meilleur que la gauche dès lors que l'extrême-droite, qui contient le mot droite, incarne l'erreur absolue. Peu après, Patrick Devedjian, dans son livre Penser la droite, m'avait cité longuement sur ce point.

J'ajoute une anecdote. Valéry Giscard d'Estaing m'avait remercié de l'envoi de mon livre Naissance de la gauche par une formule probablement dictée à un secrétaire: «Toutes mes félicitations pour cette recherche historique précise et enrichissante et, dans les dernières pages, pour votre analyse pertinente des malheurs de la droite». Et le signataire avait fait un ajout manuscrit à cette phrase en écrivant «et du centre». Où l'on voit que, dans un deuxième temps, il s'était repris pour ne pas déroger aux codes en vigueur.

Marc Crapez est chercheur en science politique associé à Sophiapol (Paris-X). Il est l'auteur de Un besoin de certitude et Je suis un contrariant (Michalon). Son Eloge de la pensée de droite est paru en février 2016 aux éditions Jean-Cyrille Godefroy. Vous pouvez également retrouver ses chroniques sur sa page ou son site






C) Droite de Wikiberal

La droite s'est toujours définie par opposition à la gauche (et inversement). Originellement, la droite rassemblait autour de la haine du progrès, plutôt qu'autour d'un projet véritablement assumé. Les gens de droite sont donc le plus souvent des conservateurs. Les libéraux en ont été généralement les principaux opposants.

Le libéralisme est-il de droite ?

En toute rigueur, le libéralisme ne peut être classé ni à droite ni à gauche. En déduire qu'il est "centriste" serait aussi une erreur, sauf à dire qu'il est éloigné tant des tendances redistributives de la gauche (et aussi de la droite) que des tendances autoritaires de la droite (et aussi de la gauche), ces deux types de tendances reposant sur l'étatisme et l'interventionnisme, réprouvés par les libéraux :
« Les conservateurs veulent tous être votre papa, qui vous dit ce qu'il faut faire et ne pas faire. Les sociaux-démocrates veulent tous être votre maman, qui vous nourrit, borde vos draps et vous mouche. » (David Boaz, Libertarianism: A Primer)
Les libéraux sont « ailleurs » et il est erroné de les situer à droite ou à gauche. Ils sont favorables à la liberté individuelle dans tous les domaines, précisément parce que la vie des hommes ne peut pas se découper en tranches, avec une partie économique, une partie sociale ou une partie familiale. (Pascal Salin)
Si on tient à tout prix à coller des étiquettes politiques sur les libéraux, on aura :
La confusion est à son comble quand on voit des étatistes forcenés qui se proclament libéraux (c'est parfois le cas de l'extrême-droite nationaliste), ou sont considérés (à tort) comme des libéraux (alors que ce sont des conservateurs ou des néoconservateurs), et des anti-libéraux dont l'antilibéralisme repose sur une idée fausse du libéralisme, alors qu'ils seraient en fait très proches des libéraux s'ils pouvaient écarter leurs idées reçues ! Le libéralisme sert souvent de repoussoir, tant chez les gens de droite, qui refusent le laissez-faire, la liberté d'expression ou la liberté des moeurs, que chez les gens de gauche, qui refusent le marché, l'entreprise et la liberté économique : droite et gauche se retrouvent souvent pour flétrir ce qu'ils appellent « l'ultra-libéralisme », alors qu'il s'agit en fait du libéralisme le plus classique qui combat l'étatisme et l'interventionnisme.
En réalité, l'épouvantail du libéralisme (ou de l'ultralibéralisme) est une aubaine pour tous les politiciens, de droite comme de gauche, car le véritable ennemi de la politique est bien le libéralisme, qui, en minimisant le rôle de l'État, tend à arracher leur pouvoir aux politiciens pour le redonner à la société civile.

Histoire

En France, historiquement, à partir de 1789, les libéraux constituent un mouvement de gauche jusqu’à la fin du XIXe siècle. Benjamin Constant est le chef de la gauche libérale. Alexis de Tocqueville siège au centre gauche et il en sera de même plus tard de Léon Say, le petit-fils « libéral conservateur » de Jean-Baptiste, ou encore d’Yves Guyot[1].
Selon les pays et les circonstances, les libéraux se retrouvent à « gauche » (lorsque le libéralisme économique est retenu et que le conservatisme s'exerce sur les mœurs : cas des USA, ou de la France du XIXe siècle), à « droite » (inversement quand l'interventionnisme économique et les services publics sont retenus mais les mœurs relativement libres : cas de la France) ou « nulle part » (cas du Royaume-Uni où le parti libéral de Lloyd George n'a pas survécu à la deuxième guerre mondiale).
« S'il fallait désigner une catégorie de Français qui détestent le libéralisme plus encore que les autres, alors ce seraient les politiques. Presque tous consacrent une partie de leur activité à dénoncer ses prétendus méfaits. Aucun grand ténor ne le tient en estime (...) et depuis la Libération - en fait depuis les années vingt - personne, à droite ni à gauche, ne s'est jamais tenu à une politique libérale.
A gauche comme à droite cette allergie au libéralisme est d'autant plus curieuse que les deux camps pourraient y retrouver des racines et y nourrir un projet : la gauche, revendiquant l'héritage des grands mouvements de lutte contre la tyrannie, devrait aimer le mot même de « libéralisme », la promesse de progrès qu'il porte en lui, son culte de la différence. La droite, plus soucieuse, elle, d'ordre et d'épanouissement personnel, devrait chérir cette doctrine fondée sur un droit à la réussite garantissant la stabilité sociale. L'une et l'autre devraient y trouver, surtout, comme le montrent les expériences étrangères, les moyens et les instruments pour enfin lutter efficacement contre le chômage qu'elles dénoncent justement comme le fléau de notre temps, le cancer de notre pays.
Pourquoi cet aveuglement collectif de la gent politique, qui entretient celui du pays ? Parce que les hommes politiques français sont comme leurs compatriotes : ils tiennent à leur emploi ! »
Extrait de L'Aveuglement français, de Philippe Manière, 1988.

Notes et références

  1. Idée reçue : le libéralisme, une doctrine de droite ?

Citations

  • « Qu'on soit de droite ou qu'on soit de gauche, on est toujours hémiplégique. » (Raymond Aron)
  • « Les libéraux ne sont pas à droite, ils sont « ailleurs » et on ne peut pas leur appliquer des étiquettes - droite ou gauche - dont seuls les constructivistes peuvent être affublés. » (Pascal Salin)
  • « Le libéralisme est à l’opposé de la droite conservatrice ou réactionnaire. Je m’en sens très éloigné. Je suis beaucoup plus proche de ceux qui défendent les droits de l’homme, fussent-ils anarchisants. Il n’est pas question de défendre les privilèges ni les rentes de situation. Dans ses Soirées de la rue Saint-Lazare (ouvrage publié en 1849), Gustave de Molinari met en présence un socialiste, un conservateur et un économiste (mot alors synonyme de « libéral »). Les deux premiers sont généralement d’accord parce qu’ils veulent construire la société à leur guise, tandis que le troisième est presque toujours en désaccord avec eux. Ce n’est pas pour rien que l’auteur a été qualifié d’anarcho-capitaliste : le libéral est un anarchiste qui défend la propriété ! » (Pascal Salin)
  • « Il est (...) intéressant (...) de se demander pourquoi la droite refuse l’idée même de se dire libérale. La raison de ce paradoxe profond réside dans le fait qu’un système reposant sur la poursuite de l’intérêt personnel, qui explique que c’est parce que chacun pratique le self-love que tous s’enrichissent, est difficile à comprendre pour beaucoup et heurte la morale commune de presque tous. » (Serge Schweitzer, Libres ! 100 idées, 100 auteurs)
  • « Le libéralisme n'est ni de droite ni de gauche. Le libéralisme est une théorie du droit qui délégitimise la politique. Droite et gauche sont des étiquettes d'affiliation tribale dans les conflits politiques. Si une personne est « de gauche » ou « de droite », elle n'en est pas pour autant libérale. Si l'on est libéral, on n'en est pas pour autant « de gauche » ou « de droite ». » (Faré, 12/02/2014)
  • « La prochaine fois que des professeurs d’université vous expliquent combien la diversité est importante, demandez-leur combien d’intellectuels de droite travaillent dans leur faculté de sciences sociales. » (Thomas Sowell

  • 5 Voir aussi
  • 6 Liens externes





D) Gauche de Wikiberal


Le terme gauche désigne généralement les partis ou doctrines défendant des thèses socialistes, communistes, social-démocrates ou assimilées, en économie, et des thèses libérales sur les sujets de société ou les questions de mœurs.

