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mai 04, 2015

La France pour une néo - "Révolution" - BOUCHET-PETERSEN - Yves Roucaute - Serge Federbusch - Dimitri Casali - Christophe Bellon - à celle "libérale" de Gaspard Koenig ?

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) La France peut-elle s’en sortir sans organiser des Etats généraux de la nation française ? - Yves Roucaute - Serge Federbusch - Dimitri Casali - Atlantico

B) Révolution française de Wikiberal

C) Après le concordat de 1801 et la loi de 1905, la France sur la voie d'un 3ème modèle de laïcité ? - Christophe Bellon - Atlantico

D) Concordat de 1801 de Wikiberal

E) Gaspard Koenig : et si la vraie révolution était libérale ? - Par Marc Vignaud - Le Point

F) Gaspard Koenig : lettre aux libéraux-conservateurs et aux libertariens - FIGAROVOX/TRIBUNE

G) Les classes moyennes rêvent «d’un coup d’Etat citoyen» - Jonathan BOUCHET-PETERSEN - Libération
 

 A) La France peut-elle s’en sortir sans organiser des Etats généraux de la nation française ?

Avant de devenir une crise politique, la Révolution française tenait davantage de la crise sociétale dans une société divisée. Trois ans après leur convocation, les Etats généraux accouchaient d'une constitution, de la Déclaration des droits de l'homme ainsi que d'un projet commun.
  • En 1788, Louis XVI convoque les Etats généraux pour résoudre une crise à la fois budgétaire, politique et sociale.
  • De fait, les Etats généraux ont apporté à la fois la première constitution de la République française, mais aussi à la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, document fondateur de la définition de la communauté nationale.
  • La société française traverse actuellement une crise historique symbolisée par l'ampleur de la défiance à l'égard de l'Europe, de la mondialisation et de ses élites politiques, et d'un pessimise à l'égard de l'avenir.
  • De même, la solidité du modèle laïque fondé en 1905 est remis en question par l'émergence d'un certain l'islam dans l'espace public.
  • Débats et commentaires sur le sujet sont souvent ramenés à des termes qui ne "sonnent" plus, dont le contenu est indéfini voire contesté comme "laïcité, "égalité", ou encore "valeurs républicaines".
  • Outre le fait de nommer les problèmes, et de faire un véritable état des lieux de la société française, l'organisation d'une concertation à l'échelle nationale aurait le mérite de refédinir une identité commune, d'adapter ses valeurs aux contexte actuel, et de proposer un projet commun.


Atlantico : Quelle est aujourd'hui l'intensité de la fracture qui traverse la société française, et de quelle nature est-elle ?

Yves Roucaute : Notre société est au bord de l’explosion parce que certaines de ses élites sont incapables d’analyses concrètes de la situation pour assurer la puissance de la France dans la mondialisation et pour maintenir sa cohésion culturelle et sociale. Au lieu de partir du réel et de ses redoutables tensions, la paresse d’esprit épaulée par l’idéologie tiennent lieu d’analyse.

Nous le constatons tous les jours, ces élites parlent aux élites et préfèrent recouvrir les problèmes de mots boursouflés, tels que "laïcité", "égalité", "justice sociale", "république", "solidarité", "citoyenneté", "croissance" et de bien d’autres encore.

Ainsi, au lieu de se demander comment régler le problème du chômage dans un pays qui croule sous la bureaucratie et les impôts, on nous envoie le mot "croissance" ? Mais qui est contre ? Pour l'islamisme et, plus globalement, la question de la cohabitation des religions, les idéologues ânonnent le mot "laïcité". Mais entre la laïcité jacobine ou stalinienne, qui interdit toute expression religieuse et massacre les prêtres, et la laïcité à l'américaine, où chacun exprime publiquement sa religion, les variations sont infinies. Le mot "Intégration" ? Que règle-t-il, il écarte seulement le problème de l’assimilation de valeurs communes. Ici, on  nous ensevelit sous le vocable de "citoyenneté", à l’évidence mis à toutes les sauces pour cacher le vide sidéral de la pensée de gauche incapable de penser les incivilités et le patriotisme.

Être républicain ? Certes mais de quoi s’agit-il ? Le mot est utilisé par les islamistes, les communistes comme par les turcs. Si, comme je crois l’avoir démontré dans "Eloge du mode de vie à la française" (éditions Contemporary Boosktore), être républicain à la française, cela signifie organiser la puissance française dans la mondialisation et dans l'Union européenne, avec les bras de fer que cela implique, y compris face à nos alliés dans la concurrence internationale, en tenant fermement en main les valeurs universelles de la France et son mode de vie sucré, alors il va falloir faire quelques efforts. À l’inverse, si les élites dites "républicaines" persistent à se payer de mots, parions que le réel évacué les évacuera de même. Et tandis que que la société française continuera à se déliter, Marine Le Pen finira par être élue Présidente, avec le programme socialiste et nationaliste qu'elle propose, et les conséquences économiques désastreuses que cela impliquera.

Serge Federbusch : La révolution de 1789 est un phénomène multiforme : culturel, politique, financier, économique. J’ai tenté dans mon livre paru en 2014 : "Français prêts pour votre prochaine révolution" de montrer comment elle inaugurait une série d’effondrements internes ou externes qui présentent des caractères communs depuis bientôt deux siècles et demi. En résumé, il est impossible, dans la durée, de concilier l’extrême centralisation du pouvoir à Paris, des relais efficaces en province et une économie ouverte. Aussi le pouvoir s’appuie-t-il sur des corporations qui finissent par être plus puissantes que lui, le paralyser et l’empêcher de se réformer, jusqu’à l’explosion finale.

Aujourd’hui tous les ingrédients d’un effondrement révolutionnaire sont présents : discrédit des soi-disant élites, ruine de l’Etat, face à face entre une parole officielle mensongère portée par les médias officiels et le bourgeonnement de nouveaux canaux de diffusion des idées. Il faut y ajouter un problème migratoire grandissant qui met sous tension la population. Le "vivre ensemble" est un slogan agité par la gauche pour tenter de masquer ce lent délitement du lien social. Pourtant, une partie importante du peuple reste dans la nostalgie d’une "douce France", pays d’équilibre, de bien-vivre, de convivialité, où l’on à le sourire aux lèvres et où l’on respecte ses voisins. Mais cet espoir de plus en plus déçu se transforme en frustration intense.

Actuellement, les valeurs républicaines ne semblent plus faire consensus, les débats s'articulent principalement autour de leur interprétation. Pour ces raisons, faudrait-il aborder un débat sur l'identité nationale ? Quels seraient les thèmes que des Etats généraux ne pourraient éviter ?

Serge Federbusch : Il y a d’évidence une menace communautariste qui pèse sur le régime et sape l’identité nationale. Par clientélisme, les élus, principalement de gauche, y ont cédé. Une part importante des électeurs de gauche vient de milieux petits bourgeois qui ont abandonné au vingtième siècle la pratique catholique. La complaisance qu’ils montrent aujourd’hui vis-à-vis de l’islam rigoriste est la traduction de leur malaise face à leur passé chrétien mal renié. Les donneurs de leçons anglo saxons qui, ces derniers jours, ont voulu faire passer la laïcité "à la française" pour ringarde et peureuse sont complètement à côté de la plaque. Salafisme, wahhabisme et autres bondieuseries issues du Coran sont des menaces pour la République mais aussi pour la liberté individuelle. A terme leur intention est d’imposer leurs pratiques par le nombre et la force, ceux qui ne le voient pas sont aussi dangereux que ceux qui se berçaient d’illusion face au nazisme. Tous ces éditorialistes du New York Times, du Guardian et autres feraient mieux de se préoccuper de la défense de leur propre liberté. Les Etats généraux devraient d’évidence poser par referendum aux Français la question de l’interdiction des manifestations et tenues religieuses ostentatoires dans l’espace public.

Yves Roucaute : Les Français ne se posent pas la question de ce qu'est leur identité contrairement à ce que prétendent certains médias qui relaient certains démagogues. Ils savent ce que signifie être français, il suffit de voir un match de football ou de rugby pour s’en assurer. Et c’est pour cela qu’il y a des tensions car ils ne veulent pas de cette violence symbolique contre leur mode de vie qu’ils connaissent et veulent préserver. Généreux, d’origine diverse, de religions diverses, ils acceptent tout, à condition que cela ne viole pas ce triptyque qui est au fondement de leur identité : leur mode de vie sucré, leurs valeurs universelles et leur désir de la puissance française.

Sur ce triptyque, chacun peut fêter ses traditions et vaquer à ses occupations.

Le problème vient de ce que les Français ressentent que leurs élites sont souvent inaptes à défendre ce fond.

Sur la question du mode de vie, les élites sont souvent sourdes au monde ordinaire qui exige, quand bien même il ne le théorise pas,  de renouer avec la grande politique qui a été menée depuis la IIIème et IVème République : l'assimilation. Depuis plus de 1 500 ans, soit l'époque de Charlemagne, la France a entre ses mains un modèle assimilationniste qui n'a jamais fait défaut. Elle est capable d'assimiler très facilement autour de sa générosité des individus qui viennent d'univers différents, ce qui n'est pas le cas de toutes les civilisations. Mais cette ouverture à l’autre, ce parfum de liberté que ressent tout étranger sur notre territoire ne doit pas être confondu avec le laxisme. Que certaines femmes dans la Corne de l'Afrique soient excisées ne signifie pas que cela puisse être autorisé en France. Que certaines femmes ne soient pas autorisées à étudier ou à conduire dans certains pays, ne signifie pas que cela puisse être reproduit dans notre pays. Si des gens ne supportent pas le respect de la dignité humaine, qu’ils partent disent les Français de toute origine, chrétiens, juifs, musulmans et bouddhistes compris, car le respect humain est au fondement du mode de vie à la française.

Le problème c’est que ce triple socle identitaire, mode de vie sucré, valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes et recherche de la puissance, n’est guère pris en compte chez les socialistes et chez certaines personnalités de la droite bureaucratique. Personne ne dit aux citoyens : "voilà notre projet pour la puissance de la France et nous sommes déterminés à le mener." Personne ne leur indique: "nous avons commis des  erreurs, voilà les moyens de les relever par l’assimilation de nos valeurs et le respect du mode de vie". Personne ne semble jouir de cette vie à la française en disant qu’i l’aime.

Les Français veulent entendre le discours de la joie de vire à la française et celui de la responsabilité, qui est aussi celui de la cohésion et de la puissance. Ils veulent un stratège pas un nouveau président faible.

Et il ne faudrait pas que les prétendants à la présidence se trompent d’enjeu.

C'est d'ailleurs, paradoxalement, la chance de la droite, et la faiblesse de Marine Le Pen qui entend parfaitement le malaise des Français face à une certaine déliquescence des élites politiques quant à l’identité nationale mais qui, par son isolationnisme et son protectionnisme, par son incapacité à mener des réformes de structure qui libéreraient les énergies, ne peut répondre à cette exigence nationale de la puissance de la France. Elle ne pourra donc pas obtenir une majorité dans ce pays car cela aussi fait partie de l’identité nationale. Les Français aiment se battre, leur rejet du pétainisme dans la mémoire du pays en est une des multiples marques,  et ils savent qu'un isolement est synonyme d'affaiblissement. Les Français veulent que la France soit forte dans la mondialisation et ils sont favorables à l’Europe quand elle sert leur puissance.

