L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) La France peut-elle s’en sortir sans organiser des Etats généraux de la nation française ? - Yves Roucaute - Serge Federbusch - Dimitri Casali - Atlantico
B) Révolution française de Wikiberal
C) Après le concordat de 1801 et la loi de 1905, la France sur la voie d'un 3ème modèle de laïcité ? - Christophe Bellon - Atlantico
D) Concordat de 1801 de Wikiberal
E) Gaspard Koenig : et si la vraie révolution était libérale ? - Par Marc Vignaud - Le Point
F) Gaspard Koenig : lettre aux libéraux-conservateurs et aux libertariens - FIGAROVOX/TRIBUNE
G) Les classes moyennes rêvent «d’un coup d’Etat citoyen» - Jonathan BOUCHET-PETERSEN - Libération
A) La France peut-elle s’en sortir sans organiser des Etats généraux de la nation française ?
Avant de devenir une crise politique, la
Révolution française tenait davantage de la crise sociétale dans une
société divisée. Trois ans après leur convocation, les Etats généraux
accouchaient d'une constitution, de la Déclaration des droits de l'homme
ainsi que d'un projet commun.
- En 1788, Louis XVI convoque les Etats généraux pour résoudre une crise à la fois budgétaire, politique et sociale.
- De fait, les Etats généraux ont apporté à la fois la première constitution de la République française, mais aussi à la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, document fondateur de la définition de la communauté nationale.
- La société française traverse actuellement une crise historique symbolisée par l'ampleur de la défiance à l'égard de l'Europe, de la mondialisation et de ses élites politiques, et d'un pessimise à l'égard de l'avenir.
- De même, la solidité du modèle laïque fondé en 1905 est remis en question par l'émergence d'un certain l'islam dans l'espace public.
- Débats et commentaires sur le sujet sont souvent ramenés à des termes qui ne "sonnent" plus, dont le contenu est indéfini voire contesté comme "laïcité, "égalité", ou encore "valeurs républicaines".
- Outre le fait de nommer les problèmes, et de faire un véritable état des lieux de la société française, l'organisation d'une concertation à l'échelle nationale aurait le mérite de refédinir une identité commune, d'adapter ses valeurs aux contexte actuel, et de proposer un projet commun.
Atlantico : Quelle est aujourd'hui l'intensité de la fracture qui traverse la société française, et de quelle nature est-elle ?
Yves Roucaute : Notre société est au
bord de l’explosion parce que certaines de ses élites sont incapables
d’analyses concrètes de la situation pour assurer la puissance de la
France dans la mondialisation et pour maintenir sa cohésion culturelle
et sociale. Au lieu de partir du réel et de ses redoutables tensions, la
paresse d’esprit épaulée par l’idéologie tiennent lieu d’analyse.
Nous le constatons tous
les jours, ces élites parlent aux élites et préfèrent recouvrir les
problèmes de mots boursouflés, tels que "laïcité", "égalité", "justice
sociale", "république", "solidarité", "citoyenneté", "croissance" et de
bien d’autres encore.
Ainsi, au lieu de se demander comment régler le
problème du chômage dans un pays qui croule sous la bureaucratie et les
impôts, on nous envoie le mot "croissance" ? Mais qui est contre ? Pour
l'islamisme et, plus globalement, la question de la cohabitation des
religions, les idéologues ânonnent le mot "laïcité". Mais entre la
laïcité jacobine ou stalinienne, qui interdit toute expression
religieuse et massacre les prêtres, et la laïcité à l'américaine, où
chacun exprime publiquement sa religion, les variations sont infinies.
Le mot "Intégration" ? Que règle-t-il, il écarte seulement le problème
de l’assimilation de valeurs communes. Ici, on nous ensevelit sous le
vocable de "citoyenneté", à l’évidence mis à toutes les sauces pour
cacher le vide sidéral de la pensée de gauche incapable de penser les
incivilités et le patriotisme.
Être républicain ?
Certes mais de quoi s’agit-il ? Le mot est utilisé par les islamistes,
les communistes comme par les turcs. Si, comme je crois l’avoir démontré
dans "Eloge du mode de vie à la française" (éditions Contemporary Boosktore),
être républicain à la française, cela signifie organiser la puissance
française dans la mondialisation et dans l'Union européenne, avec les
bras de fer que cela implique, y compris face à nos alliés dans la
concurrence internationale, en tenant fermement en main les valeurs
universelles de la France et son mode de vie sucré, alors il va falloir
faire quelques efforts. À l’inverse, si les élites dites "républicaines"
persistent à se payer de mots, parions que le réel évacué les évacuera
de même. Et tandis que que la société française continuera à se déliter,
Marine Le Pen finira par être élue Présidente, avec le programme
socialiste et nationaliste qu'elle propose, et les conséquences
économiques désastreuses que cela impliquera.
Serge Federbusch : La révolution de
1789 est un phénomène multiforme : culturel, politique, financier,
économique. J’ai tenté dans mon livre paru en 2014 : "Français prêts
pour votre prochaine révolution" de montrer comment elle inaugurait une
série d’effondrements internes ou externes qui présentent des caractères
communs depuis bientôt deux siècles et demi. En résumé, il est
impossible, dans la durée, de concilier l’extrême centralisation du
pouvoir à Paris, des relais efficaces en province et une économie
ouverte. Aussi le pouvoir s’appuie-t-il sur des corporations qui
finissent par être plus puissantes que lui, le paralyser et l’empêcher
de se réformer, jusqu’à l’explosion finale.
Aujourd’hui tous les ingrédients d’un effondrement
révolutionnaire sont présents : discrédit des soi-disant élites, ruine
de l’Etat, face à face entre une parole officielle mensongère portée par
les médias officiels et le bourgeonnement de nouveaux canaux de
diffusion des idées. Il faut y ajouter un problème migratoire
grandissant qui met sous tension la population. Le "vivre ensemble" est
un slogan agité par la gauche pour tenter de masquer ce lent délitement
du lien social. Pourtant, une partie importante du peuple reste dans la
nostalgie d’une "douce France", pays d’équilibre, de bien-vivre, de
convivialité, où l’on à le sourire aux lèvres et où l’on respecte ses
voisins. Mais cet espoir de plus en plus déçu se transforme en
frustration intense.
Actuellement, les valeurs républicaines ne semblent plus faire consensus, les débats s'articulent principalement autour de leur interprétation. Pour ces raisons, faudrait-il aborder un débat sur l'identité nationale ? Quels seraient les thèmes que des Etats généraux ne pourraient éviter ?
Serge Federbusch : Il y a d’évidence
une menace communautariste qui pèse sur le régime et sape l’identité
nationale. Par clientélisme, les élus, principalement de gauche, y ont
cédé. Une part importante des électeurs de gauche vient de milieux
petits bourgeois qui ont abandonné au vingtième siècle la pratique
catholique. La complaisance qu’ils montrent aujourd’hui vis-à-vis de
l’islam rigoriste est la traduction de leur malaise face à leur passé
chrétien mal renié. Les donneurs de leçons anglo saxons qui, ces
derniers jours, ont voulu faire passer la laïcité "à la française" pour
ringarde et peureuse sont complètement à côté de la plaque. Salafisme,
wahhabisme et autres bondieuseries issues du Coran sont des menaces pour
la République mais aussi pour la liberté individuelle. A terme leur
intention est d’imposer leurs pratiques par le nombre et la force, ceux
qui ne le voient pas sont aussi dangereux que ceux qui se berçaient
d’illusion face au nazisme. Tous ces éditorialistes du New York Times,
du Guardian et autres feraient mieux de se préoccuper de la défense de
leur propre liberté. Les Etats généraux devraient d’évidence poser par
referendum aux Français la question de l’interdiction des manifestations
et tenues religieuses ostentatoires dans l’espace public.
Yves Roucaute : Les
Français ne se posent pas la question de ce qu'est leur identité
contrairement à ce que prétendent certains médias qui relaient certains
démagogues. Ils savent ce que signifie être français, il suffit de voir
un match de football ou de rugby pour s’en assurer. Et c’est pour cela
qu’il y a des tensions car ils ne veulent pas de cette violence
symbolique contre leur mode de vie qu’ils connaissent et veulent
préserver. Généreux, d’origine diverse, de religions diverses, ils
acceptent tout, à condition que cela ne viole pas ce triptyque qui est
au fondement de leur identité : leur mode de vie sucré, leurs valeurs
universelles et leur désir de la puissance française.
Sur ce triptyque, chacun peut fêter ses traditions et vaquer à ses occupations.
Le problème vient de ce que les Français ressentent que leurs élites sont souvent inaptes à défendre ce fond.
Sur la question du mode de vie, les élites sont
souvent sourdes au monde ordinaire qui exige, quand bien même il ne le
théorise pas, de renouer avec la grande politique qui a été menée
depuis la IIIème et IVème République : l'assimilation. Depuis plus de 1
500 ans, soit l'époque de Charlemagne, la France a entre ses mains un
modèle assimilationniste qui n'a jamais fait défaut. Elle est capable
d'assimiler très facilement autour de sa générosité des individus qui
viennent d'univers différents, ce qui n'est pas le cas de toutes les
civilisations. Mais cette ouverture à l’autre, ce parfum de liberté que
ressent tout étranger sur notre territoire ne doit pas être confondu
avec le laxisme. Que certaines femmes dans la Corne de l'Afrique soient
excisées ne signifie pas que cela puisse être autorisé en France. Que
certaines femmes ne soient pas autorisées à étudier ou à conduire dans
certains pays, ne signifie pas que cela puisse être reproduit dans notre
pays. Si des gens ne supportent pas le respect de la dignité humaine,
qu’ils partent disent les Français de toute origine, chrétiens, juifs,
musulmans et bouddhistes compris, car le respect humain est au fondement
du mode de vie à la française.
Le problème c’est que
ce triple socle identitaire, mode de vie sucré, valeurs universelles
d’origine judéo-chrétiennes et recherche de la puissance, n’est guère
pris en compte chez les socialistes et chez certaines personnalités de
la droite bureaucratique. Personne ne dit aux citoyens : "voilà notre
projet pour la puissance de la France et nous sommes déterminés à le
mener." Personne ne leur indique: "nous avons commis des erreurs, voilà
les moyens de les relever par l’assimilation de nos valeurs et le
respect du mode de vie". Personne ne semble jouir de cette vie à la
française en disant qu’i l’aime.
Les Français veulent entendre le discours de la joie
de vire à la française et celui de la responsabilité, qui est aussi
celui de la cohésion et de la puissance. Ils veulent un stratège pas un
nouveau président faible.
Et il ne faudrait pas que les prétendants à la présidence se trompent d’enjeu.
C'est d'ailleurs, paradoxalement, la chance de la
droite, et la faiblesse de Marine Le Pen qui entend parfaitement le
malaise des Français face à une certaine déliquescence des élites
politiques quant à l’identité nationale mais qui, par son isolationnisme
et son protectionnisme, par son incapacité à mener des réformes de
structure qui libéreraient les énergies, ne peut répondre à cette
exigence nationale de la puissance de la France. Elle ne pourra donc pas
obtenir une majorité dans ce pays car cela aussi fait partie de
l’identité nationale. Les Français aiment se battre, leur rejet du
pétainisme dans la mémoire du pays en est une des multiples marques, et
ils savent qu'un isolement est synonyme d'affaiblissement. Les Français
veulent que la France soit forte dans la mondialisation et ils sont
favorables à l’Europe quand elle sert leur puissance.
