L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
La société libre
La société actuelle
Mon objectif aujourd’hui est de vous parler de la société
libre, d’une société où tout repose d’abord sur la liberté de tous et de
chacun. On verra que c’est quelque chose de très simple, la liberté est
toujours simple, mais il semble que beaucoup aient besoin de l’entendre, de la
voir expliquée pour mieux en matérialiser les concepts. Je vais donc tenter l’exercice.
On pourrait aborder le sujet directement, mais on pourrait
perdre je pense beaucoup des motivations et des principes qui nous importent.
Je propose donc plutôt de commencer par une rapide analyse de la société
actuelle, forcément très partielle sinon partiale, mais destinée à la fois à
ouvrir les yeux sur notre esclavage et à marteler les principes qui viennent
fonder la liberté. Comme certains principes de la société moderne sont
coriaces, je passerai ensuite un peu de temps à dénoncer l’illusion
démocratique moderne, ce qui risque d’en choquer plus d’un. Nous pourrons alors
parler de la société libre, mais pas juste en affirmant de vagues concepts
arbitraires, non. On essaiera plutôt de montrer que l’espace idéal
pour la liberté, ses fondamentaux juridiques, nous conduisent à certaines
certitudes inéluctables quant à son organisation. La liberté ce n'est pas le chaos. Enfin, et pour préparer un
éventuel débat, je propose de poser quelques réflexions relatives au chemin à
suivre pour nous voir un jour vivre en Libertalie.
Comme point de départ de ma critique de la société actuelle,
je prendrai une tarte à la crème socio-politique, à savoir le chômage. On peut
difficilement faire plus lancinant comme sujet dans l’actualité de ces quarante
dernières années. C’est bien sûr en premier lieu un sujet économique. Mais dont
la solution est connue depuis la nuit des temps à l’échelle de la science
économique : le chômage est un effet d’un coût du travail maintenu
arbitrairement plus élevé que le libre marché le déciderait, ce qui conduit à
une réticence des acteurs économiques à embaucher des ressources rendues insuffisamment
productives. Voilà toute l’histoire sous l’angle théorique. Toutes les
expériences en la matière, telle thatchérienne, ont confirmé ce que la logique
et le bon sens indiquent.
Ce qui est intéressant avec le chômage, c’est le simple fait
qu’il existe et qu’il perdure. Car si la solution est connue et est si simple, comment
se peut-il que le problème ait pu apparaître et surtout ne soit pas encore
réglé ? Certains avanceront que la théorie économique n’est pas si
tranchée, que cette analyse simple est en fait simpliste et que le chômage est
un phénomène en réalité bien plus complexe économiquement. Et ils avanceront d’autres
théories, le plus souvent interventionnistes car dans tous les cas il ne peut y
avoir que deux points de vue, soit pour le laissez-faire, soit
interventionniste. Mais s’ils ont raison, comment expliquent-ils que le chômage
n’existe que concomitamment à ces mêmes théories interventionnistes ? Et
comment expliquent-ils leurs quarante ans d’échec ?
En fait, ce débat sur la théorie économique est un rideau de
fumée. Les politiciens sont tout sauf des idiots et si jamais ils ne se sont
réellement attaqués au chômage jusqu’à vraiment en faire un concept du passé, c’est
qu’ils n’y ont aucun intérêt politique. Oh bien sûr, le chômage est en tête des
programmes politiques de tous bords depuis des décennies. Mais il n’est jamais
au mieux que raboté, étouffé, calmé. Jamais supprimé. Jamais vous n’entendez
dire que le SMIC est une cause profonde du chômage et qu’il est donc désormais
supprimé, puisque la lutte contre le chômage le justifie. Je pense qu’il y a à
cela deux explications en rapport avec notre liberté.
La première touche la théorie économique. On l’a vu, si ces
théories sont nombreuses, elles ne peuvent être que de deux types :
interventionnistes ou pas. Or comment imaginer que le politicien, dont l’existence
même, la survie repose sur la croyance qu’il peut agir sur notre bonheur, que
ce politicien adopte un discours ou une théorie qui reposerait sur l’idée que
toute intervention politique dans l’économie ne peut être que néfaste ou
nuisible ? On comprend aisément pourquoi toutes ces théories fleurissent
et prospèrent : parce qu’elles ne servent qu’à une chose : entretenir
la croyance envers le pouvoir politique et en sa capacité à nous garantir notre
bien-être.
Mais je crains que la raison principale au chômage soit bien
pire, bien plus sordide. Le chômeur est en état de dépendance. Pas tous certes
et heureusement. Mais le chômeur de longue durée est forcément dans cette
configuration, sinon il s’en sortirait tout seul. Il a besoin de ses
allocations, de l’aide de Pôle Emploi et de tous les avantages sociaux
afférents à ce statut. Il devient dès lors un client politique, un manant qui
vit de l’aumône sociale. Un esclave moderne donc. Et un esclave mendiant, en
plus. Ces clients-là sont précieux pour le pouvoir, à une époque de fort
abstentionnisme, ils forment un réservoir de votants hautement appréciable de nos
vampires élus.
Un autre thème très proche dans le dogme socialiste, un
thème de la famille de la justice sociale, et lui aussi lancinant et
rampant
depuis des décennies dans les abysses de déficits dignes de trous noirs,
c’est bien
sûr celui de la soi-disant sécurité sociale. Evidemment, la Sécu est un
autre
de ces emblèmes de notre social-démocratie qui repose sur une conception
marxiste de la société. Le célèbre Laurent C. qui sur Contrepoints
raconte son épopée obstinée et courageuse face à l’institution le dit
très bien, le credo de la Sécu n’est rien de moins
que : « chacun reçoit en fonction de
ses besoins et paie en fonction de ses moyens ».
