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octobre 25, 2014

Libéraux réveillez-vous !! Nos intellectuels brandissent la "Révolution" néo "Lumières" !!

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



En ces temps de fanatisme et de désarroi idéologique, l'appel à la raison et à l'esprit de libre examen apparaît plus actuel que jamais. "Marianne" a interrogé d'éminents intellectuels et ils sont unanimes : 

l'esprit des Lumières doit être ranimé d'urgence. 
Enquête.
 
Et si l'avenir était de nouveau aux Lumières ? Plus que jamais notre monde a besoin de philosophes, proclame André Glucksmann dans son dernier ouvrage. Et de Voltaire, plus que de tout autre. Et des Lumières plus que de toute autre école de pensée. Le philosophe Emmanuel Kant, au coucher de soleil du siècle des Lumières, parvint à en exprimer, lui qui en fut le plus génial représentant, le noyau central. Les Lumières, explique-t-il, consistent dans la « sortie de l'homme de sa minorité », son accession à sa majorité, et le déclassement des tuteurs. Bref, en l'autonomie. Sapere aude, « Ose savoir », en est le mot d'ordre. Qu'en pensent les quelques intellectuels éminents que nous avons interrogés ? Cette philosophie des Lumières a-t-elle encore, comme Glucksmann l'affirme, comme Elisabeth Badinter nous l'a confirmé avec un enthousiasme contagieux, quelque chose à dire aujourd'hui ? Peut-elle, dans la crise qui ébranle le monde contemporain, être d'un quelconque secours ? 

Le paradoxe des Lumières
Rien de plus paradoxal que le succès historique des Lumières. Leur déclin philosophique fut, du vivant même de Kant, dès le dernier quart du XVIIIe siècle, rapide. Leur éclipse laissa la place au romantisme, tandis que grandissaient dans le ciel des idées les étoiles de Hegel et de Marx, puis de Schopenhauer et de Nietzsche, puis de Wittgenstein et de Heidegger, de plus en plus éloignées de celles de Voltaire, de Montesquieu et de Diderot. En 1800 déjà, l'horloge de la vie culturelle n'était plus à l'heure des Lumières. Curieusement, en dépit de ce déclin, leur poids politique s'accrut. L'heure philosophique des Lumières passée, commença leur heure politique, qui dure encore : que réclamait, d'ailleurs, le printemps arabe, sinon le programme politique des Lumières ? Les combats de la IIIe République, pour l'école publique et obligatoire, pour la laïcité, pour un suffrage vraiment universel, pour l'abolition de l'esclavage, pour la liberté d'expression, pour la justice sociale, étaient des tentatives pour faire passer dans la réalité historique des idées venues des Lumières. Jaurès lui-même était plus proche de Rousseau et de Diderot que de Marx : en 1900, le fondateur de l'Humanité juge les idées du Manifeste du Parti communiste dépassées depuis quarante ans. Les Lumières constituèrent l'armature du grand récit républicain à la française, de type rationaliste, qui épousa le roman national, plutôt de type romantique. Cette union fut la IIIe République, dont la nostalgie étendit son ombre jusqu'à la campagne de Chevènement en 2002, et peut-être au-delà. Autrement dit, c'est aux temps de Hegel, qui jugeait le moment des Lumières dépassé, de Marx, ce contempteur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de Nietzsche, le titan de la pensée opposé à la démocratie et à l'égalité, que grandit puis s'impose, en France, en décalage avec la vie de la haute culture, une politique des Lumières. C'est autour d'elle que se construisit l'exception française, qui était intellectuelle, politique et sociale, dont Claude Nicolet se fit l'historien - aujourd'hui en lambeaux. 