Yves Roucaute : Les
Français ne se posent pas la question de ce qu'est leur identité
contrairement à ce que prétendent certains médias qui relaient certains
démagogues. Ils savent ce que signifie être français, il suffit de voir
un match de football ou de rugby pour s’en assurer. Et c’est pour cela
qu’il y a des tensions car ils ne veulent pas de cette violence
symbolique contre leur mode de vie qu’ils connaissent et veulent
préserver. Généreux, d’origine diverse, de religions diverses, ils
acceptent tout, à condition que cela ne viole pas ce triptyque qui est
au fondement de leur identité : leur mode de vie sucré, leurs valeurs
universelles et leur désir de la puissance française.
Sur ce triptyque, chacun peut fêter ses traditions et vaquer à ses occupations.
Le problème vient de ce que les Français ressentent que leurs élites sont souvent inaptes à défendre ce fond.
Sur la question du mode de vie, les élites sont
souvent sourdes au monde ordinaire qui exige, quand bien même il ne le
théorise pas, de renouer avec la grande politique qui a été menée
depuis la IIIème et IVème République : l'assimilation. Depuis plus de 1
500 ans, soit l'époque de Charlemagne, la France a entre ses mains un
modèle assimilationniste qui n'a jamais fait défaut. Elle est capable
d'assimiler très facilement autour de sa générosité des individus qui
viennent d'univers différents, ce qui n'est pas le cas de toutes les
civilisations. Mais cette ouverture à l’autre, ce parfum de liberté que
ressent tout étranger sur notre territoire ne doit pas être confondu
avec le laxisme. Que certaines femmes dans la Corne de l'Afrique soient
excisées ne signifie pas que cela puisse être autorisé en France. Que
certaines femmes ne soient pas autorisées à étudier ou à conduire dans
certains pays, ne signifie pas que cela puisse être reproduit dans notre
pays. Si des gens ne supportent pas le respect de la dignité humaine,
qu’ils partent disent les Français de toute origine, chrétiens, juifs,
musulmans et bouddhistes compris, car le respect humain est au fondement
du mode de vie à la française.
Le problème c’est que ce triple socle identitaire,
mode de vie sucré, valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes et
recherche de la puissance, n’est guère pris en compte chez les
socialistes et chez certaines personnalités de la droite bureaucratique.
Personne ne dit aux citoyens : "voilà notre projet pour la puissance de
la France et nous sommes déterminés à le mener." Personne ne leur
indique: "nous avons commis des erreurs, voilà les moyens de les
relever par l’assimilation de nos valeurs et le respect du mode de vie".
Personne ne semble jouir de cette vie à la française en disant qu’i
l’aime.
Les Français veulent entendre le discours de la joie
de vire à la française et celui de la responsabilité, qui est aussi
celui de la cohésion et de la puissance. Ils veulent un stratège pas un
nouveau président faible.
Et il ne faudrait pas que les prétendants à la présidence se trompent d’enjeu.
C'est d'ailleurs, paradoxalement, la chance de la
droite, et la faiblesse de Marine Le Pen qui entend parfaitement le
malaise des Français face à une certaine déliquescence des élites
politiques quant à l’identité nationale mais qui, par son isolationnisme
et son protectionnisme, par son incapacité à mener des réformes de
structure qui libéreraient les énergies, ne peut répondre à cette
exigence nationale de la puissance de la France. Elle ne pourra donc pas
obtenir une majorité dans ce pays car cela aussi fait partie de
l’identité nationale. Les Français aiment se battre, leur rejet du
pétainisme dans la mémoire du pays en est une des multiples marques, et
ils savent qu'un isolement est synonyme d'affaiblissement. Les Français
veulent que la France soit forte dans la mondialisation et ils sont
favorables à l’Europe quand elle sert leur puissance.
Lors du Serment du Jeu de Paume, le 20 juin 1789, les députés promettent de ne pas se séparer avant d'avoir rédigé une constitution pour le pays. C'est ainsi que l'Assemblée nationale constituante siège jusqu'au 3 septembre 1791 et donne lieu en même temps qu'une constitution à la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen. Dans quelle mesure peut-on faire un parallèle entre la situation de l'époque et celle d'aujourd'hui ?
Dimitri Casali : Dès la fin de
l'année 1788, le Roi convoque les états-généraux. Ces derniers étaient
réunis depuis Philippe IV le Bel en 1302 pour résoudre les crises
politiques, sociales et économiques majeures, de manière collégiale.
Tout comme on peut le voir aujourd'hui, les états-généraux de 1789
devaient faire face à une crise à plusieurs facettes. A la fois
économique, puisque les caisses du royaume étaient vides, synonyme
d'impôts supplémentaires, et une réforme profonde de l'organisation de
la société revendiquée à travers les doléances. La constitution qui en
découle donne à la France, et même si ce n'était initialement prévu, la
déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, qui sont la
base même sur laquelle se fonde aujourd'hui non seulement la République
et mais aussi notre identité.
Pour refonder aujourd'hui la communauté nationale,
encore faut-il être sûr de ce que sont nos fondamentaux. Cela signifie
une mise à plat de la laïcité et une réaffirmation des valeurs
patriotes. Ces sujets, bien qu'essentiels, sont aujourd'hui délaissés au
Front national. La simple évocation du mot "patrie" aujourd'hui est
assimilée à un dangereux sentiment nationaliste. Le meilleur exemple de
cette nécessité, c'est que 37% de jeunes d'origine étrangère ne se
sentent pas français : le modèle d'intégration est bel et bien rouillé.
Depuis la seconde guerre mondiale, les Français n'ont jamais été aussi
divisés.
Yves Roucaute : Il y
a une urgence de réunir quelque chose qui pourrait ressembler à des
Etats-généraux, et qui permettrait d’entendre les doléances, mais aussi
de cartographier les problèmes que connaissent les différents groupes et
catégories de la population française. Il est nécessaire de réfléchir à
l'organisation d'une concertation, qui ne serait pas un nouveau Conseil
Économique et social, mais qui serait l'expression de ce que de Gaulle
cherchait sans doute à faire lorsqu'il voulait réformer le Sénat :
l'expression des différents points de vue qui agitent la société
française.
Une
organisation qui permettrait de faire remonter les demandes pourrait
permettre de faire voler en éclat les faux consensus, de nommer les
choses, de cartographier. Et, ensuite, de choisir le chemin le plus
efficace possible pour répondre aux grandes questions de notre temps,
qui sont celles du chômage, du mode de vie, de la puissance.
Serge Federbusch : Les Etats
généraux de 1789 étaient prosaïquement nés de la volonté royale de
trouver de l’argent pour boucler un budget qui, notons-le, présentait un
déficit analogue à celui d’aujourd’hui : les dépenses publiques
excédaient de près de 30 % les recettes de l’Etat, une situation
intenable. Il fallait faire rentrer des fonds et le consentement à
l’impôt était à ce point dégradé que Louis XVI ne pouvait envisager de
procéder par des hausses brutales. Il fallait également serrer la
ceinture d’un appareil d’Etat boursouflé et le roi pensait secrètement
qu’en s’appuyant sur le clergé, la petite noblesse et le tiers état, il
pourrait imposer à l’aristocratie de cour et aux princes de sang un peu
d’économies. Le problème est que Louis XVI a fait les choses et pris des
décisions à moitié. Il voulait bien faire un pas en direction de la
bourgeoisie mais n’était pas résolu à s’appuyer sur elle pour
circonvenir la noblesse dont il se considérait le chef fidèle et loyal.
Hormis quelques brefs moments d’exaltation collective, il ne faut pas
idéaliser le processus révolutionnaire : les intérêts antagonistes s‘y
exprimaient violemment et sans détour et le sentiment d’union nationale
était au mieux transitoire même s’il fut à l’origine de quelques pages
d’histoire abondamment mises en valeur par la suite : serment du Jeu de
paume, nuit du 4 août, fête de la Fédération, etc.
La différence entre
1789 et 2015 est qu’aujourd’hui le pouvoir peut s’appuyer sur une Banque
centrale européenne prête à fabriquer de la fausse monnaie pour lui
permettre de ne pas avoir à affronter immédiatement le peuple en
rétablissant l’équilibre budgétaire par l’impôt ou par la réduction
drastique des dépenses. Il faudra attendre que ce subterfuge européen
soit lui-même à bout de souffle pour que les dirigeants soient placés au
pied du mur et doivent enfin dire la vérité aux Français.
Dans quelle mesure une telle concertation pourrait-elle être utile aujourd'hui ? Nommer les choses telles qu'elles sont, établir un "état des lieux" n'est-il pas en soi un début de solution, en quoi cela serait-il profitable ?
Yves Roucaute : Nous avons besoin de
faire l'état des lieux. Et notamment de faire litière des discours
dénonciateurs. Avant de proposer des solutions, il faut analyser la
situation concrètement. La première étape consisterait à donner un sens
aux mots laïcité, République, citoyenneté et de leur donner un vrai
contenu. Et c'est précisément là que des doléances à la manière de 1789
prennent tout leur sens encore aujourd'hui : des doléances apportent du
concret, des situations. A-t-on le droit, oui ou non de pratiquer
l'excision ou le voile intégral ? Cela fait également voler en éclat la
distinction public/privé, que certains commentateurs à courte vue, les
"demi-habiles", essaient de mettre en œuvre: l'excision est une pratique
religieuse privée, doit-on se priver de l'interdire ? Bien sûr que non.
Il faut tout mettre à plat, de ce qui se passe dans les transports
publics à ce qui se passe dans les écoles.
De manière réaliste, comment de telles concertations pourraient-elles, ou devraient-elles s'organiser ?
Yves Roucaute : L’idéal serait
qu’elle soit organisée comme une grande consultation nationale à
laquelle serait conviée localement tous les citoyens. Il faut poser la
seule question qui mérite de l'être : les conditions de la puissance de
la France.
Les Français veulent
l'entendre. Et c'est ce qui réglera une grande partie des problèmes, y
compris de chômage et d’assimilation.
La grande différence avec 1789, c'est qu'elle ne
semble pas pouvoir être organisée à partir du sommet de l'Etat. En tout
cas, pas aujourd’hui, tant la légitimité de ce sommet est faible.
Nicolas Sarkozy pourrait décider d’engager le nouveau
parti, dans ce projet de consultation nationale ce qui légitimerait ce
nom de républicain. Mais ces sortes d’États-généraux ne pourraient pas
être organisés par ce seul parti, en raison de sa faiblesse militante
qui est parfois gigantesque dans nombre de régions où il s’agit d’un
parti de cadres non de masse. Il devrait associer la société civile,
les chefs d'entreprises, la fonction publique locale, les syndicalistes,
les élus locaux, les autorités religieuses, ce qui créera d’ailleurs,
automatiquement, de la cohésion. Et il faudrait qu’y soient associées
toutes les forces qui veulent le changement. Car le changement ce doit
être pour demain.
Pour autant, il ne faut pas croire que ces
Etats-Généraux devraient donner raison à tout le monde comme cela se
fait souvent dans ces commissions dont nous abreuvent certains
politiques incapables de décider. Ils auraient l’immense avantage de
permettre à la société civile de parler et de casser les idéologies
néfastes qui se nourrissent de mots creux. Ils présenteraient donc, un
retour forcé au réel.