Pourquoi cela n’est
pas libéral ? Justement parce qu’il y a dans ce principe un déséquilibre
dans les flux qui est profondément immoral. Le moteur humain que
constitue l’envie,
qui par ailleurs est la source de nos initiatives et de toute l’histoire
du
progrès, fait que chacun a des besoins infinis. Et la vie consiste
justement à chacun les arbitrer selon ses propres moyens, ce que
l’économiste appelle « agir ».
Rompre le lien de responsabilité individuelle entre besoins et moyens,
comme
veut le faire la Sécu pour nous protéger par sa bienveillance collective
de
façade, c’est démonter l’agir humain, c’est contester la vie de chacun
au
profit d’une collectivité qui décide à notre place mais jamais à notre
profit à
tous et surtout à chacun.
Mais ce que l’expérience de Laurent C. nous apprend est pire
que ces considérations d’ordre économique. Tout le projet de Laurent
repose sur
sa certitude de réussir à quitter la Sécu parce que son monopole est
aboli et
même reconnu illégal par l’Europe depuis de nombreuses années. Pourtant
le
cancer bureaucratique français résiste, chaque pince du crabe tente de
le
retenir au sein des filets du monstre. Chacune des institutions de la
Sécu nie notre liberté de choix d’assurance santé. Pourquoi donc ?
On peut imaginer trois raisons essentielles, forcément
relativement irrationnelles, puisque la rationalité n’a plus lieu d’être dans
cette histoire. En premier lieu, l’immense déficit joue. Bien évidemment, ceux
qui cherchent à fuir ne sont pas ceux qui profitent du système, ce sont donc
les cotisants qui veulent quitter le Titanic. Mais si l’information se
transmet, si de plus en plus de cotisants quittent le navire, qui va payer pour
les autres ? Comment le déficit peut-il faire autrement que plonger ?
On retrouve ensuite les deux arguments évoqués pour le chômage, sans surprise. Reconnaître
la fausseté du principe de base de la redistribution sociale, fût-elle relative
à la santé, ce serait reconnaître la nocivité de l’interventionnisme redistributif
étatique. Et bien sûr le clientélisme électoral venant des bénéficiaires joue
de même à plein.
Un fait divers récent me servira à illustrer l’écart de
liberté que nous subissons entre l’argument théorique de la solidarité et sa
manifestation spontanée et réelle. Une « Mamie Loto » a pendant des
années organisé des lotos entre clubs de personnes âgées, pour notamment
collecter des fonds pour des œuvres caritatives diverses, dont notre cher
Téléthon. Voilà donc une bien brave femme. Mais il lui est hélas sorti de la
tête, à elle et à ses collègues manifestement, que nous sommes en France. Or en
France, les jeux d’argent sont un monopole d’état. Pourtant, je ne sais pas chez
vous, mais chez moi il en fleurit un peu partout. On est donc loin du monopole.
Où est donc le hic ? C’est que le monopole, ça permet
des arrangements. Tant que vous créez une association qui collecte les gains et
surtout qui paye un impôt colossal dessus, le monstre froid ferme les yeux, il
se contente de la seule chose qui compte vraiment, le fric. Mais notre Mamie a
cru pouvoir passer au-dessus de cela sous prétexte sincère d’action de
solidarité. Ne sommes-nous pas en Socialie ? Pour sûr, tous ces braves
socialistes approuveront son action. Or, pour bien rappeler ses règles et son
pouvoir, le monstre a préféré mettre une nonagénaire aux fers plutôt que de fermer
les yeux et prendre le risque d’une dangereuse jurisprudence. Vive le fisc.
Ces aspects sociaux sont assez bien connus des libéraux
comme étant des domaines où notre liberté est bafouée, même si tous ne mesurent
pas toujours jusqu’à quel point. Mais il y a bien d’autres domaines de la vie
courante où c’est le cas, je dirais même que rares sont les domaines où ce n’est
pas le cas. Ainsi la circulation routière. Une des caractéristiques d’une
société libre, c’est sa diversité, reflet de la diversité humaine. On nous
bassine de nos jours pour imposer la diversité sociale, mais à y bien regarder,
cela n’est qu’un oxymore de plus, la diversité étant une réalité et non un
produit de lex, dura lex. Or sur les
routes, que constate-t-on ? Un seul code de la route pour tous. Il y a des
rapides ou des lents ? Un seul code. Il y a des voitures sûres ou des
épaves ? Un seul code. Il y a des urgences et des vacances ? Un seul code.
Déjà, à bien y réfléchir, on pourrait se demander pourquoi
le code ne se limite pas juste à la règle de la conduite à droite et à celle de
la priorité à droite ou à gauche aux ronds-points. Cela suffit pourtant et cela
a été le seul jeu de règles pendant des siècles. On m’opposera l’augmentation
du trafic, celle de la vitesse et tout ce qui va dans le sens d’un plus grand
risque sur la route. Mais une telle réflexion commet deux erreurs d’analyse. La
première manque de réalisme. S’il y a tant d’accidents, c’est en grande partie
de la faute de la conception du réseau routier, bien plus que des chauffards
supposés.
