novembre 01, 2017

Le socialisme idolâtré, une exception culturelle !!

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes ( notamment ou j'en étais l'administrateur), comme sur vos propres murs respectifs. 

D'avance merci. 

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...

Merci de vos lectures, et de vos analyses. 

Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 

Al,



Sommaire:

A) Quelle tragédie ! 100 ans après, la France doit subir Mélenchon et une opposition léniniste - Nicolas Lecaussin - IREF

B) Il y a 100 ans, une révolution bolchévique sanguinaire… et féministe - Eric Martin - NDF + Liste Youtube de Juri Lina 

C) The Bolshevik Great Experiment: One Hundred Years Later - T. Hunt Tooley - Mises Institute.

D) Robert Fulford: Smart people still fall for the murderous fraud of communism - Robert Fulford - National Post

E) A Revolution to Always Remember but Never Celebrate - Lawrence W. Reed - Foundation for Economic Education

F) Il y a 100 ans, la révolution russe -  Jérôme Métellus - marxiste.org

G) Lénine de Wikiberal

H) Communisme de Wikiberal

I) URSS de Wikiberal
J) La rvolution russe de 1917 - CRI





A) Quelle tragédie ! 100 ans après, la France doit subir Mélenchon et une opposition léniniste

Triste constat. 100 ans après la « révolution d’Octobre » (en réalité, un coup d’Etat bolchévique), l’opposition politique en France est représentée surtout par les Insoumis et leurs alliés. La plupart de leurs propositions font froid dans le dos et nous incite à être plus que vigilants.

Plus d’une trentaine de députés et une quinzaine de sénateurs avec à leur tête l’inévitable Jean-Luc Mélenchon, voilà ce qui compose la seule force à s’obstiner contre les « réformes » annoncées par le gouvernement. La situation serait cocasse si elle n’était pas inquiétante : d’un côté, des petites réformes concoctées par le gouvernement et considérées comme « ultra-libérales » et, de l’autre, des idéologues marxisants. Ce n’est pas la meilleure façon de sauver l’économie française. D’autant plus qu’on semble sous-estimer les dangers des « mélenchonistes » et autres communistes alors que nous devrions justement tirer les enseignements du génocide communiste qui a suivi Octobre 2017.

La démocratie aux orties

Faire table rase du sytème politique démocratique : ça n’est pas autre chose que propose le camp des Insoumis. Il suffit de lire leur « synthèse programmatique ». En voulant faire table rase de tous les systèmes - politiques et économiques – c’est une autre société qui est envisagée. Sans chômage et sans pauvreté. Une société « multilatéralement développée », sans patrons et sans riches, construite sur le « partage » : des richesses, bien entendu, mais aussi du temps de travail et de la vie en en général. Les salariés devront « s’approprier l’entreprise » et « reprendre le pouvoir décisionnel ». Le « revenu universel » effacerait les différences et les inégalités entre les êtres humains. La révolution fiscale serait totale. Pas moins de 14 tranches d’imposition seraient mises en place et un système punirait tous les Français ayant choisi de s’installer dans un autre pays plus clément fiscalement. Dès qu’ils reviendraient en France, ils devraient payer la différence entre l’impôt payé dans leur pays d’accueil et leur pays d’origine sur toute la période d’exil fiscal. 

Il va de soi que les nationalisations et la « planification écologique » seront les clés des « réformes économiques » tandis que les services publics actuels deviendraient « citoyens ». La Santé ne peut être que l’affaire de l’Etat qui doit s’en emparer complètement. Pareil pour l’Education au sein de laquelle « l’apprentissage doit être centré sur la pédagogie »…

Rendre le pouvoir au peuple ou instaurer la dictature de classe

Concernant l’Europe, voici l’alternative : on la transforme en Europe « citoyenne » ou on la quitte. Il faudrait faire « racheter la dette des États par la banque centrale, pour mettre fin à la pression des créanciers et réorienter le rôle de la BCE afin que ses activités se focalisent sur le développement du plein emploi et instaurer le financement direct des États auprès de la BCE ». De même, il s’agirait de « supprimer la surveillance budgétaire des États, afin que les peuples décident eux-mêmes de la manière dont les impôts et cotisations sociales sont employés ». Il est aussi proposé d’ « instaurer l’harmonisation fiscale et salariale en Europe » et un protectionnisme « solidaire » aux frontières nationales. Bien entendu, la France sortira de l’OTAN et de toute autre organisation « impérialiste ».

« Il faut rendre le pouvoir au peuple », c’est ce que disait Lénine à la foule en octobre 2017. « Tout commence par le pouvoir des citoyens » rappelle le programme des Insoumis. La « refondation républicaine » doit passer par le fait de « rendre au peuple son pouvoir politique ». Comment ? La démocratie n’est pas le bon système. Il faudra une nouvelle Constitution, une Assemblée constituante dont les membres devraient remplir plusieurs critères pas encore clairement définis. Origine sociale « saine » ? C’est ce qu’avaient instauré les bolcheviks sous le prétexte de vouloir « donner le pouvoir au peuple ». C’est ce que fait le Venezuela de Maduro !…

C’est l’ « homme nouveau » qui est donc voulu par ces « nouveaux communistes » omniprésents dans les médias qui les voient comme les principaux opposants au gouvernement. Après 100 ans et 100 millions de morts, la France n’a vraiment rien compris de l’Histoire ?



Source: IREF



B) Il y a 100 ans, une révolution bolchévique sanguinaire… et féministe

Ines Armand a joué un rôle central dans la révolution bolchevique de 1917 aux côtés de Lénine :



Source

Ce documentaire a été écrit et produit en 2009 par le journaliste dissident estonien (ex rép. d'URSS) exilé en Suède, Juri Lina qui a eu accès à d'importantes archives soviétiques ouvertes aux chercheurs à partir de 1991 lors de la Pérestroïka, jusque là inaccessibles et inédites. Le documentaire est tiré du livre "Sous le signe du Scorpion"
Voir ici les vidéos de Juri Lina





C) The Bolshevik Great Experiment: One Hundred Years Later

Since the beginning of the centennial of World War I, I have been writing a series of essays about the war as the memory of events passes us by--a hundred years later. But as we approach the centennial of the Bolshevik Revolution, I find it nearly impossible to delimit my thoughts on this profound event in the history of the human race as if it were only a passage of the war, like the Somme, or American intervention, or the internment of enemy aliens.

There are so many narrations of the "event" itself. There are so many answers to the question "why." There are so many clashing depictions of tectonic shifts in Russia and the world at that time, of Lenin, Trotsky, Dzerzhinsky and the rest as actors, heroes, villains, and (to some modern day sycophants) secular saints.

The inhuman cruelty, the killing capacity of this Marxist-Leninist movement which styled itself occasionally as the champion of the "people" (though much more often and much more truthfully as the vanguard of the proletariat on the march toward a revolutionary conflagration that would produce the new man) truly tests the bounds of human comprehension. Even if we take into account a group of recent historians who minimize standard historical estimates of total non-combat, democidal totals of deaths (based in part on recently found archival materials, but in part on soft hearts still loyal to the Great Experiment), the median calculation of Communist mortality by historians and demographers credits the Soviet Union of Lenin and Stalin with somewhere between eighteen and sixty-two million deaths beyond technically military losses. If we add up the democidal killings of spin-off Communist regimes across the globe, the totals are astronomical, with the estimates by historians, sociologists, demographers, and other serious analysts hovering around a hundred million human beings.



These deaths were, in the view of Communist elites from Lenin to Stalin to Mao to Pol Pot, necessary. The grist of History's mill, so to speak.

Still, many persist in wearing Che Guevara t-shirts and longing for the Great Experiment. In 2011, Rasmussen pollsters found that eleven percent of Americans thought that a Communist regime would be better than the current "system" of politics and economics in the United States.

Such attitudes come in part from the lack of much serious study of history at any level in the schools in the United States and in other parts of the world. My own history students read Solzhenitsyn, or Yevgenia Ginzburg, or The Black Book of Communism and express surprise at the enormity of Communist mass murders and persecution they have hardly been aware of previously. But this phenomenon is by no means recent. In my own education, which took place, from first grade to Ph.D., during the Cold War, only one or two teachers dealt with Soviet and Communist mass murder in any way, and that was not until I was well into university historical studies. And of course Hollywood, that great shaper of popular historical awareness, has assiduously avoided all of this murder and misery. No doubt because it offers so little in the way of human drama.

In any case, the answer is not the schools, whose bureaucracy and whose ideological and even pedagogical limitations will never add to the curriculum a special chapter studying the bloody history of the Great Experiment. Rather, the solution will come through individual reading and learning among a growing subset of educated, and especially self-educated, persons committed to the exploration of the total state and its origins--outside and typically after the completion of formal schooling. The materials of this kind of guerrilla education takes the form these days of books, online seminars, special courses on economics and society, and myriad other forms of information that somehow escape from and flow around the historical narratives that avoid mentioning these profound crimes which took place in the name of the Marxist historical dialectic. 

So as we come to this particular grim centennial, we do well to pay even more attention to the influence of the Bolshevik Revolution through the entirety of the last century. By any measure, World War I shaped the century after it by institutionalizing and to some extent normalizing mass violence, by unleashing the state in its aggressiveness, acquisitiveness, and power. But the "contributions" of the Bolshevik Revolution hold pride of place. As yet, the legacy of the Bolshevik takeover of the Russian Empire beginning in October/November 1917 represents the single historical fact from the Great War — of dreadfully many possible choices — that must be viewed as having visited the most misery and death on the human race in its time and over the century to come.

 

Hunt Tooley is chairman of the department of history at Austin College.

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D) Robert Fulford: Smart people still fall for the murderous fraud of communism

The dream of communism energized many intellectuals and artists. For some, the dream lingered even after the brutality of Soviet life became known.

One afternoon a few decades ago a director from the National Film Board visited my office to film an interview on the Gouzenko case, the Ottawa scandal that exposed a Soviet spy ring installed in Canada during the Second World War.

While the camera was being set up we chatted about dictatorships and I mentioned that I found the Soviet Union far more evil than Hitler’s Nazis.
He was shocked. “How can you say that?”
I answered: “Kills more. Lasts longer.” (In the event, it lasted 75 years.)

I find the Soviet Union more evil than the Nazis
“But,” the director said, “there is the matter of intention …” He was upset that I failed to consider the good, humane, progressive intentions behind communism. That’s why I remember our conversation so clearly. He was a sensitive man with political views shaped by good-hearted instincts. He felt we shouldn’t ignore the admirable motives that started the Soviet Union.

This month, while the world notes the 100th anniversary of the 1917 revolution, we should consider the results of Lenin and the Bolsheviks coming to power in Russia. That event turned Russia into an inhuman hellhole and eventually inspired dictatorships in the nearby European countries as well as in China, Cambodia, North Korea and elsewhere.
The Nazis and the communists were the forces that shaped the tragic history of the last century and set the stage for this one. Should we compare them? Well, we compare everything else. Why not compare two events that the civilized world considers catastrophes?

The 1917 revolution turned Russia into an inhuman hellhole
Many still regard Marxism as a good idea that fell into bad hands, notably Lenin’s and Stalin’s. I prefer the view of Martin Amis, expressed in The New York Times the other day: “It was not a good idea that somehow went wrong. It was a very bad idea from the outset, forced into life with barely imaginable self-righteousness, pedantry, dynamism and horror.” It defied human nature, so humans accepted it only under threat of violence, which inevitably was applied. In the hands of bullies who wanted power, Marxism was a terrifying weapon.

The disastrous reign of the communists was predicted long before it happened. Mikhail Bakunin, the great anarchist writer, died 40 years before the Russian revolution. But he left behind a grimly accurate prediction: “If you took the most ardent revolutionary, vested him in absolute power, within a year he would be worse than the Czar himself.”

Lenin and company were much worse, in fact. Yet their reign appealed to the optimism and idealism of many generous hearts and minds. And long after the worst was known, it still carried a certain appeal. For those of a generally leftish persuasion, it had the virtue of promising to overturn right-wing power. For years it was red-baited by Sen. Joseph McCarthy and his crazed colleagues, another point in its favour.

Many still regard Marxism as a good idea that fell into bad hands
The dream of communism energized intellectuals and artists in the West. For some, the dream lingered even after the brutality of Soviet life became widely known. Ruth Wisse, a Canadian expert on Jewish affairs and a professor at McGill and then Harvard, recently wrote an article in the Forward, a revered Jewish magazine, under the title, Why Do American Jews Idealize Soviet Communism? She describes a romantic notion of the Bolshevik regime, embodied by Barbra Streisand’s loveable and heroic character in the film The Way We Were.

Wisse remarks that Soviet Communism “killed an estimated 30 million of its own citizens, including through a government-enforced famine in Ukraine.” Hitler killed a million Jewish children; Stalin killed more than twice as many children in Ukraine alone. It built the Gulag of killing labour camps, which (Wisse says) far surpassed Hitler’s concentration-camp network in the number of victims.

Wisse asks, “How then can Americans and particularly the Jews among them perpetuate the romance of the Bolshevik regime?” In Toronto you can still run into people who are nostalgic about the United Jewish People’s Order (UJPO) when it was loyal to the communists and before 1956, when Nikita Khrushchev exposed Stalin’s crimes.

Many among us fell for this titanic fraud. Being alive demands that we understand how even the best and brightest can be hoodwinked by monsters masquerading as political heroes.

Robert Fulford

National Post
robert.fulford@utoronto.ca

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E) A Revolution to Always Remember but Never Celebrate

As the Great October Socialist Revolution reaches its centennial anniversary, it's important to remember the devastation it wrought. 

