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Sommaire:
A) Halte au pugilat, place à la Panarchie (Royale) ! - Gabriel Delauney
B) La panarchie, plaidoyer pour la concurrence politique - Damien Theillier
C) A propos de la Panarchie - (Brève histoire et manière de voir) - Gian Piero de Bellis - https://www.panarchy.org
D) Panarchie de Wikiberal
E) Panarchie - Publié dans la Revue Trimestrielle, Bruxelles (Juillet 1860) - Paul Emile de Puydt
F) La "Panarchie" par Alain GENESTINE
G) La Polycité avec Patrick Aubin
A) Halte au pugilat, place à la Panarchie (Royale) !
Dans peu de temps un nouveau gouvernement sera élu. Certains veulent une VI° république, d'autres s'accordent très bien avec la V° mais diffèrent sur les candidats à soutenir, ces derniers proposant diverses aménagement des institutions et lois pesants sur les élus, sans parler de l'aménagement du quotidien de la population. Quels que soient les vainqueurs, durant tout leur mandat ils seront contestés par le reste du spectre politique et même si par miracle ils relevaient le pays et établissaient la concorde civique tout serait à refaire moins de 20 ans plus tard.
C'est ainsi depuis que l'état existe, depuis que l'Homme est sédentaire et sans doute aussi depuis que des humains ont commencés à en dominer d'autres ; les mécontents et les prétendants sont légions en temps de troubles et les héritiers incapables sont toujours là pour saborder les œuvres de leurs pairs et pères lors des temps de concorde.
Est-ce une fatalité ?
Sommes nous condamnés à cet éternel recommencement ?
Y a t-il autre chose ?
Oui, le salut est dans la Panarchie, concept imaginé par Paul-Emile de Puydt en 1860, formé des mots pan (tout) et arkhi (gouverner). Est-ce à dire que l'on doit créer une sorte d'absolutisme ? Non, mais avant d'approfondir, petite remise en contexte.
Remise en contexte :
1860. En France l'empereur Napoléon III règne. Son Second Empire succède à une ribambelle de régimes : Ancien régime, Première République, Empire, Restauration, Monarchie de juillet, Seconde République. Naturellement des nostalgiques de tous les anciens régimes s'opposent à son pouvoir.
Aux États-Unis la guerre de sécession sera bientôt déclenchée en partie sur la question de l'esclavage. La pendaison le 2 décembre 1859 de l'abolitionniste partisan de la lutte armée John Brown ainsi que la sécession de la Caroline du Sud le 20 décembre 1860 - bientôt suivie par six autre états - suite à l'élection du président abolitionniste Abraham Lincoln le 6 novembre sont ainsi révélatrices des grandes tensions qui régnaient alors. En Colombie et au Mexique c'est déjà la guerre civile, libéraux contre cléricaux.
Pendant que des nations se déchirent d'autres naissent ou tentent de se réinventer, voir de survivre. L'unité italienne est en effet quasiment achevée, mais en Pologne des manifestations patriotiques hostiles au joug russe jalonnent l'année et la Chine découvre à ses dépens les appétits extérieurs.
Les royaumes de Madagascar, de Siam et d’Éthiopie tentent de se moderniser pour échapper aux appétits des puissances coloniales. Parlant colonisation, les britanniques se remettent de la révolte des Cipayes, causée entre autres par le fait que les soldats autochtones -hindous et musulmans- devaient déchirer avec les dents des cartouches de munitions lubrifiées avec du suif de porc ou de bœuf. Toujours sur le chapitre religieux à Damas en juillet on massacre les chrétiens.
C'est sans doute ce monde très turbulent – et très actuel- où les actualités nationales et internationales sont tout aussi déstabilisantes que les progrès techniques inédits qui fit germer l'idée de Panarchie dans l'esprit de De Puydt, il serait trop chauvin de dire que c'est le seul XIX° siècle de ses voisins français qui lui servit d'inspiration, bien qu'ils firent une certaine performance.
Il vulgarisa son idée dans un article sobrement nommé Panarchie, au sein du périodique belge Revue Trimestrielle, qui traitait d'un nombre divers de sujets.
Il le fit en partie par le biais d'un dialogue imaginaire avec un contradicteur.
Le manifeste est disponible ici ; https://www.panarchy.org/depuydt/1860.fr.html
Le périodique d'époque ici (Panarchie est en page 222) ; https://books.google.es/books?id=8SIWAAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=editions:NYPL33433081718599&hl=fr#v=onepage&q=Panarchie&f=false
Il fut aussi certainement influencé par son compatriote Gustave de Molinari, père de la notion de gouvernement concurrentiel dans son article De la production de la sécurité, (Journal des économistes du 15 février 1849).
Mais peut être est-ce uniquement son pays qui lui inspira l'idée de Panarchie, comme on peut le lire dans Panarchie ; « En Belgique, nonobstant quelques défaillances avouées, l'immense majorité opterait, je n'en doute pas, pour les institutions en vigueur, mais dans l'application, en serait-on mieux d'accord ? N'avons-nous pas deux ou trois millions de catholiques, qui ne jurent que par M. de Theux, et deux ou trois millions de libéraux qui ne jurent que par eux-mêmes ? ».
La Panarchie définie ; Le laissez-faire économique appliqué aux institutions.
Mais qu'est-ce que la Panarchie à la fin ?
La Panarchie c'est laisser coexister tous les pouvoirs, toutes les formes d'organisations possibles.
« N'avons-nous pas deux ou trois millions de catholiques, qui ne jurent que par M. de Theux, et deux ou trois millions de libéraux qui ne jurent que par eux-mêmes ? Comment les concilier? — En ne conciliant rien du tout ; en laissant chaque parti se gouverner à sa guise — et à ses frais ».
Car oui c'est cela la Panarchie, laisser chaque parti se gouverner à sa guise et à ses frais ; la libre entreprise institutionnelle et la libre concurrence entre les institutions ainsi crées par les citoyens ; « notre panacée, si l'on veut employer ce mot, c'est donc la libre concurrence en matière de gouvernement ».
1/ Genèse de l'idée ; une hostilité à la violence politique...
Comment en est-il venu à imaginer ce concept ?
De Puydt est d'abord parti du constat éprouvé que « le plus sage et le meilleur des gouvernements ne fonctionne jamais du plein et libre consentement de tous les gouvernés », qu'il y a « des partis, triomphants ou vaincus, des majorités et des minorités en lutte perpétuelle ». En bref que la politique est mue essentiellement par des rapports de force qui aboutissent à une situation qui donne à voir « les uns opprimant au nom du droit, les autres se révoltant au nom de la liberté, pour devenir oppresseurs à leur tour, le cas échéant ».
N'oublions pas que c'est un homme ayant vécu dans un siècle de révolutions, concept qu'il abhorre, ce qui est explicite dans une des ses métaphores.
Il considère en effet chaque régime comme une maison, confortable pour ceux qui l'ont conçue mais peu satisfaisante pour les autres et qualifie chaque génération de locatrice nouvelle pouvant à sa guise aménager sa maison.
Parfois la nouvelle génération met à bas l'édifice tout entier et après mille peines se retrouve avec un édifice aussi peu convaincant qu'avant, ce qui appelle pour bon nombre de locataires à une démolition nouvelle. Il s'avère qu'il y a tout de même quelques satisfaits, n'oublions pas le mot de Bonaparte qui parlait en connaissance de cause ; « dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent ». Dès lors, si « il y a cependant des satisfaits » tant dans les élites que dans le menu peuple, si «l'édifice n'est pas irréprochable, bien s'en faut, mais (qu')il a des qualités » pourquoi le démolir « aussi longtemps qu'il abrite commodément assez de locataires pour payer son entretien ? ».
De Puydt l'affirme il hait les démolisseurs à l'égal des tyrans ; « Vous êtes logé sous les combles, votre appartement est trop étroit, ou insalubre. Changez-en, je ne demande pas mieux. »
2/ ….qui permet de rompre avec la logique une terre = un maître...
Changer d'accord mais où ? Faut-il s'exiler ?
Non bien sur, si vous quitter une société qui ne vous convient pas pour aller en fonder une autre sur un territoire vierge, vous ne tarderez pas à avoir des mécontents de votre nouveau régime parmi vos propres cohortes d'exilés. Des mécontents toujours. Pourquoi ?
Cela tient à une chose ; il y a sur toute les terres un monopole, celui du régime (ou gouvernement) en place. Dans tous pays, tous sont soumis à l'autorité d'un même gouvernement. De ce fait l'on ne peut qu'aller à l'affrontement, comme nous le constatons aujourd'hui en cette période électoral tendue.
En supposant que son contradicteur imaginaire est un républicain au sein de sa royale Belgique, il lui fait remarquer que si la monarchie ne lui convient pas à lui et à ses amis et qu'il souhaite la renverser, il se heurtera a tous les partisans de la monarchie et à tous ceux – même non monarchistes – qui ne partagent pas ses convictions.
Il lui conseille alors une autre solution : « assemblez-vous, rédigez votre programme, dressez votre budget, ouvrez des listes d'adhésion, comptez-vous, et si vous êtes en nombre suffisant pour en faire les frais, fondez votre république ».
-Où cela ? Dans les pampas ? Lui répond son interlocuteur.
-« Non vraiment, ici ; où vous êtes, sans déplacement. […] Ne sait-on pas qu'en tous lieux, gouvernants et gouvernés font assez mauvais ménage. Dans l'ordre civil, on a paré aux mauvais ménages par la séparation légale ou le divorce. C'est une institution analogue que je propose dans l'ordre politique [...] Vous voulez fonder un schisme politique ? Vous en êtes les maîtres, mais à une condition, c'est de faire cela entre vous, en famille, sans toucher en rien aux droits ni à la foi des autres. Pour cela, point n'est besoin de fractionner le territoire de l'État en autant de cases qu'il y a de formes de gouvernement connues et acceptées. Encore une fois, je laisse chacun et chaque chose à sa place. Je demande seulement que l'on se serre un peu et que les dissidents puissent librement bâtir leur église et adorer le dieu Pouvoir à leur manière ».
C'est là que la Panarchie est différente de tout ce que nous connaissons, il ne s'agit pas de vivre en cité-états chacun de son coté, abandonnant dans notre exil politique tout ce que nous chérissons, il s'agit de rompre avec le concept féodal disant qu'une terre doit avoir un unique maître, ici en l’occurrence un unique régime, dans notre cas français la V° République gouvernée par Mr ou Mme X.
De Puydt propose donc pour des questions de praticité d'ouvrir dans chaque commune, un nouveau bureau, le bureau de l’État politique.
Ce bureau enverrai à chaque citoyen majeur une feuille de déclaration ;
-« Question. Quelle est la forme de gouvernement que vous désirez ? »
Vous répondez, en toute liberté : monarchie, ou démocratie, ou autre chose.
-« Question. Si c'est monarchie, la voulez-vous absolue ou tempérée . . . et par quoi ? »
Selon ses réponses le citoyen est de fait inscrit sur un registre ad hoc et donc « dans les formes et les délais légaux », le voilà « sujet du roi ou citoyen de la république ».
Cette dernière idée ainsi est bien entendu une idée datée, dans une Panarchie moderne les sites de comparaison de gouvernements pourront fleurir, l'on pourrait aussi s'inscrire directement dans un gouvernement en envoyant un courrier à ses dirigeants ou en créer comme on dresse un stand de limonade ; avec ses économies ou par une politique de cofinancement.
3/...afin que tous aient la possibilité de choisir leurs dirigeants.
De fait le citoyen n'est plus soumis aux choix politiques des autres (pensez-y a chaque fois que le résultat d'une élection vous déplaira) ; « Vous obéissez à vos chefs, à vos lois, à vos règlements ; vous êtes jugé par vos pairs, taxé par vos représentants ; vous n'en payez ni plus ni moins, mais, moralement, c'est tout autre chose. »
Ce que cela implique est immense, les humains dans leur très vaste hétérogénéité morale et politique pourront enfin toucher du doigt les bénéfices supposés de leur idées, du posadiste souhaitant bâtir le communiste avec l'aide des extraterrestres au mormon transhumaniste en passant par le libre penseur individualiste et le musulman poussant la pratique de son culte au point de craindre de ne pas s’être essuyé un nombre impair de fois après un besoin naturel.
De ce fait on peut s'attendre à ce que l’avènement de la Panarchie « supprime à tout jamais révolutions, émeutes, désordres de la rue et jusqu'aux moindres émotions, de la fibre politique. Vous n'êtes pas content de votre gouvernement ? Prenez-en un autre ».
Le risque de conflit civil sera écarté dans toutes les nations qui adopteront la Panarchie et en cas de différents entre sujets de gouvernements divers, ou entre un gouvernement et le sujet d'un autre, il suffira selon son théoricien, « d'agir conformément aux règles dès à présent observées entre nations voisines et amies ».
Quant au risque de tiers-mondisation , il est a jamais balayé.
En effet les efforts portés vers la santé, l'instruction, la vertu des dirigeants seront grandement encouragés, et ce par la dimension compétitive de la Panarchie : « Mais sous ce régime de concurrence, quel gouvernement voudra se laisser distancer par les autres dans la carrière du progrès ? Quels perfectionnements, heureusement appliqués chez le voisin, refusera-t-on d'introduire chez soi ? Cette émulation, constamment entretenue, enfantera des prodiges ».
Mieux, outre le fait que paix civile et le progrès sont assurés en Panarchie, la perspective de liberté qu'elle implique peut attirer vers elle des antilibéraux tel cet internaute mélenchonien (je le remercie pour m'avoir autorisé à faire cette capture d'écran).
Il restera malgré tout quelques questions toujours sensibles ; immigration, peine capitale, politique énergétique... Il nous faut donc imaginer des solutions pour que ces sources de conflits ne soit plus que des tempêtes dans des verres d'eau.
Pour ce qui est de l'immigration, je pense qu'une politique plus stricte sur les mœurs et capacités culturelles des populations accueillies et plus attentive à la réalité ethnique historique de chaque nation devrait facilement venir à bout des plus réticents..
En ce qui concerne la peine capitale, je préconise une fédéralisation de cette question au sein de chaque pays. Ainsi en France la population de chaque département, voir de chaque agglomération, pourra décider si la loi devra condamner au châtiment suprême des individus ayant commis des crimes au sein de son territoire.
N'étant pas expert vis à vis de l'énergie, je m'abstiendrai de proposer une solution.
Le Potentiel international de la Panarchie :
sDans son manifeste, Paul-Emile de Puydt dit s'abstenir de militer en faveur de sa nouvelle idée, il s'en tient à la littérature ; « Je crois à la langue universelle, comme je crois à la souveraine puissance de la liberté pour pacifier le monde ; je n'entends prévoir ni le jour ni l'heure de l'accord. Mon idée est une semence que je jette au vent ; tombera-t-elle sur un sol fertile ou sur les pierres du chemin ? Ce n'est plus mon affaire. Je ne propose rien. »
Quelle erreur !
Voyez le XX° siècle qui s'ensuivit avec son cortège de révolutions et de dictatures, ses sécessions armés, ses conflits internationaux dont ses deux conflits mondiaux, ses totalitarismes et ses roitelets triomphants sur une partie de leurs compatriotes, manipulés par les deux grands en état de guerre larvée.
Bilan ? Selon l'Institut néerlandais de relations internationales Clingendael Institute, 231 millions de personnes furent tués à la suite d'une décision d'origine humaine de 1900 à 2000.
http://www.clingendael.nl/sites/default/files/20060800_cdsp_occ_leitenberg.pdf
Et ce n'est pas finis, songeons aujourd'hui à la Crimée, à la partie est de l'Ukraine, au Sahara Occidental, a la Colombie, au Cachemire, à la Casamance, au Tibet, aux îles Spratleys, à la Syrie....
Les terres ravagées par la guerre civile comme la Syrie ou par un conflit motivé par des volontés indépendantistes ont déjà une solution nous l'avons vu, la Panarchie.
Quel basque, tibétain, québécois, corse, ukrainiens russophone ou écossais voudrait perdre du temps ou du sang pour fonder son état indépendant au risque de voir s'y établir des institutions insatisfaisantes, alors que l'état « colon » lui accorde des libertés panarchistes ?
Pour ce qui des territoires disputés pour leurs ressources naturelles, les iles Spratleys par exemple, à la panarchie l'on peut proposer en complément une vente aux enchères ou un condominium, alternance équitable de possession de ces territoires, - un peu pour comme l’île des faisans, qui tout les 6 mois passe de contrôle français à contrôle espagnol et réciproquement -, pourrait régler le problème.
En ce qui concerne les territoires disputés entre deux états tel le Cachemire ou les iles Kouriles, la solution pourrait être des accords bilatéraux reposant sur l'idée Panarchiste. Exemple avec le Cachemire disputé entre l'Inde et le Pakistan et la Chine.
Que les habitants et les états se mettent d'accord ; que chaque habitant du cachemire puisse adhérer à un gouvernement de son choix ou au gouvernement pakistanais/indiens/Chinois, moyennant contribution pour les services proposés (des impôts allant toujours à Delhi, état protecteur). Une autre clause du contrat et chaque indiens, chinois ou pakistanais pourrait proposer des gouvernements aux locaux.
La panarchie, une idée à ancrer dans le réel ; royauté, constitution, parlement :
Mais comment la Panarchie pourrait-elle tenir ? Comment empêcher qu'un gouvernement devenu trop fort tyrannise les gouvernements plus faibles et ne renverse ce régime pour rétablir l'ère du monopole politique ? Est-ce une chimère de doux rêveur ?
Non, ce n'est pas une chimère.
Nous pouvons la toucher du doigt, si nous préparons l’esquisse en faisant en sorte qu'il demeure tout de même une puissance étatique pour exercer le monopole de production de sécurité ou en tout cas pour qu'il y ai une autorité validant et pouvant annuler en certaines portions du territoires les prétentions d'agences de production de sécurité.
État minimum et Royauté :
Personnellement je ne crois pas à l'Anarchie. Je peut me tromper mais je crois que dans un monde anarcho-capitaliste tôt au tard quelques occasions se présenteront pour que des ambitieux refondent des états à leurs profits.
Le mieux est de faire en sorte qu'un État-Minimum puisse se placer au dessus de la mêlée. Il nous faut un état pour occuper définitivement la place qu'un gouvernement trop soutenu pourrait convoiter. Outre ces taches régaliennes, cet état pourrait aussi proposer des services éducatifs pour les plus démunis ou les citoyens ne voulant pas confier leurs enfants à des gouvernements qui pourraient rapidement disparaître.
Quelle serait la forme de cet état ? La logique voudrait que nous n'imaginions pas un état dirigé par quelqu'un d'élu, ce serait inévitablement la division que nous cherchons à fuir. Il nous faut donc une solution qui socialement apporte beaucoup de concorde, une autorité qui soit naturelle et attendue par tous.
Quoi de plus naturel et d'attendue que la naissance d'un héritier ? Quoi de plus socialement accepté au fil des siècles qu'une royauté ancestrale ?
C'est une royauté qu'il nous faut, l'identité d'un pays est défendue par son souverain, sa souveraineté et ses capacités économiques – hors de question pour les souverains de brader l'héritage – sont d'avantages garantis par une couronne que par n'importe quel autre régime.
Mieux, dans un pays où sous l'effet de la libre entreprise et libre concurrence gouvernementale remodèlerait en permanence le paysage politique, la Royauté universelle pour tous les citoyens serait un gage de stabilité et de continuité tel l'obélisque de la concorde au milieu du trafic. De plus la place étant déjà prise au sommet de l’État, et les occupants de cette place – éduqués pour diriger - devenant au fil des années de plus en plus familiers au peuple, aucun Alexandre ambitieux ne pourrait songer sérieusement à amasser suffisamment de soutient pour renverser la table et donc faire chuter la Panarchie.
Reste à déterminer la forme et les modalités de nomination de cette royauté. Dans notre cas français, je pense que deux femmes régnants – duo formé pour des questions de praticité et de sécurité en cas de pertes humaines inopportunes – suite à des examens méritocratiques ouverts à toutes auxquels s'ensuivrait une sélection au hasard des meilleurs résultats serait la meilleure solution. Ensuite de quoi ces deux reines transmettraient une fois leur rôle passé le pouvoir à leurs premières filles et ainsi de suite.
Pourquoi des femmes ? Parce qu'elles ont la faculté de ne pas engendrer de progéniture illégitime et que j'ai personnellement l'impression qu'une reine obtient d'avantage de soutient et d'affection que son peuple.
Constitution et parlement :
Bien sur toute couronne doit être soumise à l'autorité d'une constitution et doit être canalisée par des parlementaires. Il nous faudra donc aussi songer en Panarchie à la rédaction d'une constitution qui puisse non seulement déterminer les droits et devoirs des citoyens, les droits et devoirs des gouvernements et les attributions du parlement et de la royauté.
Cette constitution devra bien sur indiquer les bornes légales à ne pas dépasser ; exemple la peine capitale devra toujours être le monopole de l'état, si son application est désirée par la population d'un tierce endroit.
D'autres monopoles d'état doivent être définis ; emprisonnement, don de la nationalité, institutions d'examens pour le droit au port d'armes...
Une constitution suffisamment claire et casuistique pourrait empêcher le chaos craint par les sceptiques, exemples ici :
Article x relatif à la famille et à la sexualité : Toute personne et gouvernement peut de doter de ses propres lois matrimoniales et familiales, dans le respect des lois de la protection animale, de la protection de l'enfance (dans son acceptation étatique) et de la protection des individus souffrants d'un handicap intellectuel ou ayant subis un traumatisme d'ordre sexuel. Aucun concubinage ou mariage ne fait accéder à la nationalité française ou à un permis de séjour, l'état ne reconnaissant plus ces institutions morales et le don de la nationalité française étant privilège d'état.
Article y relatif aux devoirs et libertés pédagogiques des gouvernements : Tout gouvernement quelque soit ses mœurs peut créer son propre système éducatif et décider du contenu pédagogique de ce dernier.
• -Afin que chacun connaisse son droit de retrait vis à vis de son gouvernement, il est toutefois obligatoire que toute la nation connaisse la constitution nationale à ce titre son enseignement ne saurait être négociable,
1. -L'enseignement de la langue Française ainsi que d'un socle de mathématiques nécessaire pour additionner, soustraire diviser et multiplier est tout aussi obligatoire et ce quel que soit le sexe ou les origines de l'enfant ou la position hiérarchique des parents de ces derniers au sein de son gouvernement.
• -Tous les établissements scolaires non Étatiques peuvent faire l'objet d'une surveillance de la part des autorités. Aucune entrave ne sera tolérée en cas d'inspection.
Quant aux parlementaires, dans notre cas français nous pouvons songer à ce que dans chaque département un parlement formé de 120/240 personnes tirées au sort exerce une autorité visant à faire respecter la constitution et à déterminer les budgets nécessaires à l'entretien de l'état et des biens et services que la population locale n'aura pas voulue privatiser.
