L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) - Imposer le silence par la Loi, l’erreur à ne pas commettre - Les Echos du 13 janvier 2015 par Gaspard Koenig *(*écrivain et président du think tank GenerationLibre)
B) - Défense : Hollande veut revoir le rythme de réduction des effectifs - les Echos du 14 janvier 2015
C) - La Bourse de Paris fragilisée par les craintes sur la croissance mondiale - Boursorama du 14 janvier 2015
D) - Paris dans l’œil du cyclone
- Le Monde diplomatique
du 13 janvier 2015 par Philippe Leymarie
E) - Aqpa, qui a revendiqué l’attaque contre Charlie Hebdo, est la branche la plus dangereuse d’el-Qaëda - L’Orient le Jour du 14 janvier 2015
F) - Entre 3000 et 5000 ressortissants européens ont rejoint des groupes jihadistes - Zone militaire du 14 janvier 2015 par Laurent Lagneau
G) - Sécurité : Patriot Act or not Patriot Act ?
- Le Point du 14 janvier 2015 par Sophie Coignard
H) - Pétrole : panique sur les marchés, Maduro à Alger - Le Quotidien d’Oran du 14 janvier 2015 par Yazid Alilat
I) - Ebola : va-t-on vers un ralentissement de l’épidémie ? - IRIS du 14 janvier 2015 par Michel Majetta
J) - Le secteur du pétrole de schiste en difficulté face à la chute du cours du pétrole conventionnel - notre planete info du 13 janvier 2015 par Sun Xingjie
K) - « Charlie », Dieudonné... quelles limites à la liberté d’expression ? - Le Monde du 14 janvier 2015 par Damien Leloup et Samuel Laurent
L) - Au cœur de la cyberguerre entre Anonymous et djihadistes - Le Temps du 13 janvier 2015 par Mehdi Atmani
A) - Imposer le silence par la Loi, l’erreur à ne pas commettre
Après les manifestations du 11 janvier, des responsables politiques ont appelé à réprimer
davantage les mots qui fâchent. Mais brimer la liberté d’expression serait un contresens
face à ce que la France vient de vivre...et de dire.
Ce ne serait pas le moindre des paradoxes si la plus grande manifestation de l’histoire en
faveur de la liberté d’expression aboutissait à la réprimer. Or, au lendemain de la journée du
11 janvier, de nombreux responsables politiques, à commencer par Manuel Valls, ont appelé à
prendre des mesures plus strictes contre les mots qui fâchent. A la suite d’une réunion avec
ses collègues européens, le ministre de l’Intérieur a demandé davantage de coopération aux
opérateurs internet pour filtrer leurs contenus. La liberté d’expression n’est pas toujours
décente, agréable ni raisonnable. Est-ce une raison pour la restreindre encore plus ? La France
est déjà le quatrième pays le plus souvent condamné par la Cour Européenne des Droits de
l’Homme pour violation de la liberté d’expression... Il est du devoir des pouvoirs publics de
combattre le racisme et l’antisémitisme. Mais cela doit-il passer par le contrôle de la parole ?
Question saugrenue, semble-t-il. Et pourtant : n’en vient-on pas à traiter de manière
différenciée les diverses religions ? Peut-on demander à un tribunal de distinguer l’humour et
la haine, de sonder les cœurs, de déceler les arrière-pensées ? Charlie Hebdo et ses
dessinateurs n’avaient-il pas été eux-mêmes maintes fois attaqués en justice pour incitation à
la haine raciale par ceux qui aujourd’hui les pleurent, comme l’a relevé Willem ? Pour ne pas
sombrer dans la confusion sur ces sujets éminemment sensibles, ouvrons nos classiques. Peut-
être pas Voltaire qui, en dépit des phrases apocryphes qui lui sont régulièrement prêtées, n’a
jamais conceptualisé la libre pensée qu’il pratiquait si bien (relire sa pièce Mahomet !). Il
faudra attendre 1859 pour que John Stuart Mill pose, dans son essai On Liberty, le cadre
théorique le plus solide en faveur d’une liberté d’expression pleine et entière. Il y explique
que, nul n’étant infaillible, la connaissance avance par tâtonnements (ce qui rend bien
dérisoires les lois mémorielles, Gayssot et autres) ; que le « choc des opinions » est nécessaire
pour éduquer le citoyen ; et surtout que la raison n’a pas à craindre son contraire : la vérité
doit sortir renforcée, vivifiée, de sa confrontation avec l’erreur. Sinon, elle devient un «
dogme mort », ânonné sans comprendre. Il faut argumenter, moquer, répliquer. Ne pas
craindre d’être choqué. En appeler à la conscience et non au juge. C’est une logique
pleinement libérale : l’échange responsabilise, tandis que l’interdit bêtifie.
Voilà pourquoi les lois Pleven, qui pénalisent la « provocation à la discrimination », sont contraires à l’idéal des
Lumières si puissamment réaffirmé par le peuple dans la rue. En imposant le silence par la loi,
elles incitent chaque communauté à revendiquer son « droit au respect ». C’est dans cet esprit
que la parodie de la Cène pour une publicité fut interdite, ou que la Cour de Cassation
condamna des caricatures du Pape. J’avais exposé ce point de vue aux dernières Universités
de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), pourtant grande
consommatrice de loi Pleven. A ma grande surprise, les réactions ne furent pas hostiles. Et si
le meilleur moyen de lutter contre l’obscurantisme était de l’exposer, de le mettre à nu ? Il ne
s’agit pas de tolérer les propos intolérables, mais de les réfuter. Comme l’a joliment dit, au
moment de l’affaire Dieudonné, Jamel Debbouze (rejoint d’ailleurs par Human Rights Watch,
qui condamna l’interdiction du spectacle) : « laissons parler les imbéciles », au lieu de les
transformer en héros. C’est le meilleur moyen de les neutraliser. A l’inverse, il ne fait aucun
doute que tout compromis avec la liberté d’expression renforcera la spirale du bâillon et de
l’autocensure, pour des causes de plus en plus contestables, en fonction de la morale du
moment. Quand on condamne, on ne prend plus la peine de convaincre. John Stuart Mill fixait
comme seule restriction à la libre parole le dommage direct à autrui. Ainsi l’insulte, la
diffamation, la violation de la vie privée, l’incitation à la violence ou au terrorisme peuvent
être légitimement punies – et avec plus de fermeté qu’elles ne le sont à présent. Mais prenons
garde à ne pas laisser s’installer un contresens sur les événements terribles de la semaine
passée. C’est par la raison et l’éducation, non par la censure, que nous gagnerons ce long
combat. De même, dans le débat qui se profile sur un Patriot Act à la française, ne cédons à la
tentation de la surveillance à outrance et du contrôle généralisé. On ne triomphe pas des
ennemis de la liberté en restreignant les nôtres, mais en les affirmant plus haut et plus fort.
B) - Défense : Hollande veut revoir le rythme de réduction des effectifs
A circonstances exceptionnelles, moyens exceptionnels. En raison du contexte international,
mais aussi des récentes attaques sur le territoire français, François Hollande a décidé de
revenir sur le rythme de réduction des effectifs militaires prévu dans la loi de programmation
militaire. « Je suis très vigilant dans le contexte que je viens de décrire quant au niveau des
effectifs militaires et donc des restructurations prévues. Je vais donc revenir sur le rythme de
réduction des effectifs programmé pour les 3 prochaines années dans la loi de programmation
militaire. Il doit être revu et adapté », a déclaré le chef de l’Etat lors de ses vœux aux armées
mercredi. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian sera donc chargé de remettre des
propositions d’ici la fin de la semaine et un conseil de la
Défense se tiendra sur cette question
mercredi au cours duquel François Hollande prendra sa décision. Votée en décembre 2013, la
loi de programmation militaire prévoit 190 milliards d’euros de crédits au cours de la période
2014-2019, avec un budget annuel maintenu à 31,4 milliards d’euros jusqu’en 2016, à hauteur
de 1,5% du PIB, et en légère progression ensuite. Pour maintenir un dispositif militaire
cohérent en période de crise, le texte prévoyait la suppression de 34.000 postes dans les
armées en six ans, dont 7.881 en 2014.
Le Charles de Gaulle en mission dans le Golfe
Ces vœux ont été présentés à bord du porte-avions Charles de Gaulle, envoyé en mission
dans le Golfe . « Cette semaine le Charles de Gaulle part en mission, est déjà en mission »
« L’appareillage de notre porte-avions est un acte qui a du sens. C’est le symbole de notre
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indépendance », a déclaré le président de la République, par ailleurs chef des armées. « La
situation au Moyen-Orient justifie la présence de notre porte-avions ». « Nous pourrons si
nécessaire mener des actions en Irak. » « La mission qui commence est aussi une réponse au
terrorisme », a-t-il ajouté.
Service civique universel
Le chef de l’Etat a, par ailleurs, réitéré sa volonté de rendre le service civique universel. Il
« sera proposé à tous les jeunes Français qui en font la demande ».
Allégement des troupes en Centrafrique
François Hollande a, en outre, annoncé l’allégement du dispositif militaire déployé par la
France en République Centrafricaine, parallèlement à la montée en puissance de la mission de
l’ONU qui déploiera 12.000 hommes.
Droit d’association des militaires
Sous la pression de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, François Hollande a
confirmé son intention de présenter un projet de loi sur le droit d’association professionnelle
des militaires qui sera intégré au Code de la Défense. Celui-ci va « préserver les droits et
devoirs des militaires » et les « prérogatives du commandement seront sauvegardées ».
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Droits des anciens combattants
Les droits des anciens combattants seront « consolidés », notamment avec la création d’une
« carte opérations extérieures » à partir du premier octobre prochain.