The propaganda of the old Soviet Union referred to it for decades as the “Great October Socialist Revolution,” the momentous event that brought Vladimir Lenin to power and gave birth to seventy-four years of Communist Party rule. We are presently on the eve of its centennial.
It is not an anniversary that anyone should celebrate.
For decent people everywhere, nothing about the Russian tragedy of 1917 is worth commemorating. Everything about it, however, is worth remembering—and learning important lessons from. The carnage wrought by the ideology that ascended to power a century ago may forever stand as an evil unsurpassed in the annals of human depravity. If you’re not sure just what that ideology was, or what to call it, perhaps this article will help.
I first became an activist for liberty 49 years ago, in response to the Soviet invasion of Czechoslovakia. So in part for personal reasons, I could not let this centennial milestone pass without noting it in some way.
The victims of the Soviet regime and the other tyrannies it spawned in the 20th Century approach 100 million in number, but can any article, book, or voluminous collection of both ever adequately do justice to the stories of their agony and sacrifice? Of course not. So with that limitation in mind, I choose to note the occasion by telling you a little about just two of those 100 million. Their names are Gareth Jones and Boris Kornfeld.
__________
Gareth Richard Vaughan Jones was born in Wales on August 13, 1905. Both his parents were middle-class educators determined that their son would get the best education possible. By his 25th year, young Gareth had earned degrees in French, German and Russian from the University of Wales and Trinity College at Cambridge University. Former British Prime Minister David Lloyd George hired him almost immediately as his Foreign Affairs Advisor, a remarkable assignment for a 25-year-old.
Gareth must have thought the world was his oyster. Little did he know he would soon be a celebrity journalist of international standing, and dead before his 30th birthday.
In the early 1930s, Jones undertook two fact-finding missions to Stalin’s Soviet Union. He published several well-received articles in major Western newspapers about his observations. Before a third visit in March 1933, he picked up credible information that conditions in Ukraine, then one of the 15 Soviet republics, were dire. He resolved to find out for himself and scheduled a third mission for March 1933.
A month before that fateful journey, Jones found himself invited by officials in Germany to cover a political rally in Frankfurt. Adolf Hitler had just been named Chancellor in January. Three days before the February 27 burning of the Reichstag, Jones was one of a small handful of people on a plane bound for that rally with Adolf Hitler and Joseph Goebbels. As he witnessed the popular adulation of the man who would soon assume the mantle of “Fuhrer,” Jones sensed the troubles ahead. If only the plane in which he flew with Hitler and Goebbels had crashed, he later wrote, the history of Europe would have been very different.
With his assignment in Germany behind him, Jones arrived in Moscow in March. Travel from there to Ukraine was forbidden, but that didn’t prevent him from eluding Soviet authorities and making his way there anyway. What he saw and heard horrified him. By the end of the month, he was back in Berlin and reporting to the world. In an article published in the New York Evening Post, Britain’s Manchester Guardian and many other papers, he wrote:
I walked along through villages and twelve collective farms. Everywhere was the cry, “There is no bread. We are dying.” … I tramped through the black earth region because that was once the richest farmland and because the correspondents have been forbidden to go there to see for themselves what is happening.
In the train, a Communist denied to me that there was a famine. I flung a crust of bread which I had been eating from my own supply into a spittoon. A peasant fellow-passenger fished it out and ravenously ate it. I threw an orange peel into the spittoon and the peasant again grabbed it and devoured it. The Communist subsided.
I stayed overnight in a village where there used to be two hundred oxen and where there now are six. The peasants were eating the cattle fodder and had only a month’s supply left. They told me that many had already died of hunger. Two soldiers came to arrest a thief. They warned me against travel by night, as there were too many 'starving' desperate men.
“We are waiting for death” was my welcome… Go farther south. There they have nothing. Many houses are empty of people already dead,” they cried.
Jones had walked into one of the Great October Socialist Revolution’s most heinous crimes: the Holodomor of 1932-33. Known also as the Terror-Famine and the Ukrainian Genocide, it was an intentional, man-made, planned-from-the-top catastrophe that claimed the lives of between four and ten million people. From Stalin on down, Communist officialdom engineered it to crush Ukrainian resistance to the forced collectivization of agriculture. Two years and millions of deaths later, Stalin would declare in a speech, “Life has improved, comrades. Life has become more joyous.”
In Bloodlands: Europe Between Hitler and Stalin, historian Timothy Snyder refers to the widespread cannibalism during the disaster:
Survival was a moral as well as a physical struggle. A woman doctor wrote to a friend in June 1933 that she had not yet become a cannibal, but was "not sure that I shall not be one by the time my letter reaches you." The good people died first. Those who refused to steal or to prostitute themselves died. Those who gave food to others died. Those who refused to eat corpses died. Those who refused to kill their fellow man died. Parents who resisted cannibalism died before their children did.
Twenty-seven year-old Gareth Jones was the first journalist to reveal the infamous Ukrainian famine to the outside world. No credible person today denies that it occurred. But in March 1933, Jones was shocked to find his revelations met with denunciation from some veteran and highly-respected journalists.
Chief among the deniers was reporter and Soviet sympathizer Walter Duranty of the New York Times. On March 31, Duranty penned a piece for The Times in which he claimed Jones’s report to be a fabrication. He even cited Kremlin sources (as if they were to be trusted), who labeled Jones a flat-out liar.
Duranty never apologized for his allegations against Jones, nor did he ever retract his “there is no famine” propaganda. He would later win a Pulitzer Prize for his “coverage” of the Soviet Union. Decades later, The Times conceded that his articles amounted to “some of the worst reporting to appear in this newspaper.” Duranty was a classic example of what Vladimir Lenin disdainfully labeled “useful idiots.” (They’re still around, by the way, in disturbing abundance. You can learn more about them in the works of sociologist Paul Hollander, here, here, and here.
Moscow despised the fact that Jones had found a way to get into Ukraine against its wishes. Telling the world about conditions there put him on the official black list. Soviet Foreign Minister Maxim Litvinov (whom Jones had interviewed in Moscow) wrote a personal letter to Lloyd George, informing him that his colleague Jones would never be allowed entry into the Soviet Union again.
Two years later, Jones and a German journalist covered events in turbulent China. They were captured by bandits who released the German within two days but held on to Jones for sixteen more. Then under mysterious circumstances on August 12, 1935—the day before his 30th birthday—Jones was shot to death. As a BBC documentary suggests, the evidence tying the murder to the Soviet secret police is very strong.
Two weeks after Jones’ killing, David Lloyd George paid tribute to his young friend:
That part of the world is a cauldron of conflicting intrigue and one or other interests concerned probably knew that Mr Gareth Jones knew too much of what was going on... He had a passion for finding out what was happening in foreign lands wherever there was trouble, and in pursuit of his investigations he shrank from no risk... I had always been afraid that he would take one risk too many. Nothing escaped his observation, and he allowed no obstacle to turn from his course when he thought that there was some fact, which he could obtain. He had the almost unfailing knack of getting at things that mattered.
Gareth Jones didn’t live to see his courageous reporting vindicated, but his memory is celebrated today in Ukraine, where he is a national hero.
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Exactly when Boris Nicholayevich Kornfeld was born, no one seems to know now for sure. We might know nothing of him today were it not for a few paragraphs in a famous book by a man—for the moment, let me simply refer to him as Mr. X—whose life he hugely affected and perhaps even helped save.
We do know that in the late 1940s, Kornfeld was a prisoner incarcerated at Ekibastuz, a notorious forced-labor camp in Soviet Siberia. We know that Kornfeld was a doctor by profession and was sometimes ordered to tend to other prisoners. He was Jewish, but was apparently so affected by the faith and stoicism of Christian prisoners in the camp that he converted. He felt a powerful compulsion to tell others about Christianity, at great risk to himself.
In his famous book, Mr. X writes this about his encounter with Dr. Kornfeld:
Following an operation, I am lying in the surgical ward of a camp hospital. I cannot move. I am hot and feverish, but nonetheless my thoughts do not dissolve into delirium, and I am grateful to Dr. Boris Nikolayevich Kornfeld, who is sitting beside my cot and talking to me all evening. The light has been turned out, so it will not hurt my eyes. There is no one else in the ward.
Fervently he tells me the long story of his conversion from Judaism to Christianity. I am astonished at the conviction of the new convert, at the ardor of his words.
We know each other very slightly, and he was not the one responsible for my treatment, but there was simply no one here with whom he could share his feelings. He was a gentle and well-mannered person. I could see nothing bad in him, nor did I know anything bad about him. However, I was on guard because Kornfeld had now been living for two months inside the hospital barracks, without going outside. He had shut himself up in here, at his place of work, and avoided moving around camp at all.
This meant that he was afraid of having his throat cut. In our camp it had recently become fashionable to cut the throats of stool pigeons. This has an effect. But who could guarantee that only stoolies were getting their throats cut? One prisoner had had his throat cut in a clear case of settling a sordid grudge. Therefore the self-imprisonment of Kornfeld in the hospital did not necessarily prove that he was a stool pigeon.
It is already late. The whole hospital is asleep. Kornfeld is finishing his story…I cannot see his face. Through the window come only the scattered reflections of the lights of the perimeter outside. The door from the corridor gleams in a yellow electrical glow. But there is such mystical knowledge in his voice that I shudder.
Those were the last words of Boris Kornfeld. Noiselessly he went into one of the nearby wards and there lay down to sleep. Everyone slept. There was no one with whom he could speak. I went off to sleep myself.
I was wakened in the morning by running about and tramping in the corridor; the orderlies were carrying Kornfeld's body to the operating room. He had been dealt eight blows on the skull with a plasterer's mallet while he slept. He died on the operating table, without regaining consciousness.
Who was the “famous” Mr. X who penned those words? None other than Aleksandr Solzhenitsyn, ten years a prisoner in what he would later immortalize as “The Gulag Archipelago” in the title of one of the greatest literary and historical works of the 20th Century. The future Nobel laureate Solzhenitsyn acknowledged that Kornfeld played a key role in his mental and spiritual resolve to endure ghastly circumstances. When the Gulag manuscript was smuggled out and appeared in print in the West in 1973, it blew away whatever was left of the myth of Soviet socialism’s “workers’ paradise.”
Boris Kornfeld was not just a number. He, like the other 80 or 90 or 100 million victims of the Great October Socialist Revolution, was a real human being. He had a name, a family, plans and ambitions, likes and dislikes, joys and sorrows. Thankfully, he had more than a little decency too. He shared truth and inspiration and suffered for it. But we have good reason to believe that in his courage, channeled to the soul of another man, he helped bring an end to a truly Evil Empire.
Gareth Jones would, I’m quite sure, be very pleased with that outcome.
These further words of Solzhenitsyn provide me with an appropriate conclusion. Think about them:
Socialism of any type leads to a total destruction of the human spirit and to a leveling of mankind into death.
In different places over the years I have had to prove that socialism, which to many western thinkers is a sort of kingdom of justice, was in fact full of coercion, of bureaucratic greed and corruption and avarice, and consistent within itself that socialism cannot be implemented without the aid of coercion.  
The Great October Socialist Revolution was a calamity of the first order. Let us make no excuses for it. Ever.
Author’s Note: Please consider attending this important centennial event on November 7, 2017 in Washington, D.C., sponsored by the Victims of Communism Memorial Foundation.
Lawrence W. Reed
Lawrence W. Reed is president of the Foundation for Economic Education and author of Real Heroes: Incredible True Stories of Courage, Character, and Conviction and Excuse Me, Professor: Challenging the Myths of Progressivism.

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F) Il y a 100 ans, la révolution russe

Cette année marque le 100e anniversaire de la révolution russe, qui pour les marxistes est d’une importance colossale. Pour la première fois – si l’on excepte l’héroïque soulèvement des communards, en 1871 –, les travailleurs prenaient le pouvoir et engageaient la construction d’une société socialiste. L’impact international de cet événement fut immense. Il bouleversa le cours de l’histoire.

La Tendance Marxiste Internationale profitera de cet anniversaire pour expliquer dans le détail quelles furent les causes de cette révolution, sa dynamique interne, les raisons de sa dégénérescence bureaucratique, au milieu des années 20 – et quelles leçons nous devons en tirer, aujourd’hui, pour faire avancer la lutte contre le système capitaliste. Nous publierons des articles et organiserons des réunions publiques sur ce thème. Nous défendrons la révolution russe contre ses adversaires de droite et « de gauche », car ils ne manqueront pas de célébrer 1917 à leur manière, à coup de mensonges et d’interprétations réactionnaires.

Au fil du temps, la littérature hostile à la révolution russe – et plus précisément à la révolution d’Octobre – a pris des proportions impressionnantes, en termes quantitatifs. Cependant, la valeur scientifique de ces innombrables livres et articles est proche de zéro. La raison en est simple : leurs auteurs ne voulaient pas faire œuvre de science ; ils voulaient uniquement dissuader les exploités du monde entier de chercher une solution à leurs problèmes dans les idées et le programme du bolchevisme, c’est-à-dire du marxisme.

On peut ranger dans deux catégories les arguments contre la révolution russe. La première regroupe toutes les « révélations » et anecdotes visant à peindre les dirigeants du parti bolchevik sous les traits d’hommes sans foi ni loi, cyniques et mus par des pulsions sanguinaires. Ici, l’exécution du tsar Nicolas II et de sa famille occupe en général une place de choix. Bien des larmes sont versées sur le sort de « Nicolas le Sanglant » et de ses proches, comme si leur exécution fut un acte de cruauté gratuite à l’encontre d’une gentille petite famille sans histoire. De même, lors du bicentenaire de la Révolution française, en 1989, des historiens ont pleuré sur le sort que les Jacobins ont réservé à Louis XVI et Marie-Antoinette. Naturellement, la barbarie et les crimes innombrables des monarchies russe et française n’arrachent pas l’ombre d’un soupir à ces âmes sensibles.

La deuxième catégorie d’arguments contre la révolution russe est plus « sérieuse » : elle délaisse le sensationnalisme et le moralisme hypocrite pour tenter de s’élever jusqu’au niveau d’un raisonnement politique. Nous en évoquerons deux parmi les plus courants.

Les « Amis de Février »

Rappelons d’abord qu’en 1917 il n’y eut pas une, mais deux révolutions. Fin février [1], les masses ouvrières de Petrograd – et d’abord les femmes – firent grève et manifestèrent pour protester contre la faim, la misère et les horreurs de la guerre impérialiste. Le tsar fit envoyer la troupe pour noyer dans le sang cette « rébellion ». Mais celle-ci, indomptable, finit par gagner les soldats à sa cause et, dès lors, se transforma en insurrection. Le 27 février, les révolutionnaires contrôlaient la capitale – et Moscou se soulevait à son tour. Le 2 mars, Nicolas II abdiquait.

La révolution de février déboucha sur une situation de double pouvoir. Un « gouvernement provisoire » formé à la hâte, constitué de représentants de la bourgeoisie et des grands propriétaires terriens, faisait face aux soviets – « conseils », en russe – des ouvriers, des soldats et des paysans, dont le système de délégués élus et révocables culminait dans un Comité Exécutif. Or dans la foulée de février, les bolcheviks, c’est-à-dire l’aile gauche du mouvement ouvrier russe, ne constituaient qu’une petite minorité des soviets. La majorité, et donc le Comité Exécutif, était contrôlée par deux autres partis se situant sur la droite des bolcheviks : les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (SR).

En dépit de leur adhésion verbale à la révolution et au socialisme, les dirigeants mencheviks et SR résistaient de toutes leurs forces aux revendications des masses, parmi lesquelles la paix et la réforme agraire. Ils tergiversaient sans cesse, mais au final soutenaient le gouvernement provisoire et les politiciens de la grande bourgeoisie – qui, de leur côté, conspiraient contre la révolution et préparaient le retour de « l’ordre ».

C’est ici que les historiens bourgeois s’écrient en chœur : « La révolution de février, oui ! Celle d’octobre, non ! » Ils reprochent à Lénine et Trotsky d’avoir préparé la deuxième révolution de 1917, la révolution bolchevique d’Octobre. Ils reconnaissent parfois que le régime issu de février était contradictoire, instable, mais prétendent qu’il posait tout au moins les bases d’une authentique « démocratie » (bourgeoise), à l’avenir...

Au fond, ce point de vue est beaucoup moins inspiré par l’amour de la démocratie que par la haine du bolchevisme. Ce que ces historiens ne pardonnent pas à la révolution d’Octobre, c’est d’avoir arraché le pouvoir des mains des grands capitalistes et propriétaires terriens, pour le placer entre les mains des travailleurs alliés à la masse des paysans pauvres. Par ailleurs, l’idée selon laquelle la révolution d’Octobre a empêché l’avènement d’une « démocratie » bourgeoise florissante, en Russie, ne résiste pas au simple rappel des faits. Fin août 1917, par exemple, la grande bourgeoisie russe appuya de toutes ses forces l’offensive dirigée par le général Kornilov, dont l’objectif était d’écraser la révolution et d’instaurer une dictature militaire. La mobilisation des bolcheviks fut le facteur décisif qui fit échouer cette tentative de coup d’Etat contre-révolutionnaire. Mais de cela, les « Amis de Février » n’aiment pas parler !

Octobre : un coup d’Etat ?

C’est l’argument fétiche des historiens hostiles à la révolution d’Octobre : celle-ci n’aurait été qu’un vulgaire « coup d’Etat ». Dans L’Obs du 22 décembre dernier, Pascal Riché sacrifie à la tradition : « simple coup d’Etat bolchevique », écrit-il au sujet d’Octobre, sans consacrer une ligne à tenter de le démontrer. Ce qui est amusant, c’est qu’il démontre le contraire – bien involontairement – dans différents passages de son article. Il souligne notamment qu’après le retour de Lénine en Russie, en avril, alors que « la situation économique et militaire se détériore, la popularité des bolcheviks (…) et de leur programme simple – «du pain, la paix, la terre» – décolle ». Plus loin, il rappelle qu’après le fiasco de l’offensive du général Kornilov, « le prestige des bolcheviks croît, ainsi que leur représentation dans les soviets des villes ».

Précisément, Mr Riché ! A compter du mois d’avril, la popularité des bolcheviks ne cessa de « décoller ». Fin septembre, les bolcheviks devinrent majoritaires dans les soviets, qui étaient les organes démocratiques à travers lesquels s’exprimait la volonté des travailleurs, des soldats et des paysans pauvres de Russie. D’ailleurs, la direction du parti bolchevik choisit de faire coïncider l’insurrection d’Octobre – la conquête effective de l’appareil gouvernemental – avec le Deuxième congrès des Soviets (25 et 26 octobre), où les bolcheviks étaient majoritaires, ce qui donna à l’insurrection la légalité la plus large. Non seulement la révolution d’Octobre ne fut pas un coup d’Etat, c’est-à-dire une opération menée dans le dos du peuple, mais elle fut organisée au grand jour lorsque les bolcheviks comprirent qu’ils bénéficiaient d’un soutien décisif dans les masses.

Toute la politique du parti bolchevik, en 1917, contredit la théorie du « coup d’Etat ». Par exemple, dès le mois de juillet, les bolcheviks avaient gagné le soutien des couches les plus avancées de la classe ouvrière de Petrograd. Elles fulminaient d’impatience, voulaient prendre le pouvoir. Mais Lénine et Trotsky s’efforcèrent de les retenir, car Petrograd était en avance sur le reste du pays. En dehors de la capitale, beaucoup de travailleurs et de soldats soutenaient encore les dirigeants mencheviks et SR. Lénine insistait : « il faut expliquer patiemment ». Etrange formule, chez un « putschiste » !

Inutile, par contre, d’expliquer patiemment tout ceci aux Pascal Riché de ce monde, car ils ne veulent pas comprendre. Ce qu’ils haïssent instinctivement dans la révolution d’Octobre, c’est le renversement de la classe capitaliste par les travailleurs et les paysans. C’est pour cette même raison que nous l’admirons – et, surtout, que nous devons l’étudier dans toutes ses dimensions, dans toute sa richesse, pour préparer la prochaine révolution socialiste.