Le tirage au sort permettra aux parlements d’être pleinement représentatifs de la population dans la pluralité de ses intérêts et dans sa pluralité ethnique, générationnelle, professionnelle, même si avec le vieillissement de la population les souveraines pourraient décider d'instaurer une limite d'age ou un quota limité de grand vieillards dans les parlements.
Les parlementaires exerceraient un mandat pour deux ans, le parlement serait renouvelé par tiers tous les ans.
Concernant l'échelon le plus local, celui de la commune, là encore il nous faudra innover si l'on veut être en Panarchie.
Là encore pas d'élections, il nous faudrait dans chaque département une valse de commune à commune d'inspecteurs, de missi dominici, eux aussi ayant obtenus leur place par concours.
Ils seraient chargés dans chaque commune de débusquer les gouvernements irrespectueux de la constitution et de les dénoncer au parlement local, d'assurer la concorde entre citoyens de gouvernements différents sur des sujets divers par exemple le partage équitable de ce qui était autrefois une école de la république et d'assurer une surveillance sur tous les autres membres de l'administration étatique.
Voilà, je ne sais pas si l'idée d’État-minimum incarné par une royauté donnant à son peuple des libertés panarchistes, ce Panarcho-Royalisme a de l'avenir, mais je sais que cette « semence que je jette au vent » peut tomber sur des sols fertiles car déjà royaux ; Îles Britanniques, Belgique, Suède, Pays-Bas, Norvège, Danemark...
Tous ces pays et leurs souverains pourraient se débarrasser de l'opposition républicaine en accordant la panarchie aux citoyens, qui de fait seront libre de créer d'infinies variétés de républiques.
Je pense aussi aux nombreux pays qui ont perdus leurs souverains il y a moins d'un siècle et qui pourraient y trouver une forme de « salut » aux maux démocratiques.
L'humanité était libre avant d'avoir des souverains pour dominer tout un chacun, sans eux elle est plus divisée que jamais par les ambitieux, la solution me semble toute trouvée désormais ; dominer de nom, laisser à chacun la liberté de s'en créer un.
Gabriel Delauney
B) La panarchie, plaidoyer pour la concurrence politique
Le panarchisme
est une doctrine politique inventée au XIXe siècle par l’écrivain et
botaniste belge Paul Émile de Puydt (1810-1888). Il fut président de la
Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut mais il s’intéressa
également à l’économie politique au sujet de laquelle il écrivit plusieurs
ouvrages : La charité et les institutions de bienfaisance (1867),
Marche et progrès de la civilisation dans les temps modernes (1870), La
Grève (1876).
En 1860, de
Puydt publie dans la Revue Trimestrielle à Bruxelles, un article
intitulé « Panarchie », dans lequel il applique aux relations
sociales et politiques l'idée de la concurrence économique. « Liberté du
choix, concurrence. Laissez faire, laissez passer ! Cette sublime devise,
inscrite sur le drapeau de la science économique, sera un jour aussi celle du
monde politique », écrit de Puydt. La fameuse devise des Physiocrates
« laissez-faire, laissez-passer », évoquée ici n’est pas un cri
d’anarchisme mais plutôt un appel à limiter la sphère publique pour donner
davantage d’autonomie à la sphère privée. C’est un principe de distinction
entre la sphère politique et la sphère économique. C’est un appel aux
autorités à laisser les producteurs s’organiser eux-mêmes selon la loi de
l’offre et de la demande, pour produire et échanger de façon plus efficace et
à moindre coût.
« La grande loi de l'économie politique,
la loi de la libre concurrence, laissez faire, laissez passer, n'est-elle
applicable qu'au règlement des intérêts industriels et commerciaux ou, plus
scientifiquement, qu'à la production et à la circulation des richesses
? » Pourquoi alors ne pas envisager une organisation sociale et
politique dans laquelle tous les systèmes de gouvernance seraient mis en
concurrence ? Tel est le projet original de la panarchie exposé pour la
première fois dans ce texte.
« Pan »
vient du grec qui signifie tout et « archie » vient du grec
« arché » qui veut dire pouvoir. La panarchie plaide pour que
toutes les formes de pouvoir puissent coexister côte à côte sur le même
territoire et soient librement choisis par les individus. Le panarchisme est
donc un système capable de faire coexister divers systèmes politiques en
laissant aux individus le choix de s’affilier au gouvernement de leur choix,
ou à aucun, s’ils le souhaitent.
En fait, il ne
s’agit pas d’une nouvelle idéologie mais simplement d’un mode d’organisation
du pouvoir extraterritorial et
par conséquent non monopolistique. Le domaine de souveraineté d’un
gouvernement donné ne s’étendrait pas sur un territoire mais sur
des personnes. Et celles-ci seraient libres de choisir leur forme de
gouvernement : socialiste, communiste, monarchiste, républicain,
libéral…
Il ne s’agit
pas non plus, explique-t-il, de réclamer l'absorption de la société par
l'État, comme les communistes et les collectivistes le font, ni d’appeler à
la suppression de l'État, comme en rêvent les anarchistes. Il s’agit plutôt
de plaider pour la concurrence des organisations étatiques sur un même
territoire et donc la fin du monopole territorial de l’État souverain.
Selon de
Puydt, il faut « pour tous et chacun des éléments de la société humaine, la
liberté de s’agréger suivant leurs affinités et […] le droit absolu de
choisir la société politique où ils veulent vivre et de ne relever que de
celle-là. » Ainsi, ceux qui veulent fonder une république sont libres de le
faire, à condition de ne pas l’imposer à ceux qui veulent un roi… et
vice-versa.
L'auteur
de « Panarchie », est le premier à avoir utilisé ce terme.
Toutefois l’idée se trouvait déjà chez son maître, l’économiste Gustave de
Molinari, en particulier dans son livre de 1849 : Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Onzième Soirée), et dans son article « De la production de la
sécurité » publié dans
le Journal des
Économistes du 15
février 1849 (tome 22, no. 95, pages 277-290) Gustave de Molinari s’était déjà exprimé en faveur de ce
qu’il avait appelé « la liberté de gouvernement ».
En fin de
compte, Paul Emile de Puydt présente la panarchie comme une forme de
tolérance politique, sur le modèle de la tolérance religieuse. De même que
l’État n’a pas à imposer une religion particulière, il n’a pas non plus à
imposer un seul mode de gouvernance. Et de même que les adeptes de religions
différentes peuvent vivre en paix côte à côte, de même nous devrions pouvoir
vivre comme nous l’entendons sans imposer aux autres nos propres choix sociétaux
et politiques (impôts, réglementations écologiques ou bioéthiques, systèmes
de santé, tribunaux etc.) Ceci n’exclut pas bien sûr que sur un même
territoire se nouent des alliances ou des confédérations, que ce soit pour la
défense, la justice pénale ou autre.
Damien Theillier est professeur de philosophie. Il est l’auteur de Culture générale (Editions Pearson, 2009), d'un cours de philosophie en ligne (http://cours-de-philosophie.fr), il préside l’Institut Coppet (www.institutcoppet.org).
C) A propos de la Panarchie - (Brève histoire et manière de voir)
Présentation (^)
Au cours des mois et des années à venir, il est fort probable que la théorie scientifique éminemment pragmatique appelée Panarchie suscitera l’intérêt d’un grand nombre aux quatre coins du monde, parce qu’elle est d’une simplicité frappante, d’une beauté fascinante, et qu’elle peut être appliquée universellement.
Il convient donc d’expliquer la naissance et le développement
de cette théorie, et de clarifier ses principes de base et ses
différents aspects essentiels. Tout cela semble nécessaire étant donné
l’évolution habituelle des courants de pensée, qui sont déformés et mal
interprétés au fur et à mesure que leur popularité va croissant.
Ce qui vous est proposé ici, c’est une brève histoire de la
Panarchie, et une manière personnelle de voir ce qu’elle est et ce
qu’elle n’est pas.
Brève Histoire (^)
À l’origine (^)
Le mot « Panarchie » (du latin Panarchia) semble avoir été
utilisé pour la première fois par un philosophe cosmopolite France
Patric (Franciscus Patricius), né en 1529 dans l’île de Cherso, ou Cres,
au large des côtes de la Dalmatie, et mort à Rome en 1597. Dans son
traité « Nova de universis philosophia » (« Nouvelle Philosophie à
propos des Univers ») publié en 1591 (et réédité avec quelques
modifications en 1593), il présente en quatre parties (« Panaugie »,
« Panarchie », « Pampsychie », « Pancosmie ») une vision du monde selon
laquelle l’univers, la nature et le savoir forment un tout invisible.
Cette approche explique la récurrence du préfixe « pan », qui en grec
veut dire « entier », « global ».
http://plato.stanford.edu/entries/patrizi/#1
http://www.istrianet.org/istria/illustri/patrizi/schiffler.htm
Cependant il faut attendre trois siècles avant qu'un homme de
lettres et de sciences, le botaniste Paul Emile de Puydt, emploie le
terme Panarchie avec le sens que nous proposons d’examiner dans les
lignes qui suivent.
En 1860, Paul Emile de Puydt publia à Bruxelles, dans la Revue Trimestrielle, un article fondateur intitulé PANARCHIE, dans lequel il appliqua aux relations sociales et politiques le schéma de la compétitivité utilisée dans la sphère économique (laissez-faire, laissez-passer), directement inspiré de la théorie et de la pratique de l’économie.
En 1860, Paul Emile de Puydt publia à Bruxelles, dans la Revue Trimestrielle, un article fondateur intitulé PANARCHIE, dans lequel il appliqua aux relations sociales et politiques le schéma de la compétitivité utilisée dans la sphère économique (laissez-faire, laissez-passer), directement inspiré de la théorie et de la pratique de l’économie.
Selon de Puydt, plusieurs gouvernements, librement choisis par
leurs électeurs, peuvent coexister côte à côte sur un même territoire,
et pourvoir, plus efficacement et à un moindre coût, à tous ces services
qui sont aujourd’hui dispensés (le plus souvent au prix fort et pour un
rendement moindre) par un État-nation qui en a le monopole.
D’après cette conception de la Panarchie, la disparition de
tout monopole politique et le droit de choisir librement entre plusieurs
gouvernements concurrents constituent des facteurs décisifs - pour ne
pas dire indispensables - en vue d’obtenir des services sociaux moins
coûteux et de meilleure qualité.
Paul Emile de Puydt, Panarchie http://www.panarchy.org/depuydt/1860.fr.html
Paul Emile de Puydt, Panarchie http://www.panarchy.org/depuydt/1860.fr.html
Si de Puydt reste le premier auteur des temps modernes à
utiliser le terme de Panarchie, Gustave de Molinari, économiste de
tradition libérale classique et éditeur du Journal des économistes de 1881 à 1909, est le premier à proposer par écrit la notion de gouvernements en compétition.
Dans un essai publié en Octobre 1849, il explique qu’il est
convaincu que la sécurité est un service qui, comme tous les autres,
peut-être fourni par des organismes que les individus choisissent en
toute liberté, en mettant en concurrence la qualité de leurs
performances (calculée en termes d’engagements et de résultats).
Gustave de Molinari, De la production de la sécurité
http://www.panarchy.org/molinari/securite.html
Dans un livre intitulé Les Soirées de la Rue Saint-Lazare
(1849), consistant en une série de conversations entre trois individus
d’opinions différentes (un conservateur, un socialiste et un
économiste), Gustave de Molinari, qui joue le rôle de l’économiste,
s’était déjà exprimé en faveur de l’introduction de « gouvernements
libres » c’est-à-dire de « gouvernements dont on peut accepter ou
refuser les services selon son libre arbitre » (Onzième Soirée).
Il se base sur le raisonnement suivant: avec la fin du monopole
de l’État et l’essor de la compétition, le prix des services (et
surtout celui de la sécurité) « serait toujours réduit au niveau
des coûts de production », car « chaque individu s’engagerait auprès de
l’organisme qui lui inspirerait le plus confiance et dont les conditions
lui sembleraient les plus favorables. »
Gustave de Molinari, Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Onzième Soirée)
http://www.panarchy.org/molinari/11.html
Malheureusement, la diffusion de cette théorie, pourtant remarquablement pragmatique et tout à fait sensée, n’a pas été couronnée de succès (pour employer un doux euphémisme). D’une part, elle va contre les intérêts matériels d’une couche sociale parasite mais influente et toujours en expansion: la fourmilière des fonctionnaires d’Etat. D’autre part, cette théorie s’oppose à une idée fermement ancrée dans les mentalités, après des siècles d’un féodalisme qui promeut le territorialisme: un territoire, un maître.
C’est pourquoi cette idée est restée sans suite: elle n’a donné
lieu à aucun débat théorique ni à aucune expérimentation pratique, et
cela parce que les socialistes-étatistes et les conservateurs-étatistes
ont été à la tête des décisions politiques. Pendant plus d’un siècle, la
théorie panarchiste est restée oubliée, à une notable exception près.
En 1909, Max Nettlau, historien de l’Anarchie, rédigea un article publié par Der Sozialist, édité à Berlin par Gustav Landauer, intitulé: Panarchie. Eine verstollene Idee von 1860
(« Panarchie - une idée oubliée de 1860 »). Dès la première phrase,
Nettlau manifeste son enthousiasme pour la coexistence de gouvernements
concurrents: « depuis longtemps, je me dis qu’il serait fantastique que
l’opinion publique envisage politiciens et institutions non plus comme
devant fatidiquement 'se succéder les uns aux autres' mais, de façon si
simple et si évidente , 'coexister simultanément.' ».
Dans la suite de l’article, Nettlau fait part au lecteur de sa
découverte du texte de de Puydt et avoue « être tombé amoureux du
concept » d’une « TOLERANCE MUTUELLE en matière politique et sociale »
que l’on rencontrerait au sein de gouvernements qui ne seraient pas liés
à un territoire, mais auxquels chacun adhérerait librement, et que l’on
soutiendrait selon son bon vouloir.
Max Nettlau, Panarchie. Une idée oubliée de 1860
http://www.panarchy.org/nettlau/1909.fr.html
L’article de Nettlau fut réédité en 1920 à Berlin, dans le journal Der Individulistische Anarchist
(« L’Anarchisme Individualiste »), par Benedikt Lachman. Cependant, en
dehors de ce regain d’intérêt, le texte n’a pas suscité d’autre
attention ni diffusion, même pas dans les cercles anarchistes.
Le Développement
(^)
La belle proposition d’Auguste de Molinari et de Paul Emile de
Puydt, soutenue avec enthousiasme par Max Nettlau, serait peut-être
restée un joyau oublié si Kurt Zube et surtout son fils John Zube ne
l’avaient remise à jour.
En 1977, Kurt Zube, sous le pseudonyme de K.H.Z.Solneman, publia Le Manifeste de la Paix et de la Liberté, où le concept de Panarchie est présenté et commenté en des termes très élogieux (voir en particulier le chapitre 5).
K. H. Z. Solneman, The Manifesto of Peace and Freedom
http://www.panarchy.org/solneman/manifesto.index.html
Cependant, c’est son fils John Zube qui a été le meilleur et le
plus acharné défenseur de la Panarchie, dans une série d’essais et de
livres, écrits surtout à partir de 1964 et publiés dans ses nombreux Peace Plans ("Plans pour la Paix").
Parmi tous ces courts textes, on peut accorder une attention
particulière à une série de notes intitulées « Sur la Tolérance »
(1982).
John Zube, On Tolerance
http://www.panarchy.org/zube/tolerance.1982.html
Dans ces notes, le concept de base de la Panarchie, à savoir
« la tolérance pour toutes les façons tolérantes de vivre », est défini
de la manière la plus convaincante et rationnelle qui soit. Vie sociale
et vie privée sont vues comme une seule et même expérience de
l’existence, au cours de laquelle chacun tire des leçons de ses échecs,
de ses succès, et de ceux des autres; ce qui permet à chacun de se
développer et de progresser. Sans ce droit à l’expérimentation, nous
sommes privés d’une des conditions fondamentales pour mener une vie
humaine, enrichissante, et digne d’être vécue.
En d’autres termes, la Panarchie préconise la tolérance la plus
totale et la pleine liberté d’expérimentation, tout au long de la vie,
partout et pour tous.
Dans un autre petit texte, « L’Évangile de la Panarchie » (1986),
John Zube, The Gospel of Panarchy
http://www.panarchy.org/zube/gospel.1986.html
John Zube définit la Panarchie comme
« le moyen de réaliser autant de communautés autonomes que leurs adhérents le souhaitent, toutes coexistant sans revendiquer un territoire qui leur soit propre, côte à côte et entremêlées comme le sont les membres qui les composent ; situées sur un même territoire ou éparpillées sur toute la surface du globe, et pourtant séparées les unes des autres par des lois, une administration et une juridiction qui leur sont propres, exactement comme les différentes Églises dans un même territoire sont (ou devraient être) indépendantes les unes des autres. »
Sous l’influence et l’inspiration, directes ou indirectes, de
John Zube, d’autres auteurs ont commencé à écrire sur la Panarchie.
En 2005, un économiste suédois, Richard CB Jonhsson, rédigea
deux essais sur le concept de la gouvernance non-territoriale, principal
objectif de la Panarchie: la fin du territorialisme ou du monopole de
l’État-nation, et l’émergence de gouvernements en compétition ou de
plusieurs sortes de gouvernances au sein d’un même territoire.
Le premier essai, « Gouvernance Non-territoriale: héritage
oublié de l’humanité », est un survol de l‘histoire de ce concept, basé
surtout sur la thèse de doctorat de Shih Shun Liu intitulé Extraterritorialité, de la naissance au déclin. (1925)
Richard CB Johnsson, Non-Territorial Governance - Mankind’s Forgotten Legacy
http://www.panarchy.org/johnsson/review.2005.html
Le second texte, intitulé Au Monopolisateur de tous les Partis,
est une version condensée du premier essai et a été publié pour la
première fois (février 2005) sur le site web de Lew Rockwell.
Richard CB Johnsson, To the Monopolist of All Parties
http://www.lewrockwell.com/orig5/johnsson3.html
Plus récemment, Michael Rozeff, professeur d’économie à l’Université de Buffalo (New York), est devenu un ardent défenseur de la Panarchie, grâce à une série d’essais parus tout d’abord sur le site web Lew Rockwell, et ensuite publiés sur d'autres sites.
Michael Rozeff, A foundation for Panarchy (Juillet 2008)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff210.html
Michael Rozeff, Why Government Should Be Voluntarily Chosen (Janvier 2009)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff252.html
Michael Rozeff, Why I Am a Panarchist (Janvier 2009)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff260.html
Michael Rozeff, Liberty in the Choice of Governance (Février 2009) http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff271.html
Michael Rozeff, Liberty in the Choice of Governance (Février 2009) http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff271.html
Comme supplément aux textes de John Zube et en rapport direct
avec les essais de Gustave de Molinari et de de Puydt, les articles de
Michael Rozeff constituent une très bonne présentation de la théorie et
de la pratique de la Panarchie.
Les autres répercussions (^)
Alors que les auteurs cités jusqu’ici (à l’exception de Gustave
de Molinari) emploient le terme de Panarchie, de nombreux autres
écrivains n’y font pas allusion; cependant leurs écrits présentent des
affinités avec le concept de Panarchie, caractérisé par
l’a-territorialisme (gouvernements non-territoriaux) et le
multi-gouvernementalisme (gouvernements en compétition).
Dans un essai sur la liberté et la taxation,
Benjamin Tucker, Liberty and Taxation http://www.panarchy.org/tucker/taxation.html
publié dans le magazine Liberty (1881-1908), Benjamin Tucker se fait le défenseur des « impôts volontaires »:
Dans un essai sur la liberté et la taxation,
Benjamin Tucker, Liberty and Taxation http://www.panarchy.org/tucker/taxation.html
publié dans le magazine Liberty (1881-1908), Benjamin Tucker se fait le défenseur des « impôts volontaires »:
« Il est parfaitement exact que les impôts volontaires n’empêcheraient pas l’existence de cinq ou six ‘États’ en Angleterre, et que les membres de ces cinq ou six ‘États’ pourraient vivre dans la même maison… » « Mais qu’est-ce que cela peut faire ? Il y a bien plus de cinq ou six Églises en Angleterre ; et il n’est pas rare que les membres d’une même famille contractent des assurances sur la vie, contre les accidents ou les incendies, dans plusieurs compagnies. Est-ce que cela a déjà nui à personne? »
Ici, Tucker surmonte les différences entre l’anarchie et la
Panarchie en soulignant ce qu’elles ont en commun: la promotion de la
liberté de choisir, le volontarisme, la tolérance.
On peut en dire autant à propos de Voltairine de Cleyre. Dans son essai, intitulé Anarchisme,
Voltairine de Cleyre, Anarchism (1901)
http://www.panarchy.org/voltairine/anarchism.html
elle rejette toutes les prises de positions bornées des différentes écoles de pensées, même au sein du mouvement anarchiste, et proclame son adhésion à tous les types de conception anarchiste et leur mise en pratique (anarchisme individuel, anarchisme mutualiste, anarchisme communiste, anarchisme socialiste), à condition qu’il s’agisse toujours d’une option choisie en toute liberté par ses adeptes. A cet égard, il y a des similarités frappantes entre l’anarchisme de Voltairine de Cleyre et le panarchisme de de Puydt. Tous deux sont pour la coexistence de différentes doctrines et de différentes manières d’organiser la société, à condition que toutes soient librement choisies et mises en pratique par leurs adhérents et qu’elles ne soient pas imposées à qui que ce soit (dans la plupart des cas, sur le prétexte absurde que c’est pour le bien du peuple).
elle rejette toutes les prises de positions bornées des différentes écoles de pensées, même au sein du mouvement anarchiste, et proclame son adhésion à tous les types de conception anarchiste et leur mise en pratique (anarchisme individuel, anarchisme mutualiste, anarchisme communiste, anarchisme socialiste), à condition qu’il s’agisse toujours d’une option choisie en toute liberté par ses adeptes. A cet égard, il y a des similarités frappantes entre l’anarchisme de Voltairine de Cleyre et le panarchisme de de Puydt. Tous deux sont pour la coexistence de différentes doctrines et de différentes manières d’organiser la société, à condition que toutes soient librement choisies et mises en pratique par leurs adhérents et qu’elles ne soient pas imposées à qui que ce soit (dans la plupart des cas, sur le prétexte absurde que c’est pour le bien du peuple).
Comme l’écrit Voltairine de Cleyre dans la dernière phrase de
son article, « chacun choisit la méthode qui exprime le mieux son
individualité, et ne condamne pas les autres parce qu’ils expriment la
leur différemment. »
Malheureusement, les autres anarchistes, (si l’on excepte le cas remarquable mais unique de Max Nettlau, mentionné plus haut), n’ont pas manifesté un grand intérêt pour cette approche.
Malheureusement, les autres anarchistes, (si l’on excepte le cas remarquable mais unique de Max Nettlau, mentionné plus haut), n’ont pas manifesté un grand intérêt pour cette approche.