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C) - La Bourse de Paris fragilisée par les craintes sur la croissance mondiale
La Bourse de Paris a perdu du terrain (-1,56%) mercredi à l'issue d'une séance toujours
marquée par la volatilité, dans un marché fragilisé par les craintes entourant les perspectives
de croissance mondiale. L'indice CAC 40 a perdu 67,04 points à 4.223,24 points, dans un
volume d'échanges nourri de 4,3 milliards d'euros. La veille, l'indice parisien avait gagné
1,47% pour sa deuxième séance de rebond consécutive. La cote parisienne qui a ouvert en
nette baisse a fait une incursion dans le vert en milieu de matinée avant de repartir en territoire
négatif. Ce repli du marché a été alimenté par une ouverture dans le rouge à la Bourse de New
York. "Les préoccupations économiques reprennent le dessus", estime Xavier de Villepion,
vendeur d'actions chez HPC. La Banque mondiale a révisé mardi soir à la baisse ses
prévisions de croissance dans le monde à 3% en 2015, les abaissant notamment pour la zone
euro, malgré la récente chute des prix du pétrole. Dans l'après-midi, le marché a également été
fragilisé par la chute des ventes de détail en décembre aux Etats-Unis, qui a déçu les
analystes. En France, l'inflation est quant à elle tombée à un niveau très bas (0,5%) en 2014.
"Le marché s'est redressé au moment où la Cour de justice de l'Union européenne a donné le
feu vert" au programme de rachats d'actifs annoncé en 2012 par la Banque centrale
européenne (BCE), explique par ailleurs M. de Villepion. "C'est le seul moment où on a
rebondi", souligne-t-il. La Cour européenne de justice a rendu un avis positif concernant la
légalité du programme OMT, un outil de rachat de dettes publiques évoqué par la BCE à l'été
2012, mais jamais lancé. "C'est clairement un feu vert donné à la BCE pour lancer son QE
(programme de rachats d'actifs, NDLR) dès le 22 janvier prochain", note Christopher Dembik,
économiste chez Saxo Banque. La BCE tient sa réunion de politique monétaire jeudi de la
semaine prochaine et la pression augmente pour que l'institution de Francfort prenne de
nouvelles mesures face au risque de désinflation, en allant jusqu'à racheter des titres de dettes
souveraines. Parmi les valeurs, les titres les plus dépendants de la croissance mondiale ont
reculé à l'image de Saint-Gobain (-2,80% à 33,55 euros), ArcelorMittal (-5,88% à 8 euros),
Schneider Electric (-1,94% à 60,27 euros) et Renault (-2,88% à 59,77 euros). Le secteur
pétrolier a également été sanctionné. Total a perdu 2,12% à 40,82 euros et Technip 2,48% à
45,94 euros. Air France-KLM a souffert (-4,35% à 7,48 euros), alors que le groupe a démenti
des informations du Figaro évoquant un nouveau plan de suppressions de postes.
D) - Paris dans l’œil du cyclone
Les assassins de l’équipe de « Charlie hebdo » ont assuré avoir agi pour le compte ou avec le
soutien d’Al Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), tandis que le preneur d’otage de
l’épicerie casher, Porte de Vincennes à Paris, se réclamait de l’Organisation de l’Etat
islamique (OEI). Ces deux organisations ont félicité les jeunes Français d’avoir ainsi « vengé
le Prophète » et puni la France de son engagement anti-musulman. Bien qu’il soit hasardeux
de qualifier ces attaques terroristes — certes coordonnées, mais pour le moment relativement
limitées — de « guerre », comme le font certaines autorités françaises, force est de constater
que l’engagement multiple de la France sur les fronts de l’antiterrorisme place l’Hexagone en
position de cible désormais aussi privilégiée, sinon plus, à l’heure actuelle, que l’historique
« Satan » américain. La station de radio RTL a diffusé samedi des extraits d’une conversation
entre Amedy Coulibaly et ses otages, au supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes,
enregistrée vendredi après-midi à l’insu du preneur d’otages, dont le combiné téléphonique
avait été mal raccroché : Coulibaly — tué dans l’assaut en fin d’après-midi, après qu’il a lui-
même assassiné quatre otages — cite notamment l’action militaire française au Mali et les
bombardements occidentaux en Syrie. « Ils essaient de vous faire croire que les musulmans
sont des terroristes. Moi, je suis né en France. S’ils n’avaient pas été attaqués ailleurs, je ne serais pas là », se justifie Amedy Coulibaly devant ses otages, se réclamant également
d’Oussama Ben Laden.
Sales Français
Ces derniers mois, les menaces s’étaient multipliées, avec notamment un appel en novembre signé de Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole de l’Organisation de l’Etat islamique (OEI) : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen — en particulier les méchants et sales Français, attaquez-les avec des couteaux, avec des pierres, et remettez-vous en à Allah : tuez-le de n’importe quelle manière ». Mais on se souvient également de la déclaration plus ancienne (août 2009) de Ayman Al-Zawahiri, qui allait succéder à Oussama Ben Laden : « La France, qui prétend être un pays laïc alors que son cœur est plein de haine pour les musulmans, va payer pour ses crimes ». Lire « “Guerre contre le terrorisme”, acte III », par Alain Gresh, Le Monde diplomatique, octobre 2014.Ces derniers jours, le magazine Inspire, émanation d’Al Qaida — qui avait placé dès 2013 Stéphane Charbonnier, alias Charb, le directeur de Charlie Hebdo, sur une liste « Recherchés morts ou vifs pour crimes contre l’islam » — a publié un portrait du dessinateur, barré d’une croix, avec cette légende : « Salutations et remerciements de la communauté islamique à ceux qui ont vengé le prophète Mohamed ». Al Qaida et l’OEI, les deux mouvances djihadistes en concurrence, se sont répartis de fait les zones d’influence et rien ne les distingue sur le plan idéologique. La conquête et l’instauration du « califat » de l’OEI représente toutefois une militarisation plus aboutie du combat djihadiste, assortie d’un saut de génération, et une nette modernisation des moyens de communication [1].
Dans certains milieux musulmans, la France a — à tort ou à raison — la réputation :
de combattre l’islam sur son territoire (interdiction de la burka et du voile intégral dans les lieux publics) ;
d’avoir chassé les groupes armés radicaux du nord du Mali (l’opération Serval) ;
d’avoir établi plus récemment un cordon de surveillance du Sahel en coopération avec cinq pays du « G5 » [2] (l’opération Barkhane) ;
de coopérer avec le pouvoir fédéral nigérian dans la lutte contre la secte musulmane Boko Haram ;
d’être intervenue en Centrafrique, aux côtés des chrétiens, pour repousser les ex-Séléka musulmans dans le nord du pays (l’opération Sangaris).
Hub terroriste
Des affirmations qui peuvent être retournés point par point :
soucieuse de laïcité, la France est également protectrice des cultes, quels qu’ils soient, et s’efforce d’aider les communautés musulmanes à perfectionner la qualité de leurs clergés, à développer leurs modes de représentation, etc. ;
l’opération de « nettoyage » au nord du Mali a été menée au profit d’un gouvernement musulman (Bamako) et avec l’aide de combattants d’un pays gouverné par des musulmans (Tchad) ;
la secte Boko Haram s’est davantage distinguée dans les massacres de masse, ou l’enlèvement de centaines de jeunes filles, que dans le culte d’Allah ;
la totalité des dirigeants et la grande majorité des populations des pays du « G5 » sahélien sont musulmanes ;
l’intervention française en Centrafrique a permis d’enrayer une vague de massacres entre
radicaux musulmans et chrétiens, qualifiée par certains de début de génocide ;
l’intervention franco-américano-britannique de 2011 en Libye, par ailleurs très critiquée,
avait été dirigée contre le régime laïc (pour l’essentiel) de Mouammar Kadhafi, au profit des
clans islamistes, qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé.
L’actuel gouvernement français, qui ne cesse d’attirer l’attention sur la gravité de la situation
au sud de la Libye, devenu un « hub terroriste », repousse cependant l’idée d’une intervention
unilatérale, sur le mode de ce qui avait été conduit en 2011 — une opération « qui nous est
reprochée par le monde entier », comme l’avait admis un haut responsable militaire (Lire
« L’hydre libyenne, hantise du Sahel »). Pour justifier son engagement en Afrique, et
notamment au Sahel, Paris invoque la nécessité d’assurer un « plancher de sécurité », à titre
essentiellement préventif, à ces pays — le temps que le « G5 » sahélien, aidé par des forces
africaines, soit en mesure de prendre totalement le relais. Mais il prévient — ne serait-ce que
pour inciter par exemple le Mali ou la Centrafrique à consolider, par des élections régulières,
la légitimité de leurs institutions — que les Français « ne sont pas là à vie »...
Notes
[1] Cf. Peter Harling, « Etat islamique, un monstre providentiel, Le Monde diplomatique,
septembre 2014.
[2] Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad.