[1] Jusqu’en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui a 13 jours de retard sur le calendrier grégorien (le nôtre). Suivant ce dernier, l’insurrection de février débuta le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Jérôme Métellus
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G) Lénine

Vladimir Illitch Oulianov dit Lénine est un idéologue et homme politique russe né à Simbirsk le 22 avril 1870 et mort le 21 janvier 1924. Créateur du premier État communiste, l'URSS, il a donné une réalité aux idées de Marx et de Engels, tout en transformant profondément la doctrine marxiste. Le marxisme-léninisme jette ainsi les bases du totalitarisme. En associant pour la première fois l’idée d’un parti unique, d’une police politique et d’un système concentrationnaire, il a été l’inspirateur de toutes les variantes du communisme développées au XXe s. (stalinisme, trotskisme, maoïsme, castrisme, etc.) tout en exerçant une influence sur le fascisme et le nazisme. En ce sens, il a été la personnalité majeure du siècle dernier et le principal ennemi du libéralisme

Le théoricien

Chez Lénine, la théorie est liée à la pratique. Il n'y a pas de dogme : l'orthodoxie est ce que dit le parti en ce moment et dans la forme où il le dit. L'effort intellectuel principal consiste à assurer la cohérence dialectique du côté de l'action politique et du côté de la théorie. Il faut conférer à chaque pas politique un sens idéologique. Il n'y a pas plus de vérité qu'il n'y a de liberté : la vérité bourgeoise s'oppose à la vérité prolétarienne. La pensée de Lénine est foncièrement dualiste.
Dès Que Faire ? (1902), il montre le parfait mépris qu’il éprouve à l’égard des ouvriers : ceux-ci ne songent qu’à améliorer leur situation matérielle et non à détruire l’ordre social existant. Le prolétariat ignore ce qui est bon pour lui. Le Parti, composé d’une élite intellectuelle qui détient la science, est l’incarnation (et non la représentation) du mouvement ouvrier. Ce parti doit être organisé de façon hiérarchisée et autoritaire comme une fabrique ou comme une armée. Le « centralisme démocratique » exclut toute liberté de critique au sein du Parti : La liberté est un grand mot, mais c’est sous le drapeau de la liberté de l’industrie qu’ont été menées les pires guerres de brigandage ; c’est sous le drapeau de la liberté du travail qu’on a spolié les travailleurs. L’expression « liberté de critique » telle qu’on l’emploie aujourd’hui renferme le même mensonge. Le Parti bolchevik, créé en 1912 et modèle de tous les PC ultérieurs, répond à cette conception.
Dans l’État et la Révolution (1917), opuscule rédigé entre les révolutions de février et d’octobre, il se présente comme le restaurateur du vrai marxisme. Contre les opportunistes partisans d’une prise de pouvoir légal, Lénine souligne la nécessité d’une prise de pouvoir violente pour supprimer l’État bourgeois et le remplacer par un État prolétarien. Instrument d’oppression, l’État doit être au service de la classe révolutionnaire : la violence sera au service de la majorité (le peuple) contre la minorité bourgeoise. Avec la disparition des exploiteurs, les intérêts de tous seront en harmonie avec ceux de tous et l’État dépérira. Cette première phase de dictature du prolétariat, le socialisme, va donc inévitablement déboucher sur le communisme, règne de l’abondance. Par la suite, tout au long de l'histoire de l'URSS, le communisme sera évoqué en termes messianiques, comme un but très lointain mais capable de justifier toutes les souffrances présentes. En attendant, tous sont soumis à l’État, dans une bureaucratie autogestionnaire généralisée : Recensement et contrôle, voilà l’essentiel et pour l’organisation et pour le fonctionnement régulier de la société communiste dans sa première phase. Ici, tous les citoyens se transforment en employés salariés de l’État constitué par les ouvriers armés. Tous les citoyens deviennent les employés et les ouvriers d’un seul cartel du peuple entier, de l’État. Il ébauche le modèle d’une système totalitaire : Quand la majorité du peuple commencera par elle-même et partout ce renversement, ce contrôle des capitalistes (transformés alors en employés) et de la gent intellectuelle qui aura conservé les pratiques capitalistes, alors ce contrôle sera vraiment universel, général, national, et nul en pourra plus s’y soustraire, de quelque manière que ce soit ; « on n’aura plus où se mettre ».
Lénine rejette la morale « bourgeoise » : « Notre morale est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte du prolétariat », aussi « nous disons : est moral ce qui contribue à la destruction de l’ancienne société d’exploiteurs et au rassemblement de tous les travailleurs autour du prolétariat en train de créer la nouvelle société communiste ». La violence est légitime quand elle exercée par les opprimés, le mensonge et le cynisme sont nécessaires pour faire triompher la cause portée par le mouvement de l’histoire. Le droit est à ses yeux également une « illusion bourgeoise ». La création de la Tchéka, la police politique est suivie rapidement par l’ouverture du premier camp de concentration. « Un bon communiste c’est aussi un bon tchékiste ». Le but de la politique est de détruire l'adversaire : « Cacher aux masses la nécessité d’une guerre exterminatrice, sanglante, désespérée comme objectif immédiat de l’action future, c’est se tromper soi-même et tromper le peuple. »

L’importance décisive de 1918 et du communisme de guerre

A l’arrivée au pouvoir des bolcheviks ceux-ci ne contrôlent pas grand chose dans un pays qui a sombré dans l’anarchie. Les paysans se sont emparés des terres et les ouvriers ont pris le contrôle des usines. Il n’y a plus ni noblesse ni bourgeoisie industrielle. De plus, la paix de Brest-Litovsk (mars 1918) enlève à la Russie les régions agricoles les plus riches et les régions industrielles les plus productrices. Pour Martin Malia, c’est le vide social de tout ce qui existe au-dessus du peuple (tout ce qui n’est ni paysan ni ouvrier) qui laisse au Parti la possibilité de s’organiser en bureaucratie idéocratique universelle : le Parti va remplacer la société. La destruction du capitalisme révèle ce constat fâcheux : le socialisme ne se manifeste nulle part : il faut le construire. Comme Eduard Bernstein l'avait compris, on ne peut compter sur le prolétariat pour accomplir seul la révolution, ce doit être l'affaire de révolutionnaires "professionnels".
A l’été 1918, le processus de désintégration menace le pouvoir bolchevique : le communisme de guerre va permettre de sauver le régime tout en posant les bases du futur État soviétique. Les soviets sont épurés en juillet et tous les partis sont mis hors la loi en août. Le terme ennemi de classe désigne désormais ceux qui sont hostiles à l’État à Parti unique. De plus, entre avril et décembre, par une série de mesures improvisées, l’ensemble de l’économie est nationalisé. Il faut donc créer un organisme central pour remplacer le marché : le Soviet panrusse de l’économie nationale, préfiguration du Gosplan. Sans marché, seul le plan peut décider des investissements. Pour battre les armées blanches, l’État doit également mettre sur pied une armée, l’Armée rouge : la militarisation de la société va de pair avec l’étatisation de l’économie. L’Armée rouge réussit, en dépit de sa médiocrité, a triompher de ses adversaires : les armées blanches étaient divisées, peu populaires aux yeux des paysans et elles s’appuyaient sur l’étranger, ce qui faisait jouer le réflexe nationaliste en faveur des bolcheviques. La Tcheka, créé en décembre 1917, devient à l’automne 1918 un organisme centralisé au service du Parti.
Une des conséquences importantes de la crise de 1918 est la bureaucratisation du Parti. Le Politburo devient le comité directeur aux dépens du Comité central et un Secrétariat (sans le nom) est créé sous la direction de Sverdlov qui inaugure le système de domination d’en haut que devait développer ensuite Staline. A l’automne, les membres des soviets sont désormais nommés par l’appareil de l’État. Les effectifs du parti augmentent : de 125 000 à 600 000 en 1920. D’origine modeste, les nouveaux membres y trouvent un moyen d’ascension sociale inouï : à demi incultes, ils vont s’identifier plus facilement à un Staline qu’à un intellectuel comme Trotski.
Le seul groupe social qui conserve son autonomie, c’est la paysannerie. Le communisme de guerre n’a pu en venir à bout. Pour le reste, il n’y a plus de société civile : il ne peut donc y avoir ni Thermidor, ni Restauration. Avec la révolte de Kronstadt, Lénine prend conscience de la nécessité du centralisme démocratique : avec le Xe Congrès, le caractère « monolithique » du Parti est établi définitivement par l’interdiction des factions. La NEP improvisée en 1921 est une concession face aux graves problèmes économiques. Elle repose sur une contradiction entre le système politique et l’économie de marché : le Parti qui ne peut pas admettre le pluralisme politique ne peut admettre non plus le pluralisme économique.

Bibliographie

  • Œuvres complètes dont :
  • 1899 : Le développement du capitalisme en Russie
  • 1902 : Que faire ?
  • 1904 : Un pas en avant, deux pas en arrière
  • 1905 : Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique
  • 1908 : Marxisme et révisionnisme ; Matérialisme et empiriocriticisme
  • 1913 : Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme
  • 1915 : La faillite de la II° Internationale
  • 1916 : L'impérialisme, stade suprème du capitalisme ; L'opportunisme et la faillite de la II° Internationale
  • 1917 : Thèses d'Avril ; L'État et la révolution
  • 1918 : Sur l'infantilisme "de gauche" et les idées petites-bourgeoises ; La révolution prolétarienne et le rénégat Kautsky
  • 1919 : De l'État ; Les tâches de la III° Internationale
  • 1920 : La maladie infantile du communisme (le "gauchisme")
  • 1923 : Testament politique

Sources

Citations

  • La société tout entière deviendra un seul immense bureau et une seule immense usine avec égalité de travail et égalité de rétribution. (L'État et la Révolution)
  • Le peuple n'a pas besoin de liberté, car la liberté est une des formes de la dictature bourgeoise. Le peuple veut exercer le pouvoir. La liberté ! Que voulez-vous qu'il en fasse ? (L'état et la Révolution)
  • Pourquoi faudrait-il tolérer la liberté d'expression et la liberté de la presse ? Pourquoi un gouvernement qui fait ce qu'il juge bon devrait-il tolérer la critique ? Il ne tolèrerait pas une opposition qui utiliserait des armes mortelles, or les idées sont bien plus mortelles que les fusils.
  • Lénine était le plus grand des hommes après Hitler et la différence entre le communisme et la foi d’Hitler est très subtile. (Joseph Goebbels)
  • Lénine lui-même et la plupart de ses compagnons conspirateurs n'ont jamais rien appris sur le fonctionnement de l'économie de marché et n'ont jamais voulu le faire. Tout ce qu'ils savaient sur le capitalisme, c'était que Marx l'avait dépeint comme le pire de tous les maux. Ils étaient des révolutionnaires professionnels. Leurs seules sources de revenus étaient les fonds du parti, qui était approvisionné par des contributions volontaires et le plus souvent involontaires (extorquées), ainsi que par des souscriptions et les "expropriations" violentes. (Murray Rothbard, La mentalité anti capitaliste)




H) Communisme
Le communisme est un système théorique d'organisation sociale reposant sur la propriété commune des moyens de production. C'est également un mouvement politique qui prétend renverser le capitalisme pour instaurer une société sans classe.  

Manifeste politique

Le communisme désigne également le système politique proposé par Karl Marx dont voici les 10 points-clés du Manifeste du Parti Communiste[1] :
  1. Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l'État
  2. Impôt fortement progressif
  3. Abolition de l'héritage
  4. Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles
  5. Centralisation du crédit entre les mains de l'État, au moyen d'une banque nationale, dont le capital appartiendra à l'État et qui jouira d'un monopole exclusif
  6. Centralisation entre les mains de l'État de tous les moyens de transport
  7. Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production ; défrichement des terrains incultes et amélioration des terres cultivées d'après un plan d'ensemble
  8. Travail obligatoire pour tous ; organisation d'armées industrielles, particulièrement pour l'agriculture
  9. Combinaison du travail agricole et du travail industriel ; mesures tendant à faire graduellement disparaître la distinction entre la ville et la campagne
  10. Éducation publique et gratuite de tous les enfants. Abolition du travail des enfants dans les fabriques tel qu'il est pratiqué aujourd'hui. Combinaison de l'éducation avec la production matérielle, etc.
On peut remarquer que la social-démocratie a réalisé au XXe siècle tous ces objectifs, en partie et à des degrés divers.

Un système inéluctablement totalitaire

De nombreux auteurs ont montré que le communisme impliquait le totalitarisme. Les résultats des expériences communistes confirment toutes cette analyse.
Friedrich Hayek dans La Route de la servitude (1944) souligna que l'interventionnisme étatique était une pente glissante vers le totalitarisme, sur une « route de la servitude ». La planification économique est le contrôle des moyens par lesquels les hommes peuvent réaliser les fins qu'ils se fixent ainsi que le contrôle de ces fins. Un contrôle total de la vie économique signifie que les moyens et les fins humaines sont décidées par l'État et qu'ainsi la liberté est abolie. John Jewkes développa une thèse proche dans Ordeal by planning (1946)
Karl Popper dans La Société ouverte et ses ennemis range Karl Marx avec Friedrich Hegel et Platon dans la lignée des intellectuels responsables de la genèse des idées totalitaires.

Un système économique qui ne peut pas fonctionner

La théorie communiste, dans sa version marxiste, se fonde sur un certain nombre de concepts dont la validité a été mise en pièces depuis bien longtemps. Ces points sont développés dans les articles concernés.
Michael Polanyi dans La Logique de la liberté montre que la planification voulue par le communisme ne peut pas fonctionner car les ordres monocentriques (dirigés d'en haut) sont incapables de gérer la masse d'information utilisée dans les sociétés polycentriques.
Le débat sur le calcul économique dans une économie socialiste avait dès les années 1920-1930 établi l'impossibilité d'une économie socialiste, en se fondant cette fois là sur l'impossibilité d'une économie sans prix.

"De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins"

L'utopie communiste "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins", apparemment généreuse, ne pourrait se réaliser que dans un monde idéal où la rareté serait éliminée. Cette idée fausse a laissé d'importantes traces dans les social-démocraties : ainsi, les dirigeants de la Sécurité sociale française ne cachent pas que leur seule règle de gestion est "chacun cotise selon ses moyens, et reçoit selon ses besoins"[2]. En pratique, on obtient des déficits continuels et un accroissement ininterrompu de la dette publique.
Les dirigeants socialistes étant amenés très vite à constater que les besoins sont illimités alors que les moyens sont restreints, deux stratégies leur sont ouvertes :

Le communisme volontaire ?

Au plan politique, les libéraux sont opposés au communisme d'une part parce que celui-ci ne peut exister qu'avec la coercition et la violence, et d'autre part parce que l'idéal communiste est total et collectif et ne laisse aucune place à la liberté individuelle.
Si des communautés veulent mettre en œuvre une espèce de communisme en leur sein par mise en commun de tous les biens de leurs membres, rien ne s'y oppose dans un régime libéral - tant que les droits de chacun sont respectés et que chacun a exprimé son consentement, comme c'est le cas pour certaines formes de coopération comme le mutualisme, ou dans certaines communautés religieuses monastiques ou laïques, adeptes d'une pauvreté volontaire (par exemple les huttérites).
Christian Michel résume ces remarques :
« Le communisme est un bel idéal. Que les communistes s'organisent dans leurs communes et phalanstères, qu'ils affichent leur bonheur d'y vivre, et ils seront rejoints par des millions et des milliards de gens. […] Ce qu'il faut combattre n'est pas le communisme, ni aucune autre idéologie, mais la traduction politique de cette idéologie. »
Il y a eu au moins une expérience de communisme volontaire : celle du kibboutz en Israël après l’indépendance de 1947. Elle s'est soldée par un échec et la disparition de quasiment tous les kibboutzim, transformés en entreprises privées[3].
La raison de l'échec de toute idéologie collectiviste telle que le communisme est que, dans un tel type d'organisation sociale, les personnes les plus capables ne voient pas leurs mérites reconnus et récompensés, et finissent par rejeter un collectif qui les exploite ; un système où la responsabilité est collective pousse chacun à vivre aux dépens des autres, comme l'ont montré dès le départ les premières expériences de "socialisme utopique" telles que celle du philanthrope Robert Owen au XIXe siècle. La pauvreté (faute de motivation à produire des biens et services) est ainsi le résultat inéluctable du communisme politique. L'autoritarisme, l'oppression et la dictature en constituent l'autre aspect : dans l'optique d'un Lénine, le prolétariat ignore ce qui est bon pour lui et doit donc être contraint par le parti. 

Une idéologie mortifère

Au socialisme proprement dit, qui est un collectivisme coercitif, le communisme, religion séculière selon Aron[4], rajoute une eschatologie. Pour l'idéologie marxiste, un État libre et abondant, dans lequel sera terminée la lutte des classes, s'établira plus tard, après la dictature du prolétariat et la phase présumée transitoire de capitalisme d'État. Cet État utopique, le communisme, constituera une sorte de paradis terrestre, l'adage "à chacun selon ses besoins" sera réalisé. On conçoit aisément qu'au pays de Cocagne, où tous nos besoins sont satisfaits magiquement, le communisme soit facile à instaurer (n'importe qui est disposé à partager la surabondance), mais au nom de ce paradis terrestre sont morts au XXe siècle des dizaines de millions d'êtres humains.

"Renouveau" du communisme

Certains philosophes du début du XXIe siècle, encore dans le sillage du marxisme, cultivent une sorte de nostalgie à l'égard du communisme, ou le voient toujours comme une utopie acceptable. Pour Alain Badiou, le communisme est "le nom générique d’une alternative au capitalisme"[5]. Slavoj Žižek critique le "manque de radicalisme" des dirigeants communistes du XXe siècle (qu'il s'agisse des maoïstes ou des Khmers Rouges) et affirme la valeur intrinsèque de la violence révolutionnaire ; proche d'un nihilisme subjectiviste, il évite soigneusement de décrire sa vision de ce que pourrait être un monde communiste[6]. De même, le philosophe et économiste souverainiste Frédéric Lordon prône un « soulèvement » contre les tenants du système, et dit publiquement qu' « il faut mettre les jetons » aux gens de la finance, sans expliquer quel type de société il envisage pour remplacer le "système"[7].