C’est un groupe de penseurs, les Austro-marxistes (voir: Tom Bottomore et Patrick Goode, eds., Austro-marxisme, Clarendon Press, Oxford, 1978), qui a élaboré une proposition originale non dénuée d’affinités avec la Panarchie et qui aurait pu représenter la première ébauche d’une organisation Panarchiste de la société. Entre la fin du 19e et le début du 20e siècle, Karl Renner et Otto Bauer, tous deux originaires du brasseur de nationalités qu’est l’empire Austro-hongrois, ont développé des théories de fédéralisme non-territorial. Leur proposition dissocie du territoire une série de besoins et de fonctions, individuelles et sociales (culture, éducation, justice), et assigne directement leur administration aux membres de différents groupes nationaux, indépendamment de leur localisation sur le territoire. De plus, ils soulignent le fait que faire partie d’un groupe national est un choix personnel, basé sur des motifs qui ne sont valables que pour un seul individu et pour personne d’autre.
Ce qui manque dans ce concept de fédéralisme non-territorial,
c’est l’idée, présente dans la théorie Panarchiste, de retirer au
gouvernement le monopole du pouvoir, y compris dans la sphère politique
et économique (inclus la gestion de la monnaie); ainsi que le droit de
choisir son gouvernement pour ce qu’il vaut, c'est-à-dire pour sa
capacité à fournir des services et à satisfaire ses clients.
Néanmoins, le développement du Panarchisme aurait été
considérablement facilité si ce qu’on peut appeler l’école autrichienne
du fédéralisme non-territorial était parvenue à d’importantes percées et
à une véritable adhésion du peuple, au lieu d’être anéantie par
l’explosion du nationalisme qui est à l’origine de deux guerres
mondiales et de la disparition du multiculturalisme de l’empire
austro-hongrois.
Quelques juifs d’Europe centrale et de Russie avaient également
développé une approche cosmopolite de l’organisation sociale dans
laquelle les juifs (et toutes les autres minorités dépourvues d’un État
propre) seraient libres d’organiser leur communauté au sein de
l’État-nation dans lequel ils vivent.
Le génocide national socialiste, ainsi que les persécutions et
les exterminations du communisme stalinien, ont non seulement anéanti
les personnes qui soutenaient ces idées, mais elles ont aussi effacé
jusqu’au souvenir du fait que ces idées aient existé.
Les gens, aveuglés par la conviction de la nécessité du
monopole du pouvoir par l’État territorial, participent soit activement
(en édictant les lois), soit passivement (en les subissant), à cet
effort pour se débarrasser des éléments « indésirables » et des idées
« qui dérangent », qui ne correspondent pas aux revendications du groupe
dominant ou majoritaire.
Pendant des décennies, l’existence d’un État-nation territorial
central a été considérée comme un état des choses destiné à durer pour
toujours, comme l’aboutissement même de l’histoire de l’humanité.
Cependant, l’Histoire n’est pas figée. De nouvelles idées et de nouvelles aspirations finissent toujours par émerger quelque part, et elles ne sont bien souvent que des redécouvertes d’anciennes théories.
En Janvier 1962, un article a été publié dans The Register, à
Santa Ana en Californie (USA), qui prônait le renversement de la
démocratie de la majorité (dans laquelle « les majorités prennent des
décisions qui entravent la liberté des autres »), et le début de la
Démocratie avec un petit « d », grâce à laquelle chacun peut être
gouverné par le gouvernement pour lequel il a voté.
Anonyme, Démocratie avec un petit « d »
http://www.panarchy.org/anonymous/democracy.1962.htlm
Tout comme de Puydt s’est inspiré du système libéral des
entreprises concurrentes pour bâtir son modèle de gouvernements en
compétition, l’auteur de cet article compare sa proposition au choix de
différentes marques d’un produit. L’idée d’être obligé de consommer la
marque choisie par la majorité serait très difficile à accepter, et
pourtant c’est exactement ce qui se passe pour les décisions sociales
sous la démocratie de la majorité.
Comme l’auteur le dit très bien : « le concept de
représentation est surtout un concept de délégation. Quelqu’un doit agir
pour vous. Mais comment quelqu’un peut-il agir pour vous s’il est
entièrement impliqué dans des actions qui sont contraires à votre propre
intérêt ? Penser qu’il vous représente parce que d’autres l’ont choisi,
c’est croire un mensonge. »
Cet auteur anonyme n’était pas le seul à défendre ce genre d’idées aux États-Unis pendant cette période. Entre 1969 et 1977, un californien, sous le pseudonyme de « Le Grand E. Day », développa le concept de multi-gouvernementalisme, à travers plusieurs textes qu’on peut classer entre les sciences sociales et la science fiction. Le Grand E. Day y propose de remplacer le mal-nommé « contrat social », censé être le fondement même des États-nation démocratiques, par des « contrats individuels », grâce auxquels « chaque individu a le droit de choisir son propre gouvernement, indépendamment de son lieu d’habitation, tout comme il peut librement choisir son propre style de vie, sa religion, sa compagnie d’assurance, sa voiture, etc., etc. » (L’incident de Northridge)
Le Grand E. Day, The Northridge Incident
http://www.panarchy.org/day/northridge.htlm
Cependant, dans son optique, l’État en tant que territoire
n’est pas absolument aboli: il subsiste pour assurer certaines fonctions
qui, selon lui, nécessitent une délimitation géographique (c’est-à-dire
un territoire), telles que la protection et la sécurité. Par
conséquent, pour ces services bien précis, il n’y aurait « qu’un seul
gouvernement pour chaque territoire (autrement dit pour chaque unité
territoriale locale de la surface du globe). Pour lui, « on peut séparer
les services liés à une unité territoriale (généralement du domaine de
la protection), des autres services (généralement en rapport avec les
volontés des hommes) qui ne sont en aucun cas liés à un espace
géographique précis. Cette scission donne à chaque individu le droit de
choisir les services qui relèvent des décisions humaines, ce qui revient
dans la pratique à choisir son propre gouvernement. » (The Northridge
Incident)
Par le passé, Gustave de Molinari (De la Production de la Sécurité, 1849)
Gustave de Molinari, De la Production de la Sécurité http://www.panarchy.org/molinari/securite.html
ainsi que, plus récemment, Hans Hermann Hoppe (La Production Privée de la Défense, 1998)
Hans Hermann Hoppe, The Private Production of Defense
http://www.mises.org/journals/scholar/Hoppe.pdf
pour ne citer qu’eux parmi beaucoup d’autres, avaient déjà
débarrassé le camp du mythe selon lequel, pour que les individus qui
occupent un territoire soient en sécurité, il faut qu’un État unique
monopolise les moyens de défense.
Néanmoins, ce point précis mis à part, les propositions de Le Grand E. Day développées dans deux autres textes
Le Grand E. Day, The Theory of Multigovernment (1969-1977)
http://www.panarchy.org/day/multigovernment.1977.html
Le Grand E. Day, A Letter from the Future (1975) http://www.panarchy.org/day/letter.1975.html
constituent une approche enrichissante et stimulante du concept de Panarchie.
Le Grand E. Day, A Letter from the Future (1975) http://www.panarchy.org/day/letter.1975.html
constituent une approche enrichissante et stimulante du concept de Panarchie.
La situation actuelle (^)
Ces derniers temps, pendant une longue période, les seuls
écrits concernant la Panarchie furent ceux de John Zube. Puis, vers la
fin du 20e et le début du 21e siècle, on a vu apparaître plusieurs
essais qui, sans utiliser le terme précis de Panarchie, étaient
néanmoins en accord avec le concept de gouvernance non territoriale.
En 1993, Roderick T. Long a commencé à imaginer une organisation sociale basée sur des Cantons non plus géographiques, mais Virtuels.
Roderick T. Long, Virtual Cantons http://www.panarchy.org/rodericklong/virtualcantons.html
En 1993, Roderick T. Long a commencé à imaginer une organisation sociale basée sur des Cantons non plus géographiques, mais Virtuels.
Roderick T. Long, Virtual Cantons http://www.panarchy.org/rodericklong/virtualcantons.html
Dans l’essai qui défend cette idée, il prône la dispersion
totale du pouvoir (« décentralisez, décentralisez, décentralisez ! »)
ainsi que la naissance du non-territorialisme (« séparez les
juridictions politiques de leur localisation géographique ») de façon à
ce que « chacun puisse changer de juridiction politique sans avoir à
changer de lieu de résidence. »
Si la politique ne se résumait pas au dogmatisme et à
l’opportunisme, il y a longtemps que les Cantons Virtuels auraient pu
être mis à l’essai, surtout si l’on pense au fait que les techniques de
communication instantanée et des relations sociales à longue distance
sont déjà à l’origine de nombreuses communautés virtuelles, bien
qu’encore dénuées de pouvoir substantiel.
En 1999, le Dr Aviezer Tucker, à l’époque chercheur à l’Académie Tchèque des Sciences de Prague , rédigea un article pour le journal Utopian Studies, de l’université d’Alaska à Anchorage (hiver 1999). Dans cet essai particulièrement enrichissant, il se focalise sur ce qu’il appelle « la conspiration territoriale », une idée reçue qui veut que l’existence de l’État ne soit possible qu’à condition d’un monopole de la souveraineté territoriale (à partir du postulat suivant: pas de territoire sans État et pas d’État sans territoire).
Aviezer Tucker, The Best States: Beyond the Territorial Fallacy, Utopian Studies, Winter 1999
http://www.panarchy.org/aviezer/territorialfallacy.html
Le Dr Tucker démantèle cette idée reçue en soulignant que, si
l’on examine le sens propre des mots, on s’aperçoit que le plus souvent,
« l’État est au service des citoyens, et non pas aux commandes d’un
territoire ». En d’autres termes, « les États sont [donc] fondés sur des
contrats sociaux, et non sur une hypothétique souveraineté; ils sont au
service de leurs citoyens, et non détenteurs du monopole de l’usage de
la violence sur un territoire. »
Il n’y a qu’un pas - celui d’une démarche logique de cause à
effet - entre ces réflexions très concrètes, et la proposition
Panarchiste, c'est-à-dire la mise en place de gouvernements non
territoriaux, en compétition les uns avec les autres, pour fournir des
services à des consommateurs qui les choisissent librement. Et comme
n’importe quel contrat passé avec une compagnie, le contrat social signé
avec un gouvernement particulier « n’est ni hypothétique ni illusoire,
mais au contraire explicite, actuel, volontaire et réversible. »
Il s’agit ici d’une des meilleurs définitions de la Panarchie,
même si l’auteur n’a jamais employé ce terme et qu’il ignorait peut-être
jusqu’à l’existence même de Paul Emile de Puydt et de son texte
fondateur.
En 2001, Bruno Frey, professeur à l’Institut pour les Recherches Économiques Empiriques de l’université de Zurich, condense dans son essai intitulé « La gouvernance sans monopole territorial, une utopie ? »
Bruno Frey, A Utopia? Government without Territorial Monopoly
http://www.iew.unizh.ch/wp/iewwp047.pdf or
http://www.panarchy.org/frey/utopia.2001.html
sa vision des Juridictions Compétitives, Simultanées et
Pragmatiques (JCSP), déjà formulée dans ses précédents articles (1995 et
1996).
Cette thèse s’appuie sur des exemples historiques (comme
l’organisation marchande non délimitée géographiquement baptisée La
Hansa) et actuels (comme la Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, la ICANN), qui prouvent la viabilité de la gouvernance non territoriale.
Comme le constate l’auteur dans sa conclusion, « les
Juridictions Compétitives, Simultanées et Pragmatiques sont en rupture
totale avec l’idée préconçue qu’un gouvernement doit avoir le monopole
d’un territoire bien défini, mais la proposition qui est ici faite est
loin d’être utopique. Les événements historiques prouvent bien qu’elle
est réalisable, et cette possibilité est rendue encore plus tangible
aujourd’hui grâce à la récente émergence de gouvernements virtuels. »
Le même point de vue était défendu par Gene Callahan dans un discours prononcé lors de la 9e Conférence sur la Pensée Economique de l'Ecole Autrichienne, le 13 mars 2003.
Gene Callahan, The Right to Walk Away
http://www.mises.org/story/1185 or
http://www.panarchy.org/callahan/walkaway.2003.html
Ce que Callahan défend, c’est l’idée que « chacun devrait
pouvoir quitter une association civique sans avoir à changer de
situation géographique. »
La proposition de Callahan, fondée sur la défense du libre
arbitre de chaque individu, est en parfait accord avec la pensée
Panarchiste, et sur une page de son blog « Crash Landing », il déclare
clairement qu’il adhère à la philosophie Panarchiste (2007).
Gene Callahan, Crash Landing
http://gene-callahan.blogspot.com/2007/11/panarchy-in-uk.html
Si l’on considère que la Panarchie s’oppose à toutes les formes de territorialisme (c'est-à-dire de monopole de la souveraineté sur un territoire), il est important de souligner que, dans cette optique précise, il y a eu récemment une résurgence de la défense du fédéralisme non territorial, grâce à l’action de l’école autrichienne mentionnée plus haut. Parmi ceux qui sont actuellement en train de défendre et de promouvoir cette résurgence, on trouve un Français, professeur de droit et président de l’Association pour les Droits des Minorités, situé à Paris
Yves Plasseraud, Choose Your Own nationality (2000)
http://www.panarchy.org/plasseraud/choice.html
ainsi qu’un Allemand travaillant au Sri Lanka comme représentant de la fondation Friedrich Ebert.
Dietmar Kneitschel, Federalism and Non-Territorial Minorities (2004)
http://www.panarchy.org/kneitschel/federalism.html
Leurs idées sont utiles à la promotion de la pensée
Panarchiste, car leurs textes s’appuient à la fois sur des exemples
historiques (l’empire austro-hongrois multi-nationaliste, les Juifs
cosmopolites) et sur la réalité contemporaine (Bosnie, Sri Lanka). Et il
est indéniable que le rapprochement entre la gouvernance
non-territoriale et des exemples bien concrets, ne peut que contribuer à
rendre l’idée de renoncer au territorialisme moins étrange et
irréalisable qu’elle ne peut le sembler au premier abord.
La théorie Panarchiste gagne du terrain; c’est attesté par l’apparition de débats autours du sujet sur la toile (comme par exemple sur les forum de Mises Community, Anarchisme.net, Ron Paul, etc.). Il est important de souligner également que la théorie Panarchiste est sous-entendue dans de nombreux termes plus ou moins synonymes, comme la Polyarchie, la Personarchie, la Kritarchie, la Choicéocratie, le Coexistentialisme, etc.
On trouve donc des textes qui ont un rapport étroit avec la Panarchie, et ils sont recensés par
Roy Halliday, Non Territorial Freedom http://royhalliday.home.mindspring.com/virtual.htm
Roy Halliday, Non Territorial Freedom http://royhalliday.home.mindspring.com/virtual.htm
Avant de conclure ce résumé de l’Histoire de la Panarchie, il faut souligner que cette philosophie a également influencé la pensée sur la Théorie des Systèmes, en apparaissant comme un moyen de résoudre le problème insoluble de la centralisation du pouvoir politique. En 1975, John Gall, professeur à l’université de Michigan, écrivit un excellent petit livre intitulé Systemantics. How systems works and especially how they fail (La Systémantique. Le fonctionnement, et surtout le dysfonctionnement des Systèmes). qui milite pour la mise en place de deux nouvelles libertés:
• la liberté de choisir son territoire (liberté distributionnelle)
• la liberté de choisir son gouvernement (principe de l’indétermination hégémonique).
« Si l’on disposait de la liberté de choisir son territoire, tous les citoyens de tous les pays seraient libres de s’installer où ils le souhaitent. On resterait citoyen du gouvernement que l’on a choisi, celui auquel on paie des impôts et duquel on élit les représentants. Mais pourtant, la liberté de choisir son gouvernement garantirait que l’on puisse à tout moment changer de citoyenneté et passer d’un contrat avec un gouvernement à un engagement auprès d’un autre qui offrirait des taux d’impositions plus intéressants, des retraites plus conséquentes, des fonctionnaires plus compétents, ou tout simplement un agenda politique plus stimulant (la simple politesse exigerait alors un préavis de deux semaines; soit une durée que n’importe quel employeur donnerait à ses salariés). »
John Gall, Systemantics. How systems works and especially how they fail
http://www.panarchy.org/gall/systemantics.html
L’auteur ignorait que la même idée avait été formulée plus d’un
siècle auparavant, et par conséquent il n’emploie pas le terme même de
Panarchie; cependant, sa proposition s’en approche à la fois par la
théorie et par la mise en pratique.
D’autre part, le terme de Panarchie est désormais communément employé par des philosophies environnementales et écologiques, comme par exemple lors de la publication de
Lance H. Gunderson and C. S. Holling, eds. Panarchy. Understanding transformations in human and natural systems (2001)
Cette approche est également présentée et développée dans
Resilience Alliance website
http://www.resalliance.org/593.php
et dans
Organic Design website
http://www.organicdesign.co.nz/Panarchy
La Panarchie s’accorde aussi remarquablement avec les règles de la logique (les vérités étant perçues comme des énoncés cohérents), la cybernétique (cf. les lois de la pluralité obligatoire), le droit et l’éthique (« vivre honnêtement, ne nuire à personne, donner à chacun ce qui lui est du » - « honeste vivere, neminem laedere, suum cuique tribuvere » - Ulpanius)
Le fait que le même mot et le même concept puissent s’employer
dans différents contextes, comme un outil scientifique universel pour
faire face à différentes situations, est parfaitement en accord avec la
l'idée originaire de de Puydt. En effet, il soutenait que, comme la
science est un ensemble de savoirs vrais, valables universellement (« il
n’y a pas de vérités qui ne sont vraies que dans certains cas et
fausses dans d’autres »), il était possible de transposer dans la sphère
politique le laissez-faire employé dans la sphère économique; ce qui
lui a donné l’idée des gouvernements concurrentiels qu’il nomma la
Panarchie. Le fait que cette proposition soit valide dans divers
domaines n’est pas seulement un signe de son efficacité, cela prouve
véritablement son exactitude.
Dans le chapitre suivant (Manière de voir), nous nous focaliserons sur le terme de Panarchie, en faisant référence aux choix personnels et aux façons d’organiser la société, en insistant surtout sur les principes et les aspects caractéristiques de la Panarchie, qui font d’elle un outil à la fois performant et polyvalent, pour mener à bien des objectifs théoriques et pratiques.
Manière de voir (^)
Ce qu’est la Panarchie (^)
S’il est nécessaire de bien clarifier ce qu’est la Panarchie,
c’est parce cette notion est connue d’un nombre croissant de personnes,
et qu’il serait souhaitable de ne pas tomber dans les deux écueils
opposés qui semblent surgir dès qu’un concept s’adresse à une large
audience.
Ces deux écueils sont les suivants :
• Le dogmatisme : le concept se momifie et devient inamovible, sauf si des grands prêtres en décident autrement après être parvenu à s’en approprier la conception et à la propager à un nombre croissant d’adeptes.
• L’approximation : le concept devient fragile, et il peut être modifié n’importe quand, par n’importe qui, même si cela consiste à y ajouter des idées contradictoires, des formulations irrationnelles, et même, subrepticement, la négation de ses principes fondateurs.
C’est ce qui est arrivé par le passé avec le capitalisme (peu à
peu transformé en corporatisme), le socialisme (étouffé par son
étatisme), le libéralisme (métamorphosé en dirigisme); et tout cela a pu
se produire parce que les prêcheurs du dogmatisme ou de l’approximatif
sont parvenus à s’approprier ces termes, et à en manipuler la
signification pour servir leurs intérêts personnels.
C’est pourquoi la définition scientifique et l’utilisation exacte d’un mot/concept est un travail sans fin: c’est une constante préservation de son sens premier (de l’étincelle originelle) et une application constante de ce sens à la réalité immédiate (l’effort authentique). Si les mots deviennent biaisés ou si on ne peut plus les employer sans renoncer à leur sens premier, il ne faut plus les utiliser; faute de quoi on aboutirait aux mêmes aberrations qu’avec le corporatisme, le statisme et le dirigisme, qui sont confondus avec le capitalisme, le socialisme et le libéralisme.
Donc, en ce qui concerne la Panarchie, il est souhaitable que ses défenseurs et ses adeptes parviennent à un consensus généralisé, qui aboutirait peut-être à la définition suivante :
C’est pourquoi la définition scientifique et l’utilisation exacte d’un mot/concept est un travail sans fin: c’est une constante préservation de son sens premier (de l’étincelle originelle) et une application constante de ce sens à la réalité immédiate (l’effort authentique). Si les mots deviennent biaisés ou si on ne peut plus les employer sans renoncer à leur sens premier, il ne faut plus les utiliser; faute de quoi on aboutirait aux mêmes aberrations qu’avec le corporatisme, le statisme et le dirigisme, qui sont confondus avec le capitalisme, le socialisme et le libéralisme.
Donc, en ce qui concerne la Panarchie, il est souhaitable que ses défenseurs et ses adeptes parviennent à un consensus généralisé, qui aboutirait peut-être à la définition suivante :
• La Panarchie est personnaliste. Le concept d’individu (de « persona ») est un concept fondamental. En effet, la Panarchie veut remplacer « l’ère des masses », caractérisée par la politique et les altercations qui en découlent, opposant des idéologies et des unités antagonistes (les États, les partis, les classes) au sein desquelles l’individu n’est souvent qu’un simple pion, par « l’ère des individus » et de leurs choix spécifiques. Même si ces choix ne sont pas approuvés par tout le monde, ils devraient néanmoins être respectés par chacun, en tant que décisions prises individuellement, et ne concernant que la personne qui les a prises.
• La Panarchie est volontariste. Le fait qu’elle se focalise sur les individus ne signifie aucunement que groupes et communautés soient inutiles, mais seulement qu’ils sont le résultat de choix d’association et de contribution strictement personnels. À l’exception de la cellule familiale (unité justifiée biologiquement), le modèle Panarchiste désapprouve les groupes et les corps collectifs auxquels on est forcé d’adhérer. Le volontarisme va à l’encontre de toute prétention au monopole et repose sur le respect primordial de la volonté de chacun de faire ou de ne pas faire partie d’une communauté, quelle qu’elle soit et où qu’elle soit.
• La Panarchie est universaliste. C’est une théorie d’une grande cohérence, qui peut potentiellement être mise en application partout; et par conséquent elle peut être considérée comme une structure pratique universelle, acceptable et valide partout et pour tous, et dans toutes les situations.
Si l’un de ces trois aspects n’est pas pris en compte, nous
pensons qu’il y a une défaillance par rapport à la véritable pensée
Panarchiste.
Le plus souvent, ces malentendus naissent d’une incompréhension des principes et de la pratique de la Panarchie par ceux qui n’en ont pas bien saisi le sens et les implications.
C’est pourquoi, afin de mieux comprendre ce qu’est la Panarchie, il est également nécessaire de bien préciser ce qu’elle n’est pas.
Le plus souvent, ces malentendus naissent d’une incompréhension des principes et de la pratique de la Panarchie par ceux qui n’en ont pas bien saisi le sens et les implications.
C’est pourquoi, afin de mieux comprendre ce qu’est la Panarchie, il est également nécessaire de bien préciser ce qu’elle n’est pas.
