L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
De
nos jours, presque chaque individu apprend et continue à apprendre tout
au long de sa vie à se positionner par rapport au libéralisme
économique, point d'ancrage des représentations
politiquement les plus importantes de la vie sociale. Pour ou
contre, avec toute la gamme des réserves et des nuances que chacun tient
pour nécessaire d'ajouter à sa position de base ici et
maintenant.
Tenter
d'apprendre à un antilibéral ce que sont les lois objectives de
l'économie libre est le plus souvent peine
perdue d'avance. En règle très générale, l'antilibéral cherche des
raisons supplémentaires d'être contre et non pas des arguments qui le
feront changer de camp. Il n'est pire aveugle É Tenter
d'apprendre à un libéral ce que sont les lois objectives de
l'économie libre n'est pas pour autant un pari gagné d'avance, de bien
loin s'en faut ! Tout dépend de quel libéral il s'agit. Il n'est
pire sourd.
La possibilité de deux grands fleuves libéraux, eux-mêmes alimentés en idées et en réalisations par un réseau plus
ou moins ramifié d'affluents, existe.
L'un
de ces fleuves irrigue aujourd'hui la quasi-totalité du territoire
occupé par la pensée économique académique
et institutionnelle. C'est le fleuve qu'il est convenu d'appeler le
néolibéralisme avec, sur sa rive gauche, ses berges sociales-démocrates,
sur sa rive droite, ses plages ultra-libérales et au
milieu son chapelet d'îlots centristes.
L'existence
de l'autre fleuve libéral n'est pas enseignée aux militants
antilibéraux et, si elle l'est un jour, ce
ne sera pas avant longtemps. Les libéraux qui croient à la version
néoclassique de l'histoire de la pensée économique considèrent, eux, que
cet autre fleuve est un fossile du stade primitif, dit
classique, de la pensée économique libérale et que tenter de le
rendre à la vie n'est ni scientifiquement convenable ni politiquement
judicieux.
Néoclassicisme,
néolibéralisme : nouveau classicisme, nouveau libéralisme, parce que
les précédentes versions de
l'économie politique classique et libérale n'ont pas fait l'affaire
et continuent à ne pas la faire. Aucun esprit en quête d'honnêteté
intellectuelle scrupuleuse n'est cependant en mesure
d'éliminer, avant une enquête approfondie, l'hypothèse d'une vaste
et possiblement involontaire malversation opérée notamment au moyen du
préfixe " néo " qui serait en vérité un " pseudo ", voire
un " rétro ". Néolibéralisme et néoclassicisme ou pseudo-libéralisme
et pseudo-classicisme, voire rétro-libéralisme et rétro-classicisme ?
Les idéologies en cause, et l'hédonisme ambiant
Où Adam Smith revenant mettre à jour son enquête sur la richesse des nations chercherait-il les causes de la
persistance de tant de mercantilisme ?
Le
mot " idéologie " a été introduit dans le vocabulaire savant pour
désigner la " science qui a pour objet l'étude
des idées, de leurs lois, de leur origine " (Lalande). Dans le
vocabulaire marxiste, une idéologie est devenue l'ensemble des idées et
des croyances propres à une époque, une société, une classe
sociale. Aujourd'hui, le mot tend à être utilisé pour étiqueter
n'importe quel ensemble d'idées érigé en système, ce mot gardant par
ailleurs son sens péjoratif de philosophie nébuleuse et
d'idées creuses. Ces différents sens laissent échapper une
nécessité. Un système d'idées enferme dans un aspect du monde ou dans un
monde imaginaire quand il réduit la réalité ou ce qui est donné
pour tel à l'aspect qui convient à l'enfermement plus ou moins
consciemment voulu. Parler dans ce cas de réductionnisme est certes
envisageable. Mais une des différences entre une construction
intellectuelle qui libère et une autre qui enferme est que la
première est logiquement supérieure à la seconde. Pour donner l'illusion
de l'élaboration scientifique, il faut des sophismes et des
pétitions de principe .