Point de vue libéral

Les libertariens contestent l'opposition droite/gauche ; pour eux, ce dualisme simpliste est dépassé si l'on pose comme point de départ à la politique l'impérieuse nécessité de respecter d'abord les libertés individuelles. Extrait du Manifeste libertarien de Murray Rothbard :
« Si personne n’a le droit d’agresser quelqu’un d’autre, en bref, si chacun a le droit absolu d’être « libre » de toute agression, il s’ensuit immédiatement que le libertarien approuve pleinement ce qu’on appelle généralement les « libertés civiles » : liberté d’expression, de publication, d’association, liberté de « commettre » des délits sans victimes tels que la pornographie, les « déviations » sexuelles, la prostitution, la drogue, toutes choses que le libertarien ne considère pas du tout comme des délits, puisqu’il ne s’agit pas d’agression à l’encontre d’une autre personne ou de sa propriété. En outre, il considère la conscription comme un esclavage à grande échelle. Et puisque la guerre, et plus particulièrement la guerre moderne, entraîne l’exécution massive de civils, le libertarien considère de tels conflits comme du meurtre de masse, et donc comme quelque chose d’absolument illégitime.
« Tous ces points de vue sont considérés comme « de gauche » sur l’échelle idéologique contemporaine. D’autre part, le libertarien s’opposant à l’agression contre le droit de propriété privée, il s’oppose tout aussi vigoureusement à l’intrusion du gouvernement dans les droits de propriété et dans l’économie de marché au travers de contrôles, règlementations, subventions ou interdictions. Car si chaque individu a le droit de posséder et de ne pas être agressé et volé, alors il a aussi le droit de se défaire de sa propriété (par la transmission ou l’héritage) et de l’échanger contre la propriété d’autres personnes (liberté de contrat et économie de marché libre) sans subir d’intrusion. Le libertarien est donc en faveur d’un droit de propriété sans restriction et du libre-échange, c’est-à-dire d’un système capitalistique de laissez-faire.
« Le libertarien ne voit aucune incohérence à être « de gauche » dans certains domaines et « de droite » dans d’autres. Au contraire, il considère que sa position est quasiment la seule qui soit cohérente du point de vue de la liberté individuelle. »
Un grande partie des libéraux refusent la distinction simpliste entre « gauche » et « droite » et préfère par exemple une classification sur deux axes telle que le diagramme de Nolan :
Les libéraux sont « ailleurs » et il est erroné de les situer à droite ou à gauche. Ils sont favorables à la liberté individuelle dans tous les domaines, précisément parce que la vie des hommes ne peut pas se découper en tranches, avec une partie économique, une partie sociale ou une partie familiale. (Pascal Salin)
Les libéraux jugent incohérents ceux qui soutiennent les libertés individuelles mais refusent la liberté économique. Certains se définissent comme libéraux de gauche et rappellent que le terme de « gauche » n'a pas toujours été associé au collectivisme ou à l'étatisme.

La gauche en France

Analysant la « gauche » et ses mythes dans L'Opium des intellectuels, le philosophe français Raymond Aron en propose une typologie en trois catégories :
  • la gauche organisatrice, autoritaire, nationale sinon nationaliste, parfois impérialiste (en faveur de la colonisation au XIXe siècle) ;
  • la gauche libérale qui se dresse contre le socialisme et qui est internationaliste ;
  • la gauche égalitaire, qui semble condamnée à une constante opposition contre les riches et puissants.
Pour Philippe Nemo, la caractéristique de la gauche, en France, est d'être "antilibérale, anticapitaliste, de prôner toujours plus d’État : la solution aux problèmes est que l'État s'en occupe, et il ne peut s'en occuper qu'en prenant plus d'impôts"[1].
Une explication à l'antilibéralisme d'une partie des gens de gauche peut être simplement économique : la plupart d’entre eux auraient un niveau de vie bien moins important s’ils étaient confrontés aux lois du marché, plutôt que dépendants de l’État ou des privilèges que celui-ci leur octroie.
On peut aussi caractériser la gauche française par sa prétention à représenter le camp du bien, ou le camp de la morale, ce qui l'amène à soutenir des positions antilibérales (par exemple des restrictions à la liberté d'expression, le soutien à certains dictateurs, l'apologie d'un étatisme forcené, etc.) sans référence ni aux faits ni aux droits individuels ("mieux vaut avoir tort avec Sartre que raison avec Aron"). Cela lui permet d'exercer un terrorisme intellectuel tel qu'il oblige très souvent la droite à adopter les mêmes points de vue qu'elle sous peine de diabolisation. En détournant l'attention sur les turpitudes de l'adversaire, elle parvient même à faire oublier ses propres turpitudes (soutien à la collaboration avec l'occupant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale ; soutien aux dictateurs communistes ; apologie de la pédophilie, du négationnisme ; antisémitisme[2] ; etc.) :
Alors que la droite incarnait les valeurs morales, et la gauche au contraire une certaine exigence historique et politique contradictoire, aujourd’hui, celle-ci, dépouillée de toute énergie politique, est devenue une pure juridiction morale, incarnation des valeurs universelles, championne du règne de la Vertu et tenancière des valeurs muséales du Bien et du Vrai, juridiction qui peut demander des comptes à tout le monde sans avoir à en rendre à personne. (Jean Baudrillard, article de Libération, 1997)
Il y a beaucoup plus de mensonges de gauche que de droite. (...) L’évocation des crimes de gauche n’est possible de façon suivie que dans quelques revues spécialisées, dans quelques colloques dont les participants se voient aussitôt classés à l’ultra-droite. (Jean-François Revel, La connaissance inutile)
Comme Tartuffe, les socialistes se servent de la morale, qui est utilisée par eux comme un instrument de domination sur les autres et non comme quelque chose qui doit être vécu intérieurement. Cette hypocrisie qui autorise une captation illégitime des biens [des autres aboutit] toujours et partout à un appauvrissement général. (Charles Gave)

Citations

  • A gauche comme à droite cette allergie au libéralisme est d'autant plus curieuse que les deux camps pourraient y retrouver des racines et y nourrir un projet : la gauche, revendiquant l'héritage des grands mouvements de lutte contre la tyrannie, devrait aimer le mot même de "libéralisme", la promesse de progrès qu'il porte en lui, son culte de la différence. La droite, plus soucieuse, elle, d'ordre et d'épanouissement personnel, devrait chérir cette doctrine fondée sur un droit à la réussite garantissant la stabilité sociale. L'une et l'autre devraient y trouver, surtout, comme le montrent les expériences étrangères, les moyens et les instruments pour enfin lutter efficacement contre le chômage qu'elles dénoncent justement comme le fléau de notre temps, le cancer de notre pays. (Philippe Manière, L'Aveuglement français[3])
  • Si l'histoire est un guide de quelque valeur, s'il est vrai que la droite incarne l'ordre et la conservation, alors le libéralisme, incontestablement est de gauche. (Philippe Manière, L'Aveuglement français[4])
  • Qu'on soit de droite ou qu'on soit de gauche, on est toujours hémiplégique. (Raymond Aron)
  • Je n'ai jamais cessé de me considérer comme étant de gauche. A l'origine, être de gauche, c'est lutter pour la vérité et la liberté, et pour le maximum de justice sociale. Mais une justice sociale établie selon des méthodes qui marchent, pas selon des méthodes qui échouent, comme la redistribution à tout-va qui ne fait qu'affaiblir l'économie. (...) Ce qu'on appelle la gauche n'est plus aujourd'hui qu'un clan, une espèce de tribu, un ensemble de spécialistes de l'escroquerie dans les relations publiques, de manipulateurs habiles, qui ont l'art de présenter des idées et des théories qui ont amené les plus grandes catastrophes dans l'histoire de l'humanité comme étant des choses progressistes. (Jean-François Revel, Entretien dans Lire, février 1997[5])
  • Être de gauche, c’est accepter de laisser la logique être submergée par le sentimentalisme et renoncer à utiliser notre boîte à outils pour comprendre pourquoi ce qui devait arriver arrive toujours. (Serge Schweitzer, La droite française est-elle libérale ?, Libres ! 100 idées, 100 auteurs)
  • La gauche, c'est une salle d'attente pour le fascisme. (Léo Ferré)
  • Être de gauche en France, comme dans nombre de pays, est une forme de brevet de confort moral. Se dire de gauche, c’est, bien sûr, être du côté du beau, du bien, du progrès, de la vérité, etc. (Guy Millière)
  • C'est pas grave d'être de gauche... en général ça passe au premier relevé d'ISF. (Gaspard Proust) (humour)
  • Pour moi, les gens de gauche ça n'existe pas. Vous en connaissez des gens de gauche qui, lors de la chute du mur de Berlin, se soient enfuis à l'est ? (Gaspard Proust) (humour)
  • J’adorerais être de gauche. C’est un souhait, mais je trouve que c’est tellement élevé comme vertu que j’y ai renoncé. C’est un gros boulot, un dépassement de soi, c’est une attitude, une présence à l’autre… Il faut être "exceptionnel" quand tu es de gauche. Quand tu n’es pas de gauche, tu peux être moyen. Quand tu es de gauche, c’est l’excellence, le génie moral, le génie de l’entraide. C'est trop de boulot ! (Fabrice Luchini, France 2, 17/10/2013) (humour)
  • L’homme de gauche, le marchand du temple global, le kleptocrate, le médiacrate, le ponctionnaire aux ordres, le politicien, tous ces gens occupent la place et le rang qui sont les leurs par la destruction. Ils pillent un capital, un passé, un héritage, un stock et, ce faisant, ils chevauchent les forces de chaos qu’ils déclenchent. (Bruno Bertez, 14/01/2016)