Citations

  • « Faire intervenir l'État, lui donner pour mission de pondérer les profits et d'équilibrer les fortunes, en prenant aux uns, sans consentement, pour donner aux autres, sans rétribution, le charger de réaliser l'œuvre du nivellement par voie de spoliation, assurément c'est bien là du Communisme. » (Frédéric Bastiat)
  • « On ne peut bien vivre là où tout est en commun. Comment l'abondance de produits peut-elle se réaliser là où chacun essaye de se soustraire au travail, étant donné qu'il n'est point stimulé par la pensée de son propre profit et que la confiance dans le travail de l'autre le rend indolent ? » (Thomas More, Utopia, 1516)
  • « Communisme : rêve de quelques-uns, cauchemar de tous. » (Victor Hugo, Choses vues)
  • « Communistes : Votre ennemi c'est le mur mitoyen. Le mien, c'est le despotisme. J'aime mieux escalader les trônes que la haie du voisin. » (Victor Hugo, Choses vues)
  • « Tous les révolutionnaires proclament à leur tour que les révolutions précédentes ont fini par tromper le peuple ; c'est leur révolution seule qui est la vraie révolution. « Tous les mouvements historiques précédents », déclarait le Manifeste communiste de 1848, « étaient des mouvements de minorités ou dans l'intérêt de minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement conscient et indépendant de l'immense majorité, dans l'intérêt de l'immense majorité ». Malheureusement cette vraie révolution, qui doit apporter aux hommes un bonheur sans mélange, n'est qu'un mirage trompeur qui ne devient jamais une réalité. Elle est apparentée à l'âge d'or des millénaristes : toujours attendue, elle est toujours perdue dans les brumes du futur, échappant toujours à ses adeptes au moment où ils pensent la tenir. » (Vilfredo Pareto)
  • « Les fruits ne comptent pour rien, l’arbre capitaliste est toujours coupable. Par contre les fruits du communisme sous toutes ses formes sont toujours empoisonnés mais l’arbre n’est jamais à blâmer, seul son jardinier le serait ! » (Xavier Prégentil)
  • « En abolissant la propriété personnelle, le communisme ne fait que me rejeter plus profondément sous la dépendance d'autrui, autrui s'appelant désormais la généralité ou la communauté. Bien qu'il soit toujours en lutte ouverte contre l'État, le but que poursuit le communisme est un nouvel « État », un status, un ordre de choses destiné à paralyser la liberté de mes mouvements, un pouvoir souverain supérieur à moi. (...) Désormais toute distinction s'efface, tous étant des gueux, et la société communiste se résume dans ce qu'on peut appeler la « gueuserie » générale. » (Max Stirner)
  • « Si on n'est pas communiste à 20 ans, c'est qu'on a pas de cœur. Si on l'est toujours à 40 ans, c'est qu'on a pas de tête. » (Attribuée à George Bernard Shaw (hautement improbable), Clemenceau, Winston Churchill)
  • « Le Parti n'a pas raison parce que la doctrine est vraie, la doctrine est vraie parce que le Parti a toujours raison. » (Étienne Gilson)
  • « Le communisme est synonyme de nihilisme, d'indivision, d'immobilité, de nuit, de silence. » (Pierre-Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques)
  • « Si les régimes communistes se sont effondrés, c'est parce qu'ils ont perdu leurs deux piliers : la foi et la peur. » (Václav Klaus, président tchèque)
  • « L’une des plus amères ironies du XXe siècle fut que le communisme, qui se voulait une doctrine égalitaire et accusait le capitalisme d’égoïsme et de sacrifier cruellement les autres pour son bonheur, est devenu une fois au pouvoir un système d’un égoïsme et d’une cruauté telle qu’elle rendait les péchés du capitalisme pâles en comparaison. » (Thomas Sowell)
  • « Le communisme n'est ni un système économique, ni un système politique. C'est une forme de folie, une aberration temporaire qui disparaîtra un jour de la surface de la terre parce qu'elle est contraire à la nature humaine. » (Ronald Reagan)
  • « Le communisme, c'est une des seules maladies graves qu'on n'a pas expérimentée d'abord sur les animaux. » (Coluche) (humour)
  • « Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l’hitlérisme, que le monde moderne n’en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semblent aspirer les démocraties elles-mêmes. » (Georges Bernanos)
  • « Communisme : système généreux, qui enrichit la population en l'appauvrissant, et rend l'homme plus libre en l'enfermant. » (Christian Millau, Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi)
  • « La plupart des gens qui ont lu le Manifeste du Parti Communiste ne réalisent probablement pas qu’il a été écrit par deux jeunes hommes qui n'avaient jamais travaillé un jour de leurs vies, et qui néanmoins parlaient hardiment au nom des "travailleurs". » (Thomas Sowell)
  • « On peut définir le communisme comme un altruisme sans empathie. Ou plus péjorativement, comme un altruisme sans cœur. » (Mencius Moldbug)
  • « Le communisme possède une langue que chacun peut comprendre : ses éléments sont la faim, l'envie, et la mort. » (Heinrich Heine)
  • « Le communisme, pour s'implanter dans les institutions, avait besoin de la statolâtrie, c'est-à-dire de l'absolutisme monarchico-constitutionnel, qui dit : l’État ne cesse pas d'être tout-puissant, mais ce n'est plus un homme, c'est la nation affranchie, se gouvernant elle-même de concert avec son chef, le roi. Et ceux qui parlèrent ainsi eurent l'art de confisquer l’État et d'exclure du gouvernement et le roi et la nation. » (abbé Antoine Martinet, Statolâtrie, ou le Communisme légal, 1848)
  • « Le communisme est une maladie de l'esprit. Il promet la fraternité universelle, la paix et la prospérité pour inciter les humanistes et les idéalistes à participer à un complot qui vise à conquérir le pouvoir par la tromperie et à y rester par la force brute. » (John Stormer, None Dare Call It Treason)

 

I) URSS

L'Union des républiques socialistes soviétiques, abrégé en URSS (en russe : Союз Советских Социалистических Республик, abrégé en : СССР), était un État fédéral de 15 républiques soviétiques et qui a existé de 1922 jusqu'à sa dissolution en 1991. Ce fut le principal État communiste pendant cette période.  

Bilan humain

En prenant le pouvoir en 1917, Lénine planifie l'élimination des « contre-révolutionnaires ». En mars 1919, la révolte des ouvriers d'Astrakhan est écrasée dans le sang par l'armée rouge, et près de 5 000 personnes sont noyées en une semaine dans la Volga. Le « nettoyage » des derniers bastions anti-communistes de Crimée coûte la vie à 50 000 personnes. La politique de « décosaquisation » frappe entre 300 000 et 500 000 cosaques qui seront assassinés ou déportés.
Des camps de travaux forcés sont créés par le décret du 15 avril 1919. Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique comptera 84 camps. En juillet 1934, une réorganisation aboutira à un organisme central gérant les camps de travail forcé, le Goulag (Главное управление лагерей : « administration principale des camps »).
L'arrivée au pouvoir de Staline va généraliser les massacres de masse. En 1932 et 1933, 6 millions d'Ukrainiens moururent de la famine d'État imposée par Moscou. La folie meurtrière frappe jusque dans les rangs du régime. 650 000 d'entre eux feront les frais des purges staliniennes. 720 000 exécutions d'opposants et 300 000 morts dans les camps. À la fin de la seconde guerre mondiale, les déportations ethniques feront des centaines de milliers de victimes, et si la mort de Staline en 1953 marque la fin des massacres à grande échelle, les déportations s'accélèrent pour atteindre un point culminant de 900 000 personnes envoyées au goulag au début des années 60.
Lorsque Gorbatchev a tenté de libéraliser l'économie et de donner la liberté d'expression, le régime basé sur la peur et la restriction économique extrême ne pouvait plus tenir, et il s'est très vite effondré en 3 ans comme un château de cartes. L'URSS a explosé en 15 pays, dont son principal successeur est la Russie.

Bibliographie

Voir aussi

Citations

  • La chute du mur de Berlin a mis fin à une expérience grandeur nature qui se déroulait depuis près d'un demi-siècle. D'un côté, on avait l'Union soviétique avec son système marxiste d'économie centralement planifiée. De l'autre, les pays occidentaux avec des économies plus ou moins mixtes, mais dont aucune ne se rapprochait, même de près, de ce qui se passait en URSS. L'Union soviétique s'est effondrée, et il faut aujourd'hui se donner beaucoup de mal pour trouver quelqu'un qui croie encore aux vertus de l'économie planifiée. (Milton Friedman)
  • De même que les États-Unis sont l’enfant légitime de la Grande-Bretagne, de même l’URSS était la fille légitime de la Révolution française, ce qui explique la coupable indulgence de toutes les élites françaises pour ce régime monstrueux et pour tous ses avatars (Cambodge, Vietnam, Cuba...). (Charles Gave)
  • Lorsque les archives du Gosplan furent enfin accessibles et que les anciens économistes soviétiques qui avaient participé à sa mise en œuvre furent autorisés à s’exprimer, il devint impossible de nier l’évidence : point par point, la condamnation à mort prononcée par Mises en 1920 s’était avérée exacte. On découvrit, par exemple, qu’en l’absence de marché libre, les responsables du Gosplan était littéralement incapables d’établir une échelle de prix et en étaient réduits à utiliser les espions du KGB pour récupérer les catalogues de La Redoute ou de Sears. La plus grande entreprise de planification économique jamais conçue n’avait ainsi dû sa survie... qu’à l’existence d’économies de marché à ses portes et les écrits de Mises, formellement interdits par le pouvoir soviétique comme naguère par les nazis, circulaient de mains en mains au cœur même de l’appareil de planification (anecdote rapportée, notamment, par Yuri Maltsev, un des économistes chargés par Gorbatchev de mettre en œuvre la perestroïka). (Georges Kaplan)
  • L’URSS se trouve grosso modo située, dans l’équilibre des forces, du côté de celles qui luttent contre les formes d’exploitation de nous connues. (Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, Les Temps Modernes, janvier 1950)
  • Celui qui ne regrette pas l'URSS n'a pas de cœur ; celui qui souhaite son retour n'a pas de tête. (Vladimir Poutine)
  • Pourquoi le banditisme et le pillage sont-ils aussi sévèrement réprimés ? Parce qu'ils constituent une atteinte au monopole d’État ! (plaisanterie de l'ère soviétique, rapportée dans l'entrée "monopole d’État" du "Manuel du Goulag" de Jacques Rossi)
  • Cette disparition de l'URSS repose sur l'impossibilité d'avoir une économie qui fonctionne sans système de prix. (Georges Lane, Deuxième volet de la désinformation économique)
  • En fait, le système ne s'est pas effondré. C'est une décision politique qui a choisi de l'abandonner, vu son énorme gaspillage, ses faibles performances, son absence d'inventivité. Tant qu'il a duré, c'est l'anarchie spontanée qui a fait fonctionner la planification programmée. C'est la résistance à l'intérieur de la machine qui a fait marcher la machine. (Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe)
  • Dans le système soviétique, une personne était propriété de l’État : un rouage que l'on pouvait actionner à volonté[1]. (Boris Spassky, 07/01/2015)
  • Toute personne qui tente de préserver son indépendance, en quelque endroit et en quelque domaine que ce soit, est à coup sûr considérée comme un ennemi de tout le régime. Toute la puissance de l'Union soviétique, toute la machine d’État est aussitôt mobilisée pour combattre ce désespéré, ce fou audacieux. Dès le départ, il se trouve confronté dans une lutte inégale, celle d'un homme seul face à tout un régime. Et tant que l'opposition n'est pas écrasée, tous les moyens sont bons. (Vladimir Boukovski, préface au livre Le jeu de la destruction, Viktor Korchnoï, 1981)
  • Le régime communiste était à plus d’un titre une coquille vide. C’est ce qui explique qu’il se soit désintégré de lui-même au lieu d’être battu. Certaines personnes ou certains groupes n’apprécient guère cette vision des faits et se targuent d’avoir fait tomber le communisme par eux-mêmes mais c’est inexact. Je ne veux pas amoindrir le mérite de quiconque mais en 1989, il suffisait d’une pichenette pour venir à bout du communisme. La réaction en chaîne qui a suivi de la part de millions de personnes s’est produite de façon automatique et spontanée. (Václav Klaus, L'AGEFI, 26/10/2015)
  • Il n’y a pas de mots pour décrire ces ténèbres. À la fois serviteur déloyal et chef corrompu, le bolchevisme a été dès sa venue au monde l’image même de la duplicité et du mensonge, de la tromperie et de la traîtrise. (Léonid Andreïev, 1871-1919)
  • En URSS, la carte du Parti donnait le droit d'appartenir à une "race supérieure" et privilégiée. (Jacob Sher, Lettre à un ami et voisin socialiste, 1997)

Notes et références

  1. В советской системе человек был государственной собственностью. Винтиком, который могли закручивать, как хотели. (Р-Спорт, 02.01.2015)

Liens externes






J) La révolution russe de 1917


Une bourgeoisie faible et incapable de prendre le pouvoir
L’un des traits essentiels de l’histoire de la Russie est la lenteur de son volution, conomiquement, socialement et culturellement. Sa situation, entre l’Orient et l’Occident, peut l’expliquer : elle subit le joug de l’Orient mais ne suit pas son modle car elle reste toujours sous la pression militaire de l’Occident. Cependant, elle bnficie de ce que Trotsky appelle le dveloppement combin, qui dcoule justement de l’ingalitdes rythmes d’volution.
En ce qui concerne l’industrie, en particulier, la Russie n’est pas passe par toutes les tapes de l’volution conomique de l’Europe capitaliste, elle s’y est insre au fur et mesure que celle­ci dbordait des frontires nationales. Elle a ainsi profitd’effets de rattrapage. Une des consquences en est que, de 1905 la Premire Guerre mondiale, la production industrielle a doubl. Cependant, l’conomie russe reste handicape par sa faible productivitdu travail, et l’industrie reste trs minoritaire : l’crasante majoritde la population est paysanne et travaille encore comme les paysans franais ou anglais du XVIIe sicle. Par contre, le dveloppement brusque de l’industrie a donnnaissance des entreprises gigantesques comptant des milliers d’ouvriers. Ainsi les entreprises de plus de 1000 salaris emploient­elles 42 % des ouvriers, alors qu’elles en rassemblent seulement 18 % aux tats­Unis par exemple. De plus, l’industrie russe est presque entirement aux mains des banques, elles­mmes contrles par la finance europenne, par l’intermdiaire de tout un rseau de banques auxiliaires et intermdiaires. En tout, 40 % des capitaux investis en Russie sont trangers, et la proportion est encore plus forte dans l’industrie lourde (mtaux, charbon, ptrole).
Cette situation conomique a dterminprofondment la physionomie sociale et politique de la bourgeoisie russe : celle­ci est numriquement faible et s’en remet politiquement au tsar, donc l’aristocratie et la bureaucratie largement corrompue — ce rgime politique tant d’ailleurs soutenu galement par les bourgeoisies europennes, notamment franaise. En 1905, la bourgeoisie russe s’est ainsi montre veule, incapable de se battre pour le renversement du tsar ou mme l’instauration d’un rgime parlementaire, ttanise notamment par sa peur des ouvriers soulevs... 

Un proltariat puissant, dont la conscience se constitue rapidement
En effet, si la bourgeoisie russe n’est pas assez puissante pour prtendre au pouvoir, la classe ouvrire l’est elle­mme djtrop. Le proltariat russe n’est pas lui non plus passpar toutes les phases de l’volution occidentale, il n’a pas connu les corporations d’artisans, son dveloppement partir du vivier des masses paysannes, se fait par bonds, suivant les besoins de l’industrie. D’un ct, ce proltariat, directement prlevau village, a conservdes liens et des contacts avec ses origines sociales. Mais, d’un autre ct, lui aussi bnficie du dveloppement combinde l’industrie russe : il est trs concentrdans de grands tablissements de quelques grandes villes, ce qui est facteur d’organisation et de culture ; de plus, sa conscience de classe s’enrichit rapidement, se nourrissant la fois de l’histoire du proltariat europen (notamment du dveloppement du marxisme) et de sa propre exprience, ola rvolution de 1905 et les soviets occupent videmment une place fondamentale. 

La guerre, meurtrire et grosse de rvolte
La guerre imprialiste dbute en 1914 a pour cause la concurrence interimprialiste pour la domination mondiale. Mais cet enjeu global dpasse les possibilits de la Russie : ses propres buts de guerre (dtroit de Turquie, Galicie, Armnie...) doivent imprativement correspondre aux intrts des principaux tats en guerre, c’est­­dire de ses allis (la France et l’Angleterre). Pour cela, la Russie est en quelque sorte condamne payer ses alliances avec ces pays plus avancs : elle est contrainte d’importer leurs capitaux et de leur verser les intrts ; comme l’crit Trotsky, elle a « le droit d’tre une colonie privilgie de ses allis »... Ainsi, mme si elle a dans cette guerre des intrts imprialistes de niveau mondial, la bourgeoisie russe peut tre considre comme demi « compradore », dpendante de la finance trangre et d’tats plus puissants.
L’arme russe, fournie en hommes par le service militaire obligatoire, connat les mmes antagonismes sociaux que l’ensemble de la socit. Les officiers ont les mmes tares que les classes dominantes dont ils sont issus : passisme, bureaucratisme, corruption, etc. Les soldats sont des paysans sont envoys au front sans relle instruction, sans avoir pu assimiler la technique militaire moderne importe des pays avancs... Comme l’industrie, l’arme russe dpend de ses allis... qui sont trop loigns pour pouvoir l’aider efficacement. 

De lses dfaites rapides sur le front allemand.
Or ces dfaites entranent la dmoralisation, des dsertions... et beaucoup de rflexion parmi les soldats. Les annes passent et, sur le front comme l’arrire, se fait sentir la lassitude de la guerre. Les classes les plus pauvres et les campagnes en ont assez de se faire prlever de la chair pour les canons. Dans le mme temps, les industriels se mobilisent pour les besoins matriels de l’arme, ils leur consacrent jusqu’50 % de la production industrielle nationale, accroissant l’exploitation des ouvriers... et ralisant ainsi d’normes bnfices... 

