avril 30, 2016

Front national, un programme déconnecté, une merluche bis ?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Sommaire :

A) Synthèse du projet économique du FN - Fondation Concorde - Rapporteur : Philippe ANSEL

B) Social-nationalisme de Wikiberal

C) Patriotisme économique de Wikiberal

D) Programme du FN 2017

E) Pourquoi le programme économique du FN est contesté - Par ,

Que ferait le FN au pouvoir ? - Par K. L. avec Fabien Crombé - BFMTV



A) Synthèse du projet économique du FN





Le Front National propose un projet économique complètement déconnecté des valeurs de la société économique actuelle. Pour la première fois, la Fondation Concorde livre une analyse chiffrée de ce projet et des conséquences qui bouleverseraient l'état économique de la France et sa place dans le monde.

LE PROJET ECONOMIQUE DU FRONT NATIONAL OU COMMENT ACCELERER L’EFFONDREMENT DE L’ECONOMIE FRANÇAISE
Le Front National, qui promet de « renverser la table », propose paradoxalement de poursuivre, en pire, la politique économique menée ces 30 dernières années : dépenses excessives de la sphère publique, taxations supplémentaires pour les acteurs privés, et déni de la compétition économique mondiale dans laquelle la France est plongée.
Avec le programme économique du FN, nous passerions ainsi du déclin de notre économie à son effondrement. 

Le programme du FN = la relance par les salaires et la consommation de 1981 
Le programme du FN = le choc fiscal de 2012 avec des conséquences amplifiées 
Le programme du FN = l’effondrement monétaire argentin ?
Le programme du FN = 120 milliards de dépenses supplémentaires



La mise en place effective du programme économique du Front National cumulerait les risques de trois expériences économiques, la relance de 1981, le choc fiscal de 2012, l’effondrement monétaire argentin, avec pour premières conséquences un affaissement de l’économie par :
  • -  un déficit public abyssal qui minera la confiance ;
  • -  la hausse des taux d’intérêts qui bloquera l’investissement ;
  • -  la délocalisation de productions pour échapper aux droits de douane ou aux quotas
    d’importation et pour échapper à la hausse des prélèvements fiscaux. 

    Et aussi une amputation du pouvoir d’achat par :
  • -  la hausse du chômage résultant de la régression économique.
  • -  l’inflation et en particulier la hausse des prix des biens importés (carburant, vêtements, chaussures, télévisions, ordinateurs, tablettes, smartphones, électroménager,...) ;
  • -  la hausse des impôts ;
  • -  la hausse des taux d’intérêts qui renchérirait l’achat de logement ;
  • -  la spoliation des épargnants français qui ont investi en contrat d’assurance.
Le programme du FN = Le choc fiscal de 2012 avec des conséquences amplifiées
Le programme économique du FN : des impôts, encore des impôts ! 

- Pour les ménages : un impôt sur le revenu alourdi, sur un nombre réduit de contribuables, ceux qui paient déjà le plus d’impôts.
Le Front National propose d’intégrer la taxe d’habitation à l’impôt sur le revenu : « La taxe d’habitation, opaque, sera intégrée à l’impôt sur le revenu, plus juste, sous la forme d’une taxe additionnelle qui sera aussi progressive que l’impôt sur les revenus ».
Cela aboutirait à concentrer encore davantage l’impôt sur un petit nombre de contribuables ; un encouragement pour ceux qui ne sont pas encore partis à quitter la France.
En conséquence de la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu, seuls 46% des ménages seraient redevables de l’impôt sur le revenu en 2016, 1% des ménages, soit 370 000 foyers en acquittant près de la moitié. 

- Pour les entreprises : une taxation accrue des fleurons de notre industrie nationale, un étranglement de nos PME par une augmentation des charges.
« L’impôt sur les sociétés sera réformé pour encourager le réinvestissement prioritaire des bénéfices en France et mettre fin à la sous-imposition massive des grands groupe »
Cette idée s’appuie entre autres, sur une étude du Trésor parue en juin 2011 « le taux de taxation implicite des bénéfices en France » qui a causé beaucoup de tort à l’économie française :
  • -  Cette étude a mis sur le devant de la scène la notion de « pseudo » justice fiscale qui a pris le pas sur le raisonnement économique ;
  • -  Elle a occulté le fait que les entreprises françaises dans leur globalité étaient les plus taxées de l’OCDE ;
  • -  Elle s’est focalisée sur l’impôt sur les sociétés en laissant dans l’ombre l’importance des impôts sur la production pesant sur nos entreprises (3,64% du PIB contre 0,44% en Allemagne, soit un écart de 64 milliards d’euros !) ;
  • -  La lecture fine de l’étude montre que l’écart constatée en termes d’impôts sur les sociétés provient pour l’essentiel de la déductibilité des intérêts (les grandes entreprises françaises déduisent plus d’intérêts car elles investissent plus !) et du taux de faillite des petites entreprises qui rend leurs pertes non déductibles. Enfin, cette étude sur laquelle se base le FN est datée, puisqu’une nouvelle étude du Trésor de 2014 a montré que l’écart d’imposition était bien moindre que celui avancé dans l’étude 2011 (32 % d’IS pour les PME contre 26 % pour les grands groupes).
    Cette étude a fourvoyé le monde politique dans des orientations néfastes qui se sont concrétisées par la hausse de l’imposition des grandes entreprises et la non déductibilité des intérêts d’emprunts qui pèsent sur l’investissement, orientations mises en œuvre par le Gouvernement Ayrault.
Ces orientations tendent à réduire l’ancrage national des fleurons de notre économie, grandes entreprises et ETI, en les incitants à délocaliser leurs activités. Cela témoigne en particulier d’une ignorance de leur rôle crucial dans notre économie. Au total, cela réduira l’emploi et les recettes fiscales. 

Le Front National propose de « fusionner l’IS et la contribution économique territoriale (CET). La pression fiscale n’est plus contrôlée entre l’IS de l’Etat et la CET des Collectivités locales (qui se décompose en Contribution Foncière sur les Entreprises et la Cotisation sur la Valeur Ajoutée) ».
La transformation d’un impôt fixe – la CVAE et la CFE - en un impôt variable va produire en outre une très grande volatilité des recettes pour les collectivités locales qui seront amenées probablement à augmenter les impôts fonciers et les taxes d’habitation en compensation.
Aucune option n’est proposée pour financer une telle mesure. 

LE PROGRAMME DU FN = LA RELANCE PAR LES SALAIRES ET LA CONSOMMATION DE 1981
Une augmentation du coût du travail pénalisante pour l’emploi
Le Front National s’inscrit complètement dans la logique de relance du pouvoir d’achat des salariés développée traditionnellement par la Gauche : 

« L’impôt sur les sociétés sera modulé pour inciter les entreprises à adopter une politique salariale plus généreuse et distribuer davantage de leurs profits à leurs salariés ».
« Rétablissement de l’échelle mobile des salaires : les salaires devront être indexés sur l’inflation, pour éviter des pertes de pouvoir d’achat annuelles parfois égales à 3% ».
« Il faut dans le même temps augmenter le pouvoir d’achat sans pour autant grever la rentabilité des entreprises: nous proposons de financer une diminution des charges des cotisations sociales salariales par l’institution d’une Contribution Sociale aux Importations égale à 3 % du montant des biens importés –et non par une TVA dite «sociale» qui n’a en réalité rien de sociale. L’application de la Contribution Sociale aux Importations permettra d’augmenter de 200 euros net les rémunérations des salaires jusqu’à 1,4 fois le SMIC ».
Cette contribution sociale aux importations est incompatible avec les règles du marché commun européen. Elle ne pourra pas être mise en place sauf à sortir du cadre européen mais alors avec à la clé des mesures de rétorsion qui pénaliseront nos exportations. Cette taxation des importations de 3% qui représenterait près de 15 milliards d’euros (3% des 491 milliards d’euros en 2014) serait répercutée dans le prix des productions françaises et pénaliserait nos exportations par la hausse du coût des composants et augmenterait les prix à la consommation, à due concurrence : ce qui serait gagné en pouvoir d’achat au niveau du salaire serait reperdu par la hausse des prix que générerait cette taxe. 

Ces propositions traduisent également une ignorance et de la crise de compétitivité de notre économie et de la réalité des augmentations salariales.
Le marché du travail français se caractérise en effet par son caractère non concurrentiel.
Les salaires réels augmentent davantage que la productivité malgré la baisse de la rentabilité des entreprises françaises, l’intensification de la concurrence internationale qu’elles affrontent, le chômage : 

Les propositions du Front National renforceraient encore davantage la rigidité de notre marché du travail et accélèreraient la perte de compétitivité de notre économie par la hausse des salaires qui se traduirait par une accélération de nos pertes de part de marché à l’international et un accroissement du chômage. 



LE PROGRAMME DU FN = UN ACCELERATION DE LA DESINDUSTRIALISATION
Protectionnisme et industrie : des mesures dangereuses et contreproductives
Le Front National fait un bon diagnostic : l’importance de l’industrie pour le redémarrage de l’économie française. Le mythe d’une économie exclusivement de services est caduc, et nous savons aujourd’hui qu’une économie prospère ne peut exister sans un secteur industriel puissant, notamment une industrie de haute valeur ajoutée. Notre propre croissance est freinée, bloquée, par un secteur industriel désormais trop faible. En effet, la part de l’industrie dans le PIB en France nous place au quinzième rang des pays de la zone euro, au côté de... la Grèce ! 

Du fait de la faible part de l’industrie dans notre production de richesse, notre croissance potentielle se situe désormais entre 0,5 et 0,8 % alors que le financement de notre modèle social nécessite une croissance supérieure à 2%.

La croissance réelle ne peut guère dépasser ce niveau, à moins de la doper par l’endettement... stratégie que nous mettons en œuvre avec constance depuis deux décennies mais qui arrive à son terme du fait de notre surendettement. 


- Mais, tels les médecins de Molière, si le Front National observe le bon diagnostic en matière d’industrie, les remèdes qu’il propose risquent surtout d’aggraver le mal. 

- Le FN, comme la gauche, refuse de comprendre l’importance du capital pour nos entreprises : aucun allègement des prélèvements qui pèsent sur le capital en France n’est prévu. Au contraire, le capital et ses revenus sont considérés comme une ressource pour financer la dépense publique. De plus, le programme frontiste prévoit d’augmenter encore la fiscalité sur les dividendes, et de manière générale, sur le capital. Le programme du FN propose donc d’aggraver encore la situation actuelle. Conséquences : 

- la réduction de la capacité de financement de nos entreprises conduit au départ des investisseurs de France
- L’incapacité à recapitaliser nos grands groupes lorsqu’ils rencontrent des difficultés qui doivent faire appel à des capitaux étrangers (Peugeot, Alstom, Alcatel).
- Le départ des créateurs de richesse : le nombre de Français quittant le pays s’accroît de 4% par an, soit un flux de l’ordre de 65 000 personnes hautement qualifiées. Le programme du FN accélérerait cette tendance, dans des proportions sans doute considérables.
- Comme la gauche, le FN propose une augmentation des salaires, notamment la réintroduction de l’échelle mobile des salaires, disparue en France depuis...1982! A l’heure d’une compétition économique mondiale, une augmentation des coûts de production par la hausse des salaires handicaperait la compétitivité des entreprises françaises, et menacerait donc ces entreprises, et ces emplois.
L’illusion de la protection de notre industrie par les droits de douane
« Il convient de mettre en place des droits de douane afin de rétablir une juste concurrence avec les pays dont l’avantage concurrentiel est issu du moins disant social et des manipulations monétaires ».
  • -  Ces droits de douane supplémentaires seraient rejetés par l’OMC et l’Union Européenne et amèneraient des mesures de rétorsion qui réduiraient nos exportations et inciteraient nos entreprises à délocaliser leurs productions pour y échapper.
  • -  Vouloir développer des industries à l’abri de frontières douanières se heurte au double risque de ne pas pouvoir vendre à l’échelle du monde et de ne pas pouvoir disposer d’un sourcing compétitif sur les composants du produit et donc d’aboutir à des productions chères sans débouchés sur le plan international et qui pénaliseront le consommateur français. Les quelques modèles «autarciques» (Cuba, Corée du Nord, Argentine, Iran) se soldent par un appauvrissement dramatique de la population. 

