L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) Le Mouvement Libéral Citoyen - (pour une démocratie libérale populaire) - MLG
B) Libéraux de gauche de Wikiberal
C) Emmanuel Macron, sera t-il le premier réformateur libéral de gauche ? - Alain Cohen-Dumouchel - Gauche libérale. - Gauche libérale, la grande amnésie
D) Audier Serge, « Introduction / Le socialisme libéral, une voie d'avenir pour la gauche ? »,
Le socialisme libéral, Paris, La Découverte , «Repères», 2006, 128 pages
E) Jules Ferry, libéral de gauche - france culture
F) Edmund Burke (1729-1797) par Denis Touret
G) La gauche, la droite, le libéralisme - par Matthieu Longobardi - Ouvrez-vous
H) Le libéralisme par la voie de gauche - Née avec la Révolution, l'idée d'autonomie
de l'individu a été mise à mal par l'Etat tout-puissant au XXe siècle.
L'ère numérique pourrait lui être fatale. - Le Révolutionnaire, l'Expert et le Geek Combat pour l'autonomie (Par Gaspard Koenig, Plon, 272 pages ; 15,90 euros)
I) Divers liens
A) Le Mouvement Libéral Citoyen - (pour une démocratie libérale populaire)
Fondé au
début de l’année 2010, le Mouvement des Libéraux de Gauche veut
rassembler tous les libéraux de progrès qui ne trouvent aujourd’hui
aucune tribune dans le champ politique français.
A
l’heure où la gauche cherche une nouvelle voie, peine à se réinventer
et à proposer aux Français un chemin d’espoir, le temps est venu de
raviver un message oublié : celui d’une gauche libérale, celle des
Lumières, du Droit et de la Raison, qui a inspiré la Révolution de 1789
et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
A
mille lieues des recettes étatistes et collectivistes éternellement
recyclées par la vieille gauche, le MLG appelle à la renaissance d’une
gauche individualiste et émancipatrice qui se donne pour nouvelle
frontière, comme l’a fort bien dit un député socialiste il y a quelques
temps, d’apporter à chaque individu les moyens de son autonomie.
Ce
n’est pas en renforçant encore les pouvoirs de l’État et des
administrations que nous construirons une société plus juste, mais bien
en luttant contre les privilèges et les statuts particuliers, en
favorisant l’égalité des chances et l’accès libre au marché, en
promouvant l’initiative individuelle et la responsabilité, en défendant
les libertés fondamentales.
Annoncée
dans un premier temps sur Facebook, la création du mouvement a aussitôt
été saluée par des militants issus de différentes formations
politiques, du Parti Socialiste à la Gauche Moderne, en passant par le
Modem, les Radicaux de Gauche, Alternative Libérale et le Parti
Libéral-Démocrate.
David
Poryngier, initiateur et premier Président du mouvement, fut l’un des
fondateurs d’Alternative Libérale il y a quelques années, formation sur
laquelle il jette désormais un regard critique : « A vouloir
rassembler les sympathisants libéraux de tous horizons, des plus
progressistes aux plus réactionnaires, AL a fini par mécontenter tous
ses militants. »
Convaincu
que de nombreux français partagent les valeurs libérales tout en se
sentant profondément à gauche, il ne voit là aucune contradiction :
« Le socialisme n’a été qu’une parenthèse dans l’histoire de la gauche : celle-ci a été libérale avant d’être marxiste et doit le redevenir aujourd’hui si elle ne veut pas disparaître ».
Les projets du mouvement dans les prochains mois :
« rassembler ceux qui attendaient depuis longtemps cette initiative pour s’engager, poser les fondations d’un mouvement pérenne et avancer des idées nouvelles, parfois taboues, dans le débat politique ».
Le Manifeste du MLG
Nous sommes de gauche et nous sommes libéraux
Ceux
qui ignorent l’histoire des idées y verront un paradoxe. Pour nous, il
s’agit de retrouvailles salutaires et longtemps espérées.
Nous
n’avons pas oublié que le libéralisme, le vrai, est celui des Lumières,
de la Révolution, des Droits de l’Homme et de la République. Gauche et
libéralisme n’ont fait qu’un contre l’Ancien Régime, les privilèges, les
ordres et les corporations. La gauche se méfiait alors de l’État et du
dirigisme. Elle prônait la liberté individuelle, la libre association
des travailleurs, les coopérations volontaires et le mutualisme pour
construire une société plus juste.
Ce
n’est qu’avec l’avènement de l’idéologie marxiste, à la fin du XIXème
siècle, que libéraux et socialistes prirent des chemins
irréconciliables. La gauche s’est longtemps perdue dans ces illusions,
devenues désillusions, et peine encore aujourd’hui, plus de vingt ans
après la chute du mur de Berlin, à retrouver le chemin de la liberté et
du progrès.
Pourtant,
une gauche affranchie du marxisme, réconciliée avec la pensée libérale,
ayant tiré les leçons de l’histoire et des tragédies du XXème siècle,
peut aujourd’hui renaître de ses cendres à condition de se réinventer.
C’est l’entreprise à laquelle nous voulons nous atteler.
La France à bout de souffle
Comme l’Ancien Régime avant la révolution, la France est aujourd’hui organisée sur un mode corporatiste, cogérée par la sphère politique et administrative, les grands groupes industriels et financiers et des syndicats essentiellement au service des « droits acquis » des corps privilégiés, dans la fonction publique et les grandes entreprises.Ce capitalisme de connivence, qu’on tente de faire passer pour du libéralisme alors qu’il en est tout le contraire, est étranger aux principes républicains et profondément inégalitaire. Il est également économiquement inefficace et extraordinairement dépensier de fonds publics. Ses bénéficiaires, à droite comme à gauche, le défendent avec ardeur et résistent à toute réforme qui remettrait leurs statuts et privilèges en cause, aussi modestes soient-ils.
Les autres restent aux portes du paradis. C’est la France des outsiders, ceux qui n’ont ni le pédigrée, ni le carnet d’adresse qui gagent la réussite. C’est la France du travail précaire, des salaires minables, des logements délabrés, des quartiers abandonnés, des écoles de seconde zone, des universités appauvries, des stagiaires méprisés, des entrepreneurs découragés. C’est la France de ceux qui toujours subissent et jamais ne choisissent.
C’est aussi la France de la misère et de la grande pauvreté, scandale infamant dans l’un des pays les plus riches du monde et qui se targue d’un modèle social sans égal, celle de ces centaines de milliers de damnés qui hantent les rues des villes et qu’on ne nomme plus désormais que par un sigle. Celle aussi des retraités dits modestes, qui ne doivent souvent plus qu’aux organisations caritatives de consommer encore des repas chauds.
Il serait illusoire de penser que ces deux France, celle des privilèges et celle des exclusions, vont cohabiter longtemps encore sans s’affronter un jour. Élection après élection, de promesses de rupture en espoirs de changement, c’est toujours la même déception, la même désillusion. Rien ne change et l’égalité par le bas, comme dit la chanson. Avons-nous déjà oublié les émeutes de 2005 ? Les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Ce n’est pas la droite qui libérera le système
Nous n’attendons rien de la droite française. Oscillant entre un conservatisme gestionnaire plus ou moins éclairé pour les uns et un bonapartisme autoritaire et dirigiste pour les autres, elle n’a jamais rien entendu au libéralisme. De Gaulle avait fait la synthèse de ses contradictions, Sarkozy en explore aujourd’hui les impasses.Au pouvoir, elle sert avec arrogance les seuls intérêts des puissants, ne réforme qu’à la marge et méprise le peuple auquel elle ne s’adresse que pour attiser ses peurs. Internet, microbes, climat, immigration, drogues, mondialisation, terrorisme : tout est bon à prendre, jusqu’au moindre fait divers, pour instiller la crainte et mieux étendre sur nos frêles épaules la « protection » de l’État sécuritaire.
Car sous le masque du pseudo-modernisme dont elle s’affuble désormais, c’est bel et bien toujours la même droite conservatrice, ascétique et paternaliste qui est aux affaires. Qui s’étonnera qu’elle sacralise le travail, préfère l’ordre à la justice, flatte les racismes ou promette de « liquider l’héritage de mai 68 » ?
Face à elle, la gauche est introuvable
Orpheline d’idéologie de référence depuis l’effondrement du marxisme, la gauche française l’est aussi de projet. Comme si, en faisant le deuil des lendemains qui chantent, les socialistes avaient aussi renoncé à tout espoir de progrès.Accrochée à ses niches électorales en régions qui sont autant de baronnies, elle n’intéresse plus au niveau national que par ses divisions et se montre incapable de proposer une alternative politique crédible.
Faute de projet, les socialistes donnent dans la démagogie sociale comme la droite le fait en matière sécuritaire. Au programme, toujours les mêmes rengaines : plus de dépenses publiques, plus de fonctionnaires, plus de subventions, plus de régulation, plus de législation, plus d’intervention, plus de protection. Et des impôts pour les riches, bien sur.
Ainsi prétendent-ils maintenir la flamme d’un idéal qui ne consiste plus aujourd’hui qu’à défendre des privilèges sectoriels anachroniques, et un modèle social épuisé qu’ils se refusent à réformer.