Yves Roucaute : Les Français ne se posent pas la question de ce qu'est leur identité contrairement à ce que prétendent certains médias qui relaient certains démagogues. Ils savent ce que signifie être français, il suffit de voir un match de football ou de rugby pour s’en assurer. Et c’est pour cela qu’il y a des tensions car ils ne veulent pas de cette violence symbolique contre leur mode de vie qu’ils connaissent et veulent préserver. Généreux, d’origine diverse, de religions diverses, ils acceptent tout, à condition que cela ne viole pas ce triptyque qui est au fondement de leur identité : leur mode de vie sucré, leurs valeurs universelles et leur désir de la puissance française.

Sur ce triptyque, chacun peut fêter ses traditions et vaquer à ses occupations.

Le problème vient de ce que les Français ressentent que leurs élites sont souvent inaptes à défendre ce fond.

Sur la question du mode de vie, les élites sont souvent sourdes au monde ordinaire qui exige, quand bien même il ne le théorise pas,  de renouer avec la grande politique qui a été menée depuis la IIIème et IVème République : l'assimilation. Depuis plus de 1 500 ans, soit l'époque de Charlemagne, la France a entre ses mains un modèle assimilationniste qui n'a jamais fait défaut. Elle est capable d'assimiler très facilement autour de sa générosité des individus qui viennent d'univers différents, ce qui n'est pas le cas de toutes les civilisations. Mais cette ouverture à l’autre, ce parfum de liberté que ressent tout étranger sur notre territoire ne doit pas être confondu avec le laxisme. Que certaines femmes dans la Corne de l'Afrique soient excisées ne signifie pas que cela puisse être autorisé en France. Que certaines femmes ne soient pas autorisées à étudier ou à conduire dans certains pays, ne signifie pas que cela puisse être reproduit dans notre pays. Si des gens ne supportent pas le respect de la dignité humaine, qu’ils partent disent les Français de toute origine, chrétiens, juifs, musulmans et bouddhistes compris, car le respect humain est au fondement du mode de vie à la française.

Le problème c’est que ce triple socle identitaire, mode de vie sucré, valeurs universelles d’origine judéo-chrétiennes et recherche de la puissance, n’est guère pris en compte chez les socialistes et chez certaines personnalités de la droite bureaucratique. Personne ne dit aux citoyens : "voilà notre projet pour la puissance de la France et nous sommes déterminés à le mener." Personne ne leur indique: "nous avons commis des  erreurs, voilà les moyens de les relever par l’assimilation de nos valeurs et le respect du mode de vie". Personne ne semble jouir de cette vie à la française en disant qu’i l’aime.

Les Français veulent entendre le discours de la joie de vire à la française et celui de la responsabilité, qui est aussi celui de la cohésion et de la puissance. Ils veulent un stratège pas un nouveau président faible.

Et il ne faudrait pas que les prétendants à la présidence se trompent d’enjeu.

C'est d'ailleurs, paradoxalement, la chance de la droite, et la faiblesse de Marine Le Pen qui entend parfaitement le malaise des Français face à une certaine déliquescence des élites politiques quant à l’identité nationale mais qui, par son isolationnisme et son protectionnisme, par son incapacité à mener des réformes de structure qui libéreraient les énergies, ne peut répondre à cette exigence nationale de la puissance de la France. Elle ne pourra donc pas obtenir une majorité dans ce pays car cela aussi fait partie de l’identité nationale. Les Français aiment se battre, leur rejet du pétainisme dans la mémoire du pays en est une des multiples marques,  et ils savent qu'un isolement est synonyme d'affaiblissement. Les Français veulent que la France soit forte dans la mondialisation et ils sont favorables à l’Europe quand elle sert leur puissance.

Lors du Serment du Jeu de Paume, le 20 juin 1789, les députés promettent de ne pas se séparer avant d'avoir rédigé une constitution pour le pays. C'est ainsi que l'Assemblée nationale constituante siège jusqu'au 3 septembre 1791 et donne lieu en même temps qu'une constitution à la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen. Dans quelle mesure peut-on faire un parallèle entre la situation de l'époque et celle d'aujourd'hui ?

Dimitri Casali : Dès la fin de l'année 1788, le Roi convoque les états-généraux. Ces derniers étaient réunis depuis Philippe IV le Bel en 1302 pour résoudre les crises politiques, sociales et économiques majeures, de manière collégiale. Tout comme on peut le voir aujourd'hui, les états-généraux de 1789 devaient faire face à une crise à plusieurs facettes. A la fois économique, puisque les caisses du royaume étaient vides, synonyme d'impôts supplémentaires, et une réforme profonde de l'organisation de la société revendiquée à travers les doléances. La constitution qui en découle donne à la France, et même si ce n'était initialement prévu, la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, qui sont la base même sur laquelle se fonde aujourd'hui non seulement la République et mais aussi notre identité.

Pour refonder aujourd'hui la communauté nationale, encore faut-il être sûr de ce que sont nos fondamentaux. Cela signifie une mise à plat de la laïcité et une réaffirmation des valeurs patriotes. Ces sujets, bien qu'essentiels, sont aujourd'hui délaissés au Front national. La simple évocation du mot "patrie" aujourd'hui est assimilée à un dangereux sentiment nationaliste. Le meilleur exemple de cette nécessité, c'est que 37% de jeunes d'origine étrangère ne se sentent pas français : le modèle d'intégration est bel et bien rouillé. Depuis la seconde guerre mondiale, les Français n'ont jamais été aussi divisés.

Yves Roucaute : Il y a une urgence de réunir quelque chose qui pourrait ressembler à des Etats-généraux, et qui permettrait d’entendre les doléances, mais aussi de cartographier les problèmes que connaissent les différents groupes et catégories de la population française. Il est nécessaire de réfléchir à l'organisation d'une concertation, qui ne serait pas un nouveau Conseil Économique et social, mais qui serait l'expression de ce que de Gaulle cherchait sans doute à faire lorsqu'il voulait réformer le Sénat : l'expression des différents points de vue qui agitent la société française.

Une organisation qui permettrait de faire remonter les demandes pourrait permettre de faire voler en éclat les faux consensus, de nommer les choses, de cartographier. Et, ensuite, de choisir le chemin le plus efficace possible pour répondre aux grandes questions de notre temps, qui sont celles du chômage, du mode de vie, de la puissance.

Serge Federbusch : Les Etats généraux de 1789 étaient prosaïquement nés de la volonté royale de trouver de l’argent pour boucler un budget qui, notons-le, présentait un déficit analogue à celui d’aujourd’hui : les dépenses publiques excédaient de près de 30 % les recettes de l’Etat, une situation intenable. Il fallait faire rentrer des fonds et le consentement à l’impôt était à ce point dégradé que Louis XVI ne pouvait envisager de procéder par des hausses brutales. Il fallait également serrer la ceinture d’un appareil d’Etat boursouflé et le roi pensait secrètement qu’en s’appuyant sur le clergé, la petite noblesse et le tiers état, il pourrait imposer à l’aristocratie de cour et aux princes de sang un peu d’économies. Le problème est que Louis XVI a fait les choses et pris des décisions à moitié. Il voulait bien faire un pas en direction de la bourgeoisie mais n’était pas résolu à s’appuyer sur elle pour circonvenir la noblesse dont il se considérait le chef fidèle et loyal. Hormis quelques brefs moments d’exaltation collective, il ne faut pas idéaliser le processus révolutionnaire : les intérêts antagonistes s‘y exprimaient violemment et sans détour et le sentiment d’union nationale était au mieux transitoire même s’il fut à l’origine de quelques pages d’histoire abondamment mises en valeur par la suite : serment du Jeu de paume, nuit du 4 août, fête de la Fédération, etc.

La différence entre 1789 et 2015 est qu’aujourd’hui le pouvoir peut s’appuyer sur une Banque centrale européenne prête à fabriquer de la fausse monnaie pour lui permettre de ne pas avoir à affronter immédiatement le peuple en rétablissant l’équilibre budgétaire par l’impôt ou par la réduction drastique des dépenses. Il faudra attendre que ce subterfuge européen soit lui-même à bout de souffle pour que les dirigeants soient placés au pied du mur et doivent enfin dire la vérité aux Français.

Dans quelle mesure une telle concertation pourrait-elle être utile aujourd'hui ? Nommer les choses telles qu'elles sont, établir un "état des lieux"  n'est-il pas en soi un début de solution, en quoi cela serait-il profitable ?

Yves Roucaute : Nous avons besoin de faire l'état des lieux. Et notamment de faire litière des discours dénonciateurs. Avant de proposer des solutions, il faut analyser la situation concrètement. La première étape consisterait à donner un sens aux mots laïcité, République, citoyenneté et de leur donner un vrai contenu. Et c'est précisément là que des doléances à la manière de 1789 prennent tout leur sens encore aujourd'hui : des doléances apportent du concret, des situations. A-t-on le droit, oui ou non de pratiquer l'excision ou le voile intégral ? Cela fait également voler en éclat la distinction public/privé, que certains commentateurs à courte vue, les "demi-habiles", essaient de mettre en œuvre: l'excision est une pratique religieuse privée, doit-on se priver de l'interdire ? Bien sûr que non. Il faut tout mettre à plat, de ce qui se passe dans les transports publics à ce qui se passe dans les écoles.

De manière réaliste, comment de telles concertations pourraient-elles, ou devraient-elles s'organiser ?

Yves Roucaute : L’idéal serait qu’elle soit organisée comme une grande consultation nationale à laquelle serait conviée localement tous les citoyens. Il faut poser la seule question qui mérite de l'être : les conditions de la puissance de la France.

Les Français veulent l'entendre. Et c'est ce qui réglera une grande partie des problèmes, y compris de chômage et d’assimilation.

La grande différence avec 1789, c'est qu'elle ne semble pas pouvoir être organisée à partir du sommet de l'Etat. En tout cas, pas aujourd’hui, tant la légitimité de ce sommet est faible.

Nicolas Sarkozy pourrait décider d’engager le nouveau parti, dans ce projet de consultation nationale ce qui légitimerait ce nom de républicain. Mais ces sortes d’États-généraux ne pourraient pas être organisés par ce seul parti, en raison de sa faiblesse militante qui est parfois gigantesque dans nombre de régions où il s’agit d’un parti de cadres  non de masse.  Il devrait associer la société civile, les chefs d'entreprises, la fonction publique locale, les syndicalistes, les élus locaux, les autorités religieuses, ce qui créera d’ailleurs, automatiquement, de la cohésion. Et il faudrait qu’y soient associées toutes les forces qui veulent le changement. Car le changement ce doit être pour demain.

Pour autant, il ne faut pas croire que ces Etats-Généraux devraient donner raison à tout le monde comme cela se fait souvent dans ces commissions dont nous abreuvent certains politiques incapables de décider. Ils auraient l’immense avantage de permettre à la société civile de parler et de casser les idéologies néfastes qui se nourrissent de mots creux. Ils présenteraient donc, un retour forcé au réel.