    Etablir des droits de douane serait donc au mieux inutile, au pire contre- productif pour le secteur industriel! 

    Si le Front National fait de l’industrie l’axe premier de sa politique économique, il ne propose pas véritablement de politiques concrètes pour la relancer, en dehors de la protection par les droits de douane et la solution radicale que représente la sortie de l’euro. 

    Or, notre premier déficit commercial provient de la zone euro -37,8 milliards d’euros en 2014- loin devant l’Asie -24,1 milliards d’euros. Si nous avions maintenu nos parts de marché dans la seule zone euro, nous bénéficierons de 155 milliards d’euros d’exportations supplémentaires de biens et de services, générant un supplément de 7,5% de PIB, 1,5 million d’emplois supplémentaires, et nous aurions des comptes publics proches de l’équilibre. Notre désindustrialisation ne découle donc nullement du niveau de l’euro.


LE PROGRAMME DU FN = L’EFFONDREMENT MONETAIRE ARGENTIN ?
Sortir de l’euro : une stratégie monétaire risquée.
La sortie de l’euro est l’un des thèmes forts du Front National. Pour le parti, cette sortie de la monnaie unique servirait à dévaluer la valeur de notre monnaie, pour regagner en compétitivité et doper nos exportations. Derrière ce schéma a priori facile, quelles seraient les réelles conséquences d’une sortie de l’euro ?
  1. Un effondrement de la monnaie nationale, (les économistes prévoient entre 20 et 30%)
  2. Une explosion des prix à la consommation, un emballement de l’inflation qui pénaliseraient
    les Français les plus modestes et les épargnants, (produits importés)
  3. L’augmentation du prix des matières premières importées notamment le pétrole,
  4. Un accroissement du déficit public et de la dette,
  5. L’augmentation du chômage,
  6. Le recul du PIB.
La sortie de l’euro serait donc pénalisante pour l’économie française, et notamment pour les plus fragiles : les PME et les ménages modestes. Ils seront les premières victimes de l’effondrement de la monnaie et de l’explosion des prix à la consommation. Le programme du Front National se calque en fait sur l’expérience Argentine, qui a pourtant été un échec économique cuisant : une forte dévaluation, conjuguée avec des droits de douanes et des quotas d’importation, le fameux « protectionnisme économique ».


LE PROGRAMME DU FN = 120 MILLIARDS € DE DEPENSES SUPPLEMENTAIRES
L’Etat avec le Front National : plus de fonctionnaires, plus de dépenses, plus de dettes.
- Avec le FN, c’est l’assurance d’un Etat dépensier : augmentation des salaires des fonctionnaires, augmentation des retraites, augmentation du coût de la dette, politique familiale hasardeuse et coûteuse avec la mise en place d’un « revenu familial » pour les femmes restant au foyer. 




Au total, les nouvelles dépenses –celles qui ont pu être chiffrées s’élèvent à 123 milliards d’euros à 5 ans : 

. Revalorisation des revenus des salariés de la fonction publique 4
. Revalorisation des retraites (niveau actuel et déplafonnement de la réversion) 19  

. Couverture du coût réel d’un enfant par les allocations familiales 12 
. Dépense fiscale de fusion IS/CET 16  
. Renchérissement du coût de la dette (dû à la sortie de la zone €) 30 
- Exonération des charges salariales pour les salaires inférieurs à 1,4 Smic 18 
. Réduction de la TIPP 2,6 
. Dépendance 5
. Mise en place d’un revenu parental 5
. Augmentation de l’effort de défense à 2% du PIB 9
. Augmentation du budget de la justice 2
. Reconstitution des effectifs de la police 0,4 


Comme la gauche et l’extrême-gauche, le Front National n’a toujours pas pris la mesure d’une nécessaire et salutaire réduction du poids de l’Etat : bien au contraire, il propose, tel le programme commun de 1981, de faire exploser les dépenses publiques, avec 120 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, soit 6 points de PIB. Rappelons que notre déficit public actuel, qui avoisine les 4% du PIB, passerait à 10% du PIB en 5 ans ! Un amoncellement de mesures, au mieux par pure démagogie, au pire par inculture économique, qui pourrait coûter très cher à la France. 

Un Etat efficace, c’est un Etat modeste, dynamique, encourageant le secteur privé : tout le contraire de ce que propose le FN.
- Beaucoup de nouvelles dépenses... pour quelles économies ?
Le FN justifie ses dépenses en promettant certaines économies... mais cela sera-t-il suffisant ? 





Quelles économies nous promet le Front National (en milliards d’euros) ?- Baisse de 2% des dotations de l’Etat aux conseils généraux et régionaux: 0,3
- Lutte contre la fraude sociale: 1,5 
- Suppression de l’aide médicale d’état: 0,7
Total : 2, 5 milliards €. 
 
C’est bien peu face au 123 milliards d’euro de dépenses publiques prévues. Les autres économies promises par le Front National (« Modernisation de l’Etat », « Contrôle de légalité par l’Etat des engagements des collectivités locales », « Audit obligatoire des dépenses des intercommunalités »...) ne sont toujours pas chiffrées. 
Réductions des dépenses
Nouvelles dépenses
Chiffrés en M€
Baisse de 2% des dotations de l’Etat aux conseils généraux et régionaux
(0,3)
Revalorisation des revenus des salariés de la fonction publique
4
Lutte contre la fraude sociale
(1,5)
Réduction de la TIPP
2,6
Suppression de l’aide médicale d’état
(0,7)
Augmentation de l’effort de défense à 2% du PIB
9


Augmentation des salaires < 1,4 Smic
18


Augmentation du budget de la justice
2


Reconstitution des effectifs de la police
0,4


Revalorisation des retraites (niveau actuel et déplafonnement de la réversion)
19


Dépendance
5


Mise en place d’un revenu parental
5


Couverture du coût réel d’un enfant par les allocations familiales
12


Dépense fiscale de fusion IS/CET
16


Renchérissement du coût de la dette
30
TOTAL
(2,5)
TOTAL
123
Non chiffrés
Contrôle de légalité par l’Etat des engagements des collectivités locales

Fixation de la retraite agricole à 85% du SMIC

Maîtrise des effectifs par les collectivités locales

Développement des crèches

Suppression de la clause générale de compétence

Intégration de la proximité dans la politique hospitalière

Audit obligatoire des dépenses des intercommunalités

Maintien des petits collèges

Modernisation de l’Etat

Moratoire sur la restructuration des services publics en zone rurale

Economie résultant de la diminution de l’immigration




Voici le sommaire donc en interne sous ce lien : Découvrez ici le rapport


SOMMAIRE

Méthode 

Quelle est la politique de l’offre du Front National
Une conscience claire du rôle de l’industrie dans la croissance économique 
Quelles réductions des charges sur la production ?
Un accroissement des charges pour les grandes entreprises.
Un allègement de l’imposition de l’ensemble des entreprises non financé 
Une taxation accrue du capital 
Un impôt sur le revenu alourdi et concentré sur un nombre réduit de contribuables  
Des propositions pour relever le niveau de compétences des français
Une hausse du coût du travail 
Un processus de simplification limité mais pertinent. 
L’illusion de la protection de notre industrie par les droits de douane 
Le pari extrêmement risqué d’une relance de l’industrie par la sortie de l’euro 
Le maintien de l’avantage comparatif énergétique découlant du parc nucléaire.

Quelle politique de la réduction de la dépense publique ?  
Les nouvelles dépenses
Etat 
Dépenses sociales 
La relance de la dépense au niveau local 
Des économies modestes ou illusoires 

Au total, une politique de gauche, particulièrement aventureuse 


Fondation Concorde - Rapporteur : Philippe ANSEL 



B) Social-nationalisme de Wikiberal

Le social-nationalisme est une évolution du socialisme par laquelle ce dernier se focalise davantage sur la nation vue comme une protection contre la menace étrangère que sur la recherche d'un hypothétique égalitarisme. Ce repli égoïste, allant à l'encontre de l'internationalisme socialiste (cf. Internationale socialiste), est considéré comme la seule façon de protéger les prétendus "acquis sociaux" contre la concurrence internationale.
A proprement parler, le social-nationalisme n'est qu'une sorte de préférence nationale économique : les entorses au libre-échange sont ses armes, les délocalisations ses ennemis, l'ouverture bilatérale des frontières son cauchemar. Cependant, le chauvinisme rend la ligne de partage entre repli économique et défense de la culture/civilisation totalement poreuse, parfois couplée avec des idées de communautarisme religieux ou ethnique : consommer des produits de son pays (quand il ne s'agit d'une défense du terroir pour des arguments écologiques) a un goût de xénophobie difficilement dissimulable.
Ceci se retrouve à l'échelon politique supérieur, l'Europe, projet à l'origine libéral (briser les frontières nationales en intriquant les économies et favorisant l'échange culturel de manière à éviter des guerres devenues "intestines") sert très souvent de substitut plus efficace que le patriotisme nationaliste dans la défense économique et culturelle des "Européens" contre les menaces des États-Unis, de la Chine, de l'Inde ou de l'islam. Les plans d'une grande alliance occidentale, venant relayer l'OTAN, participent, en redépartageant différemment le "nous" du "eux", à cette idée de repli identitaire qui est le frère jumeau de l'égoïsme économique. 

Convergences et divergences idéologiques

Bien qu'il ne soit qu'un nationalisme de circonstance, démagogie électoraliste ou leurre médiatique déplaçant sur l'étranger une faiblesse qui n'est due qu'aux conséquences du collectivisme, on peut néanmoins se permettre de le comparer à d'autres systèmes de pensée:
  • Nationalisme : il en est une forme vide - Hegel l'eût qualifié de « farce » - ne participant d'aucun élan patriotique, ne proposant aucun romantisme du peuple, ni aucune ferveur dans laquelle auraient pu se retrouver un De Maistre ou un Maurras.
  • Souverainisme : il en est à la traîne, celui-ci étant plus crédible dans sa quête d'autonomie communautaire-collectiviste.
  • Colonialisme : si la participation de capitaux étrangers dans les entreprises considérées comme nationales est perçue comme un péril pour l'économie nationale (il faut considérer que l'entrepreneur national se sent une responsabilité civique à considérer que son entreprise a pour seule finalité d'embaucher pour lutter contre le chômage crée par ses chers politiciens compatriotes), le contraire est très souvent apprécié. De même si les de très bon ton ouverture au monde et glorification du métissage sont contrebalancées par une sauvegarde de l'identité culturelle nationale menacée par l'américanisation, le rayonnement de son pays n'est jamais considéré comme un empiètement sur la culture des autres. Tout ceci participe d'un esprit colonialiste reprenant la même pratique inégalitaire et asymétrique (il n'est pas grave d'appliquer aux autres ce qui est mauvais pour soi) suivant parfois le même sillon de justification hypocrite, s'en dégageant d'autres fois pour arborer ouvertement son égoïsme et son arrogance.
  • Marxisme : il se situe dans le droit fil de la « social-traîtrise » des « petits-bourgeois » sociaux-démocrates abandonnant lors de la 1ère Guerre Mondiale l'internationalisme de Marx au profit de luttes « bourgeoises » et « impérialistes », ainsi que du traitement purement instrumental de la « question nationale » par les théoriciens soviétiques (défense du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes lorsqu'il fallait aider une colonie ou un peuple à se rebeller, et mainmise de Moscou sur toute l'Europe de l'Est). Cruelle ironie des temps, il ne s'agit plus de libérer des peuples de leur État oppresseur, mais de défendre ce dernier pour assurer sa clientèle contre des concurrents défavorisés.
  • Fascisme : comme le fascisme, il vise l'autarcie contre le libre-échange.
  • National-socialisme : participant jusqu'à un certain point (c'est-à-dire en cultivant les contradictions) à la mentalité de la société close, c'en est une forme soft, épurée de toute la pseudo-science et de la mythologie racistes, forme dégradée retrouvée dans le colonialisme.