Tensions entre les classes
La guerre son dbut a mis momentanment fin un cycle montant de grves. Les ouvriers sont eux aussi mobiliss pour le front : Petrograd jusqu’40 % de la main d’œuvre est renouvele. Mais les grves reprennent partir de 1915 et montent en puissance, changeant progressivement de nature, acqurant un caractre de plus en plus anti­guerre et politique. Pendant toute l’anne 1916, avec la dgradation des conditions de vie des masses, les meetings se multiplient, les ouvriers, pousss bout, sont nerveux et combatifs, ils se lancent dans des grves dont les revendications ne sont plus simplement conomiques, mais aussi politiques. Or, si le proltariat russe est largement minoritaire, ses liens avec la paysannerie lui permettent de rencontrer un puissant appui parmi les masses paysannes, dont les forces actives et la jeunesse connaissent au front un bouleversement de leurs conditions d’existence et un brassage qui sont sources d’expriences et de rflexions. Les ouvriers avancs les aident prendre conscience de la nature du tasrisme, clde vote de l’aristocratie foncire qui les pille, et de la veulerie de la bourgeoisie, incapable de conqurir le pouvoir et donc de rgler la question agraire en donnant la terre aux paysans.
La monarchie comme la bourgeoisie tremblent devant les dfaites militaires et les tensions intrieures. Pour essayer de contrler la situation sans s’embarrasser de la Douma (Parlement croupion octroyaprs la rvolution de 1905), le tsar dcide d’ajourner celle­ci. Les ouvriers rpliquent par des grves. Partags entre sa peur panique des ouvriers et ses propres aspirations politiques, l’opposition bourgeoise raffirme son soutien la politique du tsar, tout en dcidant d’utiliser la Douma pour critiquer en parole la monarchie — mais sans poser la question du pouvoir : de fait, ses critiques en restent la question du ravitaillement des troupes, dont la dsorganisation mne au dsastre...
En ce qui concerne enfin les partis qui se rclament du socialisme, le dbut de la guerre a montrleurs faiblesses. Les socialistes rvolutionnaires (parti paysan) et la plupart des mencheviks (sociaux­ dmocrates) ont refusde combattre contre la guerre, beaucoup tombant dans le social ­chauvinisme, comme l’crasante majoritdes partis sociaux­dmocrates et des syndicats europens. Aprs la rpression terrible dont il a tvictime suite la dfaite de la rvolution en 1905, le parti bolchevik s’est reconstitusous la direction des migrs, et il a beaucoup progressnotamment dans les annes qui ont prcdla guerre. Mais il est infiltrde partout par la police : Petrograd, par exemple, 3 des membres du comitdu parti sur 7 sont des agents de l’Okhrana, la police secrte du tsarisme ! Politiquement, le parti bolchevik est le seul avoir dnoncet combattu la guerre ds 1914. Pendant la guerre, la police, qui suit de trs prs la politique et la pratique du parti bolchevik, crit dans un rapport : « L’lment le plus nergique, le plus allgre, le plus capable de lutter infatigablement, de rsister et de s’organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lnine ».
Cependant, la politique des bolcheviks n’a pas tsans ambigutdans certains cas, les conditions de la guerre s’ajoutant celles de la clandestinitpour dsorganiser le parti, et conduisant parfois des prises de position opportunistes : c’est ainsi que, la Douma, la fraction bolchevik a votavec les mencheviks une motion s’engageant dfendre « les biens culturels du peuple contre toutes atteintes, d’oqu’elles vinssent »... Lnine, quant lui, s’est battu pendant toute la guerre suivant une orientation connue sous le nom de « dfaitisme rvolutionnaire » : chaque parti marxiste national doit se battre avant tout pour la dfaite de son propre imprialisme, pour la transformation de la guerre imprialiste en guerre civile... 

Les journes du 23 au 27 fvrier
En fvrier 1917, ni le parti bolchevik, ni personne ne s’attendaient ce que la journe internationale des femmes, prvue pour le 23, soit la premire journe d’une rvolution. Nul n’a la moindre ide de ce qui se prpare, et les bolcheviks dconseillent la grve...
Pourtant, les ouvrires cessent le travail et manifestent massivement, allant d’usine en usine pour appeler les travailleurs les suivre et les soutenir. Les bolcheviks, comme les mencheviks et les socialistes–rvolutionnaires embotent le pas cette mobilisation spontane des masses. Ces ouvrires du textile, pour une grande part femmes de soldats, constituaient certainement la fraction la plus exploite du proltariat. Ce sont elles qui dclenchent la rvolution : la grve qu’elles ont impulse s’tend, devient gnrale. Une gigantesque manifestation est convoque...
Le comitcentral des bolcheviks hsite, avant d’appeler finalement la grve gnrale le 25. Le comitde Petrograd est arrt, mais c’est bien spontanment que la grve est devenue gnrale, tendant rapidement se transformer en insurrection, car la masse prend conscience de sa force. Le gouvernement s’est prparé à la rpression, mais les cosaques sont passifs et prennent parfois la dfense des manifestants lorsque la police tire sur la foule. Les ouvriers interpellent les soldats et s’efforcent de fraterniseren les invitant se joindre eux. Lorsque la police intervient, les manifestants dcident de rsister et d’aller jusqu’au bout...
Malheureusement, aucun parti ne sait prendre la direction rvolutionnaire, aucun n’appelle l’organisation de l’insurrection arme. La direction bolchevik de Petrograd (Staline, Kamenev) manque d’initiative. Les dirigeant retardent considrablement sur les ouvriers, qui s’organisent eux­ mmes, mais manquent de direction politique. Le 26, c’est l’affrontement gnral dans la capitale. Les ouvriers se heurtent la police et l’arme. Tout va dpendre de l’attitude des soldats. Vers le soir, des mutineries clatent. L’arme se soulve enfin. Ds lors, c’en est fini de la monarchie, prive de son bras arm: elle s’effondre, presque facilement. La capitale est conquise par les ouvriers et les soldats. Les prisons sont ouvertes. Les mencheviks se prcipitent la Douma pour ngocier une solution politique avec les partis bourgeois ; les bolcheviks se rendent dans les casernes et les usines...
Le soir du 27, les soldats, les tudiants, les ouvriers et les habitants des quartiers populaires convergent vers le palais de Tauride dans lequel un tat­major rvolutionnaire s’est tabli. En fait, cet tat major s’est autoproclamaprs l’insurrection et ne dirige rien : les dirigeants vritables de la rvolution sont dans la rue et se montrent mfiants l’gard de cette premire tentative d’institutionnalisation : ce sont des ouvriers et des soldats de la base, qui ont cependant souvent un exprience de la lutte des classes et notamment la mmoire de 1905 et une culture rvolutionnaire, qui leur permettent d’tre l’avant­ garde consciente de toute la classe. En fait, beaucoup d’entre eux ont tforms directement par les bolcheviks, qui se trouvent bien sr parmi eux. 
 
Double pouvoir et affrontement entre les classes. Les paradoxes de fvrier
Pendant l’insurrection la bourgeoisie apporte son soutien au tsar et appelle la monarchie la rpression; elle tente de ngocier pour instaurer une dictature qui lui soit favorable. Mais l’insurrection triomphe et les soviets (conseils d’ouvriers et de soldats) se constituent. Petrograd en particulier, le soviet de 1905 renat de ses cendres : trs vite, il concentre la ralitdu pouvoir et devient le centre nerveux de la rvolution. la tte des soviets sont lus majoritairement des socialistes rvolutionnaires et des mencheviks, partis « socialistes » majoritaires dans le mouvement rvolutionnaire et ouvrier russe d’avant guerre. Les masses leur font confiance et leur remettent le pouvoir.
Or c’est lque gt le « paradoxe de fvrier » : ces « socialistes » ne veulent pas du pouvoir ! Alors que la situation est rvolutionnaire, ils prnent, au nom de la lgalit, une orientation qui se ramne l’abandon de leurs revendications de toujours : la paix, la rpublique, la journe de 8 heures, la rpartition des terres... ! Ils ne demandent plus que la libertd’expression ! Pratiquement, ils cherchent remettre le pouvoir entre les mains de la bourgeoisie, qui na pourtant jouaucun rle dans l’insurrection et esprait sa dfaite ! De fait, la bourgeoisie ne voulait pas non plus du pouvoir et aurait voulu rtablir la monarchie ! Mais cette solution n’est plus possible : les masses ne veulent videmment pas du retour du tsar honni qu’elles viennent de faire chuter si facilement. Finalement, les cadets (parti bourgeois libral), les socialistes­rvolutionnaires et les mencheviks se mettent d’accord pour un gouvernement provisoire dirigpar le prince Lvov, reposant fondamentalement sur Milioukov, chef du parti cadet, vritable axe politique de ce gouvernement, et disposant d’une caution « socialiste » en la personne de Kerensky, nommé à la justice.
Le comitexcutif du soviet de Petrograd, dirigpar les socialistes­rvolutionnaires et les mencheviks, impose le soutien des ouvriers et des soldats au nouveau pouvoir bourgeois­libral. Ce comitexcutif n’est pas nde la lutte elle­mme, comme il tait apparu en 1905 pour dclencher et diriger l’insurrection : il s’est constitupour contrler et canaliser le mouvement des masses. Mais les diffrentes fractions des masses rvoltes n’ont pas toutes le mme niveau de conscience, et il manque de toute faon une relle direction marxiste rvolutionnaire qui ait une influence massive. Les soldats, en particulier, qui sont trs majoritairement d’origine paysanne, lisent comme reprsentants des tribuns petits bourgeois : les « socialistes­rvolutionnaires », dont le programme est de rendre la terre aux paysans, obtiennent de loin la majoritdes dlgus. Le parti cadet n’a en revanche aucun succs. Quant aux partis ouvriers, le parti menchevik a une relle influence parmi les ouvriers de base. Le parti bolchevik n’a de succs que dans l’avant­garde, et il subit la pression : sous la direction de Staline et Kamenev (Lnine n’est pas encore rentren Russie), au lieu de combattre fermement sur une ligne rvolutionnaire, contre la canalisation­liquidation de la rvolution, pour le pouvoir aux soviets, il se rapproche du parti menchevik, se contente d’une lutte de type parlementaire dans le soviet et apporte mme dans un premier temps son soutien au gouvernement provisoire ! Sur le terrain des luttes, cependant, les bolcheviks sont sans conteste l’avant­garde, notamment dans leur bastion du grand quartier ouvrier de Vyborg, et ils se renforcent. En effet, ils sont les seuls ne pas abandonner les revendications du mouvement ouvrier, notamment la journe de huit heures — laquelle est finalement impose par les ouvriers au gouvernement provisoire... 

Situation de double pouvoir : tout est possible...
La situation politique relle est donc celle d’un double pouvoir : dans les faits, il y a une concurrence tendancielle entre le gouvernement provisoire, pouvoir officiel et lgal, dominpar la bourgeoisie librale avec une caution « socialiste », d’une part, et le pouvoir du soviet de Petrograd, d’autre part. Si le comitexcutif du soviet, refusant le pouvoir des ouvriers et des soldats, assure dans un premier temps la mise en place du gouvernement provisoire bourgeois, la situation est profondment ambiguet instable : les masses n’ont aucune intention de quitter la scne politique sur laquelle elles viennent de s’engouffrer avec une telle puissance et de tels succs. D’autant que la conqute de la journe de huit heures libre un temps prcieux pour l’action et la rflexion politiques : on se met se runir partout, discuter de tout, lire ensemble les journaux... C’est une vritable explosion de l’activitet de la conscience politique du peuple...
Mais, pendant ce temps­l, la guerre continue. Partout, les soldats dsertent en masse, les troupes se retournent contre leurs propres officiers, l’aspiration la paix immdiate et sans conditions se dchane... Or le gouvernement provisoire, avec le soutien des dirigeants ouvriers et « socialistes », dcide de poursuivre la guerre et d’ajourner en consquence la ralisation des revendications : il veut puiser la rvolution. 

La révolution russe de 1917, deuxième partie
 
Caractre paradoxal de la reprsentation au soviet
Nous avons vu que, malgrla victoire de la rvolution sur le tsarisme, le comitexcutif du soviet soutient le gouvernement provisoire, gouvernement bourgeois qui continue la guerre et refuse de satisfaire les revendications du peuple. Mais la ralitdu pouvoir est djaux mains du soviet, dans lequel se reconnaissent les soldats et les ouvriers, bien que les dirigeants du soviet ne pensent qu’soutenir le gouvernement provisoire. C’est ainsi que le double pouvoir tend se met en place : deux pouvoirs se font face, reprsentant deux classes opposes, la bourgeoisie et le proltariat. Mais la tte du soviet se trouvent encore « les lieutenants de la bourgeoisie dans le camp du proltariat », comme dit Lnine. Ces conciliateurs ont peur des ouvriers, et ils influent sur la composition du soviet : Petrograd, il y a quatre fois plus d’ouvriers que de soldats, et pourtant il n’y a au soviet que deux dlgus d’ouvriers pour cinq dlgus de soldats. Et, parmi les civils, tous ne sont pas lus par des ouvriers : les aventuriers et tribuns de toutes sortes, les journalistes et les avocats dmocrates, les tudiants et les petits bourgeois radicaux, marquent de leur influence les dcisions du soviet et surtout ses dbats, face aux ouvriers silencieux et aux soldats irrsolus. Mais mme si les soldats sont souvent sur­reprsents et majoritaires dans les soviets, ils n’expriment pas, bien souvent, l’tat d’esprit vritable des casernes : les dirigeants favorisent les officiers. — Or cette composition des soviets explique ce moment une partie de leurs atermoiements patriotiques. 

Errements dans la direction bolchevique
Mais le social­patriotisme n’infecte pas seulement les soviets et les conciliateurs. Les dirigeants bolcheviques eux­mmes, notamment Kamenev et Staline, se rapprochent de l’aile gauche des mencheviques et penchent dangereusement vers la dfense nationale, ligne qui domine dans la Pravda, au dtriment du dfaitisme rvolutionnaire prnpar Lnine, lequel ne rentra d’migration que le 3 avril.
son retour, Lnine prconise le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets », contre le gouvernement provisoire, pour mettre fin la guerre et distribuer la terre aux paysans. Il est mis en minoritet mme compltement isolpour un moment, on qualifie ses thses de « trotskystes », parce qu’il soutient que la rvolution socialiste peut commencer en Russie avant l’Occident. Confiant en son parti, Lnine combat la direction droitire en s’appuyant sur les ouvriers du parti, qui avaient tforms pendant des annes dans l’objectif de la prise du pouvoir par le proltariat allié à la paysannerie. la base, les militants combattent sur le front des revendications lmentaires, montrant que le gouvernement provisoire et les mencheviques refusent de les satisfaire malgrla situation rvolutionnaire. ce moment­l, le Parti bolchevique compte 79 000 membres dont 15 000 Petrograd, notamment dans le quartier de Vyborg oles ouvriers bolcheviques se sont djopposs Staline et Kamenev, allant jusqu’les menacer d’exclusion...
A la confrence du Parti des 28 et 29 avril, Lnine parvient faire passer sa ligne, l’opposition de droite est mise en minorit, Kamenev et Staline ne sont pas lus au bureau. Cela ne signifie pas que Lnine fut le grand dmiurge de la rvolution, mais qu’il sut s’insrer dans la chane des forces historiques o, comme le dit Trotsky, il fut un grand anneau... Quant au Parti bolchevique de l’poque, forgdans et par le marxisme vivant pendant des annes avant la guerre, son caractre dmocratique est prouvpar ces dbats anims et ces luttes politiques internes provoqus par la pression des vnements. 