Ce que la Panarchie n’est pas (^)
Le premier point qu’il faut constamment avoir à l’esprit, c’est
que la Panarchie n’est aucunement une nouvelle philosophie politique.
En effet, comme il a été dit précédemment, la Panarchie n’est que la
défaite de « l’ère de la politique », caractérisée par la manipulation
des masses, et le passage à « l’ère des individus » caractérisée par les
choix de chacun.
C’est ce que prouve l’étymologie du mot « politique »: il vient du grec polis qui désigne la cité-État, et était employé à l’origine à propos de l’administration d’un territoire spécifique (la polis). La politique est donc caractérisée par le fait qu’elle a lieu dans un territoire spécifique, avec une domination exclusive (la souveraineté) que certains (les magistrats de la cité, les seigneurs féodaux, l’appareil d’État) ont par rapport à ce territoire spécifique.
Par conséquent, la Panarchie n’a rien à voir avec la politique. Elle surmonte le territorialisme (ou plutôt, elle le remplace), et prône des modes d’organisation sociale indépendants d’un territoire. La Panarchie ne s’est pas inspirée d’une ancienne philosophie politique, mais de théories et de pratiques économiques qu’on appelle le laisser-faire. Même quand le premier concepteur de la Panarchie utilise les termes d’ « économie politique », il veut seulement parler d’économie fondée sur le principe du laisser-faire.
Ce point concernant les malentendus sur les connotations et les fonctions de la Panarchie n’est pas sans rappeler, par bien des aspects, la controverse qui a opposé Marx et les Anarchistes, le premier dans le rôle de défenseur des luttes politiques et de la conquête du pouvoir, les seconds (et tout particulièrement les membres de la Fédération du Jura) ayant déjà prédit l’autoritarisme indissociable de la stratégie marxiste, et militant pour une émancipation individuelle des travailleurs grâce à une réflexion et des actions personnelles, directes, dans tous les domaines de leur vie.
(voir : La circulaire de Sonvilier, sur http://www.panarchy.org/jura/sonvilier.html)
Ceux qui considèrent la Panarchie comme un nouvel outil politique utilisent également le terme de Panarchisme, croyant peut être que cette nouvelle idéologie va remplacer toutes les autres.
Ici, il faut encore une fois être extrêmement clair: la Panarchie n’est pas du tout une idéologie (comme, par exemple, le socialisme ou le communisme), pour la simple raison qu’elle accepte toutes les idéologies pourvu qu’elles soient librement choisies par ceux qui y adhèrent. Pour cette raison, il faut être très prudent avec l’emploi du terme « Panarchisme », qui ne devrait sans doute être utilisé que pour faire référence à
C’est ce que prouve l’étymologie du mot « politique »: il vient du grec polis qui désigne la cité-État, et était employé à l’origine à propos de l’administration d’un territoire spécifique (la polis). La politique est donc caractérisée par le fait qu’elle a lieu dans un territoire spécifique, avec une domination exclusive (la souveraineté) que certains (les magistrats de la cité, les seigneurs féodaux, l’appareil d’État) ont par rapport à ce territoire spécifique.
Par conséquent, la Panarchie n’a rien à voir avec la politique. Elle surmonte le territorialisme (ou plutôt, elle le remplace), et prône des modes d’organisation sociale indépendants d’un territoire. La Panarchie ne s’est pas inspirée d’une ancienne philosophie politique, mais de théories et de pratiques économiques qu’on appelle le laisser-faire. Même quand le premier concepteur de la Panarchie utilise les termes d’ « économie politique », il veut seulement parler d’économie fondée sur le principe du laisser-faire.
Ce point concernant les malentendus sur les connotations et les fonctions de la Panarchie n’est pas sans rappeler, par bien des aspects, la controverse qui a opposé Marx et les Anarchistes, le premier dans le rôle de défenseur des luttes politiques et de la conquête du pouvoir, les seconds (et tout particulièrement les membres de la Fédération du Jura) ayant déjà prédit l’autoritarisme indissociable de la stratégie marxiste, et militant pour une émancipation individuelle des travailleurs grâce à une réflexion et des actions personnelles, directes, dans tous les domaines de leur vie.
(voir : La circulaire de Sonvilier, sur http://www.panarchy.org/jura/sonvilier.html)
Ceux qui considèrent la Panarchie comme un nouvel outil politique utilisent également le terme de Panarchisme, croyant peut être que cette nouvelle idéologie va remplacer toutes les autres.
Ici, il faut encore une fois être extrêmement clair: la Panarchie n’est pas du tout une idéologie (comme, par exemple, le socialisme ou le communisme), pour la simple raison qu’elle accepte toutes les idéologies pourvu qu’elles soient librement choisies par ceux qui y adhèrent. Pour cette raison, il faut être très prudent avec l’emploi du terme « Panarchisme », qui ne devrait sans doute être utilisé que pour faire référence à
« L’ensemble des connaissances et des pensées en rapport avec des théories et des pratiques liées au volontarisme non-territorial et aux communautés autonomes (Panarchies), considérées comme les alternatives appropriées pour promouvoir la paix, la liberté, la propriété et les réformes, au lieu d'installer ou continuer avec des communautés coercitives, exclusives, uniformes, territorialistes, plus ou moins centralisées, et se disant idéales et se présentant comme les meilleures pour tous, qu'ils soient d'accord ou non ». (John Zube, L’Évangile de la Panarchie, 1986)
Si l’on accepte que la Panarchie n’est en aucun cas une
idéologie politique (ancienne ou récente), sa qualification de
« mouvement de droits civiques » par un de ses promoteurs (Dwight
Johnson) semble assez pertinente. En effet, cette formulation souligne
fort à propos le but principal de la Panarchie, qui est que chacun aie
le droit civique de choisir librement et volontairement le gouvernement
(ou l’autogouvernement) de son choix.
Après avoir évité les malentendus ou les distorsions plus ou moins accidentelles expliquées plus haut (prendre la Panarchie pour une conception politique ou pour une idéologie), chacun devrait être à même de surmonter des erreurs de compréhension mineures comme la réduction de la Panarchie à quelques spécificités, et l’exclusion ou la simplification d’autres aspects.
Pour cela, il est peut-être nécessaire de souligner que la Panarchie n’est pas:
Après avoir évité les malentendus ou les distorsions plus ou moins accidentelles expliquées plus haut (prendre la Panarchie pour une conception politique ou pour une idéologie), chacun devrait être à même de surmonter des erreurs de compréhension mineures comme la réduction de la Panarchie à quelques spécificités, et l’exclusion ou la simplification d’autres aspects.
Pour cela, il est peut-être nécessaire de souligner que la Panarchie n’est pas:
• Une proposition de multi-gouvernementalisme. L’existence de plusieurs gouvernements parallèles et non-territoriaux n’exclut pas l’autogouvernement ou le non-gouvernement. Grâce à la Panarchie, personne n’est obligé de choisir un gouvernement par crainte d’être ostracisé ou d’être qualifié d’excentrique. À cet égard, la situation est similaire à celle de la tolérance religieuse: nul n’est obligé de choisir une religion précise et nul n’est forcé d’avoir la foi.
• Une proposition en faveur de lois personnelles. Certes, la Panarchie milite pour la coexistence sur un seul territoire de plusieurs systèmes juridiques auxquels chacun est libre d’adhérer. Cependant, la Panarchie se base fortement sur des principes universels, développés et affinés au cours des siècles, qui font maintenant partie de la Civilisation Humaine. Sans Principes Universels, implicitement acceptés par chacun, la coexistence de différentes panarchies serait impossible.
• Une proposition pour l’extra-territorialisme. L’extra-territorialisme, comme celui pratiqué par les États-nations (à l’égard notamment des diplomates étrangers), signifie que certaines personnes ou certains groupes reçoivent un traitement spécifique, selon leur statut personnel. La Panarchie, au contraire, ne voit l’extra-territorialisme que comme une première étape vers l’a-territorialisme intégral, c'est-à-dire la fin du monopole de tout pouvoir territorial et de toute prétention à ce pouvoir, partout et pour tous.
Après avoir expliqué, selon ma manière de voir, ce qu’est la
Panarchie, ce qu’elle n’est pas et ce à quoi elle ne peut se résumer, il
paraît intéressant de se livrer à un exercice théorique afin
d’envisager les conditions d’une mise en application, et d’un
développement, de la Panarchie.
Comment la Panarchie pourrait-elle percer (^)
Personne ne peut prédire l’avenir et deviner comment les grands
changements auront lieu, mais la connaissance du passé peut nous donner
quelques indices et nous aider à envisager et à construire notre futur.
L’inventeur de la Panarchie, Paul Emile de Puydt, prend explicitement l’émergence de la tolérance religieuse comme exemple pour introduire la tolérance politique (c’est-à-dire la tolérance envers toutes les idéologies politiques pratiquées librement par leurs défenseurs). Cela aboutira à l’émergence de nombreux gouvernements sur un même territoire, rivalisant pour attirer des adhérents, comme les Églises rivalisent pour attirer des fidèles. Et de la même façon que la tolérance religieuse a mis fin aux guerres de religion et aux persécutions religieuses, la tolérance politique devrait mettre fin aux guerres et aux persécutions générées par des convictions politiques que l’on veut imposer à d’autres. Parallèlement, la tolérance religieuse (défendue par Erasmus, Locke, Voltaire et d’autres) n’était pas supposée être une nouvelle religion. La tolérance politique (la Panarchie) n’est donc pas censée être une nouvelle idéologie politique, comme cela a déjà été souligné.
Mettre en lumière les parallèles entre tolérance religieuse (maintenant considérée dans de nombreuses régions du monde comme un aboutissement inévitable) et tolérance politique (encore totalement ignorée ou considérée comme une proposition étrange et impossible à mettre en pratique) est peut -être une bonne manière d’introduire le doute et la perplexité (les premières fissures) quant à la durée de vie et le bien-fondé du système actuel de l’État-nation qui a le monopole du pouvoir.
De plus, une étude approfondie de l’Histoire permet de découvrir qu’il existe, au sein des croyances religieuses et des traditions culturelles, des idées et des principes oblitérés ou étouffés par les intellectuels au service de l’État, et qui présentent des similarités avec la Panarchie. Porter ces idées au grand jour peut aider à mettre en place un large réseau de sympathisants qui retrouvent leurs propres valeurs dans la Panarchie (tolérance, liberté, ouverture à la pluralité).
En effet, si l’on fait référence aux religions professées par les musulmans, les catholiques et les juifs, on retrouve trois principes fondateurs qui offrent des similitudes avec la Panarchie. Ces trois principes fondateurs sont :
L’inventeur de la Panarchie, Paul Emile de Puydt, prend explicitement l’émergence de la tolérance religieuse comme exemple pour introduire la tolérance politique (c’est-à-dire la tolérance envers toutes les idéologies politiques pratiquées librement par leurs défenseurs). Cela aboutira à l’émergence de nombreux gouvernements sur un même territoire, rivalisant pour attirer des adhérents, comme les Églises rivalisent pour attirer des fidèles. Et de la même façon que la tolérance religieuse a mis fin aux guerres de religion et aux persécutions religieuses, la tolérance politique devrait mettre fin aux guerres et aux persécutions générées par des convictions politiques que l’on veut imposer à d’autres. Parallèlement, la tolérance religieuse (défendue par Erasmus, Locke, Voltaire et d’autres) n’était pas supposée être une nouvelle religion. La tolérance politique (la Panarchie) n’est donc pas censée être une nouvelle idéologie politique, comme cela a déjà été souligné.
Mettre en lumière les parallèles entre tolérance religieuse (maintenant considérée dans de nombreuses régions du monde comme un aboutissement inévitable) et tolérance politique (encore totalement ignorée ou considérée comme une proposition étrange et impossible à mettre en pratique) est peut -être une bonne manière d’introduire le doute et la perplexité (les premières fissures) quant à la durée de vie et le bien-fondé du système actuel de l’État-nation qui a le monopole du pouvoir.
De plus, une étude approfondie de l’Histoire permet de découvrir qu’il existe, au sein des croyances religieuses et des traditions culturelles, des idées et des principes oblitérés ou étouffés par les intellectuels au service de l’État, et qui présentent des similarités avec la Panarchie. Porter ces idées au grand jour peut aider à mettre en place un large réseau de sympathisants qui retrouvent leurs propres valeurs dans la Panarchie (tolérance, liberté, ouverture à la pluralité).
En effet, si l’on fait référence aux religions professées par les musulmans, les catholiques et les juifs, on retrouve trois principes fondateurs qui offrent des similitudes avec la Panarchie. Ces trois principes fondateurs sont :
• L’extraterritorialité (musulmane). Dans le monde musulman du Moyen-Âge et même par la suite, on reconnaissait des droits extraterritoriaux à ceux qui ne faisaient pas partie de la communauté musulmane (comme par exemple les marchands nomades). Cela implique l’existence de systèmes de juridiction parallèles sur un même territoire, comme le préconise la Panarchie.
• La subsidiarité (catholique). Il s’agit d’un des préceptes sociaux de l’Église Catholique (réaffirmé par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum, 1891) qui veut que, pour favoriser le développement de l’être humain, le pouvoir soit toujours détenu par l'autorité compétente plus en bas. Cela va à l’encontre du concept d’État-nation monopolisateur où le pouvoir est souvent centralisé au plus haut de la société.
• L’autonomie personnelle (juive). Les juifs, cosmopolites et disséminés dans de nombreuses régions du monde, ont plaidé à plusieurs reprises pour une autonomie personnelle, c'est-à-dire pour le droit d’organiser leurs vies et leurs communautés selon leurs propres règles et leurs propres traditions. Cette requête, rejetée par l’État-nation monopolisant le pouvoir, et parfois anéantie au moyen de l’extermination de communautés entières, doit aujourd’hui être réactualisée et soumise au public en tant qu’aspiration parfaitement naturelle et légitime.
Si on ajoute à ces trois principes la notion de Solidarité,
inhérente à toutes les religions, on dispose alors des fondations
théoriques d’une réalité post-étatique et post-territorialiste, dans
laquelle de nombreux croyants peuvent se reconnaître et à la laquelle il
leur serait facile d’adhérer.
On peut s’appuyer également sur un autre corpus d’idées, celui développé par des libéraux comme Bastiat, Lord Acton, von Mises, Hayek, Rothbard et bien d’autres.
Même si leurs propositions ne vont pas jusqu’au bout du principe de l’a-territorialisme, leur défense constante du laisser-faire a contribué, dans une certaine mesure, à venir à bout du monopole de l’État dans certains secteurs (l’électricité, le téléphone, le gaz), et elle pourrait contribuer à une stratégie visant à l’a-territorialisme. Aujourd’hui, il reste encore à étendre ces théories et ces pratiques de laisser-faire à une plus large échelle, au-delà des frontières nationales ou fédérales (Europe, USA).
C’est un projet fascinant de vouloir libérer les entrepreneurs des structures territoriales qui les entravent, et cette véritable aventure requiert l’attention et l’inventivité d’un grand nombre, tout particulièrement dans la sphère économique; et cela contribue pleinement au développement du libéralisme et de la Panarchie.
La scène des informations et des savoirs mondiaux constitue un autre atout pour l’implantation de la Panarchie. L’avenir semble très prometteur sur ce sujet: les modes de communication territoriaux sont en crise (c’est le cas par exemple de la presse), et les outils non-territoriaux de communication instantanée comme Internet et d’autres gadgets à usage personnel (le téléphone personnel, le lecteur électronique personnel, etc.) sont en plein essor. Dans ce domaine, chacun peut déjà mettre fin au territorialisme en devenant un producteur et un consommateur cosmopolite de cyber-connaissance, en étant limité seulement par sa maîtrise des langues et des formes de communication (c’est-à-dire ses aptitudes en matière de musique, vidéo, dessins animés, littérature ou dessin).
Cela signifie qu’un large réseau d’individus, dont certains ignorent totalement ou partiellement l’existence du concept de Panarchie, va se mettre en place et va permettre l’éclosion de plusieurs communautés panarchistes basées sur divers projets et différentes expériences inspirées par la religion, l’économie, la culture ou autres aspirations.
Le cri de Michael Rozeff, « laissez-moi briser le moule » (Pourquoi je suis Panarchiste, Janvier 2009), a déjà été entendu, et de nombreuses personnes désireuses de s’exprimer sans que tout soit leur imposé tentent déjà, petit à petit, de lui répondre. Une fois que les théories seront plus ciblées, qu’elles seront plus énergiques et les liens entre individus qui partagent ces idées plus étroits, le « moule » (cette frontière physique ou morale qui nous emprisonne encore) disparaîtra.
On peut s’appuyer également sur un autre corpus d’idées, celui développé par des libéraux comme Bastiat, Lord Acton, von Mises, Hayek, Rothbard et bien d’autres.
Même si leurs propositions ne vont pas jusqu’au bout du principe de l’a-territorialisme, leur défense constante du laisser-faire a contribué, dans une certaine mesure, à venir à bout du monopole de l’État dans certains secteurs (l’électricité, le téléphone, le gaz), et elle pourrait contribuer à une stratégie visant à l’a-territorialisme. Aujourd’hui, il reste encore à étendre ces théories et ces pratiques de laisser-faire à une plus large échelle, au-delà des frontières nationales ou fédérales (Europe, USA).
C’est un projet fascinant de vouloir libérer les entrepreneurs des structures territoriales qui les entravent, et cette véritable aventure requiert l’attention et l’inventivité d’un grand nombre, tout particulièrement dans la sphère économique; et cela contribue pleinement au développement du libéralisme et de la Panarchie.
La scène des informations et des savoirs mondiaux constitue un autre atout pour l’implantation de la Panarchie. L’avenir semble très prometteur sur ce sujet: les modes de communication territoriaux sont en crise (c’est le cas par exemple de la presse), et les outils non-territoriaux de communication instantanée comme Internet et d’autres gadgets à usage personnel (le téléphone personnel, le lecteur électronique personnel, etc.) sont en plein essor. Dans ce domaine, chacun peut déjà mettre fin au territorialisme en devenant un producteur et un consommateur cosmopolite de cyber-connaissance, en étant limité seulement par sa maîtrise des langues et des formes de communication (c’est-à-dire ses aptitudes en matière de musique, vidéo, dessins animés, littérature ou dessin).
Cela signifie qu’un large réseau d’individus, dont certains ignorent totalement ou partiellement l’existence du concept de Panarchie, va se mettre en place et va permettre l’éclosion de plusieurs communautés panarchistes basées sur divers projets et différentes expériences inspirées par la religion, l’économie, la culture ou autres aspirations.
Le cri de Michael Rozeff, « laissez-moi briser le moule » (Pourquoi je suis Panarchiste, Janvier 2009), a déjà été entendu, et de nombreuses personnes désireuses de s’exprimer sans que tout soit leur imposé tentent déjà, petit à petit, de lui répondre. Une fois que les théories seront plus ciblées, qu’elles seront plus énergiques et les liens entre individus qui partagent ces idées plus étroits, le « moule » (cette frontière physique ou morale qui nous emprisonne encore) disparaîtra.
Le 2 mai 1989, les clôtures de barbelés et de fils électrique
qui délimitaient la frontière entre l’Autriche et la Hongrie ont été
abattues sur les ordres des individus au pouvoir qui avaient fini par
perdre toutes leurs illusions sur l’État communiste. En quelques mois,
le mur de Berlin est tombé (9 novembre 1989), et avant la fin de cette
année-là, les habitants de l’Europe de l’Est (la RDA, la Hongrie, la
Pologne, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la Roumanie) avaient
finalement pu « briser le moule ».
Il n’est pas impossible que dans un futur proche, les
évènements se succèdent avec la même rapidité qu’en 1989, si nous
libérons nos actes et nos idées de toutes vaines contraintes.
Les sciences cognitives ont montré que lorsque l’on cherche à
résoudre un problème, la solution s’impose parfois comme une
illumination soudaine après la rupture d’un barrage mental, un saut
formidable par-dessus les restrictions introduites sans justification
rationnelle par ceux qui précédaient à cause de préjugés d’ordre
émotionnel et d’idées reçues conventionnelles.
Il serait peut-être temps d’arrêter de parler de la tolérance
politique (de la même façon qu’on ne parle pas souvent de la tolérance
religieuse) et de commencer à la mettre en pratique, tout naturellement.
Ce que pourraient être les panarchies (^)
Il est possible que, à un premier examen de la Panarchie, à
cause soit de préjugés émotifs soit de croyances conventionnelles, on
soit poussé à reprocher à cette proposition l’un ou l’autre de ces deux
vices fondamentaux :
a) l’uniformité : pour réaliser la Panarchie il faut que tous soient panarchistes ;
b) la fragmentation : la Panarchie va produire plusieurs ghettos habités par des populations identiques.
Pour contrebattre ces critiques il faudrait répondre non
seulement de manière spécifique mais on devrait aussi essayer d’imaginer
ce que les panarchies pourraient être ou devenir si l’on permettait à
la créativité et à l’initiative individuelle de s’exprimer librement.
En traçant le contour de possibles panarchies nous pourrions
dégager le champ des deux objections qui dérivent, sans que le gens s’en
rendent compte, d’un mode de penser chargé justement d’uniformité et de
fragmentation, c’est-à-dire marqué par les deux caractéristiques
négatives qu’on attribue à la Panarchie.
a) Uniformité: Tous doivent devenir panarchistes.
Un panarchiste, si nous voulons utiliser ce terme, n’est qu’un individu qui aime faire ses propres choix concernant sa propre vie (selon la réalité de chacun) et qui est convaincu que tous les autres individus aient les mêmes droits. Un panarchiste (ou poliarchiste ou volontariste) n’est jamais un patron tyrannique ni un serveur involontaire, mais juste un individu raisonnable et décent, qui veut agir en liberté et qui aime laisser les autres agir librement.
Si on considère ce propos hors norme, on doit supposer que nous sommes assez proches du risque de modifier l’idée classique concernant l’être humain (c’est-à-dire : une entité vivante libre et responsable) en la remplaçant avec l’image de quelqu’un désagréable et arrogant, qui aime se mêler de tout. Mais personne veut être considéré et associé avec un tel personnage au moins qu’il soit affecté d’une grave pathologie mentale.
Alors, il va de soit que tous nous croyons que ceux qui veulent participer activement à la vie des relations, doivent tous devenir humains - n'importe quel soit le terme utilisé à une époque historique pour les considérer ainsi (par exemple, stoïque, humaniste, illuminé, etc.). Pour cela si l’on reproche aux supporteurs de la Panarchie de prétendre que tous deviennent panarchistes, ce serait comme si l’on reprochait à une personne tolérante et civile de s’attendre à ce que tous agissent d’une manière tolérante et civile, s’abstenant d’imposer aux autres leur volonté.
b) Fragmentation: Les panarchies produiront des ghettos.
La situation actuelle est caractérisée par l’existence de cages nationales ou fédérales plus ou moins imperméables à l’accès de l’extérieur. Le monde occidental, si critique envers le rideau de fer ou le mur de Berlin, a érigé en Europe des murs en ciment ou des barrières de fil de fer électrifiées, créant une forteresse inaccessible aux personnes des autres continents; aux Etats Unis on surveille la frontière du Mexique par une barrière de 500km (Août 2008) qui est en train d’être prolongée; en Israël l’état est occupé à construire un mur qui brise et détruit les communautés palestiniennes.