Mathématiser
à outrance la mixture aide beaucoup à parfaire l'illusion ; il est par
trop naïf de croire que le
Malin est nul en math et inexpert en statistique ! Les performances
d'enfermements de l'idéologie communiste, au sens marxiste de la notion
d'idéologie, ayant atteint les sommets que l'on sait,
le mot qui désigne cette notion est devenu le plus approprié pour
désigner un ensemble d'idées érigé en système qui enferme dans un aspect
du monde ou dans un monde imaginaire. Face aux
constructions idéologiques qui enferment, il existe, déjà peu ou
prou établies ou restant presque complètement à établir, des
constructions logiques qui libèrent.
L'hédonisme
néoclassique, la subjectivité néoclassique revendiquée ou confessée par
ses théoriciens, le
contournement néoclassique de la distinction, posée par Adam Smith
(1723-1790), entre valeur d'usage et valeur d'échange, la négligence
néoclassique de la distinction introduite par David Ricardo
(1772-1823) entre les marchandises rares et les marchandises
reproductibles à volonté par l'industrie humaine - cette négligence
permettant de lire dans sa théorie de la valeur ce qu'elle ne
contient pas ainsi que de faire passer pour une continuation ce qui
est un retour en arrière - le postulat néoclassique du profit maximum en
tant que " but " des entreprises, sont, entre autres,
des faits qui incitent à penser que le néolibéralisme est une
idéologie. La preuve est cependant ailleurs.
Une
impossibilité prouve que le néolibéralisme est une idéologie, au sens
dans lequel cette notion est ici
employée. Il est impossible de faire admettre par un économiste
néolibéral grand teint que le libéralisme classique, dans la version
théorique qu'en a donné David Ricardo, reste un point à partir
duquel une conception renouvelée de l'économie peut être élaborée,
moyennant des élucidations qui ont été assez récemment produites.
Pour
enfermer, il faut faire passer des erreurs pour des vérités. Quand
c'est complètement réussi, le prisonnier
perd jusqu'à sa liberté de prendre conscience qu'il est en prison et
qu'il existe un dehors où se trouvent des réalités qui lui échappent.
Le
néo-libéralisme est bien un libéralisme. Maintes analyses et maintes
réalisations d'économistes néolibéraux ne
laissent aucun doute à ce sujet et, de plus, obligent à reconnaître
des succès objectifs qu'il importe beaucoup de ne pas minimiser. Il
n'empêche que c'est un libéralisme idéologique.
De l'idéologique en crise au logique à venir , le libéralisme a sa carte à jouer
Face
au libéralisme idéologique qui domine aujourd'hui la vie sociale, il
existe un libéralisme logique. Cette
existence reste certes encore beaucoup plus conceptuelle
qu'historique. De plus, cette existence conceptuelle n'est pas encore
établie sur des bases qui conviennent à son enseignement. C'est sa
plus grande faiblesse actuelle. La conquête par le libéralisme
logique d'une partie du terrain occupé par le libéralisme idéologique ne
commencera que quand la conception renouvelée de l'économie
qui établit la possibilité du libéralisme logique commencera
elle-même à être enseignée.
Pour
être enclin à l'étude des Propositions premières de théorie économique,
il faut être enclin à chercher du côté
du libéralisme logique les médecines aux impuissances sociales et
écologiques du libéralisme idéologique, alias néo-libéralisme. Mais ce
n'est pas tout. Il faut bien sûr en avoir les aptitudes et
la disponibilité.
Contrairement
à ce que l'on a spontanément tendance à croire, la connaissance, même
rudimentaire, de l'économie
politique en l'état actuel de son enseignement ne fait pas partie de
ces aptitudes principales. Cette connaissance ne constitue " un plus ",
comme cela se dit dans certaines offres d'emploi, que
si le piège idéologique n'a pas fonctionné aussi bien que d'habitude
- quand il a bien fonctionné la disponibilité mentale pour une
conception renouvelée de l'économie est perdue. En revanche,
une connaissance de l'histoire de la pensée économique est, elle, "
un plus " quand elle a été en bonne part puisée à une source restée
indépendante tant de l'idéologie néolibérale que d'une
idéologie antilibérale.