Mais de là surgirait évidemment une multitude d'opinions contradictoires, parfois simple expression des intérêts catégoriels. Il faudrait donc ensuite trancher. Ce serait la renaissance de la politique et de la stratégie: étudier le réel, saisir les possibles et, parmi ces possibles, non pas se laisser aller à la démagogie, mais choisir les meilleurs possibles pour la puissance de la France.

Serge Federbusch : Ce qu’il faudrait, c’est surtout une nouvelle assemblée constituante pour se débarrasser d’un régime exsangue. La France souffre d’avoir une classe de politiciens professionnels pléthorique et cynique parmi les plus étoffées au monde. Il faudrait qu’on ne puisse vivre en aucun cas de politique plus de dix ou quinze ans dans une carrière. Les élus pourraient plus facilement cesser d’entretenir le peuple dans l’idée vaine que l’Etat peut les protéger de la concurrence et de la mondialisation. Démocratie directe et referendum sont d’autres clés à la solution de nos problèmes. Des Etats généraux n’auraient d’utilité que s’ils débouchaient sur cette nouvelle constitution.

Yves Roucaute, Serge Federbusch, Dimitri Casali

Yves Roucaute est philosophe.
Agrégé de philosophie et de sciences politiques, il enseigne à la faculté de droit de l’université de Paris-X.
Plume du discours de Claude Guéant sur l’inégalité entre les civilisations, Yves Roucaute est l’auteur d'Eloge du mode de vie à la française (Editions Contemporary Bookstore).
Il est également l'auteur de Histoire de la Philosophie Politique (volume 1), Du néolithique à l'antiquité grecque, et Des grandes spiritualités à la fin du Moyen-Âge (Volume 2), (Editions Contemporary Bookstore).

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, paru le 6 mai aux éditions Ixelles

Dimitri Casali, historien et directeur de collection, est l’auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages historiques, notamment : Qui a gagné Waterloo ? Napoléon 2015 (6 mai 2015, Flammarion), L’Histoire de France de l’Ombre à la Lumière (Flammarion 2014), le manuel Lavisse-Casali (Armand Colin, 2013), L’Histoire interdite (JC. Lattès, 2012), L’Altermanuel d’Histoire de France (Perrin) - prix du Guesclin du livre d’histoire 2011. Elève de Jean Tulard, il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio, la télévision. Par ailleurs, il est  le créateur de Napoléon l’Opéra rock, spectacle pédagogique et innovant pour sensibiliser les jeunes à l’Histoire napoléonienne par la musique rock.
Source



B) Révolution française de Wikiberal

La Révolution française est un ensemble d'événements et de changements qui marque dans l'histoire de France le tournant entre « l'Époque moderne » et « l'Époque contemporaine ». C'est aussi la première fois, dans l'histoire de l'Europe depuis l'Antiquité, que le principe du régime monarchique a été renversé, et non simplement le monarque lui-même comme lors de la première révolution anglaise de Oliver Cromwell.
Son impact est également dû aux guerres de la Révolution et de l'Empire qui ont touché une large partie de l'Europe continentale avec la création de « républiques-sœurs » ou la fin du Saint Empire romain germanique. La période révolutionnaire commence en 1789, avec la réunion des États généraux et la prise de la Bastille, et se termine en l'an VIII (1799) avec le coup d'État du 18 Brumaire.
Le libéralisme, selon Lucien Jaume, est un mouvement d’émancipation, ce qui le lie indissolublement avec la Révolution française, de la conscience et de la société, dans sa diversité, vis-à-vis des souverainetés historiques (l’Église, la royauté). La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 est, par ailleurs, indubitablement un texte d'inspiration libérale, ce qui ne sera pas le cas des déclarations de 1793 et 1795.
La différence principale entre la France et l’Angleterre est que, dans un cas, celui de la Révolution française, on croit à la fécondité de la loi et des institutions représentatives contre l’Ancien Régime inégalitaire, tandis que dans le cas britannique on pense que le moteur du mouvement est dans l’ordre naturel de la société comme « civilisation » et donc comme « opinion publique ». Du coup, le levier historique et social est différent, les rapports entre l’État et la société sont différents, et la tendance à une logique du compromis s’oppose à la logique française de la rupture. 

Personnalités libérales de la Révolution

  • La Fayette le héros des Deux Mondes, un des inspirateurs de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, il incarne la première phase de la Révolution, tentant un compromis entre la monarchie et la liberté.
  • Condorcet grande figure des Lumières s'est rallié au parti Girondin et est tombé victime des Jacobins.
  • Emmanuel Sieyès auteur de textes célèbres (Qu'est ce que le Tiers État ?) a connu toutes les phases de la Révolution et a contribué à son achèvement.
  • François-Antoine de Boissy d'Anglas, chef de file des Thermidoriens et inspirateur de la Constitution de l'an III
  • Pierre Daunou a joué un rôle important dans l'élaboration de la Constitution de l'an III.
  • Jean Étienne Marie Portalis président du Conseil des Cinq Cent et père du Code civil.

Révolution française et libéralisme

La Révolution française n'est pas une révolution purement libérale, elle est de nature duelle : libérale (fin des privilèges, droits de l'Homme, etc.), mais aussi républicaine (contrat social, "intérêt général" et avènement de l'homme citoyen). Si les contemporains de l'époque n'arrivaient pas à voir la nature duelle républicano-libérale de la Révolution, c'est parce que les républicains et les libéraux étaient liés à un même destin : celui de l'homme nouveau, deux idéologies radicales qui partageaient le point commun de faire table-rase du passé. Cependant, après la Révolution, l'influence libérale persiste mais ne s'inscrit pas dans une logique historique française, tandis que le républicanisme, par le biais du jacobinisme tout à fait logiquement, a évolué par la suite vers la social-démocratie et le socialisme (le "camarade" remplaçant le "citoyen").

Les phases de la Révolution

1789 : La victoire du Tiers

L’État étant en faillite, les paiements de l’État ont été suspendus le 16 août 1788, les États Généraux sont convoqués pour le 1er mai 1789. Intelligent mais dépourvu de caractère, Louis XVI se révèle incapable de mener les transformations inévitables qui pouvaient sauver la monarchie. La justice fiscale avec un impôt proportionnel et universel et la représentation de la Nation par des États Généraux régulièrement convoqués, réclamés par les cahiers de doléances étaient des réformes que le roi aurait du mener en 1788. En 1789, elles vont lui être imposé par la Révolution. 
Les élections des députés du Tiers voient l’emporter les hommes de talent, les hommes de loi qui vont introduire dans les débats un juridisme tatillon. Très vite, le Tiers se considère comme représentant les 96/100e de la nation et sur proposition de Sieyès les députés se déclarent Assemblée nationale (17 juin 1789). L’épreuve de force tourne au désastre pour le roi : l’assemblée refuse de céder aux menaces de dissolution contenues dans le discours du 23 juin et deux jours plus tard, le roi invitait les députés des ordres privilégiés à se joindre au tiers.
Les mouvements de troupes dans la région parisienne inquiète l’Assemblée et le renvoi de Jacques Necker fait souffler un vent d’insurrection à Paris. A la recherche d’armes et de poudre, la foule se porte à la Bastille le 14 juillet, bientôt soutenue par les gardes françaises. Ne pouvant espérer résister, le gouverneur capitule avant d’être massacré par la populace de même que le prévôt des marchands. Le 17 juillet, le roi se rend à Paris, reconnaît la municipalité insurrectionnelle et arbore la cocarde tricolore. Le comte d’Artois et les autres chefs de la faction aristocratique émigrent. Le pouvoir monarchique s’effondrait et l’anarchie devait gagner le royaume : « il n’y a plus de roi, plus de parlement, plus d’armée, plus de police » observe un contemporain. Les rumeurs les plus folles courent évoquant le complot aristocratique, le pacte de famine, l’invasion étrangère. Des émeutes touchent les villes, la Grande Peur se répand dans les campagnes, tournant à la révolte antiseigneuriale. On s’en prend d’abord aux châteaux mais ensuite on s’en prend aux riches et aux heureux. A Versailles on panique, un député s’exclame : « C’est la guerre des pauvres contre les riches ! »
La Nuit du 4 août, le vicomte de Noailles, sans fortune, propose la destruction des corvées et servitudes personnelles et le duc d’Aiguillon, le plus riche seigneur féodal, le rachat des droits féodaux. Bientôt le clergé et les députés des pays d’État renoncent à leurs privilèges. Mouvement spontané ou manœuvre du parti avancé, cette folle séance mettait en tout cas fin à l’Ancien Régime. Une Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen est discutée et votée du 20 au 26 août. A l’assemblée les modérés étaient victimes de l’alliance objective du parti patriote et du côté de la reine.
Le refus du roi de sanctionner l’abolition des privilèges et la Déclaration des droits irrite. Les difficultés d’approvisionnement de Paris vont servir de prétexte à une marche peu spontanée sur Versailles le 5 octobre pour demander du pain au roi. La Fayette se montre incapable de rétablir l'ordre. Le 6 octobre, le palais est envahi et Louis XVI se trouvait contraint de gagner Paris. L’Assemblée déclarait aussitôt sa volonté de ne pas se séparer de la personne royale. Désormais prisonnier de fait aux Tuileries, le roi a du accepter la Déclaration des droits de l’homme et le veto suspensif. L’Assemblée, installée dans la salle du Manège, est tout autant exposée aux manifestations de violence de la population parisienne.