Pourquoi avons-nous tant aimé les Lumières ?
Qu'avaient donc à apporter les Lumières pour que nous les aimions tant ? 
Réponse : un ensemble de valeurs, un projet de civilisation, un idéal humain et politique desquels toutes les sociétés devraient essayer de s'approcher, un horizon collectif universel. Autrement dit, selon les mots de l'écrivain Boualem Sansal, « un formidable logiciel pour améliorer la vie ». Améliorer la vie depuis la base de toute vie collective, la conception que la société se fait de l'homme, qui sert de fondation à l'édifice civilisationnel. La dignité de l'homme, de tout homme, est la source d'où découlent toutes les idées et projets des Lumières. Tout suit d'un coup de force, une sorte de révolution copernicienne anthropologique : le passage d'un théocentrisme à un anthropocentrisme. La vraie révolution, qui précéda d'un siècle la Révolution française, est là : Dieu n'est plus le centre ; le centre, c'est l'homme ! L'homme ne dépend plus de Dieu, il s'autodétermine ! Que l'homme soit majeur, qu'il n'ait plus besoin de tuteur, comme dit Kant, est la formulation de cette révolution anthropologique qui fonde toutes celles qui vont suivre. Sans révolution anthropologique, pas de Révolution française. Pas de droits de l'homme, ni de suffrage universel ! Pas d'abolition de l'esclavage ! Ainsi, les Lumières sont-elles l'entrée dans un mouvement de libération et d'émancipation dont les conséquences se sont ensuite déployées en cascade : développement des sciences, laïcité, souveraineté populaire, suffrage universel, démocratisation de l'éducation, émancipation des femmes, droits humains, égalité des droits. Cet ensemble est habité par une foi aussi solide que la foi du charbonnier chez les catholiques : la foi dans la raison engendre la foi dans la science et dans le progrès. Or, nous avertit Elisabeth Badinter, « la raison est ce qui unit les hommes ». Le savoir est politique : il libère de l'oppression, il brise les chaînes, il vide les galères. Unir ? Ce verbe est un appel pour notre temps, qui est celui de la division (n'est-ce pas, les nationalistes catalans, les nationalistes écossais ?) et de la montée des communautarismes ethnico-religieux (que de nombreux islamo-gauchistes ont accompagnée et accompagnent encore). C'est bien parce que raison et savoir sont politiques qu'il faut, aux yeux de Diderot, « rendre la philosophie populaire ». L'Encyclopédie vise au-delà de la seule connaissance, elle vise l'émancipation. L'effet politique : l'universalisme des Lumières, nous dit Elisabeth Badinter, « a fait rentrer dans l'humanité des gens, par exemple les juifs, les Noirs, les femmes, qui n'y étaient pas ». Boualem Sansal le constate aussi : les Lumières ont permis « à des milliards d'êtres humains de vivre comme des hommes ». En donnant l'autonomie aux hommes, en brisant les chaînes qui les attachent à des tuteurs, les Lumières les font entrer dans l'humanité. Qu'en disent les intellectuels d'aujourd'hui ? Pour Luc Ferry, « les quatre piliers des Lumières sont l'esprit critique, héritier du cartésianisme, le rationalisme, le souci de l'expérience (l'observation) et la volonté d'en faire profiter le peuple ». Mais, nuance-t-il, en prenant l'Allemagne nazie pour exemple, la culture ne protège pas de l'horreur. Il est vrai que l'on faisait jouer du Beethoven et du Bach dans les camps nazis. Le philosophe Rémi Brague, lui, affirme : « le mérite des Lumières réside dans l'audace de penser par soi-même », quand leur « défaut est sans doute de sous-estimer les difficultés de ce projet ». Réticent à Voltaire et à Rousseau, Michel Onfray se dit partisan des « ultras des Lumières », ceux que Philippe Raynaud appelle, après son collègue américain Jonathan Israel et son étude magistrale du même nom, « les Lumières radicales ». Onfray l'avoue :

 « Je préfère l'athéisme de l'abbé Meslier, le matérialisme de La Mettrie, le rationalisme d'Helvétius, l'anticléricalisme de Holbach et l'hédonisme de Diderot. » 

Les chemins de la désillusion
Les Lumières sont habitées par l'optimisme. Le monde culturel du XVIIIe siècle dans son entier est traversé par l'optimisme. Il s'agit d'une forme nouvelle d'optimisme, différent de celui qui prévalait au siècle précédent chez Leibniz et que Voltaire railla sans pitié dans Candide, ce conte philosophique que Glucksmann nous enjoint de relire de toute urgence. Ce n'est plus un optimisme théologique, c'est un optimisme historique, politique et anthropologique. L'optimisme théologique (« tout est bien dans le meilleur des mondes possibles ») s'accommodait d'un pessimisme anthropologique, conséquence du péché originel. 