Mais la mondialisation des échanges, la révolution numérique, l’évolution des modes de vie et des parcours professionnels, ont transformé en autant d’archaïsmes les solutions que la rhétorique socialiste nous ressasse. Et ce sont les plus pauvres qui subissent aujourd’hui en France l’absence de forces de progrès et de modernisation.
Une autre gauche est possible
L’essence
de la gauche n’est pas d’être dirigiste, étatiste ou interventionniste.
Elle est de favoriser les conditions du progrès, au service de
l’émancipation des hommes et des femmes, dans le respect de leur
liberté. L’oublier a mené les socialistes et les peuples qui en
attendaient la libération dans des impasses tragiques.
Avant
d’être socialiste, la gauche fut libérale et libertaire, humaniste et
hédoniste. Elle a exercé sa volonté émancipatrice au service des
individus, ici et dans le reste du monde. Elle a réinventé une relation
entre l’Etat et les citoyens dans laquelle le premier est le garant des
droits et des libertés des seconds.
Il
est désolant que la gauche française ait refoulé, avec tant de
constance et d’aveuglement, ses racines libérales. Ce n’est qu’en les
redécouvrant et en redonnant toute sa place à la pensée libérale dans sa
réflexion, qu’elle peut redevenir cette gauche généreuse, respectueuse
du libre choix de chacun, qui ouvre les possibles au lieu de les
refermer.
Le temps est venu
de raviver le message de cette gauche libérale, celle des Lumières, du
Droit et de la Raison, mère de la Révolution de 1789 et de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Ce
n’est pas en renforçant encore les pouvoirs de l’État et des
administrations que nous construirons une société plus juste, c’est en
luttant contre les privilèges et les statuts particuliers, en favorisant
l’égalité des chances et l’accès libre au marché, en promouvant
l’initiative individuelle et la responsabilité, en défendant les
libertés fondamentales.
Le Mouvement des Libéraux de Gauche veut favoriser l’émergence en France de
cette gauche nouvelle, à la fois ambitieuse et lucide, lui donner le
poids qu’elle mérite dans le débat politique, et pour cela présenter des
candidats aux élections législatives de 2012.
Vaincre
la grande pauvreté, en finir avec les privilèges, construire un nouveau
modèle social qui laisse toute sa place à la liberté et à l’initiative
des individus, rendre au marché sa véritable nature de lieu d’échange de
biens, d’idées et de solidarités, sortir de la société de la peur, ce
ne sont pas des utopies. Ce sont des ambitions réalisables.
Nous
espérons rassembler tous celles et ceux, libéraux de gauche et de
progrès, qui attendaient depuis longtemps pareille initiative pour
s’engager en politique afin de poser les bases d’un mouvement pérenne,
qui porte ces idées dont la gauche et la France ont aujourd’hui tant
besoin pour envisager à nouveau un avenir meilleur.
Parmi les idées nouvelles que nous voulons explorer, on trouvera en bonne place l’allocation universelle, à laquelle nous consacrerons un colloque à l’automne 2010.
B) Libéraux de gauche de Wikiberal
Le libéralisme est un ensemble de courants qui vise à faire reconnaître la primauté de l'individu. Parmi les libéraux, les libéraux de gauche se distinguent en insistant sur la nécessité d'une certaine égalité des conditions de départ pour tous.
Caractéristiques des libéraux de gauche
Les libéraux de gauche soulignent les limites du principe de première appropriation, qui fait partie du droit naturel, en s'appuyant sur une argumentation a contrario du paragraphe 33 du Traité du gouvernement civil de John Locke [1]. Ils proposent pour rétablir l'égalité des conditions initiales de nombreux mécanismes souvent complexes : allocation universelle, “propriété” collective, principe de compensation, loyer, etc.
Ce qu’ils essaient de faire est de résoudre un conflit : les
ressources sont rares et il faut les répartir entre les individus.
Comment résoudre ce conflit ? Pour eux, la solution apportée par le droit naturel
n’est pas la bonne. Bien qu’ils acceptent le reste du droit naturel,
ils cherchent à le concilier avec un principe de répartition des
ressources qui serait plus égalitaire (notion subjective et qui varie
d’un libéral de gauche à un autre).
Historiquement, on qualifie parfois de libéraux de gauche ceux des libéraux qui en France siégeaient à gauche à l'Assemblée nationale : Frédéric Bastiat, Yves Guyot, etc., la gauche française à l'époque n'étant pas dans sa totalité collectiviste ni étatiste.
Certains libéraux, tels Jean-François Revel, se considèrent comme des hommes de gauche, attachés à une justice sociale qui ne soit pas de la simple redistribution, mais plutôt l'abolition de privilèges étatiques indus.
Applications concrètes
La Gauche libérale a illustré cette vision des choses, en l'illustrant de la situation politique française.
Cette carte dessine le paysage politique français sur deux axes :
- en abscisse, le traditionnel droite-gauche, incontournable curseur médiatique du positionnement politique,
- en ordonnée, le degré de libéralisme des partis politiques, à savoir l'importance qu'ils accordent à la liberté individuelle ou au dirigisme.
Cette représentation, montre donc le libéralisme comme une deuxième
dimension de la vie politique. Le contraire du libéralisme ce n'est ni
la gauche, ni la droite, c'est l'étatisme, le dirigisme et le
constructivisme.
Bien entendu les idées politiques ne se limitent pas non plus, à
cette cartographie en deux dimensions, mais cette représentation s'avère
nettement plus précise que le traditionnel positionnement linéaire
droite - gauche.
Erreur courante : le libéralisme est une idéologie de droite
En toute rigueur, le libéralisme ne peut être classé ni à droite ni à gauche. En déduire qu'il est « centriste »
serait aussi une erreur, sauf à dire qu'il est éloigné tant des
tendances redistributives de la gauche (et aussi de la droite) que des
tendances autoritaires de la droite (et aussi de la gauche), ces deux
types de tendances reposant sur l'étatisme et l'interventionnisme, réprouvés par les libéraux :
- « Les conservateurs veulent tous être votre papa, qui vous dit ce qu'il faut faire et ne pas faire. Les sociaux-démocrates veulent tous être votre maman, qui vous nourrit, borde vos draps et vous mouche. » (David Boaz, Libertarianism: A Primer)
Si on tient à tout prix à coller des étiquettes politiques sur les libéraux, on aura :
- plutôt à droite, les libéraux conservateurs ;
- plutôt à gauche, les libéraux de gauche ;
- plutôt centristes (dans le bon sens du terme), les libéraux classiques, qui historiquement s'opposent tant aux conservateurs de droite qu'aux socialistes ;
- inclassables, les libertariens, qui tendent vers l'anarchisme ou l'État minimal.
Citations
- « Il existe des courants de gauche, il faut le souligner, qui, au plan économique, sont des partisans des libertés économiques. A la fin du 19ème siècle, les solidaristes, par exemple, ne considèrent pas antithétique par nature avec le libre marché de construire une société plus solidaire. On a tendance à couper les courants de pensée dans un axe gauche-droite, suivant leur position sur le libéralisme économique. Mais même au sein du parti socialiste d’avant 1914, il existait un courant assez libéral en économie qui s’opposait aux dirigistes. C’est le cas de l’opposition entre Jaurès et Jules Guesde. Jaurès a écrit un article faisant l’éloge du chef d’entreprise. Malheureusement, il a été assassiné, il eut mieux valu que ce fût Guesde ! Jaurès ne récusait pas du tout une économie libérale. » (Philippe Nataf)
- « Si elles étaient établies, la réalité et la viabilité d’un libéralisme de gauche aussi authentiquement libéral que de gauche contribuerait assurément à dédroitiser et recentrer une tradition libérale au champ élargi et à la dynamique revivifiée. En tête de leurs conditions théoriques de possibilité figure l’existence d’une gauche dont l’engagement anti-totalitaire serait également anti-collectiviste. Qui ne se fourvoie pas dans l’illusion syncrétique d’une « troisième voie » entre capitalisme et socialisme, ne s’en tienne pas à la dimension politique du libéralisme pour oser en finir avec les excès de l’interventionnisme assistanciel, redistributif et ultra-règlementariste de l’État-providence – et adhère sans restriction aux principes individualistes de responsabilité individuelle, de liberté contractuelle et de respect du droit de propriété. Sur la base du paradigme libéral, le libéralisme de gauche illustrerait alors la possibilité intellectuelle d’en déduire des conséquences et applications pratiques autres que celles du libéralisme de pur laissez-faire. Son pari : dans la ligne des idées d’un Karl Popper suggérant dès 1958 de « réduire ce qui semble tant faire question dans l’État welfare : la bureaucratisation et la mise en tutelle de l’individu » (En quoi croit l’Occident ?), parvenir à concilier l’éradication des principes et effets pervers de l’État providence avec l’exigence d’accompagner le libre marché de dispositifs qui en suppriment la brutalité et la clôture pour les moins bien lotis. Il s’agirait de « rendre tout un chacun capable de prendre ses responsabilités et de faire preuve d’initiative pour affirmer sa compétence sur le marché au lieu de se comporter comme un « raté » et de recourir à l’assistance de l’État », pour reprendre les termes d’Habermas dans Après l’État-nation. » (Alain Laurent)
- « Si j’avais le malheur de ne voir dans le capital que l’avantage de capitalistes, et de ne saisir ainsi qu’un côté, et, assurément, le côté le plus étroit et le moins consolant de la science économique, je me ferais Socialiste ; car de manière ou d’autre, il faut que l’inégalité s’efface progressivement, et si la liberté ne renfermait pas cette solution, comme les socialistes je la demanderais à la loi, à l’État, à la contrainte. » (Frédéric Bastiat, Gratuité du crédit)
Bibliographie
- 2000, Thierry Leterre, La Gauche et la peur libérale, Presses de Sciences Po, ISBN 2724608038
- 2006,
- V. Bourdeau, "Les républicains du 19eme siècle étaient-ils des libertariens de gauche?", Raisons politiques, vol 23, pp93-108
- Nicolas Tenzer et Monique Canto-Sperber, Faut-il sauver le libéralisme?