Crise gnralise du pays et des rapports sociaux, collaboration de classe des mencheviques et des socialistes­rvolutionnaires
En avril, trois solutions sont possibles : la reprise en main de la situation par la bourgeoisie — mais cela aurait provoquune guerre civile que celle­ci n'tait pas en mesure de remporter ; le passage de tout le pouvoir aux soviets — mais les conciliateurs ne le veulent videmment pas et ils bnficient encore de la confiance des masses (la rsolution des bolcheviques proposant de donner tout le pouvoir aux Soviets est passe inaperue) ; la coalition reste donc la seule solution : les mencheviques et les socialistes­rvolutionnaires (S.R.) entrent au gouvernement, avec le soutien des soviets — seuls les bolcheviques et les mencheviques internationalistes s’y opposent.
Cependant, la situation en Russie ne cesse d’empirer et la guerre s’ternise. Bien que l’arme soit dans un profond tat de dcomposition, le gouvernement provisoire poursuit la guerre contre les Allemands. Les dfaites sont cuisantes et ne font que renforcer la fois la dliquescence gnralise et les motivations rvolutionnaires des soldats. Du ctde la paysannerie, on assiste une perte de confiance envers le gouvernement provisoire, qui refuse de lui donner la terre, bien que ce soit officiellement le nerf du programme du parti S.R., principale force populaire de soutien au gouvernement. Les paysans passent alors l’offensive, en dcidant de raliser eux­mmes l’expropriation de l’aristocratie foncire et le partage des terres... Enfin, la situation des villes est catastrophique, le ravitaillement n’est plus assur, le cot de la vie monte en flche, la production industrielle est au plus bas, d’autant plus que les patrons mettent en œuvre un lock­out larv. Au mme moment, les plus grosses entreprises travaillant pour la guerre engrangent des bnfices normes. La colre des ouvriers ne cesse de crotre...
Le comitexcutif du soviet prconise en parole la rglementation de l’conomie par l’tatisation, l’organisation rationnelle de la production et la fixation des prix de l’industrie par l’tat. Mais jamais il ne va jusqu’l’affrontement avec le gouvernement, qui doit toute son existence ce soutien. Et, lorsque la cible des manifestations commence devenir le gouvernement, le comitexcutif du soviet de Petrograd dcide de ne plus manifester... Pendant ce temps­l, les forces de la contre­rvolution se regroupent et se disposent pour passer l’offensive contre les ouvriers et la rvolution... 

volution des rapports de force dans les soviets
partir de juin, les rapports de force politiques dans les soviets commencent changer. Les bolcheviques deviennent majoritaires au soviet de Moscou et dans la section ouvrire du soviet de Petrograd. Les ouvriers prennent conscience qu’ils ne peuvent compter que sur eux­mmes, radicalisent leur perspective politique et commencent s’armer pour dfendre et approfondir la rvolution. Mme dans l’arme, dont la composition est pourtant majoritairement paysanne, l’influence des bolcheviques se dveloppe, grce leurs mots d’ordre liant les revendications lmentaires la ncessitde la prise du pouvoir par les soviets. Dans la forteresse de Cronstadt, au large de Petrograd, le soviet dcide de prendre en main tout le pouvoir : les officiers sont emprisonns. Quant aux usines, la monte de l’influence bolchevique y est trs puissante et rapide...
Cette influence reste cependant moindre que celle des mencheviques — qui restent trs implants dans les milieux ouvriers — et surtout que celle des S.R., qui ont le soutien d’une majoritde paysans et des petits bourgeois des villes, qui participent de plus en plus aux soviets. C’est ainsi que, lorsque le congrs pan­russe des soviets se runit, sur 777 dlgus, on compte 105 bolcheviques, 248 mencheviques et 285 socialistes­ rvolutionnaires. La situation dans la capitale, Petrograd, est cependant plus avance que dans le reste du pays : la confrence des comits de fabriques et d’usines adopte ainsi une rsolution disant que seul le pouvoir des soviets peut sauver le pays. La situation tend devenir explosive : dans le quartier ouvrier de Vyborg, la villa de Dournovo, dignitaire du Tsar, est prise et occupe par les organisations ouvrires ; mais le comitexcutif du soviet de Petrograd exige qu’ils quittent le lieu ; les bolcheviques, majoritaires dans le quartier, lancent un appel manifester — qu’ils annulent finalement aprs la dcision du congrs des soviets saisi de l’affaire, et face laquelle ils jugent opportun de s’incliner, malgrla fureur des ouvriers de Vyborg, djprts en dcoudre avec les collaborateurs, mais encore minoritaires dans la capitale...
L’pisode de la villa Dournovo conduit le gouvernement et ses collaborateurs qui dirigent les soviets la conclusion qu’il est temps de dsarmer les masses et de lancer une offensive d’envergure contre les bolcheviques. L’influence des bolcheviques continue de se dvelopper, comme le montre le succs de ses mots d’ordre massivement soutenus et repris dans les manifestations et la multiplication d’initiatives d’ouvriers et de soldats dfiant la direction des soviets et reprenant leur compte de plus en plus massivement l’exigence de la prise du pouvoir.... C’est alors un acharnement gnral contre le Parti bolchevique, qui est dclarhors­la­loi, plusieurs de ses dirigeants tant arrts et ses journaux saisis...
Avec l’t, une nouvelle alternative se dessine en Russie : le gouvernement provisoire soutenu par les dirigeants collaborateurs des soviets est de moins en moins capable de grer la situation militaire, sociale, conomique et politique ; ds lors, la situation se polarise, deux issues possibles se font jour : liquidation de la rvolution par un coup d’tat de type fasciste — ligne de la raction et de la bourgeoisie, reprsentes par Kornilov —, ou transcroissance socialiste de la rvolution travers la prise du pouvoir par les soviets — ligne de la dictature du proltariat, dfendue par les bolcheviques... 

La révolution russe de 1917, troisième partie
 
Les journes de juillet
La priode de fin juin­dbut juillet est marque par une impatience grandissante des masses. La guerre cote cher, les conditions conomiques sont dplorables, sans compter le cot humain d’offensives hasardeuses. Le gouvernement, qui compte dix ministres bourgeois, est irrsolu et de plus en plus rejetpar le peuple.
Petrograd, cette agitation est avive par les anarchistes. Le Parti bolchevik considre que les ouvriers et les soldats les plus avancs de la capitale doivent attendre un soutien plus large des masses ; certains bolcheviks toutefois acceptent mal que leur rle soit de rfrner l’ardeur de la population. Pour les bolcheviks, toute manifestation aurait dans les prochains jours un caractre nettement rvolutionnaire, or les conditions ne sont pas prtes.
Le 3 juillet, effectivement, sur l’initiative des rgiments de mitrailleurs, des ouvriers et soldats en armes manifestent Petrograd, sous des mots d’ordres rvolutionnaires : tout le pouvoir aux soviets, dpart des ministres bourgeois, non l’offensive contre le proltariat allemand, la terre aux paysans, pour le contrle ouvrier. Les bolcheviks, dont la prudence n’est pas accepte par ces masses les plus radicalises, changent de tactique et encadrent les manifestations. Celles­ci recommencent le lendemain, encore plus puissantes. Les seules forces armes dont dispose le gouvernement sont les cosaques et les junkers, la plupart des autres rgiments observant, dans le meilleur des cas pour le gouvernement, la neutralit. Ces forces, insuffisantes pour mater le mouvement, se livrent des provocations : il y a des morts et des blesss. Le soir du 4 juillet, les manifestants font le sige du palais de Tauride, osont rassembls les comits excutifs des soviets, ils rclament tout le pouvoir pour les soviets. Les conciliateurs continuent leurs atermoiements, et refusent le pouvoir que les masses veulent leur offrir. Celles­ci, dcourages, cessent alors les manifestations.
C’est pendant cette retraite qu’arrivent enfin des renforts arms pour le gouvernement, venant principalement du front. Ces rgiments ont tconvaincus, «preuves» l’appui, que les manifestations de Petrograd taient un complot des bolcheviks, la solde de l’Allemagne. Comme l’histoire l’a plusieurs fois montr(en France en 1848 et 1870, en Allemagne en 1919...), cette pousse rvolutionnaire non mene son terme (ce qui tait invitable selon l’analyse bolchvique, une grande partie des masses se faisant encore des illusions sur les conciliateurs) est suivie d’une priode de reflux. Les insurgs sont dsarms, les calomnies se propagent contre les bolcheviks, accuss d’tre la solde du Kaiser, beaucoup sont arrts (dont Trotsky, Kamenev...) et Lnine doit se rfugier en Finlande. 
 
La contre­-offensive ractionnaire
Une fois la peur du soulvement populaire passe, la priode qui s’ouvre est pour les bourgeois de tout poils et leurs allis conciliateurs l’occasion de raffirmer leur pouvoir. Les conciliateurs ont qualifile mouvement de juillet de contre­rvolutionnaire (car dresscontre le pouvoir issu de la rvolution de Fvrier, aux mains d’une alliance de partis ouvriers et bourgeois). Les cadets profitent de cette aubaine pour rclamer une politique toujours plus librale, voire ractionnaire : rpression suite aux journes de juillet (dissolution des rgiments les plus rvolutionnaires, dsarmement des ouvriers), soutien aux grands propritaires fonciers contre les rquisitions de terre, allgeance guerrire envers les allis imprialistes, rtablissement de la peine de mort pour les soldats rfractaires, rendus responsables de l’chec des offensives militaires... Les cadets posent aussi leurs conditions pour la constitution d’un nouveau gouvernement de coalition et, le 24 juillet, les comits excutifs des soviets (toujours domins par les conciliateurs) remettent intgralement le pouvoir un nouveau gouvernement, plus proche de la juxtaposition de deux cliques (conciliatrice et militaire­bourgeoise) que d’une vritable coalition. Les cadets ont en particulier imposle ractionnaire Kornilov comme nouveau gnralissime, gage de discipline sur le front et d’mancipation vis­­vis du pouvoir issu de Fvrier. Quant aux conciliateurs, quoique numriquement majoritaires dans ce nouveau gouvernement, ils en sont rduits aux lamentations devant les mesures de plus en plus ractionnaires imposes par leurs allis bourgeois sous prtexte de lutter contre l’anarchie (relaxe des commandos monarchistes des Cent­Noirs par exemple). Kerensky, le prsident de ce nouveau gouvernement, est raillde toutes parts, mais semble tre le seul capable de servir de trait d’union entre ces deux cliques allies qui se craignent. 

Vers la crise politique
Pour se donner une lgitimit, le gouvernement convoque une confrence nationale Moscou pour le 13 aot. Il s’agit d’ « tats gnraux » de la nation tout entire, mais sans aucun pouvoir et dont le gouvernement fixe la composition : pour moitides reprsentants des classes possdantes, pour moitides dlgus des soviets. Les bolcheviks, qui le droit d’expression est dnipour cette confrence, dcident de la boycotter. Cette runion est organise Moscou pour l’loigner de Petrograd, considrcomme un lot anarchique au milieu d’un pays qui rclame l’apaisement. Elle est l’occasion pour les couches les plus ractionnaires (clerg, aristocrates...), effrayes par Fvrier et plus encore par les journes de juillet, de relever la tte. Cependant, la confrence provoque l’hostilitdes ouvriers moscovites qui, avec l’appui de leurs syndicats, paralysent la ville pour entraver son droulement. D’autres villes de province sont touches par la grve gnrale. Mais, chauds par les journes de juillet, les ouvriers n’organisent pas de manifestations, pour viter une confrontation avec des troupes ractionnaires prtes en dcoudre. La confrence de Moscou se droule finalement dans une atmosphre théâtrale, chacun des deux camps prsents — les dmocrates conciliateurs d’un ct, les bourgeois et les ractionnaires de l’autre — jouant son rle et dfendant ses positions tout en maintenant l’apparence d’une coalition. Son principal effet est de cristalliser l’existence des deux cliques, personnifies respectivement par Kerensky et par le gnralissime Kornilov. Celui­ci n’hsite pas recourir des mouvements de troupes, tel point que les conciliateurs moscovites font appel aux bolcheviks pour crer un comitde dfense, craignant un coup d’tat militaire de Kornilov, ostensiblement soutenu par les bourgeois et les ractionnaires.
L’impatience de la bourgeoisie est fortement aiguise dans les jours qui suivent. La chute de Riga face l’arme allemande, « prdite » par Kornilov, rapproche le front de Petrograd. C’est un bon prtexte pour masser des troupes « sres » (notamment les cosaques), au nom de la dfense de la capitale. En fait, la conspiration contre­rvolutionnaire se prpare : le Grand Quartier Gnral (tat­major) dclare que la dsorganisation de l’arme est la cause de la dfaite de Riga, et prvient que tout nouveau dsordre dans la capitale sera svrement rprim. De son ct, Kerensky, conscient de l’impasse dans laquelle se trouve le rgime de Fvrier, se fait complice de Kornilov, avec lequel il dcide de ngocier en mettant sa disposition de nouvelles troupes pour prparer une marche sur Petrograd. La perspective d’une dictature de la bourgeoisie, sous la forme d’un directoire associant Kerensky et Kornilov, est envisage. Pendant ce temps, les bolcheviks mettent en garde contre toute provocation et tout soulvement prmatur
 
Le putsch de Kornilov et le soulvement ouvrier et populaire
partir du 26 aot, l’alliance fragile entre les deux cliques vole en clats. Kornilov passe l’offensive : il envoie ses troupes sur Petrograd dans le but d’un putsch. Kerensky, qui comprend qu’il ne serait d’aucune utilitdans le cas d’un crasement des Soviets, joue lui aussi sa carte personnelle : il destitue Kornilov de son poste de gnralissime et demande son gouvernement les pouvoirs personnels spciaux pour contrer l’offensive. Mais les libraux du gouvernement, par l’intermdiaire de Milioukov, lui font comprendre que la force est du ctde Kornilov. Celui­ci prlve encore de nouvelles troupes du front (la dfense du pays contre l’envahisseur allemand lui importe peu en ce moment...). Kerensky et les conciliateurs prennent peur face l’attitude de leurs allis bourgeois, ils demandent alors l’appui des masses, ainsi que des bolcheviks qui sont majoritaires Petrograd, pour dfendre la capitale. Mais la base n’a pas attendu : les ouvriers prennent les armes, les cheminots dtournent les convois korniloviens, les soldats se mobilisent, les matelots de la forteresse de Cronstadt (sur la mer baltique, au large de Petrograd) se dressent contre leurs officiers et librent les prisonniers de juillet... Le 30 aot, Kornilov est dfait, celui­ci et les principaux gnraux conspirateurs sont arrts, abandonns par le reste de la bourgeoisie aprs avoir tencourags par elle...
Cette dfaite de Kornilov par les masses elles­mmes sera le point de dpart d’une nouvelle radicalisation de celles­ci, et d’une monte en puissance des bolcheviks, qui ont té à l’avant­garde pour dfendre la rvolution de Fvrier, participant au front uni contre la raction (alors mme que leurs principaux dirigeants taient toujours contraints l’exil ou maintenus en prison par le gouvernement provisoire), tout en prservant leur indpendance politique vis­­vis des conciliateurs. Leur ascension sera ds lors irrsistible : ils gagneront rapidement la confiance de la majoritdes soviets dans les semaines suivantes, jusqu’la prise de pouvoir d’octobre. C’est ce que nous verrons dans le prochain numro. 

La révolution russe de 1917, quatrième partie 

Monte en puissance des bolchviks
Temporairement freine par les calomnies dont ils ont tl’objet en juillet, l’influence des bolchviks va de nouveau en s’accroissant partir de fin aot. Le putsch ratde Kornilov a entranune radicalisation des masses, due une perspicacitaccrue l’gard des conciliateurs, qui continuent affirmer que la coalition avec la bourgeoisie est indispensable, alors que celle­ci n’hsite pas encourager un mouvement contre­rvolutionnaire pour mettre fin aux soviets. L’attitude des bolchviks pendant la crise d’aot, compare celle des « patriotes » qui les avaient calomnis en juillet, met fin aux soupons de beaucoup. Dans les soviets, les bolchviks prennent de plus en plus d’importance, par le nombre croissant de leurs dlgus, mais aussi, dans les rgions oils ne sont pas prsents, par le caractre radical des dcisions prises : malgrles moyens limits du parti (manque d’imprimerie, et d’orateurs hors des grandes villes), les ides bolchviques circulent dans l’ensemble du pays. Ils reprennent galement leur activitsur le front : le nouveau rapport de forces leur permet enfin de prendre la parole lors des meetings de soldats, ce qui leur tait interdit de fait auparavant. Dbut septembre, les conciliateurs, plombs par leur indfectible soutien au gouvernement Krensky hades masses, doivent abandonner la direction des soviets de Ptrograd et de Moscou aux bolchviks.
S’ouvre une courte priode ole parti, Lnine en tte, croit en la possibilitd’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets. la suite des journes de juillet, les bolchviks avaient renoncau mot d’ordre de « pouvoir aux soviets », ceux­ci tant dirigs par les conciliateurs dont la seule perspective tait clairement de confier ce pouvoir un gouvernement de coalition avec les bourgeois. Maintenant, il est de nouveau adquat de rclamer le pouvoir pour les soviets, mme si les conciliateurs refusent toujours une union avec les bolchviks l’intrieur de ces soviets.
Aprs une priode oKrensky dtient de fait le pouvoir, la tte d’un directoire de cinq personnes, s’ouvre le 14 septembre une « confrence dmocratique », l’initiative des conciliateurs, qui refusent le pouvoir aux soviets, mais qui veulent en mme temps rfrner l’ambition de Krensky. La composition de cette confrence doit assurer la majoritaux conciliateurs, les bolchviks ont une reprsentation minoritaire mais non ngligeable, des groupements petit­bourgeois sont galement reprsents. Mais cette confrence ne montre une fois de plus que son incapacit: ainsi se prononce­t­ elle la majoritpour une nouvelle coalition entre bourgeois et partis sovitistes, tout en ajoutant un amendement qui exclut de toute nouvelle coalition le parti cadet, parti bourgeois reprsentatif. La seule issue est la cration d’une nouvelle instance, le Soviet de la Rpublique (ou Prparlement), constitusur la base des forces prsentes cette confrence, auxquelles s’ajoutent des reprsentants des classes possdantes et des cosaques. Le Comitcentral du Parti bolchvique est divissur la participation ce Prparlement, mais le congrs du parti se prononce finalement pour la participation, contre l’avis de Trotsky et Lnine qui y voient une manire de repousser la question de la prise de pouvoir rvolutionnaire. Toutefois, cette dcision du congrs est souvent conteste par les rsolutions des organisations locales.
Il est galement sorti de la « confrence dmocratique » un nouveau gouvernement de coalition, caractrispar les bolchviks comme un gouvernement de guerre civile contre les masses. Mais cette lutte pour le pouvoir gouvernemental ne s’accompagne bien sr d’aucune mesure pour mettre fin une situation conomique dsastreuse. Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en grve, mais les plus avancs considrent djce mode d’action comme dpasset se rallient l’objectif de l’insurrection. 
 