L'optimise des Lumières est d'abord anthropologique, ce qui l'autorise à se passer de tout optimisme théologique. Quand le philosophe espagnol (et basque) Fernando Savater nous dit que « les Lumières fondent le droit de tout citoyen à rechercher le bonheur terrestre », il indique cette transformation de l'optimisme. Que de déceptions depuis la fin du XVIIIe siècle ! Les guerres devinrent des boucheries de masse. L'horizon de paix perpétuelle dessiné par Kant est apparu comme un mirage philosophique. La religion du progrès, Pierre-André Taguieff le montre, s'est essoufflée. Des projets politiques annonçant l'émancipation devinrent aussi bien des fanatismes meurtriers que des totalitarismes implacables. Au sein d'un pays extrêmement cultivé, le nazisme vit le jour. Dans l'après-guerre, au cœur du terrible XXe siècle, qui ne put être un siècle heureux comme le XVIIIe l'avait été, au sein du siècle des camps et des génocides, d'Auschwitz et du goulag, des SS et des khmers rouges, des terres labourées de sang, des despotismes de fer, de Hiroshima et de l'environnement dévasté, le pessimisme s'est installé, d'autant plus que les dernières causes (le tiers-mondisme, les guerres de libération nationale, wagons de queue de l'histoire telle que les Lumières l'entendaient) en lesquelles l'époque voulait encore croire montraient leur ambiguïté et tournaient mal. Adorno et Horkheimer ne furent pas les seuls à épingler cette dialectique de la raison qui retourne les Lumières en leur contraire. 



Le retour des Lumières
Peut-on se revendiquer, malgré les désillusions causées par l'histoire des deux siècles passés, malgré les dégâts du progrès, malgré la dialectique de la raison, héritier des Lumières dans le monde contemporain ? Assurément, affirme André Comte-Sponville - pour reprendre à notre compte leur matérialisme, leur rationalisme et leur humanisme. Luc Ferry se montre précis : « Je me sens héritier de l'idée républicaine, qui sort directement des Lumières. » L'universitaire Philippe Raynaud nous déclare rester « un homme des Lumières », précisant que « les formes actuelles de la barbarie [le] poussent à le rester ». Le fanatisme et les régimes autoritaires rendent nécessaires, à ses yeux, cette revendication. Nous pourrions ajouter : le nouvel obscurantisme, celui qui croît en parallèle à l'obscurantisme islamiste, l'obscurantisme économique (l'économie se faisant l'alpha et l'oméga de l'existence, dévorant tout sur son passage). Héritier, est-ce le bon mot ? Rémi Brague se dit s'en sentir plus « boursier » qu'héritier. Elisabeth Badinter lui préfère celui de « disciple » - disciple des Lumières au cœur des combats du monde contemporain. Sans doute est-ce pour toutes ces raisons, et aussi pour résister à la montée de l'islamisme, que Boualem Sansal nous dit « adhérer pleinement aux Lumières », ce qui est à la fois être leur héritier et être leur disciple. Pourquoi un retour des Lumières ? Pour résister : assurer le salut de ce qui est menacé comme jamais - la laïcité, l'école, la solidarité nationale, ce qui reste de gratuité -, pour empêcher la destruction de ce qui s'est bâti au nom des Lumières. Boualem Sansal en appelle aux Lumières, car, dit-il, « la société est menacée dans sa cohérence, son unité, sa résilience, sa capacité de s'adapter ». Ecole de la critique, les Lumières sont aussi une école de la résistance. Toute civilisation guérit de ses désillusions. Peut-être même en devient-elle plus forte... Ni le pessimisme ni le cynisme postmoderne ne peuvent répondre aux défis qui menacent de mort la civilisation - qui ont pour noms : islamisme, économie mafieuse, fanatisme économiciste, dévastation de la planète, abrutissement des hommes, hybris capitaliste. En détresse, notre époque doit scander : « SOS Lumières ! » L'urgence historique, qui est une question de vie ou de mort, impose un retour aux Lumières, voire un retour des Lumières, le renversement du pessimisme dans un nouvel optimisme. Un optimisme déluré, débarrassé de sa naïveté, qui culminait dans la foi dans le progrès, animant des Lumières déniaisées par les leçons de l'histoire. 


