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octobre 18, 2014

"laissez faire, laissez passer", son auteur, précurseur du libéralisme

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Vincent de Gournay

1712 - 1759, économiste français, précurseur des physiocrates, ([PDF]Les physiocrates) et d'Adam Smith. Un riche négociant, il était au service du gouvernement, comme intendant du commerce de 1751 à 1758. Il a traduit et annoté l'œuvre principale de Josiah Child (voir sous l'enfant, Sir John et a réuni autour de lui un groupe d'hommes intéressés à réformer l'économie de la France et à l'abolition des restrictions commerciales. Sa phrase favorite était "laissez faire, laissez passer», et il est généralement reconnu comme son auteur. Contrairement aux physiocrates, il considérait l'industrie et le commerce ainsi que l'agriculture d'être des sources importantes de richesse.


L'œuvre économique de Vincent de Gournay, demeurée longtemps méconnue, peut être considérée comme un projet libéral de croissance équilibrée, dont l'objectif est l'utilité générale. Le concept de "Balance des hommes" est un élément fondamental de ce système: le solde migratoire positif des mouvements de travailleurs est un critère de sa prospérité, d'où la nécessité d'instaurer la liberté du travail et de l'entreprise, et de favoriser l'individualisme et l'intérêt privé. Le travail, qui n'est plus une peine mais un accomplissement, est créateur de richesses. V. de Gournay en déduit une véritable politique de répartition (bons prix, salaires d'aisance, taux de l'intérêt peu élevé): la consommation populaire est le moteur de la croissance. L'équilibre du circuit repose sur une distribution équitable des revenus ("Balance des richesses") et réclame le maintien de la paix en Europe ("Balance des pouvoirs"). V. de Gournay avec ses "élèves" Morellet et Forbonnais, se rattache donc à un courant de pensée, le "libéralisme égalitaire", dont Boisguilbert avait posé les fondaments dès la fin du XVIIe siècle, et qui aboutit à une vision anthropologique de l'humanité.
Vincent de Gournay (1712-1759) et la "Balance des hommes", by Simone Meyssonnier © 1990
  


Commerce, population et société autour de Vincent de Gournay (1748-1758)

La genèse d'un vocabulaire des sciences sociales en France

Institut National d Etudes Démographiques, 133 Bvd Davout, 75020 Paris, Salle Sauvy

Publié le jeudi 05 février 2004 par Anne Gentil-Beccot


La genèse d’un vocabulaire des sciences sociales en France » est de faire converger les démarches de l'histoire intellectuelle, de l'histoire des institutions et de l'histoire des sciences et des techniques autour d'un réseau d'administrateurs et d'auteurs qui ont joué un rôle important dans le renouvellement des idées politiques et économiques au milieu du XVIIIe siècle en France. Vincent de Gournay, Intendant du commerce de 1751 à 1758 apparait comme la figure centrale d'un réseau qui comprend en particulier Abeille, Clicquot de Blervache, l'abbé Coyer, Herbert, l'abbé Le Blanc, Malesherbes, l'abbé Morellet, Plumard de Dangeul, Trudaine père et fils, Turgot, Véron de Forbonnais. Il s'agit de mettre en évidence un véritable projet collectif qui a été à l'origine de débats majeurs (baisse du taux de l'intérêt, liberté du commerce, noblesse commerçante, patriotisme). En limitant le champ d’étude au cercle de Gournay et à la période de son activité maximale (1748-1758), en accordant une place importante aux questions de vocabulaire, et en réunissant des chercheurs de plusieurs pays et disciplines (histoire, économie, philosophie, sociologie, linguistique), nous souhaitons échapper aux dangers de l’anachronisme et des histoires trop strictement disciplinaires, et contribuer au renouvellement de l'histoire des sciences sociales en France.
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Turgot écrit : « M. de Gournay n’avait pas imaginé non plus que, dans un royaume où l’ordre des successions n’a été établi que par la coutume, et où l’application de la peine de mort à plusieurs crimes est encore abandonnée à la jurisprudence, le gouvernement eût daigné régler par des lois expresses la longueur et la largeur de chaque pièce d’étoffe, le nombre des fils dont elle doit être composée, et consacrer par le seau de la puissance législative quatre volumes in-quarto de ces détails importants ; et en outre des statuts sans nombre dictés par l’esprit de monopole, dont tout l’objet est de décourager l’industrie, de concentrer le commerce dans un petit nombre de mains par la multiplication des formalités et des frais, par l’assujettissement à des apprentissages et des compagnonnages de dix ans, pour des métiers qu’on peut savoir en dix jours ; par l’exclusion de ceux qui ne sont pas fils de maîtres, de ceux qui sont nés hors de certaines limites, par la défense d’employer les femmes à la fabrication  des étoffes, etc., etc. Il n’avait pas imaginé que dans un royaume soumis au même prince, toutes les villes se regarderaient mutuellement comme ennemies, s’arrogeraient le droit d’interdire le travail dans leur enceinte à des Français désignés sous le nom d’étrangers, de s’opposer à la vente et au passage libre des denrées d’une province voisine, de combattre ainsi, pour un intérêt léger, l’intérêt général de l’État, etc., etc.
Il n’était pas moins étonné de voir le gouvernement s’occuper de régler le cours de chaque denrée, proscrire un genre d’industrie pour en faire fleurir un autre, assujettir à des gênes particulières la vente de provisions les plus nécessaires à la vie, défendre de faire des magasins d’une denrée dont la récolte varie tous les ans et dont la consommation est toujours à peu près égale ; défendre la sortie d’une denrée sujette à tomber dans l’avilissement, et croire s’assurer l’abondance du blé en rendant la condition du laboureur plus incertaine et plus malheureuse que tous les autres citoyens, etc. »
« On peut même dire que peu de gens ont été aussi parfaitement libres que lui de cette espèce de vanité qui ferme l’accès aux vérités nouvelles. Il cherchait à s’instruire comme s’il n’avait rien su, et se prêtait à l’examen de toute assertion, comme s’il n’avait eu aucune opinion contraire ».
« Le monde est plein de gens qui condamnent, par exemple, les privilèges exclusifs, mais qui croient qu’il y a certaines denrées sur lesquelles ils sont nécessaires, et cette exception est ordinairement fondée sur un intérêt personnel, ou sur celui de quelques particuliers avec lesquels on est lié. C’est ainsi que la plus grande partie des hommes est naturellement portée aux principes doux de la liberté du commerce. Mais presque tous, soit par intérêt, soit par routine, soit par séduction, y mettent quelques petites modifications ou exceptions.
M. de Gournay, en se refusant à chaque exception en particulier, avait pour lui la pluralité des voix ; mais en se refusant à toutes à la fois, il élevait contre lui toutes les voix qui voulaient chacune une exception, quoiqu’elles ne se réunissent pas sur la sorte d’exception qu’elles désiraient, et il en résultait contre ses principes une fausse unanimité, et contre sa personne une imputation presque générale du titre d’homme à système ».
conclusion de Turgot : « C’est une sorte de malheur que les hommes recommandables par les vertus les plus respectables et les plus véritablement utiles soient les moins avantageusement partagés dans la distribution de la renommée. La postérité ne juge guère que les actions publiques et éclatantes, et peut-être est-elle plus sensible à leur éclat qu’à leur utilité ».



LE LAISSEZ FAIRE
Le laissez-faire est l'abréviation de "laissez faire, laissez passer», une expression française, un sens à «laisser faire, laisser passer». D'abord utilisé par les physiocrates du XVIIIe siècle comme une injonction contre l'ingérence gouvernementale dans le commerce, il est maintenant utilisé comme synonyme de l'économie de marché stricte libre.  Le laissez-faire politique économique est en contradiction directe avec la politique économique étatiste. Adam Smith a joué un rôle important dans la popularisation des théories du laissez-faire économique dans les pays anglo-saxons, mais il a critiqué un certain nombre d'aspects de ce qui est actuellement considéré comme un laissez -faire.
 
