septembre 23, 2018

Catherine Audard, « Le « nouveau » libéralisme »

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Le « nouveau » libéralisme

Le libéralisme survivra-t-il à la crise économique et financière ? Les pronostics se multiplient mais il est difficile de percevoir les réalignements idéologiques en cours. Au début du XXe siècle déjà, une autre crise du capitalisme donna naissance à un courant intellectuel et politique, le « nouveau » libéralisme, dont Keynes fut l’un des héritiers. La philosophe Catherine Audard retrace l’histoire de cette refondation.
« La transition de l’anarchie économique vers un régime visant délibérément à contrôler et diriger les forces économiques dans l’intérêt de la justice et de la stabilité sociale présentera d’énormes difficultés à la fois techniques et politiques. Je suggère néanmoins que la véritable mission du nouveau libéralisme est de leur trouver une solution ».
John Maynard Keynes, « Suis-je un libéral ? » (1re éd. 1925), in La Pauvreté dans l’abondance, Paris, Gallimard, 2002 (souligné par nous).
Ce diagnostic de Keynes sonne étonnamment contemporain [1]. Le monde occidental sort de trente ans de politique économique dominée par le néolibéralisme qui ont conduit certes à une plus grande prospérité mondiale, mais aussi à une crise financière d’une très grande gravité, parfaite illustration de l’anarchisme économique que fustige Keynes et qu’il avait expérimenté en première ligne, avec la dépression de 1929. Mais si la dérégulation des forces du marché a conduit le capitalisme au bord du précipice, les modèles alternatifs, communisme et socialisme, ont été, eux, largement frappés de discrédit depuis la chute du mur de Berlin, comme ils l’étaient déjà pour Keynes. Comme les gouvernements sociaux-démocrates actuels, Keynes refusait de voir dans le socialisme un remède aux maux du laissez faire. Quant au retour au protectionnisme, qui, rappelons-le, n’était pas un dogme pour Keynes, même s’il est une tentation, il est un moyen infaillible de transformer la récession en dépression, puisqu’il aggrave l’effondrement de la demande mondiale.
Vers quelle théorie se tourner si l’ultralibéralisme comme le socialisme ont été déconsidérés ? Telle est la question urgente qui se pose à tous les gouvernements modérés en 2009. Mais c’était également la question que se posaient au tournant du XXe siècle les auteurs libéraux progressistes qui, hostiles aussi bien au libéralisme orthodoxe de l’École de Manchester [2] qu’au socialisme, ont influencé Keynes. Ce sont ces auteurs, ainsi que leur politique économique et sociale, qui font l’objet de cette étude de ce qu’on a appelé le New Liberalism en Angleterre. [3]

La naissance du « nouveau » libéralisme au tournant du XXe siècle

D’un libéralisme de parti à un libéralisme d’idées
Le libéralisme connaît des transformations remarquables en Angleterre au tournant du XXe siècle. Il cesse progressivement d’être la formation politique dominante et est évincé après 1922 par le parti socialiste, le Labour Party, devenant de plus en plus minoritaire et éloigné du pouvoir en raison du bipartisme qui caractérise la politique anglaise. Mais il acquiert et développe également, pendant la même période, une influence intellectuelle et une stature morale sans commune mesure avec sa représentation politique. Il passe d’un libéralisme de parti à un libéralisme d’idées, forgeant ce qu’on a appelé le « nouveau » libéralisme qui s’éloigne considérablement des positions du libéralisme classique. Son renouveau intellectuel est animé par des philosophes, des économistes, des politologues, des sociologues, essayistes ou universitaires, mais aussi des journalistes, qui sont parfois également des hommes politiques et qui ont un prestige et une influence considérables auprès des classes dirigeantes. Ces auteurs se confrontent aux textes classiques du libéralisme comme aux positions du parti libéral pour les critiquer et les remanier sous des angles extrêmement variés, donnant son nouveau visage au libéralisme.
Il faut ajouter que ces auteurs ont eu un rayonnement international et que des mouvements comparables au New Liberalism ont existé en France, comme le « solidarisme » de Charles Renouvier (1815-1903), Alfred Fouillée (1838-1912), Léon Bourgeois (1851-1925), Charles Gide (1851-1925) et même Émile Durkheim (1858-1917) [4]. En Italie, le libéralisme classique représenté par le célèbre économiste Vilfredo Pareto [5] (1848-1923) a suscité les réactions d’intellectuels opposés au fascisme comme Benedetto Croce (1866-1952), fondateur du parti libéral italien, l’économiste Luigi Einaudi (1874-1961) et l’historien du libéralisme, Guido de Ruggiero (1888-1948), inspirées par le « nouveau » libéralisme et sa critique du libéralisme économique ou liberismo. Quant au « socialisme libéral » de Carlo Rosselli (1899-1937) [6], il a marqué durablement la tradition politique italienne [7]. En Allemagne, Wilhelm Dilthey (1833-1911) et Max Weber (1864-1920) [8] incarnent les espoirs du libéralisme ainsi que ses échecs et son incapacité à prendre pied dans un contexte idéologique hostile. Aux États-Unis, le « progressisme » américain est l’équivalent du « nouveau » libéralisme et sa nouvelle éthique démocratique et égalitaire s’exprime dans le magazine The New Republic, avec son fondateur Herbert Croly (1869-1930), Walter Lippmann (1889-1974), son publiciste le plus célèbre, ainsi que le philosophe John Dewey (1859-1952) qui, tous, puisent leur inspiration dans la philosophie de William James (1842-1910). Notons que l’un de ses grands intellectuels, Thomas Woodrow Wilson (1856-1924), professeur de sciences politiques à Princeton, fut président des États-Unis de 1913 à 1921.
Le libéralisme en Angleterre (1870-1920)
Quelle est la situation spécifique du libéralisme en Angleterre ? En 1870, au moment de son apogée, le parti libéral est divisé en deux courants principaux. Le premier courant, plus conservateur, est l’hériter des Whigs des XVIIe et XVIIIe siècles, grands propriétaires terriens alliés à la bourgeoisie d’affaires pour des raisons tactiques afin de défendre leurs privilèges contre la dynastie des Stuarts et la monarchie absolue. Les éléments les plus conservateurs du parti se sont séparés des libéraux en 1832 sur la question du libre-échange, mais aussi de la réforme électorale et de l’élargissement du droit de vote, et rejoignent un nouveau parti qui se substitue aux Tories, le parti conservateur. Les libéraux conservateurs qui restent au parti, dont les représentants sont Richard Cobden, John Bright, et surtout le premier ministre William Gladstone, sont partisans du libre-échange contre les conservateurs protectionnistes et impérialistes, dont le leader est Benjamin Disraeli.
En face d’eux, et en position de plus en plus dominante, les libéraux réformateurs et « radicaux » influencés par l’utilitarisme se préoccupent avant tout d’améliorer le bien-être (welfare) des classes laborieuses et de lutter contre la pauvreté, en intervenant dans des secteurs jusque-là réservés à la charité privée. Ils sont également hostiles à l’impérialisme britannique et au coût des guerres coloniales. Ces préoccupations les amènent à critiquer les dogmes du libéralisme économique et à prôner au contraire l’intervention de l’État dans la vie sociale et économique.
Mais, malgré ces conflits, on peut dire que le consensus libéral résiste aux crises économiques et sociales beaucoup plus longtemps qu’ailleurs. Le libéralisme continue de nourrir une image idéalisée du capitalisme et de son fonctionnement. Il comprend la nouvelle société qu’il voit se former sous ses yeux dans les mêmes termes individualistes que jadis, attribuant le chômage et la misère avant tout à des défauts de « caractère » ou à la malchance. Incapable de saisir les causes de la crise sociale, il cherche à en guérir les symptômes : pauvreté, insécurité, chômage. Il n’établit aucun lien entre la pauvreté croissante du prolétariat et le capitalisme.
C’est la montée du socialisme, sous la forme du travaillisme, qui change la situation et radicalise l’aile réformatrice du parti libéral. Mais le travaillisme, qui donne naissance en 1906 au Labour Party, bien loin d’être influencé par le socialisme révolutionnaire et le marxisme comme en Europe continentale, a ses sources morales dans le libéralisme modéré et dans le protestantisme libéral, le méthodisme en particulier [9]. C’est seulement en 1918 qu’il cesse d’être un allié politique des libéraux et qu’il devient un opposant politique du parti libéral, lui ravissant la première place aux élections en 1922. Entre 1906 et 1911, avec l’aide des travaillistes, les libéraux réformateurs ont fait voter une législation sociale très avancée : indemnités en cas d’accident de travail, repas gratuits dans les écoles, réglementation du travail des enfants, limitation du travail à 8 heures dans les mines, protection des syndicats dont les pouvoirs sont accrus, revenu garanti pour toute personne âgée de plus de soixante-dix ans, début de la démolition des taudis et amélioration des logements ouvriers. Enfin, le National Insurance Act, voté en 1911, met sur pied le premier système d’assurance-chômage et maladie. Les prémisses du Welfare State sont donc l’œuvre des libéraux, appuyés par les travaillistes [10].
Mais cette radicalisation conduit, en 1916, à l’éclatement du parti entre radicaux (comme Lloyd George), modérés (comme Lord Asquith) et conservateurs, partisans de l’Empire au moment de la guerre des Boers. Le parti libéral perd ainsi, au lendemain de la Première Guerre mondiale, la position dominante qu’il occupait dans la vie politique anglaise, au profit du parti travailliste.