 
Robert Redeker

 

 

 

Lumières françaises

De Wikiberal
 
Le mot Lumières définit métaphoriquement le mouvement intellectuel, culturel et philosophique qui a dominé, en Europe et particulièrement en France, le XVIIIe siècle auquel il a donné, par extension, son nom de siècle des Lumières. Les Lumières ont marqué le domaine des idées et de la littérature par leurs remises en question fondées sur la « raison éclairée » de l’être humain et sur l’idée de liberté. Les plus illustre représentants et meilleurs champions des Lumières habitent Paris : ils se disent philosophes ou physiocrates ou citoyens de la République des Lettres. Les idées de ces grands écrivains sont malheureusement fluctuantes, contradictoires, heurtées, déconcertantes.


Les mirages de la philosophie

Voltaire d'abord séduit par le despotisme éclairé aurait ensuite penché vers le régime anglais - cru libéral voire parlementaire - mais en 1770-1771, il soutient le coup d'autorité du chancelier Maupeou et admire l'austère réformateur que les encyclopédistes accusent de tyrannie. Denis Diderot possède une espèce de sagesse juste-milieu que l'on retrouvera plus tard dans le parti radical-socialiste.
Tous deux nous ont légué la somme des préjugés communs au temps des Lumières. Le premier est la Raison fondement des postulats, soutien de toute méthode, séduisante finalité. Appliquée à la religion, elle devient le déisme ; au pluralisme religieux, la tolérance ; au moteur des sociétés humaines l'idée de progrès chantée par Condorcet et Turgot ; dans l'instruction publique, elle lutte contre les préjugés.
Vexé d'être éloigné de la politique, l'écrivain à la mode critique le régime, crée des utopies. Les meilleurs d'entre eux (Montesquieu) sont voués à l'abstraction. On magnifie la Prusse de Frédéric II ou la Russie de Catherine II pour irriter le gouvernement de Versailles. Il est de règle de confondre mécénat et bon gouvernement : les philosophes créent le mirage russe en France, voyant dans la tsarine une nouvelle Minerve. Le souverain modèle trouve une illustration fameuse dans les Aventures de Télémaque (1699) de Fénelon. Le mythe du monarque philosophe se précise avec Pierre Ier. Le despotisme est légitime dès qu'il est employé à des vues de progrès (éloge du tsar défunt par Fontenelle en 1725 à l'Académie des sciences, l'Histoire de Charles XII de Voltaire). Les monarques éclairés sont passés maîtres dans l'utilisation du vocabulaire des philosophes : ils parlent volontiers de bonheur. La Raison devient un fourre-tout au service d'un prince omnipotent.
Dans l'Europe des Lumières, l'action psychologique du despotisme éclairé a besoin de la République des Lettres. Que serait le roi de Prusse sans Voltaire ? On composerait plusieurs volumes en réunissant les lettres de Voltaire aux princes et aux ministres. Il flatte sans relâche et sans fatigue. Grimm et Diderot ne sont que des petits maîtres : le premier distribue l'encens partout, le second le réserve à Catherine II. Grâce aux encyclopédistes, le XVIIIe siècle vit sur la foi de cette fausse équation : Monarchie éclairée = Lumières. En réalité, l'État de la raison devient la raison d'État et l'État est moins au service des Lumières que les Lumières à la disposition de l'État.

Daniel Lindenberg : Le procès des Lumières

Essai sur la mondialisation des idées
samedi 7 novembre 2009, par Thibaut Gress

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