Problèmes que le social-nationalisme pose à la théorie socialiste

Si Marx affirmait un internationalisme (« prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ») que les différentes Internationales devaient mettre en pratique, la question nationale fut très tôt une épine dans le pied des marxistes.
Ce fut d'abord la Deuxième Guerre Mondiale qui créa une division entre les communistes internationalistes et la social-démocratie: alors que les premiers étaient contre la participation des communistes à une guerre causée par l'impérialisme bourgeois capitaliste et dont les prolétaires devaient se servir de levier pour contester un système nécessairement mortifère, accélérant l'inéluctable révolution, les social chauvins, selon l'épithète injurieux que leur consacrera Lénine, se sont coulèrent dans les sillons d'États qu'il s'agissait de dépasser, et ont toujours défendus un internationalisme de façade pour se livrer dans les faits à de véritables défense d'intérêts très "communautaires".
Les pays du bloc de l'Est, quant à eux, tenus par le joug de l'URSS n'ont pas non plus été sans contradictions flagrantes, écrasant les revendications nationalistes au sein de l'Empire russe (nationalistes avec qui les bolcheviks avaient pourtant fait alliance pour conquérir le pouvoir) mais affirmant le droit des peuples à l'auto-affirmation quand il était permis d'armer des factions séparatistes et de nuire, tout en instrumentalisant les groupes locaux, aux États-Unis.
Ainsi, dans les faits, marxisants socialistes et communistes n'ont réussi qu'à bafouer leur belle théorie humaniste si bruyamment affichée, et toujours la main sur le coeur.
Seuls les libéraux ne font pas de discrimination entre êtres humains et s'avèrent, d'après les critères même de l'humanisme, les seuls à le respecter, quand bien même ne feraient-ils que suivre des principes économiques amoraux (cf. La Route de la servitude de Hayek).
Dans un second temps, l'idée qu'un intérêt général n'existe pas au niveau international remet en cause sa réalité au niveau de la nation. Si le lobbying est honni par une pensée encore nostalgique d'une fusion des intérêts romantique et mythique héritée du rousseauisme, la pratique en révèle tous les traits, la gêne et l'hypocrisie en plus. On confrontera ainsi l'égoïsme de fait des socialistes à l'altruisme égocentré des individualistes, c'est-à-dire des libéraux.

Exemples de social-nationalisme appliqué

  • Combat contre les délocalisations. Pourtant, un travailleur français, belge ou anglais a-t-il plus de droit à travailler qu'un de ses complanétaires moins favorisés (donc moins exigeant s'il veut être concurrentiel) ?
  • Toute les aides étatiques ou communautaires à des entreprises ou secteurs d'activités. En indemnisant les agriculteurs européens, la PAC produit une surproduction écoulée à bas prix dans les marchés de pays sous-développés.
  • Le « patriotisme économique » cher au français Dominique de Villepin, qui conduit à trouver normal le rachat d'entreprises étrangères par des champions nationaux tout en se scandalisant à grand bruit quand l'inverse se produit :
« En France, règne la logique du deux poids, deux mesures : les ministres multiplient les déclarations de guerre vis-à-vis de ceux qui osent convoiter nos belles entreprises tout en se félicitant dans le même temps, que ces dernières puissent poursuivre leurs emplettes à l'étranger. L'Oréal se refait ainsi une virginité éthique en mettant la main sur le britannique BodyShop, France Télécom s'empare des mobiles espagnols d'Amena; et Alcatel, (...) réussit enfin à fusionner avec son rival américain Lucent. [...] Prié de donner son avis, Thierry Breton rappellera opportunément, en juillet 2006, que « les actionnaires sont in fine les seuls à décider. » » Les Échos, 4 janvier 2007, p.10.
  • « Qu'ils aillent se faire foutre ! Lituaniens ? T'en connais, toi, des Lituaniens ? J'en ai jamais vu un ! » de Jean-Luc Mélenchon, à la gauche du PS français. (Dans cette logique pourquoi ne peut-on pas remplacer "lituaniens" par "pauvres" et l'appliquer à la communauté nationale ?)
  • « En Amérique latine, c'est au nom des menaces [sur les acquis sociaux] que tombent les présidents, les uns après les autres. En Europe de l'Est, c'est au nom de la grandeur du passé que manifestent les retraités et les chômeurs. En Chine, ce sont des foules plus ou moins manipulées par le pouvoir qui manifestent contre les Japonais, sous prétexte d'exiger d'eux des excuses pour leurs exactions d'il y a soixante ans, en réalité pour refuser l'interdépendance économique croissante des deux pays et protester contre le chômage créé par le rapatriement des usines japonaises. » Jacques Attali, L'Express du 25/04/2005.

Ressources

Voir aussi



C) Patriotisme économique de Wikiberal


 Le patriotisme économique désigne un comportement des pouvoirs publics favorisant certains producteurs nationaux ou certaines industries nationales. C'est un concept français, qui a rencontré peu d'écho hors du pays. Forme maquillée de protectionnisme, le patriotisme économique est à ce titre combattu par les libéraux. 

Concept

Le patriotisme économique est une démarche protectionniste visant à protéger certaines industries au nom d'un supposé « intérêt général ». Pour les tenants d'une politique de patriotisme économique, il s'agit de promouvoir l'excellence du pays.
Il suppose donc que l'État soit en mesure d'identifier les secteurs « stratégiques », que la « protection » qu'il prodigue alors ait des conséquences positives et que ces dernières soient suffisamment bénéfiques pour compenser les coûts en terme de subvention et d'investissement étrangers non faits dans le pays.
L'expression a connu un certain succès, ponctuel, dans le langage politicien. En effet, désignant avec un mot nouveau une réalité ancienne, il permet aux tenants du protectionnisme de continuer à y avoir recours malgré le bilan catastrophique des politiques protectionniste. En outre, comme le notait un article du journal Le Monde, parler de patriotisme économique permet de taxer ceux qui s'opposent de mauvais patriotes. Geoffroy Roux de Bézieux, alors président de Croissance Plus, déclarait en 2006 : « On sous-entend que les entrepreneurs ne sont pas des patriotes, qu'ils sont vendus à la mondialisation »[1].
Le patriotisme économique vise essentiellement à la conservation des monopoles étatiques ou des entreprises privées proches du pouvoir. Avec le patriotisme économique, les principes de la réciprocité des échanges et de la mise en concurrence sont bafoués : en effet, une des caractéristiques du patriotisme économique réside aussi dans le fait que, lorsque ces entreprises publiques françaises peuvent racheter les entreprises étrangères, la réciproque est souvent fausse.
Dans le contexte international et européen, les États se doivent, en principe, de respecter et d'assumer leur signature. Or, au nom du patriotisme économique, ceux-ci refusent d'honorer leur engagement international et / ou européen (par exemple, en refusant ou en retardant l'application des directives européennes, abrogeant lesdits monopoles).

De la théorie à la pratique

Les défaillances de l'État

Cette vision théorique de l'action étatique se heurte cependant à de nombreuses limites pratiques, en raison des défaillances de l'État.
Ainsi, l'État est-il le stratège parfait que les tenants de l'interventionnisme et du patriotisme économique décrivent ? Par exemple, sur quels critères sont choisis les secteurs qui devraient être touchés par le patriotisme économique ? La liste des opérations dans lesquelles l'État est intervenu par patriotisme économique en 2006 ne montre pas de ligne directrice cohérente : « des yaourts à l’énergie en passant par l’acier, la banque ou le médicament » selon Mathieu Laine[2]. Les résultats concrets de la politique industrielle passée (Crédit Lyonnais, industrie informatique inexistante malgré des milliards de subvention (Bull, Plan calcul, etc.) ne laissent pas plus transparaître les vertus de l'« État-stratège » tant vanté par les zélateurs du patriotisme économique…
En effet, le rôle des hommes politiques ou des fonctionnaires n'est assurément pas de faire le travail des départements de recherche et développement des entreprises ; prenons un exemple de 2007, développé par Vincent Bénard : Quand un député UMP, Bernard Carayon, « champion autoproclamé du patriotisme économique, s'élève contre le choix de la SNCF de retenir le groupe canadien Bombardier plutôt qu'Alstom pour renouveler ses rames de transport en Ile-de-France », qui croit sérieusement qu'il est « mieux placé que Mme Idrac et ses collaborateurs pour juger de la pertinence du choix technologique de la SNCF : depuis quand les politiques seraient-ils mieux à même d'opérer des choix technologiques pour les entreprises que les entreprises elles-mêmes ? »[3].
En outre, l'échec programmé du patriotisme économique tient en partie au fait que de telles politiques ne visent généralement que de grandes entreprises ; seules les grandes entreprises bénéficient généralement de telles politiques protectionnistes, les petites entreprises rachetées par des entreprises étrangères ne suscitant pas l'intérêt des médias et des électeurs. En outre, au vu de l'internationalisation croissante des entreprises, la question de la nationalité d'une entreprise perd sa raison d'être. De quelle nationalité est une entreprise comme Essilor, implantée en France mais qui réalise 90 % de son chiffre d'affaires hors de France ?
L'analyse de l'école du Choix Public permet d'éclairer les raisons qui font que de telles politiques grandioses sont condamnées : l'État, ce sont des hommes, avec des intérêts personnels, des relations, etc. Ainsi, plus que des critères objectifs, c'est la collusion entre haute fonction publique et grand patronat qui explique certains choix, par la consanguinité de ces deux mondes à travers des établissements comme l'ENA en France. Mathieu Laine parle ainsi de ces « patrons du CAC 40 [qui] appellent au secours leurs amis ministres pour tenter d’enrayer le jeu naturel du marché et protéger leurs propres intérêts »[2].

Une catastrophe économique

Comme toute mesure de protectionnisme, qui vise à bloquer la concurrence, le patriotisme économique peut favoriser certaines industries bénéficiant dans les faits de privilèges, privilèges financés par le reste de la société. Ce nouveau colbertisme sacrifie les individus aux bénéfices de quelques industries proches du pouvoir.
En outre, le patriotisme économique français handicape l'internationalisation des groupes nationaux : Nicolas Véron, de Bruegel, un think tank indépendant, parle de « partenaires échaudés » par le patriotisme économique et considère que la politique protectionniste française est responsable des mesures protectionnistes « préoccupantes » prises par l'Espagne ou l'Allemagne[4]. Autrement, le protectionnisme qui transparait dans le patriotisme économique nourrit des tentations identiques à l'étranger, au détriment de tous.
En effet, cette tentation de l'interventionnisme est un jeu à somme négative, en cela qu'elle dissuade l'innovation et la recherche du progrès. N'ayant pas à affronter de concurrents étrangers, les entreprises nationales peuvent se reposer sur leur marché captif sans chercher à mieux répondre aux besoins de chacun. Les enseignements de l'histoire sont à ce sujet univoques : les périodes de repli sur soi ont été des moments de stagnation ou de déclin alors que les périodes d'ouverture ont permis le progrès. Ainsi, Ezra Suleiman, professeur de sciences politiques à Princeton, note-t-il que le patriotisme économique des dirigeants français « confort[e] constamment les groupes hostiles au progrès »[5].