 Le laissez-faire (impératif) est distincte de laisser-faire (infinitif), qui renvoie à une attitude négligente dans l'application d'une politique, impliquant une absence de considération, ou de la pensée.

 

Le laissez-faire école de pensée est titulaire d'un capitalisme pur ou afficher marché libre, que le capitalisme est préférable de laisser à elle-même, qu'il se passera de l'inefficacité d'une manière plus délibérée et rapide que tout autre organe législatif pouvait le faire.  L'idée de base est que moins il y a d'interférences du gouvernement en fait un meilleur système.



Histoire


Le laissez-faire a été la philosophie dominante à la fin du 19ème et du début du 20ème siècle dans les pays les plus riches d'Europe et d'Amérique du Nord. Beaucoup d'historiens voient aussi cette période du laissez-faire à la mise en œuvre dans ces pays. Cependant, il y a des critiques qui affirment que ce qui était décrit comme "laissez-faire" la politique est tout simplement pro-politique de l'entreprise, comme avec d'importantes subventions pour les entreprises à produire les chemins de fer aux États-Unis ou de l'utilisation commune des tarifs par des présidents républicains. Dans ce contexte, le laisser-faire rhétorique a été utilisé pour justifier le refus de subventions similaires aux classes pauvres du travail.

Pour beaucoup, le laisser-faire sont des théories qui sont tombées en discrédit en raison de leurs refus d'autoriser les gouvernements à faire face à la gestion de l'économie pendant et après la Première Guerre mondiale, et leur prétendu défaut de prévenir la Grande Dépression. Toutefois, certains défenseurs des libertés, comme Milton Friedman soutiennent que, au moment de la Grande Dépression, une importante réglementation gouvernementale économiques ont déjà eu lieu dans la plupart des grandes économies, tout comme les ouvriers et employés dans toutes les industries se sont organisés en syndicats pour réclamer de meilleures conditions de vie, ainsi que les différents contrôles et les équilibres à la perception d'une «tyrannie du laissez-faire". Les travailleurs ont réussi à obtenir des lois du salaire minimum et un impôt progressif sur le revenu dans certains pays. Le commerce international (barrières) étaient également à l'étude des politiques (Smoot ex-Hawley Tariff aux Etats-Unis).  Ainsi, d'après les libertariens mentionnés ci-dessus, les économies qui ont souffert de la dépression, mais peut-être plus proche de laissez-faire que tout les autres modèles économiques qui aient jamais servi, encore n'a pas embrassé le capitalisme pur. Certains critiques du laissez-faire font valoir que la réalisation du capitalisme pur est impossible, par exemple, car il est difficile de faire face aux défaillances du marché sans un rôle actif d'un gouvernement.



Les nations modernes d'aujourd'hui industrialisés ne sont pas typiquement représentatifs des principes du laissez-faire, car ils impliquent généralement des quantités importantes de l'intervention de l'Etat, du gouvernement dans l'économie. Cette intervention comprend le salaire minimum, une redistribution importante à travers l'impôt et des programmes de bien-être, la propriété publique des entreprises et la réglementation de la concurrence du marché. La principale exception à cette règle est à Hong Kong, qui a officiellement un laissez-faire politique économique depuis les années 1960 et peut-être plus tôt. En outre, beaucoup suggèrent que le président Ronald Reagan des Etats-Unis et le Premier ministre Margaret Thatcher du Royaume-Uni suite à une perspective générale, du laissez-faire.


Dans le sillage de la montée de l'URSS, le laisser-faire économique suppose un avantage idéologique fort, voir par exemple, Hayek. Dans l'ère post-guerre, où la régulation par l'Etat et l'implication dans l'économie a atteint un sommet, à part non négligeable dans le cadre de la guerre froide, anti-étatiste des écoles de la pensée économique a connu une vague d'intérêt et de soutien.

La mutation du libéralisme classique vers le « social-libéralisme » Blog Criticus de Roman Bernard


Vincent de Gournay

De Wikiberal
 
Jacques Claude Marie Vincent, marquis de Gournay (Saint-Malo, 28 mai 1712 – Paris, 27 juin 1759) est un économiste français, considéré comme le premier des physiocrates.
Disposant d'une grande culture économique (il connaît notamment la pensée de Locke), il entre au service de Maurepas, ministre de la Marine en 1744. En 1751, il devient intendant du Commerce et parcourt à ce titre les provinces de France, accompagné dans ses voyages par Turgot, sur qui il eut une grande influence et par qui nous ont été transmises ses idées.
Gournay fut très lié avec avec Quesnay, le fondateur de l'école physiocratique. Cependant, ses positions diffèrent de celles des Physiocrates en ce qu'il ne place pas toute la richesse dans la terre et reconnaît que l'industrie crée une valeur réelle. Grand partisan de la liberté commerciale, il adopta la fameuse maxime « Laissez faire, laissez passer, le monde va de lui-même » dont on lui attribue généralement la paternité. Partisan de la liberté de commercer, de produire, de travailler, il s'oppose au mercantilisme et dénonce l'intervention directe de l'État dans l'économie par les subventions, mais aussi les corporations, les guildes, les privilèges exclusifs. Il inspirera directement toute la tradition du libéralisme économique français.


Laissez-faire

De Wikiberal
 
Le laissez-faire désigne la possibilité d'échanges entre acteurs économiques sans entraves de l'État (règlementations, protectionnisme, subventions...) autres que pour protéger le droit de propriété.
Le laissez-faire n'a rien à voir avec le "laisser-faire", auquel certains font allusion. Les libéraux sont conscients qu'une société ne peut exister sans règles
La maxime du "laissez faire" est apparue chez les physiocrates, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. D'abord, la maxime initiale n'a jamais été "laissez-faire" mais "laissez-nous faire" et, plus complètement, "laissez-nous faire, laissez-nous passer". Il y a une querelle historique sur cette humble supplique de commerçants pour que l'État corporatiste d'Ancien régime desserre l'étau de ses règlementations. L'origine s'en trouve chez Turgot, dans son Eloge de M. de Gournay. Il prête la maxime "laissez-nous faire" à un commerçant lyonnais du temps de Colbert, mais il semble bien que la formule soit de Gournay lui-même. "Laissez-faire, laissez passer" les grains entre les provinces. A cette époque, la France était hérissée d'octrois et de droits contre la circulation libre. L'État avait le contrôle du commerce des grains, ce qui provoquait de nombreuses famines.
L'idée, géniale, qui se cachait derrière le "laissez-nous faire", était que la liberté de circulation des grains entraînerait un enrichissement général. Qui peut dire qu'il n'en a pas été ainsi ? La société d'Ancien régime, avec 25 millions d'habitants, vivait de famine en crise de subsistances. A partir du moment où la liberté a été instaurée (la Révolution française supprime définitivement les douanes intérieures), la disette ne fut plus jamais qu'un souvenir.

Le libéralisme n'est pas le laisser faire généralisé

Si seulement il pouvait en aller ainsi ! Mais nous en sommes loin. C'est d'ailleurs une chose étrange que la maxime "laissez-faire" puisse figurer en tête du réquisitoire contre le libéralisme. Appliquée à un individu, l'idée qu'il vaut mieux le laisser faire plutôt que de le contraindre remporte le plus souvent la faveur de tous : c'est le traiter en adulte. Appliquée à une nation, laisser faire les citoyens deviendrait l'horreur. Le fait qu'il y ait là un objet de détestation en révèle plus sur ceux qui profèrent l'anathème que sur ceux qui, la première fois, ont brandi la maxime comme un cri en faveur de la liberté. Considérer que "laisser faire", cela ne serait pas bien, c'est dire à l'inverse qu'on se méfie du peuple et des êtres humains en général, qu'on ne croit qu'au contrôle, à l'embrigadement, à la surveillance, à la coercition.
Remarquons d'abord qu'associer le libéralisme à la maxime "laissez-faire" répond, en creux, à l'objection selon laquelle nous vivrions dans une société libérale. Qui peut avoir le sentiment que nous vivons dans une société économique du "laissez-faire" alors que règne le "harcèlement textuel" ?
Pour prendre l'exemple français, sur une population active de 23 millions de personnes, il y a 2,5 millions de fonctionnaires d'État et un peu plus de 5 millions d'individus qui travaillent dans le secteur public. Quel que soit leur rôle, de l'employé d'état-civil au vice-président du Conseil d'État, en passant par l'enseignant, le postier, l'infirmière d'hôpital ou le gendarme, ces cinq millions de personnes ont en commun une mission : prendre soin de nous, de notre argent, de notre éducation, de notre santé, de notre cadre de vie, de nos déplacements, en bref, qu'on le veuille ou non, contrôler nos façons d'être. Il peut y avoir du "laisser aller" dans la société, sûrement pas du "laissez-faire". 


