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La liberté, c’est la fin du travail
Jeremy Rifkin est le
grand prophète de la « troisième révolution industrielle ». Elle est
encore à venir, mais elle ne manquera pas de se
produire rapidement parce que la société libérale actuelle produit
du chômage, dégrade la planète, et surconsomme des énergies fossiles.
Ce serait donc la
triste rançon d’une économie où la recherche du profit consiste à
vouloir toujours plus, donc à produire toujours plus en
supprimant de plus en plus d’emplois.
La troisième révolution
Pour Rifkin et les
siens, les technologies actuelles privent un grand nombre de salariés de
leur emploi. Le travail naguère accompli par l’homme est
désormais confié à des machines et robots, nés de l’informatique.
L’informatique ne pourra jamais absorber tous les chômeurs victimes de
la course à la productivité. La mondialisation aggrave le
phénomène, car c’est vers les pays où le travail est moins payé et
moins qualifié que les entreprises se délocalisent.
La technologie, la productivité, la mondialisation : voilà les ennemies du travail.
Il y aurait cependant
une parade à cette prospective apocalyptique : la révolution à base de
nouvelles énergies (dont l’hydrogène produit à
partir d’énergies renouvelables). Cette nouvelle ère technologique
s’accompagnerait d’un développement d’un tiers secteur ni public ni
marchand et de la réapparition de l’empathie, désir de se
dégager du matérialisme pour se mettre au service des autres.
Vers la saturation des biens économiques ?
La prospective de
Rifkin passe tout à fait sous silence un trait fondamental de la nature
humaine : nous sommes des insatisfaits. L’être humain
préfère toujours plus à moins. Sa soif de satisfactions est
inextinguible.
La célèbre échelle de
Maslow rend à peu près compte du phénomène : après avoir pensé à
survivre et à se protéger (besoin de nourriture, de
logement, de vêtement), l’homme pense à communiquer (transport,
langage, loisirs), puis aussi à élargir ses connaissances (instruction,
culture), et à prendre conscience de sa dimension
spirituelle. A chaque degré de cette échelle, les insatisfactions
sont toujours présentes. La nourriture est devenue un plaisir autant
qu’une condition de survie. L’imprimerie a élargi le savoir.
La « révolution industrielle » a multiplié les produits, en quantité
et en qualité.
Pourquoi cet élan
vital, cette tension vers l’infini, cesseraient-ils avec le temps ? Nous
disons bien que l’homme est un « éternel »
insatisfait. Ce que Rifkin prend pour une course à l’apocalypse
n’est en fait qu’une quête de progrès personnel. Qu’elle se fasse dans
des conditions hasardeuses ne change rien à l’affaire ;
tout au contraire, cela explique l’innovation qui vient corriger les
erreurs de choix antérieures.
Le chômage progrès
L’innovation, il est
vrai, va déplacer les efforts productifs d’un produit vers un autre,
d’une technique à l’autre, d’une entreprise à l’autre. Ce
déplacement se fait parfois à l’intérieur même de l’entreprise, et
c’est ce qui assure sa pérennité et celle des emplois : au sein de la
firme, on développe tel modèle, tel département, et
on y adapte le personnel.
Mais il est également probable que le déplacement amène à supprimer des emplois.
En ce sens, on peut dire en effet que le progrès crée du chômage.
Il faut cependant observer les caractéristiques de ce chômage :
1° Il est d’une
amplitude bien faible, et ne représente guère que 2 ou 3 % du total de
la main d’œuvre active. Sur une population de 25 millions
d’actifs, on peut estimer à 250.000 le nombre de personnes qui
quittent un emploi chaque année. C’est une sorte de « volant d’inertie »
de l’économie. On est loin des 3 millions de
chômeurs.
2° Il est de courte
période, car en même temps que des emplois anciens disparaissent à cause
de l’innovation, de nouveaux emplois apparaissent. Ce
qui est décisif, c’est le temps de passage des uns aux autres, c’est
la facilité avec laquelle la main d’œuvre peut se déplacer et
s’adapter. Les systèmes de placement et de formation sont ici en
cause. Mais c’est surtout la réglementation qui importe : elle peut
favoriser ou entraver la fluidité des emplois. Jusqu’à une période
récente, la durée moyenne de chômage aux Etats Unis
était inférieure à 6 mois. Le chômage progrès n’est donc pas la
cause du chômage de longue durée, qui est bien plus dramatique,
humainement et économiquement.
Le chômage refus
En fait le chômage
massif et de longue durée connu depuis des années par certains pays
(comme la France) ne doit rien à la productivité ni à
l’innovation. Il est dû aux interventions intempestives de l’Etat
sur les marchés et dans les entreprises. Il oppose un refus à
l’adaptation et à la mobilité.
Contre l’innovation
qui menace certains emplois, les pouvoirs publics vont adopter des
politiques de soutien : subventions, prix administrés,
exonérations fiscales et sociales, permettent la survie
d’entreprises incapables de s’adapter. Les nouveaux emplois
n’apparaîtront pas, tandis que l’on s’accrochera à des emplois qui, à
plus ou
moins long terme, disparaîtront de toutes façons. On peut manquer de
main d’œuvre dans certains secteurs, alors qu’elle est pléthorique
ailleurs. Les entreprises publiques, dont les déficits sont
couverts par les contribuables, peuvent se permettre de « garantir »
des emplois. La meilleure garantie : l’emploi à vie des fonctionnaires –
ce qui écarte tout risque d’innovation
et de productivité !
Mais, pire encore, la
réglementation du marché du travail a des effets destructeurs
d’emplois. Les difficultés administratives et sociales mises à
l’embauche et au licenciement dissuadent les entreprises de gonfler
leurs effectifs. Les rémunérations (à commencer par le SMIC) ferment
l’accès au travail des jeunes en particulier.
Progrès de l’emploi, progrès des hommes
En Europe, comme l’a
démontré Gary Becker, le chômage massif provient de ce que l’on
subventionne le travail non qualifié : son coût
relativement élevé par rapport au salaire d’une personne qualifiée
donne la préférence à celui qui est qualifié. Un travailleur non
qualifié qui bénéficie d’un salaire supérieur à sa productivité
ne voit pas l’intérêt de se qualifier : le supplément de gain ne
vaut pas un effort ou une responsabilité supplémentaire. Or, il se
trouve aussi que le travailleur sans qualification est
celui qui sera le premier évincé, et celui qui subit la pression la
plus forte de la concurrence des travailleurs des pays émergents.
Distorsion des prix
et des profits, irresponsabilité, rigidité : voilà de quoi créer toutes
les conditions d’un chômage qui devient ainsi un
fléau social.
C’est un scandale
public, doublement public : d’une part, parce que l’origine en est la
puissance publique ; d’autre part, parce que l’on
sait très bien réduire ce chômage au minimum et que les autorités
publiques ne veulent pas le faire.
Jeremy Rifkin et les
autres se trompent : ce n’est pas la technique qui tue l’emploi, c’est
la politique. Les hommes qui cherchent le progrès
ne sont pas suicidaires ; ils méritent qu’on les laisse libres de
progresser eux-mêmes et d’occuper les emplois du progrès.
Source: Libres.org , Aleps par