Les sources intellectuelles du "nouveau" libéralisme

Derrière les transformations du parti libéral, son éclatement et la naissance du parti travailliste pendant cette période, il faut voir l’action indirecte, mais parfois aussi directement politique, d’un nouveau mouvement intellectuel qu’on a appelé New Liberalism, né dans les universités d’Oxford ou de Cambridge. Ce mouvement a exercé une influence très importante sur les élites et les hommes politiques, mais a su également trouver des journalistes et des écrivains pour diffuser plus largement ses vues.
L’héritage de John Stuart Mill (1806-1873)
Ce « nouveau » libéralisme a, tout d’abord, ses sources intellectuelles dans les écrits de John Stuart Mill. Sous l’influence de Wilhelm von Humboldt (1767-1835), représentant du libéralisme allemand du Sturm und Drang [11], Mill a développé une nouvelle conception de l’individu qui doit beaucoup au concept hégélien et humboldtien de Bildung, terme ambigu qui signifie à la fois la formation de l’individu, son éducation ou ce que Mill appelle « la culture de soi ». Disons qu’à la conception abstraite et non historique de l’individu libéral du XVIIIe siècle, Mill substitue une conception beaucoup plus riche, évolutive et dynamique de l’individu comme résultat d’un processus d’individualisation : l’individualité. Dans De la liberté (1859), le manifeste du libéralisme moderne, il affirme que l’individualité est un des éléments essentiels du bien-être et donc une valeur centrale du libéralisme.
En conséquence, la société a un rôle central à jouer dans la formation de l’individualité et la nature sociale de l’individu est affirmée. Mill refuse toute opposition tranchée entre individu et société. Le but du libéralisme est d’indiquer « la nature et les limites du pouvoir que la société peut légitimement exercer sur l’individu […] ce contrôle extérieur n’étant justifié que pour les actions de chacun qui touchent à l’intérêt d’autrui ». Indiquer clairement les limites de l’action de la société sur l’individu permet de lutter contre les contraintes inacceptables et injustifiées qu’elle risque d’imposer au développement individuel, contre l’autorité abusive qu’elle fait peser sur les individus et leur créativité. Mais le libéralisme ne refuse certainement pas l’idée que la société ait une influence sur la formation de l’individu et « la culture (Bildung) de soi ». Le libre développement de l’individu est un élément essentiel du progrès social, mais, sans l’aide et la contribution des autres, ce développement serait impossible.
Liée à cette conception de l’individualité, Mill développe une conception pluraliste de la société, mais aussi de la connaissance et de l’éthique, là encore en opposition avec les tendances monistes de l’idéologie des Lumières. Il insiste sur le fait que la pluralité des opinions est absolument nécessaire à la découverte de la vérité (De la liberté, chapitre II) comme à la liberté de l’individu de choisir son propre chemin, la voie de son développement personnel.
Mais c’est surtout en tant qu’homme politique – il est candidat socialiste aux élections de 1868 – et économiste – ses Principes d’économie politique de 1848 ont un énorme succès parce qu’il y apparaît plus soucieux de la classe ouvrière qu’aucun économiste avant lui – que Mill inspire l’évolution du mouvement libéral vers une conscience de plus en plus aiguë des questions sociales et ce sont surtout ses derniers écrits sur le socialisme, sur les droits des femmes et sur le gouvernement représentatif qui constituent les sources du nouveau paradigme.
Du « nouveau » libéralisme au travaillisme : T.H. Green, L.T. Hobhouse et John Hobson
Le penseur le plus important du nouveau libéralisme est certainement le philosophe d’Oxford Thomas Hill Green (1836-1882) [12] dont l’enseignement a un rayonnement extraordinaire bien après sa mort sur tout le personnel politique de l’époque, sans oublier sur Keynes lui-même qui, s’il ne le cite pas, s’en inspire [13]. Green développe les idées de Mill, mais va beaucoup plus loin que lui dans la dénonciation de la liberté des contrats et de la liberté économique, et ses thèses sur la nature sociale de l’individu sont très proches de celles de Durkheim dont il est le contemporain [14]. Green est remarquable par sa lecture de Rousseau, qu’il admire, et des philosophes idéalistes allemands, Kant, Hegel, Humboldt, qu’il essaye de concilier avec l’héritage libéral anglais et écossais. Suivant Kant, il rejette l’utilitarisme qui était la doctrine morale préférée des libéraux et affirme, au contraire, que le lien social ne résulte ni d’un contrat à la manière de Locke ni de l’utilité à la manière de Bentham, mais de la reconnaissance par chacun de la personne de l’autre comme d’une fin en soi et des intérêts des autres comme constitutifs de l’intérêt personnel. Il critique ainsi l’individualisme atomiste du XVIIIe siècle et lui substitue la vision, inspirée de celle de Mill, d’une individualité qui se développe et se perfectionne grâce à l’apport constant des autres, fondant ainsi un droit de l’individu vis-à-vis de la société qui lui doit les moyens de la réalisation de son potentiel, réalisation essentielle pour le bien-être et le progrès de tous. Cette idée est notamment reprise dans le « solidarisme » de Léon Bourgeois et son concept de la « dette sociale ». À la suite d’Aristote et de Hegel, Green appelle « bien commun » cette interaction entre intérêt individuel et intérêt commun et en fait le fondement de la morale et de l’obligation politiques [15].
Green est à la source de quatre innovations dans le programme libéral. Tout d’abord, il distingue radicalement la liberté négative du « vieux » libéralisme, celle des droits individuels, et la liberté positive du « nouveau libéralisme », celle des droits-créances, des moyens sociaux et économiques que la société fournit à l’individu pour permettre le développement de ses potentialités. Il amorce ainsi un débat entre liberté positive et liberté négative qui devient central dans l’idéologie libérale du XXe siècle et qui suscite la célèbre défense de la liberté « négative » par Hayek dans La Constitution de la liberté (1960). Ensuite, il réaffirme la nature sociale de l’individu dont le développement est tributaire de l’apport des autres et de la société. Puis, il fait la critique du libéralisme économique en soutenant que le marché est une institution sociale comme une autre qui doit donc être régulée pour fonctionner à l’avantage de tous et non pas seulement de certains. Enfin, il soutient la légitimité de l’intervention de l’État et de la législation dans les domaines de l’éducation, de la santé publique, de la propriété privée et du droit du travail pour neutraliser les effets pervers des excès de la liberté individuelle.
À la suite de Green, Leonard T. Hobhouse (1864-1929) [16] condamne le libéralisme économique qui conduit à creuser l’écart entre riches et pauvres et propose un programme sévère de taxation des profits des entreprises. Il défend le rôle de l’État qui doit réguler la vie sociale et soutient que les réformes sociales peuvent être compatibles avec le respect de l’individu. La nouvelle citoyenneté devrait inclure les droits sociaux et pas seulement les droits politiques. Il se rapproche ainsi du travaillisme naissant et de la Fabian Society. Celle-ci, qui existe toujours, a servi de premier think tank au parti travailliste et compte parmi ses membres fondateurs Béatrice et Sidney Webb, George Bernard Shaw et H. G. Wells. Elle défendait l’intervention de l’État dans la société, grâce à une bureaucratie efficace et honnête, le collectivisme et la méritocratie, tout en se considérant comme l’héritière du libéralisme [17].