Il en ressort que, quand quelqu’un affirme que la proposition d’abolir le territorialisme et d’introduire des gouvernements concurrents et politiquement tolérants engendrerait des ghettos, il est légitime de se demander si cet individu sait de quoi il parle; ou peut-être on se réfère justement à la réalité actuelle où existent en effet des états nationaux ressemblants à des cages étouffantes.
Avec la Panarchie il se passerait justement le contraire puisque avec l’abolition des poulaillers nationaux créés par les états monopolistes, les personnes pourraient - comme dans un passé oublié - bouger, se connecter et se mélanger librement selon leurs désirs et affinités personnelles. Le résultat prévisible serait très vraisemblablement la fin de l’idée de ségrégation et de ghettos qui existent actuellement en tant que effet de l’état territorial monopoliste.
La Panarchie en effet provoquera le développement des trois
aspects qui mènent dans une direction totalement contraire aux défauts
dont on l’accuse:
- Variété : aucune barrière matérielle empêchant le mouvement et le mélange; cela favorise, au contraire, le cosmopolitisme et le localisme, la dispersion et la concentration, l’homogénéité et l’hétérogénéité selon les désirs de chacun;
- Originalité : aucune barrière politique à l’expérimentation sociale; cela mène à une réalité variée, riche de projets promus par les individus dans toutes les sphères de la vie ;
- Harmonie : aucune barrière personnelle qui oblige les individus à supporter un pouvoir extérieur extorqueur, et donc aucune raison qui peut être source de rage (pour quelle raison ?) et de rébellion (contre qui ?).
Sur la base de ce qui a été écrit jusqu’ici, il est maintenant
possible de faire un essai pour imaginer ce que les panarchies
pourraient être ou devenir.
Il est probable que la majorité d’entre elles ne seraient pas
des gouvernements comme ceux d’aujourd’hui, avec un président, un
premier ministre, une foule de ministres et bureaucrates à volonté, même
si on ne peut pas l’exclure; en tout cas, la différence énorme
consisterait dans le fait que les coûts seraient supportés uniquement
par ceux qui soutiendraient ce choix. La plupart des panarchies
pourraient être des entités intégrées et flexibles en tant que:
- Fournisseurs de services
- Agences de support.
On peut trouver des signaux intéressants à ce sujet, qui
pourraient se développer dans le futur, dans l’histoire des sociétés
coopératives et de secours mutuel existant en Europe jusqu’à la première
guerre mondiale. On retrouve d’autres signes chez des sociologues qui
entrevoient un passage à une « économie de support » basée sur des
relations de collaboration où l’usager peut choisir parmi des individus
et groupes ayant des rôles différents (voir Shoshana Zuboff e James
Maxmin, The Support Economy, 2002).
Il pourrait s’avérer qu’une personne soit membre d’une seule
panarchie, recevant ou offrant des services/aides, ou de plusieurs,
comme pour les membres de plusieurs clubs
En se référant à la réalité actuelle, le fait d’appartenir à
une église, n’exclut pas la possibilité de faire partie d’autres
organisations.
Et maintenant il faut briser nécessairement une certaine
attente (possible mais infondée) qui pourrait surgir dans l’imaginaire
de quelqu’un. En effet, même si le concept général de la Panarchie est
quelque chose d’extrêmement beau et fertile en résultats, il sera très
probable que certaines panarchies deviennent des organisations jugées
très négativement par des individus à la pensée différente. Il peut
arriver en effet que des personnes désireuses de positions de commande
veuillent adhérer à une panarchie afin de devenir guide d’une nouvelle
secte. Il est possible que avec l’expansion des communautés volontaires,
comme soutenue par la Panarchie, ces individus puissent trouver des
supporteurs désirant se soumettre à leur forte personnalité.
Quand cela arrivera, certains diront que la Panarchie n’est
pas meilleure que d’autres formes d’organisation sociale et que, comme
tous les autres, elle mène aussi à la tyrannie. Mais ils oublient que
l’un des principes fondamentaux de la Panarchie est le volontarisme
selon lequel ceux qui entrent librement dans une panarchie (c’est-à-dire
une organisation non territoriale et non monopoliste) se soumettant à
un chef, sont aussi libres d’en sortir pour adhérer à un type tout à
fait différent de panarchie, ou qu’ils pourraient même devenir
totalement autonomes (auto-administration).
A ce propos, il est nécessaire de rappeler à ceux qui agitent
le drapeau de la liberté comme un objet sacré, au point qu’ils veulent
le faire avaler énergiquement à tous, que, malgré l’apparence,
l’imposition de la liberté aux autres est un acte réel de tyrannie qui
empêcherait l’individu de choisir librement d’être ou non un serviteur.
Dans le premier cas on ne pratiquera la liberté que comme farce et on
sera toujours assujettis à la peur d’être laissé sans guide. Dans le
deuxième cas, le choix autonome de servir permet à la personne d’être
réellement libre et sa soumission volontaire pourrait cesser d’un moment
à l’autre si elle le décidait.
Le niveau de la liberté d’une panarchie serait déterminé par
ses membres et cela ne représente pas uniquement la beauté de ce concept
mais est aussi un rappel nécessaire à la réalité. En effet, la
Panarchie n’invente pas un monde mythique fait de fées aimables et de
monstres égoïstes. La Panarchie a son fondement sur la réalité effective
et sur des êtres humains réels; elle permet que chacun ait ce à quoi il
aspire.
On pourrait dire que la Panarchie est la réalisation totale de
l’aspiration à la tolérance universelle déjà présente dans les idées et
les idéaux de l’Illuminisme et concentrée dans l’affirmation de
Voltaire.
“Qu’est-ce que la tolérance? c’est l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature. » (Dictionnaire Philosophique, Voix: Tolérance, 1765)
Sommaire (^)
La Panarchie est :
- une méthode pour résoudre des problèmes (la voie pour la solution permanente et harmonieuse des conflits) ;
- un standard de vie pour l’individu (la voie pour le choix autonome et direct des décisions) ;
- une pratique dans les relations sociales (la voie pour le choix de faire volontairement partie d’un groupe social).
Au moment où méthode, standard et pratique, par un processus
de prise de conscience du sens d'être un être humain, feront partie du
patrimoine commun de l’humanité, le mot Panarchie va probablement
disparaître. La plupart des êtres humains parviendra donc à la
conviction d’être responsable de plein droit de sa vie (et seulement de
sa vie) au lieu d’être, de prétendre ou d’accepter que tous soient
asservis, contre leur volonté, à un souverain monopoliste, c’est-à-dire à
l’état territorial.
Comme précédemment souligné, la solution d’un problème est
déterminée non seulement par l’acquisition de connaissances et capacités
nouvelles, mais aussi par l’habilité du chercheur d’aller au-delà
d’affirmations conventionnelles qui peuvent limiter, sans raisons
valides, l’espace de la solution. Une fois éliminées ces restrictions,
les blocages mentaux et matériaux qui empêchent la découverte d’une
solution vont disparaître aussi.
Ainsi, quand une révolution cognitive réussira à éliminer les
restrictions déraisonnables et tout à fait inutiles représentées par le
territorialisme et le monopolisme dans l’organisation politique et
sociale, la Panarchie pourra devenir une réalité .
C’est pour toutes ces raisons qu’il faut diffuser
l’information sur l’existence de la Panarchie ou de conceptions
similaires, basées sur la liberté, le volontarisme dans ses propres
choix et l’aterritorialisme.
Cette information croissante sera organisée au fur et mesure
en formes structurées de connaissance (hypothèses, propositions) qui
pourront produire des modèles pratiques et des projets expérimentaux. Si
ces derniers ont du succès, on verra apparaître de nouveaux modes de
pensée et tout cela favorisera la variété, l’originalité et l’harmonie,
pour devenir enfin composante de la sagesse d’une époque, une sagesse
mondiale.
Tout cela n’est pas extraordinaire, au contraire, il faut le
considérer naturellement humain. Et le fait d’être porteur d’humanité
doit être, ou doit devenir, la première tâche et le premier but de tous
les êtres humains.
D) Panarchie
La panarchie est une théorie politique prônant la coexistence de tous les systèmes politiques, où chacun s'affilie librement au gouvernement de son choix (ou ne s'affilie à aucun gouvernement), et où les règles du droit international s'appliquent aux rapports entre individus dépendant de gouvernements différents. Le terme a été inventé en 1860 par le belge Paul Émile de Puydt, mais d'après Gian Piero de Bellis
on trouve déjà le mot « panarchie » chez un philosophe cosmopolite
France Patric (Franciscus Patricius, 1529-1597) dans son traité « Nova
de universis philosophia » (« Nouvelle Philosophie à propos des
Univers ») publié en 1591.
Les panarchistes affirment que la panarchie est anti-politique, puisque tous les pouvoirs politiques (impôts
obligatoires, règlements imposés, autorité gouvernementale et
administrative) disparaissent pour laisser place aux seuls rapports
volontaires entre les hommes. La panarchie a beaucoup en commun avec
plusieurs formes d'anarchisme.
On emploie aussi le terme de « Panarchisme », pour faire référence à :
« L’ensemble des connaissances et des pensées en rapport avec des théories et des pratiques liées au volontarisme non-territorial et aux communautés autonomes (Panarchies), considérées comme les alternatives appropriées pour promouvoir la paix, la liberté, la propriété et les réformes, au lieu d'installer ou continuer avec des communautés coercitives, exclusives, uniformes, territorialistes, plus ou moins centralisées, et se disant idéales et se présentant comme les meilleures pour tous, qu'ils soient d'accord ou non. »
— John Zube, L’Évangile de la Panarchie, 1986
L’inventeur de la panarchie, Paul Emile de Puydt, présente la panarchie comme une forme de tolérance politique, succédant à la tolérance religieuse aujourd'hui presque partout admise dans le monde.
Une objection courante est que la panarchie existe déjà
aujourd'hui d'une certaine façon : si l'on n'est pas satisfait d'une
politique, on peut toujours quitter le pays
et s'installer ailleurs. Mais la panarchie préconise
l’a-territorialisme intégral (plutôt que l’extra-territorialisme qui est
admis actuellement par le droit positif
en diplomatie), c'est-à-dire "la fin du monopole de tout pouvoir
territorial et de toute prétention à ce pouvoir, partout et pour tous"
(selon Gian Piero de Bellis). La gouvernance n'est plus liée à un
territoire donné, plusieurs gouvernements peuvent régir un même
territoire, ce qui n'empêche pas des confédérations ou des alliances
pour des questions territoriales qui relèvent des fonctions régaliennes, comme la défense.
Citations
-
« La panarchie est une méthodologie sociale basée sur le principe du volontarisme et la pratique de la tolérance. »
— Gian Piero de Bellis
-
« La fin du territorialisme, c’est-à-dire la fin du monopole territorial de l’État souverain, est ce que les sympathisants de la Panarchie demandent. »
— Gustave de Molinari
-
« Ce méta-système pourrait être apparenté à une forme néo-politique de « coaching », où chacun s‘affilie en toute liberté au sein d‘une gouvernance de son libre-choix, voire de sa propre conception s‘il y a lieu, et où les différentes règles du droit international s‘appliqueraient aux rapports entre les individus desquels ils dépendraient. »
— Alain Genestine, La Panarchie, Libres ! 100 idées, 100 auteurs
E) Panarchie - Publié dans la Revue Trimestrielle, Bruxelles (Juillet 1860)
EN MANIÈRE DE PRÉFACE
Un moderne a dit: « Si j'avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l'ouvrir. »
Ce mot est peut-être d'un sage: à coup sûr il est d'un égoïste.
Un autre a écrit ceci: « Les vérités que l'on aime le moins à entendre sont celles qu'il importe de dire. »
Ce mot est peut-être d'un sage: à coup sûr il est d'un égoïste.
Un autre a écrit ceci: « Les vérités que l'on aime le moins à entendre sont celles qu'il importe de dire. »
Voilà deux penseurs qui ne sont pas près de s'entendre. Je
m'accorderais assez avec le second, mais dans la pratique sa manière de
voir offre des inconvénients.
Je consulte la sagesse des nations: elle m'apprend que « toute vérité n'est pas bonne à dire. »
Soit ! mais comment distinguer? D'autre part, l'Évangile nous enseigne « qu'il ne faut pas tenir la lumière sous le boisseau. »
Je consulte la sagesse des nations: elle m'apprend que « toute vérité n'est pas bonne à dire. »
Soit ! mais comment distinguer? D'autre part, l'Évangile nous enseigne « qu'il ne faut pas tenir la lumière sous le boisseau. »
Me voilà fort perplexe. J'ai une idée neuve; du moins je la crois
telle, et quelque chose me dit que c'est mon devoir de la répandre;
cependant, au moment d'ouvrir la main, j'éprouve une certaine
inquiétude: quel est l'inventeur qui n'a pas été un peu persécuté?
Quant à l'invention, une fois confiée à la lettre moulée, elle fera son chemin comme elle pourra; je la tiens pour émancipée. Ma sollicitude se concentre sur l'auteur. L'absoudra-t-on d'avoir eu une idée?
Quant à l'invention, une fois confiée à la lettre moulée, elle fera son chemin comme elle pourra; je la tiens pour émancipée. Ma sollicitude se concentre sur l'auteur. L'absoudra-t-on d'avoir eu une idée?
Un ancien, qui sauva Athènes et la Grèce, disait à je ne sais plus
quel brutal qui, dans une discussion, à bout d'arguments, levait son
bâton sur lui: « Frappe, mais écoute. »
L'antiquité abonde en grands exemples. A l'imitation de Thémistocle, je propose mon idée et je dis au public: Lisez-moi jusqu'au bout, vous me lapiderez ensuite si c'est votre opinion.
L'antiquité abonde en grands exemples. A l'imitation de Thémistocle, je propose mon idée et je dis au public: Lisez-moi jusqu'au bout, vous me lapiderez ensuite si c'est votre opinion.
J'entends bien, cependant, n'être point lapidé. Le brutal dont je
parle est mort à Sparte il y a vingt-quatre siècles, et chacun sait les
immenses progrès que l'humanité réalise en deux mille quatre cents ans.
De nos jours, les idées ont toute licence de se produire, et si, de
temps en temps, on bâtonne encore un inventeur, ce n'est plus comme tel,
mais à titre d'agitateur et d'utopiste.
Ces réflexions me rassurent et j'entre résolument en matière.
Ces réflexions me rassurent et j'entre résolument en matière.
II
SOSIE
Messieurs, ami de tout le monde!
Molière
J'aime l'économie politique et je voudrais que le monde entier
l'eût en aussi grande estime que moi. Cette science, née d'hier et déjà
la plus importante de toutes, est loin d'avoir dit son dernier mot. Tôt
ou tard, et j'espère que ce sera bientôt, elle régentera l'univers. Je
suis fondé à l'affirmer, car c'est dans les écrits des économistes que
j'ai puisé le principe dont je propose une application nouvelle, bien
plus large et non moins logique que toutes les autres.
Citons d'abord quelques aphorismes, dont l'enchaînement préparera le lecteur.
Citons d'abord quelques aphorismes, dont l'enchaînement préparera le lecteur.
« La liberté et la propriété sont étroitement liées; l'une favorise la répartition des richesses, l'autre enseigne à les produire. »
« La valeur des richesses dépend de l'usage qu'on en fait. »
« Le prix des services s'établit en raison directe de la demande et en raison inverse de l'offre. »
« La division du travail multiplie les richesses. »
« La liberté engendre la concurrence, qui, à son tour, enfante le progrès. »
(Charles De Brouckère, Principes généraux d'économie politique)
Donc, libre concurrence, entre les individus d'abord, puis de
nation à nation. Liberté d'inventer, de travailler, d'échanger, de
vendre, d'acheter. Liberté de taxer les produits de son travail. Point
d'intervention de l'État en dehors de son domaine spécial. « Laissez
faire, laissez passer. »
Voilà, en quelques lignes, le fond de l'économie politique, le
résumé d'une science sans laquelle il n'y a que mauvaise administration
et gouvernements déplorables.
0n peut aller plus loin encore et, dans bien des cas, réduire cette grande science à la maxime finale: Laissez faire, laissez passer.
0n peut aller plus loin encore et, dans bien des cas, réduire cette grande science à la maxime finale: Laissez faire, laissez passer.
Je m'en empare et je dis:
Dans le domaine de la science, il n'y a pas de demi-vérités; il n'existe pas de vérités qui, vraies sous une face, cessent de l'être sous un autre aspect. Le plan de l'univers est d'une simplicité merveilleuse, aussi merveilleuse que son infaillible logique. La loi est partout la même, les applications seules sont diverses. Les êtres les plus élevés et les plus simples, depuis l'homme jusqu'au zoophyte, jusqu'au minéral, offrent d'intimes rapports de structure, de développement et de composition, et de frappantes analogies rattachent le monde moral au monde matériel. La vie est une, la matière est une, les manifestations seulement sont diverses, les combinaisons innombrables, les individualités infinies; et cependant le plan général les renferme toutes. La faiblesse de notre entendement, le vice radical de notre éducation, font seuls la diversité des systèmes et l'opposition des idées. Entre deux opinions qui se contredisent, il y en a une vraie et une fausse; à moins que toutes deux ne soient fausses, mais toutes deux ne peuvent être vraies. Une vérité, scientifiquement démontrée, ne peut être vraie ici et fausse ailleurs, bonne, par exemple, pour l'économie sociale et mauvaise en politique: c'est ici que je voulais aboutir.
Dans le domaine de la science, il n'y a pas de demi-vérités; il n'existe pas de vérités qui, vraies sous une face, cessent de l'être sous un autre aspect. Le plan de l'univers est d'une simplicité merveilleuse, aussi merveilleuse que son infaillible logique. La loi est partout la même, les applications seules sont diverses. Les êtres les plus élevés et les plus simples, depuis l'homme jusqu'au zoophyte, jusqu'au minéral, offrent d'intimes rapports de structure, de développement et de composition, et de frappantes analogies rattachent le monde moral au monde matériel. La vie est une, la matière est une, les manifestations seulement sont diverses, les combinaisons innombrables, les individualités infinies; et cependant le plan général les renferme toutes. La faiblesse de notre entendement, le vice radical de notre éducation, font seuls la diversité des systèmes et l'opposition des idées. Entre deux opinions qui se contredisent, il y en a une vraie et une fausse; à moins que toutes deux ne soient fausses, mais toutes deux ne peuvent être vraies. Une vérité, scientifiquement démontrée, ne peut être vraie ici et fausse ailleurs, bonne, par exemple, pour l'économie sociale et mauvaise en politique: c'est ici que je voulais aboutir.
La grande loi de l'économie politique, la loi de la libre
concurrence, laissez faire, laissez passer, n'est-elle applicable qu'au
règlement des intérêts industriels et commerciaux ou, plus
scientifiquement, qu'à la production et à la circulation des richesses?
La nuit économique qu'elle est venue illuminer, l'état permanent de
trouble, l'antagonisme violent des intérêts qu'elle a pacifiés, ne
règnent-ils pas au même degré dans la sphère politique, et l'analogie ne
dit-elle pas que le remède serait le même dans les deux cas? Laissez
faire, laissez passer.
Entendons-nous, cependant: il y a, par-ci par-là, des
gouvernements aussi libres que la faiblesse humaine le comporte
actuellement, et il s'en faut que tout soit pour le mieux dans ces
meilleures des républiques. Les uns disent: « c'est précisément qu'il y a
trop de liberté; » les autres: « c'est qu'il n'y en a pas encore assez.
»
La vérité, c'est qu'il n'y a pas la liberté qu'il faudrait; la
liberté fondamentale, la liberté d'être libre ou de ne l'être pas, à son
choix. Chacun se constitue juge et tranche la question suivant ses
goûts ou ses besoins particuliers, et comme il y a, là-dessus, autant
d'opinions que d'individus, tot homines, tot sensus, vous voyez d'ici le
gâchis décoré du beau nom de politique. La liberté des uns est la
négation du droit des autres, et réciproquement. Le plus sage et le
meilleur des gouvernements ne fonctionne jamais du plein et libre
consentement de tous les gouvernés. Il y a des partis, triomphants ou
vaincus, des majorités et des minorités en lutte perpétuelle, et
d'autant plus passionnés pour leur idéal que la notion en est plus
confuse. Les uns opprimant au nom du droit, les autres se révoltant au
nom de la liberté, pour devenir oppresseurs à leur tour, le cas échéant.
J'entends! dit un lecteur. Vous êtes un de ces utopistes qui
bâtissent de toutes pièces un système dans lequel ils veulent enserrer
la société, de gré ou de force. Rien n'est bien de ce qui est, et votre
panacée seule sauvera l'humanité. « Prrrenez mon ours! »
Erreur! Je n'ai d'autre ours que celui de tout le monde, et je ne
diffère de n'importe quels autres qu'en un point, c'est que je suis
partisan à la fois de tous les ours, c'est-à-dire de toutes les formes
de gouvernement. De celles, au moins, qui ont des partisans.
Je n'entends plus.
Alors, laissez-moi continuer.
« On est généralement enclin à pousser trop loin la théorie. Faut-il en conclure que toutes les propositions, dont l'ensemble compose une théorie, doivent être toujours considérées comme fausses? On dirait qu'il y a de la perversité ou de la folie dans l'exercice de l'intelligence humaine. Déclarer qu'on n'aime pas la science spéculative, qu'on déteste les théories, n'est-ce pas renoncer à la faculté de penser?»
« On est généralement enclin à pousser trop loin la théorie. Faut-il en conclure que toutes les propositions, dont l'ensemble compose une théorie, doivent être toujours considérées comme fausses? On dirait qu'il y a de la perversité ou de la folie dans l'exercice de l'intelligence humaine. Déclarer qu'on n'aime pas la science spéculative, qu'on déteste les théories, n'est-ce pas renoncer à la faculté de penser?»
Ces réflexions ne sont pas de moi; elles ont pour père une des grandes intelligences de notre âge, Jérémie Bentham.
Royer-Collard a dit la même chose avec une grande puissance d'expression:
Royer-Collard a dit la même chose avec une grande puissance d'expression:
« Prétendre que la théorie n'est bonne à rien et que la pratique est le seul guide sûr, c'est avoir la prétention d'agir sans savoir ce que l'on fait et de parler sans savoir ce que l'on dit. »
S'il n'y a rien de parfait dans ce qu'invente l'homme, il tend du
moins invariablement vers cette perfection impossible: c'est la loi du
progrès. Il n'y a de lois immuables que celles de la nature. Ce sont les
bases sur lesquelles doit fonder tout législateur, parce que seules
elles ont puissance de porter l'édifice social; mais l'édifice lui-même
est l'oeuvre des hommes. Chaque génération est comme un locataire
nouveau qui, avant de prendre possession, change la distribution,
recrépit la façade, ajoute ou retranche une aile, suivant ses besoins
particuliers. De loin en loin, une génération, plus hardie ou plus
imprévoyante que ses devancières, jette bas l'édifice tout entier, sauf à
coucher à la belle étoile jusqu'à ce qu'il soit reconstruit. Quand on
l'a refait sur un nouveau plan, après mille privations et de
gigantesques efforts, on est tout penaud de ne pas le trouver beaucoup
plus habitable que l'ancien. Ceux qui en on dressé les plans s'y sont,
il est vrai, ménagé des logements commodes, bien clos, chauds en hiver,
frais en été, mais les autres, qui ne pouvent choisir, sont relégués à
l'entresol, dans les caves, au grenier. Voila autant de mécontents, de
trouble-fêtes, dont les uns regrettent l'ancien édifice, tandis que les
plus hardis rêvent déjà une démolition nouvelle. Pour quelques
satisfaits la masse des mécontents est innombrable.