Une constitution pour la France

L’assemblée nationale constituante est partagée en tendances plus qu’en partis organisés. Les aristocrates défendaient l’ordre ancien. Les monarchiens regroupaient des nobles libéraux comme Stanislas de Clermont-Tonnerre et voulaient s’en tenir au 4 août. Les constitutionnels forment la majorité avec des hommes de lois comme Le Chapelier ou des nobles libéraux comme La Rochefoucauld-Liancourt et Talleyrand, sans oublier l’abbé Sieyès. A l’extrême gauche, quelques avocats comme Pétion ou Robespierre. Mirabeau, resté à l’écart des partis, domine néanmoins l’assemblée par ses talents oratoires. Les députés se retrouvent dans des clubs : le plus influent est la Société des amis de la Constitution dit club des Jacobins car il se réunit au couvent des Jacobins rue Saint-Honoré. Il essaime très vite en province et voit se séparer de lui le club des Feuillants plus modéré et le club des Cordeliers plus populaire. Les idées des divers courants sont défendus par une presse d’idées souvent virulente, l’Ami du peuple de Marat en offre l’exemple le plus célèbre.
L’Assemblée se trouve confrontée à la question financière : le déficit du trésor avait été accrue par l’effondrement des recettes fiscales. L’appel au patriotisme fiscal des citoyens n’ayant pas donné de résultats, Talleyrand propose la nationalisation des biens du clergé à charge pour l’État d’assurer un traitement aux prêtres. L’abbé Maury met l’Assemblée en garde : « La propriété est une et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés garantissent les vôtres. (…) Si nous sommes dépouillés, vous le serez à votre tour. » Le 2 novembre 1789 les biens d’Église sont mis à la disposition de la nation. On vise non seulement l’extinction de la dette mais aussi l’accroissement du nombre de propriétaires surtout parmi les habitants des campagnes. Ne pouvant vendre en bloc, l’Assemblée décide de créer des assignats, bons du Trésor portant intérêt à 5 %, pour alimenter les caisses de l’État. Les ventes devaient connaître un énorme succès.
Fidèles aux idées des philosophes, les députés, sur la suggestion de Sieyès, distinguent les citoyens actifs des citoyens passifs, un seuil d’imposition étant fixé. La France compte un plus de 4 millions de citoyens actifs soit 1/6 de la population. Le système anglais de deux chambres est repoussé au profit d’une seule et le droit de veto suspensif du roi, à la suggestion de La Fayette, est adopté. Louis XVI devient roi des Français. Le pays est divisé en 83 départements pour détruire toute trace de l’ancienne France. Le département et la commune deviennent quasiment indépendants par réaction face à l’œuvre centralisatrice de la monarchie. Paris est divisée en 48 sections ayant droit de réunion qui vont devenir des moteurs de la révolution. La Fête de la Fédération, célébrée le 14 juillet 1790, à Paris et dans toutes les villes du royaume paraît achever la Révolution et marquer la naissance de la nation. 
En réalité, la situation se dégrade rapidement. L’Assemblée suit Mirabeau qui souhaite faire de l’assignat un papier-monnaie, ce qui évite d’augmenter les impôts, mesure nécessairement impopulaire. Dans une brochure fameuse, Dupont de Nemours dénonce les périls de l’inflation et les places de commerce se montrent hostiles, en vain. La répartition de l’impôt est confié aux municipalités mais nombreux sont les officiers qui ne savent ni lire ni écrire.
L’Assemblée se mêle avec une hâte suspecte de réformes religieuses. Au nom de la liberté, les vœux des religieux sont abolis le 13 janvier 1790 et une Constitution civile du clergé est voté, évêques et curés étant désormais élus et bénéficiant de traitements élevés. Pie VI condamne le texte le 10 juillet 1790. L’obligation du serment, le 26 novembre, précipite le schisme. A l’Assemblée même, en dépit de la pression des tribunes, seuls 99 députés du clergé sur 250, jurent. Partout dans le royaume sont semées les graines de la division. L’atmosphère de guerre civile est renforcée par la tentative de fuite du roi arrêté à Varennes le 21 juin 1791. Une manifestation républicaine au Champs de Mars, le 17 juillet, est brutalement dispersée.
La Constitution est donc votée le 3 septembre et la Constituante se sépare le 30 septembre 1791. Son président Thouret s’exclame : « l’Assemblée nationale a donné à l’État une Constitution qui garantit également et la royauté et la liberté ».
Searchtool-80%.png Article détaillé : Constitution du 3 septembre 1791.

La guerre et la chute de la Monarchie

La Législative était élue au suffrage censitaire indirect : elle se composait essentiellement de propriétaires et d’avocats ayant souvent exercé un mandat local ou des fonctions judiciaires. Les nouveaux députés, les Constituants s’étant volontairement rendus inéligibles, se montrent hésitants et inexpérimentés et vulnérables aux pressions. A droite, les Feuillants suivent le triumvirat, Barnave, Duport et Lameth et sont fascinés par La Fayette. Ils considèrent la Révolution terminée. A gauche, les Jacobins subissent l’ascendant de Brissot, ce sont les Brissotins ou Girondins, dont la conscience est Condorcet et l’égérie Madame Roland. A l’extrême gauche, les Cordeliers étaient complétés par Couthon et Carnot. Le Marais, au centre, dont Rivarol disait « une cervelle de renard dans une tête de veau » décide des majorités.
Après la fuite du roi, les clubs glissent vers des idées de plus en plus républicaines. La révolte des Noirs et métis de Saint-Domingue en août 1791 pose la question de l’esclavage et contribue à la hausse du prix des denrées coloniales, source de nouveaux mécontentements. Le conflit religieux persiste. A la cour de Turin, autour du comte de Provence et à Coblence avec le comte d’Artois, l’émigration essaie de s’organiser mais se perd en querelles de personnes. Le roi oppose son veto aux décrets de l’Assemblée contre les émigrés et les réfractaires. Les princes européens s’inquiètent de l’annexion d’Avignon et du Comtat Venaissin et de la spoliation des princes possessionnés allemands en Alsace.
Un courant se développe en France en faveur de la guerre, le roi tout comme la gauche espérant y trouver avantage. Isnard, député du Var, lance le 29 novembre : « Un peuple en état de révolution est invincible, l’étendard de la liberté est celui de la victoire (…). Disons à l’Europe que nous respecterons toutes les constitutions des divers empires, mais que, si les cabinets des cours étrangères tentent de susciter une guerre des rois contre la France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois ». Hérault de Séchelles soutient d’ailleurs que l’état de guerre permettra d’appliquer des mesures contre la contre-révolution intérieure que l’état de paix pourrait faire trouver trop rigoureuses. Les ministres Feuillants sont écartés et le roi doit accepter une formation girondine, dont Dumouriez résolu à faire la guerre.
Le 20 avril 1792, le décret décidant la guerre contre le roi de Bohème et de Hongrie ne rencontre que sept opposants. Condorcet lance le mot d’ordre : « Paix aux chaumières, guerre aux châteaux ! ». L’armée n’était pas prête à la guerre : les deux tiers des officiers avaient émigré et l’amalgame entre les troupes anciennes et les volontaires se faisait mal. La question du sort de la Pologne et les hésitations du duc de Brunswick, général en chef des troupes austro-prussiennes, allaient sauver la Révolution.
Les Girondins, affaiblis par les débuts désastreux de la guerre, organisent en liaison avec les Jacobins et la municipalité Pétion une marche sur les Tuileries le 20 juin 1792. La misère fournit aux démocrates des troupes combatives armées de la pique, symbole de la force populaire. L’assemblée est envahie par la foule avinée qui investit ensuite les Tuileries. Le roi porte le bonnet rouge et boit un verre de vin mais refuse de retirer son veto aux décrets sur la déportation des réfractaires et la formation d’un camp de fédérés à Paris. La Fayette rentre de l’armée mais la reine est hostile à tout coup de force militaire organisé par le général. Louis XVI avait laissé passer sa dernière chance : il est injurié lors de la fête du 14 juillet. Les fédérés réunis à Paris réclament la suspension du roi. Le manifeste du duc de Brunswick menaçant Paris si on touchait à la famille royale servit de prétexte au coup de force. Le 10 août 1792, les sections menaient l’assaut contre les Tuileries. Le roi, qui s’était réfugié à l’Assemblée, était livré à la Commune insurrectionnelle le 12 et enfermé au Temple. Danton devient l’homme le plus puissant de Paris.
Les Prussiens prennent Verdun qui leur ouvre la route de Paris le 2 septembre. Le même jour commencent les massacres de septembre à l’initiative de la Commune : pendant 4 jours, les prisonniers des prisons parisiennes sont égorgés, faisant de 1000 à 1400 victimes, pour la plus grande part des droits communs. Les élections se déroulent dans cette atmosphère troublée. La Convention est élue au suffrage universel masculin indirect mais l'abstention est massive. Près du tiers des conventionnels avait siégé dans l’une des deux assemblées précédentes. Les Girondins se voulaient légalistes et partisans de la décentralisation. La Montagne, avec Robespierre, Danton et Marat, représentait les Jacobins et les Cordeliers. La majorité se rassemblait au sein du Marais ou Plaine. Le 20 septembre, à Valmy les Prussiens reculent et le lendemain la Convention abolit la royauté. Désormais l’initiative appartient aux Français qui envahissent la Savoie annexée le 27 novembre et les Pays-Bas autrichiens.
Les 16 et 17 janvier, les conventionnels se prononcent sur le sort du roi, la mort obtient juste la majorité absolue. Louis XVI est exécuté sur la place de la Révolution le 21 janvier 1793. L’annexion de la Belgique (2 mars) et divers territoires allemands est précédée d’une déclaration de guerre à l’Angleterre le 1er février. Une coalition européenne se met désormais en place sous l’égide de Pitt. La Convention vote une levée de 300 000 hommes et l’émission de 3 milliards d’assignats (24 février 1793).

La guerre civile et la Terreur

Searchtool-80%.png Article détaillé : Terreur.
La levée en masse est mal accueillie dans l’Ouest et le Midi. La Vendée connaît une insurrection armée en mars 1793 : mouvement populaire spontané qui se transforme en armée catholique et royale en plaçant des nobles à sa tête. La trahison de Dumouriez, qui a vainement tenté de faire marcher son armée sur Paris, renforce dans le même temps le climat de défiance général. Le décret du 6 avril 1793 crée le Comité de salut public à l’initiative des Girondins et de Danton. Il s’inscrit dans un ensemble de mesures d’exceptions contre les ennemis de la Révolution, le Tribunal révolutionnaire voyant son rôle s’accroître. A la conférence d’Anvers, les puissances se proposent de réduire la France à un « néant politique » mais la Russie et la Prusse étaient davantage intéressés à un partage de la Pologne qui présentait moins de risques.
Les Girondins, attachés au libéralisme économique et à la séparation des pouvoirs sont abandonnés par le Marais qui se tournent vers les Montagnards partisans de mesures autoritaires. Maladroitement, les Girondins attaquent Danton ce qui accentue leur isolement. Les Jacobins utilisent la misère ambiante pour dénoncer les « culottes dorées ». Les sections tentent un premier coup de force le 31 mai puis le comité révolutionnaire obtient l’arrestation de 29 députés girondins le 2 juin. Désormais le salut public prime le droit. Ce coup de force provoque une nouvelle révolte en province : l’insurrection fédéraliste touche les grandes villes du sud et près de 60 départements tandis que la Vendée triomphe. Aux frontières, la guerre tourne mal. Barère proclame à la Convention : « la République n’est plus qu’une grande ville assiégée ».
La Constitution du 24 juin 1793 ou de l’an I est soumise à referendum mais les 3/4 des électeurs vont s’abstenir : elle ne devait de toute façon jamais être appliquée. Le 10 octobre, les conventionnels décrètent que « le gouvernement provisoire de la France serait révolutionnaire jusqu’à la paix », officialisant la Terreur. Robespierre déclare : « il faut organiser le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois ». Il entre fin juillet 1793 au Comité de salut public au moment où Danton en sort. Un Comité de sûreté générale est constitué en octobre. La loi des suspects du 17 septembre permet l’essor du tribunal révolutionnaire. La centralisation triomphe : la Convention envie ses membres en mission pour reprendre les départements en main.
La reconquête est féroce : Lyon tombe le 9 octobre et Fouché fait condamner 2000 personnes dont beaucoup sont mitraillés, la guillotine étant trop lente. Toulon est la dernière ville à résister en décembre : sa population tombe de 30.000 à 7000 habitants. La Vendée succombe dans le même temps. La répression est épouvantable. Le général Turreau, qui dirige les colonnes infernales, s’exclame : « la Vendée doit être un cimetière national ». A Nantes, Carrier fait noyer les prisonniers dans la Loire. Un habitant sur huit a sans doute péri dans l’ensemble des 4 départements. A l’extérieur, les armées révolutionnaires sous la conduite de nouveaux généraux, Hoche et Jourdan, utilisent leur supériorité numérique pour balayer les armées de mercenaires. Les coalisés avaient également commis l’erreur de disperser leurs forces.
Les victoires provoquent la division de la Montagne, ensemble hétéroclite unifié par son hostilité à la Gironde. L’accroissement de la misère donne une coloration sociale aux revendications populaires à la grande indignation de Robespierre. Le maximum des prix de toutes les denrées provoque le rationnement. Les hébertistes mènent une violente campagne contre les accapareurs et se montrent de fervents partisans de la déchristianisation qui atteint son apogée à la fin de 1793. Hébert et ses amis sont arrêtés et guillotinés le 24 mars 1794. Desmoulins dans son Vieux Cordelier, soutenu par Danton, mène campagne pour dénoncer les excès de la Terreur. Les Indulgents sont arrêtés à leur tour et exécutés le 5 avril, la tête de Danton tombant la dernière.
A l’étranger, on parle désormais du « gouvernement de Robespierre ». Il domine le Comité de salut public et contrôle la Commune de Paris. Il veut moraliser la Terreur en rappelant les représentants trop zélés (Fouché, Carrier) mais en même temps lui donne une plus grande extension par la loi du 10 juin (22 prairial an II). Le nombre des exécutions s’accélère. Il proteste contre la déchristianisation et fait adopter par la Convention le décret où elle reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Président de la Convention, Robespierre paraît triompher lors de la fête de l’Être suprême (8 juin 1794). Face à l’hostilité grandissante des comités à sa tutelle, il appelle à de nouvelles épurations dans un discours du 8 thermidor mais il refuse de nommer ceux qu’il accuse. La Convention se ressaisit et le fait arrêter avec ses amis le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Il est libéré par la municipalité de Paris mais les forces de la Convention investissent l’hôtel de ville dans la nuit. Les robespierristes sont exécutés le lendemain. La Terreur est terminée.

