L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) Faut-il être « républicain » ? - Jean-Claude Cazanova
B) République de Wikiberal
C) "Les Républicains" : pourquoi tant de haine ? - Vincent Michelon - Métronews
D) Le parti socialiste est-il encore républicain ? - Serge Federbusch - delanopolis
E) Ces villes où le PS oublie le « front républicain » - Le Parisien Libéral
F) Face à la montée électorale de l’extrême droite - Mythologie du front républicain - par Joël Gombin - Le Monde diplomatique
G) La France en République (De 1880 au début des années vingt) - Hugues Marquis, IUFM Poitou-Charentes
H) Démocratie « libérale » ou république ? et République et communautarisme - les armes de la critique
A) Faut-il être « républicain » ?
Parmi les couples politiques classiques, homme de gauche ou de droite,
libéral ou socialiste, réformiste ou conservateur, le « républicain »
tente de se faire une place nouvelle.
Ni le vocable, ni le procédé ne sont nouveaux. Le terme est utilisé depuis la Révolution et, quand la République s’installe en 1875, il distingue clairement ceux
qui, modérés ou radicaux, combattent les royalistes, les cléricaux et
les bonapartistes.
Quand les adversaires de la République
disparaissent, l’étiquette s’applique bien au-delà de la gauche et du
parti radical-socialiste. Lors des élections, on appelle « discipline
républicaine » le désistement pour le candidat de gauche le mieux placé
au second tour, ce qui fait que, selon la tactique qu’ils adoptent, les
communistes sont ou non considérés comme « républicains ».
Vocable
de combat, puis vocable électoral, le mot devient, après la guerre, un
slogan avec le Front républicain de Pierre Mendès-France qui regroupe
socialistes, radicaux, gaullistes et une fraction de modérés. Il
rebondit un instant comme une arme contre le général de Gaulle en 1958,
mais sans effet durable. Enfin, dans les années 1970, le centre droit
voit naître un « Parti républicain » par simple changement de nom.
Mais, c’est en 1989 que le terme réapparaît dans le champ intellectuel et politique avec une
intensité plus grande. Il est revendiqué par Régis Debray dans un grand article qui est au « républicanisme » ce que le Manifeste de Marx est au communisme. Debray oppose le « républicain » au démocrate, ce qui est cohérent et courageux. Cette
opposition ne convient plus aujourd’hui à ceux qui veulent conserver les
deux étiquettes et préfèrent opposer le « républicain » à un être plus
indéterminé, qui est tantôt fédéraliste et européen, tantôt régionaliste
voire communautaire, tantôt libéral et favorable aux juges, tantôt
partisan de l’évolution des moeurs et, à l’occasion, tout cela à la
fois.
Par ce procédé classique, le « républicain » s’auto-proclame.
Il s’abrite sous ce titre populaire et guère contestable. Il rompt des
lances avec une hydre aux multiples têtes qui renaît toujours et dont il
sait, à l’avance, les chemins qu’elle va emprunter et les masques sous
lesquels elle va se dissimuler.
A droite, autrefois, on utilisait la
même ruse polémique en se réservant l’usage exclusif du terme «
national ». « Tout ce qui est national est nôtre », titrait L’Action
française, ce qui permettait de traiter Jean Jaurès, Joseph Caillaux et
Aristide Briand d’agents de l’étranger, et de soutenir Georges
Clemenceau et Raymond Poincaré que l’on avait combattus et insultés dans
la période précédente.
La France est ainsi devenue une République dans laquelle une partie des
citoyens sont soupçonnés de ne pas être suffisamment « républicains »,
après avoir été une nation dont les habitants n’ont pas toujours été
considérés comme des « nationaux ».
Heureusement, cette façon d’ostraciser un adversaire vague et multiforme ne conduit plus à l’incrimination. Elle devrait au moins offrir de multiples occasions de
débat. Encore faut-il cerner le contenu concret de ce débat plutôt que
d’entretenir l’obscurité, ce qui est fâcheux quand on invoque les
Lumières.
L’homme ordinaire est la proie du doute, même s’il recherche la vérité. Il sait qu’en politique
elle est d’autant plus nuancée qu’il faut choisir dans l’incertain. Le «
républicain », au contraire, affiche sa fermeté et sa certitude. La
lutte avec l’hydre ne lui rappelle-t-elle pas que la vérité est une et
l’erreur multiple ? Surtout, la vraie raison qui fait du « républicain »
un bloc est qu’il est motivé par la crainte (et éventuellement par
l’ambition qui utilise la crainte des électeurs). Aussi, on ne peut plus
dire que le « républicain » est simplement un homme de gauche. D’abord,
parce qu’il critique des positions que l’on trouve défendues aussi bien
par des gens de droite que par des gens de gauche (l’Europe, la
décentralisation) et même des causes propres à la gauche
(l’internationalisme). Ensuite, parce que la crainte exprime la passion
principale de la droite.
On peut dire, en effet, en simplifiant, et philosophiquement, que le principe de la droite est la fidélité et celui de la gauche la justice. La passion de la droite sera
donc la crainte et celle de la gauche le ressentiment. La fidélité
porte à conserver, donc à redouter le changement. L’esprit de justice,
au contraire, porte à transformer, à émanciper et à libérer. A chacun de
combiner en lui les deux principes et de lutter contre les deux
passions. Mais, quand le « républicain », fut-il de gauche
politiquement, s’abandonne à la seule crainte parce qu’il imagine que la
nation, l’Etat, la loi, l’enseignement secondaire, le corps préfectoral
et la gendarmerie sont sur le point de disparaître après la
conscription et le franc, il glisse plus à droite qu’il ne le pense,
mais, surtout, la crainte lui fait perdre le sens des réalités.
Prenons deux exemples : l’Europe et les communautarismes.
Le « républicain » s’oppose au fédéraliste européen. Cela signifie-t-il qu’il considère que la nature de la souveraineté nationale interdit toute délégation ? Si c’est le cas, le drame est accompli.
L’Union européenne est déjà un système fédéral : par la monnaie, la
Cour de justice, les normes communautaires et les pouvoirs de la
Commission. Dès lors, ou bien le « républicain » pense qu’il faut
revenir en arrière, ou bien il s’engage dans un vrai débat que ne résume
ni le « républicanisme » ni le fédéralisme, et qui consiste à chercher
pour chaque domaine, selon les finalités poursuivies, ce qui doit être
conservé par les Etats-nations et ce qui doit être délégué par eux à
l’Europe.
Ainsi, le « républicain » s’amuse de l’expression de
Jacques Delors définissant l’Europe comme une « fédération
d’Etats-nations ». Il s’indigne même parce que cette expression a été
adoptée ensuite par les présidents des Républiques allemande et
italienne, et, en France, par Jacques Chirac et par Lionel Jospin. Comme
le « républicain » connaît la rhétorique, il parle, à ce propos,
d’oxymore.
Pour lui, c’est une contradiction dans les termes. A
partir d’une pétition de principe, il pense que les Etats-nations
disparaissent s’ils se fédèrent. Comme il semble ignorer que le
fédéralisme est une délégation, il ne veut pas comprendre la formule de
Delors qui signifie simplement que les acteurs de l’Europe sont les
nations et non les régions ou les individus et que, au surplus, cette
formule n’est rien d’autre qu’« une alliance de mots qui consiste à
rendre une fine nuance de pensée au moyen d’une expression d’apparence
contradictoire ». Ce qui est la définition de l’oxymore dans le
dictionnaire.
Pour le «
communautarisme », cause de tous les maux, partons des Etats-Unis. Rien
dans le droit des Américains n’organise et ne fonde des communautés et
ne distingue entre les citoyens.
Personne ne peut confondre l’organisation territoriale et fédérale des Etats-Unis avec une organisation communautaire, comme elle a existé dans l’Empire ottoman
ou au Liban, puisque les citoyens américains sont égaux et identiques en
droits et en devoirs.
Pourquoi alors les Etats-Unis passent-ils
pour communautaires ? Ils acceptent dans les moeurs que les origines
nationales et les appartenances religieuses soient revendiquées et
célébrées. C’est pour eux un moyen d’intégration des immigrés qui
renforce l’unité nationale par l’acceptation de la diversité. Ajoutons
qu’aux Etats-Unis l’Etat ne pourrait pas subventionner des écoles
confessionnelles comme en France ni rémunérer les cultes, sur le modèle
concordataire, comme on le fait en Alsace-Lorraine.
On ne voit donc pas très bien comment le communautarisme à l’américaine menacerait le modèle français. D’ailleurs, notre modèle d’intégration est-il en si bonne santé ? Malgré les précautions prises par le Conseil d’Etat, on refuse le port du voile à l’école pour les jeunes musulmanes, on rechigne à autoriser la construction de mosquées et on
désapprouve les formes de discrimination positive qui favoriseraient les
immigrés d’origine africaine ou maghrébine. Comme le résultat de nos
efforts d’intégration n’est guère brillant – on l’a bien vu au stade de
France –, on pense, au mieux, qu’il faut patienter, au pire, qu’il faut
réformer.
La patience favorise la réflexion et la réforme l’exige. Or, ce n’est pas réfléchir que de s’effrayer du communautarisme parce que les homosexuels manifestent,
parce que les féministes découvrent qu’il n’y a pas assez de femmes au
parlement, ou parce que des jeunes gens d’origine algérienne se
proclament franco-algériens en agitant un drapeau qui n’est pas le nôtre
et qui reste pour partie le leur.
Sur ce point, les double nationalités sont entrées dans les moeurs comme dans le droit. Ou bien, on les interdit, mais il faut dire comment on le fait. Ou bien, on s’en accommode en recherchant des formes d’intégration qui tiennent compte de la diversité des origines et des évolutions possibles.
Quel sens cela a-t-il, en revanche, de s’indigner des conséquences sans
remédier aux causes, de nier les réalités en se drapant dans des
abstractions, sinon de prolonger et d’accroître les incompréhensions et
les tensions ?
B) République de Wikiberal
La république est une des formes constitutionnelles de l'État,
qui se conçoit comme consubstantiel du peuple. Toute république doit
donc être comprise, définie et fondée par opposition aux conceptions monarchiques ou théocratiques de l'État et de la nation.
Définitions et différences
- Dans une monarchie
- l'État ou l'administration, le territoire, les populations sont des propriétés privées (res-privata), c'est une possession par fait naturel et le fait du plus fort. Le pouvoir
et la propriété se transmettent par héritage familial. Sa pérennité et
son identité sont incarnées par une seule personne, le propriétaire
légal du territoire (le roi, la reine), de « droit divin » ; le gouvernement de la res-privata
"royale" peut prendre diverses formes, de la monarchie pure
(gouvernement d'un seul autocratiquement, ou absolutiste), jusqu'à des
formes républicaines avec l'existence d'une démocratie quant à la gestion du bien privé royal (cas des monarchies parlementaires).
- Dans une théocratie
-
l'État ou l'administration, le territoire, les populations sa pérennité
et son identité sont propriété de Dieu lui-même (chef d'État) comme le
Vatican où le pape est assimilable à un premier ministre. Le cas de
l'Iran est moins théocratique, mais plus religiocratique par la présence
du guide suprême (pouvoir fondamental, chef d'État) devant le pouvoir
exécutif (nommé ici présidence). Dans théocratie et religiocratie il
peut y avoir une république partielle, gestion du bien divin, et une
chose politique et même une démocratie.
- Dans une république
- l'État ou l'administration n'a de sens que dans la propriété d'un peuple ou de population de la gestion souveraine de la res-publica
(bien et chose publique). Dans cette conception, la république est le
plus souvent associée à l'affirmation (constitutionnelle ou non) d'un bien commun et d'une chose publique,
que son gouvernement tente de préserver. Une simple confédération
d'intérêts particuliers ne suffit donc pas à fonder une république.
Sur 194 pays recensés dans le monde, 135 sont déclarés comme des
républiques, contre 22 royaumes ou sultanats, 9 fédérations ou unions, 3
principautés : c'est donc la forme d'État la plus répandue.