A la recherche d'une économie libérale non idéologique
Le
livre qui, à ma connaissance, contient, pour l'essentiel, l'exposé le
plus objectif de l'histoire de la pensée
économique moderne est L'anticapitalisme / Essai de réhabilitation
de l'économie politique de Paul Fabra. Une sélection des passages les
plus éclairants sur ce qu'a été cette histoire et sur la
thèse avancée en conséquence est fournie en appendice 1. Cet
appendice est ici d'autant plus nécessaire que ces Propositions
premières de théorie économique ne font, sur plusieurs points très
fondamentaux, que reprendre, le lecteur s'en doute, ce que Paul
Fabra a été le premier à élucider de façon irréfutable.
Il
n'y a eu, de la part d'un économiste néolibéral, aucune tentative de
contestation de la réfutation de Fabra non
plus qu'aucune réponse à l'invitation dont elle est accompagnée.
L'indifférence a tenu lieu d'arme défensive. C'est un des éléments de
preuve de la nature idéologique du néolibéralisme. La
mondialisation libérale annoncée à grands fracas est une
mondialisation idéologique.
Il
pourrait aller sans dire que la curiosité pour ce qui est ou paraît
être économique fait partie des aptitudes
principales que doit posséder le lecteur enclin à chercher du côté
du libéralisme logique un antidote au libéralisme idéologique. Mais ce
serait perdre une occasion d'indiquer qu'il doit s'agir
bien plus de la curiosité de l'admirateur que de la curiosité du
détracteur.
Paul
Fabra raconte volontiers à ses amis que c'est le spectacle de
l'approvisionnement d'une grande ville comme
Paris qui l'a converti définitivement à la supériorité de l'économie
de marché sur l'économie planifiée. Dans son admiration n'entre à aucun
instant la renonciation à sa liberté de critiquer,
comme son oeuvre d'éditorialiste et d'essayiste le prouve
surabondamment. Ne pas admirer ce qui est admirable fausse l'observation
et expose à la prescription de remèdes qui empirent le
mal.
Une
autre aptitude principale à la recherche du côté du libéralisme logique
est d'ordre philosophique. Le postulat
hédoniste du maximum de satisfaction moyennant le minimum de peine
est consubstantiel au libéralisme idéologique. C'est une invitation à la
recherche du maximum de bonheur par le minimum de
privations. Nous savons tous que cette invitation est très suivie et
qu'elle est intensivement exploitée sous couvert de " communication ".
Outre que le bonheur ainsi acquis se révèle toujours
plus éphémère qu'il n'était espéré, le minimum de privations des uns
ne fait pas le minimum de privations des autres.
Le maximum de bien et de beau par le minimum de souffrances évitables et de mépris des autres
Plus
réaliste et plus humaniste est le postulat stoïque du maximum de bien
et de beau par le minimum de souffrances
évitables et de mépris des autres. Il est permis de le penser sans
jeter aucun anathème à la figure de qui que ce soit et sans nullement
prétendre que ce postulat est le seul compatible avec le
libéralisme logique. Dans un environnement définitivement devenu de
plus en plus vulnérable aux entreprises humaines, il semble tout à fait
illusoire de croire que les générations futures
réussiront à relever le défi de la poursuite du développement
économique, voire le seul maintien du niveau de développement, sans
rendre à la recherche du maximum de bien et de beau par le
minimum de mal et de laid la place aujourd'hui occupée par
l'hédonisme ambiant. "En tout état de cause, le libéralisme logique ne
peut exister que s'il repose sur un postulat radicalement
réaliste et complètement humaniste. Si ce n'est pas le cas, il y a
tentative de mise en circulation d'un libéralisme idéologique sous
l'étiquette usurpée de libéralisme logique.
Une
fois de plus, " l'humble élite " (Alain) est en avance sur les
officiers supérieurs des grands appareils. Elle
cherche à s'extraire des délices de Capoue de la société de
consommation parce qu'à Capoue l'eau n'est plus naturellement potable et
l'air ne sera bientôt plus naturellement respirable. Les
officiers supérieurs n'ont pour la plupart en tête que d'user et
d'abuser du système. Ce n'est pas seulement et peut être même pas
principalement par moins d'argent à brasser et par moins
d'autres pouvoirs à exercer qu'ils pourront être conduits à se
montrer plus raisonnables et moins cyniquement carriéristes. Leurs
appétits de responsabilités et d'honneurs redeviendront plus
authentiquement altruistes quand l'usage du postulat hédoniste sera
tombé en désuétude. Cela n'arrivera que par l'effet du clou qui chasse
l'autre.