La peur de l'autre et le repli sur soi

Enfin, derrière la notion de patriotisme économique, c'est aussi bien souvent la peur de l'étranger qui se fait jour. C'est la raison pour laquelle on parle également, plus justement, de nationalisme économique. C'est une revendication régulière des souverainistes, des antimondialisation, etc. Comme le note justement l'économiste Jean-Louis Caccomo, « le patriotisme économique est le premier pas vers la guerre économique, l’antithèse de l’échange »[6].

Qui doit décider ?

La volonté de l'État d'intervenir dans les rachats d'entreprises résulte également d'une confusion entre le rôle de chacun. Les acteurs économiques à qui incombent de telles décisions sont les propriétaires de l'entreprise, à savoir les actionnaires. Ce sont eux qui supportent le risque de l'activité en engageant leur argent dans l'entreprise et en risquant de le perdre si l'entreprise fait faillite.

Citations

  • « Il est tout d’abord primordial de rappeler qu’en matière d’OPA, les intérêts en jeu ne sont en rien ceux de la nation mais ceux des dirigeants, des actionnaires et des salariés d’une entreprise privée. Plus précisément, seuls les actionnaires de l’entreprise cible — c’est-à-dire ses propriétaires, ceux qui ont pris le risque de parier sur elle et qui supportent donc, contrairement aux hommes politiques, les conséquences des décisions prises — doivent pouvoir juger s’il est bon ou non d’apporter leurs titres à l’offre. Eux seuls sont en effet en mesure d’apprécier le prix relatif proposé par l’initiateur, au regard de leur perception des performances et du management actuels et des projets mis en avant par l’acheteur potentiel. Les gouvernants — qui ont leurs propres objectifs (notamment gagner la prochaine élection) et leurs propres contraintes (notamment médiatiques) — n’ont en conséquence aucune légitimité à intervenir pour bloquer ou influencer leurs choix. »
        — Mathieu Laine[2]
  • « Ce qui fait le succès économique de la plupart de nos voisins, ce ne sont pas les prétentions volontaristes de leurs gouvernements mais le climat de confiance et d’incitation aux efforts occasionné par la souplesse de leur droit du travail et la faiblesse de la pression fiscale. C’est cela qu’il faut importer chez nous, bien plus que les mauvaises tentations isolationnistes. Car ce n’est pas en s’enfonçant dans un chauvinisme stérile que notre pays pourra pleinement profiter de l’élan économique mondial et retrouver, enfin, le chemin de la croissance et de l’emploi mais en libéralisant notre économie et en la mettant à l’heure d’un monde plus flexible, plus rapide et plus compétitif. »
        — Mathieu Laine[7]
  • « Quant au patriotisme économique, il s’apparente à du protectionnisme. Et le protectionnisme ne saurait protéger un intérêt national, puisque celui-ci n’existe pas. Il défend donc en réalité des intérêts particuliers. Que penser d’une OPA lancée par un groupe étranger sur une entreprise nationale ? Si les actionnaires de cette dernière acceptent, c’est qu’ils y trouvent un avantage, au même titre que l’offrant. Quel argument avancer pour leur interdire de réaliser cet échange, d’actions en l’occurrence ? Il n’y en a pas ! Exactement comme il n’existe pas d’OPA hostile : elle est par la force des choses amicale à l’égard des actionnaires, c’est-à-dire des propriétaires. »
        — Pascal Salin
  • « Il n’existe pas de patriotisme économique, il n’existe que le patriotisme qui exige que le capital que nous avons reçu de nos parents ne soit pas gaspillé, ce qui n’est pas le cas en France, et depuis longtemps. Ceux qui ne font preuve d’aucun patriotisme, ce sont les élites politiques et non pas les entrepreneurs, qui eux se battent pour transmettre un stock de capital supérieur à celui qu’ils ont reçu. »
        — Charles Gave, 19/10/2013
  • « Le patriotisme économique : taxez ce que d'autres font mieux que vous. Le patriotisme économique n'est qu'une arnaque de plus. Supposez que vous soyez Norvégien et que vous aimiez les oranges. Vous mangez des oranges espagnoles car les Espagnols ont dans ce domaine un avantage concurrentiel sur les Norvégiens : chaleur et soleil favorisent la pousse des agrumes. Cet avantage gratuit (oui, nous vivons dans un monde cruel) fait que malgré le coût du transport entre l'Espagne et la Norvège, les Norvégiens peuvent se payer des oranges. Arrive un grand planificateur patriote norvégien ; il souhaite compenser la cruauté de l'avantage concurrentiel gratuit des Espagnols et de la mondialisation et taxe à l'importation les oranges espagnoles. Les Norvégiens payent donc plus cher leurs oranges.  »
        — Simone Wapler, 03/03/2016

D) Programme du FN 2017

Autorité de l’Etat

Avenir de la Nation

Politique étrangère

Redressement économique et social

Refondation républicaine

 
Source: http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/





E) Pourquoi le programme économique du FN est contesté
 
Réapparition du franc, retour à la retraite à 60 ans, augmentation forte des bas salaires... Le programme économique du Front national est-il «irresponsable» comme le déclare le patronat ou «rétrograde» comme le disent les économistes ? 
Vérification.

Depuis que Marine Le Pen a pris en janvier 2011 les rênes du parti fondé par son père, le Front national s'impose dans le paysage politique français pour devenir le premier parti de France. Au vu des résultats enregistrés au premier tour des régionales ce dimanche, le Front National devrait diriger plusieurs régions françaises à l'issue du deuxième tour de dimanche prochain. Ce vote aura une portée politique de haute importance, puisqu'il s'agira du dernier vote national avant la présidentielle de 2017, pour laquelle Marine Le Pen est évidemment déjà candidate... et en campagne.
Depuis cinq ans, le Front national a su conquérir une partie de l'électorat de droite sur les thématiques de l'immigration et de la sécurité, tout en séduisant aussi à gauche sur le plan social, et jusqu'à l'extrême gauche anti-libérale. Agriculteurs, salariés et retraités aux faibles moyens, petits patrons, artisans, chômeurs... le FN a rafflé les «laissés pour compte de l'UMPS». Il cherche désormais à progresser du côté des classes moyennes, en nuançant certaines propositions dissuasives et en crédibilisant son programme économique, encore jugé «irresponsable» par le patronat et «rétrograde» par les économistes. Quel est précisément le programme économique du Front National? Tient-il la route? Le point complet.

«Le retour au franc pour retrouver la prospérité»

Le raisonnement du Front national: Le Front National propose «un retour au franc, qui coexisterait avec l'euro, avec un franc égale un euro (...) pour oxygéner l'économie et retrouver la voie de la prospérité». Ce dispositif n'impliquerait pas une sortie de l'Union européenne - le Front national a des élus au niveau européen - mais une renégociation des traités européens.
Ce que cela signifie: Le projet de sortie de l'euro reste «un élément central pour le Front national», répète Marine Le Pen, mais il reste flou et change avec le temps. Le Front national est clair sur une chose: il ne s'agit pas «d'une sortie unilatérale de l'euro». Le parti souhaite organiser un référendum en France, «à l'image des Britanniques», et prévoit le démontage «coordonné de l'euro unique par un euro commun»: l'euro-franc, l'euro-mark, l'euro-peseta, etc... Tout en renégociant le mandat de la BCE, et donc les traités européens. Après avoir repris le contrôle de la politique monétaire, le parti envisage de dévaluer le franc (de 20% à 25% selon les prises de parole).
Pourquoi ce n'est pas si simple: Rappelons déjà que techniquement, aucun traité européen ne prévoit la sortie d'un pays de l'euro: l'idée d'un référendum sur un retour au franc serait donc contraire au droit européen. En revanche, un pays peut engager sa sortie unilatérale de l'Union européenne (comme le référendum organisé par les Britanniques en 2016), mais le Front National ne le souhaite pas. Fort «d'un axe franco-allemand», il veut déconstruire l'euro de façon concertée en renégociant les traités. En supposant, avec beaucoup d'imagination, qu'un tel axe franco-allemand se crée sur ce front-là, il faudra encore compter sur l'aval de tous - les 28 - autres membres, qui auront chacun imposé leurs conditions propres. Imaginons encore que tous les pays retrouvent leur liberté monétaire, l'idée du Front national de dévaluer le franc deviendrait inutile, puisque les autres le feront aussi, au nom de la compétitivité. Cela deviendrait même dangereux car, «historiquement, les dévaluations se sont toujours accompagnées de politiques d'austérité», avec in fine, «des baisses de salaires», prévient la Fondation Copernic, qui conclut: «Une telle orientation est porteuse d'une logique récessive».
Admettons malgré tout que le FN parvienne à dévaluer unilatéralement de 20% le franc, cela signifie que la dette de la France, libellée en euros, sera beaucoup plus chère à rembourser. Là, le Front national annonce qu'il relibellera la dette publique (à 95% sous contrat de droit français) en francs, invoquant la lex monetae. Mais cette «loi de la monnaie» dit simplement qu'en cas de conflit entre un État et un créancier, il sera réglé devant les tribunaux français. «Nul doute qu'il y aurait autant de procès que de créanciers de la dette française, en revanche rien ne dit que la France obtiendrait gain de cause, la justice en France étant indépendante», tacle Christopher Dembik, économiste. Et cela ne règle pas du tout la question de la dette privée, celle détenue par les entreprises (de 1700 milliards d'euros). «Le scénario du Front national rappelle le cas de l'Argentine, qui après avoir dévalué, a fait défaut sur sa dette en 2001, et fait encore face aujourd'hui à des litiges colossaux sur sa dette extérieure.», rappelle encore l'économiste.