 Laissez-faire a été pour la première fois employé par les physiocrates demandant la libre circulation des grains entre les provinces et l'abolition des corvées. Il est devenu, dans la première moitié du XIXe siècle, synonyme de marché libre en économie.

Un principe politique pour une politique économique

La politique du laissez-faire représente la mise en oeuvre dans l'économie de principes déduits de la théorie économique par l'intermédiaire de la philosophie morale.

La non agression

Comme toute politique, le laissez-faire n'implique pas une absence de normes mais au contraire une règle précise, éventuellement défendue par la force, que l'on cherche à appliquer dans tous les domaines : le respect de la propriété légitime, à son tour définie de la seule manière cohérente possible comme "les possessions qu'on n'a pas volées, c'est-à-dire prises à un autre sans son consentement". Le laissez-faire est donc proche du "capitalisme" défini par Marx (comme "le régime de la propriété privée"). Et comme la violation d'une propriété légitime est la définition même de l'agression, le respect de cette propriété légitime est équivalent au principe de non-agression. Il n'est donc qu'une mise en oeuvre universelle de la morale sociale quotidienne, celle que la plupart des gens reconaissent et respectent quand ils ne se rêvent pas en hommes de l'Etat.

Laissez-faire et libéralisme

La plupart des gens qui passent pour libéraux ou se disent tels ne sont pas laissez-fairistes. Dans une société qui bascule dans le socialisme réel, où l'on arrive à faire passer pour "ultra-libéral" quiconque s'inquiète seulement de freiner cette évolution, on peut toujours trouver moins libéral que soi, et la science politique prendra sûrement au mot ces définitions relatives voire contradictoires : les courants d'opinion sont plus intuitifs que raisonnés, les partis rassemblent des courants disparates, et la politique est l'art du possible, dans un cadre institutionnel contraignant.
Ceux qui admettent que le libéralisme, comme toute norme politique, est une définition de l'acte juste, n'en seront pas moins fondés à juger de l'authenticité de ce "libéralisme", à l'aune d'un critère objectif, de raisonnements qui prétendent l'établir ou de déductions que l'on peut en tirer. Or, il n'y a pas de définition non contradictoire du principe libéral qui ne soit pas équivalente au principe de non agression, principe dont l'application universelle aboutirait à la politique de "laissez-faire".
Sont donc laissez-fairistes tous les libéraux conséquents, se divisant essentiellement en anarcho-capitalistes qui pensent qu'on peut se passer complètement d'un Etat pour faire respecter la propriété légitime, et en minarchistes qui jugent nécessaire, ou en tous cas inévitable, quelque forme d'organisation territoriale exclusive pour la défense des Droits, en particulier contre les envahisseurs étrangers.

Ceux qui rejettent le laissez-faire

Représente au contraire le rejet du principe laissez-fairiste l'interventionnisme d'Etat, qui "reconnaît" aux hommes de l'Etat le "droit" de pratiquer ce qu'ils interdisent aux autres, c'est-à-dire de s'emparer des biens voire de la personne d'autrui contre son consentement : alors les hommes de l'Etat, au lieu de se contenter de neutraliser et de punir les voleurs et les assassins, se conduisent comme eux, violant pour divers motifs la propriété voire l'intégrité physique de parfaits innocents. Suivant l'ampleur de ses interventions, l'interventionnisme s'appellera étatisme, dirigisme, fascisme, socialisme, nazisme ou communisme. L'interventionnisme d'Etat a par exemple imposé :
  • Les monopoles : barrières douanières, réglementations, politiques "de concurrence" et salaires minimum
  • Les impôts et taxes diverses
  • Les diverses subventions et privilèges exclusifs aux lobbies et autres groupes de pression, dont les syndicats
  • Les "services publics" et autres entreprises nationalisées
  • L'entretien du chômage et des faux emplois
  • L'institution d'une hiérarchie des races et des religions (Nazisme racial)
  • La persécution contre les capitalistes et la diffamation organisée de leurs défenseurs (Nazisme, plus meurtrier que le Nazisme racial)
Les laissez-fairistes tiennent ces politiques pour des systèmes d'agression criminelle et, de ce fait, destructrice et stupide - ce pourquoi ils les appellent esclavagistes-absurdistes.

Le raisonnement laissez-fairiste

Dans l'ordre de la création

Le laissez-fairisme tient que toute violence est destructrice, définissant comme une violence le fait de disposer du bien et de la personne d'autres êtres malgré eux. Dans ces conditions, la violence ne peut servir la création que si elle s'oppose à une autre violence qui détruirait ou empêcherait cette création. L'Etat agissant par définition par la violence, les hommes de l'Etat qui neutralisent les voleurs et les assassins servent la création, ceux qui prennent aux uns, forcément pour donner à d'autres, pratiquent la destruction.

Dans l'ordre de la connaissance

Le laissez-fairisme tire les conséquences du fait qu'une personne a intérêt à s'informer à la hauteur de l'enjeu que représente pour elle l'information en question. Il en déduit que la responsabilité est une condition nécessaire et suffisante de la régulation des choix.

L'irresponsabilité institutionnelle détruit l'information

Or, l'interventionnisme, en permettant à certains d'imposer aux autres de subir à leur place les conséquences de leurs choix - c'est-à-dire en instituant l'irresponsabilité - fait en sorte que ni les décideurs ni ceux qui subissent les décisions n'ont plus intérêt à s'informer de leurs conséquences à la hauteur de l'enjeu qui est en cause : cette irresponsabilité institutionnelle inhérente à l'interventionnisme d'Etat engendre l'incompétence et l'aveuglement chez ses agents aussi bien que chez ses victimes.
Le laissez-fairisme appelle donc à une restauration de la régulation sociale par la responsabilité, en abolissant l'intervention, par définition irresponsable, des hommes de l'Etat : il ne faut pas laisser les gens faire n'importe quoi.

L'économiste n'est pas dupe de l'illusion fiscale

L'intervention de l'Etat, en séparant le décideur des conséquences de ses décisions, engendre une illusion systématique quant à leurs effets, illusion systématique que les théoriciens des choix publics ont appelée illusion fiscale ou illusion politique et qui protège largement l'interventionnisme d'une appréhension correcte de ses effets destructeurs, ainsi que du caractère illusoire des avantages qu'on croit en tirer.
C'est le métier de l'économiste que de n'être pas dupe de cette illusion, et de décrire malgré elle les effets réels des politiques et des institutions, leurs redistributions effectives, l'impossibilité d'en profiter et leurs inéluctables destructions, par opposition aux effets que leur prête, à tort, le profane.

La théorie économique du laissez-faire

La théorie économique du laissez-faire tient que tous les avantages que l'on prête à l'interventionnisme d'Etat sont illusoires, que celui-ci ne profite réellement à personne et nuit au contraire à tout le monde, et prétend l'avoir démontré.