Notes et références

  1. Entretien avec Claude Reichman sur Reichmantv le 9 mars 2012.
  2. Voir Les Antisémitismes Français de l'historien David Shapira (2011, p.54) à propos de l'antisémitisme de gauche de la 2ème moitié du XIXe siècle : Marx, Fourier, Jaurès, Proudhon, etc.
  3. Philippe Manière, L'aveuglement français, 1998, p.178-179
  4. Manière, ibid, p.129
  5. Jean-François Revel, Entretien avec Olivier Todd dans le magazine Lire, février 1997, [lire en ligne]

Pour aller plus loin

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes





E)  Les libertariens sont-ils à droite?

 Un lecteur, Philippe Texier, nous écrit: 
 
Les libertariens sont-ils ou ne sont-ils pas à droite? Si l’on utilise les définitions proposées par Marc Simard, auteur du récent essai Les éteignoirs, la gauche est un «mouvement rassemblant les partisans d'un certain égalitarisme socio-économique et de l'intervention de l'État dans la plupart des domaines de l'activité humaine et se déclarant réfractaire à la logique de l'économie de marché». La droite est un «mouvement rassemblant les partisans de la liberté individuelle et de l'économie de marché qui cherchent à limiter les interventions de l'État aux domaines où l'entreprise privée est incompétente ou inefficace, et qui soutiennent que le développement économique est une condition sine qua non à une répartition équitable de la richesse.» Il me semble que les libertariens sont clairement à droite non?
 
Le QL a déjà traité à plusieurs reprises de cette question. Voir par exemple: 

Les libertariens ont été et sont encore souvent identifiés à la droite parce que dans la dynamique politique de l'après-guerre et jusqu'à l'effondrement de l'URSS, ce sont les communistes qui constituaient la principale menace à la paix mondiale et à la liberté. Ils ont en grande majorité préféré s'associer à une mouvance de droite qui acceptait la démocratie libérale et se disait en principe favorable à l'économie de marché qu'à une mouvance de gauche qui sympathisait avec les communistes et qui souhaitait une croissance rapide du poids de l'État.
 -Martin Masse
Comme libertarien, je ne suis ni de gauche, ni de droite. Les deux représentent une vision collectiviste et étatiste du monde à laquelle je m'oppose. La gauche défend une étatisation abusive de la société sur le plan social et économique. Il s'agit de promouvoir cet État obèse et tentaculaire qui s'ingère dans la vie des citoyens par toutes sortes de réglementations abusives et protectionnistes. Le maternage et la déresponsabilisation des individus sont à l'honneur, et ce, au détriment de la responsabilisation et des initiatives volontaires. 

De son côté, un gouvernement de droite peut être tout aussi interventionniste. Prenons le cas du républicain George W. Bush qui depuis son arrivée au pouvoir a multiplié les interventions de l'État fédéral. Après les événements du 11 septembre, il fit adopter en catastrophe toute une série de mesures dont le Patriot Act qui a fait reculer considérablement les libertés individuelles des citoyens. Sur le plan intérieur, il n'hésite pas à utiliser le bras de l'État pour tenter d'imposer une définition traditionnelle du mariage, empêcher l'avortement, le suicide assisté ou encore imposer la prière dans les écoles. Au niveau international, il utilise la force de l'État pour multiplier les interventions militaires attisant la haine et la violence. Il faut également souligner que malgré les beaux discours d'ouverture du marché du président Bush, son pays est extrêmement protectionniste, incapable d'accepter la libre concurrence en provenance du Canada (bois d'oeuvre), de la Chine (textile) ou encore de l'Afrique (coton). En bout de ligne, cette fameuse constitution américaine pourtant très libertarienne ressemble à un vieux chiffon.
 -Mathieu Bréard
Gauche et droite sont des concepts politiques arbitraires, qui évoluent dans le temps et varient d'une société à l'autre et selon la perspective de chacun. On peut bien par convention ou pour simplifier le discours politique mettre à droite tous ceux qui ne sont pas clairement à gauche, y compris les libéraux et les libertariens. Mais si l'on veut être cohérent, il faut plutôt voir la droite comme une position étatiste, ce qui exclut ces derniers.

La gauche et la droite se rejoignent de fait dans leur acceptation du politique. Alors que les libertariens souhaitent diminuer le plus possible la sphère du politique et, en bout de ligne, l'abolir complètement par une privatisation complète de toutes les fonctions de l'État, la gauche comme la droite veulent imposer leurs valeurs à tous au moyen de la coercition étatique. Les valeurs et les fins diffèrent, mais le moyen utilisé est le même.

Au contraire, la philosophie libertarienne est fondée sur le rejet de l'utilisation de la coercition dans les rapports sociaux. Dans une société libertarienne, chacun pourrait s'associer librement avec qui il souhaite et vivre selon le modèle et les valeurs qu'il souhaite, dans la mesure où il ne tenterait de forcer personne à s'y conformer. La philosophie libertarienne prescrit simplement que les droits de propriété de chacun sur son propre corps et ses biens soient respectés.

Il faut bien distinguer les valeurs des moyens qu'on utilise pour les défendre. Il existe des libertariens fondamentalistes religieux et des libertariens athées, des libertariens individualistes et d'autres qui préfèrent vivre dans des communautés fortes, des libertariens qui défendent des valeurs culturelles traditionnelles et d'autres qui font la promotion d'un «transhumanisme» qui permettrait à l'être humain de se transformer grâce aux nouvelles technologies. Les valeurs défendues par les libertariens pris individuellement peuvent rejoindre celles de la gauche «progressiste» ou celles de la droite «conservatrice». La seule perspective fondamentale qui unit les libertariens est qu'ils refusent d'imposer leur propre vision du monde aux autres au moyen d'une institution fondée sur la coercition, en l'occurrence l'État.
 -Martin Masse

 


F) Gauche/Droite : vraie ou fausse dichotomie politique ?

Bien malin celui qui pourrait proposer une définition rigoureuse des termes gauche/droite tant ils ont été galvaudés.
 
Suite aux manifestations étudiantes et aux événements inqualifiables survenus à l’UQAM, la traditionnelle dichotomie gauche/droite est de nouveau au cœur de l’actualité et sert à identifier deux camps théoriquement antagonistes.

Les étudiants qui ont promis une crise sociale pour lutter contre l’austérité sont associés à la gauche. Et face à leurs momeries et à leurs tentatives infructueuses de créer un élan, il peut être tentant de conclure à un « recul de la gauche », et donc à une montée de la droite, sinon de l’extrême-droite au sens le plus péjoratif du terme.