À noter : le concept d'unité et d'indivisibilité de la République est une conception spécifiquement française. Les républiques fédérales n'ont pas nécessairement la même exigence.
La laïcité, dont le principe est très loin d'être universellement reconnu, ne peut pas davantage être associée automatiquement à la république.
Si le concept est assez large pour inclure des démocraties représentatives, une république n'implique pas forcément une démocratie. Un État de forme républicaine peut par exemple réserver certains droits à un groupe restreint : la république peut alors être dictatoriale ou même totalitaire.
Par ailleurs, si la république est associée à la poursuite du bien
commun, des régimes politiques d'inspiration libérale, comme la
monarchie constitutionnelle anglaise, qui prennent les décisions au nom
du bien individuel ou communautaire, ne peuvent pas non plus êtres
considérés des régimes républicains dans le sens strict du terme.
Il est plus ambigu de traiter le concept de république Islamique.
Cette dénomination peut sembler une contradiction dans les termes, et
c'est sans doute évident pour l'Iran qui présente, sous bien des
aspects, les caractéristiques concrètes d'une théocratie à
fonctionnement partiellement démocratique.
En revanche, le cas des Maldives est plus clair : il s'agit
effectivement d'une république, mais le terme islamique précise que le système judiciaire est régi par la charia.
République et libéralisme
Certes, les doctrines démocrates-libérales ont dominé au début de la Révolution, rayonné ensuite jusque tard dans le XIXe siècle. Cependant, il est de fait que la tradition libérale perd ensuite une grande part de son attractivité. La crise de 1929 paraît, aux yeux de nombreux intellectuels, sonner le glas de l’économie libérale[2].
Les intellectuels mêmes qui sont assez intelligents et informés pour
comprendre les dangers et les horreurs des régimes totalitaires, ne se
rallient pas pour autant avec netteté à l’idéal « 1789 »[3].
Les anticonformistes des années 1930 considèrent que le monde de ces
années vit une terrible régression civilisationnelle. Ils renvoient dos à
dos le capitalisme et le marxisme, qu’ils considèrent tous deux comme
des matérialismes conduisant au règne de la machine et à la
déshumanisation de la société. Ils entendent donc promouvoir une société
où la personne humaine et les valeurs spirituelles seront remises au
premier plan. Or il est évident, à leurs yeux, que la République
démocrate libérale est incapable de produire une telle société. Ils
refusent, certes, le révolutionnarisme de l’extrême gauche comme celui
de l’extrême droite ; mais ils ne reconnaissent de valeur ni spirituelle
ni morale à la République modérée qui a fait accomplir au pays tant de
progrès scientifiques, économiques et sociaux.
Sous l’effet des traitements de choc que constituent la Seconde Guerre mondiale puis la Guerre froide, l’Europe se réveille bientôt de la fascination pour les régimes antilibéraux. Toute une génération reprend alors la réflexion sur le modus operandi de l’économie de marché, sur le rôle essentiel que jouent la propriété privée et la liberté des contrats
pour permettre une coopération sociale pacifique et efficiente, sur le
caractère essentiel à cet égard du droit formel, sur le bien-fondé de la
démocratie politique pluraliste, et enfin sur le rôle des libertés
intellectuelles. Parmi beaucoup d’autres, il faut citer Michael Polanyi, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Karl Popper, Walter Eucken, Karl Boehm, Hannah Arendt, Piero Gobetti, Luigi Einaudi, Bruno Leoni, Luigi Sturzo, Alexandre Zinoviev, Ayn Rand…
On reconnaît enfin que les sociétés modernes complexes ne peuvent être
gérées que dans le cadre d’ordres sociaux polycentriques, c’est-à-dire
démocrates libéraux. Ces auteurs ont repris à la gauche la magistrature
morale. Ce qui ne rend que plus étranges, par contraste, les difficultés
que rencontre cette philosophie politique pour se faire entendre en France.
Voir aussi
Notes et références
- ↑ ISBN 2130558887. Voir en ligne le dossier de Contrepoints
- ↑ Voir notamment l’analyse de Walter Lippmann dans La Cité libre (1937). Voir en ligne
- ↑ Lors
du « Colloque Walter Lippmann », organisé à Paris en août 1938, un bon
tiers des présents ne se dit pas « libéral ». Cf. Serge Audier, Le Colloque Lippmann, aux origines du néo-libéralisme, Le Bord de l’eau, 2008, et la critique de Copeau.
-
"Les Républicains" : pourquoi tant de haine ?
QUI SERA
RÉPUBLICAIN ? - Alors que les adhérents de l'UMP se prononcent fin mai
sur le nouveau nom de l'UMP, la justice se penche vendredi sur un
recours contre l'appropriation du terme "Républicains" par le parti de
Nicolas Sarkozy. La pétition de ces opposants compte près de 21.000
signatures.
Le dépoussiérage de l'UMP fait tousser les opposants de Nicolas Sarkozy. Avant d'être approuvé (ou non) par les militants fin mai,
le nom de baptême trouvé par le président de l'UMP - "Les Républicains"
- fera un petit détour vendredi par le palais de justice de Paris. Une
armée de 107 requérants et quelques formations politiques de gauche l'y
attendent avec la ferme intention de faire capoter le changement
d'étiquette rêvé par le patron de l'UMP. Des particuliers, d'anciens
ministres socialistes - Jean-Louis Bianco et Christian Sautter - des
historiens, philosophes ou tout simplement la famille d'un certain Paul Républicain, agacée à l'idée de se faire chiper son patronyme. Le recours est appuyé par une pétition qui rassemblait près de 21000 signatures ce mardi. Quatre avocats défendront cette assignation en référé de 70 pages dont voici les trois principaux arguments.
L'UMP ferait du "dénigrement indirect"
Si le parti de Nicolas Sarkozy se nomme républicain, cela exclut de fait
ceux qui n'en sont pas adhérents. C'est, en gros, le premier argument
qui sera défendu vendredi, sur la base de l'article 1382 du Code civil et la jurisprudence sur la "concurrence déloyale". "Le dénigrement indirect, précise à metronews
maître Matthieu Boissavy, l'un des quatre avocats qui plaidera
vendredi, consiste à s'attribuer une qualité essentielle tout en la
déniant aux autres. Quand un parti politique, qui est en compétition
avec les autres, se nomme Les Républicains, il laisse entendre que les
autres ne le sont pas." L'assignation en conclut que le mot
"républicain", qui "appartient à tous, porte l'idéal de la France et de
son Histoire, doit être protégé de toute privatisation et appropriation
exclusive par un parti politique". A l'UMP, le député Eric Ciotti
plaidait, mardi, "l'attachement" de l'UMP "aux valeurs de la
République"… tout en estimant que "les socialistes ont porté atteinte à
beaucoup de valeurs de la République". Un leitmotiv : fin avril, Nicolas
Sarkozy accusait lui-même que le PS d'être "d'abord socialiste et
ensuite républicain".
La trouvaille de Nicolas Sarkozy créerait "un trouble civil, social et politique majeur"
Ce deuxième argument des avocats donne un caractère "d'urgence" à la
procédure, d'où le référé, qui doit permettre d'obtenir une ordonnance
provisoire du juge interdisant l'usage du nom avant même que les
adhérents de l'UMP ne se prononcent fin mai. Car, jugent les requérants,
"si les militants UMP adoptent le nouveau nom proposé par leur
président, cela aura des conséquences dommageables durables et
disproportionnées contre les libertés publiques, la liberté d'expression
et la loyauté dans le débat politique". L'adoption du nom,
affirment-ils encore, serait "contraire à la lettre et à l'esprit de la
Ve République" en créant des "clivages" au sein de la société française.
>> Sondage - L'UMP devient Les Républicains : les Français pas choqués
>> Le bureau politique de l'UMP valide son nouveau nom
Les logos exploiteraient de façon "illicite" le drapeau français
Les opposants de l'UMP accusent le parti de Nicolas Sarkozy d'avoir
déposé, en novembre 2014, trois logos illustrant "Les Républicains",
avec des bandes tricolores symbolisant le drapeau national. Des dépôts à
l'INPI faits "secrètement", affirment les avocats, pour le compte de
l'UMP, par l'agence de communication Aubert Storch
(qui gère l'image de banques, assurances et autres enseignes). Cette
fois, les opposants s'appuient sur le Code de la propriété
intellectuelle (article L711-3),
qui interdit d'utiliser comme marques des "emblèmes d'Etat", sigles ou
dénominations de pays. Le Front national n'a-t-il pas pour logo une
flamme tricolore ? L'actuelle UMP n'a-t-elle pas pour logo un arbre sur
fond tricolore ? "Dans les logos des Républicains, justifie maître
Boissavy, l'usage de rectangles tricolores crée la confusion avec le
drapeau français." De quoi donner matière à interdiction ? Le juge en
décidera assez vite, la procédure de référé permettant d'obtenir une
réponse dans les jours qui suivent l'audience.
D) Le parti socialiste est-il encore républicain ?
On peut juger plaisants les trémolos des socialistes dans le Doubs. Et
lancer, paraphrasant le Divin Marquis :
« Socialistes, encore beaucoup
d’efforts pour redevenir vraiment républicains ! »
Il n’est pas de question taboue. Puisque l’étendard républicain a été
brandi hautement et visiblement dans l’élection partielle du Doubs par
le candidat du parti socialiste pour gommer son affiliation politique et
appeler au sursaut de tous les électeurs, il est naturel de
s’interroger sur la légitimité d’une telle revendication.
Ni plus ni moins que le FN, le PS ne viole le socle de la légalité
républicaine, n’entraîne de corps francs ou de mouvements séditieux, ne
prépare ou n’a préparé de putsch pour mettre fin aux institutions et
leur substituer un régime autoritaire.
De la même manière que le FN en revanche, il stigmatise l’autre, lui
reprochant de se placer en dehors du fonctionnement normal desdites
institutions par un discours ségrégationniste. Jean-Christophe
Cambadélis, le donneur de leçons de morale formé à la MNEF autant qu’à
l’Université, si l’on en croit son parcours judiciaire et académique
douteux, accuse le FN :
« Revendiquer la préférence nationale,
demander la purification culturelle, exiger que les Français de souche
soient supérieurs aux « Français de papier », c’est créer les conditions
d’une guerre civile entre les communautés. »
Comme le FN laisse
entendre que l’islamisation de la France pourrait conduire à cette
guerre civile, le PS en fait de même en évoquant sa lepénisation. Bref,
c’est bonnet sombre et sombre bonnet qu’on nous décrit là dans une
redite lugubre de la formule historique de feu Jacques Duclos.
À y regarder de près, on peut se demander si, comme souvent, ces
deux-là n’ont pas raison lorsqu’ils se critiquent l’un l’autre. On peut
voir comme une similitude en effet entre le fantasme de grande
substitution qui teinte le discours de la fondation « progressiste »
autoproclamée Terra Nova, à la recherche d’un nouvel électorat durable
pour les socialistes désertés par les classes populaires et celui de
grand remplacement, imaginé par Renaud Camus. Certes, Marine Le Pen a
estimé que cette dernière théorie relevait du complotisme mais
Jean-Marie du même nom s’est rallié à cette ligne en mai 2014 lors d’un
discours à Marseille :
« Cette immigration massive risque de produire un véritable remplacement des populations ».
Quant à Julien Rochedy, ancien président du FNJ, il l’utilise dans les communiqués officiels du Front.
Dans un cas comme dans l’autre, on lit la dénonciation d’une
cinquième colonne et, implicitement mais nécessairement comme disent les
juristes, l’idée que l’adversaire fait sécession de la communauté
nationale ou de la communauté républicaine, respectivement.