Frustrations et combat des paysans et des peuples opprims
Dans les campagnes, les mois de septembre et octobre marquent le summum de la rvolte paysanne, qui touche l’ensemble du pays. Les paysans s’emparent des terres des grands propritaires, il y a des violences et des destructions. Les masses les plus pauvres sont aussi les plus radicales, et les reprsentants locaux de l’tat n’osent pas s’opposer ce mouvement, malgrles plaintes des propritaires qui voient dans l’anarchie la trace de l’influence des bolchviks. En fait, ces derniers sont peu prsents dans les campagnes, mais le mouvement chappe aussi largement aux socialistes­ rvolutionnaires, leur programme agraire ayant tabandonnde manire opportuniste pour cause de coalition. En revanche, par l’adquation de leurs mots d’ordre aux revendications des paysans les plus pauvres, les bolchviks parviennent s’implanter peu peu dans les campagnes, moins directement que par l’influence des soldats revenant du front, oils ont té éduqus politiquement.
Au mme moment, les diffrentes peuples opprims de l’empire tsariste dchu se soulvent eux aussi. Le renversement de la monarchie n’a pas impliqupour eux de rvolution nationale. La domination du pouvoir grand­russe, sous la pression de la bourgeoisie imprialiste, est toujours l’œuvre. Les peuples opprims ont simplement acquis une galitdes droits civiques, non l’indpendance qu’ils rclament. Dans les territoires les plus arrirs, ola domination grand­russe a pris les formes de la colonisation, les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central. Le Parti bolchvique est peu implantparmi les peuples opprims de l’ex­empire tsariste, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la question nationale comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance son gard, d’autant plus quand il y a concidence des antagonismes sociaux et nationaux. 

Les prparatifs de l’insurrection
Sous la pression des vnements et de la radicalisation des masses, les bolchviks ont rapidement volué à gauche. Malgrl’opposition de Kamenev, il est dcidune sortie dmonstrative du Prparlement (7 octobre), Trotsky y dnonant la reprsentation exagre des possdants, la politique conomique du gouvernement, et en appelant au peuple pour la dfense de la rvolution et l’instauration du pouvoir des soviets. Ce Prparlement se montre de toute faon incapable de trancher les questions les plus graves selon lui, comme celle des moyens de rendre l’arme son ardeur combative. Les bolchviks consacrent leur nergie l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lnine est toujours rfugien Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent la perspective de l’insurrection qui se dessine...), mais l’agitation est efficace dans les masses.
Un congrs des soviets est convoqupour le 20 octobre. Pour les bolchviks, ce congrs doit marquer l’instauration du pouvoir des soviets. Les conciliateurs, qui s’taient tout d’abord rallis ce congrs, le dsavouent ensuite ; cette attitude ne fait qu’acclrer le ralliement la ligne bolchvik des soviets les plus retardataires.
Aprs s’tre battu pendant plusieurs semaines contre le Comitcentral du parti bolchvik (tout comme en avril), Lnine parvient enfin, le 10 octobre, rallier une majorité à une motion qui met l’ordre du jour immdiat la prparation de l’insurrection. Les conditions politiques sont maintenant mres pour cette insurrection (en particulier grce l’attitude des paysans), il est donc urgent de s’atteler la tche.
Les opposants cette perspective parmi les bolchviks, principalement Kamenev et Zinoviev, mais qui se retrouvent tous les chelons du parti, ont encore des illusions sur une transition institutionnelle vers un pouvoir des soviets : ils veulent attendre le Congrs des soviets, voire l’Assemble constituante — dont les lections sont en prparation, le gouvernement les ayant longtemps repousses, mais ayant dcidde les convoquer pour essayer de sauver le rgime. Zinoviev et Kamenev, allant jusqu’rompre la discipline du parti, parlent d’ « aventurisme », craignant qu’une insurrection fasse perdre aux bolchviks la confiance des masses.
L’insurrection est malgrtout programme, prvue initialement pour le 15 octobre, et en tout cas avant que ne se runisse le congrs des soviets : forts de l’exprience historique de la Commune de Paris, les bolchviks savent parfaitement que la bourgeoisie, toute dmocratique qu’elle se prtende, ne se laissera pas prendre le pouvoir sans y tre contrainte par la force. En outre, l’attitude des conciliateurs depuis fvrier, refusant de rompre avec la bourgeoisie mme quand celle­ci affichait le plus son caractre ractionnaire, montre qu’ils devront eux aussi tre mis au pied du mur pour ventuellement accepter que les soviets prennent enfin tout le pouvoir.
Les antagonismes dus la dualitdes pouvoirs s’accentuent. Le soviet de Ptrograd dcide la cration d’un Comitmilitaire rvolutionnaire (avec sa tte un jeune socialiste­rvolutionnaire de gauche, Lasimir), dans le but de contrler la dfense de la capitale (notamment pour empcher la dispersion des troupes rvolutionnaires par le gouvernement). Il est galement créé une section de la garde rouge (ouvriers arms), place avec la garnison sous la direction du Comitmilitaire. Le gouvernement s’inquite de ces dmonstrations de force, comprenant ce qui se prpare. Il rclame les troupes de Ptrograd pour le front, mais la dlgation du soviet tient tte et refuse ce prlvement.
Le Comitmilitaire poursuit ses prparatifs, avec en particulier des mesures prventives contre les forces contre­rvolutionnaires (junkers, cosaques, cent­noirs). Pendant les jours qui prcdent le congrs des soviets (finalement repoussau 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchviks. Mais ceux­ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Ptrograd et des alentours leur sont acquises. Les meetings renforcent la fois les masses et leurs dirigeants dans l’ide que tout est prt pour l’insurrection. La dernire tape est la conqute politique, suite un meeting de Trotsky, des soldats de la forteresse Pierre­et­Paul, jusque­lrfractaire l’autoritdu Comitmilitaire. 

Le droulement de l’insurrection
Le 23 octobre, l’tat­major de l’arme officielle est dfinitivement relevde son commandement sur les troupes de Ptrograd. Le Parti bolchvik n’attend plus que le gouvernement fasse le premier geste d’offensive comme signal de dpart pour l’insurrection, qui sera d’autant plus efficace et suivie qu’elle se parera des couleurs de la dfensive...
Dans la nuit du 23, le gouvernement dcide des poursuites judiciaires contre le Comitmilitaire, et la mise sous scells des imprimeries bolchviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paratre les journaux, et ils demandent des ordres pour la dfense du palais de Smolny (sige du Comitmilitaire). Le croiseur « Aurore » se met aussi disposition.
La journe du 24 est occupe la rpartition des tches pour les bolchviks. Pendant ce temps­l, les dfections de troupes continuent parmi celles qui taient jusque­lcontrles par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au Prparlement, Krensky dcrte des mesures contre les bolchviks, mais les troupes qu’il a encore sa disposition (junkers, cosaques) sont trop faibles par rapport l’adversaire pour les excuter.
Dans la nuit du 24, le Comitmilitaire fait occuper les centres nvralgiques de Ptrograd. Des troupes de junkers et des officiers sont arrts et dsarms. Parfois, les bolchviks font preuve d’une trop grande indulgence envers les ennemis : srs de leur force, ils esprent le moins de violence possible ; ils auront plus d’une fois le regretter par la suite, pendant la guerre civile. Quant aux conciliateurs du Comitexcutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection ; ils n’ont dsormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le proltariat.
Le matin du 25, le Comitmilitaire annonce qu’il a pris le pouvoir et que le gouvernement est dmis. En fait, celui­ci sige toujours au Palais d’hiver, dont la prise a tretarde (le comita bien des lacunes dans la science militaire). Dans la journe, le Prparlement est vacusans arrestation. La prise de la capitale s’est globalement droule dans le calme, comme un relvement de la garde...
La seule tche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchviks, on commence s’agacer du retard : il faut que l’action soit mene avant l’ouverture du Congrs des soviets, afin de mettre les conciliateurs devant le fait accompli. Le dispositif de dfense du Palais d’hiver est en dliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite une canonnade purement dmonstrative de l’ « Aurore », le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouvernement est arrtsans effusion de sang, l’exception de Krensky qui a russi s’enfuir vers le front. 

Ouverture du Congrs des soviets
Le Congrs des soviets est djruni depuis le matin du 25, et les conciliateurs ne reprsentent qu’un quart des dlgus. La premire journe est consacre aux runions de fractions. Tous attendent le dnouement du sige du Palais d’hiver avant de commencer les discussions. Un bureau du Congrs est form, avec 14 bolchviks et 7 socialistes­rvolutionnaires de gauche. Lnine, prsent, n’apparat pas encore publiquement.
Les conciliateurs refusent la proposition d’un front unique de la dmocratie sovitique. Aprs l’annonce de la prise du Palais d’hiver, il ne reste au Congrs que les bolchviks, les socialistes­ rvolutionnaires de gauche et les mencheviks internationalistes.
Le Congrs apprend que les troupes du front qui avaient tdsignes par Krensky pour rprimer l’insurrection se rangent du ctde celle­ci. Le matin du 26 octobre, on peut annoncer que le pouvoir est dsormais aux mains des soviets.
Les premires mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrs lui­mme, dans la nuit du 26 au 27. Il s’agit « d’difier l’ordre socialiste », dclare Lnine, qui peut enfin apparatre publiquement, la tribune. Les premires mesures prises par le Congrs sont donc un appel tous les pays belligrants pour mettre fin la guerre et discuter d’une paix juste et dmocratique, un dcret qui reconnat que la terre appartient aux paysans, et la cration du nouveau gouvernement : le « soviet des commissaires du peuple »... 

Russie, 1917­1918 : les Bolchéviks au pouvoir, premières mesures d'un gouvernement authentiquement révolutionnaire
L’criture et la r­criture de l’histoire n’occupent pas la dernire place parmi les instruments utiliss pour perptuer l’exploitation et l’oppression de l’immense majoritqui va ncessairement de pair avec le capitalisme. Depuis longtemps, mais avec une vigueur redouble depuis une quinzaine d’annes, la bourgeoisie s’efforce de discrditer la rvolution d’Octobre et par lle communisme en gnral. l’cole comme dans les mdias, la premire rvolution proltarienne victorieuse est sans cesse prsente comme un coup d’tat aussi sanguinaire qu’inutile. Cette dformation de l’histoire est la poursuite sous une forme adapte l’poque prsente de la lutte que tous les tats bourgeois ont mene pour anantir le premier tat ouvrier en appuyant la guerre civile engage par les classes dominantes dchues et leurs flancs­gardes de gauche, et en envoyant autant que possible leurs propres troupes pour s’efforcer de renverser la Rpublique sovitique naissante. Quelle tait donc cette politique que la bourgeoisie voulait tout prix abattre ? Quelles furent les premires mesures prises par le gouvernement rvolutionnaire lu par le congrs pan­russe des soviets en octobre 1917 ? En quoi la politique du Conseil des commissaires du peuple dirigpar les bolchviks partir d’Octobre se distinguait­elle de celle mene par les menchviks et socialistes­rvolutionnaires (S­R) entre fvrier et octobre ?
Pour bien comprendre cette diffrence, il faut rappeler d’abord que, au lendemain de la rvolution de Fvrier 1917, les menchviks et les socialistes­rvolutionnaires taient majoritaires dans les soviets (conseils) qui surgirent dans tout le pays, la ville et la campagne. Le soulvement des ouvriers et des soldats les avait ports au pouvoir : aucun ordre n’tait excutpar les ouvriers ou les soldats, s’il n’tait contresignpar le soviet. Pourtant, les menchviks et les S­R remirent le pouvoir la bourgeoisie, en soutenant la formation d’un gouvernement provisoire dominpar les partis bourgeois. Aprs les journes d’avril, ils devinrent galement majoritaires dans le gouvernement provisoire. Ils ne pouvaient ds lors plus se cacher derrire ce dernier pour justifier leur capitulation devant la bourgeoisie : la politique mene tait, mme formellement, de leur entire responsabilit. Il faut ajouter que, jusqu’aux journes de juillet, les bolchviks, encore minoritaires, promettaient leur soutien aux menchviks et aux S­R contre la bourgeoisie, si ceux­ci rompaient avec elle, c’est­­dire s’engageaient sur la voie d’une politique conforme aux intrts du proltariat, ft­elle insuffisante.
Ces faits ont tprsents et expliqus dans les quatre prcdents numros du CRI des travailleurs, retraant le cours des vnements de l’anne 1917 jusqu’la prise du pouvoir par les soviets sous la direction des bolcheviks en Octobre. Nous prsentons ici les premires mesures prises par le nouveau gouvernement, un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs (ouvriers et paysans) : le gouvernement sovitique dirigpar les bolcheviks. 

Le combat pour la paix
La toute premire mesure fut de lancer un appel « aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligrantes » en vue d’une « paix dmocratique juste », c’est­­dire « immdiate, sans annexions (...) et sans rparations ». Le texte prcise que « par annexion (...), le gouvernement entend (...) toute incorporation un tat, grand ou puissant, d’une nationalitpetite ou faible, sans le consentement et le dsir formel, clairement exprim, de cette dernire ». Il rejette tous les prtextes habituellement utiliss pour justifier de telles pratiques : anciennetde l’annexion, retard conomique, archasme politique, etc. En effet, « le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanit». L’appel prcise encore la dcision du gouvernement sovitique d’abolir la diplomatie secrte et de « mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ».
Le texte inclut aussi une proposition d’armistice immdiat, afin de rendre possibles des ngociations immdiates. Rdigpar Lnine, il est dlibrment souple, prcisant que le gouvernement accepterait d’«examiner toutes autres conditions de paix»: en cas de poursuite de la guerre, l’entire responsabilitdevait en incomber aux rapaces imprialistes. Le gouvernement rvolutionnaire comptait ouvertement avant tout sur l’initiative rvolutionnaire du proltariat des principaux pays imprialistes d’Europe (Angleterre, France, Allemagne) pour atteindre ces objectifs. L’exprience russe confirmait en effet que seule la conqute du pouvoir par le proltariat, c’est­­dire la transformation de la guerre imprialiste en guerre civile entre le proltariat et la bourgeoisie, pouvait permettre de mettre un terme cette guerre. Pour leur part, les mencheviks et les S­R au pouvoir avaient continud’envoyer ouvriers et paysans se faire tuer pour agrandir le territoire russe vers le Sud et sauvegarder les intrts des brigands imprialistes franais et anglais. Par contre, les bolchviks, fidles au socialisme, ont constamment refusde soutenir la guerre imprialiste, expliquant patiemment aux travailleurs qu’on ne pouvait mettre fin la guerre sans prendre le pouvoir. Et, aprs avoir conquis le pouvoir, ils ont fait tout ce qui tait en leur pouvoir pour raliser ce programme, en s’appuyant sur les masses. En refusant les propositions du gouvernement ouvrier et paysan et en poursuivant la grande boucherie, toutes les bourgeoisies ont montrque leurs discours sur les horreurs de la guerre, les droits de l’homme et la paix ne sont faits que pour tromper le peuple ; la ralit, c’est l’apptit sans limite des patrons et de leurs tats. 

Les liberts dmocratiques
La libration des nationalits de l’oppression grand­russe

Appliquant la Russie elle­mme ce qu’il exigeait formellement de tous les pays (c’est­­dire en ralitce qu’il appelait tous les proltariats et paysanneries d’Europe raliser par leur lutte rvolutionnaire), le gouvernement sovitique dcrta « l’galitet la souverainetde tous les peuples de Russie », c’est­­dire le « droit des peuples de Russie disposer librement d’eux­mmes, y compris le droit de scession et de formation d’un tat indpendant », « l’abolition de tout privilge et restriction de caractre national ou religieux » et « le libre dveloppement des minorits nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe». En consquence, la Finlande proclame son indpendance le 6 dcembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement sovitique a accordl’indpendance des peuples peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avance allemande. Mais, si l’indpendance (mme formelle) de la plupart de ces pays a treconnue la fin de la guerre par les puissances imprialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle la vague rvolutionnaire qui dferle sur l’Europe partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement ouvrier et paysan supprima totalement l’intrieur mme de ses frontires toute discrimination en fonction de la nationalitou de la religion — alors qu’cette poque, dans bien des tats bourgeois , de telles restrictions taient encore lgales, y compris les restrictions pour l’accs certains mtiers pour les Juifs par exemple. 

Abolition des ordres et des grades, galitentre hommes et femmes
Le gouvernement sovitique prit toutes les mesures dmocratiques radicales dans le domaine politique, assurant l’galitformelle parfaite de tous les citoyens : les ordres (noblesse, clerg, etc.) et les privilges qui y taient lis sont abolis, ainsi que tous les titres nobiliaires et qualifications ; les biens de ces ci­devant privilgis sont immdiatement confisqus. La loi accorde exactement les mmes droits aux femmes qu’aux hommes, y compris le droit de vote (alors que, dans la plupart des pays capitalistes, cela ne viendra qu’aprs la rvolution russe, voire aprs la Seconde Guerre mondiale, comme en France...) et galittotale des droits dans le mariage (alors que, en France, par exemple, les ingalits de droits entre la femme et l’homme ne seront intgralement supprimes que dans les
annes soixante !). 