Bien malin, toutefois, celui qui pourrait proposer une définition rigoureuse des termes gauche/droite tant ils ont été galvaudés. Tout clivage que ces termes pourrait inspirer ne peut être, au mieux, que dangereusement imparfait et agir comme agent de régression sociale. Cela dit, la gauche est souvent associée à la défense des libertés individuelles, mais se veut accusatrice des libertés économiques à travers ses diatribes contre l’entreprise et le profit. La droite, au contraire, est perçue comme l’avocate des libertés économiques, mais aussi comme la condamnatrice des libertés individuelles avec pour preuve son opposition au mariage gay et à l’avortement.

Or, ce genre de définitions ne repose sur aucun cadre d’analyse ou principe fondamental. Il relève plutôt d’une dissonance intellectuelle à la limite de la pathologie, car on ne peut, au gré des circonstances ou selon l’intérêt à défendre, être à la fois pour et contre la liberté. Soit on croit en la liberté comme concept philosophique indivisible respectant la formule proverbiale « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres », soit on n’y croit pas.

Pourtant, alors que la gauche milite pour que deux personnes soient libres de signer un contrat de mariage quel que soit leur sexe, elle refuse de les laisser libres de parapher d’autres formes de contrats, particulièrement ceux à saveur économique. Et tandis que la droite respecte la liberté de chacun de disposer de son corps quand il s’agit de choisir son lieu de travail et les conditions, elle veut faire interdire le droit à l’avortement. Ainsi, la gauche comme la droite sont opposées à la liberté et sont fondamentalement étatistes. Elles s’affrontent uniquement sur les domaines et l’étendue de l’intervention de l’État.

Toute segmentation de la société, s’il en faut une, doit donc transcender le pseudo schisme gauche-droite pour reposer sur une opposition cohérente et rigoureuse entre deux philosophies. À cet égard, le seul véritable clivage est celui qui oppose ceux qui prônent la liberté et la responsabilité individuelle à ceux qui réclament l’intervention de l’État.

Dans ce contexte, qu’il soit de gauche ou de droite, l’étatisme se porte à merveille. Il progresse depuis des décennies et il semble aujourd’hui naturel que l’État influence nos comportements et nos mentalités, qu’il taxe, subventionne, réglemente et légifère pratiquement tous les aspects du quotidien. L’Érosion de nos libertés, voilà le seul véritable recul qui afflige notre société !
A lire aussi :
 
Nathalie Elgrably-Lévy enseigne l'économie à HEC Montréal depuis 1992. Elle a également enseigné l’économie à l'Université de Montréal et à l'UQAM pendant plusieurs années. Elle est l'auteure de La face cachée des politiques publiques, publié en 2006 aux Éditions Logiques, ainsi que de l'adaptation pour le Québec du volume Microeconomics, 6e édition, de Pyndick et Rubinfeld. Nathalie Elgrably-Lévy est également chroniqueuse au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Elle a œuvré une partie de l'année 2008 à titre d’économiste senior auprès de l’Institut Fraser. Elle est titulaire d'une maîtrise en sciences de la gestion de HEC Montréal, avec une spécialité en économie appliquée et une thèse sur le déficit budgétaire fédéral. Ses intérêts de recherche se concentrent sur l'évaluation des politiques publiques.


 
G) Naît-on ou devient-on libéral, socialiste ou conservateur ? 

Dans « Our Political Nature », l’anthropologue Avi Tuschman explore les dimensions innées et acquises de l’orientation politique. Passionnant.
 
Pour cet essai, nous allons définir le « conservatisme » comme étant la droite et le « progressisme » comme étant la gauche, sans égard au niveau d’autoritarisme étatique (nous y reviendrons). Les conservateurs pensent que la pauvreté résulte en quelque sorte d’un manque d’effort et d’initiative de la part des pauvres, alors que les progressistes l’attribuent à la présence d’injustices sociales. Les conservateurs perçoivent la nature humaine comme étant plus compétitive, alors que les progressistes la voient comme étant plus coopérative. Les conservateurs perçoivent le monde comme étant plus dangereux et en dégradation, mais juste, alors que les progressistes pensent que le monde est injuste. Les conservateurs valorisent la responsabilité individuelle, les progressistes la solidarité collective.

Selon l’anthropologue Avi Tuschman, les trois principaux facteurs différentiateurs entre la gauche et la droite sont :

  1. La tolérance des inégalités.
  2. Le tribalisme (ethnocentrisme).
  3. La perception de la nature humaine (compétitive vs coopérative).
Dans cette perspective, les libertariens sont quelque part au centre, étant très à droite sur le point 1), très à gauche quant au point 2), et partagés au niveau du point 3).

L’orientation politique est-elle innée ou acquise ?
Tout d’abord, l’orientation politique est significativement héréditaire. Des études de long terme entamées en 1969 et publiées en 2006 (Block & Block) ont démontré qu’à l’âge de 3 et 4 ans, les enfants qui allaient devenir des ‘conservateurs’ à l’âge adulte affichaient déjà des traits de personnalité distinctifs par rapport à ceux qui allaient devenir ‘progressistes’. La conclusion est qu’une bonne part de l’orientation politique est innée. D’autres études (Alford) ont démontré en comparant des jumeaux que 40% à 60% de l’orientation politique est innée, le reste est influencé par des facteurs externes.

D’un point de vue physiologique, les ‘conservateurs’ auraient une amygdale droite plus volumineuse, laquelle joue le rôle d’un système d’alerte régissant la peur, l’anxiété, la méfiance, le dégoût et la reconnaissance des visages, alors que les ‘progressistes’ auraient un cortex cingulaire antérieur plus gros, qui occupe des fonctions cognitives, telles que l’anticipation de récompense, la prise de décision, l’empathie et l’émotion.

Il est intéressant de noter que le niveau de revenu n’est pas du tout corrélé à l’orientation politique, ce qui pourrait sembler irrationnel car les pauvres auraient économiquement avantage à être à gauche de manière à vouloir faire adopter davantage de politiques redistributrices. Ce sont plutôt les dilemmes moraux plutôt que les questions de politique économique qui affectent le clivage gauche/droite. En revanche, le niveau de revenu est corrélé avec l’autoritarisme et l’extrémisme.

Au Pérou par exemple, lors d’une élection survenue il y a quelques années, le candidat de gauche (Humala) et le candidat de droite (Fujimori) étaient supportés par les mêmes classes sociales (les plus pauvres), alors que les candidats centristes avaient le support des classes plus riches. Il n’est pas surprenant que les plus pauvres souhaitent un changement plus extrême pour tenter d’améliorer leur position dans la société alors que les plus riches soient plus modérés question de garder le statu quo.

On observe aussi que plus un pays a un PIB par habitant élevé, plus ses politiciens sont modérés et moins son gouvernement est autoritaire, et vice-versa. Un bon exemple de cette dynamique est la Grande Dépression qui débuta vers 1929. En Allemagne, dont l’économie se désintégrait durant cette période, le nombre de vote pour le Parti Nazi est passé de 800,000 à 17 millions. Aux États-Unis, c’est la gauche qui s’est soulevée, menée par Franklin D. Roosevelt, qui a introduit des réformes passablement extrêmes à travers le New Deal.

En psychologie, la référence en matière de traits de personnalité se nomme les facteurs “Big Five”. Ils ont été élaborés dans les 1930s par un psychologue du nom de Gordon Allport, qui s’est basé sur de vieilles théories de Sir Francis Galton. Ces 5 facteurs sont l’extraversion, l’agréabilité, la neurasthénie, l’ouverture et la « conscienciosité » (ce nom commun n’existe pas en français, on devrait plutôt utiliser le terme « caractère consciencieux », que je trouve trop long, donc j’ai inventé un terme plus approprié). À cet égard, les progressistes ont un score élevé en ce qui a trait à l’ouverture, alors que les conservateurs ont une conscienciosité élevée.

Cependant, le meilleur prédicteur de l’orientation politique est le score RWA (pour « right-wing authoritarism »), développé par le Canadien Bob Altemeyer dans les années 1980s.  Notez ici que le score RWA est structuré de manière à mesurer à la fois le conservatisme anglo-saxon et l’autoritarisme. Ceci dit, le comportement autoritaire est aussi observable du côté de l’extrême gauche.