En réalité, la pratique hautement clientéliste du parti socialiste
vis-à-vis des populations immigrées ou issues de l’immigration depuis
des décennies via ses élus locaux, sa réticence manifeste à appliquer
strictement les principes laïques qu’un député courageux comme Malek
Boutih a vertement dénoncé : tout cela témoigne d’une conception qui
tend à la fragmentation du corps politique et social. Ces divisions sont
précisément aux antipodes de la vision républicaine qui vise à diluer
les corps intermédiaires et tend au rapport direct entre la communauté
globale et l’individu par la voie du suffrage universel.
On peut donc juger plaisants ou obscènes, selon son humeur du moment,
les trémolos républicanistes dans le Doubs. Et lancer, paraphrasant le
Divin Marquis dont on célèbre actuellement le legs artistique et
littéraire au musée d’Orsay :
« Socialistes, encore beaucoup d’efforts pour redevenir vraiment républicains ! »
Dans un futur plus ou moins proche, il faudra en tout cas qu’ils ne
se contentent plus de formules incantatoires de ce type pour faire
barrage au FN. Un éditorial de Laurent Joffrin dans Libération,
où il réduit désormais l’affrontement droite-gauche (dans ses rêves un
affrontement PS/FN ?) à un débat sur la question de l’islam, témoigne du
poison distillé par la gauche dans les veines de la République.
Tournant le dos à sa tradition, elle réduit le combat politique à sa
dimension communautaire et escamote ainsi la remise en cause de la
politique économique du gouvernement.
Sans sombrer dans le marxisme ringard, on peut toutefois estimer que
la montée du FN est au moins autant corrélée à celle du chômage et à
l’incapacité de l’UMP et du PS de l’enrayer depuis des décennies qu’à la
seule question musulmane, fût-elle de plus en plus épineuse en France.
Il est vrai que parler de sous-emploi ou de dérive continue des comptes
publics, cela ne laisse aucune possibilité au gouvernement de plaider sa
cause. De cela, les médias « socialotropiques » ne veulent pas trop
discuter.
Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du
10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis,
premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité
politique parisienne.
Serge Federbusch a été successivement magistrat administratif,
conseiller commercial en Asie, conseiller du maire du Paris pour
l'urbanisme et les transports, directeur général de la Société
d'économie mixte du Centre de Paris (Halles).
Il est diplômé de l'IEP de Paris, Maître en droit public, titulaire d'un
DEA d'Histoire et ancien élève de l'ENA.
E) Ces villes où le PS oublie le « front républicain »
Que penser du « front républicain » à géométrie variable prôné par le Parti Socialiste à l’occasion des départementales ?
Alors on nous dit qu’un parti républicain est un parti qui s’inscrit
pleinement dans les valeurs de la République (liberté, égalité,
fraternité ?) et qu’a contrario, les partis qui ne sont pas dans cette
tradition sont anti-républicains. Du coup, le Front National se retrouve
classé dans les partis antirépublicains, bien qu’il ait un programme
plus socialiste et plus étatiste que le Front de Gauche. C’est
l’historique du FN qui pose problème, ainsi que les déclarations de
certains candidats. Fondé au début des années 70 par des partisans de
l’OAS, par ailleurs admirateurs pour certains de la Waffen-SS, le FN
rassemble actuellement des chevenementistes énarques admirateurs d’une
certaine vision du gaullisme (Florian Philippot), des traditionalistes
de droite (Marion Maréchal Le Pen), ainsi que, comme la presse l’a
abondamment souligné, des pédophiles potentiels, des antisémites et des
racistes. Au vu du CV de certains des candidats FN, c’est vrai qu’il y a
de quoi être plus que circonspect.
Mais si on doit juger certains candidats aux élections
départementales à la fois sur leur CV et sur l’idéologie des fondateurs
de leur parti politique, ne faudrait-il pas que l’on juge tous les
candidats aux départementales à la fois sur leur CV et sur l’idéologie
des fondateurs de leur parti politique ?
Ainsi, on verrait qu’aux cotés de ce parti politique fondé par un
admirateur du IIIème Reich, il existe, dans le paysage politique
français, un autre parti politique, dont l’histoire trouve ses racines
dans un autre totalitarisme, le communisme, et dont les prises de
positions dans le passé font également froid dans le dos : soutien ou
non-dénonciation des pires régimes de la planète (URSS, Cuba, Cambodge
des Khmers Rouges, Vietnam etc.). Ce parti politique, c’est le Parti
Communiste Français (PCF) et par extension le Front de Gauche, la
coalition de partis politiques d’extrême gauche que le PCF a rejoint.
Outre le fait que le Front de Gauche s’appuie donc sur un contexte
historique tout aussi douteux que celui qui anime le Front National, on
trouve à l’extrême gauche les mêmes déviances qu’à l’extrême droite : pédophilie, antisémitisme, racisme (principalement la germanophobie, mais pas seulement).
Dès lors, puisque le Parti Socialiste se dit être un parti attaché à
la démocratie, au respect de l’Homme et aux valeurs de la République, ne
devrait-il pas nécessairement dénoncer le Front de Gauche de la même
façon qu’il dénonce le Front National ?
Or, il y a un certain nombre de villes dans lesquelles un candidat
extrémiste de gauche affronte une autre couleur politique, et dans
lesquelles le PS devrait donc nécessairement appeler à faire barrage au
candidat Front de Gauche.
Passons sur le cas spécifique de Gennevilliers,
dans les Hauts-de-Seine, où un Front National affrontera son alter ego
de gauche aux départementales dimanche… quel (non) choix entre deux
étatistes partageant la même vision dirigiste et étatiste de la
politique ! Idem à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne).
Mais quid des cas du type de Le-Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) où
le FDG affronte l’UMP ? Et dans le Val-de-Marne, à Fontenay-sous-Bois, à
Vitry-sur-Seine 1 ou à Champigny-sur-Marne 1 ?
La balle est dans le camp de Manuel Valls, le même Premier ministre
de gauche tellement mobilisé contre le « fascisme » et l’extrémisme (de
« droite » avant tout) qu’il en oublie de regarder l’idéologie de ses
alliés d’extrême gauche. Et s’il ne veut pas s’attaquer à ce dossier
douloureux pour le Parti Socialiste donneur de leçons, peut-être
pourrait-il alors supprimer ces 100 mesures prises sous Vichy mais toujours en vigueur, telles que l’obligation de porter sur soi une carte d’identité ?
Le Parisien Libéral est un blogueur français, couvrant essentiellement l'actualité parisienne et française.
F) Face à la montée électorale de l’extrême droite - Mythologie du front républicain
Depuis quelques années, la vie politique française a beaucoup
tourné autour de la question du front républicain. Le développement de
ce concept est concomitant de la résurrection politique du Front
national (FN), après sa traversée du désert, entre 2002 et 2010, durant
laquelle la droite unie au sein de l’Union pour un mouvement populaire
(UMP) a exercé une concurrence efficace. Il renaît à chaque succès
électoral du FN. Fort confus, il renvoie à une mythologie plutôt qu’à un
débat rationnel et factuel.
Pour comprendre l’expression même de « front républicain »,
quelques rappels historiques sont nécessaires. Son emploi contemporain
suggère en effet qu’il existerait une tradition consistant, pour les
partis « républicains », à appeler à battre les partis « antirépublicains ». Il n’en est rien.
L’expression a été forgée en réalité par Jean-Jacques Servan-Schreiber (1)
pour désigner la coalition électorale constituée par la gauche en 1955.
Rassemblant la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) de
Guy Mollet, Pierre Mendès France et ses amis, François Mitterrand et
les siens, ainsi que les gaullistes de gauche (dont Jacques
Chaban-Delmas), cette alliance a pour objectif de contrer la menace
poujadiste (2), mais aussi de préserver le régime menacé par la guerre d’Algérie. Il s’agit bien de sauver la République ;
mais, comme ce fut le cas tout au long de la IIIe République
(1870-1940), ce sauvetage passe par un rassemblement des forces de
gauche. Toutefois, le Parti communiste français (PCF) en est exclu, à
l’inverse de ce qui s’est produit avec le Front populaire. Aux élections
de 1956, la loi des apparentements (3),
adoptée cinq ans plus tôt afin de contrer le Rassemblement du peuple
français de Charles de Gaulle ainsi que le PCF, participe également de
l’attirail mobilisé pour défendre la IVe République. Ces artifices
n’empêcheront toutefois pas celle-ci de se saborder dans le déshonneur à
la suite de la journée des barricades à Alger, le 13 mai 1958.
On ne peut donc parler d’une tradition historique de front
républicain. Il existe en revanche dans l’histoire politique française
une coutume établie, bien qu’elle n’ait pas toujours été respectée et
que les modalités de sa mise en œuvre aient varié en fonction des modes
de scrutin. Il s’agit du « désistement républicain » :
l’engagement que prennent les uns envers les autres les candidats du
camp républicain (c’est-à-dire, dans les années 1880, des gauches (4))
de se retirer au second tour en faveur du mieux placé d’entre eux. S’il
a bien pour objet jusqu’en 1914 de garantir la République lorsque son
existence est en jeu, il devient par la suite une simple forme de
solidarité électorale des gauches face au camp de la réaction. Bon an
mal an, celle-ci subsiste jusqu’à aujourd’hui, portée par le mode de
scrutin majoritaire à deux tours qui prévaut sous la Ve République.
La question du front républicain émerge dans la seconde moitié des
années 1980, face aux succès électoraux du FN. L’expression elle-même
semble avoir resurgi en 1989, à l’occasion d’élections partielles (deux
législatives, à Dreux et à Marseille, et une cantonale à
Salon-de-Provence). Le Parti socialiste (PS), dont les candidats avaient
été éliminés au premier tour au profit de ceux du FN, appela alors ses
électeurs à voter en faveur de ceux de la droite pour contrer l’extrême
droite — avec un succès tout relatif, puisqu’à Dreux et à Salon les
candidats frontistes l’emportèrent. Toutefois, cet appel, dont
l’initiative revenait à Pierre Mauroy (premier secrétaire du PS) et à
M. Michel Rocard (premier ministre), ne suscita pas l’unanimité au sein
de leur parti : nombreuses furent les voix qui s’élevèrent pour le
contester, de M. Julien Dray à Charles Hernu. Plus surprenant, à droite
même, beaucoup refusèrent la main tendue par les socialistes : M. Alain
Juppé, alors secrétaire général du Rassemblement pour la République
(RPR, ancêtre de l’UMP), refusait ainsi une « alliance contre nature », accusant le PS d’avoir « un poignard dans l’autre main ».
Un référent d’ordre moral
Les termes du débat se répètent de manière cyclique. A gauche, le
référent antifasciste et l’espoir d’une réciprocité plaident pour
l’appel au front républicain, alors que la condamnation des options
politiques de la droite, de son rapprochement avec l’extrême droite
ainsi que les doutes quant à sa volonté de « renvoyer l’ascenseur »
conduisent à le refuser. A droite, les centristes mettent en avant les
valeurs communes, socle d’un refus partagé de l’extrême droite, tandis
que la droite plus « musclée » considère qu’appeler à voter à gauche, voire accepter ses voix, la conduirait à perdre ses électeurs au profit du FN.
C’est que, dans les années 1980 et 1990, la complaisance voire des
formes d’alliance avec le FN ne sont pas rares à droite. La fusion entre
les listes du RPR et du FN à Dreux lors de l’élection municipale
de 1983 permit à ce dernier de participer à la gestion d’une
municipalité pour la première fois. En 1986, des élus frontistes
deviennent vice-présidents de plusieurs régions dirigées par la droite.
En 1988, un accord de désistement réciproque en faveur du mieux placé
est conclu après le premier tour entre le RPR, l’Union pour la
démocratie française (UDF) et le FN dans le Var et les Bouches-du-Rhône.