- 2008,
- Monique Canto-Sperber, Le libéralisme et la gauche, Hachette Littératures
- David Trenchard et Jan Narveson, "LEFT LIBERTARIANISM", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp288-289
Tentative de recensement
La liste suivante de "libéraux de gauche", ou assimilés comme tels, se base sur les travaux d'Alain Laurent (La Philosophie libérale et Les grands courants du libéralisme) et ceux de Peter Vallentyne et Hillel Steiner.
XVIe siècle
XVIIIe siècle
XIXe siècle
- Frédéric Bastiat
- Carlo Cattaneo
- Antoine Cherbuliez
- Henry George
- Yves Guyot
- Elie Halévy
- Frédéric Passy
- Herbert Spencer
- John Stuart Mill
- Antonio De Viti De Marco
XXe siècle
- Alain
- Norberto Bobbio
- Luigi Einaudi
- Anthony Giddens
- Géolibertariens : Peter Vallentyne
- Piero Gobetti
- Élie Halévy
- Bertrand de Jouvenel
- John Maynard Keynes qui se serait définit comme un "néo-libéral" [2], mais qui est considéré comme anti-libéral par les libéraux de gauche.
- Serge-Christophe Kolm
- Thierry Leterre
- Roderick Long
- Mutualistes : Kevin Carson, Gary W. Chartier
- Ruwen Ogien
- Ordolibéraux : Walter Eucken, Wilhelm Röpke, Hans Großmann-Doerth
- Michael Otsuka
- Karl Popper
- Virginia Postrel
- John Rawls qui affirma pourtant lui-même ne pas être un libéral [3]
- Gaetano Salvemini
- Amartya Sen
- Mario Vargas Llosa
Notes et références
- ↑ Voir la légitimité de l'appropriation individuelle chez John Locke
- ↑ Voir Néolibéralisme
- ↑ Voir Alain Laurent
Voir aussi
Lien interne
- Gauche libérale
- Géolibertarianisme
- Nomenclature
- Libéraux classiques
- Libéralisme social
- Social-libéralisme
- Socialisme libéral
Lien externe
- (fr)Le Mouvement des Libéraux de Gauche (MLG)
- (fr)Un extrait de La philosophie libérale d'Alain Laurent
- (en) Alliance of the Libertarian Left
- (en) Video de Gary Chartier sur le capitalisme : Advocates of freed markets should oppose capitalism
C) Emmanuel Macron, sera t-il le premier réformateur libéral de gauche ? - Gauche libérale, la grande amnésie
Emmanuel Macron, notre nouveau ministre de l’économie, pourrait-il être un
homme de gauche libéral-compatible ? Tenons-nous enfin la perle rare, de
gauche, capable d’engager les réformes qu’aucun gouvernement de droite ou de
gauche n’a eu le courage ou la volonté de faire depuis trente ans ?
Pour répondre à ces questions il faut en examiner d’autres plus générales.
Tout d’abord, il faut essayer d’évaluer quelles peuvent être les idées
directrices, le « référentiel » de pensée suivi par un homme seul
pour engager des « réformes ».
En effet, pour agir de façon cohérente en politique et en économie,
l’histoire nous apprend qu’il existe deux méthodes bien distinctes : le
pragmatisme et l’idéologie.
C’est en vertu de ce premier concept qu’une bonne partie de la droite et une
part croissante de la gauche envisagent aujourd’hui des réformes. C’est lui
aussi qui pourrait faire naître une volonté de changement de la part du
président Hollande. On imagine mal en effet à quelle idéologie pourrait se
raccrocher le chef de l’État pour éviter de sombrer. Ce n’est certes pas celle,
bien réelle, de la « gauche de la gauche » qui peut l’aider. Et il n’en a pas
d’autre !
Quant au premier ministre, il était bien en quête d’une nouvelle idéologie lorsqu’il choisit le titre de son livre Pour en finir avec le vieux socialisme et être enfin de gauche. Malheureusement, l’ouvrage reste cantonné à des banalités sociales-démocrates, c’est à dire à un vaste courant politique davantage gouverné par le pragmatisme que par l’idéologie. Le seul courant de pensée un tant soit peu théorique que l’on peut raccrocher à la social-démocratie est le keynésianisme, c’est maigre.
Emmanuel Macron lui-même, malgré son parcours atypique vu du socialisme classique, parait peu enclin à s’appuyer sur une quelconque forme d’idéologie sociale-libérale tout simplement parce que celle-ci n’existe pas.
Le « socialisme libéral » de Monique Canto-Sperber, ne se distingue en rien de la sociale-démocratie dans la pratique. Sa réhabilitation sélective du libéralisme s’apparente à une tentative de récupération du mot libéral dans l’intention, plus ou moins consciente, de sauver le mot socialisme.
L’apport de Rawls est beaucoup plus intéressant mais considérablement brouillé par l’adhésion maladroite de l’auteur de Théorie de la justice à la sociale-démocratie. Rejeté par les socialistes et très mal compris des libéraux, il est politiquement méconnu en France. Il n’existe donc aucune théorie libérale de gauche, connue, publique, capable d’entraîner un mouvement politique ou de servir de pilote à un petit groupe de réformateurs.
La gauche n’a qu’un seul guide : l’idéologie marxiste plus ou moins réformée, qui indique au peuple que les droits de propriété existant sont « monstrueusement injustes » (suivant l’expression de Murray Rothbard).
Dans ce contexte, les sociaux-démocrates sont des « pragmatiques » qui composent avec l’injustice fondamentale du capitalisme dans le but utilitariste de créer plus de valeur. Il est évidemment impensable de mobiliser la jeunesse, toujours idéaliste, avec une telle tambouille idéologique.
« Être de gauche et de bon sens » parait donc clairement ranger Emmanuel Macron dans le camp des pragmatiques : on ne change rien au référentiel de pensée mais on va essayer d’appliquer des mesures de bon sens dans des buts précis : redresser l’économie, faire diminuer le chômage ; c’est le « pragmatisme », qu’Hayek oppose à l’idéologie dans le portrait suivant, extrait de Droit, législation et liberté :
Quant au premier ministre, il était bien en quête d’une nouvelle idéologie lorsqu’il choisit le titre de son livre Pour en finir avec le vieux socialisme et être enfin de gauche. Malheureusement, l’ouvrage reste cantonné à des banalités sociales-démocrates, c’est à dire à un vaste courant politique davantage gouverné par le pragmatisme que par l’idéologie. Le seul courant de pensée un tant soit peu théorique que l’on peut raccrocher à la social-démocratie est le keynésianisme, c’est maigre.
Emmanuel Macron lui-même, malgré son parcours atypique vu du socialisme classique, parait peu enclin à s’appuyer sur une quelconque forme d’idéologie sociale-libérale tout simplement parce que celle-ci n’existe pas.
Le « socialisme libéral » de Monique Canto-Sperber, ne se distingue en rien de la sociale-démocratie dans la pratique. Sa réhabilitation sélective du libéralisme s’apparente à une tentative de récupération du mot libéral dans l’intention, plus ou moins consciente, de sauver le mot socialisme.
L’apport de Rawls est beaucoup plus intéressant mais considérablement brouillé par l’adhésion maladroite de l’auteur de Théorie de la justice à la sociale-démocratie. Rejeté par les socialistes et très mal compris des libéraux, il est politiquement méconnu en France. Il n’existe donc aucune théorie libérale de gauche, connue, publique, capable d’entraîner un mouvement politique ou de servir de pilote à un petit groupe de réformateurs.
La gauche n’a qu’un seul guide : l’idéologie marxiste plus ou moins réformée, qui indique au peuple que les droits de propriété existant sont « monstrueusement injustes » (suivant l’expression de Murray Rothbard).
Dans ce contexte, les sociaux-démocrates sont des « pragmatiques » qui composent avec l’injustice fondamentale du capitalisme dans le but utilitariste de créer plus de valeur. Il est évidemment impensable de mobiliser la jeunesse, toujours idéaliste, avec une telle tambouille idéologique.