Voulons-nous
des politiciens plus vertueux ? Nous les aurons quand, par divers
moyens dont une conception
renouvelée de l'économie, le ressort du maximum de bien et de beau
par le minimum de mal et de laid sera de nouveau bandé dans notre
mentalité collective. Dans notre mentalité collective et donc
d'abord dans notre mentalité personnelle et, autant que faire se
peut, dans celle de nos proches. Nos efforts individuels pour faire
notre une conception renouvelée de l'économie et pour lui
ouvrir une carrière publique sont autant de coups de marteau qui
enfoncent le clou d'un postulat radicalement réaliste et profondément
humaniste pour chasser le clou du postulat
hédoniste."
Rien
de ce qui est, à proprement parler, économique n'a d'importance
qu'économique. Déclarer l'appartenance des
travaux des économistes aux sciences morales et politiques procédait
d'une sagacité qui aiderait les modernes que nous sommes forcément à
trouver leurs marques. Puissent, malgré leurs défauts,
ces Propositions premières de théorie économique contribuer si peu
que ce soit à la gestation d'une conception non idéologique de
l'économie, et partant d'une grande part de la vie sociale. Cette
élaboration est indispensable pour rendre à la démocratie et à la
république les libertés, les impartialités et les simplicités que la
bureaucratie et la démagogie, alliés objectifs du
libéralisme idéologique, ont si efficacement entrepris de
transformer en leurs contraires, sans avoir l'air d'y toucher.
Libertés, impartialités, simplicités : tout un programme à écrire.
Un
goût prononcé pour la recherche de l'expression la plus juste paraît
bien être une autre aptitude principale.
L'économie juste ne se découvre très laborieusement qu'à force de
mots méticuleusement choisis et de propos scrupuleusement mesurés. Il
faut à l'enfantement d'une vraie science économique le
ventre d'une langue amoureusement caressée, respectueusement
nourrie, prudemment soignée. Une idéologie fait dire plus et moins aux
mots clés de son vocabulaire que ce que l'usage avait jusqu'à
elle introduit dans ce mot et que la partie de l'usage qui échappe à
son emprise continue à y maintenir ou à y introduire. Sous les jargons
technocratiques il y a beaucoup plus létale pour une
civilisation qu'une insuffisance de bon sens. Une économie politique
qui ne participe pas à l'embellissement des langues au moyen desquelles
elle est pensée n'est probablement pas aussi
scientifique que son clergé le croit.
Les
Propositions premières de théorie économique ont été conçues à des fins
didactiques et politiques, étant
entendu qu'est " politique " non pas uniquement ce qui est relatif
aux affaires publiques mais plus largement n'importe quel ensemble de
principes d'organisation de la vie sociale, depuis la
petite entreprise personnelle jusqu'au gouvernement d'un pays en
passant par toutes les sociétés commerciales, savantes, caritatives,
etc. Des applications politiques, souvent profondément
réformatrices, découlent des Propositions premières qui en
esquissent plusieurs de grande portée.
L'économie politique, c'est fait pour ça.
Écrire
autrement ou faire écrire autrement ou contribuer à faire écrire
autrement
ces Propositions premières s'imposera au lecteur courageux qui, tout
en approuvant et leur finalité didactique et la teneur du premier
appendice, constatera sur lui-même et auprès de ses proches
que le résultat recherché soit n'a pas été obtenu soit l'a été mais
ou trop partiellement ou trop péniblement ou les deux à la fois. Les
bienfaits que la connaissance et l'exploitation des
principes du libéralisme logique sont à même de procurer à
l'humanité valent largement de prendre le risque de ce genre
d'entreprise.
Dominique MICHAUT ,
chercheur en économie fondamentale et appliquée (
Paris)
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