Certains à gauche n’ont pas été en reste pour favoriser ce parti,
quoique moins ouvertement. Du coup de pouce du président Mitterrand
ouvrant l’accès à la télévision publique à M. Jean-Marie Le Pen à la
duplicité de Gaston Defferre suscitant la liste protofrontiste « Marseille Sécurité »
lors de l’élection municipale marseillaise de 1983, en passant par
l’instauration du scrutin proportionnel pour les élections législatives
de 1986 afin d’avoir un groupe FN à l’Assemblée, de nombreux indices
témoignent de ce que le PS a espéré profiter de la renaissance de
l’extrême droite. Dès juin 1984, Pierre Bérégovoy n’avait-il pas
déclaré :
« On a tout intérêt à pousser le Front national, il rend la droite inéligible. C’est la chance historique des socialistes » ?
L’ambiguïté de la notion de front républicain tient à ce qu’elle mobilise l’imaginaire des « valeurs de la République »,
c’est-à-dire un référent d’ordre moral, là où en réalité les positions
adoptées sont ajustées aux intérêts politiques de ceux qui les prennent.
Ceux-ci sont de deux ordres : le strict bénéfice électoral, d’une part ;
les enjeux internes des formations, d’autre part. Il s’agit donc d’une
équation complexe, qui prend en compte le rapport de forces électoral,
le mode de scrutin, le positionnement à l’intérieur du parti… Ainsi
seulement peut-on comprendre comment M. Juppé peut, en 1983, approuver
l’alliance entre le RPR et le FN à Dreux lors de l’élection municipale
partielle ; en 1990, exclure, en tant que
secrétaire général du RPR, M. Alain Carignon qui avait appelé à voter
socialiste au second tour de l’élection cantonale partielle de
Villeurbanne ; après 2011 et jusqu’en 2014, refuser le front républicain qui est un piège tendu à la droite ; enfin, lors de l’élection législative partielle du Doubs en février 2015, appeler à voter socialiste au second tour.
On pourrait multiplier les exemples. A gauche, il semble que plus un
acteur politique se situe de manière critique par rapport à la majorité
socialiste, moins l’appel au front républicain aille de soi. Ainsi,
M. Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche refusèrent d’appeler à voter
en faveur de l’UMP lors de la législative partielle de l’Aube en
janvier 2015 — mais le PCF invita à contrer le FN. Localement, plusieurs
candidats socialistes refusèrent de suivre les consignes nationales
d’appel au vote UMP, à l’image de Mme Catherine Arkilovitch (à
Carpentras en 2012) et de Mme Sylvie Houssin (dans l’Oise en 2013),
arguant que leurs adversaires UMP n’étaient pas plus républicains que
les candidats frontistes.
Avec le poids accru du FN à partir de 2010, la mécanique du scrutin
majoritaire à deux tours se voit perturbée par l’existence de trois
grandes forces électorales : on assiste alors à une distorsion de la
représentation politique, de faibles variations dans le score du FN
pouvant conduire à des modifications radicales du résultat électoral. A
partir de 2011 et sous l’impulsion de M. Nicolas Sarkozy, la ligne
officielle de l’UMP consiste à refuser toute consigne de vote en faveur
du PS comme toute alliance avec le FN (c’est le fameux « ni-ni »).
Le débat revient dès les cantonales de 2011, quand ce dernier est
présent au second tour en situation de duel dans trois cent
quatre-vingt-quatorze cantons. Il ne l’emporte toutefois que dans deux
(Carpentras-Nord et Brignoles, dont l’élection est finalement annulée),
et ce malgré le refus d’un front républicain par l’UMP.
Le plus surprenant n’est pas que des discussions aient lieu sur
l’attitude stratégique à adopter face au FN, mais la manière dont le « Front républicain »
— avec un F majuscule — s’est imposé comme mythe de la vie politique.
Chaque fois qu’il revient sur la scène politique, il est fait référence,
plus ou moins ouvertement, à une forme d’âge d’or durant lequel il
aurait prévalu alors qu’en réalité il n’a jamais existé. On peut, tout
au plus, constater l’existence, et la consolidation après 1998, d’une
forme de « cordon sanitaire » qui exclut les alliances explicites avec l’extrême droite — même s’il a connu ici ou là certains accrocs.
Sans doute l’épisode du 21 avril 2002 — la gauche avait dû se
résoudre à appeler à voter pour M. Jacques Chirac — a-t-il largement
forgé cette mythologie. Le président sortant, et réélu, est devenu
l’icône de la défense de la République, un peu malgré lui :
contrairement à certaines réécritures de l’histoire, on ne peut
considérer qu’il fut toujours aussi intransigeant. Il a béni l’alliance
de Dreux en 1983, laissé faire des alliances locales entre le RPR et le
FN en 1985 puis en 1988, validé l’exclusion de M. Carignon en 1990. Il
est vrai qu’il joua un rôle déterminant au moment des régionales de 1998
en s’opposant aux alliances de « troisième tour »
avec le FN pour l’élection des présidents de région. En tout cas, le
21 avril a permis à M. Chirac d’engranger tous les bénéfices, électoraux
comme symboliques, d’un front républicain qui a fait l’unanimité à
gauche (à l’exception de Lutte ouvrière), sans que cela lui coûte rien :
il n’en tira en effet aucune conséquence politique.
Si mythe il y a, que signifie-t-il ? Pour Claude Lévi-Strauss, le mythe relève de la logique intellectuelle du « bricolage ». C’est le « résultat
d’un jeu qui consiste à s’arranger avec les “moyens du bord”, à se
débrouiller, sans plan ni modèle conscient, avec ce qui peut tomber sous
la main pour construire un édifice (5) ».
Selon l’anthropologue, il permet de donner sens au monde, et représente
un appui pour l’action. Le mythe du front républicain permet d’éclairer
des situations politiques chaotiques, face auxquelles il n’existe bien
souvent aucune bonne solution pour les acteurs impliqués. Il permet en
outre de justifier des revirements politiques, au nom de l’impératif
supérieur de la lutte contre le FN. Pour celui qui le mobilise, il offre
l’occasion de se placer automatiquement dans le camp du bien, de la
République et de ses valeurs, sans avoir à préciser ce que signifient
concrètement ces référents, puisqu’il est entendu que l’extrême droite
n’en relève pas.
Porosité des électorats
Rien ne permet d’établir — ni d’ailleurs de réfuter — l’efficacité
électorale de la stratégie de ce front républicain. Comme l’ont montré
Jérôme Fourquet et Damien Philippot (6),
lors des cantonales de 2011, le FN progresse au second tour autant face
à la droite que face à la gauche. Des candidats frontistes sont battus
sans front républicain, d’autres sont élus malgré lui. Ainsi, aux
dernières élections municipales, le retrait de la candidate socialiste,
Mme Elsa Di Méo, n’empêche pas M. David Rachline (FN) d’être élu à
Fréjus. A l’inverse, bien que le candidat frontiste, M. Philippe
Lottiaux, soit arrivé en tête au premier tour à Avignon, l’absence de
front républicain n’empêche pas la gauche de remporter la mairie. En
fait, les consignes de vote ne sont guère suivies par des électeurs
largement défiants à l’égard du personnel politique et des partis. Et
chaque configuration est spécifique.
L’analyse détaillée des reports de voix, dans les cas où le FN
parvient au second tour, montre en tout cas une certaine porosité entre
son électorat et celui de l’UMP — dans le cas de la partielle du Doubs,
en février dernier, on peut estimer qu’un électeur UMP sur deux environ
s’est reporté sur le FN au second tour (7) (un quart a choisi le candidat socialiste ;
le dernier quart s’est abstenu, a voté blanc ou nul). Loin d’une
frontière étanche entre les électeurs du front républicain et ceux du
FN, on assiste au contraire à la fusion, relative mais bien avancée, des
électorats de droite et d’extrême droite. De son côté, l’électorat de
gauche est souvent dubitatif face à ceux qui, après avoir dénoncé la
lepénisation de l’UMP, appellent leurs ouailles à soutenir les uns
contre les autres. Dans ces conditions, à qui pourrait bien s’adresser
une consigne de front républicain ?
Au fond, le débat traduit aussi l’ambivalence de la situation du FN
dans le champ politique français : à la fois central et marginal, insider et outsider. Il reflète aussi les ambiguïtés du recours au vocable « République »,
qui est à la fois camp (ceux qui sont pour, ceux qui sont contre) et
champ (donc cadre des affrontements), et ne peut être une cause à
défendre qu’à condition de se voir doté d’un contenu précis et
explicite. Mais celui-ci peut-il vraiment être partagé de l’extrême
gauche à l’UMP ?
Joël Gombin
Politiste, université de Picardie Jules-Verne et Observatoire des
radicalités politiques - Fondation Jean-Jaurès, coauteur de l’ouvrage Le Front national. Mutations de l’extrême droite française (sous la dir. de Pascal Delwit), Editions de l’université de Bruxelles, 2012.
G) La France en République (De 1880 au début des années vingt)
Des années 1880 aux années 1940 la IIIe République se présente comme un modèle de
démocratie libérale.
Cette République se construit : elle s’affirme et se consolide par étapes, elle triomphe de ses
adversaires, des épreuves et des crises, elle met en place une véritable culture politique
républicaine. Ainsi sont posés des principes fondamentaux et durables (la démocratie, les
libertés, la laïcité et les droits sociaux) qui entraînent l’adhésion de la Nation française.
I. La France devient républicaine
1. La mise en place de la République (1870-1880)
- En 1870, à l’occasion de la défaite de Napoléon III face à la Prusse, la République est
proclamée pour la troisième fois en France (doc.1). Le nouveau régime est difficilement fondé
par les lois constitutionnelles de 1875 (doc. 4).
- La IIIème République n’est cependant pas assurée car les monarchistes sont au pouvoir
(doc. 3). Entre 1870 et 1879 les républicains vont conquérir un électorat et emporter
successivement les élections à la chambre des députés et au Sénat, puis la présidence de la
République avec Jules Grévy (doc. 2).
2. La République aux républicains (1880-1920)
- Entre 1880 et 1920 les républicains sont au pouvoir, majoritaires au parlement (doc. 3) qui
soutient des gouvernements composés de républicains. Par le suffrage universel, ils
s’imposent aux partisans de la monarchie et de l’Empire.
- Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la France est dirigée par les républicains modérés. Ils votent
des lois qui assurent les libertés fondamentales et mettent en place une symbolique
républicaine (le 14 juillet, la Marseillaise).
A partir de 1900 le parti radical est au pouvoir, au point d’incarner la IIIe République. Avec les
socialistes rassemblés dans la SFIO, les radicaux mènent une politique anticléricale et
sociale.
- L’attachement à la République progresse en France (doc. 5), même si des crises secouent le
régime sans l’abattre.
Par leurs réformes, les Républicains obtiennent le ralliement progressif de catégories sociales
au départ peu favorables à la République: ouvriers, paysans, militaires, catholiques.
3. La République s’installe dans la durée
A travers les luttes et combats politiques, le XIXe siècle, marqué en France par une grande
diversité de régimes politiques, apparaît comme une marche lente vers le régime républicain.
Après avoir atteint un équilibre vers 1900 et surmonté l’épreuve de la Grande Guerre, le
régime républicain s’inscrit dans la durée. Bien que de nouveau contesté dans les années
1930, il connaît un temps fort en 1936. Il survit à la défaite de 1940 à travers ses valeurs
incarnées par la Résistance. La IVe République succède à la IIIe en 1946.
Doc. 1 : la proclamation de la IIIe république, le
4 septembre 1870
Sur le site de l’Assemblée nationale : rubrique
Histoire et patrimoine / la République et le
suffrage universel
Doc. 2 : Les difficiles débuts de la III e
République
- 2 septembre 170 : défaite de napoléon III à
Sedan contre la Prusse.
- 4 septembre 1870 : proclamation de la
République à Paris.
- Février 1871 : les partis monarchistes
remportent les élections.
- Mars-mai 1871 : échec de l’insurrection de la
Commune de Paris contre le gouvernement
monarchiste.
- 24 mai 1873 : Ministère d’ordre moral – mesures
contre l’idéal républicain.
- Février 1875 : lois constitutionnelles organisant
la Troisième république
- 1876 : majorité républicaine à la chambre des
députés.