Le nouveau libéralisme est également l’œuvre d’économistes, pas seulement de philosophes ou d’essayistes. Ainsi l’harmonie entre efficacité économique et réformes sociales est-elle le credo des travaux de l’économiste Alfred Marshall. Quant à John Hobson, le disciple de Green et Hobhouse et l’auteur de The Evolution of Modern Capitalism (1894) et d’Imperialism (1902), il rejoint, comme Hobhouse lui-même, les rangs du parti travailliste après la Première Guerre mondiale, quand le courant impérialiste du parti libéral rend impossible tout effort de réformes sociales.
John Maynard Keynes (1883-1946)
Il est impossible d’évoquer le « nouveau » libéralisme en Angleterre sans évoquer la figure de Keynes [18]. Confondant Keynes et le keynésianisme, on a souvent présenté Keynes comme antilibéral. En réalité, il est bien l’héritier des idées du « nouveau » libéralisme. Il s’oppose à une certaine version du libéralisme, celle, dogmatique et conservatrice, de l’École de Manchester et du parti libéral au début du XXe siècle, ou celle des conceptions économiques « orthodoxes » du Trésor avec lequel il a tellement de conflits, mais certainement pas au « nouveau » libéralisme dont il est, au contraire, le continuateur [19].
On peut dire, tout d’abord, que Keynes a parachevé le nouveau paradigme libéral en donnant à l’État administratif la dernière justification qui lui manquait encore : celle de l’expertise économique, et non plus seulement sociale, comme c’était le cas pour l’État social allemand de Bismarck. La pauvreté et les problèmes sociaux sont dus, selon lui, à la mauvaise gouvernance économique, à l’incompétence et à la mauvaise gestion de l’économie par les gouvernements, à leur « bêtise », dit-il souvent, se référant à ses innombrables démêlés avec les responsables du Trésor et avec les tenants du free market à tout prix, plutôt qu’aux défauts de caractère des « pauvres ». La nouvelle science économique doit permettre de résoudre les crises économiques en changeant les paramètres et en comptant sur l’intervention de l’État pour les mettre en œuvre, par exemple par une politique de grands travaux dont l’inspiration se trouve, avant Keynes, chez les économistes américains institutionnalistes. Keynes complète, plutôt qu’il ne transforme, le libéralisme pour y faire entrer des idées nouvelles, celles de risque, d’incertitude, d’anticipation, de probabilités ainsi que l’importance des phénomènes macro-économiques. Comme il le fait remarquer, non sans vanité, de même que la théorie de la relativité d’Einstein intègre comme un phénomène particulier valable pour des vitesses inférieures à la vitesse de la lumière les équations de Newton, de même sa théorie générale intègre les conceptions classiques et néo-classiques de l’économie libérale comme des cas particuliers.
On peut constater, ensuite, qu’en raison de son pragmatisme – ne proclame-t-il pas fièrement : « Quand les faits changent, je change d’avis » – Keynes évolue par rapport au « nouveau » libéralisme et trouve une alternative aussi bien au protectionnisme d’une partie de la droite qu’à la politique interventionniste et redistributive de la gauche, à savoir la possibilité de réguler les cycles économiques et les politiques de l’emploi tout en favorisant la croissance économique. Dans sa conférence de 1924, publiée en 1926 sous le titre La Fin du Laissez faire [20], il explique ses positions pragmatiques en faveur de l’intervention de l’État. Ce texte aurait pu servir de point de départ au grand débat avec Hayek qui n’a jamais eu lieu en raison de la mort de Keynes en 1946. Dans un texte de 1925, « Suis-je un Libéral ? » [21], Keynes précise encore davantage sa position à l’égard du « nouveau » libéralisme. Il part d’une théorie non marxiste des étapes du développement économique, proposée par l’économiste américain institutionnaliste J. R. Commons (Institutional Economics, 1934) [22]. Celui-ci distingue trois stades du développement : 1) le stade de la rareté, 2) le stade de l’abondance et de l’individualisme, 3) le stade de la stabilisation et de la régulation, après les grandes crises du capitalisme.
Dans ce dernier stade, la réduction de la liberté individuelle est liée aux interventions gouvernementales, mais surtout à des interventions économiques à partir de l’action concertée secrète ou semi-ouverte, ou d’arbitrage des associations, corporations, syndicats et autres mouvements collectifs des patrons du commerce ou de l’industrie, des banques, mais aussi des syndicats de travailleurs, ouvriers et paysans. À ce stade, les libertés sont menacées par le fascisme et le bolchévisme. Le socialisme n’offre pas d’alternative parce qu’il raisonne comme si l’ère d’abondance existait toujours. L’avenir du « nouveau » libéralisme est de chercher à résoudre les immenses difficultés de cette ère de stabilisation, de contrôle et de régulation des forces économiques en vue de créer la justice et la stabilité sociale. Quant au parti travailliste, bien que « stupide » (« silly », dit Keynes), il devra être attelé au programme du libéralisme. Keynes, comme le « nouveau » libéralisme, soutient la compatibilité entre socialisme et libéralisme. Cependant, il rejette le socialisme comme remède économique aux maux du laissez faire parce qu’il défend des politiques économiques inefficaces, l’interférence avec les libertés individuelles, et qu’il se veut révolutionnaire, défendant une idéologie de classe et un anti-élitisme jugé absurde. Il reste le parti libéral, pourtant clairement incapable de renouvellement en 1925 en raison de ses divisions internes et de ses échecs électoraux. Les « jeunes libéraux », comme William Beveridge, ne reviendront au pouvoir qu’après la guerre, en 1944, avec un programme qui s’inspire des idées de Keynes. Mais « le parti libéral demeure le meilleur instrument de progrès – si seulement il avait une direction forte et un bon programme ».
Dans sa Théorie générale (1936), Keynes développe certes des conceptions assez différentes de celles du « nouveau » libéralisme. Il ajoute la stabilisation macroéconomique au programme libéral d’avant-guerre et lui donne la priorité. L’instabilité à court terme du capitalisme est pour lui un danger plus grand que l’injustice à long terme dans la distribution de la richesse et des revenus. Les plus grands maux économiques sont le risque, l’incertitude et l’ignorance. Le rôle de l’État est de les minimiser grâce à sa politique monétaire et d’investissements en grands travaux, équipements sociaux, etc. Keynes déplace le problème de la justice sociale de la microéconomie vers la macroéconomie. L’injustice devient un problème d’incertitude, la justice une affaire de prédictibilité contractuelle. Contrairement à ce que l’on pense généralement, la redistribution joue un rôle mineur dans sa philosophie sociale, comme une partie de la machinerie de la stabilisation macroéconomique, certainement pas comme un moyen vers une fin idéale. Son étatisme et surtout son élitisme le différencient des « nouveaux » libéraux d’avant-guerre qui valorisaient la démocratie comme une fin en soi, alors que Keynes souhaite plutôt un État gestionnaire et technocrate. Il ne faut pas oublier non plus la différence de style intellectuel entre le « nouveau » libéralisme d’Oxford, teinté d’hégélianisme, et les économistes de Cambridge qui ont été les maîtres de Keynes. À distance des nouveaux libéraux, Keynes en est resté malgré tout un compagnon de route.