E) - Aqpa, qui a revendiqué l’attaque contre Charlie Hebdo, est la branche la plus dangereuse d’el-Qaëda
El-Qaëda dans la péninsule arabique (Aqpa), basée au Yémen, qui a revendiqué mercredi
l'attaque contre Charlie Hebdo, est la branche la plus active et la plus dangereuse du réseau
extrémiste selon Washington. Né en janvier 2009 de la fusion des branches saoudienne et
yéménite d'el-Qaëda, le groupe est considéré comme "terroriste" par Washington qui promet
10 millions de dollars pour toute information conduisant à la localisation du chef d'Aqpa, le
Yéménite Nasser Al-Whaychi, et de sept autres dirigeants du groupe. Whaychi
avait proclamé
en juillet 2011 son allégeance à Ayman al-Zawahiri, nouveau chef d'el-Qaëda après la mort
d'Oussama ben Laden, tué en mai 2011 au Pakistan. Les deux auteurs présumés du massacre,
les frères Chérif et Saïd Kouachi, ont été tués par les forces spéciales françaises. Peu
auparavant, le cadet a déclaré avoir été missionné par Aqpa pour agir en France. Dans un
appel à la chaîne BFMTV, Chérif Kouachi a indiqué avoir séjourné en 2011 au Yémen,
affirmant avoir été financé par l'islamiste américano-yéménite Anwar al-Aulaqi, tué lors d'une
frappe d'un drone américain la même année. Ces dernières années, Aqpa a revendiqué une
série d'importants attentats, au Yémen comme à l'étranger, dont une tentative de faire exploser
un avion de ligne américain le jour de Noël 2009. Et le groupe a appelé à plusieurs reprises
ses partisans à s'en prendre à la France, engagée en Irak avec la coalition contre le groupe Etat
islamique, mais aussi en Afrique contre des jihadistes. Le magazine d'Aqpa en anglais,
"Inspire", destiné à susciter des vocations de "loup solitaire" à l'étranger, a appelé ses
partisans à mener des attentats en France et inscrit en 2013 le directeur de la publication de
l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier, surnommé Charb, sur sa liste
de personnes à abattre. Ce dernier a été tué dans l'attentat contre le siège du journal, avec 11
autres personnes, le 7 janvier. En novembre 2010, Aqpa a revendiqué l'envoi de colis piégés
aux Etats-Unis et l'explosion d'un avion cargo américain deux mois plus tôt à Dubaï. En 2009,
un kamikaze d'Al-Aqpa a failli tuer le ministre saoudien de l'Intérieur en se faisant exploser
en sa présence. Sur le sol yéménite, le groupe extrémiste sunnite mène régulièrement des
attaques meurtrières contre les forces de l'ordre et plus récemment contre les rebelles houthis
qui se sont emparés de la capitale Sanaa en septembre. Aqpa anoatmment profité de
l'insurrection populaire contre le pouvoir central en 2011 pour renforcer son emprise dans le
pays, surtout dans le Sud. Le nouveau pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi a réussi
à l'en déloger en 2012, repoussant le groupe dans les zones montagneuses avec le soutien des
Etats-Unis et de leurs drones. Fin 2012, le numéro deux d'Aqpa, le Saoudien Saïd al-Chehri,
est mort dans une frappe de drone. Ancien de Guantanamo, il était passé par un programme de
réhabilitation dans son pays avant de refaire surface au Yémen.
F) - Entre 3000 et 5000 ressortissants européens ont rejoint des groupes jihadistes
Lors du débat sur la prolongation de l’opération Chammal, le 13 janvier, le Premier ministre,
Manuel Valls, a rappelé qu’environ 400 ressortissants français (ainsi que des résidents en
France) sont actuellement en Irak et en Syrie pour combattre dans les rangs de l’État
islamique (EI ou Daesh). « Certains de nos compatriotes sont impliqués dans les atrocités
commises par Daech. Beaucoup participent également à la propagande, et appellent à
commettre des attaques sur notre territoire. Face à cela, il nous faut agir avec sang-froid,
discernement et détermination », a-t-il dit. Au total, selon les chiffres avancés devant la
commission des Affaires intérieures du Parlement britannique par Rob Wainwright, le
directeur d’Europol [ndlr, European Police Office], il y aurait actuellement entre 3.000 et
5.000 Européens partis faire le « jihad ». Et 2.500 noms de suspects ont déjà été rassemblés
auprès des services des différents pays de l’Union européenne. « Clairement, nous avons
affaire à un grand nombre, principalement de jeunes hommes, qui ont le potentiel de revenir et
le potentiel, ou l’intention et la capacité de mener des attaques comme celles de Paris la
semaine dernière », a estimé M. Wainwright. « C’est certainement la menace terroriste la plus
sérieuse à laquelle l’Europe doit faire face depuis le 11-Septembre », a-t-il aussi prévenu. Ce
serait une erreur de se focaliser uniquement sur les jihadistes européens enrôlés par l’État
islamique. D’autres organisations terroristes recrutent également des ressortissants
occidentaux, comme les différentes branches d’al-Qaïda. Ainsi, des étrangers combattent dans
les rangs des shebab somaliens ou dans ceux du Front al-Nosra, plus précisément du groupe
Khorassan. Et si ce phénomène n’est pas nouveau, il prend une ampleur particulièrement
inquiétante. C’est ce qu’a d’ailleurs souligné le directeur d’Europol. « Tandis que les services
de sécurité se sont assez justement concentrés prioritairement sur les combattants qui
reviennent de Syrie et d’Irak, les événements à Paris la semaine dernière montrent qu’il y a
clairement une menace de la part des cellules dormantes », a-t-il également dit. Mais que faire
de ces jihadistes quand ils reviendront en Europe? « Il faut harmoniser les dispositifs pénaux,
mais de grâce, n’envoyons pas tous ceux qui reviennent de Syrie en prison. Il vont encore être
plus radicaux et il vont inspirer d’autres », a estimé Gilles de Kerchove, le coordinateur
européen pour la lutte contre le terrorisme, dans un entretien diffusé par l’AFP. « Parce qu’on
sait combien la figure du vétéran inspire, même si le type faisait la vaisselle en Syrie et n’était
pas en première ligne. Il va inventer qu’il était un grand héros, qu’il a décapité dix
personnes », a-t-il ajouté, en citant les cas de Mohammed Merah, Mehdi Nemmouche ou
encore celui d’Amedy Coulibaly. Sans doute que la solution la plus simple serait de mettre les
jihadistes à l’isolement afin d’éviter justement l’endoctrinement d’autres détenus... Quoi qu’il
en soit, pour M. de Kerchove, la « menace de nouveaux attentats reste sérieuse » car « Daesh
veut agir et l’a annoncé » tandis qu’ »al-Qaïda est fort dégradé mais veut rester dans la course
et se rappeler à notre bon souvenir [ndlr, ce qui est fait, avec la revendication de l'attentat
contre Charlie Hebdo par AQPA]« . « Il n’y a pas une solution miracle. C’est en jouant sur la
palette de la prévention, de la détection, de la répression et la dimension internationale qu’on
va essayer d’éviter le plus possible que cela se répète. Mais l’empêcher, non. On ne
l’empêchera pas à 100% », a ensuite fait valoir M. de Kerchove. « Il y a malheureusement des
armes qui viennent des Balkans, de Libye, qui sont en vente libre et il y a des fous. Quand
vous avez un accès facile à la kalachnikov et des fous radicalisés, c’est extrêmement difficile
de l’empêcher, mais on peut essayer le plus possible, sans entrer dans une société totalitaire »,
a-t-il également ajouté. Quant au nombre de ressortissants européens ayant rejoint des groupes
jihadistes en Irak et en Syrie, M. de Kerchove l’estime à 3.000. Et, selon lui, « 30% sont
rentrés dans les pays de l’UE ». Par ailleurs, il y a ceux qui sont partis s’enrôler dans les
organisations jihadistes... Et il y a ceux qui ont un lien avec ces dernières. En décembre, le
ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait indiqué que « le nombre de ressortissants
français ou résidents habituels en France en lien avec les filières terroristes en Syrie et en Irak
s’établissait à plus de 1.200′′ au total.
G) - Sécurité : Patriot Act or not Patriot Act ?
Aux États-Unis, l'opinion est de plus en plus réservée sur les mesures d'exception
adoptées après le 11 Septembre. Raison de plus pour garder la tête froide en France.
C'est la grande question qui agite le microcosme depuis quelques jours : faut-il, ou ne faut-il
pas, un "Patriot Act" à la française ? Et, preuve que la réponse n'est pas simple, une ligne de
fracture apparaît au sein d'une même famille politique. Le jour même de la grande marche qui
a noirci de monde les rues de France, dimanche 11 janvier, Valérie Pécresse l'affirme sur
Twitter : "Il faudra bien entendu un Patriot Act à la française". François Fillon, lui, y est
fermement opposé : "Aucune liberté ne doit être abandonnée. Et je n'ai pas proposé de
modification législative fondamentale", assure-t-il, avant d'ajouter : "Sinon, on donne raison à
ceux qui viennent combattre sur notre sol." L'entourage d'Alain Juppé fait également savoir
qu'il n'y est pas favorable. À gauche, c'est l'ancien garde des Sceaux et ex-président du
Conseil constitutionnel Robert Badinter qui s'insurge, sur France Info, contre l'idée d'un
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Patriot Act à la française : "Ne nous laissons pas aller à ces ripostes de papier presque
dérisoires qui consistent à fabriquer textes et exceptions qui méconnaissent les principes
fondamentaux." Quelques heures plus tard, mardi 13 janvier, Manuel Valls déclare à
l'Assemblée nationale qu'il faut prendre "des mesures exceptionnelles", mais "jamais des
mesures d'exception qui dérogeraient aux principes du droit et des valeurs". Une distinction
sémantique ténue.
Des moyens efficaces, pas des textes !