Vous ne me croyez pas ? Regardez les autoroutes. Je ne
suis pas spécialement favorable à ces voies, mais force est de constater qu’elles
sont bien plus sûres. Pourquoi ? Parce la conduite y est bien plus
homogène, et cela par conception. Imaginez qu’il y ait des routes pour vacanciers sans
besoin de vitesse et des routes pour commerciaux
pressés sans limite de vitesse. Vous croyez que cette dernière serait plus
dangereuse ? Seconde erreur, le
manque de confiance. Le socialiste n’a pas confiance en son prochain et va
chercher auprès de l’état et de ses règles la réponse à la peur qu’il a de l’autre.
Le libéral sait que l’autre n’a en général rien contre lui et ne cherche pas
particulièrement à le tuer et n’a recours à la justice que pour sanctionner les
rares malveillants. Pourquoi en irait-il autrement sur la route ?
Regardez les gendarmes qui nous guettent de leurs radars. Que disent-ils ? Ils cherchent à forcer les contrevenants à rentrer dans le rang, ce qui est bien l’indice d’une volonté tout sauf réaliste et diversifiée. On ne s’intéresse pas au conducteur dangereux, mais au conducteur qui ne se conduit pas comme on l’exige, puis on l’éconduit, sans chercher plus loin. Belle preuve de la contradiction socialiste.
Regardez les gendarmes qui nous guettent de leurs radars. Que disent-ils ? Ils cherchent à forcer les contrevenants à rentrer dans le rang, ce qui est bien l’indice d’une volonté tout sauf réaliste et diversifiée. On ne s’intéresse pas au conducteur dangereux, mais au conducteur qui ne se conduit pas comme on l’exige, puis on l’éconduit, sans chercher plus loin. Belle preuve de la contradiction socialiste.
Avec le code de la route unificateur, tout le monde en fait se
trouve incapable de rouler selon ses propres capacités et se trouve en
situation plus dangereuse non pas dans l’absolu, mais par rapport à ceux qui
partagent la route avec lui et qui ne le devraient pas. Alors on nous explique
que la vitesse doit être réduite, toujours plus bas, sans que les raisons
profondes soient touchées du doigt et donc les résultats sont à la hauteur. Regardez
les routes des pays exotiques, la conclusion vient d’elle-même.
Le domaine de l’énergie est un autre sanctuaire de notre
liberté bafouée. Je n’irai pas sur le terrain béatement écologiste, car je
pense que les écologistes se trompent le plus souvent dans leur analyse
marxiste des problèmes. Considérons les barrages hydroélectriques, Sirvens a
fait les manchettes récemment. Personne n’est dans le sujet, hélas. Car tout
cela n’est que l’expression d’un total manquement aux règles les plus basiques
de respect des droits de propriété privée. Si la propriété avait été respectée,
rien de tout ce micmac ne se serait produit. Voyons pourquoi.
Imaginez une vallée quelconque, où la géologie et la
configuration pourraient permettre d’envisager un barrage de production
électrique rentable. De deux choses l’une : soit une entreprise se
constitue pour mener un tel projet à bien, soit personne n’arrive à réunir les
capitaux et dans ce cas la question est réglée : personne ne croit en ce
projet, donc il ne se fera pas. Ce premier point est important. L’état n’a pas
plus que quiconque la capacité à savoir si un projet vaut le coup – et le coût –
ou pas. L’état n’a donc pas la légitimité à nous imposer ses projets,
fussent-ils pour un intérêt général immatériel. Électrifier la France n’est pas
une raison valable pour exproprier des vallées entières. La seule manière de
concrétiser la pertinence d’un projet c’est de s’y jeter à l’eau – si on peut
dire pour un barrage – pour espérer en tirer profit. Donc un barrage ne peut être
espéré – j’insiste sur espéré – utile que si des capitaux privés suffisants le
financent, avec bien sûr l’espoir de revenus supérieurs en retour.
Mais ce n’est pas suffisant pour que le barrage voie le jour.
Il faut de plus que l’entreprise ainsi créée achète les terrains qui seront
noyés. Elle est pour cela obligée de convaincre chaque propriétaire. Et si un
seul refuse, le projet tombe… à l’eau. On voit déjà ici combien il est facile
de faire de grands projets pour l’état. Il ne s’embarrasse pas de telles
considérations. Il exproprie les récalcitrants et voilà tout, au moins, en bons
pragmatiques, on avance. Mais on marche sans aucun scrupule sur le citoyen et
de ce fait on investit dans des projets – pardon, on dilapide des sommes – qui
ne respectent pas l’intérêt de toutes les parties prenantes.
A ce stade, notre entreprise a obtenu les terrains, dispose des
fonds pour construire la retenue et s’apprête à noyer la vallée. Mais ce n’est
pourtant pas tout à fait fini. Car si vous habitiez en aval, que feriez-vous
probablement ? Vous ne manqueriez pas de rencontrer les responsables du
projet pour leur exprimer deux risques que le barrage fera peser sur vos biens.
Si vous êtes agriculteur, ou pisciculteur, ou tanneur, vous avez besoin de l’eau
qui passe chez vous. Et tout habitant a de plus besoin d’être rassuré quant au
caractère improbable ou du moins assuré d’une rupture de la retenue et donc d’une
inondation dévastatrice. Ces sujets ne sont tout simplement pas traités dans
notre pays. Dans un pays de liberté, il serait impensable que l’entreprise du
barrage n’établisse pas un contrat avec l’aval pour régler ces questions.