Les "défaillances du marché" sont des sophismes cachés derrière des formulations mathématiques

Le discours interventionniste dominant, qui invoque l'"optimum de Pareto" à l'encontre du laissez-faire, méconnaît les raisons pour lequelles ce critère est nécessaire et applicable : à savoir qu'un jugement de valeur est un acte de la pensée, de sorte qu'il ne se prête à aucune mesure ni comparaison entre les personnes, et qu'on ne peut le connaître qu'en le déduisant des actes volontairement accomplis que l'on peut observer. Il s'ensuit que toute personne agissant librement maximise son utilité, et qu'un régime politique où chacun est libre de disposer de ses biens maximise l'utilité sociale.
Les gloses sur l'utilité des gens qui n'agissent pas, notamment sur les "effets externes" qui ne sont pas en fait des violations observables du Droit, n'ont rien que d'arbitraire, dans la mesure où on ne peut jamais rien constater de ce dont elles parlent : ce n'est pas un hasard si la fameuse Ritournelle, le Quatrain des externalités, biens publics, monopoles naturels et rendements croissants ne fournit aucune norme objective pour dire quand les hommes de l'Etat devraient intervenir ni surtout s'arrêter - et c'est bien pour ça qu'on s'en sert : le seul critère objectif de la production étant l'action volontaire dans un cadre de Droit, les ersatz mathématico-statistiques qu'on voudrait faire passer à sa place font penser à un congrès de mathématiciens qui se réunirait pour savoir combien font 2 + 2, étant donné que tout le monde a interdiction formelle de mentionner le nombre "4". D'ailleurs, l'empirisme le plus radical opposé à la preuve logique ne conduit-il pas à affirmer que "les règles de l'arithmétique n'appartiennent pas à la science parce qu'elles sont irréfutables" ?
Quant à l'intervention de l'Etat, si elle fait des bénéficiaires - on va voir dans quelles limites - elle fait aussi nécessairement des victimes, et on ne peut pas comparer les variations d'utilité des uns et des autres - c'est justement pour en tenir compte qu'existe le critère de Pareto : il est donc en toutes circonstances contradictoire d'invoquer l'optimum de Pareto à l'appui d'une quelconque intervention de l'Etat.
Le détour par la théorie de l'"équilibre général", surtout décrite en termes mathématiques, n'a donc pour effet que d'habituer ses adeptes à traiter les jugements de valeur comme s'ils étaient ce qu'ils ne sont pas - des choses, mesurables, et donc
  • à perdre de vue les raisons pour lesquelles on a accepté le critère de Pareto,
  • à traiter le Droit de propriété à la fois comme s'il existait - il le faut bien pour spécifier les modèles - et comme s'il n'existait pas - en prétendant justifier des politiques qui le méconnaissent.
Une conséquence de ce traitement de la propriété digne d'Alice au pays des merveilles est que, comme on va le voir, ces modèles prétendument "généraux" sont systématiquement incomplets : s'ils l'étaient réellement, généraux, et intégraient enfin la redistribution politique dans leurs analyses d'équilibre "général", ils devraient conclure que celle-ci est automatiquement et totalement destructrice de tout ce dont elle s'empare.

La redistribution politique est aléatoire

La théorie économique générale démontre que la redistribution politique réelle va généralement dans un sens totalement différent de ce que prétend le discours public : les lois de l'incidence réelle et de la protection effective montrent au contraire que les véritables victimes des impositions sont ceux qui dépendent le plus de l'activité taxée, et que les véritables récipiendaires de la redistribution sont ceux qui possèdent le facteur de production le plus spécifique à l'activité subventionnée : c'est pourquoi les prétendues "cotisations sociales patronales" sont en réalité payée par les salariés, et les subventions à l'agriculture se retrouvent dans la poche des propriétaires fonciers et jamais dans celle des travailleurs agricoles.
Cette même théorie économique générale démontre aussi - c'est même le point de départ de la théorie financière - que toute occasion de profit est immédiatement exploitée jusqu'à sa disparition : il s'ensuit qu'il ne peut jamais y avoir de profit certain. Elle en déduit que, toutes choses égales par ailleurs, la redistribution politique n'appauvrit ou enrichit les possesseurs de la chose taxée ou subventionnée que s'ils la détenaient au moment où celle-ci est devenue certaine. Ceux qui viennent longtemps après n'en profitent pas ni n'en souffrent, la chose étant à terme compensée par des variations de prix.
Les avantages et les charge réels de la redistribution politique sont donc aléatoires - ils dépendent des rapports de forces politiques comme des conditions du marché.

La Loi de la destruction totale

Cependant, la théorie économique doit aussi reconnaître que pour obtenir la redistribution en question, de même que pour tenter de l'empêcher, on aura aussi dû faire des efforts et consentir des dépenses. Et c'est de ce fait-là que la théorie économique du laissez-faire entend, pour sa part, déduire que l'intervention de l'Etat détruit toute la production dont elle s'empare, soit au moment où elle s'empare du bien produit en rompant le lien entre la propriété usurpée et le projet que celle-ci devait servir, soit au cours des efforts faits par les puissants pour s'emparer de ce butin.
En appliquant à la redistribution politique le raisonnement général sur l' équilibre, fondé sur le fait qu'il n'y a jamais de profit certain, on démontre que pour recevoir les distributions de l'interventionnisme public, il faut en tendance consacrer à les obtenir des ressources équivalentes à ce qu'on en attend, dépense qui est entièrement perdue pour toute production réelle. Il s'ensuit que l'intervention de l'état détruit en tendance une richesse équivalente à toute richesse dont elle s'empare. En outre, elle le ferait automatiquement et certainement dans les conditions de "certitude" de l'"équilibre général", et ses adeptes s'en seraient rendus compte depuis longtemps s'ils n'omettaient pas depuis le début d'y intégrer la redistribution politique.

Le Cercle vicieux de l'interventionnisme

En outre, comme l'a démontré Ludwig von Mises, comme l'intervention de l'Etat crée un précédent dans la destruction du Droit, n'atteint pratiquement jamais ses objectifs affichés, et cause des dégâts dont le mécontentement se nourrit, elle engendre des pressions pour des interventions ultérieures aussi longtemps que subsiste l'illusion quant à ses effets réels : c'est le Cercle vicieux de l'interventionnisme décrit par Mises ou Loi des Calamités selon la formule de Michel de Poncins, qui doit conduire à terme à l'abolition de tout Droit (le "socialisme réel") et à la destruction de toute richesse si on continue à ne pas tenir compte de ses véritables conséquences.

Le Multiplicateur des Calamités

Il s'ensuit que, même si une intervention particulière de l'Etat ne détruit la richesse dont elle s'empare que dans un rapport de 1 à 1, on doit aussi tenir compte des destructions à venir, causées par les interventions futures que la première aura engendrées. On appellera Multiplicateur des Calamités le rapport, supérieur à 1, entre les richesses dont s'empare une intervention particulière des hommes de l'Etat, et celles que cette intervention spécifique aura finalement détruites, compte tenu des interventions supplémentaires qu'elle aura par la suite inspirées.

Le laissez-fairiste tient pour criminelle l'intervention de l'Etat dans l'économie

Enfin, dans l'ordre de la morale, conformément aux règles du droit naturel, le laissez-fairiste tient que personne n'a le Droit de voler personne, en qu'en conséquence quiconque dispose du bien d'autrui sans son consentement est un criminel - ce que font, et ce que sont, les hommes de l'Etat qui se livrent à l'interventionnisme "économique". C'est généralement au terme de l'analyse qu'il conclut que cet interventionnisme est criminel, après avoir successivement constaté qu'il n'a pas, puis qu'il ne peut pas avoir les effets qu'on en attend, qu'il ne peut rien produire, puis qu'il est intrinsèquement destructeur.