«Déprivatiser l'argent public pour désendetter la France»

Le raisonnement du Front national: «Le monopole des banques sera supprimé en déprivatisant l'argent public. La Banque de France pourra ainsi prêter au Trésor public sans intérêt». En 2012, Marine Le Pen chiffrait «la charge de la dette à 1400 milliards d'euros depuis 40 ans».
Ce que cela signifie: Ces propos sont tenus mot pour mot par Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) ou Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), qui estiment que la dette colossale de la France ne serait que la conséquence de la soumission de l'État par la finance. Ils dénoncent là la loi dite Pompidou-Giscard-Rotschild qui date de janvier 1973, dont l'article 25 «oblige» dès lors l'État à s'endetter auprès de grandes banques internationales à des taux élevés, plutôt qu'une Banque centrale publique, à taux bas, comme c'était le cas avant avec la Banque de France.
Pourquoi ce n'est pas si simple: Il faut bien prendre en compte que cette loi de 1973 intervient après une traumatisante période de guerres des monnaies qui ont conduit à l'hyper-inflation et à la fin du système de Bretton Woods, en 1971. L'objectif était justement de limiter le pouvoir de création monétaire dont les États ont tendance à abuser, soit exactement ce que le Front national cherche à récupérer au nom de la souveraineté nationale. Notons de plus qu'avant cette loi, l'État se finançait déjà largement auprès des marchés et des particuliers. Sachons enfin que la loi de 1973 n'interdit pas toute forme de financement public par la Banque de France. Il faut par ailleurs se rappeler que juste après cette loi, et sans aucun rapport avec elle, a éclaté le premier choc pétrolier - suivi d'un autre en 1979 -, en même temps que la période d'euphorie économique «post-reconstruction» de la guerre se terminait et laissait place à une ère de croissance économique bien plus faible, combinée à un vieillissement de la population, au début d'un chômage de masse, et donc de dépenses publiques plus élevées. Tous les pays développés ont alors commencé à voir leurs comptes publics se dégrader. En France, ce n'est vraiment qu'à partir du milieu des années 1980 que la dette publique a commencé à progresser, puis à exploser au milieu des années 1990, à la faveur de l'ultra-libéralisation et la sophistication des marchés financiers.
Aujourd'hui, la dette dépasse les 2100 milliards d'euros, et il est vrai qu'en 40 ans, environ 1350 milliards d'euros ont été payés au titre des intérêts de cette dette (les chiffres de 2012 du Front national étaient légèrement gonflés), mais pas à cause de la loi de 1973. Retourner à un financement direct des États sans intérêt ne permettrait pas de résoudre le problème de la dette. La preuve par les faits: depuis mars dernier, la Banque centrale européenne rachète (presque) directement des dettes d'États à taux zéro, même parfois négatifs! Ce qui ne fait pas baisser l'endettement en zone euro: au contraire, les États en profitent pour emprunter encore plus...
La seule manière de réduire la dette publique, c'est d'équilibrer les comptes publics, c'est-à-dire d'équilibrer les dépenses publiques et les recettes publiques. Ou de rester en déficits chroniques, mais avec de la croissance et de l'emploi. Ce qui n'est pas le cas en France.

«Réduire drastiquement les dépenses inutiles et néfastes pour le pays»
Le raisonnement du Front national: «Un plan d'action volontariste sera mis en œuvre pour identifier et réduire drastiquement les dépenses inutiles et néfastes pour le pays: fraude sociale et fiscale, niches fiscales inefficaces, coûts de la décentralisation, poids de l'immigration incontrôlée sur les budgets sociaux. Le train de vie du pouvoir sera fortement réduit(...), les subventions aux organismes et associations ne relevant pas de l'intérêt général seront remises en cause.»
Ce que cela signifie: Outre le fait que le Front national confond ici dépenses publiques, manque à gagner pour l'État, et recettes fiscales, il y a ici un échantillon du «flou artistique» qui entoure le parti en matière d'économie: un mélange d'abstrait et de contre-vérités, sans entrevoir de solution concrète.
» LIRE AUSSI : LE SCAN ÉCO - Salaires, chômage, comptes publics: comment l'immigration impacte l'économie française
Pourquoi ce n'est pas si simple: Parce que dans sa vision de la France, le Front national veut aussi «revaloriser le budget de la Justice de 25%», «renforcer les effectifs de police», relever «l'effort de défense à 2% du PIB» (il était en 2014 de 1,5% hors pensions), assurer «l'accès aux soins, partout, pour tous les Français», pratiquer un «revenu parental équivalent à 80% du smic» et «revaloriser les allocations familiales», relever «les pensions de retraite», y compris celles des agriculteurs, etc. Autant de dépenses, non budgetées et immédiates, alors qu'en face, le levier de l'impôt est déjà à un niveau de puissance maximal. Le programme du Front national pour réduire les déficits de la France semble ainsi se reposer sur les seuls leviers de la fraude sociale, de la fraude fiscale et de niches fiscales «inefficaces». En effet, les montants sont impressionnants: la fraude aux cotisations sociales représente un manque à gagner de 21 milliards d'euros, la fraude fiscale, un «trou» de 60 à 80 milliards d'euros, et les niches fiscales, de 80 milliards d'euros... De quoi résoudre tous les problèmes de la France! «La lutte contre les fraudes fiscales et sociales est en route: les cellules de régularisation pour les particuliers rapatrient les fraudeurs fiscaux, les échanges d'informations entre les pays ont été élargies, des conventions sont signées, le G20 vient d'entériner les mesures proposées par l'OCDE en matière de lutte contre la fraude fiscale», souligne Crystelle Beltrando, fiscaliste chez Guyard Nasri. Mais «les fruits de cette lutte mettront encore du temps à être récoltés», poursuit-elle. 

Le raisonnement du Front national: «La priorité sera de rendre plus progressif, sans l'alourdir, l'impôt sur le revenu des personnes physiques par la création de nouvelles tranches intermédiaires. La tranche supérieure de l'Impôt sur le revenu sera portée à 46 %. Ainsi, les classes moyennes paieront moins l'impôt sur le revenu, mais les foyers très aisés le paieront davantage. La taxe d'habitation, opaque, sera intégrée à l'impôt sur le revenu sous la forme d'une taxe additionnelle qui sera aussi progressive»
Ce que cela signifie: Aujourd'hui moins d'un Français sur deux s'acquitte de cet impôt et les classes moyennes en paient la plus grosse part. Créer de nouvelles tranches permettrait d'élargir la base fiscale: cela relâcherait certes la pression sur les classes moyennes… mais intégrerait des bas revenus dans l'assiette d'imposition alors qu'ils en sont pour l'instant exonérés. Au contraire, baisser les taux d'imposition de certaines tranches concentrerait encore davantage le poids de l'impôt tout en diminuant son rendement global: une source de revenus en moins pour l'État.
Pourquoi ce n'est pas si simple: Pour autant, le projet du Front national n'apporte pas la réponse à ce problème. «Le Front national ne donne aucun détail sur les seuils et les taux d'imposition des nouvelles tranches, note Mathieu Plane, économiste membre de l'OFCE. Du coup, on ne sait pas s'il a pour objectif d'élargir la base fiscale, de baisser les taux ou les deux à la fois». Quant à la fusion de l'impôt sur le revenu avec la taxe d'habitation, le spécialiste rappelle que cela pose d'évidentes difficultés techniques: «Ils ne sont pas calibrés sur les mêmes assiettes: l'un est basé sur les revenus, l'autre sur la valeur locative d'un bien. Est-ce que le Front national voudrait réformer la taxe d'habitation pour y inclure des critères de revenus ou simplement créer un grand impôt sur les revenus? Là encore, la proposition reste à ce jour imprécise». Autre problème: l'impôt sur le revenu rentre dans les caisses de l'État, alors que la taxe d'habitation profite aux collectivités locales. «Un transfert des collectivités vers l'État serait techniquement difficile», prévient Mathieu Plane.

Le raisonnement du Front national: «Il faut augmenter le pouvoir d'achat sans grever la rentabilité des entreprises: nous proposons de financer une diminution des charges des cotisations sociales salariales par l'institution d'une Contribution Sociale aux Importations égale à 3% du montant des biens importés (...) qui permettra d'augmenter de 200 euros net les rémunérations des salaires jusqu'à 1500 euros»
Pourquoi ce n'est pas si simple: Sur le fond, la mesure s'avèrerait tout d'abord très coûteuse: sachant qu'il y a environ 7,5 millions de salariés percevant une rémunération inférieure à 1,4 smic (soit un peu plus de 1500 euros), son coût avoisinerait les 18 milliards d'euros, estime la Fondation Concorde. Une telle hausse de salaire viendrait renchérir le coût du travail des bas salaires sans augmenter la productivité, soit exactement l'inverse de ce que préconisent les économistes de tous bords pour doper les embauches des moins qualifiés et des jeunes, notamment dans des secteurs comme l'hôtellerie-restauration ou le commerce, gros pourvoyeurs d'emplois.
Sur la forme, la «Contribution Sociale aux Importations» est tout simplement… interdite. Le Traité de Rome, fondateur de l'Union européenne, précise dans son article 3 que les signataires s'engagent à éliminer entre les États membres «des droits de douane et des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie des marchandises». À supposer que la France sorte un jour de ce marché commun européen, comme le souhaite le Front national, elle reste soumise aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dont la position est d'encourager ses membres à baisser progressivement leurs droits de douane. Quoiqu'il en soit, l'Institut de l'entreprise explique qu'il faudrait d'abord que la France «renégocie totalement tous [ses] droits de douane avec tous [les] pays partenaires, qui ne manqueront pas de hausser leurs taux en représailles». Si la France faisait le choix de quitter l'OMC, institution dont elle est membre depuis 1948, elle se retrouverait alors aux côtés du Turkménistan, de la Somalie ou encore de la Corée du Nord.
Imaginons malgré tout que la «contribution sociale aux importations» voulue par le FN soit possible. Cette taxation des importations de 3% représenterait près de 15 milliards d'euros (3% des 491 milliards d'euros en 2014): insuffisant pour financer la hausse des bas salaires. En outre, elle serait répercutée dans le prix des composants importés, ce qui renchérirait le coût de production en France et in fine, les prix: ce qui serait gagné en pouvoir d'achat au niveau du salaire serait reperdu par la hausse des prix que générerait cette taxe.

Le raisonnement du Front national: «La retraite pleine à 40 annuités sera restaurée et l'âge légal de départ en retraite ramené à 60 ans. L'assiette actuelle (les revenus du travail) est trop étroite et pèse sur notre compétitivité. Il convient donc d'élargir cette assiette aux revenus du capital pour financer l'ensemble des prestations. La revalorisation des pensions de retraite sera effectuée.»
Cette mesure, également défendue par l'extrême-gauche, s'avérerait une nouvelle fois très coûteuse pour l'État. Selon les calculs de l'institut Montaigne, elle coûterait entre 6,5 et 17,4 milliards d'euros, selon les projections. Le coût moyen est estimé à 14,5 milliards: 10,5 milliards pour le rétablissement du droit à la retraite à 60 ans (contre 62 ans aujourd'hui) et 4 milliards pour le retour de la durée de cotisation à 40 ans (au lieu de 43 ans actuellement). C'est de plus sans compter le coût de la revalorisation des pensions de retraite, difficile à évaluer sans promesse plus précise. Ce coût serait en partie compensé par une baisse des indemnités de chômage à verser si l'on estime que l'avancement de l'âge de départ en retraite doperait l'emploi en laissant des postes vacants. Mais ce gain est impossible à estimer.
En outre, comme constaté dans l'infographie interactive ci-dessous, si l'âge de départ en retraite est ramené à 60 ans et que le montant des pensions est revalorisé, le seul moyen de pérenniser le système des retraites par répartition, comme s'engage à le faire le Front national… c'est d'augmenter les cotisations.
Une hausse d'au moins trois points si l'on retient un scénario optimiste pour la croissance (1,5% à l'horizon 2040). Et dans le cas de scénario neutre (1,3%) ou pessimiste (1%), augmenter les cotisations d'au moins 4 points ne suffirait encore pas! Pour Henri Sterdyniak, membre des Economistes atterrés, cela aboutirait à «des cotisations beaucoup trop élevées, qui amputeraient le pouvoir d'achat des actifs». Alors même que «la durée de vie se prolonge» et que «le premier emploi est de plus en plus tardif», principaux arguments des partisans du recul de l'âge de départ en retraite.
Le programme économique du Front national «c'est de la démagogie sociale», estime Pierre Gattaz, président du Medef.

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  Que ferait le FN au pouvoir ?

Alors qu'un sondage donne Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle de 2017, avec qui pourrait gouverner le FN et quelle politique pourrait-il mener ?

"En France, l'extrême droite et Marine Le Pen sont aux portes du pouvoir", a lancé Manuel Valls dimanche, s'appuyant sur un sondage donnant Marine Le Pen en tête au premier tour de l'élection présidentielle en 2017.
La présidente du Front national entrerait même à l'Elysée si elle se trouvait face à François Hollande au second tour, selon ce même sondage.