Ainsi, l’affaire Sirvens n’existerait pas. Pas de projet
inutile. Pas de contestation légitime laissée sans résolution. Notez que je dis
bien « contestation légitime ». Les Verts et autres râleurs ne sont pas tous porteurs
de contestation légitime, du moins aucun de ceux qui n’est pas propriétaire des
terres touchées. Dans un état de droit, personne ne peut faire agir ledit état contre
ce que je décide chez moi tant que cela ne touche pas sa propre propriété.
Notons pour finir que cette histoire pourrait être déclinée de la même manière
pour ce qui touche au nucléaire, aux gaz de schiste, aux autoroutes et bien d’autres grands
projets dits d’intérêt public mais présentant des risques majeurs.
L’illusion démocratique moderne
Je poursuis le post précédent sur la société libre pour
aborder cette fois l’illusion démocratique moderne, comme second éclairage,
plus institutionnel, sur l’absence de liberté fondamentale alors même que les
institutions sont supposées la garantir. Nous allons voir qu’il en relève de
tout l’inverse : ce sont les institutions qui sont la cause profonde de
notre esclavage, et la liberté ne sera réelle qu’une fois qu’elles auront
disparu.
Prenons divers angles de vue sur nos institutions, soit des
structures, soit des principes, soit des concepts supposés essentiels. Je
commencerai pour matérialiser une première difficulté, par le concept de
nation, central à tant de nos textes. C’est un sujet où je me suis déjà
longuement exprimé (Contrepoints, Libres !, ce blog) et je serai donc court,
renvoyant si besoin à ces articles.
La nation, cela n’existe pas, du moins pas d’une manière qui
permette d’en faire l’objet juridique que tant de nos textes supposent. Un objet
juridique peut être actif ou passif. Passif, il peut être un crime ou un délit
par exemple, ou une peine : ce sont des concepts qui n’agissent pas.
Actif, tel le criminel bien sûr, ou l’assassin, mais pas la victime, qui subit,
il est donc acteur et c’est parce qu’il est acteur qu’il peut être responsable
et donc innocent ou coupable. Mais la nation est-elle un acteur ? Un
homme, un individu peut être un acteur, donc « objet juridique ».
Mais la nation n’agit pas en tant que telle, seuls ses membres agissent.
Et peut-on agir en son nom ?Elle n’agit pas parce qu’avant tout elle
n’est pas définie. Et si elle n’est définie, comment agir en son nom ?
Car qu’est-ce que la nation ?
L’ensemble des Français en vie ? Soit, mais il y a des Français qui
ont acquis la nationalité sans jamais vivre en France. Voire certains qui la
renie. Alors, l’ensemble des Français de France ? Mais alors quid ce ceux
qui vivent et votent à l’étranger ? Ceux qui se sentent Français ou
qui y aspirent ? Pas pour moi donc. Ou enfin ceux qui soutiennent l’action
du gouvernement ? Mais dans ce cas, beaucoup de libéraux – par exemple –
ont peu de chance de faire partie de cette nation-là.
Bref on le voit, aucune définition ne convient à définir ce
concept très vague. Du moins, les définitions ne permettent pas de caractériser
la nation comme un acteur clair et responsable. Dès lors, toutes les décisions
prises au nom de la nation tombent, vides de sens. Et la nation ne peut pas
être ce au nom de quoi la république ou les politiques ou les bureaucrates
agissent et prennent des décisions.
Indépendamment de ce concept vague qu’elle doit pourtant
servir, les théoriciens de la démocratie nous avancent que la séparation des
pouvoirs est un de ses piliers, un des piliers qui seuls peuvent assurer cet
équilibre nécessaire entre état et citoyens. Ainsi, le législatif, le judiciaire
et l’exécutif, pouvoirs à la fois nécessaires et séparés, indépendants,
seraient la clé de notre contrôle sur Léviathan. Mais j’aimerais qu’on me cite un
seul des grands pays démocratiques où cette alchimie fonctionne comme la
théorie le prévoit.
Juste un indice, pour montrer les limites et mettre sur la
voie : au fameux G20, machin informel où les grands pays sont censés se
retrouver, avez-vous déjà vu par exemple la France représentée par le président
de la République accompagné du président de l’Assemblée nationale et de celui
du Conseil constitutionnel ? Non bien sûr. C’est assez facile à expliquer,
en prenant le cas de la France, mais la même analyse peut être faite pour les
Etats-Unis et tous les autres.
En fait ces trois pouvoirs peuvent être séparés
intellectuellement sur le papier lorsqu’une constitution est établie, mais ils
ne peuvent pas demeurer indépendants, de par leur nature même. Le problème
commence avec le pouvoir législatif. A partir du moment où on imagine qu’il y a
besoin de lois nouvelles, des lois nouvelles voient le jour. Y compris des lois
qui concernent les autres pouvoirs. Et c’est ainsi qu’on voit peu à peu fleurir
des textes qui érodent l’équilibre constitutionnel. Par exemple et parmi bien d’autres
en France, la loi de 1955 instituant le concept d’état d’urgence.
Ce concept, par exemple, est totalement anticonstitutionnel.
Il n’empêche, il a été validé et il permet de rompre la séparation lors de
circonstances volontairement mal définies. Pourquoi ? Parce que le Conseil
constitutionnel n’a pas intérêt à invalider ce concept. Son budget ne vient pas de ses propres impôts,
mais de ceux collectés par le pouvoir exécutif, pour un montant voté par le
législatif. Qui tient donc les rênes ? Celui qui tient l’argent des impôts.