Il y a cependant des satisfaits; tenons-en bonne note. L'édifice
n'est pas irréprochable, bien s'en faut, mais il a des qualités.
Pourquoi le démolir demain, plus tard, n'importe quand, aussi longtemps
qu'il abrite commodément assez de locataires pour payer son entretien?
Je hais, pour ma part, les démolisseurs à l'égal des tyrans. Vous êtes logé sous les combles, votre appartement est trop étroit, ou insalubre. Changez-en, je ne demande pas mieux. Choisissez ailleurs, déménagez sans bruit, mais, pour Dieu, ne faites pas sauter la maison en partant. Ce qui ne vous convient plus peut faire la joie de votre voisin. Comprenez-vous l'apologue?
Je hais, pour ma part, les démolisseurs à l'égal des tyrans. Vous êtes logé sous les combles, votre appartement est trop étroit, ou insalubre. Changez-en, je ne demande pas mieux. Choisissez ailleurs, déménagez sans bruit, mais, pour Dieu, ne faites pas sauter la maison en partant. Ce qui ne vous convient plus peut faire la joie de votre voisin. Comprenez-vous l'apologue?
A peu près; mais où voulez-vous en venir? Plus de révolutions, à
la bonne heure! Je suis d'avis qu'elles coûtent, neuf fois sur dix,
plus qu'elles ne rapportent. Nous conserverons donc le vieil édifice,
mais où logerez-vous ce qui déménagent?
Où ils voudront; ce n'est pas mon affaire. J'entends qu'à cet
égard on conserve la plus entière liberté. C'est la base de mon système:
laissez faire, laissez passer.
Je crois comprendre: ceux qui seront mécontents de leur
gouvernement en iront chercher un autre. Il y a du choix, en effet,
depuis l'empire de Maroc, et sans parler d'autres empires, jusqu'à la
république de San Marino; depuis la cité de Londres jusqu'aux Pampas de
l'Amérique. Est-ce là toute votre invention? Elle n'est pas neuve, je
vous en avertis.
Il ne s'agit pas d'émigration. On n'importe pas la patrie à la
semelle de ses souliers. D'ailleurs, un aussi colossal déplacement est
et sera toujours impraticable. Toutes les richesses de l'humanité ne
suffiraient pas à payer les frais de déménagement. Je n'entends pas
davantage parquer les citoyens suivant leurs opinions; reléguer, par
exemple, les catholiques dans les provinces flamandes et tracer de Mons à
Liège la frontière du libéralisme. Je désire que l'on continue à vivre
ensemble, là où l'on est, ailleurs si l'on veut, mais sans discordes, en
bons frères, chacun professant librement ses opinions et soumis aux
seuls pouvoirs qu'il aura personnellement choisis ou acceptés.
Je n'y suis plus du tout.
Vous ne m'étonnez nullement. Mon plan, mon utopie, n'est donc pas
une vieillerie, comme vous le pensiez d'abord, et cependant rien au
monde n'est plus simple et plus naturel; mais il est reconnu qu'en
gouvernement comme en mécanique les idées simples viennent toujours les
dernières.
Venons au fait: rien de durable ne se fonde que par la liberté. Rien de ce qui est fondé ne se maintient et ne fonctionne avec tout son effet utile que par le libre jeu de tous ses éléments actifs. Autrement, il y a perte de forces, usure prompte des rouages et, en définitive, rupture et accidents graves. Je demande donc pour tous et chacun des éléments de la société humaine, la liberté de s'aggréger suivant leurs affinités et de ne fonctionner qu'au pro-rata de leurs aptitudes; en d'autres termes, le droit absolu de choisir la société politique où ils veulent vivre et de ne relever que de celle-là. Ainsi vous, vous êtes républicain . . .
Venons au fait: rien de durable ne se fonde que par la liberté. Rien de ce qui est fondé ne se maintient et ne fonctionne avec tout son effet utile que par le libre jeu de tous ses éléments actifs. Autrement, il y a perte de forces, usure prompte des rouages et, en définitive, rupture et accidents graves. Je demande donc pour tous et chacun des éléments de la société humaine, la liberté de s'aggréger suivant leurs affinités et de ne fonctionner qu'au pro-rata de leurs aptitudes; en d'autres termes, le droit absolu de choisir la société politique où ils veulent vivre et de ne relever que de celle-là. Ainsi vous, vous êtes républicain . . .
Moi! le ciel m'en garde!
Simple supposition. L'édifice monarchique ne vous convient pas;
l'air y est trop lourd pour vos poumons et le jeu de vos organes n'y a
pas l'action que votre constitution réclame. Dans l'état actuel des
idées, vous tendez à renverser cet édifice, vous et vos amis, et à bâtir
le vôtre à sa place. Mais pour ce faire, vous avez contre vous tous les
partisans de la monarchie, qui tiennent à leur monument, et en général
tous ceux qui ne partagent pas vos convictions. Faites mieux:
assemblez-vous, rédigez votre programme, dressez votre budget, ouvrez
des listes d'adhésion, comptez-vous, et si vous êtes en nombre suffisant
pour en faire les frais, fondez votre république.
Où cela? Dans les Pampas?
Non vraiment, ici; où vous êtes, sans déplacement. Il est
nécessaire jusqu'ici, j'en conviens, que les monarchistes soient
consentants. Je suppose résolue, pour la facilité de ma démonstration,
la question de principe. Je n'ignore nullement, du reste, la difficulté
d'amener ce qui est à faire place à ce qui voudrait et devrait être. Je
livre mon idée, et n'entends l'imposer à personne, mais je ne vois que
la routine qui puisse la repousser. Ne sait-on pas qu'en tous lieux,
gouvernants et gouvernés font assez mauvais ménage. Dans l'ordre civil,
on a paré aux mauvais ménages par la séparation légale ou le divorce.
C'est une institution analogue que je propose dans l'ordre politique, et
sans avoir besoin de l'entourer d'autant de formes et de lenteurs
tutélaires, parce qu'en politique un premier mariage ne laisse ni traces
physiques ni progéniture. Mon procédé diffère des procédés injustes et
tyranniques suivis jusqu'à ce jour, en ce que je n'entends pas qu'on
violente personne.
Vous voulez fonder un schisme politique? Vous en êtes les maîtres, mais à une condition, c'est de faire cela entre vous, en famille, sans toucher en rien aux droits ni à la foi des autres. Pour cela, point n'est besoin de fractionner le territoire de l'État en autant de cases qu'il y a de formes de gouvernement connues et acceptées. Encore une fois, je laisse chacun et chaque chose à sa place. Je demande seulement que l'on se serre un peu et que les dissidents puissent librement bâtir leur église et adorer le dieu Pouvoir à leur manière.
Vous voulez fonder un schisme politique? Vous en êtes les maîtres, mais à une condition, c'est de faire cela entre vous, en famille, sans toucher en rien aux droits ni à la foi des autres. Pour cela, point n'est besoin de fractionner le territoire de l'État en autant de cases qu'il y a de formes de gouvernement connues et acceptées. Encore une fois, je laisse chacun et chaque chose à sa place. Je demande seulement que l'on se serre un peu et que les dissidents puissent librement bâtir leur église et adorer le dieu Pouvoir à leur manière.
Et les moyens pratiques, s'il vous plaît?
C'est là mon fort. Vous connaissez le mécanisme de l'état civil?
Il ne s'agit que d'en faire une nouvelle application. Nous ouvrons, dans
chaque commune, un nouveau bureau, le bureau de l'ÉTAT POLITIQUE. Ce
bureau envoie, à chaque citoyen majeur, une feuille de déclaration à
remplir, comme pour la contribution personnelle ou l'impôt sur les
chiens.
« Question. Quelle est la forme de gouvernement que vous désirez? »
Vous répondez, en toute liberté: monarchie, ou démocratie, ou autre chose.
Vous répondez, en toute liberté: monarchie, ou démocratie, ou autre chose.
« Question. Si c'est monarchie, la voulez-vous absolue ou tempérée . . . et par quoi? »
Vous répondez: constitutionnelle, je suppose. Quelle que soit, d'ailleurs, votre réponse, on vous inscrit sur un registre ad hoc, et une fois inscrit, et sauf réclamation de votre part, dans les formes et les délais légaux, vous voilà sujet du roi ou citoyen de la république. Dès lors, vous n'avez plus rien à démêler avec le gouvernement des autres, non plus qu'un sujet prussien avec l'autorité belge. Vous obéissez à vos chefs, à vos lois, à vos règlements; vous êtes jugé par vos pairs, taxé par vos représentants; vous n'en payez ni plus ni moins, mais, moralement, c'est tout autre chose. Enfin, chacun est dans son état politique, absolument comme s'il n'y avait pas, à côté de lui, un autre . . , que dis-je? dix-autres gouvernements, ayant aussi chacun leurs contribuables.
Vous répondez: constitutionnelle, je suppose. Quelle que soit, d'ailleurs, votre réponse, on vous inscrit sur un registre ad hoc, et une fois inscrit, et sauf réclamation de votre part, dans les formes et les délais légaux, vous voilà sujet du roi ou citoyen de la république. Dès lors, vous n'avez plus rien à démêler avec le gouvernement des autres, non plus qu'un sujet prussien avec l'autorité belge. Vous obéissez à vos chefs, à vos lois, à vos règlements; vous êtes jugé par vos pairs, taxé par vos représentants; vous n'en payez ni plus ni moins, mais, moralement, c'est tout autre chose. Enfin, chacun est dans son état politique, absolument comme s'il n'y avait pas, à côté de lui, un autre . . , que dis-je? dix-autres gouvernements, ayant aussi chacun leurs contribuables.
Survient-il un différend entre sujets de gouvernements divers, ou
entre un gouvernement et le sujet d'un autre? il ne s'agit que de se
conformer aux règles dès à présent observées entre nations voisines et
amies, et s'il s'y trouve quelque lacune, le droit des gens et tous les
droits possibles la combleront sans peine. Le reste est l'affaire des
tribunaux ordinaires.
Voilà une nouvelle mine à procès dont l'invention mettra les avocats de votre côté.
J'y compte bien.
Il peut et il doit aussi y avoir des intérêts communs, à tous les habitants d'une circonscription déterminée, quelque que soit leur état politique. Chaque gouvernement, en ce cas, serait à la nation entière (nation politique) à peu près ce que chacun des cantons suisses ou plutôt des États de l'Union américaine est au gouvernement fédéral.
Il peut et il doit aussi y avoir des intérêts communs, à tous les habitants d'une circonscription déterminée, quelque que soit leur état politique. Chaque gouvernement, en ce cas, serait à la nation entière (nation politique) à peu près ce que chacun des cantons suisses ou plutôt des États de l'Union américaine est au gouvernement fédéral.
Ainsi toutes ces questions neuves et, au premier abord,
effrayantes, trouvent des solutions préparées, une jurisprudence établie
sur la plupart des points, et ne présentent de sérieuses difficultés
nulle part.
Il arrivera certainement que des esprits mal faits, des rêveurs
incorrigibles, des natures insociables, ne s'accommoderont d'aucune
forme connue de gouvernement. Il y aura des minorités tellement faibles
qu'elles ne fourniront pas de quoi payer le budget de leur idéal
politique. Tant pis pour elles et pour eux. Les uns et les autres seront
libres de faire de la propagande et de se recruter jusqu'à complément
du nombre, ou plutôt du budget nécessaire, car tout se résumera en une
question de finances, et jusque-là ils devront opter pour l'une des
formes établies. On conçoit que des minorités d'aussi peu de valeur ne
causeront aucun trouble.
Ce n'est pas tout: la question est rarement posée entre les
opinions extrêmes. On se bat bien plus et bien plus fort pour des
nuances que pour des couleurs tranchées. En Belgique, nonobstant
quelques défaillances avouées, l'immense majorité opterait, je n'en
doute pas, pour les institutions en vigueur, mais dans l'application, en
serait-on mieux d'accord? N'avons-nous pas deux ou trois millions de
catholiques, qui ne jurent que par M. de Theux, et deux ou trois
millions de libéraux qui ne jurent que par eux-mêmes? Comment les
concilier? - En ne conciliant rien du tout; en laissant chaque parti se
gouverner à sa guise - et à ses frais. Théocratie si l'on veut; la
liberté doit aller jusqu'au droit de n'être pas libre, inclusivement.
Seulement, comme il ne faut pas que pour des nuances d'opinions on
aille à l'infini multiplier les rouages gouvernementaux, on
s'efforcera, dans l'intérêt général, de simplifier la machine et
d'appliquer la même roue motrice à produire double ou triple effet. Je
m'explique: un roi sage et franchement constitutionnel conviendrait à la
fois aux catholiques et aux libéraux; il n'y aurait qu'à doubler le
ministère; M. de Theux pour les uns, M. Frère-Orban pour les autres, le
roi pour tous.
Qui empêcherait même, si messieurs tels et tels, que je ne nomme
pas, s'accordaient pour inaugurer l'absolutisme, que le même prince
appliquât ses hautes lumières et sa riche expérience à faire les
affaires de ces messieurs sans qu'ils eussent dorénavant le triste
embarras d'émettre leur avis sur la marche du gouvernement? Et vraiment,
quand j'y pense, je ne vois pas trop pourquoi, en modifiant
l'arrangement en sens opposé, ce prince unique, ne ferait pas un
président fort acceptable pour une république honnête et modérée. Le
cumul ne serait pas interdit.
III
La liberté a ses inconvénients et ses périls,
mais à la longue elle finit par sauver toujours.
M. A. DESCHAMPS.
Un avantage incomparable de mon système, qui en a, d'ailleurs,
tant d'autres, c'est de rendre faciles, naturelles et parfaitement
légitimes ces variations qui, de nos jours, ont déconsidéré de fort
braves gens, et qu'on a cruellement flétries sous le nom d'apostasies
politiques. Cette impatience de changement, qu'on a imputée à crime à
d'honnêtes citoyens et qui a fait taxer de légèreté ou d'ingratitude
certaines nations anciennes et modernes, qu'est-ce après tout, sinon le
désir du progrès? Et même, en bien des cas, n'est-il pas étrange qu'on
accuse d'inconséquence, de versatilité, précisément ceux qui restent
conséquents avec eux-mêmes. On veut la fidélité au parti, au drapeau, au
prince; fort bien, si prince et parti sont immuables, mais s'ils se
transforment ou font place à d'autres qui ne soient pas précisément des
équivalents? Quoi! j'aurai pris pour guide, pour chef, pour maître, si
vous voulez, un prince supérieur à son siècle; je me serai incliné
devant sa volonté puissante et créatrice et j'aurai abdiqué mon
initiative personnelle pour la mettre au service de son génie, et puis,
ce prince mort, voilà que lui succède, par droit de primogéniture,
quelque esprit étroit, imbu d'idées fausses, qui démolit pièce à pièce
l'oeuvre de son père, et vous voulez que je lui reste fidèle? Pourquoi?
Parce qu'il est l'héritier direct et légitime du premier? Direct, je le
concède, mais légitime, du moins en ce qui me touche, je le nie
formellement.
Je me révolterai point pour autant; j'ai vous ai dit que je
détestais les révolutions, mais je me tiendrai pour lésé et en droit de
changer à l'expiration du contrat.
« Sire, disait Madame de Staël à l'empereur de Russie, votre
caractère est pour vos sujets une constitution et votre conscience une
garantie. »
« Quand cela serait, répondit Alexandre, je ne serais jamais qu'un accident heureux. »
Ce mot, si brillant et si vrai, résume parfaitement ma pensée.
« Quand cela serait, répondit Alexandre, je ne serais jamais qu'un accident heureux. »
Ce mot, si brillant et si vrai, résume parfaitement ma pensée.
Notre panacée, si l'on veut employer ce mot, c'est donc la libre
concurrence en matière de gouvernement. C'est le droit pour chacun de
chercher son bien-être où il croit le voir, et de se fournir de sécurité
aux conditions qui lui plaisent. C'est, d'autre part, le progrès
assuré, par une lutte d'émulation entre les gouvernements, obligés de se
disputer incessamment la clientèle. C'est la liberté vraie inaugurée
dans le monde entier, la liberté qui ne s'impose à personne, qui est
pour chacun tout juste ce que chacun veut qu'elle soit, qui n'opprime ni
ne trompe et contre laquelle l'appel est toujours ouvert. Pour chercher
cette liberté-là il ne faudra renoncer ni aux traditions de la patrie
ni aux douceurs de la famille, il ne faudra point apprendre à penser
dans une langue étrangère; point ne sera besoin de passer les fleuves et
les mers, emportant avec soi les ossements de ses aïeux. Il ne s'agira
plus que d'une simple déclaration devant l'état politique de sa commune,
et sans avoir ôté sa robe de chambre ni ses pantoufles, on se trouvera à
son gré passé de la république à la monarchie, du parlementarisme à
l'autocratie, de l'oligarchie à la démocratie ou même à l'an-archie de
M. Proudhon.
Êtes-vous las des agitations du forum, c'est-à-dire des
logomachies de la tribune parlementaire ou des baisers un peu rudes de
la déesse Liberté? Êtes-vous soûl de libéralisme et de cléricalisme, au
point de confondre parfois M. Dumortier avec M. De Fré et de ne savoir
plus en quoi diffèrent précisément M. Rogier et M. De Decker?
Aspirez-vous au repos, aux molles langueurs d'un despotisme honnête?
Sentez-vous le besoin d'un gouvernement qui pense pour vous, s'agite à
votre place, ait l'oeil à tout et la main partout et qui joue à votre
profit ce rôle de vice-providence qui plaît tant aux gouvernements en
général? Vous n'avez que faire d'émigrer vers le Midi comme les
hirondelles à l'équinoxe et les oies en novembre. Ce que vous désirez
est ici, chez vous, ailleurs, partout. Faites-vous inscrire; prrrenez
vos places!
Ce qu'il y a d'admirable dans cette découverte, c'est qu'elle
supprime à tout jamais révolutions, émeutes, désordres de la rue et
jusqu'aux moindres émotions, de la fibre politique. Vous n'êtes pas
content de votre gouvernement? Prenez-en un autre. Ces quatre petits
mots, gros d'horreurs et rouges de sang, que toutes les cours d'assises,
hautes ou basses, martiales, prévôtales, spéciales, toutes sans
exception, condamneraient par acclamation comme coupables de provocation
à la révolte, ces quatre petits mots deviennent innocents et purs comme
autant de séminaristes et aussi bénins que le remède dont se défiait à
tort M. de Pourceaugnac. « Prenez-en un autre, » c'est-à-dire passez au
bureau de l'état politique, ôtez votre chapeau au commis-chef, priez-le,
en bonnes termes, de vous rayer de la liste où vous figurez et de
transférer votre nom sur celle de ... il n'importe laquelle.
Le commis-chef mettra ses lunettes, ouvrira le registre, inscrira votre déclaration, vous en donnera récépissé. Vous le saluerez derechef, et la révolution sera accomplie, sans autre effusion que celle d'une goutte d'encre. Accomplie pour vous seul, j'en conviens. Votre changement n'obligera personne, et ce sera son mérite. Il n'y aura ni majorité triomphante ni minorité vaincue; mais rien non plus n'empêchera les quatre millions six cent mille autres Belges de suivre votre exemple, s'il leur agrée. Le bureau de l'état politique demandera des surnuméraires.
Le commis-chef mettra ses lunettes, ouvrira le registre, inscrira votre déclaration, vous en donnera récépissé. Vous le saluerez derechef, et la révolution sera accomplie, sans autre effusion que celle d'une goutte d'encre. Accomplie pour vous seul, j'en conviens. Votre changement n'obligera personne, et ce sera son mérite. Il n'y aura ni majorité triomphante ni minorité vaincue; mais rien non plus n'empêchera les quatre millions six cent mille autres Belges de suivre votre exemple, s'il leur agrée. Le bureau de l'état politique demandera des surnuméraires.
Quelle est au fond, tout préjugé d'éducation mis à part, la
fonction d'un gouvernement quelconque? C'est, je l'ai déjà indiqué, de
fournir aux citoyens la sécurité (je prends ce mot dans son acception la
plus large) aux meilleurs conditions possibles. Je sais bien que, sur
ce point, les idées sont encore un peu confuses. Il y a des gens à qui
il ne suffit pas d'une armée pour les protéger contre les ennemis du
dehors, d'une police, d'une gendarmerie, de M. le procureur du roi et de
MM. les juges pour assurer l'ordre au dedans et faire respecter le
droit et la propriété.
J'en sais qui veulent un gouvernement ayant les mains pleins d'emplois bien rétribués, de titres sonores et de décorations éclatantes; avec des douaniers aux frontières pour protéger leur industrie contre les consommateurs et des légions de fonctionnaires protégeant les beaux-arts, les théâtres et les actrices. Mais je sais aussi que ce sont là des vieilleries propagées par ces gouvernements-providence dont nous parlions tantôt. En attendant que la libre expérimentation en ait fait justice, je ne vois pas de mal à ce qu'il subsistent quelque part, pour la satisfaction ce ceux qui les aiment ainsi. On ne demande qu'une chose: la liberté du choix.
J'en sais qui veulent un gouvernement ayant les mains pleins d'emplois bien rétribués, de titres sonores et de décorations éclatantes; avec des douaniers aux frontières pour protéger leur industrie contre les consommateurs et des légions de fonctionnaires protégeant les beaux-arts, les théâtres et les actrices. Mais je sais aussi que ce sont là des vieilleries propagées par ces gouvernements-providence dont nous parlions tantôt. En attendant que la libre expérimentation en ait fait justice, je ne vois pas de mal à ce qu'il subsistent quelque part, pour la satisfaction ce ceux qui les aiment ainsi. On ne demande qu'une chose: la liberté du choix.
Car tout est là: liberté du choix, concurrence. Laissez faire,
laissez passer! Cette sublime devise, inscrite sur le drapeau de la
science économique, sera un jour aussi celle du monde politique.
Économie politique, le nom déjà le faisait prévoir, et, chose
curieuse, on a eu beau vouloir changer ce nom, par exemple en économie
sociale, le bon sens public a repoussé cette concession. La science
économique est et sera la science politique par excellence. N'est-ce pas
elle qui a inventé ce principe moderne de non intervention et sa
formule: laissez faire, laissez passer.