Une nouvelle conception de la liberté et de l’État

De la liberté négative à la liberté positive
La première transformation accomplie par les libéraux réformateurs concerne la conception de la liberté libérale. Rappelons les termes du débat.
Pour le libéralisme classique, la liberté était essentiellement conçue comme le droit à un espace privé inviolable, comme la protection vis-à-vis des autorités abusives, que ce soit le pouvoir exercé par autrui, par le groupe et la société, la coercition de l’État et des lois ou l’autorité des églises. C’est ce qu’on a appelé la liberté négative ou défensive. Mais, pour le « nouveau » libéralisme, la liberté est également positive : c’est le pouvoir d’agir au mieux de ses intérêts ou de ses valeurs sans en être empêché par quiconque ou par quoi que ce soit, sauf si l’on nuit à autrui. C’est la conception qui était déjà défendue par Mill :
« Personne ne soutient que les actions doivent être aussi libres que les opinions […] Les actes de toute nature qui, sans cause justifiable, nuisent à autrui peuvent être contrôlés […] La liberté de l’individu doit être contenue dans cette limite : il ne doit pas nuire à autrui. Et dès qu’il s’abstient d’importuner les autres et qu’il se contente d’agir selon son inclination et son jugement dans ce qui ne concerne que lui […] il doit être libre de mettre son opinion en pratique à ses propres dépens » (De la liberté, 1861, p. 145-146).
T. H. Green reprend et développe cette distinction entre freedom from, liberté à l’égard des contraintes, et freedom to, liberté active, ou liberté-puissance. Une telle distinction est cruciale puisque les obstacles ne sont pas les mêmes dans les deux cas. Pour la première, l’obstacle se situe dans l’autorité arbitraire, politique ou religieuse et dans la contrainte. Pour la seconde, l’obstacle est l’absence des moyens d’agir et de réaliser les projets de vie de l’individu. On peut très bien vivre sous le règne des institutions de la liberté et souffrir d’un manque de liberté si l’on ne dispose pas des conditions sociales et économiques nécessaires au développement de son potentiel : éducation, santé, logement, salaire décent, etc. Les droits socio-économiques sont donc aussi importants que les libertés personnelles et politiques pour la liberté. C’est sur ce point que les débats avec le « nouveau » libéralisme vont faire rage pendant tout le XXe siècle. En effet, où se situe dorénavant la différence avec le socialisme ?
Le libéralisme classique avait toujours considéré que les institutions politiques (gouvernement représentatif, séparation des pouvoirs, contrepouvoirs, contrôles de constitutionnalité, décentralisation, etc.) étaient en première ligne pour protéger les droits et les libertés des individus. Pour le socialisme, au contraire, ces institutions ne peuvent pas jouer pas de rôle effectif puisque ce sont les conditions socio-économiques qui sont cruciales pour la « vraie » liberté. La justice sociale est pour le socialisme le seul moyen de l’épanouissement de l’individu et il ne peut y avoir de liberté sans les moyens de la liberté pour tous. Le « nouveau » libéralisme tente de combiner ces deux conceptions. Si l’on comprend les soi-disant droits « naturels » comme des allocations sociales et comme des moyens positifs d’agir, des pouvoirs, et non pas seulement des protections « passives », comme disait Benjamin Constant, la liberté individuelle n’est plus menacée par la justice sociale, elle en résulte, ce qui est un retournement complet des thèses libérales : « La liberté ne devient pas tant un droit de l’individu qu’une nécessité de la société » (Hobhouse, Liberalism, 1911).
Une nouvelle conception de l’État
En 1886, Woodrow Wilson, alors jeune professeur de sciences politiques à Princeton, admirateur de Hegel et de la conception allemande bismarckienne de l’État social, publie son livre L’État, qui argumente en faveur d’un plus grand pouvoir de l’exécutif au sein du gouvernement central. Ce livre, qui devient rapidement un classique des études en sciences politiques, marque un changement total dans l’attitude du libéralisme vis-à-vis de l’État qui, jusque-là, avait été perçu comme un péril pour les libertés individuelles.
Le livre Liberalism de Leonard T. Hobhouse, publié en 1911, représente en Angleterre la meilleure formulation de cette nouvelle approche. Il prône le rôle de l’État pour réguler la vie sociale et mettre en œuvre des réformes compatibles avec le respect de l’individu, une nouvelle citoyenneté qui inclut les nouveaux droits sociaux et qui se fonde sur la croyance dans l’harmonie possible entre liberté individuelle, efficacité économique et réformes sociales, espoir qui n’est pas sans éveiller de nombreux échos pour les libéraux comme les socialistes au début du XXIe siècle…
On peut dater de ce moment la révolution dans la conception de l’État qui substitue aux contrôles traditionnels des contre-pouvoirs, des checks and balances et de la Constitution, le nouvel État administratif, compétent, efficace et tout entier dévoué au bonheur de tous. Sous l’influence de ce « nouveau » libéralisme, un changement de paradigme s’opère et l’on passe de la théorie du gouvernement limité à celle de l’État au service de la société et du bonheur des citoyens. L’un des fondements du libéralisme classique s’écroule alors : la méfiance à l’égard des interventions de l’État.
Les missions nouvelles de l’État
Pour répondre à des crises, à des injustices d’un type et d’une ampleur nouveaux, le « nouveau » libéralisme appelle à l’intervention de l’État dans l’économie après la crise de 1929 et à accepter son rôle pour domestiquer les excès du capitalisme et du marché. Le champ d’action de l’État s’étend maintenant à toutes sortes de domaines qui étaient en dehors de sa juridiction. La tâche de l’État n’est plus seulement « négative » – protéger les individus contre les atteintes à leur liberté –, mais consiste à faire leur bonheur en stabilisant l’économie et en régulant le marché mondial.