Comment pourrait gouverner le FN?

"Aujourd'hui tous les observateurs prennent au sérieux la présence de Marine Le Pen au second tour" de la présidentielle, confirme Jean-Yves Camus sur BFMTV. Ce politologue, spécialiste de l'extrême-droite, estime qu'elle ferait un bien meilleur score que celui de son père face à Jacques Chirac en 2002.
Néanmoins, "pour faire des lois, il faut avoir une majorité parlementaire", rappelle le chercheur rattaché à l’IRIS. Et face à un cas de figure sans précédent en France, deux hypothèses peuvent être émises: soit les citoyens confirment leur vote lors des législatives suivant la présidentielle, soit un "sursaut" opère laissant le FN sans marge de manœuvre à l'Assemblée nationale.

Une prise de distance avec l'Europe

Avec le FN, la France prendrait d’abord ses distances avec Bruxelles. Sur le plan monétaire, "la France doit préparer, avec ses partenaires européens, l’évolution de l’euro, qui deviendrait une monnaie commune, coexistant avec le franc, qui serait rétabli", peut-on lire dans le projet de Marine Le Pen pour 2012.
Le programme détaillé du FN prévoit également une "remise en cause des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes: la France reprendra le contrôle de ses frontières".
Mesure plus symbolique mais forte, le drapeau de l'union européenne ne serait plus autorisé dans les bâtiments publics. Enfin, la loi française primerait sur les traités européens.

La préférence nationale reliftée

La préférence nationale, chère à Jean-Marie le Pen existe toujours sous le terme de "priorité nationale". Pour l'emploi, le logement et les aides sociales, les étrangers n'auraient pas les mêmes droits que les Français.
Certains emplois dits "de souveraineté" seraient réservés aux personnes ayant la nationalité française. Enfin les étrangers vivant en toute légalité sur notre territoire, seront "incités à retourner dans leur pays" au bout d'un an d'inactivité.

Des peines alourdies pour le "racisme anti-français".

Concernant les grandes évolutions sociétales, il est également inscrit dans le programme du front national que "le libre choix des femmes doit pouvoir être celui de ne pas avorter".
En matière de justice, on notera le retour de la peine de mort par référendum et des peines alourdies pour le racisme anti-français.
Mais il faudrait aussi trouver la relève de Marine le Pen. Car le FN promet de soumettre à référendum une révision de la Constitution prévoyant un mandat unique de 7 ans pour le président de la République. 

Par K. L. avec Fabien Crombé via BFMTV



mars 03, 2016

Géopolitique de la Culture: Décrypter Daech

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Daech d’où vient-il et que veut-il ?

Depuis son irruption sur la scène internationale, en juin 2014, lorsqu’il a annoncé son intention d’établir un califat sur les territoires qu’il occupait en Irak et en Syrie, Daech a stupéfait le monde entier par sa brutalité. Sa soudaine notoriété, du moins en apparence, a suscité de multiples hypothèses quant à ses origines. Quels sont les forces et les événements qui ont conduit à l’émergence de ce groupe djihadiste ? Dans cet article, premier d’une série sur la genèse de Daech, James Gelvin, spécialiste de l’Histoire moderne du Moyen-Orient, souligne qu’il ne faut pas se contenter de réponses simplistes : le fait qu’un événement en précède un autre ne signifie pas nécessairement qu’il en soit la cause. Il est bien plus intéressant d’examiner les interactions historiques et sociales, et de reconnaître que des groupes comme Daech tentent souvent de trouver a posteriori une justification idéologique à leurs actes et déclarations. Cette série d’articles tentera de faire l’inventaire objectif des divers forces et événements susceptibles d’avoir favorisé l’émergence de ce groupe djihadiste. Nous avons tenté d’être aussi complets que possible dans notre approche, mais nous n’avons évidemment pas la prétention d’être exhaustifs, ni d’apporter une explication définitive sur les origines de Daech. Dans les jours à venir, un panel de spécialistes de la religion et de l’histoire moderne et médiévale, issus du monde entier, apportera son expertise à ces débats afin de comprendre comment est né le groupe djihadiste le plus connu de ces dernières années. Jusqu’où faut-il remonter pour découvrir les racines du prétendu groupe État islamique (Daech) ? Au choc pétrolier de 1973-74, quand les pays producteurs du Golfe persique ont exploité l’immense excédent budgétaire en dollars dont ils disposaient pour financer la diffusion de leur interprétation rigoriste de l’islam ? À la fin de la Première Guerre mondiale, quand les vainqueurs de l’Entente ont fait naître un énorme ressentiment dans le monde arabe en dessinant des frontières artificielles au Moyen-Orient, dont nous entendons encore parler aujourd’hui ? Et pourquoi pas à l’an 632, date de la mort du prophète Mahomet, quand la communauté islamique naissante s’est divisée pour savoir qui lui succéderait – ce qui a conduit à la scission entre sunnites et chiites que Daech exploite aujourd’hui à son compte ? Les hypothèses, apparemment infinies, feraient presque penser, si le sujet n’était aussi macabre, au jeu des Six degrés de séparation – lequel laisse entendre que tous les habitants de la planète seraient reliés entre eux par un maximum de six personnes. En ne considérant les phénomènes historiques qu’à travers une succession de causes et d’effets, on en vient à ignorer le nombre presque infini de combinaisons qui peuvent en résulter. C’est aussi l’un des raisonnements les plus fallacieux auxquels doivent faire face les historiens : post hoc, ergo propter hoc (à la suite de cela, donc à cause de cela). Plutôt que de relier l’émergence de Daech à un ou plusieurs événements historiques, je suggère donc de recourir à une méthode différente. 

Une longue lignée
Mohammed Ahmed, l’un des innombrables rédempteurs autoproclamés de l’islam. Wikimedia Commons Daech est l’illustration d’un phénomène qui se produit dans la plupart des religions, et notamment au sein de toutes les religions monothéistes. Régulièrement, un groupe d’activistes surgit, prospère momentanément avant de disparaître dans les ténèbres. Il cède alors la place à un autre groupe qui a émergé au sein du même bouillon de culture. Au VIIe siècle, les Kharijites (la première secte islamique de l’Histoire) – une organisation puritaine radicale – ont assassiné deux des premiers califes. Comme Daech, ils prétendaient savoir mieux que quiconque qui respectait réellement, ou pas, les préceptes de l’islam. Au XVIIIe siècle, Mohammed ibn Saoud, le fondateur de la dynastie saoudienne, était l’un des disciples de Mohammed ibn ‘Abd al-Wahhab, un prédicateur originaire du centre de la péninsule arabique. Considérant que la vénération des saints et la construction de mausolées étaient des actes impies, ibn Saoud et son armée détruisirent des sites sacrés pour les sunnites et pour les chiites en Arabie ainsi que sur l’actuel territoire irakien. Des actes qui font écho à la destruction de sites antiques perpétrée aujourd’hui par Daech. Au XIXe siècle, Mohammed Ahmed s’est autoproclamé mahdi (rédempteur de l’islam) sur le territoire de ce qui est aujourd’hui le Soudan, comme Abou Bakr al-Baghdadi, fondateur et chef de Daech, s’est récemment autoproclamé calife (commandeur des musulmans), une fonction plus opérationnelle. Les hommes d’Ahmed envahirent Khartoum, où ils massacrèrent une garnison britannique et décapitèrent son commandant. Avant al-Baghdadi, bien d’autres leaders ont donc marché sur les traces de Mohammed Ahmed. Bien que l’idée soit tentante, il serait totalement erroné de considérer que chaque groupuscule a « engendré » le suivant, même si certains militants s’inspirent des actions de leurs aînés. Ce serait aussi absurde que de voir dans les Zélotes de l’Antiquité (une secte juive qui a combattu les Romains) les ancêtres des colons juifs d’aujourd’hui en Cisjordanie, ou de considérer que les Croisés ont donné naissance aux ultras chrétiens qui jettent des bombes sur les cliniques pratiquant l’avortement. 

À chacun sa marque
Dans toutes les religions, de temps à autre, et sans qu’il soit d’ailleurs possible de prédire quand cela va se produire, un fidèle imprime sa propre marque sur la tradition. Pour qu’elle soit durable, il faut qu’elle emporte l’adhésion d’une partie des croyants, qui tentent alors de la mettre en pratique. Certaines interprétations, comme celle des Wahhabites saoudiens, sont plus durables que d’autres. Non pas parce qu’elles seraient plus « fidèles » au dogme, mais parce que ceux qui s’en font l’écho se montrent plus capables que d’autres de mobiliser des ressources – un petit groupe de croyants dévoués, des forces militaires, une aide extérieure, etc. – pour les défendre. La plupart n’y parviennent pas. C’est le cas d’Al-Baghdadi (et du fondateur d’al-Qaïda, Oussama ben Laden). Son interprétation combine trois notions qui trouvent leur origine dans la tradition islamique. La première est khilafa (le califat). Pour Al- Baghdadi, l’islam exige la création d’un califat, c’est-à-dire d’un territoire où s’applique la loi islamique sous l’autorité d’un calife – un descendant juste et instruit du prophète. Quand ses hommes ont envahi Mossoul à l’été 2014, il s’est autoproclamé calife et, pour établir sa légitimité, est devenu le calife Ibrahim al-Qurachi al-Hachimi. Les deux derniers noms signifient qu’il fait partie de la tribu de Mahomet, et qu’il descend directement du prophète. La deuxième notion est celle de takfir, qui fait des musulmans n’adhérant pas à sa lecture stricte du Coran des apostats, un crime puni de mort. Ceci explique les massacres commis par Daech à l’encontre des chiites, massacres que le haut commandement d’al-Qaïda lui-même trouve contre-productifs, voire écœurants. Abu Musab al-Zarqaoui, fondateur de la branche irakienne d’al-Qaïda, a quant à lui eu l’idée de ressusciter le concept du takfir. Sa stratégie était de s’en servir pour renforcer les liens communautaires entre sunnites irakiens en les mobilisant contre les chiites, afin de rendre le pays ingouvernable après l’invasion américaine. Al-Baghdadi va encore plus loin : ce concept lui sert à purifier le territoire du califat qui, espère-t-il, s’étendra bientôt sur l’ensemble du monde islamique. Enfin, il y a l’hégire, l’émigration des musulmans du dar al-harb (le domaine de la guerre, c’est-à-dire les pays à majorité non-musulmane) vers dar al-islam (le domaine de la soumission à Dieu). Tout comme Mahomet et ses disciples avaient quitté La Mecque pour Médine, où ils avaient fondé la première communauté islamique permanente. Daech veut que les musulmans s’installent en masse dans le califat, parce que l’organisation a besoin de gestionnaires et de guerriers expérimentés, et qu’elle considère l’immigration vers les « terres musulmanes » comme un devoir religieux. 