Voilà la faille.
On assiste donc à une érosion lente mais réelle de la
constitutionnalité en faveur du pouvoir exécutif grâce au législatif et
toujours au détriment du judiciaire. Ce dernier est sevré de budgets et
donc de
moyens, pour ne jamais être un risque pour les deux autres. Le
législatif est à
la botte de l’exécutif qui tient la bourse et lui donne ses ordres. Le
législatif perdure pour faire croire à un semblant de séparation et
légitimise ainsi les abus de l’exécutif.
C’est ainsi
que notre régime est devenu super-présidentiel, mais guère plus que celui d’Obama
ou que celui de toutes les autres démocraties. Au point que plus personne ne
songe à rétablir la séparation des pouvoirs. Plus personne n’en parle, même. On a oublié ce concept. Et donc in fine, les élus et bureaucrates font en gros ce qu’ils veulent,
sur notre dos, tout en se drapant de grands principes.
Plus profondément, la conception même de ces trois pouvoirs
n’a rien de libéral. Pour un libéral, les fonctions régaliennes sont
fondamentales, puisqu’elles correspondent au pouvoir judiciaire, celui
qui est
lié au respect du droit. Mais pourquoi aurions-nous besoin de nouvelles
lois,
voire même de lois tout court ? Nous disposons du droit de propriété et
des libres contrats, pas besoin de plus. Et surtout, ce pouvoir n’a pas à
être délégué, nous devons chacun le conserver pour être libres de
contracter. De même, un pouvoir exécutif, pourquoi
faire, puisqu’il y a déjà la police au sein du judiciaire et aucune loi à
exécuter ?
Un autre grand pilier, dit-on, de la démocratie et donc de
notre liberté serait formé par la constitution. Notons au passage que c’est
elle qui établit les fameux trois pouvoirs et les conditions de leur
séparation. On sent déjà comme un malaise. Mais ce n’est rien encore. Car
quelle est l’idée centrale d’une constitution ? Un texte juridique
fondateur, référence ultime de toute loi et toute justice pour un pays. Mais il
y a au moins trois problèmes en chaque constitution de ce monde.
Tout d’abord, si le principe d’une constitution est si
limpide, si l’articulation des trois pouvoirs est si claire, comment expliquer
qu’il n’y a pas deux pays disposant de la même constitution, de près ou de loin ?
La DDHC, par exemple, est bien conçue pour être universelle ; pourquoi les
constitutions ne le peuvent-elles pas ? La constitution américaine est à
la fois la plus ancienne, la plus stable et à bien des égards la mieux
construite de toutes. Pourquoi donc aucun autre pays ne l’a-t-il adoptée ?
Ensuite, on a vu que la constitution établit les conditions
des trois pouvoirs et de leur séparation. Mais sans jamais donner à chacun les
moyens de son indépendance réelle, car cela serait auto-contradictoire :
le pouvoir judiciaire n’est plus judiciaire lorsqu’il collecte les impôts
nécessaires à son fonctionnement en toute indépendance. On voit là la
contradiction fondamentale du concept même de séparation des pouvoirs.
L’autre argument classique contre une constitution est bien
sûr celui du contrat social. Si la constitution doit être la racine ultime de
tout édifice juridique juste et moral, indépendamment de sa teneur, se pose la
question de l’établissement de sa légitimité. En France et aux Etats-Unis, elle
provient d’une révolution, menée par un groupe et non par l’ensemble de la
population, qui a ensuite établi, pour ne pas dire imposé, un texte comme
nouvelle référence. Pas tout à fait démocratique tout ça. On pourrait s’attendre
au moins à ce que chaque citoyen l’ait contresignée, mais rien de cela dans l’histoire.
De la même façon, on pourrait s’attendre à ce que la marque
formelle, à 18 ans, de la majorité du jeune citoyen soit précisément son
acceptation de la constitution par sa signature. Sinon, comme aujourd’hui, ne
peut-on pas considérer la constitution comme nous étant imposée comme à des
esclaves ? Si la constitution se concevait comme un contrat de copropriété,
tout irait bien, car sa légitimité viendrait de celle de notre propriété et de
notre signature personnelle. Mais aucune constitution n’est jamais rien de tel.
Enfin, la plus grande tarte à la crème politique moderne est
sans doute constituée par la croyance dans la démocratie représentative – et d’ailleurs
les Suisses ne s’y laissent pas prendre si facilement, avec leur démocratie
directe. La première erreur vient bien sûr des trois pouvoirs. A partir du
moment où on comprend que ni le législatif ni l’exécutif ne sont des pouvoirs
compatibles avec notre liberté, on comprend que voter pour confier à des
bonimenteurs lesdits pouvoirs ne peut qu’être une source de problèmes. La
liberté, cela ne se délègue pas et donc le pouvoir politique non plus.
Pire, le vote en lui-même est une absurdité, du moins le
vote électif. C’est en effet une injure à la logique libérale du libre-échange.
Je vote, donc je me déplace, je fais l’effort de donner mon blanc-seing, pour
en échange accepter de me faire arbitrairement dépouillé d’un montant déterminé
par celui qui bénéficie de mon vote et dudit montant ?! Dans un monde
normal, on établirait un contrat, comme pour un représentant commercial par
exemple. Je te délègue certains pouvoirs, mais en échange tu acceptes de me
rendre – disons – 50% de tes gains en mon nom, ou toute chose selon ce type de
logique.