La république thermidorienne et le Directoire

La réaction est d’abord morale : à la vertu fondée sur la guillotine succède un net relâchement des mœurs, surtout à Paris. La réaction politique est d’une autre ampleur. Sous la pression de la rue, les conventionnels remanient le gouvernement, le pouvoir se dispersant entre 12 comités, et mettent fin à la Terreur en faisant disparaître le Tribunal révolutionnaire. Une « terreur blanche » se développe surtout dans le sud menées par des bandes appelées compagnons de Jésus (plus que de Jéhu) ou du Soleil. Pour raison d’économie, le budget de l’église assermentée est supprimée, ce qui rapproche jureurs et réfractaires mais l’exercice du culte reste soumis à de nombreuses vexations. Des pacifications sont signées avec les chefs vendéens (février 1795) et chouans (avril 1795).
A la fin de l’année 1794, le maximum est supprimé et l’on revient au libéralisme économique. L’assignat n’avait plus aucune valeur et les paysans refusant d’être payer en papier monnaie, la disette touche durement les villes avec un hiver 1794-1795 particulièrement rigoureux. Les ouvriers des faubourgs envahissent le 12 germinal an III (1er avril 1795) puis le 1er prairial (20 mai 1795) la Convention sans autre résultat que l’arrestation des survivants de la Montagne et le désarmement des sections. La mort annoncée du petit dauphin au Temple, le 8 juin 1795, fait du comte de Provence le prétendant au trône. Son intransigeance à vouloir rétablir l’ancienne monarchie désespère les partisans d’une monarchie constitutionnelle.
La Convention accouche enfin d’une nouvelle constitution dite de l’an III, œuvre d’anciens Girondins tel Pierre Daunou et de modérés (Boissy d’Anglas, Thibaudeau). Elle est beaucoup plus longue que les deux précédentes et commence par une Déclaration des droits et des devoirs de l’Homme et du citoyen. Le suffrage censitaire est rétabli car selon Boissy d’Anglas, « nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois. » Ce discours donne l’esprit des Thermidoriens : « un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social, celui où les non propriétaires gouvernent est dans l’état de nature ». Les pouvoirs sont nettement séparés avec deux assemblées formant le corps législatif et un pouvoir exécutif confié à un Directoire de 5 membres, autant de précautions contre la dictature d’un homme comme d’une assemblée unique. Tous les ans, chaque conseil devait être renouvelé partiellement.
Searchtool-80%.png Article détaillé : Constitution du 22 août 1795 ou de l'an III.
Mais la Convention décide que 500 de ses membres assureront la continuité, seuls 250 députés nouveaux seront élus. Ce décret provoque la journée du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) : la dernière insurrection parisienne est pour la première fois un mouvement contre-révolutionnaire. Barras secondé par Bonaparte écrase l’émeute. L’armée apparaît pour la première fois sur la scène politique. Cette même année 1795 des traités étaient signés entre la France victorieuse et quelques-uns de ses adversaires : les Provinces-Unies, la Prusse, la Toscane et l’Espagne.
Aux élections de l’an IV, le tiers laissée à la volonté des électeurs est composée essentiellement de royalistes, signe de l’incontestable impopularité de la Convention. Le trésor étant vide, un emprunt forcé est mis en place. La planche aux assignats est cependant officiellement détruite le 19 février 1796. La bonne monnaie ne réapparaît pas faute de confiance, l’économie de troc se développe. A la fin de l’année 1797, une banqueroute des 2/3 permet d’assainir la dette publique en ruinant les rentiers de l’État. Fin 1798 les quatre principaux impôts sont fixés pour plus d’un siècle : foncière, mobilière, patente et portes et fenêtres.
La vie chère et la misère favorisent un mouvement communiste : la conjuration des égaux à l’initiative de Gracchus Babeuf qui voit dans la Révolution « une guerre entre les riches et les pauvres ». Le temps des insurrections étant passées, les conjurés préparent un coup d’état. Les conjurés sont arrêtés en mai 1796. Les élections de l’an V renforce le poids des royalistes dans les deux conseils qui espèrent restaurer la monarchie en l’emportant lors de la prochaine élection annuelle. Soutenu par l’armée, le directoire fait le coup d’état anti-royaliste du 18 fructidor (4 septembre 1797) : les élections sont cassées dans 49 départements et les principaux chefs du courant réacteur sont déportés sans jugement.
La guerre n’a pas cessé, la Convention ayant fixé la fin de la Révolution et la paix à « l’établissement définitif de la République dans ses limites naturelles » c’est à dire les Pyrénées, les Alpes et le Rhin. L’Angleterre ne pouvait accepter la France installée définitivement en Belgique. L’Autriche reste la principale puissance continentale à combattre la France. Barras nomme Bonaparte à la tête de l’armée d’Italie le 3 mars 1796. Maître de l’Italie du Nord, le général victorieux dicte lui-même les conditions de l’armistice le 7 avril 1797. Il transforme la république de Gênes en république ligurienne et crée la république cisalpine. Par le traité de Campoformio (17 octobre 1797), l’Autriche reconnaît l’annexion de la Belgique, la frontière sur le Rhin et la possession des îles ioniennes. Bonaparte est désormais immensément populaire et peut compter sur le dévouement de son armée.
Après le coup d’état du 18 fructidor, la violence redevient la règle de gouvernement. Le royalisme est pourchassé et la terreur anticléricale renaît. On tente de mettre en place des cultes de substitution : la théophilanthropie et surtout le culte décadaire. Rome étant occupée par les troupes françaises en janvier 1798, le pape Pie VI est déporté en Toscane puis transféré en France en 1799. L’église catholique paraît anéantie. Les élections de l’an VI voit une forte poussée à gauche mais le Directoire impose une révision des résultats pour assurer une majorité favorable au « juste milieu ». C’est un nouveau coup d’État en dépit des apparences plus légales qu’au 18 fructidor. Mais suite aux élections de l’an VII, Sieyès, ennemi avoué de la constitution, entre au Directoire, et les néo-jacobins paraissent l'emporter. Sous prétexte de couper la routes des Indes, Bonaparte, en dépit des réserves du Directoire, organise une expédition en Egypte. La création et la subordination des républiques sœurs à la Grande Nation empêche un accord général avec les puissances européennes. L’Angleterre réussit à constituer une deuxième coalition profitant du mécontentement autrichien et du changement de souverains en Russie et en Prusse. La meilleure armée française étant coincée en Egypte, la reprise de la guerre en mars 1799 tourne mal pour la république. L’Italie est perdue mais la ligne du Rhin résiste et la Suisse sont préservées. 
Cependant le Directoire paraît complètement discrédité et le pays est las des affrontements. Sieyès soucieux de mettre en application ses idées constitutionnelles cherche un sabre pour faire un coup d’État. De retour en France, Bonaparte est acclamé. Le 18 Brumaire (9 novembre 1799), les conseils sont transférés à Saint-Cloud par crainte d’un coup de force tandis que les directeurs démissionnent de gré ou de force. Mais le lendemain, le général est bousculé aux Cinq Cents et la salle est vidée par la troupe. Le dernier mot revient au sabre et Sieyès se voit évincé par Bonaparte. La Révolution est terminée.

Bibliographie

  • 1910, Lord Acton, "Lectures on the French Revolution", London: Macmillan
  • 1978, François Furet, Penser la Révolution française
  • 1987, Florin Aftalion, "L’Économie de la Révolution Française", Paris, Hachette
  • 1988, Colin Lucas, dir., "The French Revolution and the Making of Modern Political Culture", Oxford: Oxford University Press
  • 1990,
    • Florin Aftalion, "The French Revolution - An Economic Explanation", Cambridge, Cambridge University Press and Paris, Éditions de la Maison de l’Homme
    • E. J. Hobsbawm, "Echoes of the Marseillaise: Two Centuries Look Back on the French Revolution", London: Verso
  • 1998, Bruce A. Ackerman, "Au nom du Peuple : Les fondements de la démocratie américaine", Calmann Lévy, Paris
  • Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont Bouquins, 1987
  • François Furet, Mona Ozouf (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Champs Flammarion, 1992
  • Serge Bernstein et Michel Winock (dir.), L'Invention de la démocratie 1789-1914 volume 3 de l' Histoire de la France politique, Points Histoire 2002, 620 p.
  • Jacques de Saint-Victor, Les racines de la liberté, Perrin, 2007, 354 p, ISBN 2262023794
  • 2008,
    • Pierre Chaunu, Jean Tulard, Emmanuel Leroy-Ladurie, Jean Sévillia, "Le livre noir de la Révolution Française", Cerf, ISBN 2204081604
    • David Hart, "FRENCH REVOLUTION", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp191-194

Voir aussi

  • Les constitutions françaises
  • Club des Feuillants
  • Jacobinisme
  • La Fayette
  • Girondins

Liens externes

(fr)Wikipédia



C) Après le concordat de 1801 et la loi de 1905, la France sur la voie d'un 3ème modèle de laïcité ?

Alors que le modèle laïque bonapartiste conserve la dissociation entre confession et citoyenneté, issue de la Révolution, tout en reconnaissant les cultes, la loi de 1905 ne les reconnaît plus du tout. Une approche aujourd'hui chahutée par l'émergence des problématiques liées à l'islam.
 Les premières années du XXIème siècle échapperont-elles à une réforme de la laïcité ? Après 1801 et 1905, les Français connaîtront-ils un troisième modèle laïque ? Car, sur ce sujet, la France semblerait vouloir s’adapter à chaque nouveau siècle.