Une distraction dangereuse
Certains commentateurs pensent qu’al-Baghdadi a intégré une quatrième notion, celle d’une vision apocalyptique. Ils s’appuient sur le nom du luxueux magazine de Daech, Dabiq – qui
fait allusion à un site du nord de la Syrie où, d’après la tradition islamique, aura lieu l’Armageddon, le combat final entre le bien et le mal –, mais aussi sur des articles publiés dans ce magazine, et des vidéos de propagande. Cette théorie de la vision apocalyptique de Daech est tout à fait plausible. Après tout, chaque religion monothéiste a ses radicaux, et sa propre vision de l’apocalypse. Cependant, je ne suis toujours pas convaincu qu’une telle notion joue un rôle significatif dans la vision du monde de Daech. Quoi que l’avenir nous réserve, Daech, comme certaines sectes apocalyptiques chrétiennes, s’est montré si doué sur le plan tactique et stratégique qu’il a de toute évidence renvoyé aux calendes grecques l’idée de « fin du monde » – comme al-Qaïda l’avait fait pour la notion de rétablissement du califat. De plus, une grande partie des cadres de Daech sont d’anciens officiers de l’armée baasiste irakienne, qui accordent probablement autant d’importance au concept d’apocalypse que les généraux d’Hitler n’en donnaient aux divagations des fanatiques du Parti nazi. Réduire Daech à sa vision apocalyptique permet de mettre en lumière le côté irrationnel, voire médiéval, de ce groupe terroriste. Mais c’est aussi un exercice dangereux car si l’histoire récente nous a appris quelque chose, c’est bien que Daech prospère quand ses adversaires sous-estiment sa capacité de nuisance. 
The Conversation
2 mars 2016
James L Gelvin
*Professor of Modern Middle Eastern History, University of California, Los Angeles 



La théologie musulmane dévoyée

Quelles idées et quels événements ont fait le lit de Daech ? Pour le savoir, notre série sur les origines du groupe djihadiste s’intéresse au jeu des forces historiques et sociales qui ont contribué à son avènement. Aujourd’hui, l’historien de l’islam Harith Bin Ramlin explique en quoi l’État islamique s’inscrit – ou non – dans la théologie musulmane. Ce faisant, il répond à une question à laquelle les musulmans d’Occident sont souvent renvoyés. Les musulmans du monde entier souffrent quotidiennement de voir l’islam assimilé à la cruauté et à l’inhumanité de ce prétendu État islamique. Il serait certes tentant de considérer Daech comme sortant totalement du cadre de l’islam, mais on prendrait alors le risque de faire son jeu. Depuis la mort du prophète Mahomet, en 632, les musulmans ne se sont jamais accordés sur une autorité unique. Non contente d’être en désaccord, la première génération de fidèles s’est déchirée pour savoir qui devrait lui succéder à la tête de la communauté. Ces divisions ont provoqué l’émergence du sunnisme et du chiisme – les deux principales théologies qui se sont imposées au fil du temps. Leurs affrontements sanglants ont suscité une forte inquiétude au sein du monde musulman sur les conséquences potentielles des divisions de type politique et théologique. Pourtant, la nécessité de respecter les différences a rapidement fait consensus parmi les fidèles du prophète. S’il convenait de se « désolidariser » de ceux qui ne partageaient pas le même point de vue sur les questions essentielles, les intéressés étaient toujours tenus pour musulmans dès lors qu’ils respectaient les principes fondamentaux de l’islam, comme l’unicité de Dieu ou la prophétie de Mahomet. 



Le précédent des Kharijites
Jadis, une secte a remis en question cette approche pluraliste : les Kharijites. Selon eux, les chefs musulmans dissidents ou corrompus n’étaient que des apostats. Au sein de cette secte, certaines factions ont progressivement étendu leur conception de l’apostasie à tous les musulmans qui seraient en désaccord avec eux. Déclarés infidèles, ceux-ci pouvaient dès lors être tués ou réduits en esclavage. Mais il est important de préciser que la violence de ces extrémistes n’a jamais séduit qu’une minorité de croyants. D’autres Kharijites ont adopté une position plus modérée, davantage en phase avec le consensus en formation. L’horreur provoquée par les premières divisions au sein de l’Oumma (la communauté des musulmans) et la terreur mise en œuvre par les extrémistes kharijites ont, par réaction, conforté au sein de l’islam la reconnaissance des divergences d’opinion. Celle-ci s’est accompagnée d’une culture du savoir fondée sur l’idée que la recherche du « vrai » sens des écritures était une aventure humaine au long cours et faillible. Au-delà des points faisant l’objet d’un consensus indiscutable, certaines divergences d’interprétation étaient donc tolérées. Daech ne se distingue pas réellement de l’islam traditionnel par l’usage des textes religieux auquel il se réfère. Pour justifier l’esclavage ou la guerre contre les non musulmans, l’organisation s’appuie sur des passages relativement connus du Coran, de la Sunna ou du droit, issus de la tradition islamique médiévale. Mais ces textes – sacrés ou non – ont toujours été lus en vertu d’une longue tradition d’interprétation théologique. Comme le souligne Sohaira Siddiqui, professeure adjointe de théologie à l’Université Georgetown, les groupes tels que Daech s’écartent de l’islam en rejetant cette culture d’interprétation savante et de pluralisme religieux. L’approche de Daech s’inspire principalement du wahhabisme, un mouvement né de l’interprétation radicale faite par un théologien du XIVe siècle, Ibn Taymiyya. À ses yeux, les musulmans qui ne souscrivaient pas à son interprétation stricte du monothéisme étaient tout simplement des apostats. On peut aussi la rattacher aux théoriciens politiques radicaux du XXe siècle tel que Sayyid Qutb, qui qualifiait d’« idolâtres » et non fondés sur la loi de Dieu l’État moderne et les idéologies s’y rattachant, le nationalisme et la démocratie compris. En restaurant le califat, Daech entend aujourd’hui susciter une alternative à l’ordre politique dominant. 

Les conséquences de la précipitation
« Avec ou contre nous ». Fort de ce slogan simpliste, Daech peut traiter les dirigeants musulmans de « tyrans » et les religieux qui les soutiennent de « savants de palais ». Plus généralement, les musulmans qui refusent de « se repentir » et d’adhérer au dogme sont menacés d’« apostasie », un crime puni de mort. Ce faisant, le groupe a ressuscité l’ancienne mouvance kharijite sous la forme d’une idéologie politique meurtrière. Daech a raison sur un point : la solution aux problèmes du monde musulman ne viendra pas du maintien du statu quo politique, ni de l’instrumentalisation hypocrite de la religion visant à soutenir des régimes corrompus et oppresseurs. Avec son projet de restauration du califat, Daech entend créer une alternative au système politique actuel. REUTERS/Umit Bektas Mais en faisant fi du pluralisme théologique et de la tolérance religieuse, Daech met son interprétation des écritures et de la tradition religieuse au service de ses objectifs politiques, et non l’inverse. Les plus hautes autorités religieuses musulmanes, tel que l’imam de la mosquée al-Azar au Caire, se sont abstenues d’accuser Daech d’« apostasie », tout en appelant à combattre la secte par les armes. Cette hésitation s’explique peut-être par le fait qu’une telle accusation abaisserait la communauté des musulmans au même niveau que Daech, comme cette dernière le souhaite. Au lieu de déclarer ce groupe non conforme à l’islam, le monde musulman ferait mieux de réaffirmer son attachement à sa culture du pluralisme. Ce faisant, il ouvrirait un débat aussi nécessaire qu’urgent sur les relations qu’entretiennent l’État et la religion au sein des sociétés musulmanes contemporaines. 

Hâter la volonté de Dieu
De nombreux musulmans partagent sans doute la conviction de Daech que de nombreux signes attestent de la fin prochaine des temps. La secte s’écarte cependant de l’eschatologie musulmane dominante à deux égards. D’abord, sa littérature omet toute référence au mahdi (le guide attendu) et au retour de Jésus, le fils de Marie, dont les hadiths annoncent qu’il triomphera de l’Imposteur (Dajjal ou Antéchrist). Ensuite, Daech s’arroge un rôle central dans le déroulement de ces événements, alors que le musulman moyen admet qu’il ne peut réellement les comprendre. Autrement dit, au lieu d’attendre que Dieu provoque la fin des temps, Daech espère la précipiter par ses agissements. À cet égard, la secte se rapproche des extrémistes chrétiens et juifs. Si l’on accorde le bénéfice du doute aux adeptes de Daech – hormis les criminels, bien sûr –, il apparaît que leur idéologie se nourrit de la volonté d’appliquer à la hâte celle de Dieu. Et d’un rejet encore plus hâtif de la démarche, plus humble et prudente, des autres musulmans. 

Comme le dit le Coran :

« L’homme a été créé impatient ». (Sourate 21, 37) et
« Tous les hommes sont perdus, sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres, et s’enjoignent mutuellement la Vérité et la patience ». (Sourate 103, 2-3)

The Conversation
2 mars 2016
Harith Bin Ramli*
*Research Fellow, Cambridge Muslim College & Teaching Fellow, SOAS, University of London





Si l’EI se fonde sur la religion, pourquoi est-il si violent ? 



La soudaine notoriété de Daech (du moins en apparence) a suscité de multiples hypothèses quant à ses origines. Quels sont les forces et les événements qui ont conduit à l’émergence de ce groupe djihadiste ? Aujourd’hui, Aaron Hughes, spécialiste en sciences des religions, pose la question de savoir si sa violence est inhérente à l’islam. Malgré ce que l’on entend ici ou là, la religion n’est pas intrinsèquement pacifique. Ce présupposé repose largement sur l’idée, héritée du protestantisme, selon laquelle la religion est une pratique spirituelle, propre à chaque individu, et pervertie uniquement par des considérations bassement matérielles, notamment politiques. Pourtant, des gens tuent – et adorent – au nom de la religion.

Prétendre que le choix de l’une d’entre elles est plus juste que l’autre est non seulement problématique mais historiquement faux. Les croisades, les attentats contre les cliniques qui pratiquent l’avortement, certains assassinats politiques, et les attaques des colons israéliens contre des biens matériels appartenant aux Palestiniens – pour ne citer que quelques exemples – ont été, et sont encore, motivés par la religion. Ceci est dû au fait qu’elle repose sur la notion métaphysique de « croyant » et de « non-croyant » – une distinction fondée sur les concepts de bien et de mal, qui peut opportunément servir à justifier les actes de n’importe quel groupe. 


Un passé imaginaire
Daech, une organisation fondamentalement violente qui prétend refléter fidèlement l’islam du prophète Mahomet, fait partie de ceux-là. Elle s’apparente à d’autres courants réformistes islamiques qui cherchent à ressusciter, à l’époque moderne, l’idée qu’ils se font du système politique et social que Mahomet (570-632) et ses premiers fidèles instaurèrent et vécurent en Arabie au VIIe siècle après Jésus-Christ. Le problème, c’est que nous savons très peu de choses de ce système, si ce n’est par le biais de sources beaucoup plus tardives, comme la biographie (sira) de Mahomet ou les travaux d’historiens comme ceux d’al-Tabari (839- 923) . La restauration du califat est l’un des principes fondateurs de Daech. Cette entité géopolitique, synonyme de l’empire islamique qui s’étendait du Maroc et de l’Espagne, à l’ouest, jusqu’aux Indes à l’est, constitue le symbole l’apogée de l’islam. 

Quand il influait sur tout le Moyen-Orient et le pourtour méditerranéen, au VIIe siècle, l’islam propageait une vision résolument apocalyptique. De nombreuses sources, parmi les plus anciennes, évoquent ainsi la fin du monde. Citons notamment la lettre du deuxième calife, Oumar,à l’empereur byzantin Léon III, ainsi que des sources contemporaines non- musulmanes, tel le pamphlet Doctrina Jacobi (VIIe siècle) ou la version juive de l’apocalypse Les Secrets du rabbin Shimon bar Yohai (milieu du VIIIe siècle). La destruction du monde débuterait par une lutte entre les forces du bien (les musulmans) et celle du mal. Cette vision apocalyptique, Daech se l’est appropriée. Là encore, il est utile de rappeler deux choses. La première, c’est que la majorité des musulmans n’accorde aucun crédit à cette vision des choses. La seconde, c’est que cette notion de « fin du monde » n’est évidemment pas propre à l’islam. On la retrouve dans le judaïsme et le christianisme, où elle ne relève pas du tout de l’orthodoxie. 