« Être de gauche et de bon sens » parait donc clairement ranger Emmanuel Macron dans le camp des pragmatiques : on ne change rien au référentiel de pensée mais on va essayer d’appliquer des mesures de bon sens dans des buts précis : redresser l’économie, faire diminuer le chômage ; c’est le « pragmatisme », qu’Hayek oppose à l’idéologie dans le portrait suivant, extrait de Droit, législation et liberté :
(…) cette attitude à la mode de mépris pour l’«idéologie» et pour tous les principes généraux et mots en «isme», est caractéristique des socialistes déçus ; ayant été obligés d’abandonner leur propre idéologie à cause de ses contradictions internes, ils en ont conclu que toutes les idéologies doivent être erronées et que pour être rationnel il faut s’en passer. Mais il est impossible de se guider seulement, comme ils s’imaginent pouvoir le faire, par les objectifs explicitement définis que l’on se propose consciemment, en rejetant toutes les valeurs générales dont il ne peut être démontré qu’elles conduisent à des résultats concrets désirables. Se conduire uniquement par ce que Max Weber appelle la rationalité finalisée est une impossibilité. (…) Si l’on se met à intervenir, sans avoir de ligne de conduite cohérente, dans le fonctionnement de l’ordre spontané, il n’y a pratiquement pas de point auquel on puisse s’arrêter.Dans un monde sans référent, l’idéologie est la seule manière de réformer. Lorsque Turgot engage ses réformes libérales en 1775, il n’a que la théorie pour se guider. Il ne peut copier sur rien ni sur personne. C’est la théorie économique naissante et l’influence des physiocrates qui lui dictent les mesures profondément réformatrices (restauration partielle de la liberté du commerce des grains, suppression de la corvée, abolition des jurandes), qui auraient pu sauver le royaume et Louis XVI. Ses ennemis annuleront toutes ses actions et chasseront les physiocrates de l’administration.
À l’inverse nous devons au pragmatisme du Général de Gaulle, dans sa relation avec les communistes au lendemain de la guerre, toutes les chaînes de Ponzi en phases terminales qui plombent la société et l’économie française contemporaine : paritarisme, retraite par répartition, affairisme étatique, mandarinat public, droit du travail, etc.
Aujourd’hui il y a deux manières de réformer ; la manière idéologique est absolument hors de portée d’un Emmanuel Macron, elle demanderait l’appui d’une école de pensée « de gauche », structurée, cohérente, capable d’établir une ligne directrice tournée vers la prééminence de la liberté des échanges, de la monnaie, de la construction, pour aboutir à une nouvelle nuit du 4 août ; reste donc la manière « pragmatique » qui ne peut rien faire de mieux que de copier « les autres » en appliquant leurs « recettes ».
Or qui sont ces voisins, amis, alliés, qui font mieux que nous et que nous devrions imiter ? L’Allemagne ? Ses dépenses publiques atteignent près de 45% de son PIB et elles augmentent. Les États-Unis ? Le poids du secteur public connaît une inflation galopante et se rapproche, avec une quinzaine d’années de retard, de celui de l’Europe. Le Japon ? Il est en quasi faillite avec une dette égale à 200% de son PIB. Les pays nordiques ? Outre le poids du public, leur hygiénisme malsain et leur rigorisme sociétal laissent peu de place à la liberté.
Le « redressement de la France » dans ce contexte serait donc de s’aligner sur le consensus mondial, à savoir : 50% de dépenses publiques (c’est vrai, c’est mieux que 57%), le retour à 3% de déficit, l’économie sous contrôle, le principe de précaution et l’hygiénisme physique et moral. Cet objectif déprimant ne mobilisera ni la jeunesse ni les intellectuels de gauche et ne réussira pas à calmer les sarcasmes de la droite étatiste.
Gauche libérale, la grande amnésie
Le fait de situer
les libéraux à droite du spectre politique est un curieux accident de
l'histoire, pour ne pas dire une anomalie qui n'est pas sans conséquence sur le
faible succès des idées libérales et sur leur incompréhension de la part du
public.
Car il est clair qu'un mouvement politique ne se définit pas seulement par ses
idées, sa doctrine, sa philosophie, mais aussi par celles qu'il combat.
Pendant cent cinquante ans, les libéraux ont occupé les bancs de la gauche en
France. De 1789 à 1930, les libéraux et mouvements affiliés ont
majoritairement siégé à gauche. En 1840, les députés libéraux les plus purs
occupaient l'extrême gauche de la chambre. Non content de combattre la droite
nationaliste, cléricale, corporatiste et protectionniste, ils se démarquaient
même d'autres libéraux, plus prêts à des compromissions avec le pouvoir.
L'autre gauche, la gauche jacobine, était à cette époque complètement
déconsidérée. Le souvenir de ses violences et de ses échecs économiques et
financiers était encore vivace.
Cette gauche libérale, ces "économistes" comme ils s'appelaient, militaient
pour la démocratie républicaine, pour le libre échange, pour l'éducation
gratuite et obligatoire, pour l'université libre, pour la liberté syndicale et
d'association, pour l'état de droit, le respect des contrats et de la propriété
privée individuelle, pour une vraie laïcité. Ils luttaient contre les
unions et comités de patrons qui cherchaient à influencer les pouvoirs publics
pour obtenir l'exclusion des produits étrangers. Ils ont rétabli la liberté
syndicale et d'association interdite par les jacobins au lendemain de la
révolution. Ils ont également aboli l'esclavage par deux fois, avant et après
Napoléon, Ils ont compté parmi leurs membres les rares opposants à la
colonisation (sans être unanimes sur la question) bien au contraire du
socialisme montant.
Jusqu'au milieu de XIXe siècle, la gauche était presque exclusivement le parti de l'individu, contre la droite, qui était le parti du collectif, de la famille, de la patrie et de la religion. Le revirement de la gauche vers le collectif, à peine perceptible en 1830, s'intensifie en 1848 et ira crescendo jusqu'à la fin du siècle. La présence à gauche de libéraux républicains ou radicaux se maintient toutefois jusqu'au début du XXe. Il est à noter qu'à cette époque, la montée du socialisme fait disparaître les libéraux de la gauche sans pour autant les rejeter à droite. Avec l'avènement du socialisme, ce sont les principes de 89 qui sont oubliés et qui disparaissent, sans être repris par la droite, toujours nationaliste, cléricale et protectionniste.
La mouvance politique libérale "de droite" n'apparaîtra que bien plus tard, au lendemain de 1945 en réaction à la domination de l'intellectualisme marxiste. Elle restera en France extrêmement minoritaire politiquement, au contraire du libéralisme "de gauche" qui a largement participé au pouvoir pendant tout le XIX siècle.
Ce qui est assez extraordinaire c'est que cette appartenance des libéraux à la gauche est aujourd'hui plus qu'oubliée. On peut raisonnablement affirmer qu'elle est gommée, c'est à dire volontairement occultée. Cette étonnante amnésie est principalement le fait de la gauche socialiste mais elle est également perceptible au sein des libéraux dont certains semblent s’accommoder et même revendiquer leur classement à droite.
L'une des manifestations les plus visibles de ce révisionnisme historique tient dans l'invention et dans l'emploi constant par les médias des termes : "première" et "deuxième" gauche. Le terme de "deuxième gauche" a été inventé par les journalistes Hervé Hamon et Patrick Rotman dans leur ouvrage "La Deuxième Gauche : Histoire intellectuelle et politique de la CFDT". Il a été repris et rendu célèbre par le fameux discours de Michel Rocard sur les deux cultures de la gauche prononcé lors du congrès du PS à Nantes en juin 1977.
La "deuxième gauche" se définit par son opposition à la gauche marxiste, centralisatrice, et jacobine. Demeurée très anticapitaliste tout en affichant un certain réalisme économique, la "deuxième gauche" se veut décentralisatrice, auto gestionnaire et affirme prendre en compte la participation des "citoyens" (le concept d'individus y est toujours tabou). La notion de dictature du prolétariat en est exclue et, chose nouvelle, cette gauche, comporte en son sein des chrétiens sociaux issus de la CFTC. Bien entendu la dénomination de "deuxième gauche" soutenue par les rocardiens et très largement reprise depuis lors par tous les médias suggère et même impose aux français l'idée qu'avant la première gauche il n'y avait ... rien ! Étonnant, les bancs de la gauche à l'assemblée étaient donc vides avant que les socialistes et les marxistes ne les envahissent ?
Pourtant la création du parti socialiste est très tardive en France. Il faut attendre 1905 pour que les multiples micros partis d'obédience socialiste s'unissent pour créer la SFIO, ancêtre de la formation politique que nous connaissons actuellement. A la fin du XIXe siècle les premiers socialistes à se faire élire députés sont des indépendants, tel Jean Jaurès, le plus connu d'entre eux. Les communistes, quant à eux n'apparaitront à l'assemblée qu'après la scission du congrès de Tours en 1920
Donc, malheureusement pour les inventeurs de la "deuxième gauche", avant la soi-disant "première" gauche guesdiste ou stalinienne, il y avait bien une autre gauche, individualiste, libérale et républicaine, que les socialistes veulent absolument gommer de l'histoire. Dans cette numérotation socialiste des gauches il faudrait l'appeler la "gauche moins un".