- 16 mai 1877 : le président de la république
monarchiste Mac-Mahon dissout la chambre. Les
Républicains l’emportent à nouveau aux élections
législatives d’octobre 1877.
- 1878 « révolution des mairies » : aux élections
municipales, la grande majorité des communes
vote républicain. la France rurale se rallie à la
république.
- 30 janvier 1879, démission de Mac-Mahon et
élection de Jules Grévy, républicain modéré.
Doc. 4 : L'amendement Wallon
Le député Wallon tient le bébé république.
Dessin de Gil,
L'Éclipse du 6 mars 1875
Sur le site de l’Assemblée nationale : rubrique
Histoire et patrimoine / la République et le
suffrage universel
Lors du vote des lois
constitutionnelles, Le
député Wallon propose le
30 janvier 1875 un article
additionnel déclarant : "Le
président de la République
est élu par le Sénat et la
Chambre." voté à une voix
de majorité le 30 janvier
1875. L’amendement
Wallon reconnaît
l'instauration de la
République.
Doc. 5 : La République enracinée
Affiche pour la célébration du centenaire de la
République (1892)
Sur le site Thucydide (site perso de deux enseignants
d’histoire géographie de Bergerac (académie de
Bordeaux)
Pistes de travail
· Dans quelles circonstances a été proclamée la IIIe République (doc. 1 et 2)?
· Pourquoi l’amendement Wallon est-il accepté à une voix de majorité (doc. 4 et 3) ?
· Quelle image de la République donne l’affiche (doc. 5) ?
· Synthèse : Montrez l’importance de la période 1870-1880 dans l’avènement de la République.
II. La République : une démocratie libérale
1. La souveraineté nationale consacrée
- Régime démocratique, la IIIe république est fondée sur le principe de la souveraineté de la
nation affirmé par la
Déclaration de droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Cette souveraineté s’exerce par le
suffrage universel qui permet aux Français de désigner leurs représentants. La loi de 1882 sur
l’élection des maires par les conseils municipaux favorise également le développement de la
démocratie locale.
- Les institutions (doc. 5) s’organisent autour de la chambre des députés, cœur de la vie
politique (doc. 1). Le gouvernement, lié à la majorité parlementaire, est l’émanation du
parlement. L’effacement croissant du rôle du président de la République renforce l’aspect
parlementaire du régime.
Ces institutions républicaines apparaissent aux défenseurs du régime comme un modèle
d’équilibre.
2. Une pratique démocratique
- Les institutions démocratiques favorisent une vie politique intense qui s’exprime lors des
campagnes électorales (doc. 3), des élections, des débats politiques passionnés au
parlement. La presse, qui diffuse l’information politique, contribue à la formation du citoyen.
L’instabilité gouvernementale est la rançon du caractère parlementaire du régime et entretient
dans le pays un antiparlementarisme endémique.
- La vitalité des partis politiques (doc. 2), des cercles républicains et associations diverses
favorisent l’essor d’une véritable sociabilité républicaine.
3. Un modèle politique
Au début du XXe siècle, la IIIème République devient un modèle politique.
Avec la monarchie parlementaire anglaise, elle est aux yeux de l’étranger la forme la plus
achevée de démocratie libérale, qui semble alors la structure politique la mieux adaptée aux
pays industrialisés ou en voie de modernisation.
Persuadée de la perfection de son système politique la IIIème république veut l’exporter dans
d’autres parties du monde.
La politique coloniale de la France est justifiée par la mission civilisatrice de la République
(doc. 4). Porteuse des idéaux de la « grande Révolution », La France est la « nation guide »,
refuge et symbole pour les exilés politiques du monde entier.
Doc. 1 : La chambre des députés,
cœur de la vie politique
Tableau de Rousseau-Decelle, 1907
Sur un site anglophone de
mutualisation de ressources
éducatives Scholars resource
Doc. 2 : Le parti radical incarne la culture républicaine
« Les républicains conservateurs demandent à la
République son minimum ; nous, son maximum. Nous, les
républicains radicaux, nous voulons la République pour ses
conséquences : les grandes et fécondes réformes sociales
qu'elle entraîne [...]. Le but que nous proposons, c'est
l'accomplissement de la grande révolution de 1789,
inaugurée par la bourgeoisie française et abandonnée par
elle avant son achèvement [...]. Quelle plus sage mesure
d'ordre et de justice que la réforme de l'impôt, qu'une
équitable répartition de ses charges ? [...] Quelle plus
grande mesure d'ordre, de justice et de liberté que la
séparation des Églises et de l'État [...] ? Comment mieux
rapprocher les classes sociales que par l'instruction
générale qui réunira les hommes de notre race dans un
commun sentiment de patriotique solidarité? Quels conflits
pourront surgir quand le prêtre restera dans l'Église, le
magistrat dans le prétoire, l'instituteur dans l'école ? »
Georges CLEMENCEAU, programme pour les élections de
1876
Doc. 3 : L'autobus électoral
Un candidat à l'élection législative
parlant aux électeurs, du haut de sa
plateforme ambulante - L' Illustration -
8 novembre 1919.
Sur le site de l’Assemblée nationale /
rubrique Histoire et patrimoine / la
République et le suffrage universel
Doc. 4. La république civilisatrice
Illustration du Petit journal du 19 novembre 1911 à la gloire
de la conquête du Maroc « la France va pouvoir porter
librement au Maroc la civilisation, la richesse et la paix ».
Sur le site 19è.org des
éditions Anovi
Doc. 5. Les institutions de la IIIème
République
Sur le site Thucydide (site perso de
deux enseignants d’histoire géographie
de Bergerac (académie de Bordeaux)
Pistes de travail :
· Pourquoi le régime est-il démocratique (doc. 1-2-3-4-5)?
· Pourquoi le régime est-il parlementaire (doc. 1-5)?
· Comment s’exprime la volonté d’exporter le modèle républicain français (doc. 4)?
· Synthèse : Qu’est-ce qui fait de la IIIe République une démocratie moderne ?
III. L’affirmation des libertés et les droits sociaux
1. Les libertés assurées
- La IIIe république veut assurer les valeurs issues des Lumières et de la Révolution française,
au premier plan desquels la liberté et l’égalité, qui, avec la souveraineté populaire et la laïcité
sont les grands principes fondateurs du modèle républicain.
- Des lois républicaines, notamment celles sur la liberté de presse ou les associations
assurent et étendent les libertés fondamentales (doc. 1 et 3).
- Ces libertés sont cependant limitées quand les républicains se sentent menacés.
2. L’œuvre sociale de la République
- Les républicains, en particulier les radicaux, s’appuient sur les classes moyennes
émergentes à l’âge de l’industrialisation. Ils veulent assurer par la législation la solidarité et la
promotion sociale de l'individu.
- Une législation garantit les droits sociaux : réglementation du travail des femmes et des
enfants en 1892, protection sociale contre les accidents du travail (1898), repos
hebdomadaire obligatoire (1906), retraite pour les ouvriers et paysans (1910) et diminution de
la durée du travail quotidien ramenée à 10 heures en 1904 et à 8 heures sur 6 jours en 1919.
- La république améliore ainsi progressivement les conditions de travail et de vie des ouvriers,
en réponse à leurs revendications, offrant une alternative aux projets révolutionnaires d’un
syndicalisme particulièrement actif au début du XXe siècle.
3. Des pratiques sociales renouvelées
- La loi sur la liberté d’expression, conjuguée au développement de l’instruction grâce à l’école
et aux progrès techniques, favorise l’essor de la presse qui connaît son âge d’or en France au
tournant du siècle (doc. 2).
- La législation renforce aussi la sociabilité dans les villes et les villages, permettant la mise en
place de multiples associations et sociétés de secours mutuel. Le développement du temps
libre permet l’émergence d’une culture de masse (doc. 4).
Doc. 1. tableau de Bramtot : le suffrage universel
(1891)
Sur le site de la Mairie des Lilas / rubrique dossiers /
Elections mode d’emploi
Doc. 2. L’âge d’or de la presse (ou
L’accès à l’information politique)
Vignette extraite d’un tract électoral du
parti républicain « Ce qu’a fait la
République » pour les élections législatives
de 1881.
Sur le site de l’IUFM d’Aix Marseille /
rubrique formations / filières / histoire
géographie
Doc. 3. À l’aube du XXe siècle, l’affirmation des
libertés publiques
• Loi sur les réunions publiques du 30 juin 1881
Art. 1 : Les réunions publiques sont libres. Elles
peuvent avoir lieu sans autorisation préalable.
• Loi sur la presse du 29 juillet 1881
Art. 1 : L’imprimerie et la librairie sont libres. [...]
Art. 5 : Tout journal ou écrit périodique peut être publié
sans autorisation préalable et sans dépôt de
cautionnement. [...]
• Loi relative à la création de syndicats professionnels
du 21 mars 1884
Art. 2 : Les syndicats ou associations professionnelles,
même de plus de vingt personnes exerçant la même
profession, des métiers similaires, ou des professions
connexes concourant à l’établissement de produits
déterminés, pourront se constituer librement sans
l’autorisation du Gouvernement.
Art. 3 : Les syndicats professionnels ont exclusivement
pour objet l’étude et la défense des intérêts
économiques, industriels, commerciaux et agricoles.
• Loi sur la liberté d’association du 1er juillet 1901
Art. 1 : L’association est la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en commun de
façon permanente leurs connaissances ou leur activité
dans un but autre que de partager des bénéfices. [...]
Art. 2 : Les associations de personnes pourront se
former librement sans autorisation ni déclaration
préalable.
Doc. 4 : Une société de musique
ouvrière : la fanfare des mineurs de
Wingles (Pas-de-Calais)
(collection particulière)
Comme le sport, la pratique musicale est
favorisée par la loi sur les
associations et le temps libre (le soir et le
dimanche).
Pistes de travail :
Quelles sont les libertés fondamentales assurées par les Républicains (doc. 1, 2 et 3)?
Quelle est la conséquence de la législation républicaine (doc. 4)?
Synthèse : Comment les Républicains ont-ils répondu aux aspirations des Français ?
IV : L’affirmation de la laïcité
1. La laïcité entre dans l’Etat par l’école
- L’école est au cœur du projet républicain (doc. 1). Les lois sur l’école (1881-1882) rendent
l’instruction gratuite, laïque et obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans.
Dans les années 1880 le budget de l’instruction publique est multiplié par trois et des
instituteurs et institutrices sont formés dans les écoles normales départementales (doc. 2).
- L’école permet l’apprentissage de la République. On y enseigne une morale civique fondée
sur le respect des libertés fondamentales, l’idéal démocratique et l’amour de la patrie (doc. 3).
- L’école répond aussi aux demandes de promotion sociale des français. Cependant, le lycée
reste encore réservé à une élite.
- L’école est au cœur du combat pour la laïcité.
2. L’Etat se sépare des Eglises
- Un long conflit oppose les Républicains à l’Eglise catholique (doc. 4 et 5). L’Eglise a soutenu
les partisans de la monarchie au début de la Troisième République. Les Républicains lui
reprochent aussi son conservatisme social. La question scolaire est au cœur de
l’anticléricalisme: les républicains, qui veulent soustraire la jeunesse à l’influence du clergé,
imposent la fermeture des écoles dirigées par des religieux.
- Etape par étape, l’Etat républicain se sépare des Eglises, la loi de 1905 étant un des jalons
importants de cette marche vers la laïcisation de l’espace public.
3. La Laïcité, un socle de la République
- Les tensions créées par la mise en oeuvre de la loi de 1905, en particulier les troubles au
moment de l’inventaire des établissements de culte sécularisés, s’apaisent progressivement.
L’expérience de la Grande Guerre rapproche l’ Eglise catholique de la nation.
- La laïcité, qui affirme à la fois le respect des croyances et le caractère privé de la religion,
devient une valeur fondamentale de la République. Les constitutions de 1946 et de 1958
réaffirment ce principe républicain.