Histoire

C’est, dit-on, un marchand, François Legendre (ou Le Gendre), qui, le premier, à Colbert qui lui demandait comment le gouvernement du roi pouvait aider le commerce, aurait répondu : " Laissez-nous faire". Que l'expression "laissez-faire" soit passée du français en anglais montre que le laissez-faire est une tradition intellectuelle française, à la différence du libéralisme anglo-saxon et notamment britannique, qui s'appuyait sur les démonstrations factuelles d'Adam Smith et de Ricardo pour démontrer que les monopoles, notamment protectionnistes, détruisent la production sans profiter réellement à leurs bénéficiaires prétendus. Le laissez-faire érigé en principe heurtant les intérêts à court terme de puissants exploiteurs, la démonstration anglo-saxonne a eu plus de succès, aidée par une tradition politique plus favorable au commerce, avec pour inconvénient une certaine tendance à rationaliser les compromis, accentuée par les assauts contre la preuve philosophique menés au XIX° siècle à la suite de Kant et de Hume.
La conséquence en est que nombre d'auteurs passant pour "libéraux" se sont mis, dès la fin du XIX° siècle, à déterrer les vieux sophismes de l'interventionnisme et à en inventer de nouveaux, notamment au départ pour rationaliser a posteriori les politiques dites "de concurrence" imposées à partir de 1890, dont il faudra attendre Murray Rothbard pour démontrer en 1962 qu'elle sont contradictoires, tant en théorie économique qu'en philosophie politique.
L'idéologie du laissez-faire a été dominante de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe, dans les pays riches d'Europe et d'Amérique du Nord. Elle a été progressivement mise en cause par des hommes politiques contraints d'avoir l'air de "faire quelque chose" pour des clientèles électorales, et discréditée par l'interprétation qu'ils ont donnée au Krach de 1929 et à la Grande Dépression comme attribuables à la liberté d'entreprendre, et non aux décisions irresponsables et aveugles des banquiers centraux et autres hommes de l'Etat.
Or, les économies qui ont subi la Grande Dépression n'étaient pas gouvernées par le laissez-faire. Dès avant la Première Guerre mondiale, et a fortiori pendant sa durée, les Etats lui avaient déjà porté des atteintes majeures, en multipliant des monopoles, impositions et interdictions d'échanger : politiques d'inflation, attribution aux syndicalistes de privilèges exorbitants du droit commun, subventions au chômage, notamment en Grande-Bretagne, salaires minimum et même persécution des "riches" avec l'impôt progressif sur le revenu.

Depuis la guerre froide

Les réglementations étatiques n'ont cessé de croître depuis, la "démocratie" majoritaire, ou soi-disant telle, remplaçant progressivement l'état de Droit. Ce qui a changé, c'est que les rationalisations de l'interventionnisme ont toutes été démontrées absurdes dès le début des années 1960, grâce à la remise en oeuvre de la preuve philosophique, tant en économie, avec l'école autrichienne et qu'en philosophe politique, avec les libertariens, tandis que l'Ecole de Chicago fournissait, comme autant de "preuves", les illustrations empiriques des destructions nécessairement causées par l'interventionnisme d'état. Les ouvrages de Ayn Rand - notamment son roman Atlas Shrugged, ont joué, pour ouvrir les yeux sur les ravages et l'immoralité de l'interventionnisme d'état, le même rôle que L'Archipel du Goulag pour l'inhumanité du socialisme réel.
Le socialisme étant une disqualification de la justice naturelle au nom de la méthode expérimentale invoquée comme uniquement et universellement valide - contre la philosophie morale et notamment politique, toute réhabilitation de la preuve philosophique en sciences sociales s'expose naturellement de sa part à la qualification d'"idéologie". Les premiers "idéologues" étant les économistes libéraux du début du XIX siècle, Say, Cabanis, Destutt de Tracy, et appelés tels par l'analphabète économique Napoléon Bonaparte, les laissez-fairistes contemporains peuvent assumer cette qualification : étant donné que les questions normatives relèvent de la seule preuve philosophique, il est plus honnête d'en accepter les conséquences, et d'apprendre à pratiquer les disciplines intellectuelles adéquates, plutôt que d'invoquer la science expérimentale en faisant semblant d'avoir oublié que celle-ci ne peut rien prouver en la matière.
Hong Kong a été le premier État à mettre en place (depuis au moins le début des années 60) à cette époque une politique économique inspirée par le laissez-faire. D'autres gouvernements, occidentaux, s'en sont aussi inspirés, mais pas dans la même mesure : pendant les années 1980, le gouvernement de Margaret Thatcher au Royaume-Uni a tenté de réduire l'emprise des monopoles, notamment syndicaux, et de privatiser les décisions. Le président des États-Unis Ronald Reagan invoquait les principes laissez-fairistes pour freiner l'accroissement des dépenses publiques et mettre en cause certains monopoles. Le Ministre des finances Roger Douglas en Nouvelle Zélande et le général Augusto Pinochet au Chili s'en sont également inspirés, avec un égal succès.
Le passage de Reagan et Thatcher au pouvoir a freiné le développement de l'interventionnisme d'état, et l'a fait reculer sur certains points, mais celui-ci continue à se développer.


Citations

Définition du laissez-faire :
Dans l'économie de marché, type d'organisation sociale axé sur le laissez-faire, il y a un domaine à l'intérieur duquel l'individu est libre de choisir entre diverses façons d'agir, sans être entravé par la menace d'être puni. Si toutefois le pouvoir fait plus que de protéger les gens contre les empiétements violents ou frauduleux de la part d'individus asociaux, il réduit le domaine où l'individu a liberté d'agir, au-delà du degré où il est limité par les lois praxéologiques. Ainsi nous pouvons définir la liberté comme l'état de choses où la faculté de choisir de l'individu n'est pas bornée par la violence du pouvoir, au-delà des frontières dans lesquelles la loi praxéologique l'enferme de toute façon. (Ludwig von Mises, L'Action humaine)
Le laissez-faire et l'esclavage :
l'abolition de l'esclavage et du servage ne pouvait être effectuée par le libre jeu du système de marché, parce que les institutions politiques avaient soustrait les domaines nobiliaires et les plantations à la souveraineté du marché. L'esclavage et le servage furent abolis par une action politique, dictée par l'esprit de l'idéologie — si décriée — du laissez-faire, laissez-passer. (Ludwig von Mises, L'Action humaine)
Le laissez-faire et le progrès :
les économistes... réfutèrent la croyance superstitieuse selon laquelle les procédés permettant d'économiser le travail provoqueraient le chômage et réduiraient tout le monde à la pauvreté et au dépérissement. Les économistes du laissez-faire ont été les pionniers des progrès techniques sans précédent au cours des deux siècles qui viennent de s'écouler... L'idéologie du laissez-faire et sa conséquence, la « révolution industrielle », firent sauter les barrières idéologiques et institutionnelles qui bloquaient le progrès vers le bien-être. Elles démolirent un ordre social où un nombre toujours croissant de personnes étaient condamnés à une détresse abjecte et sans issue. (Ludwig von Mises, L'Action humaine)
Le laissez-faire, le libre échange et la paix
Ces libéraux britanniques et leurs amis du Continent eurent assez de pénétration pour comprendre que ce qui peut sauvegarder une paix durable, ce n'est pas seulement le gouvernement du peuple par lui-même, mais le gouvernement du peuple dans le laissez-faire complet. A leurs yeux, le libre-échange, à la fois dans les affaires intérieures et dans les relations internationales, était la condition préalable nécessaire à la préservation de la paix... tandis que le laissez-faire élimine les causes de conflit international, l'ingérence des hommes de l'Etat dans l'économie et le socialisme engendrent des conflits auxquels on ne peut trouver aucune solution pacifique.(Ludwig von Mises, L'Action humaine)
L'ingénieur mathématicien Maurice Allais doit à son ignorance de la philosophie de ne pas comprendre le laissez-faire
« Comment la nouvelle doctrine du libre échangisme mondialiste a-t-elle pu s'imposer alors qu'en réalité elle n'a entraîné que désordres et misères dans le monde entier ? Il y a sans doute à cela trois raisons essentielles : un enseignement erroné dans toutes les universités du monde, une funeste confusion entre libéralisme et laissez-fairisme, la domination des multinationales américaines» [1]
Sur la prétendue opposition entre le libéralisme et le laissez-faire
Alors que le capitalisme pur, le capitalisme de laissez-faire n’a jamais existé nulle part, alors qu’on avait laissé certaines interventions (inutiles) des hommes de l’Etat diluer et saper le système américain originel — bien plus par erreur que par intention théoriquement motivée, ces interventions-là étaient des entraves mineures, et les “économies mixtes” du dix-neuvième siècle étaient essentiellement libres, et c’est cette liberté jamais vue qui a amené un progrès sans précédent pour l’humanité.
Les principes, la théorie, et la pratique effective du capitalisme reposent sur un marché libre c’est-à-dire non réglementé, comme l’histoire des deux derniers siècles l’a amplement démontré. Aucun défenseur du capitalisme ne peut se permettre de méconnaître le sens exact des termes de “laissez-faire” et d’“économie mixte”, qui indiquent clairement les deux éléments opposés qui sont en cause dans cette mixture : l’élément de liberté économique, qui est le capitalisme, et celui de l’intervention des hommes de l’Etat, qui est l’étatisme.
Une campagne insistante se poursuit depuis des années pour nous faire accepter l’idée suivant laquelle tous les Etats seraient les instruments des intérêts économiques de classe, le capitalisme n’étant pas une économie libre, mais un système d’ingérences étatiques au service de quelque classe privilégiée. Le but de cette campagne est de falsifier l’économie politique et de réécrire l’histoire pour oblitérer l’existence et la possibilité d’un pays libre et d’une économie sans intervention de l’Etat. Comme un système de propriété privée nominale gouverné par les interventions de l’Etat n’est pas du capitalisme mais du fascisme, le seul choix que cette oblitération nous laisserait est le choix entre le fascisme et le socialisme (ou le communisme) — ce que tous les étatistes du monde, de toutes les variétés, degrés et dénominations s'efforcent frénétiquement de nous faire avaler -détruire la liberté est leur objectif commun, après quoi ils comptent se battre entre eux pour le pouvoir. (Ayn Rand, "The New Fascism: rule by consensus")