Premier cadre durable de notre laïcité, même si le terme n’est pas encore forgé : le Concordat de 1801.

Portalis, expert ès cultes, convainc alors Bonaparte que l’Etat moderne ne pourrait être bâti sur le sable mouvant des tensions religieuses nées à l’époque révolutionnaire. Il faut, au préalable, les apaiser. Le texte élaboré et ses articles organiques sont donc conçus comme "un ciment social", après la "brèche" de 1789.

Les premières années du XXIème siècle échapperont-elles à une réforme de la laïcité ? Après 1801 et 1905, les Français connaîtront-ils un troisième modèle laïque ? Car, sur ce sujet, la France semblerait vouloir s’adapter à chaque nouveau siècle.

Premier cadre durable de notre laïcité, même si le terme n’est pas encore forgé : le Concordat de 1801.

Portalis, expert ès cultes, convainc alors Bonaparte que l’Etat moderne ne pourrait être bâti sur le sable mouvant des tensions religieuses nées à l’époque révolutionnaire. Il faut, au préalable, les apaiser. Le texte élaboré et ses articles organiques sont donc conçus comme "un ciment social", après la "brèche" de 1789.  

Le cadre concordataire est certes fidèle aux apports de la période révolutionnaire, et notamment à la dissociation entre la confession et la citoyenneté, car "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses". Il n’en est pas moins novateur : plus de religion d’Etat donc, mais des cultes "reconnus", financés sur fonds publics, l’Etat gardant un contrôle sur les Eglises. Le cadre concordataire, malgré des tensions avec les cultes dits "minoritaires", notamment avec les protestants, traversera sans rompre les divers régimes politiques du XIXème siècle. Il résistera plus de cent ans.

Les premières mesures laïques de la Troisième République bousculent cette logique : "Le cléricalisme, voilà l’ennemi !", lance Gambetta, dès 1877.  Les lois Ferry, relayées par des républicains dont l’anticléricalisme est d’abord une arme électorale, poussent à l’affrontement des deux France, la catholique contre la républicaine. La législation anticongréganiste, dans le contexte enflammé de l’Affaire Dreyfus, aura raison d’un équilibre séculaire qui, à l’orée du nouveau siècle, n’est plus que l’ombre de lui-même. La séparation des Eglises et de l’Etat, notre deuxième modèle laïque, est adoptée à la fin de l’année 1905.   

Conjuguant, également, fidélité et adaptation, ses fondements vont faire la preuve, avec le temps, d’une véritable robustesse et d’une grande souplesse. Ce "pacte laïque" présente une nouveauté indiscutable : la République ne reconnaît plus aucun culte ; de fait, elle ne les salarie plus. Mais, dans le même temps, parce que la Séparation vise la modération pour assurer sa durée, elle s’inscrit dans une forme de fidélité au régime précédent : la République assure la liberté de conscience - cela est conforme aux revendications de tous les républicains, avancés et modérés -, et elle garantit le libre exercice du culte. Si un édifice cultuel restait fermé pour une raison ou une autre, l’Etat serait responsable de son dysfonctionnement. Au nom d’une autre logique que la loi de 1905 emprunte au cadre concordataire : le respect de l’ordre public. Malgré la querelle des Inventaires, l’équilibre laïc est ainsi assuré pour longtemps. A l’image du Concordat de 1801, la Séparation de 1905 s’inscrit comme la solution de pacification à un conflit violent. Aristide Briand, rapporteur du projet de loi à la Chambre des députés, décline avec succès la philosophie laïque qui s’apprête à traverser le siècle : "Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou dans le doute sur leur exacte interprétation, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur."

Pour les décennies à venir, seule la question scolaire pimentera les rapports entre religion et société. Jusqu’à ce que l’Etat redécouvre la nécessité de réagir à la question religieuse, avec les nouvelles problématiques posées à une société se déchristianisant, et avec l’émergence d’un islam mis à l’épreuve de la laïcité : deux lois dites de "prohibition" - celles des 15 mars 2004 et 11 octobre 2010 – dites lois sur "le voile" et sur "la burqa" ; soutien à l’enseignement du fait religieux à l’école ; charte de la laïcité ; promotion de la politique de l’affirmative action. La puissance publique a donc fait le choix d’une intervention, mais qui ne règle pas tout : quid de la formation des imams, de la construction des mosquées, de l’autorisation des carrés confessionnels ? Jusqu’à la récente affaire des "jupes longues" interdites dans certains établissements scolaires.

La France et son deuxième modèle de laïcité seraient-ils au bord du divorce, après un nouveau siècle de vie commune ? Alors que le thème de l’identité nationale revient dans le débat public, ce sera très probablement la grande question du moment électoral de 2017. 

Christophe Bellon est Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université catholique de Lille. Membre correspondant du Centre d’histoire de Sciences Po Paris, il est l'auteur de nombreux travaux sur l’histoire politique et parlementaire du religieux. Son dernier ouvrage paru : La République apaisée. Aristide Briand et les leçons politiques de la laïcité (1902-1919) aux Editions du Cerf, mars 2015, 2 volumes.
Source

D) Concordat de 1801 de Wikiberal

Le Concordat de 1801 ou « Convention entre le gouvernement français et sa Sainteté Pie VII » est le texte qui a régi les relations entre l'Etat et les églises en France jusqu'au vote de la loi de séparation de 1905

Contexte et signature

Les persécutions du Directoire n’ont pas réussi à entraver la renaissance religieuse. Le nouveau régime cesse les persécutions. Pie VI étant mort à Valence, le premier consul rend un hommage somptueux à sa dépouille puis il décide de négocier avec le nouveau pape.
Napoléon Bonaparte était indifférent en matière religieuse, il déclare au Conseil d’État le 16 août 1800 : « Ma politique est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l’être. C’est là, je crois, la manière de reconnaître la souveraineté du peuple. C’est en me faisant catholique que j’ai gagné la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Egypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple juif, je rétablirais le Temple de Salomon. » Pour lui la religion est nécessaire à l’ordre social : « Ce que je vois dans la religion, ce n’est pas le mystère de l’Incarnation, c’est le mystère de l’ordre social. » 
Il voit donc dans la réconciliation avec le catholicisme deux choses :
  • faire triompher la soumission aux lois et l’obéissance aux règles de la morale, condition de l’ordre et de la paix publique
  • détacher les catholiques de la cause royaliste et des émigrés.
« Une société sans religion est semblable à un vaisseau sans boussole. Il n’y a que la religion qui donne à l’État un appui ferme et durable. »
Comme le déclare cyniquement le voltairien Roederer, conseiller d’État, un des inspirateurs de la Constitution de l’an VIII, dans ses Mémoires : « Une société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes et l’inégalité des fortunes ne peut exister sans religion. Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, il lui est impossible d’accéder à cette différence, s’il n’y a une autorité qui lui dise : Dieu le veut ainsi, il faut qu’il y ait des pauvres et des riches, mais ensuite, et pendant l’éternité, le partage se fera autrement. » Or la liberté de culte ne suffit pas car deux clergés s’affrontent : négocier avec le Saint-Siège est inévitable car il faut mettre fin au schisme.
Deux solutions s’offraient à l’Eglise :
  • maintenir la séparation de l’Eglise et de l’État : ce qui assurait la liberté de l’Eglise mais une liberté dans la misère, le clergé ayant été spolié de ses biens par la Révolution.
  • revenir au système de la religion d’État : ce système permettait à l’Église de vivre mais au prix d’une soumission à l’État. Le Pape souhaitait en échange redonner à l’Eglise la place officielle qui avait été la sienne sous l’Ancien Régime. Faire donc un concordat sur le modèle du Concordat de Bologne (1516).
Cela était contradictoire avec la liberté de religion. D’autre part, les motivations du gouvernement sont, on l’a vu purement temporelles et politiques, Pie VII se place sur le plan religieux et spirituel. D’où la lenteur et la difficulté des négociations qui durent une année, en dépit des efforts de l’Espagne pour concilier les deux parties. Le premier négociateur romain, Mgr Spina, archevêque de Corinthe, insistait pour que le catholicisme soit religion d’Etat et pour que les consuls fussent nécessairement catholiques. Talleyrand n’était pas le meilleur choix comme négociateur aux yeux de la Curie : évêque défroqué, il était rendu responsable du schisme de 1790.
Devant la menace d’abandon des pourparlers, le pape envoie un second négociateur, Hercule Consalvi, cardinal et secrétaire d’État. Talleyrand est envoyé en cure soigner ses rhumatismes. Bonaparte désigne alors son frère pour obtenir une signature le 14 juillet, 11 ans après la proclamation de la constitution civile. Le 15 juillet 1801 à minuit, l’accord définitif est conclu entre Joseph Bonaparte, qui se révèle habile négociateur, et le cardinal Consalvi. Le texte porte donc la date du 26 messidor an IX. Ces discussions serrées et violentes ont donné naissance à un texte bref : 17 articles.
Pie VII ratifie très vite le nouveau texte, en dépit des réserves du Sacré Collège, le 15 août et Bonaparte le 8 septembre mais les assemblées françaises ne le ratifient pas avant 1802.

Les principes généraux 

Une reconnaissance réciproque

Le gouvernement français reconnaît que la religion catholique est majoritaire en France et Rome reconnaît que le rétablissement du culte sera un grand bien pour l’Eglise. Le Concordat rejette donc clairement l’idée de religion d’État et admet l’idée d’une pluralité de religions. C’est aussi la reconnaissance de la République par le Pape puisque les deux parties sont situés sur un plan d’égalité : ce que confirme l’art. 16.
Cependant les consuls sont à titre privé catholique (profession particulière) et l’art. 17 prévoit une nouvelle convention si le successeur du Premier consul n’était pas catholique. L’autorité de Rome sur l’Eglise est réaffirmé : religion, catholique, apostolique et romaine.

L’alliance du trône et de l’autel

  • art. 1 : liberté du culte mais sous contrôle de l’État. Or, tous les régimes républicains avaient proclamé la liberté du culte et sous prétexte d’ordre public l’avaient restreinte. D’où la référence à la « tranquillité publique ». Consalvi espérait ainsi que la puissance publique n’interviendrait que dans les cas les plus graves.
  • art. 12 : le gouvernement promet de mettre églises et chapelles à la disposition des ecclésiastiques.
  • art. 6 & 7 : le clergé doit prêter serment d’obéissance et de fidélité au gouvernement. Cela va très loin, jusqu’à la dénonciation des complots. L’Eglise se fait donc l’auxiliaire de la police.
  • art. 8 : le clergé doit prier pour le salut du régime.

La réorganisation du clergé

Faire “table rase” de l’Eglise gallicane

  • art. 3 : invitation aux évêques à se démettre, aussi bien ceux de l’Eglise concordataire que ceux de l’Eglise réfractaire. Mais pour le pape seuls les évêques réfractaires étaient légitimes. Cela voulait dire que la République cesserait de reconnaître les évêques constitutionnels.
La démission de tout un épiscopat est un événement inouï dans l’histoire de l’Eglise catholique. En effet, selon le droit canon, un évêque est inamovible : seule une faute grave peut entraîner une destitution. Bonaparte souhaitait renouveler l’épiscopat français. Cela permettait de supprimer la distinction entre jureurs et non-jureurs, de calmer les esprits, de priver l’émigration de ses évêques. Il existe 59 évêques constitutionnels et 81 évêques réfractaires (ceux-ci sont tous exilés) Le pape avait prévenu par son bref Tam multa : « Plus votre sacrifice sera amer, plus il sera agréable à Dieu » menaçant de destituer ceux qui refuseraient : en fait la résistance est considérable, il n'y aura que 45 démissions volontaires dans le clergé réfractaire.
Deux évêques, suivis par un certain nombre de prêtres, forment une Eglise schismatique d’obédience gallicane et jansénisante  : la Petite Église.