L'un des paradoxes de cette occultation de la gauche libérale, c'est qu'en essayant de faire croire que l'histoire de la gauche débute avec celle du socialisme, les inventeurs de la "deuxième gauche" emploient, plus ou moins consciemment, les méthodes de la gauche stalinienne qu'ils prétendent combattre.
Jusqu'au milieu de XIXe siècle, la gauche était presque exclusivement le parti de l'individu, contre la droite, qui était le parti du collectif, de la famille, de la patrie et de la religion. Le revirement de la gauche vers le collectif, à peine perceptible en 1830, s'intensifie en 1848 et ira crescendo jusqu'à la fin du siècle. La présence à gauche de libéraux républicains ou radicaux se maintient toutefois jusqu'au début du XXe. Il est à noter qu'à cette époque, la montée du socialisme fait disparaître les libéraux de la gauche sans pour autant les rejeter à droite. Avec l'avènement du socialisme, ce sont les principes de 89 qui sont oubliés et qui disparaissent, sans être repris par la droite, toujours nationaliste, cléricale et protectionniste.
La mouvance politique libérale "de droite" n'apparaîtra que bien plus tard, au lendemain de 1945 en réaction à la domination de l'intellectualisme marxiste. Elle restera en France extrêmement minoritaire politiquement, au contraire du libéralisme "de gauche" qui a largement participé au pouvoir pendant tout le XIX siècle.
Ce qui est assez extraordinaire c'est que cette appartenance des libéraux à la gauche est aujourd'hui plus qu'oubliée. On peut raisonnablement affirmer qu'elle est gommée, c'est à dire volontairement occultée. Cette étonnante amnésie est principalement le fait de la gauche socialiste mais elle est également perceptible au sein des libéraux dont certains semblent s’accommoder et même revendiquer leur classement à droite.
L'une des manifestations les plus visibles de ce révisionnisme historique tient dans l'invention et dans l'emploi constant par les médias des termes : "première" et "deuxième" gauche. Le terme de "deuxième gauche" a été inventé par les journalistes Hervé Hamon et Patrick Rotman dans leur ouvrage "La Deuxième Gauche : Histoire intellectuelle et politique de la CFDT". Il a été repris et rendu célèbre par le fameux discours de Michel Rocard sur les deux cultures de la gauche prononcé lors du congrès du PS à Nantes en juin 1977.
La "deuxième gauche" se définit par son opposition à la gauche marxiste, centralisatrice, et jacobine. Demeurée très anticapitaliste tout en affichant un certain réalisme économique, la "deuxième gauche" se veut décentralisatrice, auto gestionnaire et affirme prendre en compte la participation des "citoyens" (le concept d'individus y est toujours tabou). La notion de dictature du prolétariat en est exclue et, chose nouvelle, cette gauche, comporte en son sein des chrétiens sociaux issus de la CFTC. Bien entendu la dénomination de "deuxième gauche" soutenue par les rocardiens et très largement reprise depuis lors par tous les médias suggère et même impose aux français l'idée qu'avant la première gauche il n'y avait ... rien ! Étonnant, les bancs de la gauche à l'assemblée étaient donc vides avant que les socialistes et les marxistes ne les envahissent ?
Pourtant la création du parti socialiste est très tardive en France. Il faut attendre 1905 pour que les multiples micros partis d'obédience socialiste s'unissent pour créer la SFIO, ancêtre de la formation politique que nous connaissons actuellement. A la fin du XIXe siècle les premiers socialistes à se faire élire députés sont des indépendants, tel Jean Jaurès, le plus connu d'entre eux. Les communistes, quant à eux n'apparaitront à l'assemblée qu'après la scission du congrès de Tours en 1920
Donc, malheureusement pour les inventeurs de la "deuxième gauche", avant la soi-disant "première" gauche guesdiste ou stalinienne, il y avait bien une autre gauche, individualiste, libérale et républicaine, que les socialistes veulent absolument gommer de l'histoire. Dans cette numérotation socialiste des gauches il faudrait l'appeler la "gauche moins un".
L'un des paradoxes de cette occultation de la gauche libérale, c'est qu'en essayant de faire croire que l'histoire de la gauche débute avec celle du socialisme, les inventeurs de la "deuxième gauche" emploient, plus ou moins consciemment, les méthodes de la gauche stalinienne qu'ils prétendent combattre.
D) Audier Serge, « Introduction / Le socialisme libéral, une voie d'avenir pour la gauche ? »,
Le socialisme libéral
Quand les historiens analyseront les expressions surgies dans le champ politique depuis la fin du XXe
siècle, peut-être noteront-ils celles de « social libéralisme » et de «
socialisme libéral ». En France notamment, elles sont devenues banales
sans que leur sens soit bien défini. Péjoratives ou non, elles semblent
désigner la mutation en cours des social-démocraties depuis les années
1990, suite à la fin du communisme et aux changements économiques liés à
la mondialisation libérale. En gros, partisans et adversaires de cette
mutation entendent par « socialisme libéral » une redéfinition sans
précédent du socialisme qui aurait renoncé, ouvertement ou non, à ses
thèmes classiques : non seulement la lutte des classes et la défense du
monde ouvrier, mais aussi l’intervention de l’État dans l’économie et la
protection sociale, une politique de solidarité visant à protéger les
individus, une large redistribution des richesses, l’impératif sinon
d’un dépassement, du moins d’une domestication forte du capitalisme,
etc. Le socialisme libéral désignerait donc l’avenir, souhaitable ou
redouté, d’une social-démocratie ayant plus ou moins rejeté ces formes
d’intervention et convertie aux vertus du capitalisme, moyennant
quelques encadrements et correctifs. La distinction entre gauche et
droite ne serait plus dès lors de nature mais de degré
: on a pu voir ainsi dans le socialisme libéral une voie centriste
recevable tant par la droite que par un « libéralisme de gauche » très
modéré. Aussi l’idée de socialisme libéral fut-elle Pourtant, tout
indique que cette issue idéologique aurait stupéfait les créateurs du
socialisme libéral et qu’ils y auraient vu une trahison de leurs idéaux.
L’objectif de ce livre est précisément de sortir le socialisme libéral
de ces confusions en montrant qu’il ne correspond pas à la vulgate
dominante. Car il faut se méfier des erreurs de filiation faisant du
centre-gauche du début du XXIe
siècle, voire du Parti démocrate américain, des exemples de socialisme
libéral. Certes, le sens des mots est conventionnel, mais si l’on entend
par socialisme libéral une tendance politique et intellectuelle qui a réellement existé
et s’est ainsi désignée, alors celle-ci n’a pas grand-chose à voir avec
l’acception commune. Pour le prouver, une généalogie s’impose afin
d’exhumer cette tradition oubliée. Si l’idée de socialisme libéral a été
défendue dans bien des contextes, c’est surtout en Italie qu’elle s’est
imposée, quoique très minoritairement. Le livre le plus connu de ce
courant, Socialisme libéral (1930),
est l'œuvre du socialiste et antifasciste Carlo Rosselli. Contre le
libéralisme « bourgeois » et le totalitarisme communiste, il prônait une
refondation du socialisme évitant une double impasse
: celle d’un libéralisme économique trop confiant dans les vertus du
marché et indifférent aux injustices, et celle d’un socialisme menacé de
dérives autoritaires pour n’avoir pas intégré les acquis du libéralisme
politique : défense des droits de l’individu, distinction entre «
société civile » et État, rôle du pluralisme, place du marché, etc. Les
penseurs du socialisme libéral et du « libéralsocialisme », tel Guido
Calogero, savaient que cette doctrine était déconcertante pour les
libéraux : ainsi, Benedetto Croce, bien qu’inspirateur indirect de ce
courant, jugeait l’idée de libéralsocialisme incohérente — sorte de « licorne », de « bouc-cerf » ou de « poisson mammifère », selon les mots de Calogero.
De fait, l’histoire moderne a été le théâtre d’un conflit entre « libéralisme » et « socialisme ». Le premier désigne un courant complexe qui s’affirme aux XVIIe et XVIIIe siècles contre l’absolutisme monarchique, autour d’événements décisifs — la Glorious Revolution
de 1688 — et d’oeuvres fondatrices — de Locke à Montesquieu et Smith —
en défendant certains thèmes clés : la tolérance religieuse, la
protection des droits individuels, le constitutionnalisme, la
distinction entre société civile et État, le rôle bénéfique du
libre-échange, etc. Dans sa version vulgarisée, que résume souvent la
formule « Laissez faire, laissez passer », le libéralisme économique
pose que l’État, quoique indispensable, doit en principe limiter son
intervention à la protection des personnes et des biens, voire à
certains services d’intérêt public : pour le reste, le marché assurera
l’harmonie générale dans l’intérêt du plus grand nombre. Ce discours
libre-échangiste, qui s’épanouira au XIXe
siècle, se heurtera cependant, avec la révolution industrielle, à la
critique « socialiste ». Courant multiforme, porté dans les années 1810
en Angleterre par Robert Owen et son mouvement coopératif, le socialisme
se définit lui aussi diversement. On peut, avec Élie Halévy dans son
cours posthume sur l’Histoire du socialisme
européen, le résumer grossièrement en ces termes : « Il est possible de
remplacer la libre initiative des individus par l’action concertée de
la collectivité dans la production et la répartition des richesses. »
Aussi le socialisme a-t-il fait l’objet de critiques virulentes des
économistes libéraux. L’antisocialisme a même été une tendance lourde de
la pensée économique, qui englobait aussi dans son refus les projets de
solidarité portés par les « républicains ». Or il est significatif que
la quasi totalité des théoriciens du « socialisme libéral » se soient
définis ou comme « socialistes » ou comme « républicains », mais très
rarement comme « libéraux ».