Mais de là surgirait évidemment une multitude
d'opinions contradictoires, parfois simple expression des intérêts
catégoriels. Il faudrait donc ensuite trancher. Ce serait la renaissance
de la politique et de la stratégie: étudier le réel, saisir les
possibles et, parmi ces possibles, non pas se laisser aller à la
démagogie, mais choisir les meilleurs possibles pour la puissance de la
France.
Serge Federbusch : Ce qu’il
faudrait, c’est surtout une nouvelle assemblée constituante pour se
débarrasser d’un régime exsangue. La France souffre d’avoir une classe
de politiciens professionnels pléthorique et cynique parmi les plus
étoffées au monde. Il faudrait qu’on ne puisse vivre en aucun cas de
politique plus de dix ou quinze ans dans une carrière. Les élus
pourraient plus facilement cesser d’entretenir le peuple dans l’idée
vaine que l’Etat peut les protéger de la concurrence et de la
mondialisation. Démocratie directe et referendum sont d’autres clés à la
solution de nos problèmes. Des Etats généraux n’auraient d’utilité que
s’ils débouchaient sur cette nouvelle constitution.
Yves Roucaute, Serge Federbusch, Dimitri Casali
Yves Roucaute est philosophe.
Agrégé de philosophie et de sciences politiques, il enseigne à la faculté de droit de l’université de Paris-X.
Plume du discours de Claude Guéant sur l’inégalité entre les civilisations, Yves Roucaute est l’auteur d'Eloge du mode de vie à la française (Editions Contemporary Bookstore).
Il est également l'auteur de Histoire de la Philosophie Politique (volume 1), Du néolithique à l'antiquité grecque, et Des grandes spiritualités à la fin du Moyen-Âge (Volume 2), (Editions Contemporary Bookstore).
Serge Federbusch est président du Parti des Libertés. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, paru le 6 mai aux éditions Ixelles
Dimitri Casali, historien et directeur de collection, est l’auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages historiques, notamment : Qui a gagné Waterloo ? Napoléon 2015 (6 mai 2015, Flammarion), L’Histoire de France de l’Ombre à la Lumière (Flammarion 2014), le manuel Lavisse-Casali (Armand Colin, 2013), L’Histoire interdite (JC. Lattès, 2012), L’Altermanuel d’Histoire de France (Perrin)
- prix du Guesclin du livre d’histoire 2011. Elève de Jean Tulard, il
collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio, la télévision.
Par ailleurs, il est le créateur de Napoléon l’Opéra rock, spectacle pédagogique et innovant pour sensibiliser les jeunes à l’Histoire napoléonienne par la musique rock.
B) Révolution française de Wikiberal
La Révolution française est un ensemble d'événements et de
changements qui marque dans l'histoire de France le tournant entre
« l'Époque moderne » et « l'Époque contemporaine ». C'est aussi la
première fois, dans l'histoire de l'Europe depuis l'Antiquité, que le
principe du régime monarchique a été renversé, et non simplement le
monarque lui-même comme lors de la première révolution anglaise de Oliver Cromwell.
Son impact est également dû aux guerres de la Révolution et de l'Empire
qui ont touché une large partie de l'Europe continentale avec la
création de « républiques-sœurs » ou la fin du Saint Empire romain
germanique. La période révolutionnaire commence en 1789, avec la réunion des États généraux et la prise de la Bastille, et se termine en l'an VIII (1799) avec le coup d'État du 18 Brumaire.
Le libéralisme, selon Lucien Jaume,
est un mouvement d’émancipation, ce qui le lie indissolublement avec la
Révolution française, de la conscience et de la société, dans sa
diversité, vis-à-vis des souverainetés historiques (l’Église, la
royauté). La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 est, par ailleurs, indubitablement un texte d'inspiration libérale, ce qui ne sera pas le cas des déclarations de 1793 et 1795.
La différence principale entre la France et l’Angleterre est que,
dans un cas, celui de la Révolution française, on croit à la fécondité
de la loi et
des institutions représentatives contre l’Ancien Régime inégalitaire,
tandis que dans le cas britannique on pense que le moteur du mouvement
est dans l’ordre naturel de la société comme « civilisation » et donc
comme « opinion publique ». Du coup, le levier historique et social est
différent, les rapports entre l’État et la société sont différents, et
la tendance à une logique du compromis s’oppose à la logique française
de la rupture.
Personnalités libérales de la Révolution
- La Fayette le héros des Deux Mondes, un des inspirateurs de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, il incarne la première phase de la Révolution, tentant un compromis entre la monarchie et la liberté.
- Condorcet grande figure des Lumières s'est rallié au parti Girondin et est tombé victime des Jacobins.
- Emmanuel Sieyès auteur de textes célèbres (Qu'est ce que le Tiers État ?) a connu toutes les phases de la Révolution et a contribué à son achèvement.
- François-Antoine de Boissy d'Anglas, chef de file des Thermidoriens et inspirateur de la Constitution de l'an III
- Pierre Daunou a joué un rôle important dans l'élaboration de la Constitution de l'an III.
- Jean Étienne Marie Portalis président du Conseil des Cinq Cent et père du Code civil.
Révolution française et libéralisme
La Révolution française n'est pas une révolution purement libérale,
elle est de nature duelle : libérale (fin des privilèges, droits de
l'Homme, etc.), mais aussi républicaine (contrat social,
"intérêt général" et avènement de l'homme citoyen). Si les
contemporains de l'époque n'arrivaient pas à voir la nature duelle
républicano-libérale de la Révolution, c'est parce que les républicains
et les libéraux étaient liés à un même destin : celui de l'homme
nouveau, deux idéologies
radicales qui partageaient le point commun de faire table-rase du
passé. Cependant, après la Révolution, l'influence libérale persiste
mais ne s'inscrit pas dans une logique historique française, tandis que
le républicanisme, par le biais du jacobinisme tout à fait logiquement, a évolué par la suite vers la social-démocratie et le socialisme (le "camarade" remplaçant le "citoyen").
Les phases de la Révolution
1789 : La victoire du Tiers
L’État étant en faillite, les paiements de l’État ont été suspendus
le 16 août 1788, les États Généraux sont convoqués pour le 1er mai 1789. Intelligent mais dépourvu de caractère, Louis XVI
se révèle incapable de mener les transformations inévitables qui
pouvaient sauver la monarchie. La justice fiscale avec un impôt
proportionnel et universel et la représentation de la Nation par des
États Généraux régulièrement convoqués, réclamés par les cahiers de
doléances étaient des réformes que le roi aurait du mener en 1788. En 1789, elles vont lui être imposé par la Révolution.
Les élections des députés du Tiers voient l’emporter les hommes de
talent, les hommes de loi qui vont introduire dans les débats un
juridisme tatillon. Très vite, le Tiers se considère comme représentant
les 96/100e de la nation et sur proposition de Sieyès
les députés se déclarent Assemblée nationale (17 juin 1789). L’épreuve
de force tourne au désastre pour le roi : l’assemblée refuse de céder
aux menaces de dissolution contenues dans le discours du 23 juin et deux
jours plus tard, le roi invitait les députés des ordres privilégiés à
se joindre au tiers.
Les mouvements de troupes dans la région parisienne inquiète l’Assemblée et le renvoi de Jacques Necker fait souffler un vent d’insurrection à Paris. A la recherche d’armes et de poudre, la foule se porte à la Bastille le 14 juillet,
bientôt soutenue par les gardes françaises. Ne pouvant espérer
résister, le gouverneur capitule avant d’être massacré par la populace
de même que le prévôt des marchands. Le 17 juillet, le roi se rend à
Paris, reconnaît la municipalité insurrectionnelle et arbore la cocarde
tricolore. Le comte d’Artois et les autres chefs de la faction
aristocratique émigrent. Le pouvoir monarchique s’effondrait et
l’anarchie devait gagner le royaume : « il n’y a plus de roi, plus de
parlement, plus d’armée, plus de police » observe un contemporain. Les
rumeurs les plus folles courent évoquant le complot aristocratique, le
pacte de famine, l’invasion étrangère. Des émeutes touchent les villes,
la Grande Peur se répand dans les campagnes, tournant à la révolte
antiseigneuriale. On s’en prend d’abord aux châteaux mais ensuite on
s’en prend aux riches et aux heureux. A Versailles on panique, un député s’exclame : « C’est la guerre des pauvres contre les riches ! »
La Nuit du 4 août,
le vicomte de Noailles, sans fortune, propose la destruction des
corvées et servitudes personnelles et le duc d’Aiguillon, le plus riche
seigneur féodal, le rachat des droits féodaux. Bientôt le clergé et les
députés des pays d’État renoncent à leurs privilèges. Mouvement spontané
ou manœuvre du parti avancé, cette folle séance mettait en tout cas fin
à l’Ancien Régime. Une Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen est discutée et votée du 20 au 26 août. A l’assemblée les modérés étaient victimes de l’alliance objective du parti patriote et du côté de la reine.
Le refus du roi de sanctionner l’abolition des privilèges et la
Déclaration des droits irrite. Les difficultés d’approvisionnement de
Paris vont servir de prétexte à une marche peu spontanée sur Versailles
le 5 octobre pour demander du pain au roi. La Fayette se montre incapable de rétablir l'ordre. Le 6 octobre, le palais est envahi et Louis XVI
se trouvait contraint de gagner Paris. L’Assemblée déclarait aussitôt
sa volonté de ne pas se séparer de la personne royale. Désormais
prisonnier de fait aux Tuileries, le roi a du accepter la Déclaration
des droits de l’homme et le veto suspensif. L’Assemblée, installée dans
la salle du Manège, est tout autant exposée aux manifestations de
violence de la population parisienne.
Une constitution pour la France
L’assemblée nationale constituante est partagée en tendances plus
qu’en partis organisés. Les aristocrates défendaient l’ordre ancien. Les
monarchiens regroupaient des nobles libéraux comme Stanislas de Clermont-Tonnerre
et voulaient s’en tenir au 4 août. Les constitutionnels forment la
majorité avec des hommes de lois comme Le Chapelier ou des nobles
libéraux comme La Rochefoucauld-Liancourt et Talleyrand, sans oublier l’abbé Sieyès. A l’extrême gauche, quelques avocats comme Pétion ou Robespierre. Mirabeau,
resté à l’écart des partis, domine néanmoins l’assemblée par ses
talents oratoires. Les députés se retrouvent dans des clubs : le plus
influent est la Société des amis de la Constitution dit club des Jacobins car il se réunit au couvent des Jacobins rue Saint-Honoré. Il essaime très vite en province et voit se séparer de lui le club des Feuillants
plus modéré et le club des Cordeliers plus populaire. Les idées des
divers courants sont défendus par une presse d’idées souvent virulente, l’Ami du peuple de Marat en offre l’exemple le plus célèbre.
L’Assemblée se trouve confrontée à la question financière : le déficit
du trésor avait été accrue par l’effondrement des recettes fiscales.
L’appel au patriotisme fiscal des citoyens n’ayant pas donné de
résultats, Talleyrand
propose la nationalisation des biens du clergé à charge pour l’État
d’assurer un traitement aux prêtres. L’abbé Maury met l’Assemblée en
garde : « La propriété
est une et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés
garantissent les vôtres. (…) Si nous sommes dépouillés, vous le serez à
votre tour. » Le 2 novembre 1789 les biens d’Église sont mis à la disposition de la nation. On vise non seulement l’extinction de la dette mais aussi l’accroissement du nombre de propriétaires surtout parmi les habitants des campagnes. Ne pouvant vendre en bloc, l’Assemblée décide de créer des assignats, bons du Trésor portant intérêt à 5 %, pour alimenter les caisses de l’État. Les ventes devaient connaître un énorme succès.