Enseignement gnral obligatoire, laque et gratuit
La Russie est un pays dans lequel, en 1917, l’crasante majoritde la population ne sait ni lire, ni crire. C’est videmment un obstacle considrable la mise en place d’une dmocratie authentique et tout dveloppement conomique moderne. C’est pourquoi le gouvernement dcide la mise en place d’un enseignement gnral, obligatoire et gratuit. Il supprime toutes les barrires lgales l’accs des enfants d’ouvriers et de paysans l’enseignement suprieur gnral et technique.
Les bolchviks sont bien sr parfaitement conscients que ces mesures en elles­mmes ne sauraient assurer l’galitrelle entre tous les citoyens. Lnine explique inlassablement cette vritessentielle, par exemple propos de la question de l’galitentre hommes et femmes : « Naturellement, les lois ne sont pas suffisantes, et nous ne nous contentons pas de dcrets. Mais, dans le domaine lgislatif, nous avons fait tout le ncessaire pour lever la femme au niveau de l'homme et nous pouvons en tre fiers. La situation de la femme dans la Russie des Soviets peut servir d'idal aux tats les plus avancs. Pourtant, ce n'est encore lqu'un commencement. La femme dans le mnage reste encore opprime. Pour qu'elle soit rellement mancipe, pour qu'elle soit vraiment l'gale de l'homme, il faut qu'elle participe au travail productif commun et que le mnage privn'existe plus. Alors seulement, elle sera au mme niveau que l'homme (...). La femme a beau jouir de tous les droits, elle n'en reste pas moins opprime en fait, parce que sur elle psent tous les soins du mnage (...). Nous crons des institutions modles, des restaurants, des crches, pour affranchir la femme du mnage. Il faut reconnatre qu'l'heure prsente en Russie ces institutions, qui permettent la femme de sortir de sa condition d'esclave domestique, sont trs rares. Leur nombre est infime et les conditions militaires et alimentaires actuelles sont un obstacle leur accroissement. Il convient cependant de dire qu'il en surgit partout os'offre la plus petite possibilit. Nous disons que l'mancipation des travailleurs doit tre l’œuvre des travailleurs eux­mmes. De mme, l'mancipation des travailleuses sera l’œuvre des travailleuses elles­mmes. Les travailleuses doivent veiller elles­mmes au dveloppement de ces institutions ; elles arriveront ainsi changer du tout au tout le sort qui leur tait fait dans la socitcapitaliste. » (1

Les mesures conomiques La terre aux paysans
Le dcret sur la terre fut la deuxime mesure prise par les bolchviks. La propritprive du sol est abolie (la terre ne peut tre ni vendue, ni achete, ni hypothque), le sol et le sous­sol (minerai, ptrole, charbon, etc.) deviennent proprits de l’tat sovitique, les domaines des grands propritaires fonciers et de l’glise, avec tous leurs btiments et dpendances, ainsi que le cheptel mort ou vif sont confisqus sans indemnits, mais non les terres ni le cheptel des simples paysans ou cosaques. Le dcret prvoit djque les grands domaines ne seront pas partags en petites parcelles mais devront tre cultivs de faon collective.
La loi du 6 fvrier 1918 sur la socialisation de la terre prcise les conditions de la jouissance galitaire du sol : « Dans les limites de la Rpublique Fdrative Sovitique de Russie, peuvent jouir de lots de terre en vue d'assurer les besoins publics et personnels : A) pour les œuvres ducatives culturelles : 1. l’tat reprsentpar les organes du pouvoir sovitique (...). 2. Les organisations publiques (sous le contrle et avec l'autorisation du pouvoir sovitique local). B) Pour l'exploitation agricole : 3. Les communes agricoles. 4. Les associations agricoles. 5. Les communauts rurales. 6. Les familles ou individus... » (Art. 20). Elle dispose que la gestion des terres sous la direction du pouvoir sovitique a pour objet de « dvelopper les exploitations agricoles collectives plus avantageuses au point de vue de l'conomie du travail et des produits, par absorption des exploitations individuelles, en vue d'assurer la transition l'conomie socialiste » (Art. XI, paragraphe e).
On entend souvent dire que les bolchviks auraient « vol» leur programme agraire aux S­R. Cela est absolument faux, pour au moins trois raisons. Premirement, lorsque les S­R ont tau pouvoir de fvrier octobre, ils n’ont pas procdau partage galitaire des terres ; car, pour cela, il leur aurait fallu exproprier (et donc affronter) les 30 000 propritaires fonciers qui possdaient eux seuls autant de terres que les 10 millions de familles paysannes ; en fait, les S­R se sont mme opposs aux paysans autant qu’ils le pouvaient : ils taient rvolutionnaires en paroles, mais des valets de la noblesse fodale et de la bourgeoisie en fait. Deuximement, ce sont dans la plupart des cas (70 % des provinces) les paysans eux­mmes qui ont conquis les terres par leur lutte de classes en expropriant les propritaires fonciers : les bolchviks ont lgalisun tat de fait. Troisimement, les mesures prises par les bolchviks dans le domaine agraire sont certes, en leur essence, simplement dmocratiques­ bourgeoises radicales (en effet, si la propritprive du sol est abolie, la production en revanche reste pour l’essentiel prive, car les petits paysans auxquels les terres sont loues par l’tat sovitique produisent pour vendre sur le march) ; cependant, la bourgeoisie russe s’tait rvle incapable de raliser mme partiellement une telle rforme, en raison de sa faiblesse et de ses liens avec l’aristocratie foncire. En fait, il tait invitable d’en passer par l, car « l'ide et les revendications de la majoritdes travailleurs, ce sont les travailleurs eux mmes qui doivent les abandonner : on ne peut ni les "annuler", ni "sauter" par dessus » (2). Pourtant, ces mesures dmocratiques­bourgeoises radicales prises par le nouveau gouvernement sovitique taient dj, autant que le permettaient les rapports de force entre les classes, orientes vers le socialisme, c’est­­dire l’exploitation collective du sol dans de grandes fermes modernes selon un plan fixpar les travailleurs eux­mmes runis dans leurs conseils : le gouvernement refuse la division des grands domaines, prvoit de privilgier la culture du sol par des communauts au lieu d’individus et dcide de dvelopper des exploitations modles pour convaincre pratiquement les paysans de la suprioritde cette forme d’agriculture. 

L’industrie : nationalisation des grandes entreprises et contrle ouvrier
La principale mesure prise par les bolchviks pour assurer un bon fonctionnement de l’industrie fut la lgalisation et la gnralisation du contrle ouvrier ds le 27 octobre 1917. Il portait sur la production, la conservation, l’achat et la vente de tous les produits et de toutes les matires premires dans toutes les entreprises employant au moins 5 salaris et ralisant un bnfice d’au moins 10 000 roubles. Il devait tre exerc, selon la taille de l’entreprise, soit directement par les ouvriers, soit par l’intermdiaire de leurs reprsentants. Le dcret prcisait que « tous les livres de comptabilitet les documents, sans exception, ainsi que tous les stocks et dpts de matriaux, outils et produits, sans aucune exception, doivent tre ouverts aux reprsentants lus par les ouvriers et les employs » et que « les dcisions des reprsentants lus par les ouvriers et les employs sont obligatoires pour les propritaires des entreprises et ne peuvent tre annules, sauf par les syndicats et par les congrs syndicaux ». L’objectif de ces mesures est double : d’une part, il s’agit pour le gouvernement sovitique d’assurer le plus vite possible le fonctionnement le plus efficace possible de l’conomie, ce qui implique avant tout de se doter de tous les moyens ncessaires pour combattre le sabotage probable de la part des capitalistes et de nombreux spcialistes lis la bourgeoisie ; d’autre part, le but est de permettre aux ouvriers de se former ainsi peu peu la gestion d’une entreprise. En ce sens, la contrle ouvrier est une mesure transitoire dirige vers la gestion ouvrire directe.
Ensuite, peu peu, au cours de l’anne 1918, le gouvernement nationalise les principaux trusts et les grandes entreprises : elles deviennent la propritde l’tat sovitique ; leur gestion est assure par les reprsentants lus des ouvriers de l’usine en question, sous la direction du pouvoir sovitique. cet effet est créé un organisme spcial, le Conseil suprieur de l’conomie nationale, composessentiellement de dlgus des syndicats ouvriers. Cette institution a pour but d’organiser rationnellement la production l’chelle de l’ensemble de la Rpublique selon les dcisions politiques prises par le pouvoir sovitique. Un institut national de statistiques est mis en place pour contribuer la ralisation de cette tche.
Dans la mesure oelles restent partielles et se font sur la base d’une conomie qui reste capitaliste, ces mesures reviennent mettre en place ce que Lnine appelle un « capitalisme d’tat ». Il est vrai que, la mme poque — mais bien plus encore aprs la Deuxime Guerre mondiale —, les principaux pays capitalistes europens nationalisent certaines entreprises et s’efforcent de planifier la production (au moins celle des industries de guerre). Mais les nationalisations ralises par l’tat sovitique, ont un caractre diffrent : elles prparent la nationalisation intgrale et l’organisation de toute la production en fonction des besoins, c’est­­dire la planification socialiste ; elles sont donc orientes vers le socialisme. 

La nationalisation des banques
Le gouvernement sovitique dcide que le systme bancaire devient un monopole d’tat : « Toutes les banques prives et tous les comptoirs bancaires existants sont fusionns dans la Banque d’tat », qui « prend son compte l’actif et le passif des tablissements liquids ». Le dcret prcise que « les intrts des petits dposants seront entirement sauvegards ». Cette mesure a pour objet d’une part de briser un des instruments dcisifs de la domination du grand capital et constitue le pralable toute rorganisation de l’conomie de faon rationnelle dans l’intrt de l’immense majorit

Le systme d’assurance sociale
Il n’est pas rare d’entendre dire que l’ide d’un systme d’assurance sociale est ne dans la tte de quelque grand rformateur bourgeois, dans celle de Beveridge par exemple, ou dans le programme du Conseil National de la Rsistance. En vrit, ces projets ne sont que la rplique bourgeoise du premier systme complet d’assurance sociale, qui a tmis en place par le premier tat ouvrier. S’il existe aujourd’hui dans la plupart des pays imprialistes un tel systme d’assurance sociale, les travailleurs de ces pays le doivent avant tout la lutte de classe rvolutionnaire du proltariat russe, ainsi qu’celle des autres proltariats d’Europe entre les deux guerres et surtout au sortir de la Deuxime Guerre mondiale (lutte qui n’a pas dbouchsur la prise du pouvoir par le proltariat dans ces pays parce qu’elle a ttrahie par les dirigeants rformistes, staliniens et sociaux­dmocrates).
Lencore, les menchviks et les S­R au pouvoir n’avaient pas satisfait cette revendication essentielle des travailleurs. Les grandes lignes de la politique bolchvique en la matire sont exposes dans la proclamation de Chliapnikov (Commissaire du peuple au travail) : « 1) Extension des assurances tous les salaris sans exception, ainsi qu’aux indigents des villes et des campagnes ; 2) Extension des assurances toutes les catgories d’incapacitau travail, notamment la maladie, les mutilations, l’invalidit, la vieillesse, la maternit, la perte du conjoint ou des parents, ainsi que le chmage ; 3) Obligation pour les employeurs d’assumer la totalitdes charges sociales ; 4) Versement d’une somme au moins gale au salaire intgral en cas d’incapacitde travail ou de chmage ; 5) Gestion entirement autonome de toutes les caisses d’assurances par les assurs eux­mmes. » Voilencore un exemple de ce que l’cole et la presse de la bourgeoisie cachent aux masses d’aujourd’hui.
Lencore, les mesures conomiques et sociales prises par le gouvernement dirigpar les bolchviks n’impliquent pas encore le socialisme : le proltariat ayant pris le pouvoir dans un pays attard, ola bourgeoisie, pour des raisons sociales et politiques, ne pouvait accomplir sa mission historique (3), devait invitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tches dmocratiques­bourgeoises de la rvolution. Mais, chaque fois, les mesures sont ralises de faon prparer l’avenir, c’est­­ dire prcisment le passage du « capitalisme d’tat » sovitique au socialisme : en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie sovitique des tats capitalistes de l’poque qui en raison des ncessits de la guerre ont aussi procdé à une srie de mesures de nationalisations, c’est la structure de l’tat. 

Soviets, comits d’usine, milices ouvrires : l’tat­ Commune
En effet, l’ensemble du pays est gouvernpar les soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats : ce sont des conseils regroupant des dlgus lus intervalles rguliers. Les soviets locaux lisent en leur sein un comitexcutif, ainsi que les dlgus formant, avec des dlgus d’autres soviets, le soviet de l’chelon immdiatement suprieur (district, province et rgion). Les dlgus de l’ensemble des soviets rgionaux forment le Congrs pan­russe des soviets, qui lit un ComitExcutif de 200 membres et le Conseil des commissaires du peuple (chaque commissaire est flanqude cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses dcisions devant le ComitExcutif). Le systme de reprsentation donne proportionnellement cinq fois plus de dlgus aux ouvriers et aux soldats qu’aux paysans (4). Les soviets agissent chaque chelon de faon autonome, dans le cadre fixpar le soviet de niveau suprieur, sous la direction gnrale du Conseil des commissaires du peuple.
Entre octobre 1917 et juillet 1918, c’est­­dire jusqu’au dclenchement de la guerre entre la Russie et les principales puissances imprialistes, ainsi que la guerre civile, les ouvriers, les paysans et les soldats russirent organiser quatre congrs pan­russes des soviets (octobre 1917, janvier, mars et juillet 1918) (5). C’est donc bon droit que les bolchviks ont affirmque la dmocratie sovitique tait une forme de dmocratie suprieure celle de la rpublique bourgeoise. De fait, ce systme de gouvernement permet aux ouvriers, aux paysans et aux soldats de contrler de faon permanente l’activitde ceux qu’ils ont lus pour les reprsenter : ils ont plusieurs fois par an la possibilitde les remplacer si leurs positions ne leur semblent plus conformes leurs intrts. C’est ainsi que les bolchviks, qui n’avaient que 13 % des dlgus en juin 1917, obtinrent 51 % des dlgus cinq mois plus tard au IIe congrs pan­russe des soviets : entre­temps, les masses avaient pu faire l’exprience du gouvernement des menchviks et des S­R. Les bolchviks progressent continuellement par la suite : ils ont 61 % des dlgus en janvier 1918, 64 % en mars 1918 et 66 % en juillet 1918. C’est la preuve que les masses approuvent fondamentalement leur politique. De mme, les S­R de gauche, c’est­­dire ceux parmi les S­R qui ont soutenu la rvolution d’Octobre et participent au gouvernement sovitique, sont majoritaires de faon crasante sur les S­R de droite, qui ont condamnla rvolution d’Octobre : ils obtiennent 125 dlgus au Comitexcutif lu par le Congrs des soviets en janvier 1918. Quant aux S­R de droite, qui condamnent la dmocratie sovitique, ils n’en bnficient pas moins de cette dmocratie : ils peuvent librement dfendre leurs positions et obtiennent 7 dlgus au Comitexcutif lu par le Congrs.
Parmi les toutes premires mesures du nouveau gouvernement, il y eut galement l’appel la constitution par chaque soviet d’une milice propre. l’opposde l’tat bourgeois ol’arme et la police sont des dtachements spciaux d’hommes arms, servant les besoins de rpression du mcontentement ou du soulvement populaire, l’tat sovitique dirigpar les bolcheviks est caractrispar le fait que le pouvoir est dtenu par le peuple en armes : c’est la seule garantie srieuse que la violence soit toujours utilise dans l’intrt des ouvriers et des paysans et non contre eux.
Enfin, un systme de Comits d’usine complte le systme politique de l’tat ouvrier. Ce sont eux qui assurent le contrle ouvrier en relation avec les soviets.
Ainsi, les bolchviks, marxistes fidles au combat du proltariat pour son auto­mancipation, ont­ils agi ds la prise du pouvoir pour briser la machine de l’tat bourgeois et la remplacer par un tat du type de la Commune de Paris de 1871, c’est­­dire un tat dans lequel tout travailleur peut participer directement et activement la vie politique. 

Voilquelle fut la ralitde la politique marxiste rvolutionnaire des bolchviks aprs la prise du pouvoir. Toutes ces mesures lmentaires, les menchviks et les S­R avaient refusde les prendre : ils n’taient pas des socialistes d’une autre nuance, mais des valets de la bourgeoisie. Comme trotskystes, c’est­­dire bolchviks­lninistes, nous revendiquons la continuitdu combat pour l’tat­Commune, la dictature du proltariat.
Comme le gouvernement sovitique dirigpar les bolchviks a tl’objet de calomnies sans nombre et de faux procs, nous reviendrons dans nos prochains numros sur quelques­uns des « arguments » favoris des ennemis de la rvolution d’Octobre, commencer par la question de la dissolution de l’Assemble constituante par le pouvoir sovitique, la signature de la paix spare avec l’Allemagne imprialiste Brest­Litovsk, l’attitude des bolchviks l’gard des S­R de gauche et des anarchistes, etc. 

1) Lnine, Les Objectifs généraux du mouvement féminin, Discours prononcé à la Confrence des ouvrires sans­parti de Moscou (23 septembre 1919).
2) Lnine, La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, « Servilité à l’gard de la bourgeoisie sous couvert d’ "analyse conomique" ».
3) Sur ce point, cf. les deux articles consacrs la rvolution russe de 1905 dans Le CRI des travailleurs n° 10­11 (janvier­fvrier 2004) et n° 12 (avril 2004).
4) Nous reviendrons sur la justification politique de cette disposition, que certains jugent critiquable (attentatoire la dmocratie), dans notre prochain article.
5) Il y avait djeu un congrs pan­russe des soviets en juin 1917, une poque oles soviets n’taient pas encore la nouvelle forme de l’tat.






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