Alors bien sûr, la place est bonne et le clientélisme
foisonne. Il ne faut pas s’étonner que tant de politocards investissent dans le
business de la politique et que ceux qui y réussissent ne le quittent plus. Grassement
payé à promettre sans jamais ne devoir tenir ses promesses, payé un montant qu’on
choisit soi-même et sans devoir produire quoi que ce soit, quiconque a peu de
moralité est forcément tenté par un tel appât.
Il reste étonnant de voir combien de gens trouvent un tel
scandale politiquement normal ou même idéal. Cela en dit beaucoup sur le degré
d’endoctrinement que les générations de politiques ont su nous inculquer au
cours des dernières décennies.
Bases de la société libre
Dans cette troisième partie, maintenant qu’on a mieux vu de
nombreux points faibles de la société moderne actuelle, je tente de présenter
la société libre, du moins dans la démarche sinon dans son impossible
exhaustivité.
La liberté est multiforme et de ce fait, beaucoup contestent
l’idée voulant qu’on puisse décrire ou caractériser la société libre. Ce serait
du constructivisme, selon eux. Je comprends l’argument, ou du moins la vigilance,
mais le fait est que toute société n’est pas libre et qu’on peut reconnaître
une société qui ne l’est pas – on l’a vu – donc on peut aussi imaginer et
reconnaître une société qui le serait. C’est certes une question de méthode et
de rigueur, mais au bout du compte, on peut exprimer sinon une société libre
dans ses moindres détails, du moins les fondamentaux de toute société libre.
Le point de départ doit être tiré des seules certitudes dont
on dispose. Or la liberté repose sur le principe de non-agression et le droit
naturel, ce qui revient au même. Autrement dit, chacun est propriétaire de soi
et des fruits de son travail. La propriété privée est donc le socle de la
société libre. Elle est le seul. Et cela suffit pour notre exercice. Première
conséquence, il n’y a rien d’autre que de la propriété privée dans notre future
société. Seconde conséquence, l’intégralité de notre planète est découpée en espaces
sous propriété privée.
On comprend une première erreur de beaucoup de gens. La
libre circulation ne va pas de soi, elle n’a rien d’intrinsèquement libéral. En
effet, se déplacer hors de chez soi ne peut se faire sans traverser la propriété
d’autrui, lequel n’est pas obligé de nous y autoriser. Bien sûr, il est vital
de pouvoir se déplacer un minimum et c’est bien pour cela que nous avons tous
toujours connu des chemins, routes ou vieux sentiers. Mais il demeure, se
déplacer demeure une tolérance et reste potentiellement soumis au refus du
propriétaire du chemin ou d’un tronçon.
Ceci est un avantage et non un inconvénient. Parce que c’est
ce qui permet de faire des déplacements et des moyens de déplacement un véritable
marché libre. Parce que la propriété privée permet de librement offrir des
services de route, de voie, de voyage qui permettront au gens et aux
marchandises de vivre une liberté de circulation bien plus riche qu’en régime
de propriété collective comme actuellement.
L’immigration n’est donc pas non plus un droit purement
libéral, tout au contraire. Aller ailleurs, se déplacer, suppose une tolérance
ou une autorisation explicite. Je ne peux pas aller en Suisse si je le décide,
il faut que j’y sois autorisé par les Suisses concernés par mon voyage. Mais ce
n’est pas différent du simple fait qu’on s’attend à ce que personne n’entre
chez soi, en sa maison, sans y être invité ou disposer d’un motif légitime.
Une fois ces bases posées, il faut s’intéresser aux besoins
de protection. En effet, les maisons isolées seront vulnérables aux bandits de
grand chemin, qui sont source de chaos. C’est ainsi que les villages et bourgs
et villes viennent à se former, pour mettre en commun les moyens de se
défendre, mais aussi parce que la proximité favorise le commerce. Rien n’empêche
d’autres modèles, cependant. La maison isolée reste possible, bien évidemment.
Mais il lui faudra développer d’autres stratégies de protection.
Et c’est ainsi
qu’on a vu dans l’histoire des châteaux ou de micro-villages s’accrocher à des
pitons rocheux ou s’enfoncer dans des vallées étroites. On comprend que ce qui
est le plus proche dans notre histoire de la société libre, ce sont les
anciennes villes franches, les micro-états, dont San Marin ou Monaco sont
quelques vestiges. Dans tous les cas, défense, police et justice sont
organisées au niveau de chaque bourgade, selon les règles dont la population s’est
dotée.
Le noyau de la société libre est donc posé. Mais il y a de
nombreuses variantes, bien sûr. Dans certains cas, il n’y a qu’un unique
propriétaire foncier, qui loue ses terres. On a affaire à un monarque.
Ailleurs, la propriété est également unique, mais le propriétaire est la
société de tous les copropriétaires du village. Ou le modèle fait de multiples
propriétaires mais associés pour la défense et la gestion du village. Tous les
modèles reposent sur l’auto-gestion de la communauté.