Doc. 1 : L’instruction, c’est la Lumière
"Peuple, c'est guidé par elle, que tu
connaîtras, enfin, quels sont tes droits et tes
devoirs; c'est elle qui t'apprendra à distinguer
tes vrais amis de ceux qui t'ont tant de fois
trompé. C'est par elle, et par elle seulement
que tu pourras avancer dans la voie du
PROGRÈS et de l'INDÉPENDANCE."
Allégorie, seconde moitié du XIXè siècle
Bannières de la Ligue Française de
l'Enseignement et des Loges Maçonniques
Bibliothèque Nationale de France
Site perso de Yannick Deshogues
Doc. 2 : Les hussards noirs de la République.
« De tout ce peuple les meilleurs étaient peut-être
encore ces bons citoyens qu’étaient nos instituteurs.
(...)
Notre jeune École normale était le foyer de la vie
laïque, de l'invention laïque dans le département (...)
Sous la direction de notre directeur (...), de jeunes
maîtres de l'École normale venaient chaque semaine
nous faire l'école. (...) Ils étaient toujours prêts à crier "
Vive la République ! Vive la Nation !". (...)
Nos Jeunes maîtres étaient beaux comme des
hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés, sérieux et
un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine
omnipotence. Un long pantalon noir (...). Un gilet noir.
Une longue redingote noire. (...) Cet uniforme civil était
une sorte d'uniforme militaire encore plus sévère,
encore plus militaire, étant un uniforme civique. (...)
Porté par ces gamins qui étaient vraiment les enfants
de la République. Par ces jeunes hussards de la
République. (...) »
Charles Péguy, Extrait de « L’argent », 6e Cahier de la
Quinzaine de la 14e série, 16 février 1913 (Gallimard).
repris dans Charles Péguy, Œuvres en prose
Gallimard1959
Doc. 3 : La Grande révolution, référence
majeure de l’apprentissage de la
République
Couverture de cahier d’écolier, vers 1890
(site de l’INRP)
Doc. 4 : Le conflit entre les Républicains et l’
Eglise
catholique
1880 loi qui met fin à l’obligation du repos dominical.
Les ecclésiastiques sont écartés du Conseil supérieur
de l’Instruction publique.
1882 : école laïque et obligatoire pour les enfants de 6
à 13 ans.
1884 (18 août) : suppression des prières publiques
lors de l’ouverture de sessions parlementaires. (27
juillet) rétablissement du divorce (loi Naquet).
1886 : exclusion des enseignants religieux des écoles
publiques.
1887 : liberté des funérailles
1896 : l’église Sainte-Geneviève redevient Panthéon
de la République.
1899 à 1905 : lois militaires contraignant les
séminaristes au service militaire (lois dites des « curés
sac à dos »).
1904 (1er avril) : Circulaire ordonnant l’enlèvement des
crucifix dans les prétoires des tribunaux. loi interdisant
aux congrégations religieuses d’enseigner. Rupture
des relations diplomatiques avec le Vatican.
1905 : loi de séparation des églises et de l’état
1906 : affrontements violents à l’occasion des
inventaires des lieux de culte.
11 novembre 1920 : ralliement des catholiques aux
manifestations autour du soldat inconnu.
30 novembre 1920 : la chambre des députés vote le
rétablissement de l’ambassade de la République
française au Vatican.
Doc. 5 : La vague anticléricale : la calotte
Dessin de Foggini, La Calotte n°232,
17/2/1911.
Sur le site Caricatures et caricature
Pistes de travail
Quel est le rôle de l’école pour les Républicains (doc. 1, 2 et 3) ?
Quelles sont les causes et les aspects du conflit entre Républicains et Eglise catholique (doc. 4 et 5) ?
Synthèse : Qu’est-ce qui fait de la laïcité un principe fondamental de la République ?
V. La République à l’épreuve
1. La République menacée
La IIIème république connaît des crises politiques graves qui traduisent à la fois la menace et
l’échec des adversaires de la démocratie libérale.
- La droite nationaliste (doc. 4) est le principal adversaire de la République. Les nationalistes
cherchent à tirer parti des difficultés de la République comme l’instabilité gouvernementale ou
les scandales impliquant les parlementaires. On les retrouve dans le mouvement boulangiste
en 1889, fondé sur l’antiparlementarisme et la recherche d’un pouvoir fort.
- Le syndicalisme révolutionnaire veut briser par la violence une république jugée bourgeoise.
Après s’être manifestés dans une vague d’attentats contre les symboles de la République
(doc. 1), entre 1892 et 1894, les anarchistes se réfugient dans les syndicats. La grève
générale révolutionnaire est adoptée comme moyen d’action par la CGT en 1906, ce qui
entraîne une série de grèves violentes (1906-1910) (doc. 2). La répression de l’agitation par le
gouvernement et les lois garantissant les droits sociaux font échouer le mouvement.
2. L’affaire Dreyfus, un révélateur
- En 1895, Dreyfus, capitaine républicain d’origine juive, est condamné à tort pour trahison par
un tribunal militaire.
- L'affaire Dreyfus divise les Français (doc. 3). Elle voit s’affirmer contre Dreyfus, des courants
nationalistes et antisémites, qui trouvent écho dans une partie de l’armée et du monde
catholique. Les défenseurs de Dreyfus, qui forment en 1899 un « gouvernement de défense
républicain » (modérés et radicaux soutenus par les socialistes), obtiennent la réhabilitation de
Dreyfus.
- La République sort renforcée de cette crise en faisant triompher les Droits de l'homme et la
Justice.
3. L’épreuve de la Grande guerre
- La conduite de la guerre entraîne un renforcement de l’emprise de l’administration et le
rétablissement de la censure. Une propagande intense vise à mobiliser les esprits. Les
libertés publiques sont ainsi mises à mal.
- Cependant, au moment de l’entrée en guerre en août 1914, les Français se sont rassemblés
dans l’Union sacrée pour défendre la patrie. La victoire de 1918 apparaît comme celle de la
République et de la démocratie libérale. Les cérémonies de commémoration le 11 novembre,
qui rassemblent tous les Français s’ajoutent aux rites républicains (doc. 5).
Doc. 1 : L'attentat de l’anarchiste Vaillant
Le 9 décembre 1893, au cours d'une séance à la
chambre des députés, Auguste Vaillant lançant
une bombe depuis la tribune vers l’hémicycle de
vérification des pouvoirs. Son geste est détourné
par le bras d’un spectateur heurté par maladresse
(Dessin aquarellé de Renouard).
Sur le site de l’Assemblée nationale / rubrique
histoire et patrimoine / présidents
Doc. 2 : Le syndicalisme révolutionnaire
contre « la république bourgeoise »
En 1906, le président du conseil radical, Georges
Clémenceau, mobilise massivement l’armée face
à la grève des mineurs du Nord.
Sur le site Caricatures et caricature
Doc. 3 : Chronologie de l’affaire Dreyfus
1894
- Octobre : Découverte d'un « bordereau »
prouvant l'existence d'un espion payé par
l'Allemagne
- Décembre : Dreyfus est condamné à la
déportation au vu d'un dossier secret
1895
- Janvier : Dégradation solennelle de Dreyfus
1896
- Février: Mobilisation de la famille de Dreyfus
- Juillet : Le colonel Picquart (du service des
Renseignements découvre que le vrai coupable
est le commandant Esterhazy
1897
- Novembre : Premières campagnes pour la
révision du procès dans le journal L’Aurore de
Clemenceau
1898
- Janvier : Esterhazy est acquitté, Picquart écarté
- 13 janvier: «J'accuse» d'Emile Zola paru dans
L'Aurore
- Février : Premier procès Zola : cassé pour vice
de forme
- Juin : Première assemblée de la Ligue des droits
de l'homme (dreyfusarde)
- Juillet : Second procès Zola : condamné, il part
en exil
- Août : « Suicide » du colonel Henry, auteur d'un
faux, remis dans le dossier secret
- Septembre : Demande de révision du procès
- Octobre : Création de la Ligue de la patrie
rançaise (antidreyusarde)
1899
- Août : Second procès Dreyfus à Rennes. Il est
de nouveau condamné malgré l'absence de
preuves contre lui.
- Septembre : Emile Loubet, président de la
République, signe la grâce de Dreyfus
1906
- Juillet : Réhabilitation de Dreyfus
Doc. 4 : Les nationalistes contre la IIIe
République
Programme de l’Action française en 1908. Ce
mouvement publie un journal quotidien du même
nom, « organe du nationalisme intégral », sous
la direction de Charles Maurras et de Léon
Daudet.
L'Action française est le journal des bons citoyens
désabusés de la République, ralliés à la
Monarchie. (...)
Ils savent ce qu’ils veulent, ils le veulent
sérieusement. On a fait tant de révolutions pour le
mal ! Une révolution pour le bien ne leur fait pas
peur (...)
LA REPUBLIQUE, C’EST LE MAL.
La République est le gouvernement des Juifs, des
Juifs traîtres (...), des Juifs voleurs (...), des Juifs
corrupteurs du peuple et persécuteurs de la
religion catholique (...).
La République est le gouvernement des
pédagogues protestants qui importent
d'Allemagne, d'Angleterre et de Suisse un
système d'éducation qui abrutit et dépayse le
cerveau des jeunes Français.
La République est le gouvernement des francs-
maçons qui n'ont qu'une haine : l'Église, qu'un
amour : les sinécures et le trésor public (...).
La République est le gouvernement de ces
étrangers plus ou moins naturalisés ou métèques.
(...) ils accaparent le sol de la
France (...). Régime abominable (...), la
République est décidément condamnée, et la
seule inquiétude de la raison française tient à ce
qu'on ignore qui l'on mettra à la place de ce qui
est.
NOUS Y METTRONS LE ROI.
(...)
Affiche reproduite dans l’Action française, 1ère
année, n°3, 23 mars 1908.
Doc. 5 : Le 11 novembre, la République honore ses morts.
Le 11 novembre 1920, la république, tout en fêtant son centenaire, inhume à Paris un soldat inconnu
sous l’arc de triomphe.
Inscription sur la tombe du soldat inconnu à l’arc de triomphe à Paris : «Ici repose un soldat français
mort pour la patrie. 1914-1918»
«4 septembre 1870, proclamation de la
République. 11 novembre 1918: retour de
l'Alsace-Lorraine à la France.»
Pistes de travail :
De quelle façon la République est-elle remise en cause par ses adversaires (doc. 1,2 et 4)?
Pourquoi l’affaire Dreyfus marque-t-elle un tournant pour la République (doc. 3)?
Pourquoi la guerre permet-elle à la République de s’identifier à la nation (doc. 5)?
Synthèse : Quels dangers la République a-t-elle surmonté ?
Bibliographie
- AGULHON, Maurice : Marianne au pouvoir. L’imagerie et la symbolique
républicaines de 1880 à 1914, Flammarion, 1989.
- AGULHON, Maurice : La République, t. I 1880-1932, éd. Pluriel Hachette 1990.
- BAUBEROT, Jean : La Morale laïque contre l’Ordre moral, Paris, Seuil, 1997.
- BERSTEIN, Serge, RUDELLE, Odile (dir.): Le Modèle républicain, Paris, PUF, 1992.
- BERSTEIN, Serge : Histoire de la France au XXème siècle (1900-1930), Editions
Complexe 1990.
- BERSTEIN Serge et WINOCK Michel (s.d. de), L'Invention de la démocratie. 1789-
1914, Histoire de la France politique, Seuil, "L'univers historique", 2002.
- BERNSTEIN, Serge (sous la direction de) : La démocratie libérale, Presses
Universitaires de France, 1998. Archives nationales (France), Direction des archives
de France
- GREVY, Jérôme : La République des Opportunistes, 1870-1885, Perrin, 1997.
- GREVY, Jérôme : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ». Un siècle de guerre de religion
en France, Armand Colin, 2005.
- IHL, Olivier : La Fête républicaine, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1996.