Le tribalisme et la religiosité
En moyenne, les conservateurs déploient beaucoup plus de ferveur religieuse que les progressistes. En 2009, un sondage Gallup effectué dans 114 pays a révélé que 84% des adultes considèrent que la religion représente une part importante de leur vie quotidienne. Une autre étude montre que 77% des gens croient en un Dieu. Les deux facteurs qui tendent à expliquer la ferveur religieuse sont la pauvreté et la peur de la mort. Plus ces deux facteurs augmentent, plus la religion gagne du terrain dans la population ainsi que le conservatisme. La croyance en Dieu et la pratique de la religion aident à réduire l’anxiété reliée à la détresse socio-économique ainsi qu’à la mort. Présentement, la religiosité est en augmentation dans le monde car la différence de taux de fertilité entre les populations séculaires et les populations religieuses est très élevée, donc les théistes se reproduisent plus vite et leur proportion augmente dans la population mondiale.

L’ethnocentrisme, la tolérance sexuelle et les droits des femmes
Les conservateurs poursuivent trois objectifs reliés à la sexualité : un mariage hâtif, l’endogamie (mariage au sein de la même communauté), et un taux de fertilité élevé. En fait, les trois sont reliés puisqu’un mariage à un plus jeune âge de la femme augmente les chances qu’elle se soumette à la volonté de ses parents quant au choix de son époux, lequel sera plus probablement issu de la même communauté, et le mariage hâtif permettra de maximiser le taux de fertilité du couple. Ces trois objectifs se matérialisent grâce à l’emprise de l’homme sur la femme. C’est pourquoi les sociétés plus conservatrices et ethnocentriques favorisent une plus grande inégalité entre les hommes et les femmes ; c’est-à-dire que l’homme y possède un pouvoir dominant sur la femme. Notez aussi que l’homosexualité n’est pas compatible avec un taux de fertilité élevé, ce qui explique pourquoi les conservateurs sont antipathiques face à ces gens.

Évidemment, les mœurs sexuelles des conservateurs sont liées à leur ferveur religieuse. En fait, la plupart des religions proscrivent les relations sexuelles prémaritales, l’utilisation de la contraception ainsi que l’homosexualité, tout en considérant les femmes comme  inférieures quant à leurs droits.

Tel que démontré par des études menées sur des populations de bonobos et de chimpanzés, les environnements qui demandent un niveau plus élevé d’interdépendance entre les individus et/ou au sein desquels les membres du groupe peuvent facilement le quitter, génèrent des structures sociales plus égalitaires et moins hiérarchiques, tant entre les membres du groupe qu’entre les sexes. Dans ces sociétés plus égalitaires, les femmes ont moins d’enfants. Même dans le monde occidental actuel, une femme battue ou mal traitée sera plus encline à quitter son mari si elle est indépendante financièrement que si elle en est dépendante.

Cela nous amène au sujet de l’ethnocentrisme. Il existe un niveau biologiquement optimal d’ethnocentrisme. Si une population est sexuellement trop centrée sur elle-même, son pool génétique deviendra trop homogène et manquera de diversité, diminuant sa capacité à s’adapter à des changements environnementaux. Si une population est trop xénophile, les enfants pourraient en venir à perdre des séquences génétiques primordiales les ayant adaptés à leur habitat ; la reproduction avec des individus incompatibles immunologiquement diminuerait les chances de survie de leur progéniture. Par exemple, l’une des causes majeures d’avortement est l’incompatibilité entre le groupe sanguin de la mère et celui du fœtus.

Les époux consanguins ont davantage d’enfants que les autres. Par exemple, une étude concernant 23.358 grossesses dans un hôpital d’Ankara en Turquie a démontré que les 17% de femmes mariées à leur premier ou second cousin ont connu une incidence de 60% inférieure de préclampsie et d’éclampsie que les autres femmes non-consanguines. Une autre étude comparant des couples selon 19 mesures (incluant la longueur des oreilles, la circonférence du cou, la circonférence des lèvres, etc) a démontré que plus l’homme et la femmes avaient des mesures similaires (donc génétiquement rapprochés), plus ils avaient d’enfants.

Les sociologues ont découvert une corrélation entre la xénophobie et la perception de vulnérabilité aux maladies infectieuses. En fait, les conservateurs affichent des scores beaucoup plus élevés en ce qui a trait aux mesures de dédain et de dégoût. Il semble donc que l’ethnocentrisme soit en partie une forme de protection contre les maladies externes à la « tribu ». Un chercheur du nom de Labouriau a comparé le nombre d’enfants de couples et la distance entre le lieu de naissance de l’homme et de la femme. Même en contrôlant pour le niveau d’éducation, le revenu familial, la résidence en milieu rural ou urbain, et l’âge de la mère à son premier accouchement, il a observé que la distance optimale qui maximise la fertilité (i.e. le « rayon marital ») est d’environ 75 kilomètres. Ceci dit, les villes modernes permettent une quantité très élevée de mixage génétique (« outbreeding »), surtout grâce à l’augmentation des flux migratoires vers les pays développés.

Génocide ou politicide ?
Des 37 génocides survenus entre 1955 et 2001, tuant entre 12 et 22 millions de civils, un tiers furent des « politicides » purs, c’est-à-dire que la population visée ne l’était pas en raison de son ethnicité, mais bien en raison de son orientation politique (comme en Argentine ou au Chili). Seulement 14% d’entre eux furent des génocides purs, comme celui du Rwanda. Le reste fût une combinaison de génocides ethniques et politiques. Ainsi, l’orientation politique a été impliquée dans 86% des génocides de cette période. Pourquoi? Parce que le politicide permet le transfert de ressource d’une classe sociale à une autre. Les 6 facteurs qui sont capables de prévoir 90% des génocides sont :
  1. Une minorité ethnique au pouvoir.
  2. Un régime autocratique.
  3. L’occurrence de génocide dans le passé.
  4. De l’agitation politique excessive.
  5. Une faible ouverture au commerce international.
  6. La présence d’idéologies politiques extrémistes.
Lors des élections présidentielles équatoriennes de 2012 (ici), le premier-né de la famille Corea, Fabricio, s’est présenté contre son propre frère, Rafel Corea. Fabricio, comme la moyenne des premiers-nés, était significativement plus conservateur que son frère cadet : il le critiquait en l’accusant de s’entourer de communistes et d’homosexuels, il promettait d’être plus dur envers la criminalité, il désirait renforcer les relations avec les États-Unis et l’Europe.

Avoir un frère ou une sœur qui partage notre ADN augmente nos chances de reproduire cet ADN. Cependant, les frères/sœurs sont en conflit durant les premières années de leur vie puisqu’ils entrent en concurrence pour les ressources parentales nécessaires à leur survie. Ainsi, la naissance d’un frère/sœur durant les cinq premières années de vie réduit énormément les chances de survie d’un enfant.

Au fil de leur enfance, les enfants aînés sont souvent appelés à aider leurs parents auprès de leurs frères/sœurs (le « alloparenting »). Ce faisant, les aînés augmentent leur valeur sélective, tout comme celle des parents, mais cela les rend plus responsables et autoritaires, et donc plus conservateurs. En fait, les premiers-nés ont des scores « Big Five » plus élevés en ce qui a trait à la conscienciosité. Dans le même ordre d’idées, les gens deviennent plus conservateurs lorsqu’ils deviennent parents.

Le conservatisme et l’âge
Une citation (faussement) attribuée à Winston Churchill stipule que : « Si vous n’êtes pas un progressiste à 25 ans, vous n’avez pas de cœur. Si vous n’êtes pas un conservateur à 35 ans, vous n’avez pas de cerveau ». Des études montrent que durant la vingtaine, le trait de personnalité de l’ouverture diminue significativement et la conscienciosité augmente. Les changements les plus marqués de personnalité se produisent avant trente ans, après quoi la personnalité se stabilise. La logique veut que l’ouverture soit favorisée durant la jeunesse de façon à augmenter les chances de trouver un partenaire reproductif, après quoi la conscienciosité aide à élever les enfants.

Cela concorde avec les changements biologiques qui se produisent durant le développement du cerveau : le développement du système limbique (relié à l’ouverture) se produit dès le début de l’adolescence, alors que le développement du cortex préfrontal (associés au caractère consciencieux) se produit plus tard durant la vingtaine.