Fidèles aux idées des philosophes, les députés, sur la suggestion de Sieyès,
distinguent les citoyens actifs des citoyens passifs, un seuil
d’imposition étant fixé. La France compte un plus de 4 millions de
citoyens actifs soit 1/6 de la population. Le système anglais de deux
chambres est repoussé au profit d’une seule et le droit de veto
suspensif du roi, à la suggestion de La Fayette, est adopté. Louis XVI
devient roi des Français. Le pays est divisé en 83 départements pour
détruire toute trace de l’ancienne France. Le département et la commune
deviennent quasiment indépendants par réaction face à l’œuvre
centralisatrice de la monarchie. Paris est divisée en 48 sections ayant
droit de réunion qui vont devenir des moteurs de la révolution. La Fête
de la Fédération, célébrée le 14 juillet 1790, à Paris et dans toutes les villes du royaume paraît achever la Révolution et marquer la naissance de la nation.
En réalité, la situation se dégrade rapidement. L’Assemblée suit Mirabeau qui souhaite faire de l’assignat un papier-monnaie, ce qui évite d’augmenter les impôts, mesure nécessairement impopulaire. Dans une brochure fameuse, Dupont de Nemours dénonce les périls de l’inflation et les places de commerce se montrent hostiles, en vain. La répartition de l’impôt est confié aux municipalités mais nombreux sont les officiers qui ne savent ni lire ni écrire.
L’Assemblée se mêle avec une hâte suspecte de réformes religieuses. Au nom de la liberté, les vœux des religieux sont abolis le 13 janvier 1790 et une Constitution civile du clergé
est voté, évêques et curés étant désormais élus et bénéficiant de
traitements élevés. Pie VI condamne le texte le 10 juillet 1790.
L’obligation du serment, le 26 novembre, précipite le schisme. A
l’Assemblée même, en dépit de la pression des tribunes, seuls 99 députés
du clergé sur 250, jurent. Partout dans le royaume sont semées les
graines de la division. L’atmosphère de guerre civile est renforcée par
la tentative de fuite du roi arrêté à Varennes le 21 juin 1791. Une manifestation républicaine au Champs de Mars, le 17 juillet, est brutalement dispersée.
La Constitution est donc votée le 3 septembre et la Constituante se sépare le 30 septembre 1791. Son président Thouret s’exclame : « l’Assemblée nationale a donné à l’État une Constitution qui garantit également et la royauté et la liberté ».
Article détaillé : Constitution du 3 septembre 1791.
La guerre et la chute de la Monarchie
La Législative était élue au suffrage censitaire indirect : elle se
composait essentiellement de propriétaires et d’avocats ayant souvent
exercé un mandat local ou des fonctions judiciaires. Les nouveaux
députés, les Constituants s’étant volontairement rendus inéligibles, se
montrent hésitants et inexpérimentés et vulnérables aux pressions. A
droite, les Feuillants suivent le triumvirat, Barnave, Duport et Lameth et sont fascinés par La Fayette. Ils considèrent la Révolution terminée. A gauche, les Jacobins subissent l’ascendant de Brissot, ce sont les Brissotins ou Girondins, dont la conscience est Condorcet
et l’égérie Madame Roland. A l’extrême gauche, les Cordeliers étaient
complétés par Couthon et Carnot. Le Marais, au centre, dont Rivarol
disait « une cervelle de renard dans une tête de veau » décide des
majorités.
Après la fuite du roi, les clubs glissent vers des idées de plus
en plus républicaines. La révolte des Noirs et métis de Saint-Domingue
en août 1791 pose la question de l’esclavage et contribue à la hausse du prix
des denrées coloniales, source de nouveaux mécontentements. Le conflit
religieux persiste. A la cour de Turin, autour du comte de Provence et à
Coblence avec le comte d’Artois, l’émigration essaie de s’organiser
mais se perd en querelles de personnes. Le roi oppose son veto aux
décrets de l’Assemblée contre les émigrés et les réfractaires. Les
princes européens s’inquiètent de l’annexion d’Avignon et du Comtat
Venaissin et de la spoliation des princes possessionnés allemands en
Alsace.
Un courant se développe en France en faveur de la guerre, le roi tout comme la gauche espérant y trouver avantage. Isnard, député du Var, lance le 29 novembre : « Un peuple en état de révolution est invincible, l’étendard de la liberté
est celui de la victoire (…). Disons à l’Europe que nous respecterons
toutes les constitutions des divers empires, mais que, si les cabinets
des cours étrangères tentent de susciter une guerre des rois contre la
France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois ».
Hérault de Séchelles soutient d’ailleurs que l’état de guerre permettra
d’appliquer des mesures contre la contre-révolution intérieure que
l’état de paix pourrait faire trouver trop rigoureuses. Les ministres
Feuillants sont écartés et le roi doit accepter une formation girondine,
dont Dumouriez résolu à faire la guerre.
Le 20 avril 1792, le décret décidant la guerre contre le roi de Bohème et de Hongrie ne rencontre que sept opposants. Condorcet
lance le mot d’ordre : « Paix aux chaumières, guerre aux châteaux ! ».
L’armée n’était pas prête à la guerre : les deux tiers des officiers
avaient émigré et l’amalgame entre les troupes anciennes et les
volontaires se faisait mal. La question du sort de la Pologne et les hésitations du duc de Brunswick, général en chef des troupes austro-prussiennes, allaient sauver la Révolution.
Les Girondins, affaiblis par les débuts désastreux de la guerre, organisent en liaison avec les Jacobins et la municipalité Pétion une marche sur les Tuileries le 20 juin 1792.
La misère fournit aux démocrates des troupes combatives armées de la
pique, symbole de la force populaire. L’assemblée est envahie par la
foule avinée qui investit ensuite les Tuileries. Le roi porte le bonnet
rouge et boit un verre de vin mais refuse de retirer son veto aux
décrets sur la déportation des réfractaires et la formation d’un camp de
fédérés à Paris. La Fayette rentre de l’armée mais la reine est hostile à tout coup de force militaire organisé par le général. Louis XVI avait laissé passer sa dernière chance : il est injurié lors de la fête du 14 juillet.
Les fédérés réunis à Paris réclament la suspension du roi. Le manifeste
du duc de Brunswick menaçant Paris si on touchait à la famille royale
servit de prétexte au coup de force. Le 10 août 1792,
les sections menaient l’assaut contre les Tuileries. Le roi, qui
s’était réfugié à l’Assemblée, était livré à la Commune
insurrectionnelle le 12 et enfermé au Temple. Danton devient l’homme le plus puissant de Paris.
Les Prussiens prennent Verdun qui leur ouvre la route de Paris le
2 septembre. Le même jour commencent les massacres de septembre à
l’initiative de la Commune : pendant 4 jours, les prisonniers des
prisons parisiennes sont égorgés, faisant de 1000 à 1400 victimes, pour
la plus grande part des droits communs. Les élections se déroulent dans
cette atmosphère troublée. La Convention est élue au suffrage universel
masculin indirect mais l'abstention est massive. Près du tiers des
conventionnels avait siégé dans l’une des deux assemblées précédentes.
Les Girondins se voulaient légalistes et partisans de la décentralisation. La Montagne, avec Robespierre, Danton et Marat, représentait les Jacobins et les Cordeliers. La majorité se rassemblait au sein du Marais ou Plaine. Le 20 septembre,
à Valmy les Prussiens reculent et le lendemain la Convention abolit la
royauté. Désormais l’initiative appartient aux Français qui envahissent
la Savoie annexée le 27 novembre et les Pays-Bas autrichiens.
Les 16 et 17 janvier, les conventionnels se prononcent sur le sort du roi, la mort obtient juste la majorité absolue. Louis XVI est exécuté sur la place de la Révolution le 21 janvier 1793.
L’annexion de la Belgique (2 mars) et divers territoires allemands est
précédée d’une déclaration de guerre à l’Angleterre le 1er février. Une
coalition européenne se met désormais en place sous l’égide de Pitt. La
Convention vote une levée de 300 000 hommes et l’émission de 3 milliards
d’assignats (24 février 1793).
La guerre civile et la Terreur
Article détaillé : Terreur.
La levée en masse est mal accueillie dans l’Ouest et le Midi. La
Vendée connaît une insurrection armée en mars 1793 : mouvement populaire
spontané qui se transforme en armée catholique et royale en
plaçant des nobles à sa tête. La trahison de Dumouriez, qui a vainement
tenté de faire marcher son armée sur Paris, renforce dans le même temps
le climat de défiance général. Le décret du 6 avril 1793 crée le Comité de salut public à l’initiative des Girondins et de Danton.
Il s’inscrit dans un ensemble de mesures d’exceptions contre les
ennemis de la Révolution, le Tribunal révolutionnaire voyant son rôle
s’accroître. A la conférence d’Anvers, les puissances se proposent de
réduire la France à un « néant politique » mais la Russie et la Prusse
étaient davantage intéressés à un partage de la Pologne qui présentait
moins de risques.
Les Girondins, attachés au libéralisme économique et à la séparation des pouvoirs sont abandonnés par le Marais qui se tournent vers les Montagnards partisans de mesures autoritaires. Maladroitement, les Girondins attaquent Danton ce qui accentue leur isolement. Les Jacobins
utilisent la misère ambiante pour dénoncer les « culottes dorées ». Les
sections tentent un premier coup de force le 31 mai puis le comité
révolutionnaire obtient l’arrestation de 29 députés girondins le 2 juin.
Désormais le salut public prime le droit. Ce coup de force provoque une
nouvelle révolte en province : l’insurrection fédéraliste touche les
grandes villes du sud et près de 60 départements tandis que la Vendée
triomphe. Aux frontières, la guerre tourne mal. Barère proclame à la
Convention : « la République n’est plus qu’une grande ville assiégée ».
La Constitution du 24 juin 1793
ou de l’an I est soumise à referendum mais les 3/4 des électeurs vont
s’abstenir : elle ne devait de toute façon jamais être appliquée. Le 10
octobre, les conventionnels décrètent que « le gouvernement provisoire
de la France serait révolutionnaire jusqu’à la paix », officialisant la Terreur. Robespierre déclare : « il faut organiser le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois ». Il entre fin juillet 1793 au Comité de salut public
au moment où Danton en sort. Un Comité de sûreté générale est constitué
en octobre. La loi des suspects du 17 septembre permet l’essor du
tribunal révolutionnaire. La centralisation triomphe : la Convention
envie ses membres en mission pour reprendre les départements en main.
La reconquête est féroce : Lyon
tombe le 9 octobre et Fouché fait condamner 2000 personnes dont
beaucoup sont mitraillés, la guillotine étant trop lente. Toulon est la
dernière ville à résister en décembre : sa population tombe de 30.000 à
7000 habitants. La Vendée succombe dans le même temps. La répression est
épouvantable. Le général Turreau, qui dirige les colonnes infernales,
s’exclame : « la Vendée doit être un cimetière
national ». A Nantes, Carrier fait noyer les prisonniers dans la Loire.