Sont également acceptées les interventions dans la sphère privée et la société civile : la famille (politiques démographiques), la santé et l’éducation, le chômage, les entreprises et le monde du travail, le syndicalisme, etc. De menace, l’État devient un vecteur du Bien puisque son rôle est désormais de satisfaire les besoins de ses citoyens. Le welfare devient la responsabilité du gouvernement et non plus de la société civile, des associations privées religieuses ou laïques de charité et de solidarité.
Des moyens nouveaux : l’État administratif
Cette nouvelle conception de l’État justifie l’existence de nouveaux moyens d’action pour l’État administratif, c’est-à-dire le développement d’agences d’experts non élus pour résoudre les problèmes sociaux et économiques. Elle justifie l’abandon du principe fondateur, pour Locke et Montesquieu, de la séparation des pouvoirs puisque le pouvoir administratif devient de plus en plus autonome, un « quatrième pouvoir » sans véritable contrôle. Il dépend seulement indirectement de l’exécutif et il n’est pas responsable devant les citoyens puisque les parlements n’ont plus aucun droit de regard dès qu’une agence administrative est créée. C’est ce point qui est probablement le plus problématique dans le « nouveau » libéralisme. En effet, comme la séparation des pouvoirs est un obstacle à l’efficacité des gouvernements dans leur action sociale, on assiste à l’abandon de la doctrine libérale de la non-délégation des pouvoirs qui permet l’apparition d’agences administratives indépendantes (National Health Service en Angleterre, Sécurité Sociale en France, Security and Exchanges Commission aux États-Unis pour la régulation des marchés financiers, d’autres agences similaires pour contrôler les médias, le commerce, la sécurité intérieure). Il s’agit de pouvoirs non élus et placés sous le contrôle de l’exécutif, sans que les parlementaires puissent les évaluer, sauf en cas de crise. L’accroissement de la taille et de l’influence des bureaucraties d’État non responsables devant les citoyens s’effectue parallèlement à l’augmentation de la bureaucratie dans les gigantesques consortiums multinationaux. Comme l’avait déjà vu Max Weber au début du siècle, la bureaucratie devient la menace la plus sérieuse à l’égard des libertés individuelles [23]. Pour cette raison, le libéralisme a été associé aux États-Unis et en Angleterre au big government et c’est l’un des thèmes sur lesquels, depuis l’administration Reagan, les républicains ont fait campagne contre les idées libérales.

Conclusion

« Le fait que le libéralisme accorde une réelle valeur à l’expérience a entraîné une réévaluation continuelle des idées d’individualité et de liberté, lesquelles idées sont étroitement dépendantes des changements affectant les relations sociales » (John Dewey, « The Future of Liberalism », in Later Works, 1935).
Ce qui frappe dans cet épisode du « nouveau » libéralisme, c’est l’étonnante capacité de réinvention du libéralisme en fonction des transformations sociales, point sur lequel Dewey insiste dans cette citation. L’explication en est certainement que, par rapport aux idéologies concurrentes, socialisme ou conservatisme, le libéralisme est beaucoup moins rigide et doctrinal et que sa « tolérance structurale » et sa « flexibilité diachronique », pour reprendre les termes des brillantes analyses de Michael Freeden, sont remarquables. Malgré ces transformations, en effet, la structure conceptuelle du libéralisme est restée la même. Nous retrouvons dans le « nouveau » libéralisme tous les concepts-clés de souveraineté de l’individu, de liberté des Modernes, de l’État de droit. Mais cette structure a été modifiée parce que la relation entre ses concepts-clés et ses concepts adjacents et périphériques s’est transformée. En particulier, ses concepts adjacents de démocratie, d’égalité, d’État et de bien commun ont influencé en profondeur ses concepts-clés. En définitive, ses valeurs de base –liberté individuelle, esprit d’entreprise, tolérance, refus du système et du dogmatisme, capacité d’autocritique – inspirent un style, une forme intellectuelle qui lui sont spécifiques et qui donnent à sa famille de concepts beaucoup plus de flexibilité et d’ouverture que dans d’autres idéologies. La maison « libéralisme » a certainement ses portes et ses fenêtres plus largement ouvertes sur le monde qu’aucune autre.
En effet, que voudrait dire la doctrine de la liberté si ce projet était compatible avec le dogmatisme et l’esprit de système généralement attribués aux idéologies politiques ? Par définition, le libéralisme ne peut inspirer des doctrines dogmatiques et sectaires. C’est pourquoi, par exemple, le néolibéralisme de Milton Friedman, repris par les gouvernements Thatcher et Reagan, est difficilement intégrable dans le camp libéral car il bascule très vite dans le conservatisme par la forme de son argumentation, souvent sectaire et dogmatique, tout autant que par le contenu de ses idées. Au contraire, en appliquant la tolérance à la philosophie elle-même, pour reprendre la formule de John Rawls (Libéralisme politique, p. 34) le libéralisme contemporain se manifeste dans des constellations d’idées et de valeurs qui, si elles contiennent un noyau dur, sont toujours susceptibles de réorganisations différentes comme celles accomplies par John Stuart Mill ou tous les auteurs du « nouveau » libéralisme que nous avons mentionnés.
On pourra certes objecter que l’éclectisme n’est pas une bonne formule politiquement et qu’intellectuellement c’est en général un signe de faiblesse. En réalité, c’est pour une idéologie politique une force qui lui permet de se rénover, de s’adapter aux circonstances nouvelles de manière remarquable et de permettre la coopération politique entre des forces sociales opposées. Mais ce qui est possible pour un courant intellectuel l’est sans doute beaucoup moins pour un parti politique. C’est pourquoi le rayonnement du « nouveau » libéralisme a plus été celui d’un mouvement intellectuel que d’un programme de parti. Il n’en demeure pas moins que la capacité de transformation, de réinvention et d’adaptation est inscrite dans la nature même du libéralisme, dans sa conscience de soi en tant que doctrine de la liberté humaine en train de s’accomplir.