Donc, libre concurrence en matière de gouvernement comme en toute
autre. Voyez d'ici, le premier moment de surprise passé, le tableau d'un
pays ainsi livré à la concurrence gouvernementale, c'est-à-dire
possédant simultanément, régulièrement enchevêtrés, autant de
gouvernements qu'on en a inventés et qu'on en inventera encore.
Oui, vraiment! ce sera un beau gâchis. Et vous croyez qu'on se tirera de cet mêlée?
Certes, et rien de plus aisé à concevoir, si l'on veut s'y appliquer un peu.
Vous rappelez-vous le temps où l'on s'égorgeait pour la religion plus qu'on ne s'est jamais égorgé pour des raisons de politique? Où le divin créateur des êtres était le Dieu des armées, le Dieu vengeur et impitoyable, au nom de qui le sang coulait à flots? Les hommes ont aimé de tout temps à prendre en main la cause de Dieu et à le faire complice de leurs passions sanguinaires.
« Tuez tout! Dieu reconnaîtra les siens! »
Vous rappelez-vous le temps où l'on s'égorgeait pour la religion plus qu'on ne s'est jamais égorgé pour des raisons de politique? Où le divin créateur des êtres était le Dieu des armées, le Dieu vengeur et impitoyable, au nom de qui le sang coulait à flots? Les hommes ont aimé de tout temps à prendre en main la cause de Dieu et à le faire complice de leurs passions sanguinaires.
« Tuez tout! Dieu reconnaîtra les siens! »
Que sont devenues ces haines implacables? Le progrès de l'esprit
humain les a balayées comme le vent d'automne fait des feuilles mortes.
Les religions au nom desquelles se dressaient jadis les bûchers et les
instruments de torture, vivent paisiblement côte à côte, sous les même
lois, mangeant au même budget, et si chaque secte prêche toujours sa
propre excellence, c'est tout au plus si elle damne encore la secte
rivale.
Eh bien, ce qui est devenu possible dans ce domaine obscur et
insondable de la conscience, avec l'esprit de prosélytisme des uns,
l'intolérance des autres, le fanatisme et l'ignorance des masses; ce qui
est possible à ce point qu'on le rencontre et le coudoie dans la moitié
du monde, sans qu'il en résulte plus ni trouble ni violences; au
contraire avec ce caractère bien saillant que là où les croyances sont
diverses, les sectes nombreuses et sur un pied de parfaite égalité
légale, elles sont aussi, tout en chacune, plus sages, plus soucieuses
de leur dignité et de la pureté de leur morale que partout ailleurs; ce
qui est devenu possible dans de si difficiles conditions, ne le
serait-il pas davantage dans le domaine purement terrestre de la
politique, où tout devrait être clair, où le but se définit par une
phrase, où la science s'expose en quatre mots?
Qu'aujourd'hui, où un gouvernement n'existe qu'à la condition
d'exclure tous les autres; où un parti ne domine qu'après avoir brisé
les partis adverses; où une majorité qui gouverne a toujours à côté
d'elle une minorité impatiente de gouverner; qu'aujourd'hui les partis
se haïssent et vivent sinon en guerre, au moins en état de paix armée,
quoi de plus inévitable? Et qui s'étonnerait de voir les minorités
intriguer et remuer sans cesse, et les gouvernements de fait comprimer
violemment toute aspiration vers une autre forme politique tout aussi
exclusive, de telle sorte que la société se compose d'ambitieux aigris,
attendant l'heure de la vengeance, et d'ambitieux satisfaits digérant au
bord du précipice? Les principes erronés n'amènent pas de conséquences
justes et la force n'engendre ni la vérité ni le droit.
Mais que toute contrainte vienne à cesser; que tout citoyen majeur
soit et demeure libre, non pas une fois, au lendemain de quelque
révolution sanglante, mais toujours et partout, de choisir, dans le
dédale des données gouvernementales, celles qui vont à son esprit et à
son caractère ou à ses besoins personnels; libre de choisir,
entendons-nous bien, mais non d'imposer son choix aux autres: et tout
désordre cesse, toute lutte stérile devient impossible.
Ce n'est encore là qu'une des faces de la question; en voici une
autre: du moment où les procédés gouvernementaux sont soumis au régime
de l'expérimentation, de la libre concurrence, il faut qu'ils
progressent et se perfectionnent, c'est la loi naturelle. Plus de
nuages, plus de profondeurs qui ne recèlent que le vide, plus de
roueries qualifiées de finesses diplomatiques, plus de ces lâchetés ni
de ces infamies badigeonnées de raison d'État; plus d'ambitions de cour
ou de camps mal dissimulées sous le faux titres d'honneur ou d'intérêt
national. En deux mots, plus de tromperie sur la nature et la qualité de
la denrée gouvernementale. Désormais le jour est partout, les gouvernés
comparent et se rendent compte, et les gouvernants comprennent enfin
cette vérité économique et politique, qu'il n'y a qu'une condition de
succès solide et durable en ce monde: c'est de faire mieux et à meilleur
marché que les autres. A dater de ce moment l'accord universel
s'établit, et les forces perdues jusque-là en labeurs stériles, en
frottements et en résistances, s'unissent pour imprimer au progrès et au
bonheur de l'humanité une impulsion imprévue, prodigieuse,
vertigineuse.
Amen! Permettez cependant une petite objection: Quand toutes
les variétés possibles de gouvernement auront été éprouvées partout, au
grand jour de la publicité et de la concurrence, qu'en résultera-t-il?
Il y en aura évidemment une qui sera reconnue la plus parfaite, et dont,
alors, tout le monde voudra, ce qui nous ramènera à n'avoir pour tous
qu'un seul gouvernement, c'est-à-dire juste au point de départ.
Pas si vite, je vous prie, ami lecteur. Quoi! de votre propre
aveu, tous seraient d'accord et vous appelez cela revenir au point de
départ? Votre objection me donne gain de cause sur la proposition
principale, puisqu'elle suppose l'accord universel établi par le simple
fonctionnement du laissez faire, laissez passer. Je pourrais me borner à
prendre acte et vous tenir pour rallié, converti à mon système, mais je
ne veux pas de demi-convictions et je ne cherche pas à faire des
prosélytes.
Non, on n'en reviendra pas à n'avoir qu'une seule forme de
gouvernement, si ce n'est peut-être dans un avenir lointain, quand la
fonction gouvernementale sera réduite, du consentement général, à sa
plus simple expression. Nous n'en sommes point là, ni près d'y arriver.
En attendant, les hommes ne sont ni tous semblables d'esprit et de
moeurs, ni aussi faciles à concilier que vous le supposez, et le régime
de la concurrence est le seul possible. L'un a besoin d'agitation, de
luttes; le repos lui serait mortel; l'autre, rêveur et philosophe, ne
voit que du coin de l'oeil les bouillonnements de la société, et ses
pensées ne se produisent que dans le calme le plus profond. Celui-ci,
pauvre, savant, artiste inconnu, a besoin d'encouragements et de soutien
pour enfanter son oeuvre immortelle; il lui manque un laboratoire pour
ses expériences, un palais à construire, un marbre à faire dieu.
Celui-là, génie puissant et prime-sautier, ne supporte aucune entrave et
brise le bras qui veut le guider. A l'un, il faudra la république, ses
dévouements et son abnégation; à l'autre, la monarchie absolue, ses
pompes, ses splendeurs. Tel discoureur voudra un parlement, tel autre
incapable d'assembler dix mots, demandera qu'on proscrive les bavards.
Il y a des esprits forts et des têtes faibles, des ambitieux insatiables
et des gens simples, content du petit lot qui leur est échu; il y a,
enfin, autant de caractères que d'individus, autant de besoins que de
natures différentes. Comment contenter à la fois tout ce monde avec une
seule forme de gouvernement? Évidemment, on s'en accommodera à des
degrés fort inégaux; il y aura des satisfaits, des indifférents, des
frondeurs, des mécontents, voire même des conspirateurs.
En tout cas, comptez sur la nature humaine pour réduire le nombre des satisfaits au-dessous de celui des mécontents. Si parfait qu'on suppose ce gouvernement unique, et fût-il la perfection absolue, il y aurait toujours une opposition: celle des natures imparfaites, à qui toute perfection est inintelligible ou antipathique. Dans mon système, les plus vifs mécontentements ne seront que querelles de ménage, avec le divorce pour remède extrême.
En tout cas, comptez sur la nature humaine pour réduire le nombre des satisfaits au-dessous de celui des mécontents. Si parfait qu'on suppose ce gouvernement unique, et fût-il la perfection absolue, il y aurait toujours une opposition: celle des natures imparfaites, à qui toute perfection est inintelligible ou antipathique. Dans mon système, les plus vifs mécontentements ne seront que querelles de ménage, avec le divorce pour remède extrême.
Mais sous ce régime de concurrence, quel gouvernement voudra se
laisser distancer par les autres dans la carrière du progrès? Quels
perfectionnements, heureusement appliqués chez le voisin, refusera-t-on
d'introduire chez soi? Cette émulation, constamment entretenue,
enfantera des prodiges. Mais aussi, les gouvernés seront tous des
modèles. Libres d'aller et de venir, de parler ou de se taire, d'agir ou
de laisser faire, ils n'auront, s'ils ne sont pas pleinement
satisfaits, à s'en prendre qu'à eux-mêmes. Dès lors, au lieu de faire de
l'opposition afin d'être remarqué, on mettra son amour-propre à se
persuader et à persuader aux autres que l'autorité dont on relève est la
plus parfaite qui se puisse rêver. Ainsi s'établira entre gouvernants
et gouvernés une douce intimité, une confiance réciproque et une
facilité de relations aisée à concevoir.
Quoi? vous rêvez sérieusement et tout éveillé cet accord
complet des partis et des sectes politiques? Vous comptez les faire
vivre côte à côte sur le même terrain, sans qu'ils se heurtent, sans que
les plus fort tentent d'absorber ou de soumettre les plus faibles? Vous
imaginez que de cette grande Babel sortira la langue universelle?
Je crois à la langue universelle, comme je crois à la souveraine
puissance de la liberté pour pacifier le monde; je n'entends prévoir ni
le jour ni l'heure de l'accord. Mon idée est une semence que je jette au
vent; tombera-t-elle sur un sol fertile ou sur les pierres du chemin?
Ce n'est plus mon affaire. Je ne propose rien. Tout, d'ailleurs, est
affaire de temps. Qui eût cru, il y a un siècle, à la liberté de
conscience? Et qui, de nos jours, oserait la remettre en question? Y
a-t-il bien longtemps qu'on souriait encore à cette idée bizarre que la
presse était une puissance, un pouvoir dans l'État? Et maintenant les
vrais hommes d'État s'inclinent devant elle. Et cette puissance
nouvelle, l'opinion publique, que chacun de nous a vue naître et qui,
encore embarrassée de ses langes, impose ses arrêts aux empires et pèse
souverainement dans les conseils mêmes des despotes, l'aviez-vous
prévue, et n'auriez-vous pas ri au nez de celui qui eût osé en prédire
l'avènement?
Du moment que vous ne proposez rien, nous pouvons causer.
Dites-moi, par exemple, comment dans cette enchevêtrement d'autorités,
chacun reconnaîtra les siens. Et si l'on peut, à toute heure, s'enrôler
sous ce gouvernement-ci, se dégager de celui-là, sur qui et sur quoi
comptera-t-on pour régler les budgets et solder les listes civiles?
D'abord, je n'admets pas qu'on soit libre de changer à toute heure
et de faire banqueroute à son gouvernement. On peut assigner à ces
sortes d'engagements un minimum de durée; un an, je suppose. Des
exemples pris en France et ailleurs m'autorisent à penser qu'il est
possible de supporter, durant toute une année, le gouvernement qu'on
s'est donné. Les budgets, régulièrement votés et répartis, obligeraient
chacun jusqu'à due concurrence, et, en cas de contestation, les
tribunaux ordinaires prononceraient. Quant à retrouver chacun ses
sujets, ses administrés ou ses contribuables, est-ce plus difficile que
pour chaque église de recenser ses fidèles et pour chaque association de
compter ses actionnaires?
Mais vous aurez dix gouvernements, vingt peut-être au lieu
d'un, donc autant de budgets, de listes civiles, de frais généraux
autant de fois répétés qu'il y aura de différents états-majors.
Je ne nie point la force de l'objection. Remarquez seulement qu'en
vertu de la loi de la concurrence, chacun de ces gouvernements tendra,
de toute nécessité, à devenir aussi simple et aussi économique que
possible. Les états-majors qui nous coûtent, Dieu sait! les yeux de la
tête, se réduiraient au plus strict nécessaire, et les sinécures
supprimées rendraient leurs titulaires au travail productif. Cependant
la question ne serait, par là, qu'à demi résolue et je n'aime pas les
solutions par à peu près. Trop de gouvernements seraient un mal, une
cause de dépenses exagérées, sinon de confusion. Eh bien, dès que ce mal
sera senti, le remède ne se fera pas attendre. Le bon sens public fera
justice des exagérations, et il ne subsistera bientôt de gouvernements
que ceux qui seront réellement viables: les autres périront d'inanition.
Vous voyez que la liberté a réponse à tout.
Peut-être. Et les dynasties régnantes, et les majorités
triomphantes, et les corps constitués, et les doctrines en crédit,
pensez-vous que jamais ils abdiquent pour se ranger bénévolement sous la
bannière du laissez faire, laissez passer? Vous avez beau dire que vous
ne proposez rien, on n'esquive pas ainsi la discussion.
Dites-moi d'abord si vous croyez fermement qu'ils soient assez
sûrs de leur positions pour avoir toujours intérêt à refuser une large
concession? Or, moi seul, je ne destitue personne. Tous les
gouvernements existent en vertu d'une force qu'ils puisent quelque part
en dehors d'eux, et dont ils usent plus ou moins habilement pour se
perpétuer. Dès lors, ils ont leur place assurée dans mon organisation.
Qu'ils doivent perdre d'abord bon nombre de leurs adhérents plus ou
moins volontaires, je n'ai garde de le nier; mais sans parler des
chances de l'avenir, quelles enviables compensations du côté de la
sécurité des pouvoirs et de leur stabilité! Moins de sujets, moins de
contribuables, c'est le mot propre, mais en revanche, soumission absolue
et cependant volontaire pendant la durée du contrat. Plus de
contrainte, peu de gendarmes, guère de police; des soldats, tout juste
assez pour la parade, mais les plus beaux possibles. Les dépenses
décroissant plus vite que ne sauraient décroître les revenus. Plus
d'emprunts, plus de gêne financière; on aura, ce qui ne s'était encore
vu que dans le Nouveau Monde, des économies au moyen desquelles on
pourra faire des heureux. On sera béni, encensé, et je ne parle pas de
ces vapeurs stupéfiantes qu'on souffle au nez des pouvoir chancelants,
mais de vrai parfums d'Arabie, faits pour des nez d'élite. Quelle
dynastie n'aimerait à s'éterniser ainsi? Quelle majorité ne consentirait
à laisser la minorité émigrer en masse?
Voyez enfin comme un système qui a pour base le grand principe
économique de laissez faire est fort contre toutes les difficultés. La
vérité n'est pas vrai à demi; elle est la vérité, ni plus ni moins.
Aujourd'hui, nous avons des dynasties régnantes et des dynasties
déchues; des princes qui portent la couronne et d'autres qui ne seraient
point fâchés de la porter; et chacun a son parti; et chaque parti a
pour mission principale de mettre des bâtons dans la roue du char de
l'État, jusqu'au jour où, le char ayant versé, ils peuvent à leur tour
monter dessus et risquer la culbute. Jeu charmant de bascule, dont les
peuples payent les frais et ne se lassent guère, comme disait Paul-Louis
Courier. Avec notre procédé, plus de ceux coûteux équilibres ni de
chutes à grand fracas; plus de conspirations ni d'usurpations; tout le
monde est légitime, et personne. On est légitime sans conteste, tant que
l'on dure, et pour les siens seulement. Hors de là, nul droit divin ni
terrestre, si ce n'est le droit de se modifier, de perfectionner ses
plans et de faire un nouvel appel aux actionnaires.
Point d'exils, ni de proscriptions, ni de confiscations, ni de
persécutions d'aucune sorte. Le gouvernement qui tombe liquide avec ses
bailleurs de fonds; s'il a été honnête, si sa comptabilité est en règle,
si les statuts, constitutionnels ou autres, ont été fidèlement
observés, il peut quitter son palais le front levé et aller à la
campagne rédiger ses mémoires justificatifs. Viennent d'autres
circonstances: les idées se modifient, une lacune se fait sentir dans
l'État collectif, une spécialité manque, des actionnaires inactifs ou
mécontents cherchent un placement... Vite on lance son prospectus, on
recueille des adhésions, et quand on se croit assez fort, au lieu de
descendre dans la rue, comme on dit en style d'émeute, on monte au
bureau de l'état politique, on fait sa déclaration, que l'on appuie du
dépôt d'un exemplaire de ses statuts fondamentaux et d'un registre où
les adhérents vont se faire inscrire, et voilà un gouvernement de plus.
Le reste est affaire d'intérieur, de ménage, et les associés seuls ont à
s'en enquérir.
Je propose un droit minime d'enregistrement et de mutation que les
employés de l'état politique percevront eux-mêmes et à leur profit.
Quelques cents francs pour fonder un gouvernement, quelques centimes
pour passer individuellement de l'un à l'autre. Les employés n'auront
pas d'autre traitement, mais j'imagine qu'ils ne seront pas trop mal
rentés et que ces sortes de places seront très courues.
N'êtes-vous pas émerveillé de cette simplicité de rouages, de ce
mécanisme puissant qu'un enfant pourrait conduire, et qui répond
cependant à tous les besoins? Cherchez, tâtez, scrutez, analysez! Je
vous défie de le trouver en défaut sur aucun point.
Aussi suis-je convaincu que personne n'en voudra: l'homme est
ainsi fait. C'est même cette conviction qui m'engage à publier mon idée.
En effet, si je ne fait point de prosélytes, ceci n'est qu'un jeu
d'esprit, et nul pouvoir constitué, nulle majorité, nulle corporation,
personne enfin qui dispose de quoi que ce soit n'a le droit de m'en
vouloir.
Et si, par hasard, vous m'aviez converti?
Chu.....t. Vous allez me compromettre!
Paul Emile de Puydt
DE PUYDT (Paul-Emile), botaniste, littérateur, économiste, né a Mons
en 1810 et y décédé en 1891. Il fut président de la Société des
Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut. Ses ouvrages sur
l'horticulture sont justement estimés.
Oeuvres: Traité théorique et pratique de la culture des plantes
de serre froide, Bruxelles, 1860. - Les poires de Mons, Mons, 1860; Gand
1877 - Les plantes de serre, Mons, 1866; 2 vol. - Les Orchidées,
Histoire iconographique, organographie, classification, géographie,
collections, commerce, emploi, culture, Paris, 1880.
S'occupant aussi de sciences sociales, De Puydt a abordé des
questions d'actualité: La charité et les institutions de bienfaisance
(1867) - Marche et progrès de la civilisation dans les temps modernes
(1870) - La Grève (1876); etc.
Comme littérateur il a publié dans les journaux et revues, et en volumes, des nouvelles et des romans dont plusieurs eurent un grand succès. Citons: Chevreuse, roman (1859) - Maudit métier (1883) et Cent mille francs de dot (1890) qui eurent plusieurs éditions. Il publia aussi nombre de notices nécrologiques, discours, rapports, etc.
Comme littérateur il a publié dans les journaux et revues, et en volumes, des nouvelles et des romans dont plusieurs eurent un grand succès. Citons: Chevreuse, roman (1859) - Maudit métier (1883) et Cent mille francs de dot (1890) qui eurent plusieurs éditions. Il publia aussi nombre de notices nécrologiques, discours, rapports, etc.
Collaboration: L'Etoile Belge (1854) - Revue trimestrielle - La
Belgique horticole - Iconographie montoise - Flore des serres et jardins
de l'Europe - L'Horticulteur belge - Patria Belgica - etc.
(Source: De Seyn, Dictionnaire des écrivains belges, Editions
Excelsior, Bruges, 1930)
F) La "Panarchie"
Alain Genestine introduit le concept de la Panarchie à ceux qui n'ont encore entendu parler de ce méthode
de tolérance et de choix libre et volontaire, par tous et partout, en ce qui concerne l'organisation sociale.
Une idée simple
pour résoudre des problèmes qui apparaissent très complexes (la vie en
commun) mais qui redeviennent simples une fois que nous
appliquons les recettes de la liberté et des choix volontaires.
Note de: Gian Piero de Bellis
Imaginez une vision
qui englobe des systèmes politiques traités formellement, dans lequel
chacun d’entre nous serait libre de choix politique,
c’est-à-dire, celui d’opter pour son principe d’organisation
sociale. La politique décidée par chacun de nous. L’individu
redeviendrait un individu responsable, ce qu’il devrait être par
nature.
Ce métasystème
pourrait être apparenté à une forme néo-politique de « coaching », où
chacun s’affilie en toute liberté au sein d’une gouvernance
de son libre-choix, voire de sa propre conception s’il y a lieu,
et où les différentes règles du droit international s’appliqueraient aux
rapports entre les individus desquels ils
dépendraient.
Cette vision, ou
théorie, existe, elle est appelée : « la Panarchie ». Voici quelques
références sur l’historique du terme et son évolution :
[1] [2] [3] [4] [5] [6].
« La Panarchie est une méthodologie sociale basée sur le principe du volontarisme et la pratique de la tolérance. » (Gian Piero de Bellis)
La panarchie ?
L’avenir de
l’humanité sans aucun doute : vous n’êtes pas satisfait de votre
gouvernement choisi ? Un meilleur existe ? Vous en changez, c’est
très simple. Tout comme le libéralisme, la panarchie n’est pas une
idéologie comme peuvent l’être le communisme ou le socialisme. Il est
aisé de le comprendre tant cette théorie implique
d’accepter toutes les formes d’idéologies existantes dans la
mesure, comme cité plus haut, où celles-ci sont librement choisies,
consenties par ceux qui y adhèrent.
La panarchie et non le « panarchisme ».
En effet, la panarchie n’est en rien une conception
politique. Retirons de notre esprit les corollaires pour favoriser
l’extra-territorialisme, le multi-gouvernementalisme, voire des lois
personnelles. Nous changeons radicalement d’ère, cette
vision sera en sorte la fin du politique et l’émergence pratique :
universaliste (cohérente, acceptable partout et pour tous en toute
situation) ; personnaliste (l’ère des individus et non des
masses, alliés en respect) ; volontariste, outre la famille, il
n’est pas exclu d’appartenir à un groupe, une communauté, dans le
respect et la liberté de choix.
Tout dogmatisme et
vision approximative de cette théorie serait sujette à un écueil. Il est
inconcevable d’écrire sur la panarchie sans mentionner
l’anarchie, car les deux théories ont en commun le libre-choix.
Précision, parlant d’anarchie, il est opportun d’en connaître les deux
axes de la contestation de la domination.