Un habitant sur huit a sans doute péri dans l’ensemble des 4
départements. A l’extérieur, les armées révolutionnaires sous la
conduite de nouveaux généraux, Hoche et Jourdan, utilisent leur
supériorité numérique pour balayer les armées de mercenaires. Les
coalisés avaient également commis l’erreur de disperser leurs forces.
Les victoires provoquent la division de la Montagne, ensemble
hétéroclite unifié par son hostilité à la Gironde. L’accroissement de la
misère donne une coloration sociale aux revendications populaires à la
grande indignation de Robespierre. Le maximum des prix de toutes les denrées provoque le rationnement. Les hébertistes
mènent une violente campagne contre les accapareurs et se montrent de
fervents partisans de la déchristianisation qui atteint son apogée à la
fin de 1793. Hébert et ses amis sont arrêtés et guillotinés le 24 mars 1794. Desmoulins dans son Vieux Cordelier, soutenu par Danton, mène campagne pour dénoncer les excès de la Terreur. Les Indulgents sont arrêtés à leur tour et exécutés le 5 avril, la tête de Danton tombant la dernière.
A l’étranger, on parle désormais du « gouvernement de Robespierre ». Il domine le Comité de salut public
et contrôle la Commune de Paris. Il veut moraliser la Terreur en
rappelant les représentants trop zélés (Fouché, Carrier) mais en même
temps lui donne une plus grande extension par la loi du 10 juin
(22 prairial an II). Le nombre des exécutions s’accélère. Il proteste
contre la déchristianisation et fait adopter par la Convention le décret
où elle reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de
l’âme. Président de la Convention, Robespierre paraît triompher lors de la fête de l’Être suprême (8 juin 1794).
Face à l’hostilité grandissante des comités à sa tutelle, il appelle à
de nouvelles épurations dans un discours du 8 thermidor mais il refuse
de nommer ceux qu’il accuse. La Convention se ressaisit et le fait
arrêter avec ses amis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794).
Il est libéré par la municipalité de Paris mais les forces de la
Convention investissent l’hôtel de ville dans la nuit. Les
robespierristes sont exécutés le lendemain. La Terreur est terminée.
La république thermidorienne et le Directoire
La réaction est d’abord morale : à la vertu fondée sur la guillotine succède un net relâchement des mœurs, surtout à Paris.
La réaction politique est d’une autre ampleur. Sous la pression de la
rue, les conventionnels remanient le gouvernement, le pouvoir se
dispersant entre 12 comités, et mettent fin à la Terreur en faisant
disparaître le Tribunal révolutionnaire. Une « terreur blanche » se
développe surtout dans le sud menées par des bandes appelées compagnons
de Jésus (plus que de Jéhu) ou du Soleil. Pour raison d’économie, le
budget de l’église assermentée est supprimée, ce qui rapproche jureurs
et réfractaires mais l’exercice du culte reste soumis à de nombreuses
vexations. Des pacifications sont signées avec les chefs vendéens
(février 1795) et chouans (avril 1795).
A la fin de l’année 1794, le maximum est supprimé et l’on revient au libéralisme économique. L’assignat n’avait plus aucune valeur et les paysans refusant d’être payer en papier monnaie,
la disette touche durement les villes avec un hiver 1794-1795
particulièrement rigoureux. Les ouvriers des faubourgs envahissent le 12
germinal an III (1er avril 1795) puis le 1er prairial (20 mai 1795) la Convention sans autre résultat que l’arrestation des survivants de la Montagne et le désarmement des sections. La mort annoncée du petit dauphin au Temple, le 8 juin 1795,
fait du comte de Provence le prétendant au trône. Son intransigeance à
vouloir rétablir l’ancienne monarchie désespère les partisans d’une monarchie constitutionnelle.
La Convention accouche enfin d’une nouvelle constitution dite de l’an III, œuvre d’anciens Girondins tel Pierre Daunou et de modérés (Boissy d’Anglas, Thibaudeau). Elle est beaucoup plus longue que les deux précédentes et commence par une Déclaration des droits et des devoirs de l’Homme et du citoyen. Le suffrage censitaire est rétabli car selon Boissy d’Anglas,
« nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les
plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois. » Ce
discours donne l’esprit des Thermidoriens : « un pays gouverné par les
propriétaires est dans l’ordre social, celui où les non propriétaires
gouvernent est dans l’état de nature ». Les pouvoirs sont nettement
séparés avec deux assemblées formant le corps législatif et un pouvoir
exécutif confié à un Directoire de 5 membres, autant de précautions
contre la dictature d’un homme comme d’une assemblée unique. Tous les
ans, chaque conseil devait être renouvelé partiellement.
Article détaillé : Constitution du 22 août 1795 ou de l'an III.
Mais la Convention décide que 500 de ses membres assureront la
continuité, seuls 250 députés nouveaux seront élus. Ce décret provoque
la journée du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) : la dernière insurrection parisienne est pour la première fois un mouvement contre-révolutionnaire. Barras secondé par Bonaparte écrase l’émeute. L’armée apparaît pour la première fois sur la scène politique. Cette même année 1795
des traités étaient signés entre la France victorieuse et quelques-uns
de ses adversaires : les Provinces-Unies, la Prusse, la Toscane et
l’Espagne.
Aux élections de l’an IV, le tiers laissée à la volonté des
électeurs est composée essentiellement de royalistes, signe de
l’incontestable impopularité de la Convention. Le trésor étant vide, un
emprunt forcé est mis en place. La planche aux assignats est cependant officiellement détruite le 19 février 1796. La bonne monnaie ne réapparaît pas faute de confiance, l’économie de troc se développe. A la fin de l’année 1797, une banqueroute des 2/3 permet d’assainir la dette publique en ruinant les rentiers de l’État. Fin 1798 les quatre principaux impôts sont fixés pour plus d’un siècle : foncière, mobilière, patente et portes et fenêtres.
La vie chère et la misère favorisent un mouvement communiste : la conjuration des égaux
à l’initiative de Gracchus Babeuf qui voit dans la Révolution « une
guerre entre les riches et les pauvres ». Le temps des insurrections
étant passées, les conjurés préparent un coup d’état. Les conjurés sont
arrêtés en mai 1796.
Les élections de l’an V renforce le poids des royalistes dans les deux
conseils qui espèrent restaurer la monarchie en l’emportant lors de la
prochaine élection annuelle. Soutenu par l’armée, le directoire fait le
coup d’état anti-royaliste du 18 fructidor (4 septembre 1797) : les élections sont cassées dans 49 départements et les principaux chefs du courant réacteur sont déportés sans jugement.
La guerre n’a pas cessé, la Convention ayant fixé la fin de la Révolution et la paix à « l’établissement définitif de la République
dans ses limites naturelles » c’est à dire les Pyrénées, les Alpes et
le Rhin. L’Angleterre ne pouvait accepter la France installée
définitivement en Belgique. L’Autriche reste la principale puissance
continentale à combattre la France. Barras nomme Bonaparte à la tête de l’armée d’Italie le 3 mars 1796. Maître de l’Italie du Nord, le général victorieux dicte lui-même les conditions de l’armistice le 7 avril 1797.
Il transforme la république de Gênes en république ligurienne et crée
la république cisalpine. Par le traité de Campoformio (17 octobre 1797), l’Autriche reconnaît l’annexion de la Belgique, la frontière sur le Rhin et la possession des îles ioniennes. Bonaparte est désormais immensément populaire et peut compter sur le dévouement de son armée.
Après le coup d’état du 18 fructidor, la violence redevient la
règle de gouvernement. Le royalisme est pourchassé et la terreur
anticléricale renaît. On tente de mettre en place des cultes de
substitution : la théophilanthropie et surtout le culte décadaire. Rome
étant occupée par les troupes françaises en janvier 1798, le pape Pie VI est déporté en Toscane puis transféré en France en 1799.
L’église catholique paraît anéantie. Les élections de l’an VI voit une
forte poussée à gauche mais le Directoire impose une révision des
résultats pour assurer une majorité favorable au « juste milieu ». C’est
un nouveau coup d’État en dépit des apparences plus légales qu’au 18
fructidor. Mais suite aux élections de l’an VII, Sieyès,
ennemi avoué de la constitution, entre au Directoire, et les
néo-jacobins paraissent l'emporter. Sous prétexte de couper la routes
des Indes, Bonaparte,
en dépit des réserves du Directoire, organise une expédition en Egypte.
La création et la subordination des républiques sœurs à la Grande
Nation empêche un accord général avec les puissances européennes.
L’Angleterre réussit à constituer une deuxième coalition profitant du
mécontentement autrichien et du changement de souverains en Russie et en
Prusse. La meilleure armée française étant coincée en Egypte, la
reprise de la guerre en mars 1799 tourne mal pour la république. L’Italie est perdue mais la ligne du Rhin résiste et la Suisse sont préservées.
Cependant le Directoire paraît complètement discrédité et le pays est las des affrontements. Sieyès
soucieux de mettre en application ses idées constitutionnelles cherche
un sabre pour faire un coup d’État. De retour en France, Bonaparte est acclamé. Le 18 Brumaire (9 novembre 1799),
les conseils sont transférés à Saint-Cloud par crainte d’un coup de
force tandis que les directeurs démissionnent de gré ou de force. Mais
le lendemain, le général est bousculé aux Cinq Cents et la salle est
vidée par la troupe. Le dernier mot revient au sabre et Sieyès se voit
évincé par Bonaparte. La Révolution est terminée.
Bibliographie
- 1910, Lord Acton, "Lectures on the French Revolution", London: Macmillan
- 1987, Florin Aftalion, "L’Économie de la Révolution Française", Paris, Hachette
- 1988, Colin Lucas, dir., "The French Revolution and the Making of Modern Political Culture", Oxford: Oxford University Press
- 1990,
- Florin Aftalion, "The French Revolution - An Economic Explanation", Cambridge, Cambridge University Press and Paris, Éditions de la Maison de l’Homme
- E. J. Hobsbawm, "Echoes of the Marseillaise: Two Centuries Look Back on the French Revolution", London: Verso
- 1998, Bruce A. Ackerman, "Au nom du Peuple : Les fondements de la démocratie américaine", Calmann Lévy, Paris
- Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont Bouquins, 1987
- François Furet, Mona Ozouf (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Champs Flammarion, 1992
- Serge Bernstein et Michel Winock (dir.), L'Invention de la démocratie 1789-1914 volume 3 de l' Histoire de la France politique, Points Histoire 2002, 620 p.
- Jacques de Saint-Victor, Les racines de la liberté, Perrin, 2007, 354 p, ISBN 2262023794
- 2008,
- Pierre Chaunu, Jean Tulard, Emmanuel Leroy-Ladurie, Jean Sévillia, "Le livre noir de la Révolution Française", Cerf, ISBN 2204081604
- David Hart, "FRENCH REVOLUTION", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp191-194
Voir aussi
Liens externes
(fr)Wikipédia
C) Après le concordat de 1801 et la loi de 1905, la France sur la voie d'un 3ème modèle de laïcité ?
Alors que le modèle laïque bonapartiste
conserve la dissociation entre confession et citoyenneté, issue de la
Révolution, tout en reconnaissant les cultes, la loi de 1905 ne les
reconnaît plus du tout. Une approche aujourd'hui chahutée par
l'émergence des problématiques liées à l'islam.
Les premières
années du XXIème siècle échapperont-elles à une réforme de la laïcité ?
Après 1801 et 1905, les Français connaîtront-ils un troisième modèle
laïque ? Car, sur ce sujet, la France semblerait vouloir s’adapter à
chaque nouveau siècle.