Aux États-Unis, le Patriot Act, un texte adopté dans le sillage des attentats du 11 Septembre,
est loin de faire l'unanimité, même à droite. Le sénateur libertarien Rand Paul, en lice pour la
primaire républicaine de 2016, s'oppose à la prorogation de ce texte d'exception voté pour
quatre ans mais jamais abandonné. Quel président prendrait le risque de sembler mégoter sur
la sécurité de ses concitoyens ? Pourtant, son réexamen en juin promet d'être houleux au
|
Congrès, même s'il est dominé par une majorité républicaine dans les deux chambres. Il est
vrai que les dispositions qui permettent de perquisitionner le domicile, d'éplucher les données
bancaires, les conversations et même le dossier médical de n'importe quel citoyen sans le
moindre contrôle judiciaire ont abouti à des résultats mitigés, puisque moins de 1 % des
requêtes concernent des affaires de terrorisme. Or, l'opinion publique ne serait pas prête, hors
contexte, à accepter de telles atteintes aux libertés fondamentales pour des affaires de droit
commun, si répréhensibles soient-elles. Avant de songer à un Patriot Act à la française, ce
sont les dispositifs existants qu'il faut améliorer. Que dire, par exemple, de la CNCIS, cette
commission chargée de vérifier la légalité des écoutes administratives, dont le fonctionnement
évoque une sorte de mélange entre Courteline et Balzac ? Avant d'écrire la moindre ligne
nouvelle, c'est aux blocages et aux archaïsmes qu'il faut s'attaquer. Au plus vite.
H) - Pétrole : panique sur les marchés, Maduro à Alger
La situation du marché pétrolier, où les prix ont atteint hier mardi en débuts d'échanges les
45,36 dollars pour le brut américain (WTI) et 46,73 dollars pour le brut de référence de» la
mer du Nord (Brent), est préoccupante. Les marchés Jsont en mode panique», selon des
analystes. La baisse alarmante des cours du brut, depuis la réunion ministérielle de l'Opep en
novembre dernier, a provoqué en fait un véritable branle bas de combat au sein de certains
pays membres de l'organisation, dont le pétrole constitue l'essentiel des recettes
d'exportations. Il en est du Venezuela, de l'Iran, mais également de l'Algérie qui a vu ses
réserves de changes fondre de plus de 10 milliards de dollars en six mois. La décrue des
recettes d'exportations d'hydrocarbures, qui ne devraient guère dépasser les 60 milliards de
dollars en 2014, en est la principale raison. C'est un peu dans cette atmosphère de panique que
le président vénézuélien Nicolas Maduro est arrivé hier à Alger, une étape d'un périple qui l'a
déjà conduit à Ryadh et Téhéran. À Alger, Maduro, sérieusement remonté contre l'Arabie
Saoudite, que tout le monde accuse d'avoir fait pression pour le maintien du plafond de
production de l'OPEP à 30 millions de B/J, devait discuter avec les responsables algériens, en
particulier avec le président Abdelaziz Bouteflika, de la meilleure position à prendre pour
redonner des couleurs au marché pétrolier. Mais, surtout, créer un front au sein des pays-
Opep contre l'Arabie Saoudite et provoquer une réunion d'urgence de l'organisation, au moins
d'ici mai prochain, pour revoir le plafond de production des pays producteurs membres. Sur
un autre registre, il s'agit également, dans la même démarche, de sensibiliser les pays
producteurs non membres de l'Opep à rationaliser leur offre sur le marché, arrivé à
d'inquiétants niveaux de saturation par une abondance de pétrole de schiste américain. Les
entretiens entre les présidents Bouteflika et Maduro «seront l'occasion pour une concertation
entre l'Algérie et le Venezuela (...) au sujet de l'actuelle crise des prix du pétrole, et sur les
voies et moyens de parvenir à leur redressement, dans le cadre d'un effort élargi aux
producteurs non-Opep», indique un communiqué de la présidence. Avant Alger, Maduro
s'était rendu dimanche en Arabie Saoudite, et la veille en Iran.
Le périple du président
Vénézuélien a coïncidé hier avec un nouveau plus bas des cours du brut sur les marchés
asiatiques, où le pétrole frôle des plus bas depuis six ans en raison d'une offre surabondante,
mais se maintenant au-dessus du seuil des 45 dollars le baril. Pis, les analystes prédisent un
passage du Brent sous les 40 dollars dans les prochains mois. La banque d'affaires Goldman
Sachs anticipe pour le brut «WTI» à 41 dollars dans trois mois, à 39 dollars dans six mois
avant un rebond jusqu'à 65 dollars dans un an, contre respectivement 70 dollars, 75 dollars et
80 dollars estimés auparavant, dans une note. À Alger, Maduro, sérieusement remonté contre
l'Arabie Saoudite, que tout le monde accuse d'avoir fait pression pour le maintien du plafond
de production de l'OPEP à 30 millions de B/J, devait discuter avec les responsables algériens,
en particulier avec le président Abdelaziz Bouteflika, de la meilleure position à prendre pour
redonner des couleurs au marché pétrolier. les experts de la banque prévoient un baril à 42
dollars dans trois mois, à 43 dollars dans six et à 70 dollars l'an prochain, contre 80, 85 et 90
dollars précédemment.
LES MARCHES EN MODE «PANIQUE»
Lundi, le baril de «light sweet crude» avait perdu 2,29 dollars à 46,07 dollars, sur le New-
York Mercantile Exchange (Nymex), terminant à son plus bas niveau en clôture depuis le 11
mars 2009. A Londres, le Brent coté sur l'Intercontinental Exchange (ICE) avait clôturé à
47,43 dollars, en baisse de 2,68 dollars, une première sous le seuil symbolique des 50 dollars
depuis le 28 avril 2009. Pour le Sahara Blend, brut algérien, il faudrait ajouter au moins 5 à 6
dollars par rapport au cours du Brent. Selon un analyste sur le marché australien, «la chute
des prix du brut est déconcertante». «Nous devons attendre des baisses de production de gaz
de schiste aux Etats-Unis pour renverser les excédents et stabiliser les prix», estime le même
analyste de marché pour qui »le marché est en mode panique pour le moment et nous
assistons à des retraits» importants de positions des opérateurs. Une situation qui commence
à faire bouger certains membres de l'Opep des pays du Golfe. Suhaïl Mazroui, ministre
émirati du pétrole a souhaité hier mardi ‘'une rationalisation de la production des pays non
membres de l'Opep, en insistant sur le fait que le niveau actuel des prix ne pouvait être
maintenu». «Nous disons au marché et aux autres producteurs d'être rationnels, de suivre
l'Opep et d'agir pour une croissance du marché», a-t-il souligné, avant de déclarer que «
l'Opep ne peut plus protéger» le prix du baril de pétrole. «Nous avons connu une
surproduction, venant essentiellement du pétrole de schiste, et cela doit être corrigé», a-t-il
ajouté. Pour autant, à Téhéran, on hausse le ton : «ceux qui ont planifié la baisse des prix du
pétrole contre certains pays devraient savoir qu'ils le regretteront», a déclaré le président
Rohani, visant directement l'Arabie Saoudite.
I) - Ebola : va-t-on vers un ralentissement de l’épidémie ?
Le Liberia, un des pays les plus violemment touché par Ebola, après avoir décrété en
novembre la fin de l’état d’urgence, va rouvrir ses écoles en février. Peut-on voir là un
signe du ralentissement de l’épidémie ?
Le dernier bulletin du WHO recensait plus de 21 000 cas d’Ebola et 8 304 morts ont été
enregistrés. Au Liberia, la courbe épidémique a touché un pic en novembre et a connu son pic
maximal épidémique cet été. Le taux d’incidence – soit le nombre de nouveaux cas - est en
train de diminuer ; c’est pour cette raison qu’une certaine normalisation est en train de se
mettre en place. En termes de dynamique de l’épidémie, il se passe en revanche quelque chose
de très particulier en Guinée où le taux d’incidence est très fluctuant et ne permet pas d’arrêter
une tendance à court terme. Nous sommes encore loin de maîtriser la situation dans ce pays
et, malheureusement, des taux d’incidence explosent dans certaines zones, en particulier dans
le Sud-Est. On peut, en revanche, noter des signes encourageants avec des tendances à la
baisse au Sierra Leone. Cela étant, les taux de transmission de la maladie restent encore très
élevés dans certaines zones, notamment dans la capitale, Freetown, et la région de Bombali au
Sierra Leone, dans la région de Montserrado au Liberia et à Macenta en Guinée. L’ensemble
de ces pays ont aujourd’hui la capacité théorique de traiter les patients : ils peuvent assurer
deux lits dans les centres de traitement par cas reporté comme confirmé ou probable. Le
problème reste la distribution de ces lits sur les territoires, qui ne suit pas forcément la densité
géographique des nouveaux cas. L’objectif d’isoler 100% des cas détectés n’est donc pas
encore atteint.
On a constaté, depuis l’exportation de quelques cas dans des pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Espagne, qu’Ebola se soignait très bien dans nos hôpitaux. Pourtant, l’épidémie a fait plus de 7800 morts en Afrique de l’Ouest en moins d’un an. Que cela révèle-t-il de la situation de ces pays et surtout de la gestion de l’épidémie ?