L’extrémisme et l’autoritarisme
Selon le philosophe français Jean-Pierre Faye, l’axe politique gauche/droite n’est pas linéaire, il est en forme de fer à cheval. Les extrêmes sont bien plus près les uns des autres qu’on ne pourrait le penser (prenez par exemple Staline et Hitler, qui en sont même venus à conclure une alliance, ou encore Ahmadinejad et Chavez, qui ne cessent de coopérer, ou encore la Chine et le Soudan qui échangent pétrole contre armes).

Dans les deux cas, les extrémistes de gauche et droite entretiennent des utopies et entendent bien les imposer par la force. Par ailleurs, les gouvernements communistes d’extrême gauche, malgré les fondements idéologiques de cette orientation politique, en viennent quand même à persécuter des groupes minoritaires et à traiter les femmes de manière inégalitaire, et leur solidarité est vite remplacée par des comportements très égoïstes et répressifs.

Par exemple, durant sa quatrième sentence de prison, le Chinois Liu Xiaobo a reçu le prix Nobel de la paix de 2010. Évidemment, le gouvernement de Beijing n’a pas participé à la cérémonie, tout comme 18 autres pays, dont plusieurs sont menés par des gouvernements de gauche, comme Cuba et le Venezuela. Qu’avaient ces 18 pays en commun si ce n’est leur position sur l’axe gauche-droite? Comme le veut la théorie du fer à cheval, ces gouvernements de droite (comme l’Arabie Saoudite et l’Iran) et de gauche (comme le Venezuela) sont très autoritaires et la démocratie y est faible, alors que 15 d’entre eux se classent en bas de la moyenne selon le Economist’s 2010 Democracy Index. Ainsi, il n’est pas surprenant que l’extrémisme des deux côtés de l’axe mène à des résultats socio-économiques similaires.

Conclusion
La principale leçon de cet excellent livre est qu’il est inutile d’argumenter avec une personne résolument à gauche ou à droite. Même si vous lui présentez des faits probants lui démontrant qu’elle a tort, cette personne ne changera pas son opinion (d’ailleurs, son cerveau altèrera sa perception de la réalité pour ne pas déstabiliser sa structure cognitive, voir ceci). Pourquoi? Parce que son orientation politique est inscrite dans ses gènes ! Par ailleurs, cette orientation politique changera selon l’âge de la personne, si elle a des enfants et si elle est l’aînée de sa famille.

Ceci dit, la portion plus modérée du spectre politique – dont fait partie la majorité de la population – est généralement moins intéressée à la politique et démontre une cohérence idéologique moindre. C’est ce segment de la population que les politiciens tentent de séduire parce qu’il s’agit d’une catégorie de gens susceptibles de basculer d’un côté ou de l’autre du centre. Cela explique aussi pourquoi la plupart des partis politiques les plus populaires sont si près du centre dans les pays développés.

Finalement, le paysage politique est influencé par les tendances du pool génétique de la population. Par exemple, plus la population s’urbanise, plus elle tend vers le progressisme. Par contre, comme il y a de plus en plus de premiers-nés et d’enfants uniques en pourcentage de la population vieillissante, cela tend à rendre la population plus conservatrice. Finalement, comme les conservateurs (plus religieux) ont une plus grande fertilité, la population tend à devenir plus religieuse et conservatrice.



Je recommande fortement cet excellent ouvrage d’Avi Tuschman, auquel je suis loin de rendre justice dans ce court article. C’est sérieusement une lecture incontournable.

Pour un petit test politique libertarien, voir ceci.


Le Minarchiste est Chartered Financial Analyst et professionnel de l’investissement, gestionnaire de portefeuilles d’actions à Montréal.




H) où se niche le clivage droite gauche?

La question du clivage droite gauche fait couler beaucoup d’encre paradoxale. La question retrouve une nouvelle jeunesse avec le « ni droite, ni gauche » revendiqué par François Bayrou. Son actualité liée à la progression des sondages du candidat du centre, masque peut-être d’autres enjeux.

Partons de l’expérience d’Emmaüs. Nous sommes régulièrement confrontés à cette nécessité d’être classé quelque part… et il ne nous déplait pas que l’exercice ne soit pas si facile. Qu’observe-t-on ? Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer que, dans nos actions et nos interpellations, chaque camp prend ou relève ce qui l’arrange. Quand nous expliquons le rôle de la société civile, quand nous indiquons qu’il ne faut pas tout attendre de l’Etat ou que les compagnons d’Emmaüs s’efforcent de vivre de leur travail, quitte à renoncer au bénéfice de certaines allocations, comme le RMI, nous sommes entendus de l’oreille droite. Quand nous nous insurgeons contre le non respect des obligations qui pèsent sur les communes en matière de logement social (loi SRU), quand nous dénonçons l’inégale répartition des richesses, quand nous promouvons l’économie solidaire ou quand nous défendons l’accueil inconditionnel dans nos communautés, nous sommes écoutés de l’oreille gauche. Mais nous somme rarement entendus en stéréo… En particulier, ni la gauche ni la droite ne savent nous dire comment il voient l’articulation entre une solidarité obligatoire, dont l’Etat doit être garant, et des mécanismes de solidarité facultatifs qui reposent sur la responsabilité d’autres acteurs, qu’il s’agisse des associations ou de la société civile au sens large.

Ceci peut conduire à livrer quelques remarques sur les vraies-fausses réalités du clivage droite gauche… en s’aventurant sur ce terrain miné et risqué, puisqu’il est toujours délicat de s’exprimer sur cette question sans être taxé, justement, de prendre position pour un camp, l’autre ou le troisième. Espérons que nous échapperons à cet étiquetage dans cet exercice controversé.

1) Sur la possibilité de faire gouverner ensemble la gauche et la droite.
Le débat sur le gouvernement d’union nationale, sur la vraisemblance de faire travailler ensemble responsables politiques de droite et de gauche, occulte les singularités de notre vie politique depuis 25 ans.

Première remarque : depuis 26 ans, nous avons eu 5 ans de gauche, deux ans de droite, cinq ans de gauche, quatre ans de droite, cinq ans de gauche, cinq ans de droite, dont 9 ans de cohabitation. Finalement, nous avons eu une sorte d’union nationale par alternances successives. Or compte- tenu du temps que prend une politique pour produire ses effets, on peut considérer que ces alternances si rapides rendent difficiles d’imputer clairement à une majorité les conséquences de ses propres choix sur l’ensemble de cette période. Ainsi, lorsque la pauvreté se remet à augmenter à partir de 2003 ou que les déficits sociaux se creusent à nouveau, il y a certainement une part imputable à la fin d’une législature et au début de la suivante.

Deuxième remarque : notre pays se caractérise par une intrication étroite entre les différents échelons : Européen, national, régional, départemental, communal. Quand un gouvernement est de droite, quand la plupart des régions sont de gauche, quand les départements et les grandes villes sont répartis entre la droite et la gauche, quand des pans entiers de la politique économique et sociale dépendent de négociations avec des partenaires européens qui ont choisi des options politiques différentes, n’y-a-t-il pas déjà, qu’on ne le veuille ou non une sorte d’union nationale mal assumée, qui ne dit pas son nom, mais qui, de fait, brouille également les clivages ?

2) Sur les mesures qui symbolisent le clivage entre la droite et la gauche.
Quelles sont les mesures citées le plus souvent comme emblématiques du clivage droite gauche dans le débat actuel ? les 35 heures ; une politique de subvention publique de certains emplois pour lutter contre le chômage ; l’évolution du SMIC.

Or, même sur ces mesures emblématiques, le clivage est moins évident qu’il n’y paraît. Les 35 heures ? On a oublié que c’est sous le Gouvernement de M. Juppé qu’avait été votée une loi dite de « de Robien » qui permettait de réduire jusqu’à 35 heures la durée hebdomadaire du travail dans des entreprises, afin de permettre le partage du travail, soit dans des conditions « défensives » pour éviter le licenciement, soit dans des conditions « offensives » pour créer des emplois. Les emplois subventionnés ? Ils ont changé de nom à chaque majorité, mais il y a une assez grande continuité entre les TUC, les CES, les CEC, les emplois jeunes, les contrats d’avenir, les contrats d’accompagnement dans l’emploi et autres contrats aidés, y compris dans leurs insuffisances. Cette continuité aurait été mieux assumée qu’elle aurait évité ces interruptions et ces changements incessants qui induisent de terribles effets pervers dans l’efficacité de la politique d’insertion. L’évolution du SMIC ? Quand la gauche propose le SMIC à 1 500 euros, elle essuie trois types de critiques : c’est trop ; c’est moins que ce qui a été fait entre 2002 et 2007 ; ce n’est de toute manière pas plus que l’évolution naturelle du SMIC sur une période de 5 ans, même sans coup de pouce. Et la gauche hésite elle-même à dire s’il s’agit de 1500 euros nets ou bruts et à quelles échéances, ce qui ne permet pas de dire si le rythme d’évolution du SMIC serait significativement différent avec la droite ou la gauche.