Tolérance médiévale
Indépendamment du concept d’apocalypse, l’islam était-il particulièrement violent au VIIe siècle ? Sans émettre de jugement définitif sur ce sujet, on peut en tout cas rappeler les assassinats de trois des quatre premiers califes (successeurs) de Mahomet, ou les intenses débats théologiques de l’époque sur le fait de savoir qui était musulman ou non. Les débats se concentraient notamment sur l’âme des grands pécheurs. Ces derniers restaient-ils toujours musulmans, ou bien leurs péchés les avaient-ils exclus de la communauté des fidèles ? Dans la doctrine de la plupart des musulmans, c’est à Dieu de statuer, et non aux hommes. Cependant, des groupes comme Daech prétendent en décider à la place de Dieu, ce qui ne correspond en rien aux croyances de la majorité des musulmans orthodoxes. Un tel point de vue n’est certes pas incompatible avec l’islam, mais prétendre que des groupes comme Daech incarnent une interprétation médiévale de la doctrine islamique est injuste pour l’islam médiéval. 

Une bayt al-hikma (maison de sagesse ), construite au VIIIe siècle à Bagdad, symbolise ce que l’on a appelé l’âge d’or de la civilisation islamique. Pendant cette période de l’Histoire, des musulmans, des Juifs et des chrétiens étudiaient les textes philosophiques et scientifiques de la Grèce antique. Ces érudits ont contribué à faire progresser diverses disciplines, dont les mathématiques, l’astronomie, la médecine, l’alchimie ou la chimie, notamment. En un siècle à peine, l’islam était devenu un empire cosmopolite qui n’avait rien à voir avec l’interprétation stricte et dogmatique qu’en font des groupes comme Daech aujourd’hui. 

Un outil puissant
Les critiques occidentaux qui tentent de faire croire que l’islam est responsable des actions de Daech, et qui brandissent celles-ci comme une preuve supplémentaire de la violence intrinsèque de cette religion, négligent d’autres causes profondes, et très récentes. Parmi elles, citons le passé colonialiste européen dans la région, le soutien des États-Unis et de l’Europe à divers dictateurs impitoyables au Moyen-Orient et l’instabilité engendrée par l’invasion américaine en Irak après les attentats du 11-Septembre 2001. Sur la base de cette histoire moderne, Daech et d’autres groupes nourrissent un rêve « romantique », celui de ressusciter le règne idéalisé du puissant califat islamique. La capacité indéniable de la religion à ne pas s’embarrasser de nuances quand il s’agit de faire la différence entre «fidèles» et « infidèles », ou entre le « bien » et le « mal », en fait une idéologie puissante. Entre les mains de démagogues, le discours religieux – utilisé de manière sélective et manipulé afin d’atteindre des objectifs précis – s’avère redoutable. S’il est inexact de dire que la rhétorique de Daech est non-islamique, il importe de souligner ici qu’elle ne représente qu’un courant très particulier de l’islam, certainement pas le principal. 


The Conversation 
 2 mars 2016
Auteur : Aaron W Hughes*

Traduit par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.




Le califat et le spectre des accords Sykes-Picot 


Depuis son arrivée sur la scène internationale en juin 2014, l’État islamique a stupéfait le monde entier par sa brutalité et par son intention d’établir un califat sur les territoires conquis en Irak et en Syrie. Dans une série d’articles, The Conversation analyse les forces historiques et culturelles qui expliquent la montée en puissance de ces djihadistes. Aujourd’hui, l’historien James Renton examine l’instrumentalisation des accords Sykes-Picot que l’État islamique a ostensiblement condamnés dans sa toute première vidéo. Depuis que le porte-parole de l’État islamique, Abou Mouhammad al-Adnani, a proclamé l’instauration d’un califat, le 29 juin 2014, les experts tentent de comprendre les origines et les objectifs du groupe. La majorité des analyses se focalisent sur la théologie des cadres de l’État islamique : une pensée apocalyptique appelant de ses vœux un retour à l’islam fantasmé des fondateurs de cette religion. Dans le même temps, l’analyse des objectifs politiques autoproclamés du groupe a été largement négligée. Or, indépendamment de la place qu’occupe la religion dans le fonctionnement et les justifications de l’État islamique, on ne peut comprendre le califat qu’en décortiquant les déclarations publiques, véritables manifestes modernistes, de ceux qui définissent sa ligne politique. Vu sous cet angle, le califat apparaît principalement comme une tentative de libérer l’oumma – la communauté mondiale des musulmans – de l’héritage du colonialisme européen. Pour les dirigeants de l’État islamique, le premier objectif du califat n’est donc pas théocratique, mais vise bien à s’émanciper du colonialisme. 

Retour aux sources
L’un des pseudonymes que le chef déclaré du califat s’est choisis est symptomatique de l’obsession qu’il manifeste à l’égard d’une mission spécifiquement religieuse, remontant aux premières années de l’islam. Ibrahim bin Awwad bin Ibrahim al-Badri al-Samarra’i (ou l’une des variantes de ce patronyme) a pris, bien avant l’été 2014, celui d’Abou Bakr, du nom du premier successeur de Mahomet, chef religieux et politique de l’oumma. 

Le Britannique Mark Sykes s’était entendu avec son homologue français, François Georges-Picot, pour que leurs pays respectifs se partagent le Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale. Wikimedi Abou Bakr, qui dirigea l’oumma de 632 à 634, avait mis un terme à toute dissidence à l’encontre du nouveau système islamique dans les territoires qu’il administrait. D’après les sources dont nous disposons, il fit du califat un empire expansionniste qui mena des campagnes militaires sur les territoires actuels de la Syrie, l’Irak, la Jordanie et la Palestine- Israël. Le choix du nom d’Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi, en plus de celui de « Calife Ibrahim » est révélateur des ambitions du nouveau califat. Dans sa proclamation, al- Adnani s’est d’ailleurs fait un devoir de célébrer les victoires militaires des premières décennies de l’islam, et de rappeler que l’oumma avait « fait régner la justice sur Terre [...] et dominé le monde pendant des siècles ». Ce succès, pense-t-il, résulte directement de la foi que les musulmans ont placée en Allah et de l’adhésion de l’oumma aux préceptes du prophète Mahomet. Mais la conquête territoriale et la création d’un empire musulman – ou d’un État, comme préfèrent l’appeler les auteurs du nouveau califat – n’est pas une fin en soi. Elles visent un objectif bien particulier. 

L’infamie franco-britannique
Selon al-Adnani, il est indispensable d’en finir avec la disgrâce dont est victime l’oumma, avec son humiliation et sa soumission aux gouvernements « les plus vils ». Deux jours après avoir été proclamé calife, al-Baghdadi a tenu des propos bien plus précis. La chute du dernier califat – et, avec lui, la perte d’un État – a conduit à l’humiliation et la perte d’autonomie des musulmans dans le monde entier, expliquait-il. Ce statut apatride a permis aux « infidèles » d’occuper les terres musulmanes, d’y installer des gouvernements autoritaires et de propager les mensonges des Occidentaux. Ce récit assez confus fait allusion à la dissolution, après la Première Guerre mondiale, de l’Empire ottoman, qui a régné sur la majeure partie de l’Asie de l’Ouest pendant quatre siècles. 

Le chef de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi
Les empires britannique et français se sont alors partagé des territoires considérables dans la région, qu’ils contrôlèrent pendant plusieurs décennies. Et quand ils durent y renoncer, ces États coloniaux ne ménagèrent pas leurs efforts pour mettre en place des régimes qui serviraient leurs intérêts et, plus généralement, ceux des Occidentaux. Pour les dirigeants de l’État islamique, ces agissements n’ont jamais cessé d’alimenter la stagnation de l’oumma, à qui l’on a ôté l’essence même du pouvoir contemporain : la souveraineté, c’est-à-dire une indépendance politique enracinée dans un territoire géographique donné. C’est la raison pour laquelle al-Baghdadi estime qu’il est urgent de ressusciter le califat afin de mettre un terme à cette absence funeste. Dans un tout autre état d’esprit, l’universitaire S. Sayyid, installé au Royaume-Uni, est parvenu à une conclusion similaire en 2014. La preuve la plus nette de la primauté de cet objectif politique dans l’agenda de l’État islamique apparaît clairement dans la propagande du nouveau califat, qui joue un rôle clé dans le projet de l’État islamique. À l’occasion de la proclamation de ce califat, ils ont publié une vidéo intitulée La Fin de Sykes- Picot. Signés en mai 1916, les accords secrets franco-britanniques, dits Sykes-Picot, prévoyaient le partage de l’Empire ottoman en zones d’influence et d’administration directe pour les deux empires européens. Mais les bolcheviks découvrirent une copie de cet accord dans les archives russes en novembre 1917, peu de temps après la Révolution, et en révélèrent l’existence au monde entier. 

Les accords Sykes-Picot
Contrairement à ce que suggère cette vidéo, les accords Sykes-Picot n’ont donc pas dessiné les frontières des États créés sur les décombres de l’ex-Empire ottoman. Mais cette erreur ne doit pas nous empêcher de mesurer l’importance qu’ont ces accords aux yeux de l’État islamique, ni la portée de ce qu’ils nous disent du califat. Au Moyen-Orient, ces accords sont en effet devenus les symboles de la trahison et du complot occidental dans la région, mais aussi de la manière dont les Européens se sont servis de leur empire colonial pour priver les peuples de la région de leur souveraineté. Le but avoué de l’État islamique est d’en finir avec cet héritage. Ce qui explique pourquoi « La Fin de Sykes-Picot », parmi tant d’autres sujets possibles, fit l’objet de la toute première vidéo accompagnant la proclamation du califat. Pour al-Baghdadi, islam et souveraineté sont indissociables – ce qui explique la nécessité d’un État islamique, et le choix précis de ce terme au détriment de celui d’« empire », qui décrit pourtant mieux les objectifs expansionnistes de son califat. Il ne s’agit pas, en effet, d’une simple question de sémantique : ce choix est au cœur de la raison d’être de l’État islamique. Le califat, soutiennent les dirigeants du groupe terroriste, est indispensable pour mettre fin aux conséquences de l’impérialisme et du colonialisme européens. Il s’agit donc d’une tentative de s’émanciper du joug colonial et d’accéder à une oumma post-colonialiste. Souveraineté et lutte pour l’indépendance vont souvent de pair. L’ordre mondial né des cendres de la Première Guerre mondiale, et incarné par la Ligue des Nations puis les Nations unies, place l’idée de souveraineté au cœur de notre concept de puissance. Dans ce système, l’absence d’État est synonyme d’absence de pouvoir. La défaite militaire de l’État islamique, et la perte des territoires conquis, anéantiraient toute notion de souveraineté, et donc de califat. Mais cette éventuelle défaite ne résoudrait pas la problématique du sentiment d’impuissance qui a nourri l’idée de califat en 2014. Au contraire, elle ne ferait que le renforcer. Les vrais défis qui se posent sur le long terme aux adversaires de l’État islamique ne concernent donc pas seulement la chute du califat – qui sera indubitablement compliquée – ni même une hypothétique victoire contre l’« extrémisme ». Il faudra surtout vaincre le cri de ralliement de l’État islamique : l’aliénation des musulmans dans l’ordre mondial. 
 
The Conversation
4 mars 2016
James Renton

Traduit par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.



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