Aller plus loin

Références bibliographiques
- Michael Freeden, The New Liberalism, Oxford, Clarendon Press, 1978 ; Liberalism Divided, Oxford, Clarendon Press, 1986 ; Ideologies and Political Theory, Oxford, Oxford University Press, 1996.
- le numéro spécial de la revue Social Philosophy and Policy : Liberalism, Old and New, vol. 24, n° 1, hiver, 2007.
- James T. Kloppenberg, Uncertain Victory. Social Democracy and Progressivism in European and American Thought, 1870-1920, Oxford, Oxford University Press, 1986.
- Richard Bellamy, Liberalism and Modern Society, Cambridge, Polity Press, 1992.
- Gilles Dostaler, Keynes et ses combats, Paris, Albin Michel, 2009 (1re éd. : 2005).
- sur le socialisme libéral, voir Serge Audier, Le Socialisme libéral, Paris, La Découverte, 2006, et Monique Canto-Sperber et Nadia Urbinati (dir.), Le Socialisme libéral. Une anthologie, Paris, Esprit, 2003.
- John Rawls, Libéralisme politique, Paris, PUF, 1995 (éd. originale : 1993), traduit de l’américain par Catherine Audard.



 Le « nouveau » libéralisme », La Vie des idées , 29 avril 2009. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-nouveau-liberalisme.html  

septembre 16, 2018

Énarchie ou L'ENA: une ouverture avec des doctorants

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes ( notamment ou j'en étais l'administrateur), comme sur vos propres murs respectifs. 
D'avance merci. 

 L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...

Merci de vos lectures, et de vos analyses. Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. N'omettez de lire par ailleurs un journal libéral complet tel que Contrepoints: https://www.contrepoints.org/ 
Al, 

PS: N'hésitez pas à m'envoyer vos articles (voir être administrateur du site) afin d'être lu par environ 3000 lecteurs jour sur l'Université Liberté (genestine.alain@orange.fr). Il est dommageable d'effectuer des recherches comme des CC. 
Merci


L'énarchie serait-elle en manque ?
La suppression de cette école ne sera pas d'actualité, à titre expérimental, des doctorants pourraient constituer une manne évolutive de hauts fonctionnaires  !
Cela promet !!


Décret n° 2018-793 du 14 septembre 2018 instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat

JORF n°0214 du 16 septembre 2018
texte n° 1




Décret n° 2018-793 du 14 septembre 2018 instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat

NOR: PRMG1815582D
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/9/14/PRMG1815582D/jo/texte
Alias: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/9/14/2018-793/jo/texte

Publics concernés : candidats aux concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration, élèves français et étrangers, stagiaires des cycles préparatoires.
Objet : expérimentation d'un concours externe spécial d'accès à l'Ecole nationale d'administration, ouvert aux candidats titulaires d'un diplôme de doctorat.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. L'expérimentation du concours externe spécial commence à la session 2019 des concours d'entrée à l'ENA.
Notice : le décret prévoit l'expérimentation, pour une durée de cinq ans, d'un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration (ENA) réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat et organisé par spécialités, afin de favoriser le recrutement d'élèves possédant un haut niveau de compétences scientifiques. En outre le décret modifie le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'Ecole nationale d'administration, notamment concernant les modalités de report des places non pourvues aux différents concours d'entrée à l'ENA.
Références : le décret et le texte qu'il modifie, dans sa rédaction issue de cette modification, peuvent être consultés sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).


Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'action et des comptes publics,
Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 612-7 ;
Vu le code de la recherche, notamment son article L. 412-1 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 modifiée relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires, notamment son article 8 ;
Vu le décret n° 99-945 du 16 novembre 1999 modifié portant statut particulier du corps des administrateurs civils ;
Vu le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 modifié relatif aux équivalences de diplômes requises pour se présenter aux concours d'accès aux corps et cadres d'emplois de la fonction publique ;
Vu le décret n° 2007-1444 du 8 octobre 2007 modifié portant statut particulier du corps des administrateurs de la ville de Paris ;
Vu le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'Ecole nationale d'administration ;
Vu l'avis de la commission administrative paritaire interministérielle en date du 29 mai 2018 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur des administrations parisiennes en date du 30 mai 2018 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat en date du 11 juin 2018 ;
Le Conseil d'Etat (section de l'administration) entendu,
Décrète :

  • Chapitre Ier : Dispositions temporaires instituant à titre expérimental un concours externe spécial d'entrée à l'École nationale d'administration réservé aux titulaires d'un diplôme de doctorat

    A titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter du 1er mars 2019, peut être organisé chaque année un concours externe spécial d'entrée à l'Ecole nationale d'administration, ouvert aux candidats justifiant, à la date de clôture des inscriptions, du diplôme de doctorat défini à l'article L. 612-7 du code de l'éducation ou d'une qualification reconnue comme équivalente à ce diplôme dans les conditions fixées par le décret du 13 février 2007 susvisé.


    Sous réserve des dispositions spéciales prévues par le présent décret, les dispositions du décret du 9 novembre 2015 susvisé sont applicables au concours externe spécial prévu à l'article 1er, aux candidats à ce concours et à ses lauréats.

    Article 3

    Le concours externe spécial est organisé par spécialités.
    Il comprend une ou plusieurs épreuves d'admissibilité et des épreuves d'admission.
    La liste des spécialités susceptibles d'être offertes ainsi que la nature, la durée, les coefficients et le programme des matières des épreuves d'admissibilité et d'admission sont fixés par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, après avis du conseil d'administration de l'Ecole nationale d'administration.


    Les modalités d'organisation ainsi que les spécialités offertes au concours externe spécial sont fixées chaque année par l'arrêté prévu au premier alinéa de l'article 3 du décret du 9 novembre 2015 précité.


    Le nombre de places offertes par spécialité au concours externe spécial est fixé par l'arrêté prévu au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 novembre 2015 précité.
    Pour l'application du deuxième alinéa de cet article, ces places sont prises en compte au titre des places offertes au concours externe et au titre des places offertes aux trois concours.
    Pour l'application du troisième alinéa de cet article, il en est également tenu compte dans le total des places offertes aux trois concours.
    Pour l'application du quatrième alinéa de cet article, il ne peut y avoir de report de places non pourvues des concours prévus aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er du décret du 9 novembre 2015 précité sur le concours externe spécial. Le président des jurys peut, dans les conditions prévues par ce même alinéa, reporter tout ou partie des places non pourvues d'une spécialité du concours externe spécial sur l'une ou plusieurs autres spécialités de ce concours ou sur l'un ou plusieurs des trois autres concours.