Ce n’est qu’à la lumière de cette hostilité jamais éteinte des
économistes libéraux pour les socialistes, mais aussi pour les
républicains, que l’on peut saisir le sens du socialisme libéral. Car,
loin d’être le fruit naturel de la doctrine libérale, celui-ci s’est
imposé contre le libéralisme économique
et son antisocialisme doctrinal. Le seul grand courant dit « libéral »
qui se soit ouvert au socialisme a été le « nouveau libéralisme »
anglais, esquissé par John Stuart Mill puis théorisé par Thomas Hill
Green et Leonard T. Hobhouse : encore doit-on rappeler qu’il visait à dépasser les limites du libéralisme classique
jugé incapable de résoudre la question sociale et de légitimer un rôle
accru de l’État. Aussi a-t-il exercé une influence sur le socialisme
libéral.
Pour prouver l’irréductibilité du socialisme libéral au libéralisme classique, on examinera la rupture historique que marque le « nouveau libéralisme » (chapitre I), avant d’exhumer l’originalité de la voie française, portée surtout par les républicains (chapitre II), et d’analyser la complexité du courant italien (chapitre III).
Notre hypothèse sera que le socialisme libéral, loin d’être une simple
version ou interprétation du libéralisme classique, ouvre, au-delà de sa
diversité, une voie originale. Car le libéralisme, par son évolution interne, ne pouvait muter spontanément en socialisme libéral. Celui-ci n’a pu naître que par l’intégration d’un triple héritage : celui du libéralisme politique — protection de la liberté individuelle, tolérance, distinction entre société civile et État, place du marché, etc. ; celui du républicanisme
— recherche du « bien commun », rôle clé du civisme, complémentarité
entre liberté et égalité ; et enfin, indissociable du mouvement ouvrier,
celui du socialisme — exigence de
dépasser ou du moins de réguler collectivement le capitalisme selon un
idéal de justice. Cette généalogie d’un domaine très peu exploré
soulignera le caractère créateur de cette synthèse, et invitera à réfléchir sur son actualité : que pourrait être une position socialiste libérale au XXIe siècle ? L’examen des perspectives contemporaines (chapitre IV) confirmera que ce courant n’est pas une simple adaptation de la social-démocratie au capitalisme
: renouant avec la tradition socialiste et républicaine, il vise à
rendre effectives la citoyenneté et la solidarité, dans une relation
critique aux principes du libéralisme économique.
Audier Serge, « Introduction / Le socialisme libéral, une voie d'avenir pour la gauche ? »,
Le socialisme libéral, Paris, La Découverte , «Repères», 2006, 128 pages
URL : www.cairn.info/le-socialisme-liberal--9782707147110-page-3.htm.
URL : www.cairn.info/le-socialisme-liberal--9782707147110-page-3.htm.
E) Jules Ferry, libéral de gauche
On peut rêver de nombreux ajouts
aux Lieux de mémoire, dirigé par Pierre Nora, auxquels vous avez
collaboré, Mona Ozouf. Et par exemple, d’un chapitre consacré à Jules
Ferry. A constater le nombre de rues et de places de nos villes qui
portent son nom, on croirait avoir à faire un objet d’unanimité
républicaine. A l’une de ces gloires de gauche, que les modérés ont
décidé de partager, en raison de son éminente contribution à
l’enracinement d’un régime – la République - que personne ne songe plus à
contester.
Ce serait ignorer les haines qu’il a pu susciter. De son vivant, il fut affublé des pires sobriquets : « Ferry-famine »,
lors du siège de Paris par les Prussiens, lors de l’hiver 1870/71. Pour
l’ex-communard et boulangiste Henri Rochefort, il est « Ferry l’Allemand » :
un agent de Bismarck, qui cherche à détourner les Français de la
revanche contre l’Allemagne, en engageant l’armée dans d’inutiles
opérations de conquêtes coloniales. Devenu président du Conseil, il
tombe en mars 1885, sur un bon mot de Clémenceau, qui le traite de « Ferry-Tonkin », lui attribuant la responsabilité de la défaite française de Lang-Son, face aux armées chinoises.
Et voilà que le procès de Jules Ferry reprend. De nos jours, il encourt la double accusation de phallocratisme (pour avoir prôné l’apprentissage de la couture » dans les écoles de filles), et de colonialisme, voire de racisme – pour ses fameux discours sur le devoir des « races inférieures » d’apporter la civilisation aux « races inférieures ».
Or votre livre, Mona Ozouf, est un formidable procès en réhabilitation de cette gloire républicaine.
Vous
nous montrez, comment, après le traumatisme national de la défaite et
de l’amputation du territoire national des provinces alsacienne et de la
Moselle, malgré la méfiance du pays profond envers le régime
républicain – assimilé au jacobinisme – une poignée de républicains ont
su frayer son chemin au régime. Les uns, par leur enthousiasme
organisateur, comme Gambetta. Les autres, par une bonne connaissance des
besoins du pays et une capacité à se saisir les opportunités qui se
présentaient – ce pourquoi, ils portent dans nos livres d’histoire, le
nom ambigu d’opportunistes.
Jules
Ferry est un républicain modéré : il adhère à l’histoire de la
Révolution selon Quinet – et peut-être préfigure-t-il, du moins le
suggérez-vous, celle de François Furet… Il refuse toute excuse à la
dictature de Salut Public. Cette tyrannie préfigure, pour lui, le
despotisme bonapartiste. Car notre républicain est aussi un libéral :
il veut la liberté (on lui doit le fameux « bouquet » des grandes lois
libératrices des années 80 : liberté de la presse, liberté de réunion,
liberté municipale, liberté syndicale) et la diversité.
Mais comment concilier ce programme libéral, ces libertés et cette diversité, avec la nécessité de « refaire la France »,
qui est au programme de tous les partis, à cette époque, suite à notre
effondrement de 1870/71 ? Cet homme d’Etat, de gauche et libéral, se
méfie, nous dites-vous, d’une unité qui serait imposée de manière
autoritaire et uniforme. Il croit – je vous cite – en une « unité construite sur la convergence des volontés libres ».
D’où
sa priorité politique : l’éducation des jeunes Français, des deux
sexes, de toutes les conditions et de toutes les croyances. Le fondateur
de notre école publique, laïque, gratuite et obligatoire, n’est
nullement un militant de l’athéisme, au contraire. Jules Ferry n’est pas Emile Combes.
Il ne fait pas la guerre à l’Eglise. C’est elle qui, dans un premier
temps, combat la République. Il réclame seulement que les cours
d’instruction religieuse soient délivrés aux seuls enfants dont les
parents en font la demande. Il prévoit même un jour de la semaine, pour
cette activité, le jeudi. Mais pas dans les salles de classe – sinon, il
faudrait donner un double des clefs au curé. Et de cela, il ne saurait
être question…
Bref, vous faites de Jules Ferry, une incarnation de la synthèse républicaine
– homme d’ordre et de progrès, partisan d’un exécutif renforcé, mais
refusant toute abolition du Sénat, favorable à un Etat fort, mais appuyé
sur des communes dotées des pouvoirs de s’administrer elles-mêmes, à la
fois positiviste et libéral. C’est à ce réformisme équilibré que la France doit d’avoir renoué avec la stabilité ; et la République, son ancrage définitif dans notre culture politique.
Quant
aux détracteurs, ceux qui l’accusent de colonialisme et de
phallocratisme, on les laissera méditer cette sentence de Nietzsche
(Considérations Intempestives) :
« Ces historiens naïfs appellent “objectivité” le fait de mesurer des opinions et des actes passés aux opinions courantes du moment présent, où ils trouvent le canon de toute vérité ; leur travail est d’accommoder le passé à la trivialité actuelle. »
La fin de votre ouvrage, qui comporte des attaques contre une gauche déclamative,
qui voit « dans le compromis une trahison » semble montrer que le
combat de Jules Ferry conserve une certaine actualité. Lui-même pestait
contre la "politique par les fenêtres", celle qui fait étalage de radicalité
pour se donner bonne conscience, mais qui, refusant les résistances du
réel, se condamne à l'impuissance. Qui visez-vous ? Et que
souhaitez-vous démontrer ?