- MACHELON, Jean-Pierre : La République contre les libertés ? Les restrictions aux
libertés publiques de 1879 à 1914, Paris, Presses de la FNSP, 1976.
- ROUSSELLIER, Nicolas : La République sous la IIIe, Paris, La Documentation
photographique n°7003, 1991.
Lire aussi ce lien: Les Français et la République
H) Démocratie « libérale » ou république ?et République et communautarisme
Démocratie « libérale » ou république ?
La
démocrassie libérale ne s’occupe que de politique et, normalement
suivant les canons de ses saintes écritures, est fondée sur la
protection des libertés individuelles et des propriétés afférentes,
« acquises par le travail » et le « mérite ». La démocraCIA repose sur
le suffrage périodique des citoyens quelles que soient la couleur de
peau, la religion, les idées, la morale, le statut social, la richesse,
etc. des « veautants ». J’insiste sur CIA en latinisant le concept car
on voit bien que la prétendue protection des libertés s’accommode fort
bien du FBI, de la CIA, du « Patriot act », de Guantanamo,
des inégalités, de la répression la plus féroce, de l’immixtion dans
les chambres à coucher, de la délation, etc. Elle admet n’importe quelle
religion pourvu qu’il y en ait une, même si c’est une secte dangereuse
et spoliatrice comme l’église de scientologie. Car le libéralisme n’a
pas toujours été démocratique. Ses pères fondateurs se sont toujours
méfiés de la « populace » et se sont longtemps opposés aux libertés
permettant d’assurer la démocratie : suffrage censitaire, censure de la
presse, interdiction du droit d’association, poursuite pénale du
syndicalisme et, last but not least, aux USA
un équilibrage institutionnel des pouvoirs de façon que les
représentants et l’exécutif nationaux puissent gouverner le moins
possible car tout dépend des suffrages locaux. Et quand la démocratie,
même purement politicarde, bourgeoise et représentative, est devenue
inévitable les libéraux « démocrates » ont appuyé sur le champignon de
la religion. Les athées ont prôné « la religion civile » car « sans Dieu
tout est permis », car « sans religion, rien n’interdirait à mon
jardinier de me voler ». La religion est en effet un bon moyen
d’installer un conformisme ou un ordre moral dans lequel les gens
s’épient et se dénoncent mutuellement et où les déviants, les marginaux,
les asociaux peuvent être stigmatisés et pourchassés. On peut
s’expliquer ainsi pourquoi Gnafron 1er a trouvé que le curé
ou le pasteur seront toujours plus à même d’inculquer des valeurs
(sous-entendu de conformisme, de soumission, de charité) que
l’instituteur laïque, gratuit et obligatoire, pourtant porteur d’une
autre religion, celle de « l’Etat Français ». C’est pourquoi, bien que
la politique et le droit, dans les principes libéraux, soient théoriquement neutres par rapport aux différentes conceptions du monde, Zébulon 1er
n’hésite pas à pousser la chanterelle religieuse et le communautarisme.
La neutralité de l’Etat tsarkozyen ne va pas jusqu’à admettre que les
athées aient autant de droits que les religieux de tout poil.
La
démocrassie libérale libère le marché à fond car le « doux commerce »
permet à chacun de s’occuper de ses propres affaires et de son
enrichissement personnel sans s’impliquer dans l’action politique, ce
qui laisse la bride sur le cou aux politicards professionnels et aux
lobbys qui les financent. Elle adore l’individualisme et le
communautarisme car ainsi les atomes individuels et les molécules
communautaires ne s’occupent que d’eux et vivent juxtaposés les uns avec
les autres. C’est une stratégie efficace pour diviser
afin de régner. Chacun pour soi et Dieu pour tous, telle est la devise
qui unifie la zone dollar et l’Anglo-Saxie. Ce communautarisme, admis,
reconnu et valorisé fonctionne dans toutes les dimensions de la société.
Il régit les conduites individuelles, il formate chaque communauté dans
ses valeurs et intérêts particuliers, il procure les
raisons de voter puisque dans ce type de démocratie les orientations
politiques résultent de l’expression des intérêts lors du suffrage. Dès
lors, le communautarisme sort de la sphère privée et de l’espace
civil-public pour envahir l’espace public-politique. Dès lors, le
politicard négocie sur son territoire avec tous les groupes de pression
(économiques, sociaux, de défense de ceci ou cela, de genre, de
sexualité, de religion, de communauté, etc.) en vue de dégager une
majorité qui l’élise et le reconduise.
C’est
ce qui explique que les représentants américains (à la chambre éponyme
et au sénat ou comme gouverneurs d’un Etat) ne dépendent en aucune façon
d’un parti car ce dernier n’est qu’une étiquette facilitant
éventuellement l’élection. C’est ainsi que l’exécutif (Obama l’a bien
vu) doit négocier avec chaque politicard ; par exemple le vote d’hier 7
novembre à la Chambre des Représentants US sur la réforme du système de
santé n’a été acquis que par 220 voix contre 215, dont celles de 39
« démocrates » appartenant au groupe des « blue dogs » ou groupement d’extrême droite du parti démocrate. Car lesdits blue dogs
ne sont en fait ni républicains ni démocrates ; ils sont réactionnaires
puisque devant leur élection aux franges les plus droitières de
l’électorat US. Il en découle que la politique, c’est-à-dire la fixation
des buts pour la société tout entière en vue de l’intérêt général,
n’est que la série des compromis passés à court terme entre intérêts particuliers. L’intérêt général n’est que la résultante ex post
des négociations entre politicards ayant des intérêts locaux à défendre
ou des intérêts particuliers (ceux des 80 millions de chrétiens
évangélistes, ceux de la National Rifle Association, ceux des lobbys
économiques, etc.). En d’autres termes, le bien public n’est jamais
recherché en tant que tel comme lié à l’existence même de la société
globale, entité évidemment différente de la simple juxtaposition de ses
parties. Cela colle évidemment avec la doctrine libérale individualiste
pour laquelle la société n’existe pas. Le Nicktalope qui aime tant le
modèle américain ne va pourtant pas réclamer que les représentants
soient indépendants de son parti de godillots et que le régime politique
français devienne vraiment présidentiel comme aux USA. C’est qu’il veut
concilier à son profit les mérites de l’individualisme et du
communautarisme américain, dans la fausse démocratie qui
caractérise notamment ce pays, avec les charmes de la république
absolue, une et indivisible et propice à la monocratie du président non
de la France, mais du parti.
Comme
la démocrassie libérale n’est que politicienne et repose sur les
divisions individualistes et communautaristes, elle se moque du bien
commun et admet facilement les inégalités, sauf les « raciales » parce
que, sinon, la base même du communautarisme serait sapée. En effet à ce
moment-là, la possibilité même de l’égale considération pour chaque
communauté disparaîtrait et le pacte social américain, si péniblement
acquis après tant d’années d’esclavage et de racisme
(anti-noirs ou anti-indiens ou vis-à-vis des « Latinos »), sauterait.
C’est pourquoi le mérite (travail, dons, efforts) et l’égalité des
chances supplantent la recherche de l’égalisation des conditions ou
résultats, les handicaps culturels ou ethniques devant être compensés
par une discrimination positive (« affirmative action »), c’est-à-dire par un traitement en « équité » des différences ou handicaps.
On
peut définir la république comme une communauté globale où l’existence
même de la collectivité majeure et le bien commun sont à égalité de
considération avec les libertés et les droits individuels ou des
groupements sociaux. Alors, la république n’est pas une collection
d’individus et de sous-communautés coexistant dans son espace
territorial. La question est ainsi de savoir quelle est la consistance
de cette grande communauté supérieure à, et différente de,
ses parties. Dans la tradition républicaine française, cette texture
n’est pas ethnique, encore moins « raciale » ; elle n’est pas fondée sur
les valeurs religieuses non plus et demeure laïque, elle ne dépend pas
des genres ou des statuts sociaux. Sur ces dimensions-là,
la république est pluraliste. Qu’est-ce qui en fait alors une communauté
particulière dans le concert international ?
Ce
sont trois choses. La république, au nom du bien commun, recherche à
tout le moins une certaine égalisation des conditions réelles de vie
pour tous ses citoyens, de façon que la dignité, les capacités et les
talents de chaque personne soient reconnus et valorisés. Car il n’y a
pas de coopération sociale possible, il n’y a pas d’adhésion active du
corps social et des personnes à la communauté politique si la
considération accordée par la société et ses membres à chaque personne
et à chaque groupement n’est pas traduite matériellement dans des moyens
effectifs et suffisamment égaux qui prouvent que chacun a une place
juste et reconnue dans le concert social. En d’autres termes, la 1ère justification de l’adhésion à la république est la recherche permanente de la Justice encore et encore. La 2ème
est la recherche permanente de l’intérêt général et du bien commun pour
la société tout entière et pour chacun de ses éléments individuels ou
collectifs. La 3ème réside dans l’existence de valeurs à la
fois morales et politiques qui définissent le contenu du pacte politique
unifiant la société dans le pluralisme et le respect des différences.
Mais cela ne veut pas dire que le relativisme, dans lequel toute valeur
se vaut, est de bon aloi. La république répudie les valeurs qui divisent
alors que la démocratie libérale les porte au pinacle : compétition,
réussite, « équité », individualisme, charité (cette horreur qui fait
que les riches montrent leur dédain des pauvres en leur faisant
l’aumône), matérialisme ostentatoire, jalousie, le temps
d’activité (« travailler plus [longtemps] pour gagner plus), le repli
sur soi, etc. Elle valorise au contraire les valeurs qui favorisent
l’union de tous en même temps que le développement personnel : la
solidarité, la fraternité, la justice, la coopération, la réciprocité,
la mutualité, la belle ouvrage (l’œuvre ou le travail bien fait) dans le
travail collectif et la contribution individuelle, le loisir et le
repos pour créer et être avec les autres, la relation et la
communication, etc. Voilà donc pour les valeurs morales.
Mais il
y a aussi des valeurs proprement politiques : éthique de la discussion,
communication égale entre toutes les parties prenantes au pacte
politique et social, recherche de l’entente, égale participation de tous
à la chose publique, respect de la minorité, équilibre des rapports de
force dans les négociations, égale possibilité d’expression et de mise
en débat de ses intérêts dans l’espace public, que celui-ci soit civil
(dans la société civile comme on dit) ou politique, respect de la
culture du pays et de ses traditions (ce qui ne veut pas dire s’y
cramponner, cela signifie ne pas les bousculer sans connaissance de
cause et sans consensus), primauté de la justice comme ressort du lien
politique. En d’autres termes, la république est une communauté de
volontés qui adhèrent à des valeurs, à des fins politiques, à un ordre
juridique qui forgent et développent le lien social au lieu de le
détruire dans l’individualisme compétitif et l’acceptation des
inégalités, qui plus est croissantes et non justifiées. Et cela sous
réserve d’inventaire permanent car, comme disait Renan « la nation est
un plébiscite de tous les instants ».
D’après
ce qui vient d’être énoncé, il est clair que la France, qui se targue
de sa république depuis 1789, n’a jamais été républicaine. Or, si l’on
veut que les gens et les groupements adhèrent à la république encore
faut-il qu’elle soit réelle. Par ailleurs, notre république a été bien
trop « assimilationniste », c’est-à-dire qu’elle a surtout visé à
intégrer les populations immigrantes à sa culture globale, à faire
disparaître les cultures provinciales (Basques, Bretons, Corses,
Occitans, catalans, etc.) à plier à ses mœurs les peuples colonisés, à
supprimer les groupements intermédiaires, à interdire l’existence
politique des sous-communautés. En d’autres termes la république a
amalgamé la culture civile qui caractérise une société globale, d’un
côté, et les valeurs politiques, de l’autre. Or, par construction
l’adhésion à la république repose sur le lien politique commun, les
autres liens devant rester libres d’exister et de cohabiter dans la
société civile puisque la république est neutre, c’est-à-dire laïque,
vis-à-vis de ces derniers. C’est pourquoi, normalement, la vraie
république admet la développement dans les sphères privées et civiles de
toutes les pratiques et sous-cultures communautaires ou particulières à
condition qu’elles ne troublent pas les principes républicains, par
exemple celui de l’égalité des sexes ou genres ou celui de la liberté
des pratiques sexuelles entre adultes consentants et, évidemment, celui
du respect de la dignité des personnes et de leur intégrité physique
(n’est-ce pas Mme Allo-Marrie qui songe à la castration physique ou
chimique). Mais la république réelle admet aussi que toutes les forces
sociales, tous les groupements puissent participer à armes égales aux
débats politiques. C’est ce que la république assimilationniste des Jules, laquelle perdure sous Gnafron 1er, a refusé parce que ses soi-disant élites « méritocratiques » n’ont jamais voulu partager le pouvoir.