 






 

octobre 15, 2014

La génèse du libéralisme par JR ALCARAS (économiste) - "Gauche" Libérale ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

La naissance du libéralisme au 18ème siècle :
un projet de société indissociable de l’utopie des Lumières
 
La question du libéralisme est évidemment au coeur des conceptions contemporaines de la liberté… L’idée d’un régime prônant la liberté de tous et de chacun est généreuse ; la réalité est souvent plus discutable… mais pour se prononcer, il faut d’abord se poser la question de quel libéralisme parle-t-on ?
 
Jean-Robert Alcaras propose ici de revenir sur la genèse du libéralisme au 18ème siècle, comme libéralisme total (politique, moral et économique) indissociable de la philosophie des Lumières.


INTRODUCTION

Si la liberté se définit comme « puissance de la volonté » (c’est-à-dire vouloir et pouvoir faire ce que l’on veut), alors… comment vivre en paix et dans l’harmonie sociale dans une société constituée par des individus auxquels on accorde une grande liberté ? Autrement dit, la paix et la sécurité (des biens et des personnes) sont-elles compatibles avec un régime de libertés individuelles les plus étendues possibles ?

Cette question, c’est l’une des questions centrales — pour ne pas dire LA question — qui est au coeur de la problématique de la modernité.
Ce que je voudrais montrer, c’est que le libéralisme — pas seulement économique — est une des réponses possibles à cette question. Mieux encore : c’est peut-être même la seule réponse pragmatiquement faisable que la modernité ait réellement trouvé à ce problème — avec toutefois la possibilité de constater de grandes nuances entre les différentes versions qui se sont ensuite inspirées, au 19ème et au 20ème siècles, du projet libéral originel !!!

Je vous proposerai donc comme principale conclusion la proposition suivante : sauf exception notable (ce qui est le cas des anti-modernes ou du moins des pensées critiques face à la modernité, comme celle de H. Arendt), et contrairement à ce que l’on entend souvent en France, nous sommes (presque) tous des libéraux au sens originel du terme — même ceux qui parmi nous se définissent comme… des anti-libéraux !

Pour arriver à ces conclusions, il faudra d’abord que nous nous entendions sur les termes qui seront ici employés : de quel libéralisme parle-t-on ? A quelle modernité fais-je référence ?



1. Libéralisme ?
  Il n’y a pas qu’un libéralisme… et le mot est assez vague en soi, il est polysémique, c’est-à-dire qu’il évoque des choses différentes selon les moments, et selon les endroits aussi.
Ainsi, par exemple, le mot « libéral » qualifie clairement une attitude « de gauche » aux USA… et une attitude « de droite » en France ! Et cela ne provient pas seulement du caractère confus de la distinction droite-gauche, ni de la différence entre les conceptions politiques de part et d’autre de l’Atlantique… mais surtout d’un sens différent donné au même mot lui-même de part et d’autre de l’Atlantique.

Je vous parlerai ici du libéralisme originel, celui qui est né à la fin du 18ème siècle en Europe (à noter : c’est une idée franco-anglaise ! Comme quoi, l’entente cordiale…). Et je vous présenterai ce libéralisme originel comme une utopie sociale globale.

• Une utopie sociale, au sens où il s’agit d’un projet de société fondé sur un certain nombre d’hypothèses (notamment sur la capacité des hommes à vivre ensemble tout en étant libres) dont nous ne serons jamais sûr de les vérifier dans la réalité, mais qui nous montre la voie à suivre…
• Une utopie globale, dans la mesure où le libéralisme est un système qui est fondé sur l’hypothèse de la plus grande liberté pour tous, dans tous les domaines, de manière indissociable : libertés politiques, libertés de morales et de moeurs, libertés de comportement et de pensée, libertés économiques…
Et je vous demande aussi de bien faire la différence entre le libéralisme (originel) et le capitalisme !
• D’abord, ni la notion, ni la réalité qu’elle décrit n’existaient au moment où le libéralisme a été inventé ! Le capitalisme (comme notion et comme réalité) n’est apparu qu’au 19ème siècle ou à la toute fin du 18ème…
• Le capitalisme désigne une réalité (pas une utopie) : c’est un système économique qui, comme l’a souligné Karl Marx, repose fondamentalement sur le principe de l’appropriation privée des moyens de production (propriété privée du capital). Peut-être que le libéralisme n’a pu donner lieu qu’au capitalisme…

Et c’est au nom de l’écart entre la réalité capitaliste et l’utopie libérale qu’un certain nombre de contestations auront lieu au 19ème siècle (à commencer par celles des socialistes, des marxistes et des anarchistes.

2. Modernité ?
Apparue à partir de la renaissance, l’idée de modernité va se développer tout au long du 17ème et du 18ème siècles, et donner lieu à des changements qui vont se réaliser massivement, pour l’ensemble de la population, du 19ème au 20ème siècles.

La modernité naît d’une critique de l’ordre traditionnel à partir duquel s’organisait la société médiévale. Elle va contribuer notamment aux changements fondamentaux suivants :

• à remettre en cause le géocentrisme et les autorités traditionnelles (de Droit divin) — ce qui pousse l’homme à repousser toutes les frontières, à modifier ses repères pour percevoir l’espace et le temps, et à ne plus se considérer dans un monde fermé, limité…
• à ne plus fonder l’ordre social sur la foi et l’ordre naturel mais plutôt sur la raison et le progrès scientifique, technologique et matériel — ce qui pousse les hommes à être de plus en plus matérialistes, de moins en moins focalisés sur la spiritualité et l’idéalisme…
• à valoriser l’individu et sa raison (exemple du « cogito ergo sum » de Descartes) : chaque homme devient en quelque sorte un monde à lui tout seul, dont il nous faudrait respecter l’intégrité et les droits « naturels » (liberté, propriété…).