Premier cadre durable de notre laïcité, même si le terme n’est pas encore forgé : le Concordat de 1801.
Portalis,
expert ès cultes, convainc alors Bonaparte que l’Etat moderne ne
pourrait être bâti sur le sable mouvant des tensions religieuses nées à
l’époque révolutionnaire. Il faut, au préalable, les apaiser. Le texte
élaboré et ses articles organiques sont donc conçus comme "un ciment
social", après la "brèche" de 1789.
Les premières années du XXIème siècle
échapperont-elles à une réforme de la laïcité ? Après 1801 et 1905, les
Français connaîtront-ils un troisième modèle laïque ? Car, sur ce sujet,
la France semblerait vouloir s’adapter à chaque nouveau siècle.
Premier cadre durable de notre laïcité, même si le terme n’est pas encore forgé : le Concordat de 1801.
Portalis,
expert ès cultes, convainc alors Bonaparte que l’Etat moderne ne
pourrait être bâti sur le sable mouvant des tensions religieuses nées à
l’époque révolutionnaire. Il faut, au préalable, les apaiser. Le texte
élaboré et ses articles organiques sont donc conçus comme "un ciment
social", après la "brèche" de 1789.
Le cadre concordataire est certes fidèle aux apports
de la période révolutionnaire, et notamment à la dissociation entre la
confession et la citoyenneté, car "nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, même religieuses". Il n’en est pas moins novateur : plus de
religion d’Etat donc, mais des cultes "reconnus", financés sur fonds
publics, l’Etat gardant un contrôle sur les Eglises. Le cadre
concordataire, malgré des tensions avec les cultes dits "minoritaires",
notamment avec les protestants, traversera sans rompre les divers
régimes politiques du XIXème siècle. Il résistera plus de cent ans.
Les premières mesures laïques de la Troisième
République bousculent cette logique : "Le cléricalisme, voilà
l’ennemi !", lance Gambetta, dès 1877. Les lois Ferry, relayées par des
républicains dont l’anticléricalisme est d’abord une arme électorale,
poussent à l’affrontement des deux France, la catholique contre la
républicaine. La législation anticongréganiste, dans le contexte
enflammé de l’Affaire Dreyfus, aura raison d’un équilibre séculaire qui,
à l’orée du nouveau siècle, n’est plus que l’ombre de lui-même. La
séparation des Eglises et de l’Etat, notre deuxième modèle laïque, est
adoptée à la fin de l’année 1905.
Conjuguant, également, fidélité et adaptation, ses
fondements vont faire la preuve, avec le temps, d’une véritable
robustesse et d’une grande souplesse. Ce "pacte laïque" présente une
nouveauté indiscutable : la République ne reconnaît plus aucun culte ;
de fait, elle ne les salarie plus. Mais, dans le même temps, parce que
la Séparation vise la modération pour assurer sa durée, elle s’inscrit
dans une forme de fidélité au régime précédent : la République assure la
liberté de conscience - cela est conforme aux revendications de tous
les républicains, avancés et modérés -, et elle garantit le libre
exercice du culte. Si un édifice cultuel restait fermé pour une raison
ou une autre, l’Etat serait responsable de son dysfonctionnement. Au nom
d’une autre logique que la loi de 1905 emprunte au cadre
concordataire : le respect de l’ordre public. Malgré la querelle des
Inventaires, l’équilibre laïc est ainsi assuré pour longtemps. A l’image
du Concordat de 1801, la Séparation de 1905 s’inscrit comme la solution
de pacification à un conflit violent. Aristide Briand, rapporteur du
projet de loi à la Chambre des députés, décline avec succès la
philosophie laïque qui s’apprête à traverser le siècle : "Toutes les
fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement
invoqué, dans le silence des textes ou dans le doute sur leur exacte interprétation, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur."
Pour les décennies à venir, seule la question
scolaire pimentera les rapports entre religion et société. Jusqu’à ce
que l’Etat redécouvre la nécessité de réagir à la question religieuse,
avec les nouvelles problématiques posées à une société se
déchristianisant, et avec l’émergence d’un islam mis à l’épreuve de la
laïcité : deux lois dites de "prohibition" - celles des 15 mars 2004 et
11 octobre 2010 – dites lois sur "le voile" et sur "la burqa" ; soutien à
l’enseignement du fait religieux à l’école ; charte de la laïcité ;
promotion de la politique de l’affirmative action. La puissance publique a donc fait le choix d’une intervention, mais qui ne règle pas tout : quid
de la formation des imams, de la construction des mosquées, de
l’autorisation des carrés confessionnels ? Jusqu’à la récente affaire
des "jupes longues" interdites dans certains établissements scolaires.
La France et son deuxième modèle de laïcité
seraient-ils au bord du divorce, après un nouveau siècle de vie
commune ? Alors que le thème de l’identité nationale revient dans le
débat public, ce sera très probablement la grande question du moment
électoral de 2017.
Christophe Bellon est Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université catholique de Lille. Membre correspondant du Centre d’histoire de Sciences Po Paris, il est l'auteur de nombreux travaux sur l’histoire politique et parlementaire du religieux. Son dernier ouvrage paru : La République apaisée. Aristide Briand et les leçons politiques de la laïcité (1902-1919) aux Editions du Cerf, mars 2015, 2 volumes.
Le Concordat de 1801 ou « Convention entre le gouvernement
français et sa Sainteté Pie VII » est le texte qui a régi les relations
entre l'Etat et les églises en France jusqu'au vote de la loi de
séparation de 1905
Contexte et signature
Les persécutions du Directoire n’ont pas réussi à entraver la
renaissance religieuse. Le nouveau régime cesse les persécutions. Pie
VI étant mort à Valence, le premier consul rend un hommage somptueux à
sa dépouille puis il décide de négocier avec le nouveau pape.
Napoléon Bonaparte était indifférent en matière religieuse, il déclare au Conseil d’État le 16 août 1800 : « Ma
politique est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut
l’être. C’est là, je crois, la manière de reconnaître la souveraineté du
peuple. C’est en me faisant catholique que j’ai gagné la guerre de
Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Egypte, en me
faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je
gouvernais un peuple juif, je rétablirais le Temple de Salomon. »
Pour lui la religion est nécessaire à l’ordre social : « Ce que je vois dans la religion, ce n’est pas le mystère de l’Incarnation, c’est le mystère de l’ordre social. »
Il voit donc dans la réconciliation avec le catholicisme deux choses :
- faire triompher la soumission aux lois et l’obéissance aux règles de la morale, condition de l’ordre et de la paix publique
- détacher les catholiques de la cause royaliste et des émigrés.
« Une société sans religion est semblable à un vaisseau sans
boussole. Il n’y a que la religion qui donne à l’État un appui ferme et
durable. »
Comme le déclare cyniquement le voltairien Roederer, conseiller d’État, un des inspirateurs de la Constitution de l’an VIII, dans ses Mémoires : « Une
société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes et l’inégalité
des fortunes ne peut exister sans religion. Quand un homme meurt de faim
à côté d’un autre qui regorge, il lui est impossible d’accéder à cette
différence, s’il n’y a une autorité qui lui dise : Dieu le veut ainsi,
il faut qu’il y ait des pauvres et des riches, mais ensuite, et pendant
l’éternité, le partage se fera autrement. »
Or la liberté de culte ne suffit pas car deux clergés s’affrontent :
négocier avec le Saint-Siège est inévitable car il faut mettre fin au
schisme.
Deux solutions s’offraient à l’Eglise :
- maintenir la séparation de l’Eglise et de l’État : ce qui assurait la liberté de l’Eglise mais une liberté dans la misère, le clergé ayant été spolié de ses biens par la Révolution.
- revenir au système de la religion d’État : ce système permettait à l’Église de vivre mais au prix d’une soumission à l’État. Le Pape souhaitait en échange redonner à l’Eglise la place officielle qui avait été la sienne sous l’Ancien Régime. Faire donc un concordat sur le modèle du Concordat de Bologne (1516).
Cela était contradictoire avec la liberté de religion. D’autre part,
les motivations du gouvernement sont, on l’a vu purement temporelles et
politiques, Pie VII se place sur le plan religieux et spirituel. D’où la
lenteur et la difficulté des négociations qui durent une année, en
dépit des efforts de l’Espagne pour concilier les deux parties. Le
premier négociateur romain, Mgr Spina, archevêque de Corinthe, insistait
pour que le catholicisme soit religion d’Etat et pour que les consuls
fussent nécessairement catholiques. Talleyrand
n’était pas le meilleur choix comme négociateur aux yeux de la Curie :
évêque défroqué, il était rendu responsable du schisme de 1790.
Devant la menace d’abandon des pourparlers, le pape envoie un
second négociateur, Hercule Consalvi, cardinal et secrétaire d’État.
Talleyrand est envoyé en cure soigner ses rhumatismes. Bonaparte désigne
alors son frère pour obtenir une signature le 14 juillet, 11 ans après
la proclamation de la constitution civile. Le 15 juillet 1801
à minuit, l’accord définitif est conclu entre Joseph Bonaparte, qui se
révèle habile négociateur, et le cardinal Consalvi. Le texte porte donc
la date du 26 messidor an IX. Ces discussions serrées et violentes ont
donné naissance à un texte bref : 17 articles.
Pie VII ratifie très vite le nouveau texte, en dépit des réserves
du Sacré Collège, le 15 août et Bonaparte le 8 septembre mais les
assemblées françaises ne le ratifient pas avant 1802.
Les principes généraux
Une reconnaissance réciproque
Le gouvernement français reconnaît que la religion catholique est
majoritaire en France et Rome reconnaît que le rétablissement du culte
sera un grand bien pour l’Eglise. Le Concordat rejette donc clairement
l’idée de religion d’État et admet l’idée d’une pluralité de religions.
C’est aussi la reconnaissance de la République par le Pape puisque les
deux parties sont situés sur un plan d’égalité : ce que confirme l’art.
16.
Cependant les consuls sont à titre privé catholique (profession
particulière) et l’art. 17 prévoit une nouvelle convention si le
successeur du Premier consul n’était pas catholique. L’autorité de Rome
sur l’Eglise est réaffirmé : religion, catholique, apostolique et
romaine.
L’alliance du trône et de l’autel
- art. 1 : liberté du culte mais sous contrôle de l’État. Or, tous les régimes républicains avaient proclamé la liberté du culte et sous prétexte d’ordre public l’avaient restreinte. D’où la référence à la « tranquillité publique ». Consalvi espérait ainsi que la puissance publique n’interviendrait que dans les cas les plus graves.
- art. 12 : le gouvernement promet de mettre églises et chapelles à la disposition des ecclésiastiques.
- art. 6 & 7 : le clergé doit prêter serment d’obéissance et de fidélité au gouvernement. Cela va très loin, jusqu’à la dénonciation des complots. L’Eglise se fait donc l’auxiliaire de la police.
- art. 8 : le clergé doit prier pour le salut du régime.
La réorganisation du clergé
Faire “table rase” de l’Eglise gallicane
- art. 3 : invitation aux évêques à se démettre, aussi bien ceux de l’Eglise concordataire que ceux de l’Eglise réfractaire. Mais pour le pape seuls les évêques réfractaires étaient légitimes. Cela voulait dire que la République cesserait de reconnaître les évêques constitutionnels.