Il s’agit en
premier lieu d’entendre le strict anarchisme politique qui dissocie
société et gouvernement, et non le second représentant le
socialisme utopique qui conçoit la possibilité d’une vie humaine
hors de la cité, de sources stoïciennes cyniques pour faire de l’État de
nature un État pleinement social. Le premier axe prône
l’individu, la responsabilité, et surtout la propriété.
En pratique,
l’anarchisme comme doctrine débute toujours par se concevoir comme
critique d’une société présente dans laquelle s’exerce une
domination : il a devant lui ce dont il prône l’abolition. Un
impératif pratique interpelle alors en permanence l’élaboration même de
la théorie critique. De ce fait il n’est pas aisé d’évoquer
de véritables expériences anarchistes, car il est toujours
probable assurément de distinguer des éléments de domination qui les
invalideront aux yeux d’une critique plus radicale. Les
concrétisations politiques de l’anarchisme sont ainsi autant
d’occasions de vérifier sa diversité.
Comme le fond de la
doctrine anarchiste consiste à dissocier la société de la hiérarchie,
en général, l’anarchie implique logiquement la notion de
libre-choix. Et en effet, la panarchie insiste fortement sur cet
aspect, ce qui engendre la possibilité de cohabitation, c’est-à-dire la
liberté de communautés librement constituées, et ainsi
de vivre comme elles l’entendent, du moment où elles n’imposent à
quiconque leurs choix.
Les libéraux
recherchent par tous moyens à endiguer cette omniprésence et cette
continuelle expansion de l’État, surtout en ces périodes de crise.
Le principe de la panarchie pourrait assurément contribuer, étape
par étape, à composer avec les différents desseins des États. Un
exemple, la coexistentialité, où le monde sera uni autour d’un
même pouvoir territorial, non plus divisé en plusieurs pays, mais
seulement en une douzaine de sociétés en concurrence. Une vision qui
donnerait aux individus l’assurance d’être protégés de
tous les maux actuels (corruption, incompétences, démagogies de
gouvernements qui se succèdent à eux-mêmes).
Des essais plus
détaillés pourraient être fournis, afin de mesurer que la panarchie est
la solution aux frictions nationalistes… Cependant comment
ce méta-système pourrait-il apparaître au sein de nos sociétés,
alors que nous sommes contraints aux États-providences, au keynésianisme
ambiant ?
- Premièrement il suffit déjà d’en connaître le concept, et ainsi le diffuser. L’avenir décidera pour lui, quand enfin assez de personnes voudront bien l’envisager, le comprendre. Ce qui est important, actuellement, c’est d’exprimer cette idée en syntonie avec les sentiments et les besoins de notre temps pour se préparer à sa réalisation. Dans l’état actuel de nos sociétés sclérosées, ce principe est futuriste.
- Secondement, nous venons de franchir un nouveau siècle que j’appellerais le millénaire du savoir et de la connaissance, celui d’un développement fantastique dont la culture, l’esprit du « laissez faire, laissez passer » devrait nous conduire à terme à la panarchie.
Imaginez, aucune
interdiction matérielle, l’homogénéité et l’hétérogénéité selon les
désirs de chacun, le cosmo-politeia, la variété en tout
genre, ce que je nomme le précepte de Diversité.
Imaginez, aucune
interdiction personnelle, pas de source conflictuelle d’aucune sorte, ni
ainsi endurer quelque pouvoir externe, forcément
corrompu, le précepte intitulé de la Cohérence.
Imaginez, aucune
interdiction politique, où chacun est libre de son expérience
d’organisation sociale et riche de projets en tout genre, de
l’originalité par les êtres dans tous les domaines de la vie, ce
précepte que je dis Individualité.
Rien n’est utopie quand la libre
tolérance est nommée Liberté. Voici quelques exemples
[7] de certains auteurs tant économistes, philosophes, sur cette théorie : « La Panarchie ».
Et voici mon seing : « Faisons ensemble la Liberté, la Liberté fera le reste. »
Alain GENESTINE
Références
[1] France Patric (Franciscus Patricius)
http://plato.stanford.edu/entries/patrizi/#1
http://www.istrianet.org/istria/illustri/patrizi/schiffler.htm
[2] Paul Emile de Puydt, Panarchie
http://www.panarchy.org/depuydt/1860.fr.html
[3] Gustave de Molinari, De la production de la sécurité
http://www.panarchy.org/molinari/securite.html
[4] Gustave de Molinari, Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Onzième Soirée)
http://www.panarchy.org/molinari/11.html
[5] Max Nettlau, Panarchie. Une idée oubliée de 1860
http://www.panarchy.org/nettlau/1909.fr.html
[6] Gustave de Molinari, Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Septième Soirée)
http://www.panarchy.org/molinari/7.html
[7] Panarchie - Panarchy - Panarchia - Panarquia
http://www.panarchy.org/indexes/panarchy.html
[1] France Patric (Franciscus Patricius)
http://plato.stanford.edu/entries/patrizi/#1
http://www.istrianet.org/istria/illustri/patrizi/schiffler.htm
[2] Paul Emile de Puydt, Panarchie
http://www.panarchy.org/depuydt/1860.fr.html
[3] Gustave de Molinari, De la production de la sécurité
http://www.panarchy.org/molinari/securite.html
[4] Gustave de Molinari, Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Onzième Soirée)
http://www.panarchy.org/molinari/11.html
[5] Max Nettlau, Panarchie. Une idée oubliée de 1860
http://www.panarchy.org/nettlau/1909.fr.html
[6] Gustave de Molinari, Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Septième Soirée)
http://www.panarchy.org/molinari/7.html
[7] Panarchie - Panarchy - Panarchia - Panarquia
http://www.panarchy.org/indexes/panarchy.html
G) La Polycité avec Patrick Aubin
La Polycité
Que cache ce néologisme ?
Donnons une définition immédiate par analogie :
« la Polycité est à la politique ce que
la laïcité est à la religion ».
C'est donc un principe de respect de la pensée politique
d'autrui en toute circonstance dans les relations interpersonnelles
au sein de la société.
Toute idéologie politique, à
l’instar d'une religion, est un concept humain fondée
sur la croyance de détenir une vérité sur la vie
en société. Il n'existe, pas plus que pour imposer une
croyance religieuse à autrui, de légitimité à
lui imposer une croyance politique. Il est donc à rejeter une
application universelle de toute loi humaine qu'elle soit de nature
théocratique pour satisfaire au principe de laïcité,
ou qu’elle soit de nature politique pour le principe de
Polycité. Mais alors peut-il exister des lois qui puissent
gouverner les êtres humains à partir d'un corpus
juridique légitime qui s’impose à tout être
humain et à toute association politique afin que le respect
d'autrui ne soit pas un vain mot ?
Tout d'abord,
avec l’expérience de tous les mécanismes qui ont
bâti les pays actuels et que les peuples aient eu à
subir, il est à apprécier que la violence, physique ou
morale, ne peut être un mode de fonctionnement acceptable entre
individus ou populations. Autrement dit, nous ne pouvons faire à
autrui, ce que nous ne souhaitons pas qu'autrui nous fasse, qu’autrui
ou nous soit identifié comme une personne physique ou morale
(toute personne morale étant vu comme un groupe au nombre
indéterminé de personnes). Ainsi le principe de
Polycité intègre le principe de non-agression entre
personnes au sens large (personnes physiques ou/et morales).
Attention, ce n'est pas parce que le
principe de non-agression est le fonctionnement souhaité au
quotidien entre tous les membres de la société décrits
ci-avant, qu'il n'y aura pas d'agression. Mais il faut que celui ou
ceux qui agressent sachent que le reste de la société
est en droit de les agresser pour obtenir une stricte réparation
aux victimes. Le principe de Polycité ne s'occupe cependant
pas de ce que les hommes mettent en place lorsque le principe de
non-agression est bafoué.
Ensuite, prenons une nouvelle
analogie : de tout temps l'être humain rêve d’être
un oiseau. Combien d'hommes se sont écrasés sur terre
en croyant qu'il pourrait en être un, et ce avant que la
science ne mette en évidence les lois aéronautiques.
Précisons ici que nous ne parlons évidemment pas des
lois que les hommes se donnent pour gérer notamment les
aéroports ou les avions, mais bien des lois issues de la
physique tel que la gravité terrestre ou la portance. Tant que
les hommes ignorent ou ne respectent pas ces dernières, leur
rêve de voler reste au mieux au stade mythologique d'Icare
d'atteindre le soleil avec ses ailes de cire. Les législations
de l'aviation civile, nationales ou internationales, ne sont que des
règlements d'organisation. Aucune de ces lois humaines ne fera
voler un appareil si celui-ci ne respecte pas les lois naturelles.
Ces dernières n'ont pas besoin de politiciens pour exister.
Elles sont supérieures aux lois humaines, elles gouvernent
tout homme sans coercition même si cela ne fait pas plaisir à
un homme de ne pas pouvoir voler en agitant ces bras. Ainsi, afin de
respecter toute vie et éviter que le rêve ne se
transforme en cauchemar, que ce soit avec une aile delta, un ULM, un
hélicoptère, un avion, une fusée ou tout autre
engin volant, les hommes sont obligés d’accepter cette
gouvernance des lois naturelles. Ces lois préexistaient avant
l'apparition de l'homme sur terre et s'appliquaient a fortiori bien
avant que les humains ne sachent les expliquer scientifiquement.
Elles ne s’occupent pas de déterminer une quelconque
classe sociale à l'individu. Il est à noter que tout
être humain peut appliquer intuitivement ces lois sans les
connaître, en ayant par exemple vu, discuté ou été
formé par des personnes possédant déjà un
savoir ou une expérience.
Le droit naturel n'est pas
pléthorique et est tout l'inverse de l'arbitraire. Les lois
naturelles, quelque soit le lieu où l’époque,
s’imposent à l’homme dans tous les domaines
(physique, chimie, économie...). C'est la seule gouvernance
universelle qui ne nécessite ni police, ni armée, ni
justice des hommes car en ne les respectant pas, l'homme s'expose,
individuellement et/ou collectivement, aux catastrophes. Ces lois
n'ont pas besoin d'être écrites ou contractées,
elles sont implicites, a contrario des lois humaines que les hommes
tentent de s'imposer entre eux avec le droit dit « positif ».
Il est possible de comprendre que
certains s'imaginent que les lois humaines puissent être
nécessaires à une supposée harmonie sociale.
Mais pour être légitimes, toute loi du droit positif
doivent faire l'objet de contrats librement consentis par chaque
individu, afin que la responsabilité de ce dernier soit
totalement engagée à l'encontre de l'ensemble des
autres personnes ou entités composant la société.
Il n'est donc pas acceptable, dans une société évoluée,
que des milliers de lois s'imposent arbitrairement à un
individu sans qu'ils puissent dire stop ou au prétexte que ces
ancêtres s'appliquaient de telles lois. Si nous reprenons
l'exemple des lois aéronautiques du droit positif, il y a les
règlements qui intéressent exclusivement les
constructeurs d'aéroplanes, d'autres les compagnies aériennes
et leurs employés, d'autres les aéroports, d’autres
les passagers. Le fatras législatif résultant de ce qui
se veut universel et qui est très loin de l’être
avec des normes évoluant sans véritable intérêt,
est une forme d'agression à l’égard de la
multitude des citoyens non concernés qui subissent des
contraintes d'ordre mercantiliste relevant de croyances
utilitaristes. Cet exemple montre que le champ politique s'est très
largement emparé de choses qui concerne le contrat entre
personnes physiques et/ou morales. Un tel fonctionnement est
déresponsabilisant pour tout le monde et engendre une
bureaucratie pléthorique qui constituent d’autres formes
d'agressions à l'attention des citoyens. L'objet de la
Polycité, en mettant les associations politiques sous la
gouvernance du Droit Naturel et en les mettant en concurrence sur
leur droit positif, est de mettre enfin l'homme au pouvoir au sein de
la Société, et de ne plus dépendre du pouvoir
arbitraire de dirigeants.
A moins de vivre de manière
improbable en ermite, l'homme est un être social qui nécessite,
du fait de sa naissance, un apprentissage de la connaissance. Une
fois acquise, il doit pouvoir disposer de son libre-arbitre pour
alimenter cette connaissance pour lui-même et enrichir par
conséquence le capital humain en toute liberté et
responsabilité. C'est le sens de l’évolution de
l’humanité, d’accroître la connaissance
individuelle pour que collectivement il existe progrès, pas
l’inverse. Aussi toute technologie ou technique doit rester de
l'ordre du contrat et ne pas investir le champ du Droit qui doit
rester centré sur la défense des droits naturels et
imprescriptibles de l'homme. Le Droit ne doit non plus être
exploité pour remplacer l'assurance issue d'un contrat par de
l'assistance forcée par une arbitraire législation, une
fausse solidarité qui ne peut se faire que par agression
d'autrui sans son consentement et appropriation de ses efforts, et
conduire plus ou moins rapidement à des catastrophes
sociétales. La valorisation des efforts est également
du domaine du contrat et ne peut résulter que de la
coopération et non issus de statuts collectifs où les
contraintes de la valorisation s'exercent sur ceux qui ne sont pas
concernés par les statuts.
Le principe de Polycité est
donc inapplicable au sein d'une société barbare, une
dictature ou une sociale-démocratie dont le jeu consiste à
mettre en place un unique gouvernement. Celui-ci impose de nouvelles
lois arbitraires qui viennent s'ajouter ou modifier une législation
déjà mise en place sous de précédents
gouvernements par la manipulation de corps électoraux. Dans un
tel fonctionnement, comme il est établi que le savoir du
bonheur de chacun est supposé détenu par le politicien,
celui-ci prend le droit d'imposer arbitrairement des lois aux hommes
au lieu de laisser les hommes contracter entre eux. Il ne s'agit pas
non plus de comprendre qu'une personne puisse appliquer ses propres
lois chez autrui : toute personne doit simplement respecter les
règles de vie qu'autrui (personne physique ou morale) impose
chez lui. Il s'agit là de respecter le principe de
non-agression qui est l’engagement tacite du respect de la
propriété d'autrui, peu importe la forme que peut
prendre cette propriété. C'est donc le propriétaire
qui définit les règles d'utilisation de son bien, ce
propriétaire devant respecter lui-même les règles
d'autrui lorsque son bien se trouve sur la propriété
d'autrui.
Du principe de Polycité
découle la notion de polycitoyenneté. Deux individus
qui pensent différemment la vie en société sur
un territoire sont soumis, même si la façon de penser et
d'agir de l'autre ne leur convient pas, à respecter
mutuellement leur liberté de penser et d'agir conformément
à cette pensée, et ce tant qu'il n'y a pas
agression/violation de la propriété de l'un ou de
l'autre. L'individu, qui est une personne physique, ne peut ignorer
qu'il est aussi une personne morale en interrelation avec les autres
au sein de la société. Cela suppose qu’il puisse
contracter avec l’association politique de son choix,
association politique qui se trouve en libre concurrence dans son
offre politique et qui se doit d'appliquer aussi le principe de
non-agression, à l’égard de ses contractants mais
aussi des autres associations politiques. Les deux parties sont
libres à tout moment de rompre le contrat selon les formes
définies. Le but de toute association politique est d’accéder
à la connaissance du Droit Naturel et à sa diffusion
auprès de ses contractants afin que la liberté de
ceux-ci puisse être respectée. Une association politique
ne peut que partager cette connaissance avec les autres associations
et en tirer des enseignements pour elle-même et ses
contractants, afin d'en déduire les lois humaines qu'ils
souhaitent s'appliquer.
Le corpus juridique d’un
territoire qui évoluerait vers l’application du principe
de Polycité se résume chronologiquement à :
- Le Droit Naturel constitué des lois naturelles qui forment l’exclusive gouvernance universelle et implicite qui puisse exister pour chaque homme
- La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui en découle
- Le principe de non-agression entre les associations politiques qui sont librement formées indépendamment les unes des autres. Ce sont elles qui expliciteront les lois exclusivement liés au Droit Naturel et aux articles de la DDHC, ces lois ne pouvant pas faire l’objet d’un vote mais d'une reconnaissance mutuelle de leur application et donc d'un consensus.
- Chaque association définit son propre fonctionnement tout en respectant le droit naturel, la DDHC et la liberté de chaque citoyen à signer ou rompre le contrat social qui les lie.
- Le droit écrit de chacune des associations politiques qui ne s'applique qu'aux contractants respectifs. En signant son contrat avec une association politique, le contractant s'engage à respecter les contraintes de l'association et cette dernière honore les avantages qu'elle accorde aux contractants, qui ne peut plus se faire au détriment de ceux qui ne sont pas contractants.
La Polycité conduit les
individus à vivre individuellement et collectivement leurs
croyances politiques à l'instar de ce que la laïcité
conduit les individus à vivre leurs croyances religieuses. Il
n'est donc pas à sombrer dans le totalitarisme où la
laïcité consiste à étouffer, à
effacer ou interdire les religions., mais bien dans le sens de la
tolérance que Voltaire défendait. Il en est de même
pour la Polycité. Toute association politique, sous quelque
forme que ce soit, doit respecter la décision d'un individu,
de contracter ou de rompre le contrat le liant avec cette
association. Cette liberté contractuelle possède
cependant un corollaire : tout individu est responsable de ses
actes, et est placé devant sa responsabilité d'homme et
de citoyen de répondre d'un abus de sa liberté.
Est-ce difficile à mettre en
œuvre le principe de Polycité dans un pays comme la
France ? Pour aller plus loin, il est important de reprendre les
concepts d’asymétrie et de symétrie exposés
par Nassim Nicholas Taleb dans son ouvrage « jouer sa
peau ».
D'une manière générale,
il y a symétrie lorsque l'individu signe un contrat
d’engagement mutuel avec une entité. Les deux parties
ont ainsi intérêt à respecter ce qu'elle ont
signé car elles perdront toutes les deux si cela tourne mal :
elles jouent mutuellement leurs peaux dans le contrat.
Dans le cas de l'asymétrie,
il n'y a pas d’engagement mutuel à respecter les termes
d'un contrat mais au contraire à masquer la vérité
d'une démarche, à fonctionner dans l'hypocrisie afin
que les véritables enjeux soient découverts le plus
tard possible. La manipulation politique en démocratie est
systématiquement asymétrique. Les élections sont
remportées exclusivement sur des promesses qui n'engagent au
départ que ceux qui les croient, les autres supportant les
conséquences des décisions auxquelles ils ne croient
pas. Ainsi le politicien ne joue pas sa peau à faire une
promesse, mais la peau de ceux qui vont subir les contraintes pour
que cette promesse soit satisfaite. A noter que vous pouvez croire ou
ne pas croire aux décisions et subir des effets aussi bien
négatifs que positifs, que ce soit temporairement ou de
manière permanente. La démocratie est la source
d’hypocrisies constantes, qui certes laisse l'impression à
l'individu qu'il fait un choix, mais qui en réalité,
n'est que l'expression asymétrique d'affrontement de
différentes formes de collectivismes. La démocratie se
réduit dans les sociétés d'aujourd'hui à
la guerre électorale, bafouant par la même le principe
de non-agression. Le démocrate pense ainsi être sorti de
la dictature, mais la démocratie n'en est qu'une autre forme :
c’est la dictature de la majorité sur les minorités
issue du résultat sorti des urnes.
La Polycité est donc
inapplicable au sein d'une quelconque démocratie qui conduit à
la création d'un monopole gouvernemental. Il est nécessaire
de dépasser le régime démocratique pour franchir
la porte de la Polycité. Aussi, une Panarchie est un régime
qui trouve dans ses fondements une application de la Polycité.
Il ne faut pas confondre la Polycité avec le régime
politique nommé « Panarchie ». La
Panarchie définira juridiquement les bornes des associations
politiques, à l’instar de la laïcité au sein
d'une démocratie qui borne l’action des religions.
En fait, vous aurez compris qu'il
faut pour atteindre la Polycité à la fois des citoyens
et des politiciens honnêtes et sincères. Le politicien
qui dit œuvrer pour l’intérêt général
dans une démocratie n'est jamais honnête et sincère :
comment peut-il apporter le bien être à des millions de
citoyens alors qu'il n'a même pas prouvé cette capacité
à son entourage proche ? N'oublions pas qu’il est
de plus attaché à une idéologie partisane et que
lorsqu'il arrive au pouvoir, il est rémunéré par
la fiscalité, donc par la coercition arbitraire de
l’état-providence sur les efforts des citoyens. Il n'a
de cesse de privilégier l’intérêt partisan
de son idéologie au détriment des autres. N'oublions
pas aussi que la bureaucratie ne peut être que majoritairement
réfractaire à ce que la Société évolue
et réduise son pouvoir de nuisances : alors
qu'aujourd'hui, les revenus des bureaucrates sont sécurisés
par la coercition de l’état-providence au détriment
du seul secteur privé, la Polycité les plonge dans
l'incertitude lié au choix de leur association politique de
mettre en place une bureaucratie… et à la réussite
de leur croyance politique. Aussi, nous retrouvons ici le concept
d’asymétrie de N.N. Taleb : l’hypocrisie des
bureaucrates de l'état-providence se révèlera
lorsque le peuple aspirera à dépasser la démocratie
et aller vers un régime plus pacifique vis-à-vis des
hommes et des citoyens par l’application du principe de
Polycité.
Ainsi concrètement, la
Polycité appliquée à la France ou un autre pays
signifie que chaque parti politique existant est en mesure de
proposer un contrat d’association à leurs citoyens. Un
individu n'est donc plus impacté par les croyances politiques
auxquelles il n’adhère pas. Il ne se rend plus aux urnes
pour perpétuer la guerre électorale entre partis
politiques pour la conquête d’un pouvoir sur les autres.
Chaque citoyen signe de manière librement consentie avec
l'association politique de son choix. Il n'est pas non plus dans le
principe de Polycité d'entrer dans le fonctionnement des
associations politiques, chacune d'entre elles s’organisant de
manière indépendante, peu importe la méthode de
désignation de ses dirigeants
(vote/désignation/cooptation/etc…). Cela fait partie du
contrat politique qu'une association propose à ses
contractants. Tout ce qui concerne la force publique ainsi que les
espaces communs (routes…) ne relèvent pas du principe
de Polycité mais sont du domaine du régime politique,
et donc des compromis inéluctables que les associations
politiques doivent faire pour mettre en place d'autres associations
indépendantes (association / mutuelle / fondation /
entreprise…) avec lesquelles les citoyens contractualiseront
afin de satisfaire les principes de la Polycité. Il revient
donc à chaque association politique de démontrer au
cours du temps à leurs contractants que, par exemple, lequel
du choix de l'assistance forcée ou l’assurance
volontaire, les statuts collectifs ou la coopération faisant
appel à la concurrence, se révèlent plus
efficaces. Il s'agira, en fait, à l'instar de lois physiques,
de révéler ce qui est conforme au Droit Naturel et de
ne pas entraîner toute une population à la catastrophe,
en permettant à chaque être humain de choisir en
fonction de son libre-arbitre et de son expérience, bonne ou
malheureuse, qu'il a aura accepter de vivre et non qu'un système
politique lui aura imposé.
Patrick AUBIN
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