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Affreux libéral ! Ultralibéral !
Tous ces qualificatifs sont régulièrement jetés à la figure de ceux qui considèrent
que tout n’est pas si mauvais
dans l’économie de marché et que l’économie trop dirigée
par l’État est généralement moins efficace. L’anathème est quasi
instantané si l’on se risque à citer en exemple la
Grande-Bretagne, où la croissance du PIB par habitant est
supérieure à la nôtre de 1 point par an depuis un quart de siècle et
où le taux de chômage est deux fois plus faible avec un
Smic plus élevé.
Et l’on est définitivement condamné si l’on ose trouver des aspects positifs au modèle américain fondé sur l’initiative et la responsabilité individuelles mais aussi sur la solidarité active de citoyens fortunés (songeons à la fondation Bill Gates). L’économie du don est parfois plus efficace que celle de l’impôt. Ce rejet majoritaire du libéralisme est caractéristique de l’exception française.
Tant pis : je l’avoue, je suis devenu libéral parce que social !
Efficacité économique. Le libéralisme n’est pas le laisser-faire. Il n’y a pas de liberté sans loi. Liberté d’entreprendre, d’échanger, de se rassembler, qui est à tort assimilée, en France, au capitalisme alors que, dans tous les autres pays, les libéraux sont réformistes, progressistes démocrates et opposés aux conservateurs. L’un de ses principaux inspirateurs, Frédéric Bastiat, voyait dans le libéralisme la source d’efficacité économique la mieux à même d’assurer la redistribution sociale.
Élu député des Landes en 1848, Bastiat se rallia franchement à la République et siégea à gauche. Il voulait rendre l’économie plus efficace dans l’intérêt de tous, y compris, sinon d’abord, des plus démunis en s’appuyant sur l’épanouissement de chacun. Les effets positifs de la dépense publique sont immédiatement visibles. Ses contreparties négatives sont moins perceptibles.
Citons-le : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde [...] Le mot gratuit appliqué aux services publics renferme le plus puéril des sophismes. Le service public éteint, en droit ou en fait, le service privé de même na- ture. Tout en constatant la destination que l’État donne aux millions votés, ne négligez pas aussi de constater la destination que les contribuables auraient donnée et ne peuvent plus donner à ces mêmes millions [...] Le peuple, accoutumé à tout attendre de l’État ne l’accuse pas de trop faire, mais de ne pas faire assez. »
Il faut s’interroger sur cette tendance congénitale des Français à se tourner vers l’État providence dès qu’il y a un problème à résoudre, sans se poser la question de l’efficacité de l’intervention collective et encore moins de son coût puisque l’État c’est tout le monde et donc personne. Ces idées font leur chemin. Depuis dix ans, la plupart de nos voisins européens ont donné la priorité à la baisse des dépenses publiques et des impôts dans une société plus responsable et moins assistée. Ce qui n’a pas empêché Tony Blair d’augmenter les dépenses publiques (toujours bien inférieures aux nôtres) de plusieurs points de PIB.
Financer la justice sociale. L’efficacité économique est le plus court chemin pour parvenir à financer la justice sociale. Il en est ainsi de l’insertion : le meilleur service que l’on puisse rendre à un chômeur ou un handicapé n’est pas de le maintenir dans la dépendance de l’assistance, mais de l’accompagner dans une dynamique de projet. De même, l’emploi dans les entreprises n’est pas un objectif de la stratégie, mais un résultat de celle-ci.
On retrouve le même dilemme en ce qui concerne la lutte contre les inégalités économiques. Il y a, d’un côté, ceux qui se battent pour le partage du gâteau en parts plus égales, quitte à brider sa croissance.
De l’autre côté, il y a ceux qui cherchent à augmenter la richesse, quitte à la répartir de manière
inégale en fonction des efforts et des talents de chacun. J’ai choisi mon camp : il est plus facile de répartir inégalement un gâteau agrandi que de diviser en parts
égales un gâteau plus petit. C’est ici
qu’intervient le paradoxe des inégalités : elles s’accentuent en
période de croissance forte et se ré- duisent en période de
récession.
Le libéralisme social a sa devise :
« autant de marché que possible, autant d’État que nécessaire ».
Il
faut plus d’économie de marché dans les monopoles de service publics,
comme l’éducation ou
les transports pour améliorer le service du public. Et il
ne faut pas confondre « service public » avec « statut public » des
agents qui le rendent. En corollaire, il faut plus d’État
là où le marché fait défaut pour prendre en compte les
intérêts à long terme : l’environnement naturel, l’urbanisme,
l’éducation, la santé, la famille et l’enfant. Ce n’est pas
aux entreprises d’assurer l’équité de la redistribution
sociale, mais à la collectivité. Je dis donc aussi vive l’impôt, à
condition qu’il soit bien consacré à des dépenses
publiques vraiment efficaces !
Michel GODET: Professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Auteur du « Manuel de prospective
stratégique », tome I :
« Une indiscipline intellectuelle », tome II : « l’Art et la Méthode » (3e édition revue
et augmentée), Dunod 2007.
Source: La tribune en janvier 2008
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