Sur la gestion de l’épidémie en elle-même, la situation est très spécifique aux pays, le Liberia et le Sierra Leone, par exemple, sortent d’une longue période d’instabilité socio-politique. La structure des centres de santé et celle des systèmes de santé eux-mêmes dans ces Etats étaient affectées bien avant la crise Ebola. Depuis les années 90, ces derniers s'étaient complètement dégradés et même s’il y avait du personnel dans certains de ces centres, le matériel de base manquait ; pour certains d'entre eux il n'y avait même pas d'accès à l'eau. Ces personnels de santé sont, de plus, mal rétribués, pas forcément bien formés, et sont bien souvent tentés de partir à la première opportunité, situation que l’on observe notamment dans les centres les plus éloignés des zones urbaines. Les politiques de santé sont elles-mêmes aussi très déficientes depuis plusieurs années, pour différentes raisons. Certaines sont structurelles, liées à l’histoire des conflits dans ces pays ou à la corruption, pour d’autres il s’agit d’un déficit chronique d’investissement des Etats. Les budgets consacrés à la santé, dans certains cas, sont en effet très faibles et représentent un pourcentage minime de l’ensemble des budgets publics. Si avant la crise Ebola, les budgets alloués à la santé étaient en augmentation, cela était loin d'être suffisant pour structurer, voire construire dans certaines régions un système de santé assez fort pour contrer une épidémie comme Ebola. Il y a, enfin, bien sûr, une importante responsabilité de la coopération internationale, notamment des politiques d’aides bilatérales qui ont été conduites au cours des quinze dernières années dans ces pays. Guinée, Liberia et Sierra Leone étaient en plein développement structurel et n'arrivaient pas à investir davantage dans leur système de santé du fait de leur endettement auprès du FMI. Pourtant, il était impératif que ces pays fassent de la santé publique une priorité : pour ces raisons, une aide internationale intelligente et efficace était fondamentale. Or, l’UE, la France et l’Allemagne se sont, au même moment et sans se coordonner, désengagés des questions de financement des systèmes de santé de ces pays. A l'aide bilatérale classique, la France privilégie depuis plusieurs années le financement de partenariats public-privé, 70% de l'aide française en faveur de la santé transitant par des canaux multilatéraux. Or ces derniers auront du mal à justifier leur efficacité dans le renforcement des systèmes de santé que ce soit au Liberia, au Sierra Leone et en Guinée pré-Ebola... L’OMS n’a, quant à elle, pas de moyens financiers, ni le mandat pour contrebalancer un tel déficit, même dans l'urgence.
On a constaté, depuis l’exportation de quelques cas dans des pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Espagne, qu’Ebola se soignait très bien dans nos hôpitaux. Pourtant, l’épidémie a fait plus de 7800 morts en Afrique de l’Ouest en moins d’un an. Que cela révèle-t-il de la situation de ces pays et surtout de la gestion de l’épidémie ?
Sur la gestion de l’épidémie en elle-même, la situation est très spécifique aux pays, le Liberia et le Sierra Leone, par exemple, sortent d’une longue période d’instabilité socio-politique. La structure des centres de santé et celle des systèmes de santé eux-mêmes dans ces Etats étaient affectées bien avant la crise Ebola. Depuis les années 90, ces derniers s'étaient complètement dégradés et même s’il y avait du personnel dans certains de ces centres, le matériel de base manquait ; pour certains d'entre eux il n'y avait même pas d'accès à l'eau. Ces personnels de santé sont, de plus, mal rétribués, pas forcément bien formés, et sont bien souvent tentés de partir à la première opportunité, situation que l’on observe notamment dans les centres les plus éloignés des zones urbaines. Les politiques de santé sont elles-mêmes aussi très déficientes depuis plusieurs années, pour différentes raisons. Certaines sont structurelles, liées à l’histoire des conflits dans ces pays ou à la corruption, pour d’autres il s’agit d’un déficit chronique d’investissement des Etats. Les budgets consacrés à la santé, dans certains cas, sont en effet très faibles et représentent un pourcentage minime de l’ensemble des budgets publics. Si avant la crise Ebola, les budgets alloués à la santé étaient en augmentation, cela était loin d'être suffisant pour structurer, voire construire dans certaines régions un système de santé assez fort pour contrer une épidémie comme Ebola. Il y a, enfin, bien sûr, une importante responsabilité de la coopération internationale, notamment des politiques d’aides bilatérales qui ont été conduites au cours des quinze dernières années dans ces pays. Guinée, Liberia et Sierra Leone étaient en plein développement structurel et n'arrivaient pas à investir davantage dans leur système de santé du fait de leur endettement auprès du FMI. Pourtant, il était impératif que ces pays fassent de la santé publique une priorité : pour ces raisons, une aide internationale intelligente et efficace était fondamentale. Or, l’UE, la France et l’Allemagne se sont, au même moment et sans se coordonner, désengagés des questions de financement des systèmes de santé de ces pays. A l'aide bilatérale classique, la France privilégie depuis plusieurs années le financement de partenariats public-privé, 70% de l'aide française en faveur de la santé transitant par des canaux multilatéraux. Or ces derniers auront du mal à justifier leur efficacité dans le renforcement des systèmes de santé que ce soit au Liberia, au Sierra Leone et en Guinée pré-Ebola... L’OMS n’a, quant à elle, pas de moyens financiers, ni le mandat pour contrebalancer un tel déficit, même dans l'urgence.
Les ONG ont les premières tiré le signal d’alarme au printemps 2014, notamment
Médecins sans Frontières et ont été des acteurs très présents sur le terrain, parfois seuls
à agir. Les ONG ont-elles remplacé l’action et la responsabilité des Etats dans cette
crise? Qu’en est-il pour l’avenir ? Va-t-on vers une sorte de « privatisation » de la
gestion des crises sanitaires internationales ?
On peut effectivement avoir cette lecture a posteriori, en se disant que les ONG ont remplacé
une responsabilité étatique. Il faut cependant savoir à quoi correspond cette responsabilité. On
parle d’Etats qui sont sortis de périodes de guerres très longues pour certains d’entre eux et on
parle simultanément de coopération internationale défaillante ou d’aide bilatérale peu
coordonnée qui portent aussi une responsabilité. Naturellement, il y a de même la
responsabilité de la gouvernance des chefs d’Etat des pays touchés, qui, peut-être, ne font pas
de leur système de santé une priorité nationale indépendamment des contraintes financières.
Mais, selon moi, le tableau est encore plus nuancé que cela. Le rôle des ONG humanitaires est
toujours de répondre à un impératif. Si vous avez des populations en souffrance qui
demandent de l’aide et se trouvent dans des pays incapables d’y répondre, les ONG
humanitaires doivent intervenir. Elles ont ainsi répondu présentes durant cette crise d’Ebola et
heureusement car, effectivement, les autorités nationales étaient complètement dépassées.
Non seulement la population souffrante était en demande d’aide mais les Etats eux-mêmes
l’ont demandée. Encore dernièrement, la Guinée demandait à Médecins Sans Frontières de les
aider à mieux maîtriser la fluctuation de l’incidence dans la dynamique épidémique de leur
pays. On se trouve donc avec des Etats complètement désemparés, une population
abandonnée à elle-même et des ONG humanitaires qui jouent leur rôle de courroie d'urgence.
Il ne s’agit pas non plus d’une privatisation. Les ONG, et notamment MSF, agissent grâce à
l’aide publique. Certes, une partie de leur financement vient des dons d’individus, mais ils
vivent aussi de bailleurs de fonds institutionnels. En espérant que 2015 soit vraiment l’année
où cette crise Ebola sera réglée, la leçon à retenir est que, premièrement, il faut se poser la
question de la pression financière internationale qui asphyxie les pays en voie de
développement. Il faut aussi s’interroger sur la façon avec laquelle les aides bilatérales sont
coordonnées par les Etats pour supporter notamment les systèmes de santé et il faut aussi les
aider à construire des politiques de santé publique efficientes et efficaces. Enfin, il faudrait un
« plan Marshall » sur la santé pour tous les Etats africains en voie de développement qui,
structurellement, se trouvent aujourd’hui dans la même situation que le Liberia, le Sierra
Leone et la Guinée et qui demain, s’ils sont frappés par Ebola, vivront la même catastrophe si
rien n’est fait. Quant aux ONG, elles seront toujours là et répondront présentes pour travailler
auprès des populations en souffrance se trouvant face à l’inertie de leur pays ou à leur
incapacité à répondre, ainsi que face à l'irresponsabilité de la coopération internationale.
J) - Le secteur du pétrole de schiste en difficulté face à la chute du cours du pétrole conventionnel
Les prix du pétrole sont tombés en dessous de 50 dollars US. La Russie, le Venezuela et
d'autres pays très dépendants des recettes pétrolières sont plongés dans l'inquiétude,
tandis que les producteurs de pétrole de schiste comme les États-Unis et le Canada
connaissent une crise inédite.
Le gaz de schiste menacé par les faibles prix du pétrole
Le 4 janvier, l'entreprise américaine de pétrole de schiste WBH Energy s'est déclarée en faillite. Cela marquera peut-être le début de la réorganisation des entreprises de pétrole et de gaz de schiste en faillite. Depuis 2010, les dettes des entreprises américaines dans le secteur de l'énergie ont augmenté de 55%, tandis que l'indice S&P 1500 dans le secteur de l'énergie est rapidement tombé. La révolution des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord fait à la fois face aux prix faibles du pétrole et aux coups spéculatifs des investisseurs. Confrontées à l'assèchement des liquidités et à la baisse des prix pétroliers, les petites entreprises de pétrole de schiste vont faire faillite ou être fusionnées. Le secteur du pétrole et du gaz de schiste continuera bien sûr à exister, mais à condition de diminuer ses coûts d'exploitation pour concurrencer les producteurs à faible coût de l'OPEP. Les raisons de la chute des prix du pétrole sont de plus en plus claires : l'offre est excédentaire. Cependant, les producteurs de pétrole ne vont pas diminuer le nombre de barils produits, et les prix vont continuer à baisser. Au moment où les prix du pétrole ont chuté en dessous de 50 dollars US, l'OPEP a tenu une réunion pour trouver un consensus visant à ne pas limiter la production. Les coûts d'extraction des pays de l'OPEP demeurent en moyenne à environ 40 dollars US, tandis que les coûts d'extraction du pétrole de schiste sont au moins de 60 dollars US. Même si les prix du pétrole passent au-dessus de 40 dollars US, c'est encore rentable pour les pays de l'OPEP et les entreprises de pétrole de schiste risqueront d'être mises hors du marché.