Comme le droit se fait donc au niveau de la communauté,
puisque le droit est directement issu de la propriété privée, chaque communauté
ou ville a ses règles. Ce qu’il faut bien voir, c’est que l’anarcapie, la
société libre, constitue la base juridique commune. Une fois la communauté
organisée et les fonctions régaliennes établies et entretenues, toutes les
variantes deviennent imaginables. On peut ainsi imaginer une communauté qui choisirait
librement, spontanément de fonctionner selon les principes communistes, ou qui
choisirait de ne vivre qu’entre juifs ou entre musulmans. Ou toutes autres
variantes. On parle parfois de panarchie, elle est rendu possible par l’anarcapie,
chaque communauté constituant son propre micro gouvernement autonome et libre
de tout autre forme d’état.
Je n’ai pas développé ici comment la police et la justice
fonctionneraient. Il y a beaucoup de littérature sur ce sujet. Disons
simplement que le cœur du système repose sur les sociétés d’assurance. Celles-ci
vendent de la protection contre une prime, un abonnement. Celui-ci comporte à
la fois les services de police et ceux de juges indépendants. La concurrence
fait le reste, elle assure la qualité croissante des services pour des prix qui
baissent. Mais au début, chaque village a sa protection. Peu à peu, les
organisations les plus capables d’offrir de la protection offrent leurs
services de village en village, chaque propriétaire ou chaque citoyen restant
libre de contracter avec l’une ou avec l’autre.
On demande souvent comment on peut être sûr que ces sociétés
d’assurance ne finissent pas par prendre le pouvoir d’une ville et de proche en
proche deviennent un état coercitif. C’est oublier la libre concurrence. Un
assureur qui deviendrait trop pressant serait vite pris entre le risque de ne
plus toucher de primes et celui d’être mis en justice par ses concurrents au
nom de ses victimes. Pour qu’un assureur dominant devienne un état coercitif,
il faut plus que son simple rôle régalien : il faut que les gens aient
peur. D’où ma conclusion de cette troisième partie : la liberté se mérite,
que ce soit pour la gagner ou la conserver, il faut de tous le courage constant de la réclamer
face à la peur.
Comment revenir à la liberté
Cet article complète et termine ma série en quatre parties
rapides sur la société libre. Cette fois, alors qu’on a vu les défauts de la
société actuelle, ceux de sa structure et qu’on a dégrossi la société libre, il
s’agit d’aborder la ou les manières d’espérer la rejoindre en partant de notre
social-démocratie.
Pour mettre – ou remettre – en place une Libertalie, la
première idée qui vient sans doute est celle de la révolution. Notre histoire
en est riche et nous continuons chaque 14 juillet d’en fêter la plus connue,
malgré le nombre de têtes qu’elle vit tomber. Or un libéral qui réfléchit deux
secondes comprend que cette voie n’en est pas une. Les morts sont un risque intolérable.
Surtout, le principe même d’une révolution, fut-elle sans effusion de sang,
consiste à tenter d’imposer sa volonté à autrui. Quelle qu’en soit la
motivation, rien n’est moins libéral. Donc la révolution, out, on laissera cela
au Che qui verra.
La seconde idée qui vient et que beaucoup soutiennent, c’est
tout simplement de profiter de notre chère démocratie, âprement gagnée. Puisque
nous pouvons voter, et donc influer sur le choix des hommes politiques, nous
pouvons espérer choisir des porteurs du projet libéral qui ne manqueront pas de
nous libérer. Mais si cela est possible, vu que la démocratie s’impose peu à
peu dans le monde, pourquoi le monde n’est-il pas déjà plus libre –
politiquement – qu’il le fut ? Par exemple, les pays les plus libres au
monde sont-ils toujours des démocraties ? Et les démocraties les plus
authentiques sont-elles autant de flambeaux de la liberté ? Non, deux
fois. Monaco est bien plus libre que la France alors qu’il s’agit d’une principauté
et les Etats-Unis ne sont plus le pays de la liberté depuis longtemps.
Cette impasse qu’est le vote démocratique est assez mal
comprise pour s’y attarder – ce qui n’est pas dire que les attardés
démocratiques sont mal compris. La raison de l’échec est systémique. La
soi-disant démocratie française par exemple est conçue pour être
indéboulonnable. Ainsi, même si nous en sommes à notre cinquième république,
les constitutions successives n’ont jamais voulu ni pu remettre tout le système
en cause. Les préfets remontent à Bonaparte, les sénateurs ont besoin des maires
pour se faire élire et chaque institution tient les autres par les fouilles. Sans
même parler de l’incohérence libérale à tenter de prendre le pouvoir, la voie
démocratique est tout simplement illusoire. Il est dommage que certains partis
ne le comprennent pas. On m’opposera peut-être les projets de type Free State ;
j’en parle plus bas.
Par contre, ce qui frappe et fonde l’espoir selon moi libéral
quand on observe les élections, c’est la part des abstentionnistes,
énorme. Que
nous disent les abstentionnistes ? Sûrement chacun une chose différente,
mais probablement l’immense majorité se trouve-t-elle quelque part entre
« ça ne sert à rien » et « je n’y crois plus ». Peu à mon sens sont
vraiment dans le « je m’en fiche » car il est peu probable que
l’évolution
de la fiscalité, de l’insécurité et du chômage laisse grand monde de
marbre.
Beaucoup de libéraux, par exemple, ne votent plus parce qu’ils en ont
assez de
voter contre Untel et non pour la liberté.
