L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Note
Ce passage est
extrait de la deuxième partie de l'exposé d'Anthony de Jasay sur le
libéralisme. Cette partie s'occupe du "libéralisme strict"
(strict liberalism), opposé au "libéralisme vague" (loose
liberalism) analysé dans la première partie et qui est, lui, orienté
vers des buts précis, en particulier celui de maximiser la liberté
en définissant de nombreux droits, sans vraiment saisir la
contrepartie : les nombreuses obligations.
Il est une propriété
du raisonnement déductif dont peu de gens sont conscients : lorsque nous
énonçons un système d'axiomes (de propositions qu'il
faut considérer comme acceptées), nous ne pouvons pas, en règle
générale, prédire toutes les conséquences qui en résulteront au cours du
temps [1]. Les principes fondamentaux énoncés dans ce chapitre ont été sélectionnés en espérant que l'exploration de leur contenu latent
dévoilera petit à petit les contours théoriques d'une ordre politique qui sera "strictement libéral".
Cet ordre est voulu libéral,
un terme que j'interprête de façon minimale comme : présentant le moins
d'obstacles aux hommes et aux femmes
qui veulent atteindre, avec les moyens disponibles, les fins qu'ils
ont choisi pour eux-mêmes. Un ordre libéral n'est pas conçu pour
augmenter, transformer ou redistribuer les moyens, ni pour
promouvoir la conquête maximale de certaines fins spécifiées, que ce
soit "la liberté" ou tout autre but désirable. Cet ordre est voulu strict,
n'offrant que peu de possibilités
d'interprétation discrétionnaire ; il doit fournir des conseils non
ambigus, non seulement à propos de ce que l'Etat peut ou ne peut pas
faire aux individus sans leur consentement, mais aussi de
manière plus cruciale à propos de ce sur quoi ils sont supposés ou
non avoir consenti. Libéral et strict, cet ordre cherche à extraire la
politique du champ de la coexistence sociale autant
qu'elle se laissera enlever - un objectif peut-être un peu
énigmatique, dont le sens deviendra progressivement plus clair au fur et
à mesure de la discussion.
La théorie, si elle
était totalement développée et soumise au test du temps, pourrait ne pas
tourner comme prévu. Pour le moins, cependant, ses
fondations doivent être posées de telle manière qu'il soit aussi
difficile que possible à la structure éventuelle de revenir au
libéralisme vague. Il doit être difficile à la théorie de fournir,
même caché entre les lignes, un mandat implicite au gouvernement
pour "faire le bien" à chaque fois que cela est considéré possible. Et
elle ne doit pas finir par justifier l'imposition de choix
politiques sous le motif que les avantages qui en résulteraient pour
certains auraient plus de poids que les revers subis par les autres.
Travailler à partir
des résultats attendus pour retourner aux principes fondamentaux qui
devraient les produire n'est possible, et
intellectuellement honnête, que jusqu'à un certain point. Les
principes choisis ne doivent pas être argumentés. Ils doivent être
auto-évidents ; si ce n'est pas le cas, les hommes raisonnables
doivent les considérer comme indiscutables ; si ce n'est pas non
plus le cas, ils doivent au moins faire grandement appel à l'intuition.
En outre, ils ne doivent pas être redondants et doivent
être suffisants, ce qui veut dire que, pris ensemble, ils doivent
décrire de façon adéquate les contours de base d'un système politique
sans affirmations superflues.
Enfin - et c'est
l'exigence la plus évidente mais une exigence plutôt délicate - ils ne
doivent pas permettre des déductions mutuellement
contradictoires. Pour prendre un exemple classique, un système de
principes politiques fondamentaux qui, une fois que ses implications
sont étudiées, se trouve demander à la fois une
allocation des ressources par les décisions décentralisées de ceux-là mêmes qui possèdent ces ressources (afin de permettre l'efficacité du marché libre), et leur distribution
par un choix collectif (pour assurer la justice sociale),
présente une auto-contradiction interne. Un tel système ne peut pas
fournir de conseils ; ses indéterminations et ses ambiguïtés
doivent être surmontées par la discrétion d'un jugement et
l'utilisation du pouvoir politique. Les résultats sembleront bons à
certains et mauvais à d'autres, mais on aurait pu les atteindre plus
directement, sans suivre le chemin douteux et confus de la théorie
politique hybride en question, et la société ne serait pas en plus
mauvaise position si une telle théorie n'avait jamais été
proposée.
Pour toutes ces
raisons, en plus de n'être que partiellement renseignés sur les
résultats stricts et cohérents que nous voulons en tirer, le choix
des principes est désespérément limité par la rareté des candidats
potentiels. Rien de tout cela n'excuse les défauts du résultat, tel
qu'il est.
Je propose d'utiliser six "pierres de fondation" - trois axiomes de choix, troix préceptes de coexistence sociale :
(1) Les individus peuvent, et seuls eux peuvent, choisir (axiome de l'individualisme).
(2) Les individus peuvent choisir pour eux-mêmes, pour d'autres ou pour les deux (axiome de la politique).
(3) Le but de choisir est de prendre le terme préféré d'une alternative (axiome de la non-domination).
(4) Les promesses doivent être tenue (précepte du contrat).
(5) Premier arrivé, premier servi (précepte de la priorité).
(6) Toute propriété est privée (précepte de l'exclusion).
(2) Les individus peuvent choisir pour eux-mêmes, pour d'autres ou pour les deux (axiome de la politique).
(3) Le but de choisir est de prendre le terme préféré d'une alternative (axiome de la non-domination).
(4) Les promesses doivent être tenue (précepte du contrat).
(5) Premier arrivé, premier servi (précepte de la priorité).
(6) Toute propriété est privée (précepte de l'exclusion).
Même si nous ne
pouvons pas prévoir totalement les conséquences de ces principes et
affirmer catégoriquement ce qu'ils impliquent, nous essaieront
au moins, dans la suite de ce chapitre, d'explorer leur
signification la plus apparente. [..., suite dans le livre de De Jasay]
Note
[1]. Ce point a été porté à mon
attention par Gerard Radnitzky, le philosophe allemand (cf. W.W. Bartley
III, Unfathomed Knowledge, Unmeasured Wealth, La Salle,
Ind. : Open Court, 1990, pp. 34-39).
par Anthony de Jasay
traduit par Hervé de Quengo
A la recherche des fondations du libéralisme strict
extrait de Choice, Contract, Consent : A Restatement of Liberalism (1991)
publié par The Institute of Economic Affairs;
Anthony de Jasay
De Wikiberal:
Anthony de Jasay, né à Aba, Hongrie, en 1925, est un économiste anglo-hongrois vivant en France. C'est un représentant contemporain de l'école autrichienne et de l'école du Choix Public.
Bien que sa formation initiale soit
en tant qu'économiste, ses écrits portent également intérêt à la
philosophie politique, s'appuyant sur ces deux axes il est un
des plus grands philosophes libéraux.
Auteur de L'État, (en)The State,
le thème essentiel concerne la manière dont l'État et la société
interagissent. Il se questionne
sur la nature intrinsèque du pouvoir politique et sur les
différentes visions instrumentales de l'État. Il évoque notamment
l'obéissance politique provoquée par l'État à travers le recours à la
vieille triade de la répression, la légitimité et le consentement
d'une infime fraction de la société qui fini par réprimer le reste de la
société.
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