    Pour l'application du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 9 novembre 2015 précité, une candidature au concours externe spécial est assimilée à une candidature au concours externe.

    Article 7

    Le jury du concours externe spécial comprend, outre le président, six à quatorze membres, dont un binôme dévolu à chaque spécialité ouverte et une personnalité qualifiée dans le domaine du recrutement.
    Le président et au moins deux membres du jury sont communs avec les autres concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration.

    Article 8

    Au moins deux mois avant l'expiration du délai de cinq ans mentionné à l'article 1er, le directeur de l'Ecole nationale d'administration adresse au Premier ministre, après avis du conseil d'administration, un rapport final d'évaluation. Le rapport est ensuite présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat.
    Ce rapport comporte notamment les éléments suivants :
    1° Le nombre de candidats inscrits au concours externe spécial ouvert aux titulaires d'un diplôme de doctorat, le nombre de candidats convoqués au concours, le nombre de candidats présents et le nombre de candidats absents aux épreuves, en indiquant pour chaque donnée la part des femmes et des hommes ;
    2° Le nombre de candidats admis à l'issue de ce concours, et, le cas échéant, le nombre de candidats admis ayant ensuite renoncé au bénéfice du concours ou ayant abandonné la scolarité à l'Ecole nationale d'administration avant leur première affectation, en indiquant pour chaque donnée la part des femmes et des hommes ;
    3° Les rapports du président des jurys ;
    4° Les appréciations portées par les jurys d'évaluation des élèves en fin de scolarité ;
    5° L'appréciation de la direction de l'Ecole nationale d'administration sur la scolarité de ces élèves ;
    6° Les emplois occupés par les anciens élèves recrutés par la voie du concours externe spécial en fonction et les appréciations portées par leurs employeurs.
    Il fait état, le cas échéant, des contestations et des contentieux auxquels l'expérimentation a donné lieu.
    Ce rapport propose au Premier ministre le maintien, avec ou sans limitation de durée, du concours externe spécial en l'assortissant de modifications éventuelles, ou l'abandon de cette mesure.


    Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 9 du décret du 16 novembre 1999 susvisé et du deuxième alinéa de l'article 7 du décret du 8 octobre 2007 susvisé s'appliquent respectivement aux administrateurs civils et aux administrateurs de la ville de Paris recrutés par la voie du concours externe spécial.

  • Chapitre II : Dispositions à caractère permanent modifiant le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d'accès et aux formations à l'École nationale d'administration
    Article 10

    Le décret du 9 novembre 2015 précité est ainsi modifié :
    1° Au quatrième alinéa de l'article 2, les mots : « dans la limite du dixième des places offertes à ce concours » sont remplacés par les mots : « dans la limite de trois places offertes à ce concours » ;
    2° A la première phrase de l'article 23 et de l'article 35, après les mots : « l'Ecole nationale d'administration », sont insérés les mots : « ou de la Banque de France ou d'établissements publics assurant pour les agents de la fonction publique une formation statutaire initiale dont les stagiaires du cycle préparatoire ont réussi un des concours » ;
    3° A l'article 36, les mots : « chaque année » sont remplacés par les mots « et actualise » ;
    4° Au dernier alinéa de l'article 40, la référence au II de l'article 38 est remplacée par la référence au III de l'article 38.

    Article 11

    Le ministre de l'action et des comptes publics et le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait le 14 septembre 2018.


Edouard Philippe

Par le Premier ministre :


Le ministre de l'action et des comptes publics,

Gérald Darmanin


Le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics,

Olivier Dussopt

 





L'énarchie désigne le gouvernement de la France par les énarques, hauts fonctionnaires sortis de l’École nationale d’administration (ENA). 
Le terme péjoratif d'énarchie a été forgé par Jean-Pierre Chevènement (sous le pseudonyme de « Jacques Mandrin ») dans son livre L’Énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise (1967).  

L’École nationale d’administration est une grande école française créée en 1945 pour démocratiser l'accès à la haute fonction publique de l'État. La "nécessité" d'une telle école trouve son origine dans le Régime de Vichy, qui inaugure déjà une prise de pouvoir de la technocratie, formalisée ensuite à la Libération avec la création de l'ENA :
L’originalité du Régime de Vichy est aussi l’arrivée en force de « technocrates », hauts fonctionnaires vite promus et qui rêvent de mettre en œuvre, sans contre-pouvoirs, leur programme de modernisation. (Jean-Marc Dreyfus, Dictionnaire de la Shoah, Larousse, 2015)
Ce système rappelle le système du mandarinat en Chine, qui dura de 605 à 1905 : une sélection (examens mandarinaux) déterminait qui de la population pouvait faire partie de la bureaucratie d'État. Ce système de recrutement par concours dans la fonction publique est inspiré des examens impériaux, ayant été ramené de Chine par les Jésuites, qui l'avaient adopté dans leurs écoles avant d'être repris et généralisé par Napoléon afin de créer une nouvelle élite destinée à remplacer celle de l'Ancien Régime.
Pour Bernard Zimmern, le premier triomphe de l'énarchie date de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. La haute administration française « ignore ce qu’est réellement une entreprise, forme de beaux parleurs, brillants, mais des gestionnaires incapables. »

Critiques

  • l'énarchie favorise l'endogamie oligarchique des élites françaises (cooptation des anciens élèves au sein de la sphère publique, parapublique et privée) ;
  • l'ENA ne forme pas des spécialistes mais des hauts fonctionnaires qui seront parachutés à la tête des grandes entreprises nationales sans expérience de la gestion d’une entreprise ;
  • elle ne favorise ni la mixité sociale ni l'efficacité ;
  • par son conformisme et son conservatisme, elle paralyse le pays et l'Etat, en empêchant les réformes libérales et en maintenant, voire accroissant, les privilèges, le corporatisme, l'assistanat et le capitalisme de connivence ;
  • comme cela se produisit dans le système de mandarinat chinois, les membres de l'élite (les "lettrés") passent davantage de temps à chercher à accroître leur influence et à se combattre entre eux qu'à permettre aux libertés de progresser dans le pays ;
  • le "paritarisme", hérité du programme politique du CNR, conduit à une gestion de type soviétique de tous les organismes publics et parapublics, où les hauts fonctionnaires n'ont pour interlocuteurs que les syndicats ; cette gabegie généralisée (gaspillages, grèves...) se fait sur le dos du contribuable.