Les entreprises de pétrole de schiste entre la vie et la mort
A cause des bouleversements des prix du pétrole, les entreprises de pétrole de schiste, à fort coût d'exploitation, se trouvent déjà en mauvaise posture. A moins que les pays producteurs de pétrole collaborent ensemble pour limiter la production, donc pour rééquilibrer l'offre et la demande, il est peu probable que la tendance des prix du pétrole s'inverse à court terme. L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe ont dénoncé l'irresponsabilité des pays producteurs non-membres de l'OPEP et notamment ceux qui produisent du pétrole de schiste. Cette position ferme de l'Arabie saoudite s'appuie non seulement sur ses 700 milliards de dollars US de réserve et ses bas coûts d'exploitation, mais aussi sur sa détermination à exclure les producteurs « irresponsables » du marché. Or, l'Arabie Saoudite peut supporter des prix bas pendant un certain temps encore, mais une telle position sera difficile à maintenir sur le long terme. Pour l'Arabie saoudite, les prix du pétrole doivent atteindre plus de 80 dollars US pour maintenir son équilibre budgétaire. C'est ce qui a fait dire au Prince Al-Waleed qu'il était « choqué » par l'intransigeance de son Ministre du Pétrole Ali Naimi, et il a proposé d'investir les réserves de change dans un fonds souverain pour couvrir l'impact des prix du pétrole sur les finances nationales. A l'évidence, l'attitude de l'Arabie saoudite va devenir la référence du marché pétrolier.
Le gaz de schiste menacé par les faibles prix du pétrole
Le 4 janvier, l'entreprise américaine de pétrole de schiste WBH Energy s'est déclarée en faillite. Cela marquera peut-être le début de la réorganisation des entreprises de pétrole et de gaz de schiste en faillite. Depuis 2010, les dettes des entreprises américaines dans le secteur de l'énergie ont augmenté de 55%, tandis que l'indice S&P 1500 dans le secteur de l'énergie est rapidement tombé. La révolution des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord fait à la fois face aux prix faibles du pétrole et aux coups spéculatifs des investisseurs. Confrontées à l'assèchement des liquidités et à la baisse des prix pétroliers, les petites entreprises de pétrole de schiste vont faire faillite ou être fusionnées. Le secteur du pétrole et du gaz de schiste continuera bien sûr à exister, mais à condition de diminuer ses coûts d'exploitation pour concurrencer les producteurs à faible coût de l'OPEP. Les raisons de la chute des prix du pétrole sont de plus en plus claires : l'offre est excédentaire. Cependant, les producteurs de pétrole ne vont pas diminuer le nombre de barils produits, et les prix vont continuer à baisser. Au moment où les prix du pétrole ont chuté en dessous de 50 dollars US, l'OPEP a tenu une réunion pour trouver un consensus visant à ne pas limiter la production. Les coûts d'extraction des pays de l'OPEP demeurent en moyenne à environ 40 dollars US, tandis que les coûts d'extraction du pétrole de schiste sont au moins de 60 dollars US. Même si les prix du pétrole passent au-dessus de 40 dollars US, c'est encore rentable pour les pays de l'OPEP et les entreprises de pétrole de schiste risqueront d'être mises hors du marché.
Les entreprises de pétrole de schiste entre la vie et la mort
A cause des bouleversements des prix du pétrole, les entreprises de pétrole de schiste, à fort coût d'exploitation, se trouvent déjà en mauvaise posture. A moins que les pays producteurs de pétrole collaborent ensemble pour limiter la production, donc pour rééquilibrer l'offre et la demande, il est peu probable que la tendance des prix du pétrole s'inverse à court terme. L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe ont dénoncé l'irresponsabilité des pays producteurs non-membres de l'OPEP et notamment ceux qui produisent du pétrole de schiste. Cette position ferme de l'Arabie saoudite s'appuie non seulement sur ses 700 milliards de dollars US de réserve et ses bas coûts d'exploitation, mais aussi sur sa détermination à exclure les producteurs « irresponsables » du marché. Or, l'Arabie Saoudite peut supporter des prix bas pendant un certain temps encore, mais une telle position sera difficile à maintenir sur le long terme. Pour l'Arabie saoudite, les prix du pétrole doivent atteindre plus de 80 dollars US pour maintenir son équilibre budgétaire. C'est ce qui a fait dire au Prince Al-Waleed qu'il était « choqué » par l'intransigeance de son Ministre du Pétrole Ali Naimi, et il a proposé d'investir les réserves de change dans un fonds souverain pour couvrir l'impact des prix du pétrole sur les finances nationales. A l'évidence, l'attitude de l'Arabie saoudite va devenir la référence du marché pétrolier.
La guerre entre les pays producteurs de pétrole va se poursuivre encore
pendant un certain temps. A part la concurrence entre les pays producteurs de pétrole, la
hausse du dollar US a aussi un impact sur les prix du pétrole. Au milieu des années 1980 et à
la fin des années 1990, sous la pression de la montée de la valeur du dollar US, les prix du
pétrole se sont rapprochés de chiffres à deux décimales. Aujourd'hui, les États-Unis figurent
parmi les principaux pays producteurs de pétrole. Si les prix du pétrole continuent de baisser,
la révolution du schiste s'achèvera, ce qui aura un effet considérable sur les Etats-Unis. Le «
Wall Street Journal » a analysé, avec un ton pessimiste, que le plus grand danger actuel serait
une appréciation excessive du dollar américain, comme ce fut le cas dans les années 1990. Un
renchérissement excessif du dollar pourrait causer davantage de dégâts aux États-Unis qu'à
l'étranger, en particulier dans l'économie marchande, mais il pourrait aussi avoir un impact sur
le boom de l'énergique américain. La chute des prix du pétrole a mis à l'épreuve non
seulement les compagnies de pétrole de schiste mais aussi l'industrie des énergies
renouvelables et nouvelles. L'indice des actions de la voiture électrique Tesla n'a cessé de
chuter. Dans ces circonstances, certains pays sont devenus des bénéficiaires et d'autres des
victimes, tandis que les entreprises de pétrole de schiste sont passés de l'euphorie aux plus
grandes difficultés, entre la vie et la mort.
Sun Xingjie, chercheur à l'Institut des relations internationales de l'Université du Jilin (Chine)
K) - « Charlie », Dieudonné... quelles limites à la liberté d’expression ?
« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que Charlie Hebdo peut faire des “unes” sur la
religion » ? La question est revenue, lancinante, durant les dernières heures de notre suivi en
direct de la tuerie à Charlie Hebdo et de ses conséquences. Elle correspond à une
interrogation d'une partie de nos lecteurs : que recouvre la formule « liberté d'expression », et
où s'arrête-t-elle ?
La liberté d'expression est un principe absolu en France et en Europe, consacré par plusieurs textes fondamentaux. « La libre communication des pensées et des opinions est un des
-
La liberté d'expression est encadrée
-
La particularité des réseaux sociaux
-
Le cas complexe de l'humour
-
Charlie, habitué des procès
-
Dieudonné, humour ou militantisme ?
La liberté d'expression est un principe absolu en France et en Europe, consacré par plusieurs textes fondamentaux. « La libre communication des pensées et des opinions est un des
droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf
à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », énonce l'article 11
de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Le même principe est rappelé dans la
convention européenne des droits de l'homme : « Toute personne a droit à la liberté
d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontière. »
Cependant, elle précise :
« L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. » La liberté d'expression n'est donc pas totale et illimitée, elle peut être encadrée par la loi. Les principales limites à la liberté d'expression en France relèvent de deux catégories : la diffamation et l'injure, d'une part ; les propos appelant à la haine, qui rassemblent notamment l'apologie de crimes contre l'humanité, les propos antisémites, racistes ou homophobes, d'autre part. Les mêmes textes encadrent ce qui est écrit sur le Web, dans un journal ou un livre : l'auteur d'un propos homophobe peut être théoriquement condamné de la même manière pour des propos écrits dans un quotidien ou sur sa page Facebook. L'éditeur du livre ou le responsable du service Web utilisé est également considéré comme responsable. En pratique, les grandes plates-formes du Web, comme YouTube, Facebook, Tumblr ou Twitter, disposent d'un régime spécifique, introduit par la loi sur la confiance dans l'économie numérique : ils ne sont condamnés que s'ils ne suppriment pas un contenu signalé comme contraire à la loi dans un délai raisonnable.
C'est la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, qui est le texte de référence sur la liberté d'expression. Son article 1 est très clair : « L'imprimerie et la librairie sont libres », on peut imprimer et éditer ce qu'on veut. Mais là encore, après le principe viennent les exceptions. La première est l'injure (« X est un connard ») et la diffamation, c'est-à-dire le fait d'imputer à quelqu'un des actions qu'il n'a pas commises dans le but de lui faire du tort (« X a volé dans la caisse de l'entreprise »).
Les articles 23 et 24 de cette même loi expliquent que « seront punis comme complices d'une action qualifiée de crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », en font l'apologie, et liste les propos qui peuvent faire l'objet d'une condamnation :
« - les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
- les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal ;
- l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;
- l'apologie (...) des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.
- (Le fait d'inciter à des) actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.
- La provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes “en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une
Cependant, elle précise :
« L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. » La liberté d'expression n'est donc pas totale et illimitée, elle peut être encadrée par la loi. Les principales limites à la liberté d'expression en France relèvent de deux catégories : la diffamation et l'injure, d'une part ; les propos appelant à la haine, qui rassemblent notamment l'apologie de crimes contre l'humanité, les propos antisémites, racistes ou homophobes, d'autre part. Les mêmes textes encadrent ce qui est écrit sur le Web, dans un journal ou un livre : l'auteur d'un propos homophobe peut être théoriquement condamné de la même manière pour des propos écrits dans un quotidien ou sur sa page Facebook. L'éditeur du livre ou le responsable du service Web utilisé est également considéré comme responsable. En pratique, les grandes plates-formes du Web, comme YouTube, Facebook, Tumblr ou Twitter, disposent d'un régime spécifique, introduit par la loi sur la confiance dans l'économie numérique : ils ne sont condamnés que s'ils ne suppriment pas un contenu signalé comme contraire à la loi dans un délai raisonnable.