La démission de tout un épiscopat est un événement inouï dans
l’histoire de l’Eglise catholique. En effet, selon le droit canon, un
évêque est inamovible : seule une faute grave peut entraîner une
destitution. Bonaparte souhaitait renouveler l’épiscopat français. Cela
permettait de supprimer la distinction entre jureurs et non-jureurs, de
calmer les esprits, de priver l’émigration de ses évêques. Il existe 59
évêques constitutionnels et 81 évêques réfractaires (ceux-ci sont tous
exilés)
Le pape avait prévenu par son bref Tam multa : « Plus votre
sacrifice sera amer, plus il sera agréable à Dieu » menaçant de
destituer ceux qui refuseraient : en fait la résistance est
considérable, il n'y aura que 45 démissions volontaires dans le clergé
réfractaire.
Deux évêques, suivis par un certain nombre de prêtres, forment
une Eglise schismatique d’obédience gallicane et jansénisante : la
Petite Église.
La nomination des évêques
- art. 4 et 5 : retour à l’Ancien Régime d’où la formule « avant le changement de gouvernement ». Le Premier consul obtient les prérogatives du roi : il nomme les évêques qui sont investis par le pape. Ce que confirme l’art. 16.
En cas de conflit sur le choix de l’évêque ? Le Premier consul peut
toujours présenter un autre candidat mais la pratique est celle de
l’entente préalable.
- Bonaparte exigea la nomination d’évêques constitutionnels (qui refusent de rétracter leur engagement constitutionnel), 12 évêques constitutionnels et 16 d’ancien régime côtoient d’anciens vicaires généraux et chanoines dont un seul ancien jureur. Mais tous sont irréprochables sur le plan des moeurs (différence avec l’Ancien Régime). Comme le dit Napoléon, « ils ne vont ni au bordel ni dans les antichambres, mais restent dans leur diocèse. »
- Le concordat reprend un régime proche de celui du concordat de Bologne (1516). C’est donc une reconnaissance publique de la religion catholique : ici c’est une victoire sur la Révolution.
Un clergé contrôlé par les évêques
- art. 10 : les évêques nomment les curés mais avec l’accord du gouvernement. Les curés prêtent serment de fidélité devant le préfet. Les prêtres sont donc désormais totalement sous la dépendance de l’évêque (différence avec l’Ancien Régime : plus de patrons, plus de bénéfices). Cependant le gouvernement exige la nomination d’au moins un tiers de jureurs.
- art. 14 : le gouvernement assure un traitement au clergé. Mais cela ne comprend que les paroisses et non toutes les succursales. Seuls les desservants de paroisses de chef-lieu de canton sont considérés comme des curés. 15 000 F pour un archevêque, 10 000 F pour un évêque, 1000 à 1500 F pour un curé, 500 F pour un simple desservant. A titre de comparaison : un préfet touchait 8000 F et un conseiller d’Etat 25 000 F.
- art. 11 : restauration des chapitres et des séminaires. Mais les chapitres sont désormais dans la main des évêques (le chapitre c’est moi, déclare Bernier à Orléans en 1802). Le clergé est âgé et la relève se révèle urgente. Les séminaires métropolitains sont à la charge du Trésor et en 1807 des bourses et demi-bourse sont attribués aux séminaristes.
La réorganisation territoriale
Une nouvelle géographie ecclésiastique
- Les art. 4 & 9 sont modifiés par les articles organiques mais les envoyés du pape s’étaient montré favorables à cette réduction. Aussi le pape valide-t-il le découpage par sa bulle Qui Christi Domine Vices (29 novembre 1801).
- Les raisons financières sont prépondérantes.
Les articles organiques prévoient : 10 archevêques. Les simples
évêchés sont ramenés au nombre de 50. Il y en avait 136 sous l’Ancien
Régime. Plus de la moitié des sièges épiscopaux disparaissent (dont
Reims !). Les paroisses doivent coïncider avec les cantons (environ
3000) : il n’y a pas suffisamment de prêtres pour fournir un curé par
commune. Mais les paroisses peuvent être subdivisés en succursales. En
fait la nouvelle carte religieuse se révèle très complexe : le diocèse
de Nancy est composé de morceaux de 11 anciens diocèses.
- Aucune référence n'est faite aux ordres religieux qui avaient été dissous par la Révolution. Le Concordat concerne le clergé séculier et non le clergé régulier.
Le statut des biens ecclésiastiques
- art. 12 : Les biens non encore aliénés doivent être mis à la disposition de l’Eglise. Mais il ne s’agit que d’un droit d’usage et non d’un retour à l’Eglise. La formulation en tout cas est très imprécise. L’intention de ne pas restituer ces biens peut se déduire des articles suivants.
- art. 13 : l’Église renonce aux biens nationalisés pendant la Révolution. Le Pape reconnaît donc solennellement la propriété des nouveaux acquéreurs. C’est un sacrifice immense qui n’est que faiblement compensé par le traitement de l’État. Mais Pie VII a placé les intérêts spirituels de l’Eglise au-dessus de ses intérêts temporels.
- art. 15 : Mais cependant des fondations au profit de l’Eglise pouvaient être effectuées par des particuliers, rendant possible une reconstitution du patrimoine ecclésiastique.
Mise en place du Concordat
- Le Concordat n’est publié que le 18 avril 1802 : à l’occasion de Pâque, Bonaparte est accueilli à Notre-Dame où les nouveaux évêques prêtent serment. Les élites issus de la Révolution sont très hostiles, notamment dans l’armée : le général Brune s’écrie : « nos épées n’ont triomphé que pour nous replacer dans la servitude religieuse. » Fouché considère le Concordat comme une « erreur politique ».
- Pour pouvoir faire accepter le Concordat par le corps législatif plutôt hostile qui a pour président un athée, Bonaparte, après avoir fait épurer les chambres, annexe au Concordat des Articles Organiques qui précisent les détails d’application, mais sans que le Pape ait pu donner son accord. Ainsi par exemple interdiction de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil, l'obligation de résidence pour les évêques, l'autorisation de l’État pour la publication de tous les actes du Saint-Siège, etc. Mais aussi, Bonaparte rendait obligatoire l’enseignement de la Déclaration des Quatre articles de 1682 mise au point par Bossuet affirmant les libertés de l’Église de France vis à vis du Pape.
- Complément au Concordat : sénatus-consulte du 22 fructidor an IX rétablit le repos dominical, fixe la fête national le 15 août (jour de l’Assomption et anniversaire de Napoléon). Le calendrier grégorien redevient officiel le 1er janvier 1806. Le Code civil permet de choisir les prénoms parmi les noms de saints. Le code Pénal de 1810 prend sous sa protection l’exercice du culte catholique.
Importance du Concordat
Le Concordat met fin à la guerre civile, faisant descendre la paix
civile jusqu’aux villages. Il favorisait le ralliement des royalistes,
tel Chateaubriand.
Aussi le duc d’Enghien écrivait-il de Bonaparte dans une lettre à son
grand-père le duc de Condé : « Rien ne lui résiste, pas même Dieu. »
Mais il permet aussi la renaissance de l’Église, une Église
unifiée comme elle ne l’a jamais été et soumise au pape. C’est donc une
victoire de l’Eglise catholique. Ainsi donc, le Concordat liquide le
passé et prépare l’avenir.
D’autre part le régime du Concordat fut appliqué aux
protestants : les pasteurs dont l’élection avait été approuvés par le
gouvernement, recevaient un traitement : ils devaient prêter le serment
de fidélité et prier publiquement pour le régime.
Les rabbins en revanche ne recevaient aucun traitement de l’État mais
priaient pour le régime.
Ce compromis a suscité des commentaires très divers, voire
opposés pour déterminer qui en avait le plus profité, l’Église ou
l’État.
Le Concordat s'est révélé durable : il est conservé jusqu’au
début du XXe siècle mais il survit toujours aujourd’hui en
Alsace-Moselle.
sources
- Dictionnaire Napoléon, articles Concordat, Episcopat, Cretet, Consalvi, Bernier.
- Thierry Lentz, Le Grand consulat, Fayard 1999, 627 p.
- Robert Chabanne, Les Institutions de la France de la fin de l’ancien régime à l’avènement de la IIIe république, Lyon 1977, 416 p.
Voir aussi
La lettre du "roitelet" des Etats généraux Hollandien
E) Gaspard Koenig : et si la vraie révolution était libérale ?
Selon Gaspard Koenig, l'État moderne doit garantir l'autonomie de l'individu et le libérer du joug des corporatismes. Un essai décapant.
On ne compte plus les livres censés redonner ses lettres de noblesse au libéralisme en France. En 1997, une ribambelle d'experts avaient montré leurs profondes racines françaises dans un ouvrage collectif dirigé par le seul homme politique libéral qui ait jamais réellement émergé, Alain Madelin*. C'est au tour du philosophe Gaspard Koenig de reprendre le flambeau dans "Le révolutionnaire, l'expert et le geek". L'essai puise dans la philosophie politique et l'histoire française pour démontrer la pertinence du libéralisme face aux nouveaux défis que nous réserve l'avènement d'une utopie numérique (à suivre)
F) Gaspard Koenig : lettre aux libéraux-conservateurs et aux libertariens
Gaspard Koenig répond aux détracteurs de son dernier ouvrage dans lequel il défend le concept de «jacobinisme libéral».
Depuis la sortie de mon livre, Le révolutionnaire, l'expert et le geek(Plon), mes critiques les plus virulentes proviennent, comme souvent, des «libéraux» revendiqués-conservateurs comme Charles Beigbeder, ou libertariens à l'image de Pierre Chappaz. Je leur réponds ici par politesse mais, je dois l'avouer, avec tristesse. Je n'ai jamais, pour ma part, polémiqué avec aucun membre de cette famille si réduite et dispersée. La réhabilitation, la défense et la promotion des idées libérales est un combat où, faute de choisir ses amis, on devrait au moins les tolérer.
Première précision méthodologique: un livre est un livre, pas une accumulation de chiffres et d'humeurs. Citer des interviews ou même des tweets est étrange. Chacun se fiche bien de savoir ce que «je» pense. Ce qui importe, c'est la logique interne d'un ouvrage, un objet écrit, travaillé, où le style et le rythme comptent au moins autant que les raisonnements; un objet qui, s'il est réussi, devrait largement échapper à son auteur. C'est au livre qu'il faut poser des questions. Pour cela, il est préférable de l'avoir lu.
Deuxième précision
méthodologique: un essai est un essai, pas un traité de métaphysique.
Les auteurs libéraux, de l'abbé de Condillac à Karl Popper, ont souvent
tendance à se méfier des systèmes. De même qu'on ne saurait réduire les
individus à des formulaires et les pays à des frontières, les concepts
s'accommodent mal des définitions essentialistes et des grilles de
lecture figées. Je n'ai pas réponse à tout. Mes convictions ne cessent
d'évoluer, en fonction de ce que je vois, de ce que je lis, de ce que je
découvre.
Troisième précision méthodologique: l'absence de
détails techniques dans les réformes proposées est délibérée. À partir
de la philosophie développée dans mon livre, le think-tank que je
dirige, GenerationLibre,
s'efforce quant à lui de faire travailler des spécialistes sur des
sujets concrets. Réflexion sur les principes d'un côté, et travail sur
les chiffres de l'autre. Les deux se répondent sans se confondre.