Dans ce monde nouveau, fondé sur cet homme nouveau, peut-on espérer une harmonie sociale ? Est-il possible de ne pas tendre inéluctablement vers le chaos et la violence généralisée ? Ceux qui répondent clairement « OUI » à cette question sont les libéraux (au
sens du libéralisme originel dont je vous parlerai ici) — et ce sont peut-être même les seuls à donner cette réponse, sans nuance ni réserve.
 
je tenterai de vous montrer la pertinence de cette analyse, que l’on peut retrouver en substance dans un livre de Pierre Rosanvallon « Le capitalisme utopique — Histoire de l’idée de marché » (Le Seuil, Point, 1979-1999), ainsi que les principales conséquences de cette idée.
 
Le libéralisme : naissance d’une utopie sociale globale au 18ème siècle

La modernité pose le problème fondamental de la possibilité de faire vivre ensemble, dans la paix et l’harmonie, des gens différents et libres de faire ce qu’ils veulent ! Autrement dit, peut-on instituer et faire fonctionner une société sur cette base d’individus libres, en se fondant sur la raison et non par sur le respect des autorités traditionnelles ?

I – La réponse des philosophes modernes qui précèdent les Lumières :

Pour répondre à cette question, les philosophes du 16ème & du 17ème siècles se placeront essentiellement sur le plan politique, en glissant progressivement d’une position assez autoritaire (limitant de fait les libertés individuelles pour rendre possible l’ordre social) vers une position plus respectueuse des libertés individuelles. Quelques exemples de cette progression :

1. Nicolas MACHIAVEL (1469-1527) : Dans « Le Prince » (1513), il développe une vision pragmatique de la politique, dans laquelle il donne naissance au concept moderne de la « raison d’Etat ». La politique a une fin (le bien général) et cette fin justifie les moyens qui vont être employés pour l’atteindre. Machiavel prône un gouvernement pragmatique, détaché de la morale et de la religion, ayant parfois recours au mensonge ou à la force dans le but d’apporter, à terme, le bien général. Cette attitude diffère profondément de la pensée médiévale, qui est encore contemporaine à Machiavel. Si sa question centrale n’est pas l’ordre social mais plutôt la pérennité de l’Etat, sa solution réside clairement dans la politique et dans l’affirmation de l’autorité — et des différents moyens, fussent-ils liberticides, de la réaliser, la « fin justifiant toujours les moyens »…

2. Thomas HOBBES (1588-1679) : Dans « Le Léviathan » (1651) il ouvre la voie à la philosophie politique moderne, qui alimentera la réflexion politique jusqu'à la Révolution française. Contrairement à ses nombreux prédécesseurs, Hobbes ne soulève plus la question du choix du meilleur régime, mais il contribue à fonder la politique sur la "vérité effective des choses", à la façon de Machiavel, et s'interroge sur l'obéissance légitime et par conséquent sur la souveraineté. L'état de nature qu'Hobbes décrit est un mode de vie impitoyable et insupportable : « Homo homini lupus » ; dans l’état de nature, c’est la guerre de tous contre tous et de chacun contre chacun ! Ainsi, les hommes, pour préserver leur vie et pour s'acheminer vers la paix, sont conduits à renoncer d'eux-mêmes à cet état de guerre et à choisir une autorité supérieure : le souverain. Celui-ci hérite de tout ce qui était propre aux individus dans l'état de nature pour en être le détenteur exclusif. Il incarne ainsi le « Léviathan », en référence au monstre biblique, détient un pouvoir absolu et illimité en échange de la paix civile apportée aux individus. C'est une organisation politique artificielle : elle est le résultat d'un contrat social passé entre les hommes. L'unité de ce "corps" politique est rendue possible par l'existence d'un représentant unique (le monarque) et non pas par les individus qui le composent.

Son âme est l'autorité politique. L’Etat est donc, pour Hobbes, fondé sur un double pacte : un pacte d’association (ce sont les individus qui, librement, consentent à la fondation de l’Etat) ET un pacte de soumission (l’Etat doit exercer une autorité forte pour contraindre les individus à la paix civile).

3. John LOCKE (1632-1704) : Dans ses « Deux Traités sur le gouvernement civil » (1689), il poursuit l’idée de Hobbes sur l’Etat comme pacte d’association pour rendre possible la
paix civile, tout en assouplissant ses positions concernant la nécessaire soumission des individus à l’autorité du souverain. Il pense notamment que les hommes sont par nature raisonnables, libres et égaux. L'usage de la raison permet et impose à chacun de se conserver en vie par ses propres moyens tout en veillant à ne pas entraver la liberté des autres. L’état de nature est présenté comme une période heureuse de communisme primitif : contrairement à Hobbes, Locke croit que l’homme est bon par nature, il est relativement pacifique, raisonnable et sociable. Cet état de nature n’est pas régi par la loi de la jungle, comme le pense Hobbes. L’homme a une totale liberté de disposer de lui-même et de ses biens : chacun est maître et propriétaire de sa propre personne et de son travail, chacun est seigneur absolu de sa personne et de ses possessions. En raison de l’égalité entre les hommes, un droit de nature minimum impose à chacun le respect des autres dans leur personne et dans leurs biens. Pour Locke, c’est l’absence d’un arbitre entre les hommes et non l’exercice de la violence qui caractérise l’état de nature.

L'homme naturel est un propriétaire avant la lettre, entouré de sa famille, travailleur et honnête. Pourquoi abandonne t- il alors cet état si heureux (sans arbitre) pour passer contrat avec d'autres et former une société (avec un Etat qui arbitre les conflits entre individus) ?
 
L’homme échange, et pour cela il crée, au sein même de l'état de nature, les deux instruments de l'échange que sont la monnaie et la capitalisation des marchandises. Par suite des hasards des récoltes successives ou par effet de la paresse et du mauvais vouloir de certains, les propriétés se modifient.

Certaines croissent, d'autres s'amenuisent ou disparaissent. Naturellement égaux devant le droit, les hommes deviennent insensiblement inégaux devant la fortune.
Cette inégalité engendre alors un danger, celui de la guerre civile entre les hommes. Il faut donc réactiver l'égalité naturelle, par les lois et la menace du châtiment : protéger par une "société d'assurance mutuelle" la grande majorité des individus contre ceux qui les contestent. Ainsi naît la société politique, fondée sur le contrat librement consenti et tacitement accepté par ceux-là même qui ne l'auraient point voulu (pacte d’association).
 
L’origine de la société civile ou du gouvernement civil résulte donc de la volonté des hommes de sauvegarder leurs droits naturels à la vie, à la liberté et à la possession légitime des biens — ce que Locke appelle "propriété". Ainsi, pour régler les différends communs qui naissent du pouvoir de l’homme de faire tout ce qui est nécessaire pour sa préservation et de la liberté où chacun est d’être juge de sa propre cause, les hommes, par un contrat social, consentent librement à ce que le gouvernement fasse les lois et l’autorise à les exécuter en vue du bien public.

II – La réponse des philosophes des Lumières :

La philosophie des Lumières peut alors, durant tout le 18ème siècle, se développer sur les bases posées par Locke : Voltaire, Rousseau, les encyclopédistes (Diderot, D’Alembert) et les physiocrates en France ; David Hume, Adam Ferguson ou… Adam Smith en GB ; E. Kant en Allemagne…

Dans son essai intitulé « Qu’est-ce que la philosophie des Lumières ? », Kant, en 1784, écrit : « Les Lumières se définissent comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité, où il se maintient par sa propre faute. La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute quand elle résulte non pas d'un manque d'entendement, mais d'un manque de résolution et de courage pour s'en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières. » Se servir de sa raison pour sortir de la minorité, d’une sorte de « servitude volontaire », c’est-à-dire… pour être, pour devenir LIBRE !
Les idées essentielles des Lumières tournent donc autour de quelques mots-clefs :