La nomination des évêques

  • art. 4 et 5 : retour à l’Ancien Régime d’où la formule « avant le changement de gouvernement ». Le Premier consul obtient les prérogatives du roi : il nomme les évêques qui sont investis par le pape. Ce que confirme l’art. 16.
En cas de conflit sur le choix de l’évêque ? Le Premier consul peut toujours présenter un autre candidat mais la pratique est celle de l’entente préalable.
  • Bonaparte exigea la nomination d’évêques constitutionnels (qui refusent de rétracter leur engagement constitutionnel), 12 évêques constitutionnels et 16 d’ancien régime côtoient d’anciens vicaires généraux et chanoines dont un seul ancien jureur. Mais tous sont irréprochables sur le plan des moeurs (différence avec l’Ancien Régime). Comme le dit Napoléon, « ils ne vont ni au bordel ni dans les antichambres, mais restent dans leur diocèse. »
  • Le concordat reprend un régime proche de celui du concordat de Bologne (1516). C’est donc une reconnaissance publique de la religion catholique : ici c’est une victoire sur la Révolution.

Un clergé contrôlé par les évêques

  • art. 10 : les évêques nomment les curés mais avec l’accord du gouvernement. Les curés prêtent serment de fidélité devant le préfet. Les prêtres sont donc désormais totalement sous la dépendance de l’évêque (différence avec l’Ancien Régime : plus de patrons, plus de bénéfices). Cependant le gouvernement exige la nomination d’au moins un tiers de jureurs.
  • art. 14 : le gouvernement assure un traitement au clergé. Mais cela ne comprend que les paroisses et non toutes les succursales. Seuls les desservants de paroisses de chef-lieu de canton sont considérés comme des curés. 15 000 F pour un archevêque, 10 000 F pour un évêque, 1000 à 1500 F pour un curé, 500 F pour un simple desservant. A titre de comparaison : un préfet touchait 8000 F et un conseiller d’Etat 25 000 F.
  • art. 11 : restauration des chapitres et des séminaires. Mais les chapitres sont désormais dans la main des évêques (le chapitre c’est moi, déclare Bernier à Orléans en 1802). Le clergé est âgé et la relève se révèle urgente. Les séminaires métropolitains sont à la charge du Trésor et en 1807 des bourses et demi-bourse sont attribués aux séminaristes.

La réorganisation territoriale

Une nouvelle géographie ecclésiastique

  • Les art. 4 & 9 sont modifiés par les articles organiques mais les envoyés du pape s’étaient montré favorables à cette réduction. Aussi le pape valide-t-il le découpage par sa bulle Qui Christi Domine Vices (29 novembre 1801).
  • Les raisons financières sont prépondérantes.
Les articles organiques prévoient : 10 archevêques. Les simples évêchés sont ramenés au nombre de 50. Il y en avait 136 sous l’Ancien Régime. Plus de la moitié des sièges épiscopaux disparaissent (dont Reims !). Les paroisses doivent coïncider avec les cantons (environ 3000) : il n’y a pas suffisamment de prêtres pour fournir un curé par commune. Mais les paroisses peuvent être subdivisés en succursales. En fait la nouvelle carte religieuse se révèle très complexe : le diocèse de Nancy est composé de morceaux de 11 anciens diocèses.
  • Aucune référence n'est faite aux ordres religieux qui avaient été dissous par la Révolution. Le Concordat concerne le clergé séculier et non le clergé régulier.

Le statut des biens ecclésiastiques

  • art. 12 : Les biens non encore aliénés doivent être mis à la disposition de l’Eglise. Mais il ne s’agit que d’un droit d’usage et non d’un retour à l’Eglise. La formulation en tout cas est très imprécise. L’intention de ne pas restituer ces biens peut se déduire des articles suivants.
  • art. 13 : l’Église renonce aux biens nationalisés pendant la Révolution. Le Pape reconnaît donc solennellement la propriété des nouveaux acquéreurs. C’est un sacrifice immense qui n’est que faiblement compensé par le traitement de l’État. Mais Pie VII a placé les intérêts spirituels de l’Eglise au-dessus de ses intérêts temporels.
  • art. 15 : Mais cependant des fondations au profit de l’Eglise pouvaient être effectuées par des particuliers, rendant possible une reconstitution du patrimoine ecclésiastique.

Mise en place du Concordat

  • Le Concordat n’est publié que le 18 avril 1802 : à l’occasion de Pâque, Bonaparte est accueilli à Notre-Dame où les nouveaux évêques prêtent serment. Les élites issus de la Révolution sont très hostiles, notamment dans l’armée : le général Brune s’écrie : « nos épées n’ont triomphé que pour nous replacer dans la servitude religieuse. » Fouché considère le Concordat comme une « erreur politique ».
  • Pour pouvoir faire accepter le Concordat par le corps législatif plutôt hostile qui a pour président un athée, Bonaparte, après avoir fait épurer les chambres, annexe au Concordat des Articles Organiques qui précisent les détails d’application, mais sans que le Pape ait pu donner son accord. Ainsi par exemple interdiction de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil, l'obligation de résidence pour les évêques, l'autorisation de l’État pour la publication de tous les actes du Saint-Siège, etc. Mais aussi, Bonaparte rendait obligatoire l’enseignement de la Déclaration des Quatre articles de 1682 mise au point par Bossuet affirmant les libertés de l’Église de France vis à vis du Pape.
  • Complément au Concordat : sénatus-consulte du 22 fructidor an IX rétablit le repos dominical, fixe la fête national le 15 août (jour de l’Assomption et anniversaire de Napoléon). Le calendrier grégorien redevient officiel le 1er janvier 1806. Le Code civil permet de choisir les prénoms parmi les noms de saints. Le code Pénal de 1810 prend sous sa protection l’exercice du culte catholique.

Importance du Concordat 

Le Concordat met fin à la guerre civile, faisant descendre la paix civile jusqu’aux villages. Il favorisait le ralliement des royalistes, tel Chateaubriand. Aussi le duc d’Enghien écrivait-il de Bonaparte dans une lettre à son grand-père le duc de Condé : « Rien ne lui résiste, pas même Dieu. »
Mais il permet aussi la renaissance de l’Église, une Église unifiée comme elle ne l’a jamais été et soumise au pape. C’est donc une victoire de l’Eglise catholique. Ainsi donc, le Concordat liquide le passé et prépare l’avenir.
D’autre part le régime du Concordat fut appliqué aux protestants : les pasteurs dont l’élection avait été approuvés par le gouvernement, recevaient un traitement : ils devaient prêter le serment de fidélité et prier publiquement pour le régime. Les rabbins en revanche ne recevaient aucun traitement de l’État mais priaient pour le régime.
Ce compromis a suscité des commentaires très divers, voire opposés pour déterminer qui en avait le plus profité, l’Église ou l’État.
Le Concordat s'est révélé durable : il est conservé jusqu’au début du XXe siècle mais il survit toujours aujourd’hui en Alsace-Moselle.

sources

  • Dictionnaire Napoléon, articles Concordat, Episcopat, Cretet, Consalvi, Bernier.
  • Thierry Lentz, Le Grand consulat, Fayard 1999, 627 p.
  • Robert Chabanne, Les Institutions de la France de la fin de l’ancien régime à l’avènement de la IIIe république, Lyon 1977, 416 p.

Voir aussi

  • Révolution française
  • Napoléon Bonaparte
  • Talleyrand

 

La lettre du "roitelet" des Etats généraux Hollandien

 E) Gaspard Koenig : et si la vraie révolution était libérale ?

Selon Gaspard Koenig, l'État moderne doit garantir l'autonomie de l'individu et le libérer du joug des corporatismes. Un essai décapant. 

On ne compte plus les livres censés redonner ses lettres de noblesse au libéralisme en France. En 1997, une ribambelle d'experts avaient montré leurs profondes racines françaises dans un ouvrage collectif dirigé par le seul homme politique libéral qui ait jamais réellement émergé, Alain Madelin*. C'est au tour du philosophe Gaspard Koenig de reprendre le flambeau dans "Le révolutionnaire, l'expert et le geek". L'essai puise dans la philosophie politique et l'histoire française pour démontrer la pertinence du libéralisme face aux nouveaux défis que nous réserve l'avènement d'une utopie numérique (à suivre)

 F) Gaspard Koenig : lettre aux libéraux-conservateurs et aux libertariens

Gaspard Koenig répond aux détracteurs de son dernier ouvrage dans lequel il défend le concept de «jacobinisme libéral».

Depuis la sortie de mon livre, Le révolutionnaire, l'expert et le geek(Plon), mes critiques les plus virulentes proviennent, comme souvent, des «libéraux» revendiqués-conservateurs comme Charles Beigbeder, ou libertariens à l'image de Pierre Chappaz. Je leur réponds ici par politesse mais, je dois l'avouer, avec tristesse. Je n'ai jamais, pour ma part, polémiqué avec aucun membre de cette famille si réduite et dispersée. La réhabilitation, la défense et la promotion des idées libérales est un combat où, faute de choisir ses amis, on devrait au moins les tolérer.

Première précision méthodologique: un livre est un livre, pas une accumulation de chiffres et d'humeurs. Citer des interviews ou même des tweets est étrange. Chacun se fiche bien de savoir ce que «je» pense. Ce qui importe, c'est la logique interne d'un ouvrage, un objet écrit, travaillé, où le style et le rythme comptent au moins autant que les raisonnements; un objet qui, s'il est réussi, devrait largement échapper à son auteur. C'est au livre qu'il faut poser des questions. Pour cela, il est préférable de l'avoir lu.

Deuxième précision méthodologique: un essai est un essai, pas un traité de métaphysique. Les auteurs libéraux, de l'abbé de Condillac à Karl Popper, ont souvent tendance à se méfier des systèmes. De même qu'on ne saurait réduire les individus à des formulaires et les pays à des frontières, les concepts s'accommodent mal des définitions essentialistes et des grilles de lecture figées. Je n'ai pas réponse à tout. Mes convictions ne cessent d'évoluer, en fonction de ce que je vois, de ce que je lis, de ce que je découvre. 

Troisième précision méthodologique: l'absence de détails techniques dans les réformes proposées est délibérée. À partir de la philosophie développée dans mon livre, le think-tank que je dirige, GenerationLibre, s'efforce quant à lui de faire travailler des spécialistes sur des sujets concrets. Réflexion sur les principes d'un côté, et travail sur les chiffres de l'autre. Les deux se répondent sans se confondre.