Que
me reprochent les «libéraux-conservateurs»? De réduire la société aux
individus, de vouloir créer des déracinés. Reproche familier, depuis
Maurice Barrès; reproche mal ajusté, étant donné la masse de textes bien
français, d'épisodes de notre histoire bien française, que je convoque
incessamment au fil des pages. Ma patrie, c'est la langue française; de
ce point de vue, je me sens bien plus patriote que les acculturés qui
hurlent après une Terre imaginaire.
Pardonnez-moi de penser qu'un individu assez libre et responsable pour
choisir son métier, négocier ses contrats ou lancer son entreprise
devrait aussi être capable de décider qui il épouse, quel mode de vie il
adopte, quelle religion il embrasse, quel usage il entend faire de son
propre corps. Comme l'écrivait de manière simple et forte Ludwig von
Mises: “un homme libre doit pouvoir supposer que ses semblables agissent
et vivent d'une façon différente de celle qu'il estime être la bonne,
et il doit perdre l'habitude d'appeler la police dès que quelque chose
ne lui convient pas.” Condamner n'implique pas d'interdire; autoriser ne
signifie pas approuver. Mais faire de l'individu et de ses libertés la
base de notre cadre légal représente sans doute le seul moyen véritable
de dépasser… l'individualisme.
Que la société construise des valeurs communes est le signe d'une
belle vitalité. Que l'État cherche à les imposer par la loi est le
symptôme d'une inquiétante fragilité. C'est tout le génie de la
modernité, depuis John Locke, d'avoir dissocié la morale de la loi, la
sphère privée de la vie de la Cité. L'État ne doit pas dire le Bien,
mais protéger les libertés; limite parfois subtile que, dans une
démocratie en état de marche, la volonté générale doit définir. Comme
l'écrivait Portalis: «Les lois ne peuvent rien sans les mœurs. Mais tout
ce qui intéresse les mœurs ne saurait être réglé par les lois.»
Combattez autant que vous voulez l'euthanasie, la prostitution ou le
cannabis; démontrez par la raison, convainquez par l'exemple; mais ne
demandez pas au juge d'imposer ce que vous n'aurez pas réussi à établir.
Si
l'on poursuit à l'extrême cette distinction entre ce qui relève du
civil et ce qui appartient au politique, il faudra aller jusqu'à
dissocier le sentiment d'appartenance des structures administratives. Ne
puis-je pas d'autant mieux me sentir enraciné dans un village, une
région, que je me passerai de maire ou de conseil régional? N'en
avons-nous pas assez, au nom de l'identité, de réclamer des tutelles? Ne
peut-on pas, enfin, séparer l'État et la Nation?
Les
«libertariens», quant à eux, rejettent le concept que j'ai emprunté à
l'historien Pierre Rosanvallon de «jacobinisme libéral». Ils envisagent
en effet leur liberté personnelle dans une relation ouvertement
conflictuelle avec l'idée même d'État. Or, à mon sens, une société sans
État est tout sauf une société d'individus libres. À commencer par les
sociétés primitives, étudiées par exemple par l'ethnologue Pierre
Clastres (Guaranis du Brésil, Guayakis du Paraguay…). Ce qui est
frappant dans ces sociétés sans chef et sans État, ces sociétés «contre
l'État» comme l'écrit Clastres, c'est l'aspect oppressant de la
communauté, qui s'exprime via les rites initiatiques, le tatouage
(inscription de l'appartenance dans la chair), les règles de vie
extrêmement strictes. Clastres reconnaît d'ailleurs que «la propriété
essentielle de la société primitive, c'est d'exercer un pouvoir absolu
et complet sur tout ce qui la compose, c'est d'interdire l'autonomie de
l'un quelconque des sous-ensembles qui la constituent.» À l'inverse, la
naissance de l'individu, récente dans l'histoire de l'humanité, est
intrinsèquement liée à celle de l'tat de droit.
Pas besoin, certes, de vivre avec les Guaranis pour constater que
l'État peut jouer un rôle libérateur pour l'individu. C'est vrai de
manière négative, si l'on s'en tient à la conception classique de la
protection des libertés individuelles, de l'établissement des règles de
concurrence, du respect de l'égalité des droits, etc. Mais c'est aussi
vrai de manière positive: si l'on conçoit l'autonomie individuelle comme
«la possibilité d'effectuer ses propres choix», alors l'État est
légitime pour garantir cette autonomie, à travers un filet de sécurité
(autonomie de subsistance), des politiques d'éducation (autonomie de
l'esprit), etc. On est ici en plein dans la tradition française du
libéralisme, que Durkheim définissait ainsi: «la vérité, c'est que
l'État a été le libérateur de l'individu. C'est l'État qui, à mesure
qu'il a pris de la force, a affranchi l'individu des groupes
particuliers et locaux qui tendaient à l'absorber, famille, cité,
corporation, etc. L'individualisme a marché au même pas que l'étatisme.»
Aujourd'hui, l'État laisse les individus en déshérence d'un
côté, et leur impose ce qu'ils doivent faire et penser de l'autre, en
fonction d'objectifs exogènes (la «croissance», la «santé publique»,
etc). C'est la logique constructiviste du Plan. Il faut la renverser
entièrement: que l'État donne aux individus les moyens de leur
autonomie, et leur laisse la responsabilité de leurs choix de vie. Cela
suppose non pas de supprimer nos systèmes sociaux, mais de les basculer
sur l'individu. Les conséquences seraient radicales en termes
d'organisation sociale (retraites, sécurité sociale, droit du travail,
etc).
Une critique de gauche pour finir, adressée par Jacques Sapir: la
destruction des corps intermédiaires laisserait la porte ouverte au
totalitarisme. On pourrait dire tout aussi bien que leur multiplication
était le modèle du fascisme (d'où la création des ordres professionnels
par Vichy). En réalité, il est important de dissocier la question du
régime de celle des institutions. Dans une démocratie fonctionnelle, où
la volonté générale est adéquatement représentée par le corps législatif
(éventuellement via des procédures de démocratie directe), on ne
devrait pas craindre un rapport direct avec l'État et l'individu. À
l'inverse, les corps intermédiaires ont toute leur place dans la société
civile, du moment qu'ils ne s'immiscent pas dans la gouvernance
politique.
Qui peut nier que la France aujourd'hui meurt de ses
corps intermédiaires? Que la décentralisation a recréé les féodalités,
et que le paritarisme a laissé renaître les guildes et les jurandes?
Nous avons besoin d'une nouvelle loi Le Chapelier qui, d'un trait de
plume, abolisse les corporations dans l'État. Ainsi la loi reprendrait
sa place, comme le souhaitait l'abbé Sieyès, «au centre d'un globe
immense», tandis que «tous les citoyens sans exception sont à la meme
distance sur la circonférence et n'y occupent que des places égales.»
En attaquant à la fois les privilèges politiques et les rentes
économiques, les révolutionnaires français avaient voulu éliminer les
contraintes qui pesaient sur l'action individuelle. Reprenons leur
flambeau.
Je passe sur les critiques capillaires dont j'ai été
l'objet, même si, petit-fils de coiffeur, elles m'ont poussé à prendre
les mesures nécessaires. J'invite tous ceux que mes propos irritent à
prendre le temps de me lire… et de me réfuter.
Par
Gaspard Koenig
Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie, Gaspard Koenig est Président du think-tank GenerationLibre. Son dernier livre, «Le révolutionnaire, l'expert et le geek. Combat pour l'autonomie» vient de paraitre aux éditions Plon.
Autre lectures:
- Peut-on être libéral et conservateur? la réponse de Charles Beigbeder à Gaspard Koenig
- Gaspard Koenig: «Arrêtons d'emmerder les Français»
- Natacha Polony-Gaspard Koenig: comment peut-on être libéral?
G) Les classes moyennes rêvent «d’un coup d’Etat citoyen»
Une agence du groupe Publicis a interrogé 190 Français des classes moyennes. «Libération» a eu accès à cette étude qui met en lumière trois «dissonances» majeures.
Mettre des mots sur les maux des classes moyennes. «Leurs mots sur leurs opinions, sur leurs sentiments», précisent Véronique Langlois et Xavier Charpentier. A la tête de FreeThinking, «le laboratoire de tendances et d’études qualicollaboratives» du groupe Publicis, ils s’apprêtent à publier «Dissonances. Quand les classes moyennes parlent de la France d’après le 11 janvier, deux ans avant 2017», une étude qu’ils ont menée durant deux semaines pendant la campagne des départementales, auprès de 190 Français des classes moyennes âgés de 18 à 65 ans (1) – et dont Libération a obtenu la primeur (lire le document ci-dessous). S’appuyant sur les 1 220 contributions récoltées en ligne, Véronique Langlois souligne que s’en dégage «une vision âpre et sans concession de la réalité». Et une grande frustration après un scrutin départemental où les électeurs ont jugé leur choix contraint entre «contenir» le FN ou «punir» le gouvernement.
L’étude de Publicis pointe trois «dissonances» majeures, dont «l’intensité» a surpris ses auteurs. La première :
«Entre ce que ces Français vivent – une aggravation de la situation de précarité et une France qui continue de glisser dangereusement, d’une façon que certains jugent désormais irréversible – et le discours ambiant autour de la reprise économique qui serait là mais qu’ils ne ressentent pas.» Autre fossé : «Entre la gravité des citoyens et le manque de sérieux des élites, avec un débat politique sans projets et concentré sur quelques personnalités dans la perspective de 2017»
regrettent-ils selon Véronique Langlois. Elle évoque aussi le
«sentiment d’un déni de démocratie chez des Français qui considèrent que les élus ne remplissent pas le mandat pour lequel ils ont été élus et, même, qu’ils sont carrément des obstacles aux changements urgents que la situation exige».
«Double fragmentation»
Cocktail a priori détonnant quand ces mêmes Français des classes moyennes s’inquiètent d’une «double fragmentation de la société, note Publicis, avec une France assistée contre une France qui se bat et une France communautarisée face à une France universelle». Mais «là où on a vu une dissonance plutôt positive, précise Xavier Charpentier, c’est
dans la façon qu’ont ces Français d’envisager l’avenir ensemble, de
réaffirmer que nous sommes une nation où l’unité dépasse les risques de
tensions communautaires». Et Véronique Langlois d’ajouter : «Mais ils disent qu’à un moment donné, il faut un projet qui rassemble les Français au-delà du religieux et du politique.» Et ils n’en voient pas la couleur.
Troisième décalage identifié :
«Ces Français ont cru que la manifestation du 11 janvier pouvait, allait changer les choses, marquer un sursaut, leur donner l’occasion de se rassembler derrière un leadership, mais ils n’ont rien vu arriver et, pour la première fois aussi clairement sur notre plateforme, expriment le rêve d’un coup d’Etat citoyen et républicain», met en garde Véronique Langlois. «Les Français que nous avons interrogés ont bien sûr été très marqués, très ébranlés par les événements du mois de janvier et la manifestation du 11 a eu sur eux un effet très notable, poursuit Xavier Charpentier. Mais aujourd’hui, cette France moyenne considère que si elle a fait sa part du travail en descendant massivement dans la rue, la classe politique, la classe dirigeante, n’en a, elle, rien fait de concret.»
(1) Revenu foyer net mensuel de 1 800 à 2 400 euros pour
une personne seule et de 2 400 à 5 000 euros pour un couple. 20% de
18-25 ans, 85% d’actifs (73% du privé, 27% du public), 5% de retraités
et 10% d’étudiants.
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