Jules Ferry| Mona Ozouf
F) Edmund Burke (1729-1797)
Irlandais, de père anglican, un notaire, et de mère catholique, Edmund Burke est un libéral (La vie et l'oeuvre § 1), mais un libéral "à la britannique", un libéral violemment hostile à la Révolution française, révolution libérale en 1789 mais révolution socialiste en 1793, un libéral irlandais dont la philosophie politique reste attachée à un ordre divin providentiel fondé sur un droit naturel historique (§ 2).
§ 1 - La vie et l'oeuvre
Né à Dublin en 1729, Edmund Burke est un homme politique, un whig - c'est-à-dire un libéral "à l'anglaise", qui ne dédaigne pas de philosopher : ainsi publie-t-il en 1757 une "Philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublim and Beautiful" ; ou de s'intéresser à l'histoire du droit : "Essays towards a history of the laws of England".
Mais Burke est également un journaliste politique, c'est-à-dire un commentateur en même temps qu'un acteur politique, ce qui 1'amène à écrire, dans un style plutôt vif, dans le "feu de l'action", sur des sujets d'actualité : pour les colons d'Amérique contre la métropole, pour les catholiques irlandais (sa mère est catholique s'il est anglican), contre la Compagnie des Indes pour les droits des Hindous, contre la traite des Noirs et pour la défense des pauvres, sans oublier les homosexuels anglais qu'il souhaite voir traiter par le droit d'une manière moins répressive.
En novembre 1790 il fait donc paraître à Londres un ouvrage éminemment d'actualité, ses fameuses "Reflexions on the Revolution in France", ouvrage qui aura un succès considérable chez les monarchistes français, notamment, le point de vue exprimé n'étant pas celui d'un conservateur (tory) mais celui d'un whig, c'est-à-dire de quelqu'un "de gauche".
L'année suivante sera publié un ouvrage plus directement indigène : "Appeal from the New to the Old Whigs".
§ 2 - La philosophie politique d'Edmund Burke : pour l'ordre providentiel par le droit naturel historique
A - Nature et société
La Nature, c'est-à-dire l'Histoire, est gouvernée par la Providence divine. La finalité historique est le développement humain tel qu'il est voulu par Dieu.
La méthode du développement est une lente transformation des choses et des gens par l'expérience historique, qui repose sur l'héritage.
C'est l'héritage qui permet le passage de ce qui est à ce qui va devenir, qui sera le nouveau présent avant d'être le futur...
C'est donc l'hérédité, qui est le principe naturel qui permet la transmission de la vie et des biens, qui assure la stabilité de la société politique dans son évolution : donc hérédité de la Couronne, hérédité de la Pairie, succession héréditaire des libertés, franchises et privilèges, accordées par les ancêtres aux Communes et au peuple ; autrement dit, succession naturelle d'un type de gouvernement qui est le produit d'un certain développement historique.
C'est que la nature humaine est complexe et qu'il serait absurde de compter sur la raison individuelle pour "découvrir" le système politique idéal.
L'être humain n'est pas rationnel. Les passions dominent 1'homme. Il croit agir logiquement, selon ses intérêts, mais est inconsciemment dominé par ses sentiments.
Les relations interindividuelles en sont incertaines, mais encore plus incertaines les relations sociales et notamment politiques. C'est que l'honune-individu se double alors d'un homme-citoyen, écartelé entre ce qu'il croit être ses intérêts personnels à court, moyen et long terme, l'intérêt du groupe social qui est le sien et l'intérêt du groupe social global.
Le législateur est donc confronté à une réalité qui est d'une telle complexité qu'elle échappe à la raison individuelle, au demeurant bien faible, de l'être humain.
Seule la raison collective, générale, historique, permet de déterminer ce qu'il convient de faire pour aller dans le sens de l'histoire ; c'est-à-dire dans le sens du développement humain tel qu'il est voulu par Dieu.
C'est la raison collective qui crée les habitudes sociales qui se transmettent, tout en se modifiant, de génération en génération et qui conduisent à agir dans le bon sens moral comme les saines habitudes physiques conditionnent le bon comporteoent du corps.
Donc la raison bstraite, a-historique, ne peut conduire qu'à la métaphysique des Droits de l'Homme, tels qu'ils sont inscrits dans la Déclaration française de 1789.
B - Contre les Droits de l'Homme "à la française"
Selon Burke, les Droits de l'Homme, tels qu'ils sont proclamés en France en 1789, comme étant inaliénables et sacrés, ne peuvent être qu'une imposture. C'est l'effet d'une perversion de l'esprit et de la morale. Tout d'abord, cette doctrine n'est que mensonge éhonté destiné à couvrir les exactions d'arrivistes corrompus et sanguinaires.
Les Droits de l'Homme ne s'exercent pas réellement. La démocratie n'est pas le gouvernement du peuple mais la dictature des clubs. La loi de la majorité n'est que la loi d'une toute petite minorité d'excités. La majorité des Français n'a pas voulu le renversement de la monarchie.
Si la propriété est sacrée, pourquoi spolier les émigrés et l'Eglise ? Si la liberté d'opinion existe et si les arrestations ne peuvent être arbitraires, pourquoi, sans autre forme de procès, sabrer les opposants et faire défiler sous les fenètres de l'Assemblée leurs têtes au bout des piques ?
En vérité, le système politique qui découle des "Droits de l'Homme" est absurde parce que métaphysique, e'est-à-dire abstrait. Cela résulte du fait que les philosophes révolutionnaires se font de l'Homme une "idée" qui n'a rien à voir avec la réalité et construisent à partir de leurs "idées" un système théorique qui, donc, ne peut avoir aucune base véritablement naturelle dans le sens d'historique.
Hobbes, le premier, part de l'"idée" que l'homme isolé dans l'état de nature est libre, alors que l'homme ne peut être isolé dans l'état de nature mais est un animal social.
Locke, Wolff, Thomasius et leurs disciples du siècle des "Lumières" prennent leurs songes métaphysiques au sérieux et leurs robinsonnades pour argent comptant. Aussi prétendent-ils que les droits qu'ils accordent eux-mêmes à leur Homme fictif sont inaliénables.
A ces droits abstraits Burke oppose les droits concrets dont bénéficient les Britanniques. Ce sont des droits "hérités" et historiquement mérités.
Ils ne sont jamais "absolus", comme les droits français de 1789, mais limités et relatifs, car chaque membre de la société a des devoirs envers celle-ci et ne saurait, s'il est pauvre, bénéficier des mêmes droits que le noble et/ou le riche.
Les droits sont inégalitaires. Ils sont variables selon le temps et l' espace.
Les Anglais bénéficient de "leurs" droits, 1es Français devraient bénéficier des droits substantiels reconnus sous l'Ancien Régime.
Chaque peuple, selon les circonstances historiques, peut bénéficier de droits, ou n'en point bénéficier...
par Denis Touret
G) La gauche, la droite, le libéralisme
Les socialistes sont-ils de gauche ?
L’objet
principal de cet article est de définir la droite et la gauche, ces
deux « camps » politiques, donnant une grille d’analyse de l’espace
politique aussi insatisfaisante théoriquement que jugée indispensable
par la plupart des électeurs. Cela permettra de comprendre comment
positionner les libéraux sur l'échiquier politique.
Qu’est-ce que la gauche ?
Les
préoccupations de la gauche sont traditionnellement centrées sur la
justice sociale, l'égalité, la solidarité, l'humanisme, la liberté, la
lutte contre l’oppression, le progrès, la défense des plus faibles,
l’universalisme.
L’histoire
de la gauche commence par une lutte pour l’obtention de droits
économiques et politiques, lors de la Révolution Française. Cette lutte
mène à la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789. La
gauche est alors essentiellement libérale.
Au XXème
siècle, la gauche, alors principalement constituée des socialistes et
des communistes, incarne aussi le collectivisme, dans un souci de mener à
une égalité réelle entre les citoyens, quitte à utiliser la contrainte
de la loi. On peut souligner la contradiction entre cette tendance et le
souci de lutte contre l’oppression, puisque le collectivisme revient à
imposer à tous la volonté d’une majorité sur de nombreux sujets. D’où la
question, un brin provocatrice : « Les socialistes sont-ils de
gauche ? ».
La
gauche, c’est aussi la volonté de changement, changements radicaux,
ambitieux. La gauche a une attitude critique face au présent, et plus
encore face au passé : elle est révolutionnaire ou réformiste, et en
tout cas progressiste.
On
voit aussi parfois la gauche comme défendant essentiellement l’égalité,
en ignorant toute autre considération (notamment de liberté). Ainsi,
pour vaincre les résistances, briser l’ordre établi, la gauche peut être amenée à limiter, au moins temporairement, les libertés. Dans
le but de parvenir à l’égalité économique réelle, elle aura aussi
tendance à se concentrer sur la répartition des richesses existantes,
plutôt que sur la capacité à créer de nouvelles richesses. Dans ce cas,
les socialistes paraissent plus clairement à gauche.
Qu’est-ce que la droite ?