La liberté : « Les hommes naissent tous libres. C'est le plus précieux de tous les biens que l'homme puisse posséder. Il ne peut ni se vendre ni se perdre » (selon l'Encyclopédie). LA LIBERTE, TOUTES LES LIBERTES…y compris les libertés politiques, morales, de moeurs, et les libertés économiques…
La raison : c'est le moyen d'acquérir des connaissances. Quesnay dit : « la raison est à l'âme ce que les yeux sont au corps : sans les yeux, l'homme ne peut jouir de la lumière, et sans la lumière, il ne peut rien voir ».
La tolérance : D'après Voltaire, on doit respecter la liberté et les opinions sociales, politique et religieuses d'autrui.
L'égalité : D'après Rousseau, « être libre, n'avoir que des égaux est la vraie vie, la vie naturelle de l'homme. Les hommes naissent égaux ». C’est d’une égalité en droit dont il s’agit, bien sûr…
Le progrès : ils sont pour le progrès de la société et pour
l'innovation scientifique & technologique, le progrès économique et du commerce…
Ils sont contre les abus de pouvoir, c'est pourquoi il veulent la séparation des pouvoirs : (Montesquieu, « De l'esprit des lois », 1748). On retrouve cette idée dans le libéralisme économique qui pourfend les monopoles (car ils ont trop de pouvoir), et qui présente l’Etat comme un contre-pouvoir qui doit se servir de sa puissance pour limiter le pouvoir excessif de quelques-uns.
Ils sont pour le rejet de la monarchie de droit divin et contre toutes les formes traditionnelles de gouvernement, même s’ils restent généralement favorable à un régime monarchique.
Mais ils ne sont pas pour une démocratie, sauf dans le cas de Rousseau.

Dans le cadre de la philosophie des Lumières, la question n’est plus vraiment celle de l’institution du social à partir d’individus libres : en quelque sorte, sur ce point, ils reprennent les bases de Locke (c’est notamment le cas de J. J. Rousseau (1712-1778) dans « Le contrat social », 1762, qui inspira tant les révolutionnaires en France). La vraie question de philosophie politique des Lumières consiste à questionner la régulation du social (son fonctionnement plutôt que son institution) : comment concilier les intérêts particuliers et l’intérêt général dans une société composée d’individus déclarés libres et égaux ? Ainsi, Rousseau résume son projet de la manière suivante : « trouver une forme d’association qui
défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ».

Autrement dit, est-il possible de concilier liberté et sécurité ? Et ne nuit-on pas à autrui dès lors que l’on agit à sa guise et, inversement, n’entravons-nous pas notre liberté lorsque nous avons le souci du respect d’autrui ? A cette question, il y a deux réponses possibles dans la philosophie des Lumières :

1. La réponse de Rousseau (1712-1778) : l’idée de la « volonté générale » ! Chaque citoyen est capable de distinguer son intérêt particulier et l’intérêt général, qu’il se doit de défendre comme « associé » — ainsi du fameux consentement à payer librement l’impôt !!! Cette solution est donc une solution politique, fondée sur l’idée que l’homme serait fondamentalement un animal politique… Ne trouve-t-on pas dans cette première voie la tendance républicaine de la modernité ?

• Cette réponse, séduisante, a pourtant deux inconvénients majeurs :

o Elle repose sur une hypothèse discutable de capacité citoyenne de l’homme, difficile à diffuser correctement dans toute société : l’expression et la compréhension par chacun de la volonté générale n’est pas triviale !
o Elle peut éventuellement fonder la paix civile, mais quid de la paix entre les Nations ? Les citoyens du monde ne sont en effet liés, eux, par aucun pacte…

2. C’est pourquoi la deuxième réponse des Lumières est une solution économique, qui tend d’ailleurs à substituer l’économique au politique (le marché au contrat) pour réguler harmonieusement la société… C’est la tendance libérale totale de la modernité. Passer par des relations de type commercial entre les individus apparaît en effet comme une solution simple et universelle de pacifier les relations entre les individus.

Montesquieu parlait déjà du « doux commerce », qui apaise les moeurs !
Les physiocrates français demandaient au roi de respecter les lois de la nature, qui gouvernent l’économie : « Sire, ne faites rien ! » (Quesnay) ; « Laissez-faire ; laissez passer » (V. De Gournay).

Adam Smith ne fera que reprendre et développer cette idée : si nous confrontons les individus à partir de leurs seuls intérêts particuliers (économiques et commerciaux), il n’est pas nécessaire que chacun aime les autres ni même qu’il ait compris la volonté générale pour vivre en paix avec autrui ! Il lui suffit de comprendre qu’il a besoin des autres pour satisfaire ses propres besoins, de dire aux autres : « donne-moi ce dont tu as besoin et tu auras, en retour, ce dont tu as toi-même besoin » (dit Smith dans la « Richesse des Nations », 1776). En outre, la portée des relations marchandes est universelle, elle dépasse les frontières, elle ne nécessite pas de socle politique international pour favoriser la paix entre les Nations.

Qu’on s’entende bien : Smith est un philosophe des Lumières.
Il accepte donc la théorie du contrat social — fondée par Locke et reprise par Rousseau — pour ce qui est de l’institution du social.
Il ne dénie pas l’intérêt de l’Etat, qui a son rôle à jouer pour préserver les libertés individuelles… Mais c’est au niveau de la manière d’organiser la régulation du fonctionnement de la société qu’il préfère la solution marchande (libérale) à la solution politique (républicaine) :

• Elle a l’avantage d’être immédiate et de reposer sur des instincts « naturels » des êtres humains (plutôt que de supposer leur capacité à s’élever vers une volonté générale) ;
• Elle a aussi l’avantage d’être universelle et de dépasser les frontières ;
• Elle a enfin l’avantage de rendre cohérent tout le projet social des lumières :

o Si la nature est bien faite, si l’homme est naturellement bon, pourquoi le commerce qui est naturel aux hommes serait-il un mal pour eux ? Pourquoi les hommes seraient-ils mauvais lorsqu’ils sont naturellement égoïstes ?
o Cette hypothèse correspond bien à la façon dont les Lumières envisagent un Etat qui protège par des lois les libertés, un Etat arbitre, qui ne se substitue pas aux individus dans la régulation du social
o Pourquoi la liberté serait bonne pour le progrès de l’humanité dans tous les domaines, sauf le domaine économique ?

Mais on voit aussi que cette voie nous entraîne aussi vers une conception plus économique, plus matérialiste de la société, et vers une sorte d’extinction du politique dans sa capacité à organiser la société. Comme l’a dit H. Arendt, la modernité consiste essentiellement en une disparition de fait de la politique, telle que les grecs la concevaient… Mais c’est une autre histoire !

Si on devait classer politiquement le libéralisme originel des Lumières dans son contexte, il aurait été clairement à gauche (explications sur ce petit anachronisme)…
Dans ce libéralisme utopique originel, on ne peut distinguer le libéralisme économique du libéralisme politique, moral, … C’est un tout.

Comment donc être anti-libéral aujourd’hui, surtout lorsqu’on a ses affinités politiques à gauche ? N’est-ce pas contradictoire ? Ne veut-on pas dire plutôt qu’on est anti-capitaliste ?
 
Se déclarer antilibéral, n’est-ce pas prendre le risque de rejeter aussi tout ce qui nous attache aux droits de l’homme, à la défense des libertés individuelles… ? Si nous sommes attachés au projet et à l’utopie des Lumières, comment pourrait-on rejeter leur libéralisme ?
 
 
Bien sûr, ce qui se passera au 19ème siècle fera évoluer les conceptions du libéralisme (et donc de l’anti-libéralisme). Mais si le libéralisme économique se détache du projet des Lumières, c’est donc lui qu’on devrait accuser de ne pas être assez (ou vraiment) fidèle à ce projet… et donc de le trahir ! Plutôt que de se déclarer un peu trop vite anti-libéral, pourquoi ne pas plutôt accuser certains économistes (qui se disent « libéraux ») de ne pas être fidèles au libéralisme originel ? Ce sera d’ailleurs, en quelque sorte, la voie empruntée par Marx, qui critiquera les économistes libéraux sur ce plan…
 
Intervenant : Jean-Robert ALCARAS, Economiste
 



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