Que me reprochent les «libéraux-conservateurs»? De réduire la société aux individus, de vouloir créer des déracinés. Reproche familier, depuis Maurice Barrès; reproche mal ajusté, étant donné la masse de textes bien français, d'épisodes de notre histoire bien française, que je convoque incessamment au fil des pages. Ma patrie, c'est la langue française; de ce point de vue, je me sens bien plus patriote que les acculturés qui hurlent après une Terre imaginaire.

Pardonnez-moi de penser qu'un individu assez libre et responsable pour choisir son métier, négocier ses contrats ou lancer son entreprise devrait aussi être capable de décider qui il épouse, quel mode de vie il adopte, quelle religion il embrasse, quel usage il entend faire de son propre corps. Comme l'écrivait de manière simple et forte Ludwig von Mises: “un homme libre doit pouvoir supposer que ses semblables agissent et vivent d'une façon différente de celle qu'il estime être la bonne, et il doit perdre l'habitude d'appeler la police dès que quelque chose ne lui convient pas.” Condamner n'implique pas d'interdire; autoriser ne signifie pas approuver. Mais faire de l'individu et de ses libertés la base de notre cadre légal représente sans doute le seul moyen véritable de dépasser… l'individualisme.  

Que la société construise des valeurs communes est le signe d'une belle vitalité. Que l'État cherche à les imposer par la loi est le symptôme d'une inquiétante fragilité. C'est tout le génie de la modernité, depuis John Locke, d'avoir dissocié la morale de la loi, la sphère privée de la vie de la Cité. L'État ne doit pas dire le Bien, mais protéger les libertés; limite parfois subtile que, dans une démocratie en état de marche, la volonté générale doit définir. Comme l'écrivait Portalis: «Les lois ne peuvent rien sans les mœurs. Mais tout ce qui intéresse les mœurs ne saurait être réglé par les lois.» Combattez autant que vous voulez l'euthanasie, la prostitution ou le cannabis; démontrez par la raison, convainquez par l'exemple; mais ne demandez pas au juge d'imposer ce que vous n'aurez pas réussi à établir.

Si l'on poursuit à l'extrême cette distinction entre ce qui relève du civil et ce qui appartient au politique, il faudra aller jusqu'à dissocier le sentiment d'appartenance des structures administratives. Ne puis-je pas d'autant mieux me sentir enraciné dans un village, une région, que je me passerai de maire ou de conseil régional? N'en avons-nous pas assez, au nom de l'identité, de réclamer des tutelles? Ne peut-on pas, enfin, séparer l'État et la Nation? 

Les «libertariens», quant à eux, rejettent le concept que j'ai emprunté à l'historien Pierre Rosanvallon de «jacobinisme libéral». Ils envisagent en effet leur liberté personnelle dans une relation ouvertement conflictuelle avec l'idée même d'État. Or, à mon sens, une société sans État est tout sauf une société d'individus libres. À commencer par les sociétés primitives, étudiées par exemple par l'ethnologue Pierre Clastres (Guaranis du Brésil, Guayakis du Paraguay…). Ce qui est frappant dans ces sociétés sans chef et sans État, ces sociétés «contre l'État» comme l'écrit Clastres, c'est l'aspect oppressant de la communauté, qui s'exprime via les rites initiatiques, le tatouage (inscription de l'appartenance dans la chair), les règles de vie extrêmement strictes. Clastres reconnaît d'ailleurs que «la propriété essentielle de la société primitive, c'est d'exercer un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la compose, c'est d'interdire l'autonomie de l'un quelconque des sous-ensembles qui la constituent.» À l'inverse, la naissance de l'individu, récente dans l'histoire de l'humanité, est intrinsèquement liée à celle de l'tat de droit. 

Pas besoin, certes, de vivre avec les Guaranis pour constater que l'État peut jouer un rôle libérateur pour l'individu. C'est vrai de manière négative, si l'on s'en tient à la conception classique de la protection des libertés individuelles, de l'établissement des règles de concurrence, du respect de l'égalité des droits, etc. Mais c'est aussi vrai de manière positive: si l'on conçoit l'autonomie individuelle comme «la possibilité d'effectuer ses propres choix», alors l'État est légitime pour garantir cette autonomie, à travers un filet de sécurité (autonomie de subsistance), des politiques d'éducation (autonomie de l'esprit), etc. On est ici en plein dans la tradition française du libéralisme, que Durkheim définissait ainsi: «la vérité, c'est que l'État a été le libérateur de l'individu. C'est l'État qui, à mesure qu'il a pris de la force, a affranchi l'individu des groupes particuliers et locaux qui tendaient à l'absorber, famille, cité, corporation, etc. L'individualisme a marché au même pas que l'étatisme.» 

Aujourd'hui, l'État laisse les individus en déshérence d'un côté, et leur impose ce qu'ils doivent faire et penser de l'autre, en fonction d'objectifs exogènes (la «croissance», la «santé publique», etc). C'est la logique constructiviste du Plan. Il faut la renverser entièrement: que l'État donne aux individus les moyens de leur autonomie, et leur laisse la responsabilité de leurs choix de vie. Cela suppose non pas de supprimer nos systèmes sociaux, mais de les basculer sur l'individu. Les conséquences seraient radicales en termes d'organisation sociale (retraites, sécurité sociale, droit du travail, etc).

Une critique de gauche pour finir, adressée par Jacques Sapir: la destruction des corps intermédiaires laisserait la porte ouverte au totalitarisme. On pourrait dire tout aussi bien que leur multiplication était le modèle du fascisme (d'où la création des ordres professionnels par Vichy). En réalité, il est important de dissocier la question du régime de celle des institutions. Dans une démocratie fonctionnelle, où la volonté générale est adéquatement représentée par le corps législatif (éventuellement via des procédures de démocratie directe), on ne devrait pas craindre un rapport direct avec l'État et l'individu. À l'inverse, les corps intermédiaires ont toute leur place dans la société civile, du moment qu'ils ne s'immiscent pas dans la gouvernance politique. 

Qui peut nier que la France aujourd'hui meurt de ses corps intermédiaires? Que la décentralisation a recréé les féodalités, et que le paritarisme a laissé renaître les guildes et les jurandes? Nous avons besoin d'une nouvelle loi Le Chapelier qui, d'un trait de plume, abolisse les corporations dans l'État. Ainsi la loi reprendrait sa place, comme le souhaitait l'abbé Sieyès, «au centre d'un globe immense», tandis que «tous les citoyens sans exception sont à la meme distance sur la circonférence et n'y occupent que des places égales.» En attaquant à la fois les privilèges politiques et les rentes économiques, les révolutionnaires français avaient voulu éliminer les contraintes qui pesaient sur l'action individuelle. Reprenons leur flambeau.

Je passe sur les critiques capillaires dont j'ai été l'objet, même si, petit-fils de coiffeur, elles m'ont poussé à prendre les mesures nécessaires. J'invite tous ceux que mes propos irritent à prendre le temps de me lire… et de me réfuter.

Par Gaspard Koenig 
 Ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie, Gaspard Koenig est Président du think-tank GenerationLibre. Son dernier livre, «Le révolutionnaire, l'expert et le geek. Combat pour l'autonomie» vient de paraitre aux éditions Plon.

Autre lectures:
  • Peut-on être libéral et conservateur? la réponse de Charles Beigbeder à Gaspard Koenig
  • Gaspard Koenig: «Arrêtons d'emmerder les Français»
  • Natacha Polony-Gaspard Koenig: comment peut-on être libéral?



G) Les classes moyennes rêvent «d’un coup d’Etat citoyen»

Une agence du groupe Publicis a interrogé 190 Français des classes moyennes. «Libération» a eu accès à cette étude qui met en lumière trois «dissonances» majeures.

Mettre des mots sur les maux des classes moyennes. «Leurs mots sur leurs opinions, sur leurs sentiments», précisent Véronique Langlois et Xavier Charpentier. A la tête de FreeThinking, «le laboratoire de tendances et d’études qualicollaboratives» du groupe Publicis, ils s’apprêtent à publier «Dissonances. Quand les classes moyennes parlent de la France d’après le 11 janvier, deux ans avant 2017», une étude qu’ils ont menée durant deux semaines pendant la campagne des départementales, auprès de 190 Français des classes moyennes âgés de 18 à 65 ans (1) – et dont Libération a obtenu la primeur (lire le document ci-dessous). S’appuyant sur les 1 220 contributions récoltées en ligne, Véronique Langlois souligne que s’en dégage «une vision âpre et sans concession de la réalité». Et une grande frustration après un scrutin départemental où les électeurs ont jugé leur choix contraint entre «contenir» le FN ou «punir» le gouvernement.

L’étude de Publicis pointe trois «dissonances» majeures, dont «l’intensité» a surpris ses auteurs. La première :  

«Entre ce que ces Français vivent – une aggravation de la situation de précarité et une France qui continue de glisser dangereusement, d’une façon que certains jugent désormais irréversible – et le discours ambiant autour de la reprise économique qui serait là mais qu’ils ne ressentent pas.» Autre fossé : «Entre la gravité des citoyens et le manque de sérieux des élites, avec un débat politique sans projets et concentré sur quelques personnalités dans la perspective de 2017»

regrettent-ils selon Véronique Langlois. Elle évoque aussi le 

«sentiment d’un déni de démocratie chez des Français qui considèrent que les élus ne remplissent pas le mandat pour lequel ils ont été élus et, même, qu’ils sont carrément des obstacles aux changements urgents que la situation exige».

«Double fragmentation»

Cocktail a priori détonnant quand ces mêmes Français des classes moyennes s’inquiètent d’une «double fragmentation de la société, note Publicis, avec une France assistée contre une France qui se bat et une France communautarisée face à une France universelle». Mais «là où on a vu une dissonance plutôt positive, précise Xavier Charpentier, c’est dans la façon qu’ont ces Français d’envisager l’avenir ensemble, de réaffirmer que nous sommes une nation où l’unité dépasse les risques de tensions communautaires». Et Véronique Langlois d’ajouter : «Mais ils disent qu’à un moment donné, il faut un projet qui rassemble les Français au-delà du religieux et du politique.» Et ils n’en voient pas la couleur.
Troisième décalage identifié : 

«Ces Français ont cru que la manifestation du 11 janvier pouvait, allait changer les choses, marquer un sursaut, leur donner l’occasion de se rassembler derrière un leadership, mais ils n’ont rien vu arriver et, pour la première fois aussi clairement sur notre plateforme, expriment le rêve d’un coup d’Etat citoyen et républicain», met en garde Véronique Langlois. «Les Français que nous avons interrogés ont bien sûr été très marqués, très ébranlés par les événements du mois de janvier et la manifestation du 11 a eu sur eux un effet très notable, poursuit Xavier Charpentier. Mais aujourd’hui, cette France moyenne considère que si elle a fait sa part du travail en descendant massivement dans la rue, la classe politique, la classe dirigeante, n’en a, elle, rien fait de concret.»

(1) Revenu foyer net mensuel de 1 800 à 2 400 euros pour une personne seule et de 2 400 à 5 000 euros pour un couple. 20% de 18-25 ans, 85% d’actifs (73% du privé, 27% du public), 5% de retraités et 10% d’étudiants.


«Dissonances. Quand les classes moyennes parlent de la France d’après le 11 janvier, 2 ans avant 2017» publié par Liberation.fr

Jonathan BOUCHET-PETERSEN



Genestine à 18:54
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