Car la
république française est fort peu démocratique ; le pouvoir politique y
est monopolisé par les partis dominants, la parole des communautés y
reste interdite au niveau politique en dehors de la sphère privée ou
civile, son régime est devenu monocratique car les contre-pouvoirs y ont
été réduits à presque rien, etc.
Alors,
que choisir entre la démocratie libérale US sans valeurs républicaines
ou la fausse république francaoui sans démocratie ? Ni l’une ni l’autre
car la démocratie sans la république est le règne des inégalités et du
marché, car la république sans la démocratie n’est qu’un totalitarisme
soft exercé par des politicards qui définissent tout seuls l’intérêt
général, c’est-à-dire le leur et celui des capitalistes et des
financiers dont ils ne sont « que les fondés de pouvoir » (Marx). Il
nous faut une démocratie réelle, sociale et républicaine telle que celle
que Proudhon avait conçue avec son fédéralisme mutuelliste et
décentralisé, tout à la fois économique, social et politique, national
et international, pluraliste et unificateur grâce à la recherche de la
justice et de l’équilibration des forces sociales.
République et communautarisme
La
république est une union politique et démocratique qui admet en son
sein le pluralisme social des diversités et différences en tout genre.
La république est neutre vis-à-vis des différentes conceptions du monde,
ce qui en d’autres termes signifie qu’elle est laïque, terme français
mais qui a son équivalent dans les autres démocraties sous forme de
ladite neutralité de l’Etat au regard des systèmes de valeurs de ses
habitants. La république ne s’oppose pas aux communautés dès lors
qu’elles ne violent pas le contenu politique et commun du pacte
républicain. Celui-ci est assez simple : principe d’égale considération
pour chaque personne ou chaque groupe, ce qui implique l’égalité de la
femme et de l’homme ou de chaque sous-culture par exemple Basque ou
Corse, etc. Cela implique aussi le respect de la liberté, de la dignité
et de l’intégrité physique de chaque personne ou de chaque groupe doté
d’une identité spécifique dans le concert et le corps sociaux. A quoi
s’ajoute le principe de fraternité ou de solidarité, donc de justice.
Chaque acteur social y a le droit de faire valoir, exprimer ou négocier
ses valeurs et ses intérêts dans toutes les sphères de l’action
sociétale : privée, civile, politique. La pseudo-république française
depuis 1789 a nié la prise en compte dans la sphère politique des
intérêts particuliers au nom de l’ânerie rousseauiste
affirmant que le « contrat social » était passé directement entre chaque
individu, censé abandonner ses propres intérêts (stupidité) au profit
du bien commun (intérêt général), et la nation. Redoutable fiction qui a
permis aux « députains » élus et réunis en chambre
législative de se considérer comme le modèle réduit et représentatif de
ladite nation et de prétendre être eux-mêmes les bons détenteurs
monopolistes de la souveraineté absolue et indivisible du pays,
c’est-à-dire d’avoir seuls le droit de donner la loi en niant
l’intervention de tout groupement intermédiaire. A tel point que les
corporations, associations, provinces, langues vernaculaires, etc.
furent interdits et proscrits pendant très longtemps.
La
république moderne ne peut continuer dans cette proscription des
groupements, en les consignant dans la seule dimension civile. J’ai
proposé ailleurs que tous les acteurs inclus dans la société puissent
participer à armes égales, sans asymétrie de pouvoir et d’expression ou
de négociation, à un double débat public. Dans l’espace public-civil et
dans l’espace public-politique ou civique. A quoi s’ajoutait que tous
lesdits acteurs étaient concernés et impliqués dans la préparation des
décisions dans le double espace public et que la décision politique, une
fois prise après débat antérieur dans les instances décentralisées de
la république, civiles ou civiques, et après débat dans le parlement
politique, devenait imposable à tous comme loi universelle sans
distinction de quelque sorte que ce soit. Dans ce cadre, des valeurs
politiques comme l’équilibre des débats et participations, l’éthique de
la discussion dans le respect de l’autre et la tolérance à l’expression
de ses positions, la recherche de l’entente à partir de la pluralité des
points de vue, le caractère neutre de la loi vis-à-vis des conceptions
du monde, la justesse du régime représentatif, le principe de la
transcendance de la loi générale sur les pratiques particulières sont
indépassables et régissent l’émission des règles communes. En d’autres
termes, les groupes particuliers ou les communautés peuvent participer
aux débats de mise en forme des décisions politiques en vue de l’intérêt
général, lequel ne souffre pas d’exceptions communautaristes, une fois
les décisions prises dans une procédure légitime d’émission des lois.
Certains diront que c’est déjà le cas, la république, volens nolens,
ayant fini par admettre l’existence des groupements spécifiques
(syndicats, associations, collectivités). Ce n’est vrai que formellement
car le corps politique détient toujours le monopole du débat politique
et de la décision afférente, les groupements n’étant associés que par
des consultations, des fausses négociations, de l’écoute fallacieuse. Du
reste, Gnafron 1er a osé dire : « j’écoute, mais je n’en
tiens pas compte » et prend des décisions avant même toute consultation
des « forces vives de la nation » (Ganelon-Besson dixit) ou monte des
« commissions d’étude » (avec membres dûment sélectionnés pour leur
conformité à ses vues) munies d’un feuille de route ne laissant aux
commissions que la latitude de justifier a posteriori la
pré-décision présidentielle. Il arrive même au Nicktalope,
obscur-voyant, de décider avant même que le rapport de la commission
d’étude lui soit remis (par exemple la commission Léger sur la réforme
judiciaire avec suppression du juge d’instruction).
La
république est de plus en plus en difficulté vis-à-vis de communautés
en tout genre qui veulent obtenir que les lois et règles leur confèrent
des garanties, des assurances, des privilèges exorbitants du droit
commun, qui exigent que la loi universelle soit calquée sur leurs
positions particulières. Ces communautés réclament des exceptions au nom
du moderne principe d’égale valeur de toutes les cultures, qui, de ce
fait, ne sauraient être assimilées et digérées dans une culture globale
unique et supérieure. Cette égale valeur de chaque communauté dans la
société globale débouche automatiquement sur le relativisme : puisque
tout se vaut, alors rien ne vaut de plus que le reste. Cela induit aussi
la juxtaposition des communautés dans l’espace public, chacune étant
potentiellement repliée sur ses mœurs et ses valeurs. Alors, le tissu
social se réduit à la seule sphère politique chargée de réguler les
conflits potentiels entre communautés divisées et considérant de fait
que son droit à l’existence est liée à son excellence, ce qui contredit
le principe de départ, à savoir que toutes les cultures se valent, ce
qui montre que le discours de l’égale valeur dans la différence ne
vaut que pour pouvoir se constituer en espace autonome coupé du reste
de la société. Le corps social étant alors balkanisé, il ne reste, en
plus de la politique, que le marché en tant qu’espace commun des
activités de relations entre communautés. Il n’y a guère à se demander
pourquoi le pouvoir actuel du clan de Nicolae Sarkocescu encourage,
comme aux USA, ce « différencialisme » communautariste conflictuel. Elémentaire,
Watson : c’est le bon vieux diviser pour régner et plus les divisions
sont potentiellement fortes, plus la nécessité d’un pouvoir autoritaire
s’impose pour tous. C’est une resucée de Hobbes : puisque la société est
le lieu de la lutte de tous contre tous, alors il faut un pouvoir
tout-puissant pour imposer la sécurité et la paix. Eh oui, M. Tsarkozy
vous n’êtes pas si moderne et en rupture que cela.
Le
tsarkozysme oublie volontiers qu’il n’y a rien de pire que la
communauté à cause de l’emprise qu’elle exerce sur les individus en
limitant leur liberté à la stricte observance de ses règles. Aller dans
le sens du communautarisme, c’est revenir sur le principe libéral par
excellence, à savoir la liberté des personnes. Cependant, la communauté
est indépassable car c’est l’espace dans lequel chaque individu acquiert
langage, éducation, morale et culture et forge les 1ers éléments de son
identité, ce que nie le libéralisme individualiste et atomistique pour
lequel la société ou les groupes culturels n’existent pas. Il faut donc,
en bonne république, respecter les communautés et les admettre aux
débats publics et aux processus politiques démocratiques. Mais il faut
les surveiller de façon qu’elles respectent les valeurs communes et
extérieures à elles. En aucun cas, la république ne peut accepter que
les valeurs de liberté (notamment de mariage mixte ou non, de pratique
sexuelle consentie, de divorce), d’égalité des genres, de respect de la
dignité de chacun, de solidarité entre tous, notamment dans le paiement
de l’impôt, de justice, de neutralité laïque soient niées par telle ou
telle culture communautaire. Car contre le relativisme actuel, j’affirme
que les valeurs, du reste résumables dans la charte internationale ou
européenne des droits de l’homme et dans la devise française (liberté,
égalité, fraternité, à quoi s’ajoute la neutralité ou laïcité), sont
supérieures (à la fois comme place dans la hiérarchie des valeurs et
comme contenu intrinsèque) à celles des communautés tout simplement
parce qu’elles unissent et unifient alors que celles des communautés
divisent, même si, paradoxalement, certaines de leurs valeurs peuvent
être meilleures que celles de la république. Par exemple, l’interdiction
de l’usure dans le prêt à intérêt ou l’égalité de
traitement interne à la communauté alors que la (mauvaise) république
actuelle n’établit que l’égalité des droits et des chances et non celle
d’un écart minimal et justifié entre les situations. Il appartient alors
à la république, non pas de sanctionner ces valeurs, mais de les
étudier, de les évaluer, de les respecter quand elles ne troublent pas
l’ordre public, de les généraliser quand elles peuvent être partagées
par tous. Inversement, la république ne peut accepter des pratiques qui
violent ses principes et ses valeurs générales. Par exemple, elle
luttera contre le mariage forcé, le crime d’honneur, les privilèges
communautaires, les discriminations (du genre, on se traite également
entre coreligionnaires mais on traite différemment le quidam extérieur),
l’excision, le mariage multiple, l’homophobie, le sexisme, le racisme
vis-à-vis de l’étranger, la censure des opinions, l’enfermement dans la
communauté plus ou moins sectaire, etc. je n’y mets pas le voile ou le
nikab. Ce qui est dangereux pour les valeurs de la république, ce n’est
pas lui ; c’est la communauté, alors sectaire voire fondamentaliste, qui
s’en sert pour afficher ses options et exclure les autres. La
république reconnaît toutes les religions et n’en favorise aucune. Mais
elle refuse que telle ou telle religion dicte son ordre moral à tous les
citoyens. Ce que la république refuse, c’est le communautarisme
autarcique et sectaire, religieux ou non ; celui des l’église catholique
quand elle régnait encore, celui de l’orthodoxie Amish ou judaîque
imposée à tout le monde, celui du fondamentalisme musulman ou hindou,
etc. Il y a du travail… qui ne sera réalisé qu’en mettant en place une
vraie république, désirable pour ses valeurs partagées et sa réalisation
de la Justice et non en faisant la chasse à des symboles comme le
voile.