C'est la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, qui est le texte de référence sur la liberté d'expression. Son article 1 est très clair : « L'imprimerie et la librairie sont libres », on peut imprimer et éditer ce qu'on veut. Mais là encore, après le principe viennent les exceptions. La première est l'injure (« X est un connard ») et la diffamation, c'est-à-dire le fait d'imputer à quelqu'un des actions qu'il n'a pas commises dans le but de lui faire du tort (« X a volé dans la caisse de l'entreprise »).
Les articles 23 et 24 de cette même loi expliquent que « seront punis comme complices d'une action qualifiée de crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », en font l'apologie, et liste les propos qui peuvent faire l'objet d'une condamnation :
« - les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
- les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal ;
- l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;
- l'apologie (...) des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.
- (Le fait d'inciter à des) actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.
- La provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes “en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée”, ou encore “leur orientation sexuelle ou leur
handicap” ».
Dernier cas particulier : l'apologie du terrorisme, plus durement sanctionné depuis la loi de novembre 2014 sur la lutte contre le terrorisme. Le texte, mis en application ces derniers jours, prévoit que des propos d'apologie du terrorisme puissent être condamnés en comparution immédiate, renforce les peines encourues, et considère comme un fait aggravant le fait que ces propos soient tenus sur Internet. La même loi introduisait également la possibilité d'un blocage administratif - c'est à dire sans validation a priori par un juge - des sites de propagande djihadiste, une mesure fortement dénoncée par les défenseurs de la liberté d'expression.
En résumé,
La liberté d'expression ne permet pas d'appeler publiquement à la mort d'autrui, ni de faire l'apologie de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ni d'appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus user de la liberté d'expression pour appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap. Le droit d'expression est sous un régime « répressif » : on peut réprimer les abus constatés, pas interdire par principe une expression avant qu'elle ait eu lieu. Mais si une personne, une association ou l'Etat estime qu'une personne a outrepassé sa liberté d'expression et tombe dans un des cas prévus dans la loi, elle peut poursuivre en justice. En clair, c'est aux juges qu'il revient d'apprécier ce qui relève de la liberté d'expression et de ce qu'elle ne peut justifier. Il n'y a donc pas de positionnement systématique, mais un avis de la justice au cas par cas.
2. La particularité des réseaux sociaux
Le droit français s'applique aux propos tenus par des Français sur Facebook ou Twitter. Mais ces services étant édités par des entreprises américaines, ils ont le plus souvent été conçus sur le modèle américain de la liberté d'expression, beaucoup plus libéral que le droit français. Aux États-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d'expression, est très large. De nombreux propos condamnés en France sont légaux aux États-Unis. Les services américains rechignent donc traditionnellement à appliquer des modèles très restrictifs, mais se sont adaptés ces dernières années au droit français. Twitter a ainsi longtemps refusé de bloquer ou de censurer des mots-clés antisémites ou homophobes, avant de nouer un partenariat avec des associations pour tenter de mieux contrôler ces propos. De son côté, Facebook applique une charte de modération plus restrictive, mais les propos qui y sont contraires ne sont supprimés que s'ils sont signalés par des internautes, et après examen par une équipe de modérateurs.
3. Le cas complexe de l'humour
La liberté d'expression ne permet donc pas de professer le racisme, qui est un délit, de même que l'antisémitisme. On ne peut donc pas imprimer en « une » d'un journal « il faut tuer untel»ou«mort à tel groupe ethnique», ni tenir ce genre de propos publiquement. Néammoins, les cas de Dieudonné ou de Charlie Hebdo ont trait à un autre type de question, celle de l'humour et de ses limites.
La jurisprudence consacre en effet le droit à l'excès, à l'outrance et à la parodie lorsqu'il s'agit de fins humoristiques. Ainsi, en 1992, le tribunal de grande instance de Paris estimait
Dernier cas particulier : l'apologie du terrorisme, plus durement sanctionné depuis la loi de novembre 2014 sur la lutte contre le terrorisme. Le texte, mis en application ces derniers jours, prévoit que des propos d'apologie du terrorisme puissent être condamnés en comparution immédiate, renforce les peines encourues, et considère comme un fait aggravant le fait que ces propos soient tenus sur Internet. La même loi introduisait également la possibilité d'un blocage administratif - c'est à dire sans validation a priori par un juge - des sites de propagande djihadiste, une mesure fortement dénoncée par les défenseurs de la liberté d'expression.
En résumé,
La liberté d'expression ne permet pas d'appeler publiquement à la mort d'autrui, ni de faire l'apologie de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ni d'appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus user de la liberté d'expression pour appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap. Le droit d'expression est sous un régime « répressif » : on peut réprimer les abus constatés, pas interdire par principe une expression avant qu'elle ait eu lieu. Mais si une personne, une association ou l'Etat estime qu'une personne a outrepassé sa liberté d'expression et tombe dans un des cas prévus dans la loi, elle peut poursuivre en justice. En clair, c'est aux juges qu'il revient d'apprécier ce qui relève de la liberté d'expression et de ce qu'elle ne peut justifier. Il n'y a donc pas de positionnement systématique, mais un avis de la justice au cas par cas.
2. La particularité des réseaux sociaux
Le droit français s'applique aux propos tenus par des Français sur Facebook ou Twitter. Mais ces services étant édités par des entreprises américaines, ils ont le plus souvent été conçus sur le modèle américain de la liberté d'expression, beaucoup plus libéral que le droit français. Aux États-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d'expression, est très large. De nombreux propos condamnés en France sont légaux aux États-Unis. Les services américains rechignent donc traditionnellement à appliquer des modèles très restrictifs, mais se sont adaptés ces dernières années au droit français. Twitter a ainsi longtemps refusé de bloquer ou de censurer des mots-clés antisémites ou homophobes, avant de nouer un partenariat avec des associations pour tenter de mieux contrôler ces propos. De son côté, Facebook applique une charte de modération plus restrictive, mais les propos qui y sont contraires ne sont supprimés que s'ils sont signalés par des internautes, et après examen par une équipe de modérateurs.
3. Le cas complexe de l'humour
La liberté d'expression ne permet donc pas de professer le racisme, qui est un délit, de même que l'antisémitisme. On ne peut donc pas imprimer en « une » d'un journal « il faut tuer untel»ou«mort à tel groupe ethnique», ni tenir ce genre de propos publiquement. Néammoins, les cas de Dieudonné ou de Charlie Hebdo ont trait à un autre type de question, celle de l'humour et de ses limites.
La jurisprudence consacre en effet le droit à l'excès, à l'outrance et à la parodie lorsqu'il s'agit de fins humoristiques. Ainsi, en 1992, le tribunal de grande instance de Paris estimait
que la liberté d'expression « autorise un auteur à forcer les traits et à altérer la personnalité de celui
qu'elle représente », et qu'il existe un « droit à l'irrespect et à l'insolence », rappelle une étude
de l'avocat Basile Ader. Néammoins, là encore, il appartient souvent aux juges de décider ce
qui relève de la liberté de caricature et du droit à la satire dans le cadre de la liberté
d'expression. Un cas récent est assez éclairant : le fameux « casse-toi, pauv' con ! ». Après
que Nicolas Sarkozy a lancé cette formule à quelqu'un qui avait refusé de lui serrer la main,
un homme avait, en 2008, acueilli l'ancien chef de l'Etat avec une pancarte portant la même
expression. Arrêté, il avait été condamné pour « offense au chef de l'Etat » (délit supprimé
depuis). L'affaire était remontée jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme.
En mars 2013, celle-ci avait condamné la France, jugeant la sanction disproportionnée et
estimant qu'elle avait«un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent
contribuer au débat sur des questions d'intérêt général ». Plus proche des événements de la
semaine précédente, en 2007, Charlie Hebdo devait répondre devant la justice des caricatures
de Mahomet qu'il avait publiées dans ses éditions. A l'issue d'un procès très médiatisé, où des
personnalités s'étaient relayées à la barre pour défendre Charlie Hebdo, le tribunal avait jugé
que l'hebdomadaire avait le droit de publier ces dessins : « Attendu que le genre littéraire de la
caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d'expression et de
communication des pensées et des opinions (...) ; attendu qu'ainsi, en dépit du caractère
choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et
les circonstances de sa publication dans le journal “Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de
toute volonté délibérée d'offenser directement et gratuitement l'ensemble des musulmans ; que
les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont donc pas été dépassées (...) On peut
donc user du registre de la satire et de la caricature, dans certaines limites. Dont l'une est de ne
pas s'en prendre spécifiquement à un groupe donné de manière gratuite et répétitive. Autre
époque, autre procès : en 2005, Dieudonné fait scandale en apparaissant dans une émission de
France 3 grimé en juif ultrareligieux. Il s'était alors lancé dans une diatribe aux relents
antisémites. Poursuivi par plusieurs associations, il avait été relaxé en appel, le tribunal
estimant qu'il restait dans le registre de l'humour. En résumé, la loi n'interdit pas de se moquer
d'une religion - la France est laïque, la notion de blasphème n'existe pas en droit - mais elle
interdit en revanche d'appeler à la haine contre les croyants d'une religion, ou de faire
l'apologie de crimes contre l'humanité – c'est notamment pour cette raison que Dieudonné a
régulièrement été condamné, et Charlie Hebdo beaucoup moins.