Voilà pour le volet social. Sur l’environnement, la situation est encore moins marquée. Les candidats ayant accepté les règles du jeu de M. Hulot, ils se retrouvent désormais tous liés par le même pacte, comme si les défis que posent la protection de l’environnement pouvaient s’envisager indépendamment des grandes questions économiques et sociales et ne donnaient plus lieux à des choix ou à des arbitrages entre des options incompatibles entre elles.

3) Sur les grands objectifs :
On pourrait s’attendre à ce que la différence entre la gauche et la droite, si elle ne s’illustre pas mesure par mesure, s’éclairerait par de grands objectifs. En matière d’inégalités pour commencer, que la gauche affiche un objectif de réduction des inégalités différent de celui de la droite. Sur le modèle social ensuite : que la gauche et la droite nous explique quelles sont les protections qui doivent être assurées par la collectivité – et jusqu’à quel niveau – et quelles sont seules qui doivent être désormais facultatives, qu’il s’agisse de santé, de retraite, d’éducation par exemple. Sur une nouvelle conception des pouvoirs publics également : existe-t-il une différence entre une décentralisation de droite et de gauche ? De quoi l’Etat sera-t-il garant dans l’un et l’autre cas ?

Là encore, les candidats et les partis semblent réticents à se prononcer sur des objectifs qui traduisent de véritables choix de société et préfèrent proclamer des intentions si générales qu’elles ne définissent pas, à terme, deux projets de société aisés à distinguer.

4) Sur les cibles électorales de droite et de gauche :
« Dis moi à qui tu t’adresses, je te dirais qui tu es ». Lorsque la nature des propositions n’est pas en elle-même suffisante pour définir un clivage entre la gauche et la droite, c’est souvent la manière dont on s’adresse à une clientèle supposée de droite ou de gauche qui fait les véritables différences. La droite aura naturellement davantage tendance à s’adresser aux médecins, aux agriculteurs, aux entrepreneurs. La gauche aux enseignants, aux ouvriers, aux titulaires des plus faibles revenus. La droite aura tendance à évoquer la question de l’immigration comme une preuve de sa fermeté, la droite comme une marque de sa générosité. Ceci reste en partie vrai. Il n’y a qu’à voir les intentions de vote des médecins et des agriculteurs pour voir que certaines accroches traditionnelles restent valables. Mais d’autres clivages se sont estompés. C’est ce que montre la tentative maladroite de définir un seuil permettant de distinguer les riches des pauvres, à propos des questions fiscales. Ou le débat sur la « réhabilitation du travail » : quand la droite s’adresse à la « France qui se lève tôt », s’agit-il d’une population différente de « cette France des travailleurs précaires » à laquelle fait référence la gauche ?

Bref, qu’il s’agisse des mesures emblématiques que l’on oppose, de la vision de la société que l’on défend, des électorats que l’on cultive, des thèmes que l’on développe, du modèle social qu’on promeut, les différences entre la gauche et la droite sont moins simples qu’avant et surtout moins nettes qu’on veut nous le faire croire. Et il est assez naturel que cela ait un impact favorable sur ceux qui refusent de s’inscrire dans ce clivage traditionnel, en le contournant par le centre, par les extrêmes ou par la radicalité. Est-ce que cela signifie que le clivage entre la droite et la gauche a disparu ? Non, cela signifie qu’il s’est déplacé. Le clivage entre la droite et la gauche définit moins aujourd’hui deux conceptions très différentes de la société que deux tactiques différentes, ou plus exactement trois, pour conquérir le pouvoir et pour le garder : la première consiste à dire que l’on est de gauche, la deuxième que l’on est de droite ou la troisième que l’on n’est ni de droite, ni de gauche.

Si cette analyse est juste, faut-il s’en féliciter ou faut-il s’en inquiéter ? J’aurais tendance à dire les deux. Il faut se méfier aussi bien des faux consensus que des fausses querelles. Il faut craindre que faute de d’être en mesure de définir des projets de société différents, la gauche et la droite cherchent à se distinguer l’une de l’autre par des réflexes identitaires qui les conduisent à stigmatiser des cibles symboliques ou à défendre des protections illusoires. C’est ce qui peut conduire la droite et la gauche à cultiver chacune leur démagogie : le discours sur les immigrés et les assistés du côté droit ; l’engagement sur des droits virtuels qui se retournent parfois contre ceux qui sont censés en bénéficier du côté gauche.

Que peut-on suggérer ? Trois pistes.
La première – quitte à me répéter – c’est que chacun s’engage sur quelques objectifs précis, mesurables, réfutables et cohérents. Quelques exemples dans le domaine social: la proportion d’enfants sous le seuil de pauvreté à l’issue d’un quinquennat ; l’évolution d’inégalités de revenus et de patrimoines ; la part de la protection collective dans les dépenses de retraite, de santé, d’éducation, de logement. Si droite, gauche et centre divergent sur ces engagements, on saura mieux à quoi s’en tenir sur le positionnement des uns et des autres…

La deuxième est d’avoir une conception différente du rôle de la majorité et de la minorité. Dans les associations où il existe une vie démocratique, il peut y avoir des lignes distinctes représentées par des courants différents. Cela n’empêche pas d’avoir des majorités d’idées ou des consensus sur certains projets et d’utiliser les temps de démocratie que sont les assemblées générales pour faire trancher de grandes options. Dans les conseils généraux des programmes expérimentaux sur le retour à l’emploi et l’insertion, la décision de s’engager dans un tel programme est fréquemment prise à l’unanimité. Cela ne veut pas dire qu’il doit y avoir toujours consensus, qu’il ne peut plus y avoir de majorité ou d’opposition, mais cela signifie qu’il peut y avoir des mesures qui reflètent un équilibre atteint entre deux positions. Pourquoi demanderait-on aux partenaires sociaux, qui représentent des intérêts divergents de négocier et pas aux forces politiques de pouvoir, sur certains points faire de même ? Pourquoi les referendums consistent toujours à demander au peuple français de répondre par oui ou par non et non pas de trancher entre une option A et une option B ?

La troisième est de proposer une vision claire de l’équilibre des pouvoirs entre les différents échelons de décision européens, nationaux et locaux. C’est l’une des choses qui manque cruellement dans la campagne actuelle. La gauche semble davantage mettre l’accent sur une conception de la décentralisation qui donne davantage de responsabilités aux collectivités territoriales – en matière d’emploi par exemple – alors que la droite semblerait leur accorder plus de liberté – en matière de logement , si l’on s’appuie sur les débats concernant le logement. De quoi l’Etat doit-il être garant ? Quelles sont les différences de politiques qui peuvent être admises d’un territoire à l’autre ? Comment doivent être réduites les inégalités entre territoires ? Clarifier ces questions, c’est peut-être contribuer à rendre plus lisibles les différences entre la droite et la gauche. C’est peut-être aussi cesser de contourner un problème lancinant : dans l’enchevêtrement actuel des responsabilités entre les différents échelons de décision, quel est le risque que la gauche comme la droite se trouvent aussi incapables l’une que l’autre de mettre efficacement en œuvre leurs programmes ?

Commentaires

Le clivage droite/gauche en France varie avec le temps. Ce qui était uniquement de gauche autrefois est devenu patrimoine commun ensuite. La droite l'accepte sans en tirer des conclusions sur le moment présent. La gauche prétend défendre une option transhistorique. Qui a le plus tort?

Sur le fond, la gauche a majoritairement (car dominé par le PCF, les maoistes et les trotskystes) adoré des dictatures terrifiantes (Staline et Mao, les plus grands massacreurs de l'histoire humaine) qui étaient fort justement critiquées à droite.

Mais, sur le plan des réformes sociales internes, la gauche a porté des revendications que la droite a combattues farouchement en matière de justice, d'éducation ou de santé. Les pragmatiques de gauche se sont souvent retrouvés avec les pragmatiques de droite contre les discoureurs des deux paroisses.