La
droite se pose traditionnellement en défenseuse de l’ordre, du travail,
de la famille et de la responsabilité individuelle devant des normes
établies. Stabilité, légalité, préoccupation de l’avenir comme
perpétuation du passé et du présent sont les principales revendications
de la droite. Elle montre un respect important de la hiérarchie, accorde
une importance élevée à la sécurité, à la défense de la patrie. Elle
valorise l’effort, l’émulation, la concurrence. Elle conçoit la justice
comme distributrice de sanctions ou de récompenses, plus que comme une
instance permettant de rétablir des droits bafoués.
La
droite souligne l’inégalité des talents et des performances, qu’elle
refuse d’égaliser par la loi. Elle souhaite protéger les plus faibles,
mais sans que cela décourage ceux qu’elle voit comme les plus
entreprenants, les plus talentueux ou les plus riches.
Une
partie de la droite considère l’individu comme maître de son destin,
autonome, responsable et elle défend la propriété. Cela la rapproche du
libéralisme. Elle s’en éloigne lorsqu’elle cherche à favoriser un modèle
d’organisation (issu de la tradition), en pénalisant les choix
alternatifs, ou encore lorsqu’elle fait passer « l’intérêt supérieur de
la nation » devant les droits individuels (notamment de propriété).
A l’extrême droite, on trouvera le traditionalisme, le nationalisme, l'autoritarisme, c’est-à-dire les partisans d'un pouvoir fort.
Les libéraux : compatibles avec la droite et la gauche
On
le voit, les définitions de la droite et de la gauche, même si l’on se
restreint aux valeurs, sont floues et elles changent dans le temps. Il
est cependant possible d’en dégager des tendances, décrites ci-dessus.
Le
libéralisme partage certaines valeurs de la droite (responsabilité
individuelle, propriété) et certaines valeurs de la gauche (lutte contre
l’oppression, justice) : il incarne la défense de la liberté et de la
responsabilité individuelle face à autrui. Il ne semble donc pouvoir
être placé clairement d’un côté ou de l’autre.
C’est,
somme toute, assez logique : les libéraux souhaitent principalement
laisser chacun libre de gouverner sa vie, avec comme limite le respect
des droits des autres. Comme le souligne Alcodu sur son blog Gauche libérale
: « il y a des libéraux de droite et des libéraux de gauche, mais le
propre des libéraux c'est de ne pas vouloir gouverner la société au nom
d'une morale de droite ou d'une morale de gauche ».
par Matthieu Longobardi - Ouvrez-vous
Bibliographie :
- André Comte Sponville, Dictionnaire philosophique, PUF, 2001, article Droite/gauche
- Mathieu Burelle, Qu'est-ce que la gauche ? (article web aujourd’hui inaccessible)
Je recommande par ailleurs le texte Les libertariens sont-ils à droite ? du site Le Québéquois libre.
H) Le libéralisme par la voie de gauche - Née avec la Révolution, l'idée d'autonomie
de l'individu a été mise à mal par l'Etat tout-puissant au XXe siècle.
L'ère numérique pourrait lui être fatale.
Il existe à gauche une longue tradition libérale dont les socialistes « frondeurs » d'aujourd'hui devraient s'inspirer, écrit Gaspard Koenig. Qui, mieux que le marché, accueille ceux qui n'ont pas le bon diplôme, le bon accent ou le bon air de famille ? La concurrence n'est-elle pas le meilleur moyen de favoriser l'ascension sociale ? L'austérité budgétaire n'éclaircit-elle pas notre horizon illimité de répression fiscale ? Ravivons la flamme vacillante de la gauche libérale !Gaspard Koenig
La France a un problème avec le libéralisme. Elle en est en partie le berceau, à travers des auteurs des XVIIIe et XIXe siècles
comme Jean-Baptiste Say ou Alexis de Tocqueville. Mais, depuis près
d'un siècle, elle lui a tourné le dos. En préambule de son dernier
livre, Gaspard Koenig raconte que, en huit ans d'études de philosophie,
« jamais, pas une minute [...], on ne m'a parlé du libéralisme. Il
m'a fallu, comble de l'ironie, passer une année à Columbia University
(New York) pour découvrir, au hasard d'un cours sur la philosophie
continentale, cette tradition française ». Cette découverte tardive
est devenue un idéal pour le jeune agrégé en philosophie, qui l'a amené
à créer un think tank (GénérationLibre) et à devenir chroniqueur pour
plusieurs revues et journaux, dont « Les Echos ».
L'autonomie avant tout
Pour
lui, le libéralisme ne saurait se réduire au modèle économique dominé
par le marché auquel on tend à le ramener. C'est la mise en avant comme
priorité absolue de l'autonomie, c'est-à-dire de « la capacité de l'individu à effectuer ses propres choix ».
L'idée est au coeur de son dernier essai, « Le Révolutionnaire,
l'Expert et le Geek ». Le titre peut sembler abscons, mais il symbolise
« trois systèmes de représentation du monde, ancrés dans trois
moments de l'histoire de France : le modèle révolutionnaire ; la
tentation planiste ; l'utopie numérique ». Gaspard Koenig mêle avec
brio l'histoire, la philosophie et l'économie pour explorer
successivement ces trois stades, mais aussi pour jeter les bases de
réformes radicales qui pourraient remettre l'individu au centre de la
vie publique.
Le révolutionnaire, ce pourrait être la figure d'Isaac Le Chapelier, « comète de la vie politique française ». Député du tiers état en 1789, il préside l'Assemblée nationale lors de la nuit du 4 août durant laquelle, « les
uns après les autres, dans une allègre surenchère, les privilèges
furent abolis - ceux des nobles et du clergé, mais aussi ceux des
régions », écrit Gaspard Koenig. Guillotiné en 1794, il laissera à la France une loi qui porte son nom, qui « visait
à "anéantir "(le terme est savoureux) toutes les corporations de
métiers [...] de manière à briser les rentes et à fluidifier le
marché », afin de garantir la liberté d'entreprise.
Deux
siècles plus tard, alors qu'Uber subit les foudres des taxis et des
pouvoirs publics, Gaspard Koenig n'hésite pas à jouer les provocateurs
pour appeler de ses voeux une nouvelle nuit du 4 août : « Notre
boussole, c'est l'autonomie individuelle, pas la liberté aristocratique
du privilège. C'est pourquoi nous devrons faire un grand feu de joie des
innombrables statuts, corps, catégories, ordres, syndicats et autres
chapelles qui cherchent à créer leur propre norme et polluent notre
horizon social. » A la place de ces « rentiers », et à rebours de nombreux politiciens dits « libéraux », il propose d'établir un revenu universel, assuré par l'Etat : « Donnons
à chacun de quoi se libérer de la peur du lendemain - non pas au nom de
la justice ni de la paix sociale, mais de l'autonomie. »
L'expert, deuxième figure invoquée par Koenig, est avant tout un repoussoir. Il symbolise le planisme, « cette
idée perverse selon laquelle les choix individuels [...] doivent être
orientés et limités [...]. Par qui ? Non par la volonté générale [...]
ni par les associations de l'espace civil, mais par des experts, qui ont
peu à peu envahi toutes les structures de l'Etat et tracé la diagonale
mortifère du pouvoir ». Koenig fait remonter la tradition planiste
française au régime de Vichy, qui mit en place la carte d'identité, le
statut de la fonction publique, les ordres professionnels (médecins,
experts-comptables...), le Code de l'urbanisme, la retraite par
répartition ( « en fait, un vaste système de Ponzi qui cause la ruine de ma génération »)
ou l'Ecole des cadres d'Uriage, ancêtre de l'ENA. Autant d'institutions
qui perdureront à la Libération, le Conseil national de la Résistance
et le général de Gaulle s'accommodant très bien de la vision planiste :
« Aucune différence, sur le fond, entre l'économie organisée du
Maréchal et "l'économie dirigée" du Général. [...] L'Etat n'est plus un
outil au service d'un certain ordre démocratique, mais s'identifie à la
nation elle-même, qu'il couronne et englobe. » Pour Gaspard Koenig, « il ne faut pas chercher plus loin les maux dont souffre la France aujourd'hui ».
Et demain ? La troisième partie de
l'ouvrage y est consacrée, à travers la figure du « geek », symbole de
l'utopie numérique planétaire promise par les géants du Web : individus
connectés en permanence, règne des plates-formes et des algorithmes
prédictifs, disparition de la notion de vie privée, remplacement du
salarié par le « freelancer » ou le robot, et même transhumanisme,
c'est-à-dire transformation de l'humanité par les nouvelles
technologies.
« Ce monde que la Silicon Valley nous prépare arrivera vite en France, avec des conséquences importantes pour notre conception de l'individu, de l'Etat et de l'autonomie. »
S'il appartient à la génération numérique, Gaspard Koenig ne se prive pas d'en dénoncer les abus et renvoie dos à dos les « ultraplanistes de toute obédience », de l'extrême gauche à l'extrême droite, et les « ultratechnologiques ». Au-delà du risque de la « concentration de pouvoirs extravagante »
que représentent les maîtres des réseaux, que deviendra en effet
l'autonomie dans un monde où Google et Amazon sauront, avant moi, ce
dont j'ai envie ?
Benoît Georges
I) Divers liens
Libéralisme (gauche/droite; social) qu'en est-il exactement ? avec François-René Rideau et Jacques de Guenin