Bibliographie

  • 1967, L’Énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise, Jacques Mandrin (Jean-Pierre Chevènement), La Table ronde de Combat
  • 2007, Les Lunettes à Frédéric, ou : le Voyage au bout de l’État, Emile Jappi (René de Laportalière), éd. du Chef-d'oeuvre
  • 2012, Promotion Ubu roi - mes 27 mois sur les bancs de l'ENA, Olivier Saby, Flammarion
  • 2015, La ferme des énarques, Adeline Baldacchino, Michalon
  • 2017, Ce que doit faire le prochain président (chapitre 10 : Supprimer l'Éna), Agnès Verdier-Molinié, Albin Michel

Voir aussi

Citations

  • L'omnipotence napoléonienne de l'Etat fut longtemps, en France, tempérée par l'inefficacité bonasse des fonctionnaires. (...) La création, en 1945, de l'Ecole Nationale d'Administration a changé tout cela. Détournant le courant des forts en thème de l'enseignement des Lettres au lycée de Bourg-en-Bresse, elle l'a précipité dans les canaux desséchés de ce grand corps assoupi mais si consubstantiel à la nation : l'Administration. (Jean-Pierre Chevènement, 1967)
  • C'est l'Énarque qui représente maintenant dans notre pays le visage quotidien du pouvoir. (...) Comme autrefois le latin dans l'enseignement secondaire, l'agilité verbale est ici devenue une fin en soi de l'enseignement parce qu'elle est un critère et un attribut social. (Jean-Pierre Chevènement, 1967)
  • Le but essentiel du processus de sélection est de trier les gens en fonction de leur total manque d’originalité et de leur capacité à apprendre et à répéter des enseignements dont personne en dehors d’eux ne peut comprendre l’intérêt. Voila qui est absolument nécessaire quand l’on veut choisir des gens sans originalité qui devront suivre des règles établies en dehors d’eux, sans poser de questions. (...) Le non sequitur de base en France est : "Je suis sorti premier de l’ENA, donc je suis plus intelligent que vous qui n’avez pas fait d’études", ce qui  est loin d’être certain. (Charles Gave, 2013)
  • La caste technocratique, à la différence des autres, n'a aucune légitimité. La France n'avait pas besoin d'énarques. Ils se sont emparés du pouvoir à la faveur d'une erreur historique du général de Gaulle, qui s'est tout simplement trompé d'époque, même si l'on peut comprendre, à la lumière du passé récent de la France, pourquoi il l'a commise. Et s'ils sont devenus féroces, c'est parce qu'ils savent bien, au fond d'eux-mêmes, qu'ils sont des imposteurs. Leur pouvoir ne repose sur aucun support historique, sur aucun soubassement économique ou culturel, sur aucun service rendu au pays par leurs ascendants au fil des siècles. C'est un pouvoir arbitraire et cupide, artificiellement plaqué sur le pays et qu'il conduit à sa perte. Sans aucun scrupule, il adopte pour seuls moyens de gouvernement ceux qui ne visent qu'à abaisser le peuple, à le priver de sa liberté et de sa dignité. Ces gens sont allés trop loin pour reculer. Ils sont bien décidés à garder le pouvoir de toutes les façons possibles, fût-ce au prix d'une lutte à mort. Et ce sont de tels "partenaires" que les membres du camp de la liberté veulent influencer de l'intérieur ! (...) Il est donc évident que les énarques de droite n'ont pas d'autre choix, pour garder leur pouvoir et leurs privilèges, que d'utiliser le meilleur outil qu'ils puissent trouver à cet effet, la dictature socialiste. (Claude Reichman, Le secret de la droite, 2003)
  • Puisque l'économie semblait vouloir leur échapper, il ne leur restait plus qu'à l'investir. Ce qu'ils firent sans aucune difficulté. Pour une entreprise ayant des relations quotidiennes avec l'administration et travaillant peu ou prou pour l'Etat, l'engagement, à sa direction, d'un "grand commis" paraît, au début, une excellente affaire. Muni d'un bon carnet d'adresses, où figurent ses pairs et compagnons demeurés au sein des cabinets ministériels et de la haute administration, l'énarque devenu patron fait merveille pour desserrer les contraintes et décrocher les marchés. Son pouvoir régalien s'est certes réduit, mais il bénéficie d'une rémunération sans commune mesure avec celle d'un haut fonctionnaire et il prend goût à une vie où il peut jouir d'un confort qu'il n'avait jamais connu jusque là. Il n'a d'ailleurs pris aucun risque en quittant l'administration, puisqu'il peut y revenir quand il veut. La règle vaut tout aussi bien pour l'énarque devenu député que pour celui qui s'est dirigé vers l'entreprise. Le sein douillet de la fonction publique est prêt à le recueillir à tout moment. Il aura même monté en grade pendant son absence. Cette disposition en apparence secondaire est en fait essentielle pour comprendre la facilité avec laquelle les énarques se sont emparés de tous les rouages politiques du pays. (Claude Reichman, Le secret de la droite, 2003)
  • La première promotion de 1946-1947 comptait 86 énarques. La France en compte environ 5.000 aujourd'hui et, durant ce laps de temps, la dépense publique est passée de 35% à 57% du PIB. Selon les statistiques de la promotion Léopold Sédar Senghor, 27,7% des postes des grands corps de l'État (Cours des comptes, Conseil d'État, inspection des finances) sont occupés par des enfants d'énarques. (...) L'ENA est bien le symbole de cette idée que l'État et les administrations publiques en général (centrales, locales et sociales) sont toujours légitimes quoi qu'ils fassent. La seule idée d'évaluer vraiment leur missions ou actions équivaut à remettre en question la nécessité même de leur existence. (Agnès Verdier-Molinié, Ce que doit faire le prochain président)
  • Comme tous ceux qui avaient reçu ma formation et suivi mon parcours professionnel, c’était inconsciemment que j’étais devenu un homme malfaisant. (René de Laportalière, Les Lunettes à Frédéric, ou : le Voyage au bout de l’État, 2007)
  • J'aimerais mieux que mon fils apprît aux tavernes à parler, qu'aux écoles de la parlerie. (...) Hors de ce batelage, ils ne font rien qui ne soit commun et vil. Pour être plus savants, ils n'en sont pas moins ineptes. (Montaigne, Essais)
  • Il ne sait rien ; il croit tout savoir — cela présage clairement d'une carrière politique. (George Bernard Shaw)
  • La grande spécificité de ces établissements d’enseignement est qu’ils étaient les premiers à ne plus former des individus intellectuellement pour les préparer à exercer des métiers de services divers (juridiques, médicaux, financiers...) mais pour les préparer à gouverner. Par ce réseau d’établissements, la France espérait produire une élite destinée exclusivement au gouvernement : les technocrates. Fort naturellement, cette élite se retrouva immédiatement en concurrence avec les élites politiques traditionnelles de la Troisième République : les professions libérales. (...) Par conséquent, depuis soixante dix-ans, l’on a progressivement remplacé une élite de producteurs, au sens économique, par une élite de prédateurs, substitué au gouvernement de ceux qui par nature font autre chose le  gouvernement des gens qui ne savent rien faire d’autre que gouverner. Et cette mutation se manifeste clairement lorsque l’on compare, comme nous l’avons fait, les résultats de la IIIe République et ceux de la Ve. (Philippe Fabry, 22/10/2015)

Liens externes





 
« Inaptocratie : un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d'un nombre de producteurs en diminution continuelle. »






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