4. « Charlie », habitué des procès
Il faut rappeler que Charlie Hebdo et son ancêtre Hara-Kiri ont déjà subi les foudres de la censure. Le 16 novembre 1970, à la suite de la mort du général de Gaulle, Hara-Kiri titre : « Bal tragique à Colombey : 1 mort », une double référence à la ville du Général et à un incendie qui avait fait 146 morts dans une discothèque la semaine précédente. Quelques jours plus tard, l'hebdomadaire est interdit par le ministère de l'intérieur, officiellement à l'issue d'une procédure qui durait depuis quelque temps. C'est ainsi que naîtra Charlie Hebdo, avec la même équipe aux commandes. L'hebdomadaire satirique était régulièrement devant la justice à la suite à des plaintes quant à ses « unes » ou ses dessins : environ 50 procès entre 1992 et 2014, soit deux par an environ. Dont certains perdus.
5. Dieudonné, humour ou militantisme ?
Dans le cas de Dieudonné, la justice a été appelée à plusieurs reprises à trancher. Et elle n'a pas systématiquement donné tort à l'humoriste. Ainsi a-t-il été condamné à plusieurs reprises pour « diffamation, injure et provocation à la haine raciale » (novembre 2007,
4. « Charlie », habitué des procès
Il faut rappeler que Charlie Hebdo et son ancêtre Hara-Kiri ont déjà subi les foudres de la censure. Le 16 novembre 1970, à la suite de la mort du général de Gaulle, Hara-Kiri titre : « Bal tragique à Colombey : 1 mort », une double référence à la ville du Général et à un incendie qui avait fait 146 morts dans une discothèque la semaine précédente. Quelques jours plus tard, l'hebdomadaire est interdit par le ministère de l'intérieur, officiellement à l'issue d'une procédure qui durait depuis quelque temps. C'est ainsi que naîtra Charlie Hebdo, avec la même équipe aux commandes. L'hebdomadaire satirique était régulièrement devant la justice à la suite à des plaintes quant à ses « unes » ou ses dessins : environ 50 procès entre 1992 et 2014, soit deux par an environ. Dont certains perdus.
5. Dieudonné, humour ou militantisme ?
Dans le cas de Dieudonné, la justice a été appelée à plusieurs reprises à trancher. Et elle n'a pas systématiquement donné tort à l'humoriste. Ainsi a-t-il été condamné à plusieurs reprises pour « diffamation, injure et provocation à la haine raciale » (novembre 2007,
novembre 2012), ou pour « contestation de crimes contre l'humanité, diffamation raciale,
provocation à la haine raciale et injure publique » (février 2014). Lorsqu'en 2009 il fait venir
le négationniste Robert Faurisson sur scène pour un sketch où il lui faisait remettre un prix par
un homme déguisé en détenu de camp de concentration, il est condamné pour « injures
antisémites ». Mais dans d'autres cas, il a été relaxé : en 2004 d'une accusation d'apologie de
terrorisme, en 2007 pour un sketch intitulé «Isra-Heil». En2012, la justice a refusé
d'interdire un film du comique, malgré une plainte de la Ligue internationale contre le racisme
et l'antisémitisme (Licra). En plaidant pour l'interdiction de ses spectacles fin 2013, le
gouvernement Ayrault avait cependant franchi une barrière symbolique, en interdisant a priori
une expression publique. Néanmoins, le Conseil d'Etat, saisi après l'annulation d'une décision
d'interdiction à Nantes, lui avait finalement donné raison, considérant que « la mise en place
de forces de police ne [pouvait] suffire à prévenir des atteintes à l'ordre public de la nature
de celles, en cause en l'espèce, qui consistent à provoquer à la haine et la discrimination
raciales ». « On se trompe en pensant qu'on va régler la question à partir d'interdictions
strictement juridiques », estimait alors la Ligue des droits de l'homme.
L) - Au cœur de la cyberguerre entre Anonymous et djihadistes
Pour venger «Charlie Hebdo», les hacktivistes du collectif ont mis leur menace à exécution en
bloquant depuis le 9 janvier plusieurs milliers de sites internet, mais aussi de comptes twitter
et facebook djihadistes. Comment s’organisent-t-ils? Quel mode opératoire? Plongée dans les
méandres des chats IRC où se coordonne cette opération punitive Il avait prévenu vouloir
venger l’attentat contre Charlie Hebdo. Le collectif Anonymous a mis ses menaces à
exécution. Dans la nuit du samedi à dimanche, les hacktivistes anonymes (contraction de
activistes et de hackers) se sont attaqués aux sites internet, mais aussi aux comptes Twitter et
Facebook de propagande djihadiste. Baptisée #OpCharlieHebdo, cette opération punitive
visant les «terroristes islamistes» actifs sur Internet s’est organisée aussitôt après l’attaque,
mercredi 7 janvier, contre l’hebdomadaire satirique. C’est sur le site de publication anonyme
Pastebin que les membres du collectif ont prévenu: «Attendez-vous à une réaction massive et
frontale de notre part, car le combat pour la défense de ces libertés est la base même de notre
mouvement.» Dans le même temps, ils diffusent deux vidéos sur YouTube à partir d’un
compte localisé en Belgique. Les extraits s’adressent à Al-Qaida et aux membres de l’Etat
islamique (EI) en Syrie et en Irak: «Nous, les Anonymous de toute la planète avons décidé de
déclarer la guerre à vous les terroristes [...]. Nous allons surveiller toutes vos activités sur le
Net, nous fermerons vos comptes sur tous les réseaux sociaux. Vous n’imposerez pas votre
charia dans nos démocraties [...].» Reconnu comme une des premières superconsciences
collectives issues du Web en 2003, Anonymous n’a ni charte, ni gourou, mais un seul but: la
liberté d’expression absolue et sans concession sur la Toile et dans le monde réel. A l’image
des cyberdjihadistes, Anonymous est mouvant, constitué de plusieurs groupuscules disparates
qui se sont alliés par le passé dans une lutte contre l’Eglise de scientologie ou les «ennemis de
WikiLeaks». A partir des 9 et 10 janvier donc, les hacktivistes passent à l’offensive. Toujours
sur le site Pastebin, ils publient les adresses de plusieurs centaines de comptes Twitter en
français, en anglais et en arabe. Mais aussi les adresses de profils Facebook.
Anonymous les présente comme appartenant à des extrémistes islamistes. La majorité de ces comptes ont été bloqués alors que d’autres continuaient à fonctionner. Par cette action,
Anonymous les présente comme appartenant à des extrémistes islamistes. La majorité de ces comptes ont été bloqués alors que d’autres continuaient à fonctionner. Par cette action,
le collectif entend attirer l’attention du public et des autorités sur tous ceux qui soutiennent ouvertement sur
Internet les actes terroristes contre Charlie Hebdo. Les opérations se discutent sur le chat IRC
(l’un des nombreux protocoles de communication sur Internet) «Anonops». Lundi, on
dénombrait plus de 200 canaux de discussions multilingues de ce type. La participation
nécessite une connexion VPN (Virtual Private Network), ainsi que le navigateur Tor pour
garantir l’anonymat des échanges. Sur le canal francophone de l’opération, hacktivistes et
djihadistes se livrent une cyberguerre intense. Le pseudonyme «Something» écrit: «Sérieux, y
en a combien des twitter djihadiste la, j’ai l’impression que ça n’en fini plus...» (sic). La
communauté s’organise comme elle le peut. Plusieurs dizaines d’Anonymous listent les cibles
sur un document partagé en annexe. On dénombre plusieurs milliers de comptes Twitter et
Facebook. Mais aussi les adresses des sites internet d’organisations et de sociétés désignés par
le collectif comme appartenant aux djihadistes. Comment en être sûr? Lavandina, membre de
l’opération francophone, reconnaît qu’«aucun membre» de son équipe ne parle arabe. «On
utilise Google Translate. Puis nous scannons le contenu de chaque cible pour nous assurer
qu’elles appartiennent à des organisations djihadistes: photos de personnes égorgées, enfants
morts, drapeau djihadiste, menace explicite.» D’autres membres pénètrent ces cibles à la
recherche de failles qu’ils pourront exploiter pour les mettre à plat. L’autre technique vise à
collecter tous les comptes Twitter utilisant le hashtag en arabe #Etat islamique. Hier, lors de
notre passage sur le canal IRC, la traque djihadiste s’orientait sur le site Kavkazcenter.com.
Les Anonymous s’attelaient à collecter toutes les informations (identité de l’administrateur
par exemple) qui pourraient les mener vers d’autres pistes. Les comptes ciblés sont ensuite
bloqués. Cette riposte est «éphémère, car les djihadistes recréent aussitôt de nouveaux
comptes, écrit Lavandina. Mais nous voulions leur taper sur les doigts.» La riposte djihadiste
ne s’est pas fait attendre. Quelques heures seulement après le début de l’opération
#OpCharlieHebdo, les activistes islamistes ont contre-attaqué avec «une telle maîtrise et une
telle rapidité qui prouvent que nous combattons des professionnels», souligne Sonic sur le
chat. Les djihadistes ont aussitôt recréé de nouveaux comptes sous une autre identité.
Parallèlement, ils ont orienté des attaques informatiques contre des centaines de sites internet
d’institutions françaises. On citera celui du Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, le
CHU de Strasbourg, le Palais des Papes à Avignon, la ville de Tulle ou la fondation Jacques
Chirac. Mais aussi le site du lycée Charles de Gaulle à Dammartin-en-Goële, la ville où les
frères Kouachi se sont retranchés. L’opération #OpCharlieHebdo suscite la controverse parmi
les experts en sécurité informatique qui estiment que de telles actions peuvent nuire au
déroulement des enquêtes. Une inquiétude qui ne freine pas la détermination du collectif
puisque celui-ci entend poursuivre ses actions ces prochains jours.
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