Donc une part significative de notre population sent bien qu’elle
est en fait impuissante et prise au piège, mais ne sait pas comment s’en
sortir. Le premier frein à leur action, au renouveau de leur espoir et de leur
exigence de liberté, c’est avant tout de se rendre compte, de savoir qu’un
monde libre est possible, a existé et peut exister. Même avec toutes ses
limites, si tous les abstentionnistes se réveillaient avec l’exigence de
liberté, le système démocratique serait probablement assez ébranlé pour
fléchir, voire se transformer en profondeur. L’enjeu fondamental de notre
liberté tient donc en très grande partie au réveil intellectuel de la
population. Vaste chantier, mais c’est le nôtre.
Et c’est pour cette raison que l’Institut Coppet investit le
champ de la formation des jeunes. C’est pour cette raison que Les Libertariens
travaillent à occuper l’espace de la communication politique. C’est pour cette
raison que Contrepoints publie sans relâche. Pour diffuser nos idées, pour
réveiller de plus en plus de monde à la liberté et peu à peu amener les
abstentionnistes et tous les autres à exiger, voire à bâtir eux-mêmes, la
liberté qu’ils avaient oubliée.
On dit souvent que la liberté viendra de la
victoire des idées. Je pense que c’est une erreur. Les idées libérales ont
gagné depuis longtemps, elles sont les seules à la fois cohérentes, réalistes
et humanistes. Elles existent, ce sont les bonnes. Ce qu’il nous faut
maintenant, c’est les faire connaître, voir de plus en plus de gens qui se
rendent compte qu’elles sont l’avenir du monde, et le leur.
Internet à cet égard est clairement un outil fantastique. Il
permet de nombreuses approches aboutissant à toucher directement les individus,
en échappant aux systèmes censurés en place comme la presse et l’enseignement
public. Mais il est plus prometteur encore. Sa structure décentralisée est en
elle-même la base qui nous garantira que de plus en plus de structures sociales
virtuelles et libres s’organiseront par-dessus et nous permettront de plus en
plus de court-circuiter le pouvoir politique.
Parmi les pistes de liberté rendues possibles par la
technologie et qui se développent à grand pas, il y a le « seasteading »,
l’installation en mer. Les terres étant toutes sous domination étatique, ainsi
que les côtes, l’idée consiste à conquérir la haute mer, puisqu’elle n’appartient
à personne. On voit ainsi des projets fleurir où des bateaux, des plateformes
mobiles ou pas et autres conceptions feront les villages et villes libres de
demain. Toutes ces structures porteront des organisations sociales proches de notre
idéal anarcap, même si forcément on verra autant de variantes qu’il y aura de
navires. C’est un des espoirs les plus concrets actuels de voir une société
libre émerger.
Une autre piste concrète qui se développe peu à peu nous
vient des Free State Projects, le plus connu étant dans le New Hampshire, mais
il y a aussi celui du Tessin, ou Ticino, en Suisse. Ces projets cherchent à
exploiter la voie démocratique et légale pour renverser le régime en place. Ils
visent des états de petite taille et déjà assez libéraux où il serait possible
de prendre le pouvoir si un nombre assez grand de migrants libéraux s’y
installent. C’est une idée intéressante, mais encore faut-il pouvoir s’installer
dans le pays visé, sans que la population autochtone finisse par y trouver à
redire. L’expérience à ce stade montre que ce n’est pas gagné. A suivre
cependant.
Et fait, ces deux derniers exemples sont des cas particuliers
d’une stratégie plus générale et généralisable de conquête pacifique de la
liberté en ce monde : la sécession. La sécession consiste, pour un
territoire et ses habitants, à déclarer leur autonomie, leur indépendance, la
scission du pouvoir étatique en place. Il y a des exemples récents dans le
monde, tel en Afrique du Sud, le Lesotho et le Swaziland qui sont sortis de la
fédération historique. Le schéma général est donc simple. Une ville, un
département, un canton, une région décide – comment, ça c’est une autre question,
mais ce doit être sans violence – de constituer un territoire libre où le
régime de la Libertalie régnera désormais. C’est la stratégie que les grands
penseurs libéraux, spécialement Hoppe, pensent la plus adaptée à notre monde.
On oppose souvent à ce scénario qu’il serait naïf,
simpliste, vu qu’il est très facile pour la France par exemple de tuer dans l’œuf
et dans la violence la moindre initiative d’une malheureuse commune ou région dans
ce sens. Il suffit de voir combien d’énergie est mise dans la lutte contre les
indépendantistes (certes violents) basques, corses ou bretons. Mais cette
remarque manque en réalité de lucidité. Car l’état socialiste s’appauvrit. La
violence locale monte parce que la police n’a pas les moyens d’être partout. L’armée
partie au Mali n’est pas dans les casernes. Et donc il viendra un moment, plus
proche que beaucoup l’imaginent, où l’état sera incapable de faire face à une
vague de sécessions locales. Imaginez Toulouse, Rennes, Lille, Strasbourg et
Nice déclarer leur indépendance en même temps ou presque. Ou mieux, cinquante
communes en cinquante endroits très différents. Une guérilla de la sécession.
Imparable.
Ainsi, si je m’engage au quotidien dans la communication et
l’explication, c’est parce que je pense qu’Internet nous permettra sous peu –
quelques années peut-être – de susciter une vague de sécessions spontanées un
peu partout sur le territoire, que la France ne pourra pas toutes repousser du
fait de sa déliquescence, et qui même si elles échouent pour certaines, constitueront
la première étape de la vraie révolution libérale et pacifique que nous
espérons tous.
Merci pour cette reprise, cher Alain.
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