La gauche pense s'identifier à l'État alors que celui ci favorise le plus souvent les inégalités dans l'économie, la justice et les médias, par exemple. Les inégalités sont issues de la société et résoudre les problèmes qu'elles engendrent est autant une affaire de fonctionnaires que de comportement personnel.

Aujourd'hui, le problème majeur est le logement en France. C'est facile à résoudre, pourtant. Un plan de construction et de rénovation est possible. Mais cela heurterait de multiples groupes sociaux qui prospèrent sur la pénurie. Le logement est en France (pas seulement bien sûr) le lieu essentiel du clivage gauche-droite.

Or, sur cette question, il y a une atonie complète de la gauche et de la droite. Cette dernière pense que tout va se résoudre par le marché sans rien faire pour stimuler ledit marché. La gauche dénonce la droite sans rien faire non plus afin de capitaliser le mécontentement sur le plan électoral. Droite-gauche, même combat! Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a un partage des responsabilités. Le seul qui se démène est Borloo, de gauche venu à droite pour faire un travail moqué de tous.

Sur 20 ans, la France a été gouvernée par l'UMP et le PS avec ce partage des pouvoirs qui a ouvert en 2002 la voie à Le Pen. En 2007, cette orientation existe toujours. Mais les Français semblent aussi vouloir officialiser cette cogérance droite-gauche avec Bayrou en pensant peut-être que cela coûterait moins cher à la France et nous éviterait des discours sans intérêt.

C'est normal.

Mais le problème, tel qu'évoqué au début, n'est pas là. Il est lié à une gauche qui n'a plus d'idées. Elle ne peut plus jouer son rôle de locomotive de la société toute entière. Elle finasse parfois dans le caviar. Et dans le cas qui nous préoccupe, elle avance essentiellement le fait qu'une femme va prendre le pouvoir en France. Ce qui est effectivement une novation. Mais en Angleterre ou en Allemagne, c'est aussi une novation, mais de droite.

En France, il reste à démontrer que Ségolène Royal ouvre de nouvelles portes à la société française. La démonstration n'est pas faite pleinement. Par contre, il semble qu'on y va. Mais le discours du premier secrétaire Hollande ou de Chevènement n'indique rien de neuf. Et la candidate présidente ne peut se contenter d'osciller entre ce vieux discours du PS et l'écoute participatif de notre peuple. Il faut de nouvelles idées.

 M. Hirch



I) Clivage Gauche, Centre et Droite: Quelle démagogie!

Objet : Conservatisme ; Socialisme ; Libéralisme : Sens et respect des mots
             Conservateur ; Socialiste ; Libéraux sont les vrais groupes

           PLUS JAMAIS DROITE ; GAUCHE ; CENTRE ; faut-il donner un sens ?
                           Ne tombons plus dans ce piège collectiviste.
 
Faut-il pour les libéraux que nous sommes, donner un sens encore au clivage gauche, droite, centre?  Certainement pas, et, surtout cela nous nuie terriblement dans nos démarches.

Sans vouloir jouer avec les mots, sans démagogie, il est  inconcevable pour ne pas dire désespérant d’être assimilé pour beaucoup de gens, comme des ultras conservateurs ou bien  encore ultras libéraux. Allez chercher l’erreur !! Pour le socialisme  marxisme, c’était voulu (voir le livre de C. ROIG publié en 80 : La Grammaire Politique de Lénine).

Depuis lors le socialisme dit : réformateur, plus facilement appelé (mercatique des mots oblige) : social-démocrate,( de pars son inertie avouée, voir propos de E.Besson) profite et se nourrit de cette fiction outrancière. Dans ce cas, libéralisme est associé à une idéologie responsable de tous les maux du monde. Typiquement  français !

Dommage, autant chez les libéraux anglo-saxons l’axe serait plus porté sur l’économie, le libéralisme français, son synonyme est humanisme. Imaginer débattre de cela avec nos concitoyens ! Pour eux l’humain, c’est le social, soit le socialisme, voire la démocratie Chrétienne, c’est-à-dire communément appelé la Gauche. C.Q.F.D.

Il me semble qu’il n’y a à priori que trois catégories : Conservateurs ; Socialistes ; Libéraux, qu’en leur sein respectif il y est des tendances, voire extrêmes, soient classiques.
Cependant les libéraux ne sont plus représentés en France mise à part dernièrement avec AL porteur d’un libéralisme éthique. Beaucoup le sont sans le savoir, et d’autres sont encartés et pratiquement muselés dans les différents partis auxquels ils appartiennent. L’espoir réside à ce que ça implose.

Ce mot, libéral comme libéralisme a été complètement galvaudé de siècle en siècle par la duplicité de tous ces collectivistes qui nous ont inventé deux supers concepts à faire peur que  soient les fictions : ultra libéralisme et néo-libéralisme (voir P. Salin).
Et dans l’usage moderne français de tout bord, « progressiste » (eh oui parce que les socialistes ont déjà la racine sociale, mais aussi progrès) ,voire certains conservateurs réduisent le libéralisme uniquement à ses aspects économiques.
Force de constater donc que l’individu est au centre du libéralisme, et la plus haute tâche de l'Etat est d'assurer et de défendre la liberté individuelle considérée comme imprescriptible. La liberté individuelle étant aux yeux des libéraux la norme fondamentale et le fondement de la société humaine autour de laquelle l'Etat, l'ordre politique et économique doivent être structurés.

Au sens large, le libéralisme prône l'établissement d'une société caractérisée par la liberté de penser des individus, le règne du Droit naturel, le libre-échange des idées, l'économie de marché et son corollaire l'initiative privée, et un système transparent de gouvernement dans lequel les droits des minorités sont garantis.

Remontons quelque peu le temps, de J.Locke le premier philosophe essayiste qui rechercha à dissocier les différentes formes de pouvoir dans le respect de l’intégrité morale des individus. Le socle du libéralisme fut fondé, comme une doctrine politique et économique née donc dans l’Europe des Lumières aux XVII et XVIII siècles. Elle repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits naturels sur lesquels aucun pouvoir ne peut empiéter, qui sont la liberté, et le plus souvent le droit à la propriété. En conséquence, les libéraux veulent limiter les prérogatives de l’État et des autres formes de pouvoir, quels qu'en soient la forme et le mode de désignation.

Qu’il faille subodorer, que nos Français de Turgot à JB. Say s’identifie mieux de leur mot et groupe :Libéral, de nos contemporains, cela semble normal puisque ce sont les premiers qui en ont fondé le socle. Non pas que les derniers s’en soient égarés, pas du tout, ils combattent, mais  seraient tombés peu à peu dans ce totalitarisme étymologique et, par ce seul fait, du soi-disant bloc de  gauche vers celui de droite. Avant d’être, un clivage, la Droite eut pour nom : Ordre établi et la Gauche : Mouvement (par J.PATAUT). Depuis, nous connaissons la suite. Il est à vous de marcher à cloche-pied. Aussi, nous comprenons mieux pourquoi nous sommes végétatifs depuis des décennies au sein de nos institutions, et les mal-aimés du peuple.

L’autre sens qui originellement ait été donné, il ne concerne pas le libéralisme, ouf un peu d’air. Nous sommes plus dans un usage pérenne d’une disposition de différent groupe, ou caste. C’est ainsi qu’historiquement, Philippe IV, surnommé le Bel, réunit dans les Etats Généraux, c'est-à-dire les Assemblées de la Nation qui traitaient des affaires publiques et réunissaient les représentants de la nation entière. Il appela, pour la première fois, le tiers-état (ceux qui ne sont ni du clergé ni de la noblesse compose le tiers-état) à ces grandes assemblées (1302). Ces derniers étaient installés à la gauche du Roi, tandis que les nobles, les aristocrates et le clergé étaient installés à droite.

Les notions de droite et de gauche en politique renvoient en France à l’Assemblée nationale où, en août/septembre 1789, les députés partisans du veto royal se regroupèrent à droite du président, les opposants à ce veto se rassemblant à gauche sous l’étiquette de patriotes. On considère parfois ces notions comme un peu caricaturales, même si elles sont à l'origine de nombreux conflits politiques et d'une bipolarisation, à l’instar de ce qui s’est passé en     Angleterre depuis la disparition du parti Libéral.

  Alain Genestine blog ou Humanitas blog


Lire aussi sur mon ancien blog politique disparu: ici 


 
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