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juin 24, 2016

Brexit Party !! réactualisé Août 17(5)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Paris et Berlin durcissent le ton : la facture de l'UE au RoyaumeUni pour le Brexit passe à 100 milliards d'euros (@FinancialTimes) nonobstant les coûts induits.












Sommaire:

A) Brexit : Les impossibles calculs - ALEPS

B) Le Brexit menace-t-il l’Europe ? - ALEPS

C) Les textes à la une de Contrepoints

D) Le déclin des États Nations par fragmentation, sécession et privatisation des  gouvernements - Par Bertrand Lemennicier

E) La panarchie et la coexistentialité par Al Genestine 

F) Brexit : ces 8 pays qui comme le Royaume-Uni pourraient quitter l’Union européenne - par Marie de Fournas - RTL

G) Brexit : le coup de gueule de Gaspard Koenig - Le Figaro

H) Brexit : les Britanniques soudain moins pressés que les Européens - Le Point


I) Brexit : Une pétition pour l'indépendance de Londres récolte 100.000 signatures

J) Etrange défaite à Londres - Bernard-Henri Lévy - La Règle du jeu

K) «L’effondrement de l’Union européenne est désormais inévitable» -


Brexit : une catastrophe ! Aurélien Véron

M) Brexit : un révélateur des contradictions européennes  - Par Emile-Robert PERRIN - http://www.diploweb.com.

N) Brexit, le dessous des cartes L’ « euroscepticisme » et le parti conservateur britannique - Par Jacques LERUEZ - http://www.diploweb.com.





O) Brexit : quels enjeux géopolitiques ? Par Djiby SOW, - Diploweb




A) Brexit : Les impossibles calculs

Les conséquences politiques d’un vote des Britanniques en faveur d’un Brexit seraient sans doute considérables, la Nouvelle Lettre les évoquera d’ici le 23 juin. Mais dès maintenant les « experts » se précipitent pour chiffrer les conséquences économiques dudit Brexit. Ces chiffrages n’ont aucun sens, au moins pour deux raisons : d’une part, le nouveau paysage de l’économie britannique est inconnu ; d’autre part, l’économie marchera au pas du politique et l’incertitude est ici encore radicale.

Le PIB anglais diminué de quelque 5 %
Pourquoi pas ? C’est l’estimation de l’OCDE, publiée la semaine dernière. Cette chute se produirait à l’horizon 2030, mais dès 2017 le PIB anglais diminuerait de plus d’un point de croissance, entraînant dans sa chute les principaux partenaires européens (Irlande, Pays Bas, Suisse qui perdraient entre un demi-point et un point de croissance) et menaçant aussi Allemagne et France. 5% de PIB en moins, c’est quelque 5.000 euros de moins par an pour les ménages anglais.
Si la production  et le revenu déclinaient à ce point, la Livre sterling ne s’en sortirait pas non plus, avec une dévaluation probable de 10 %. L’inflation pourrait reprendre à cause de l’augmentation du prix des importations. Ces pronostics sont déjà mystérieux : la dévaluation ne serait-elle plus « compétitive » comme disent les keynésiens et l’épargne croît-elle en conjoncture inflationniste? A faire tourner les ordinateurs trop vite, ils finissent par chauffer.
Car, bien entendu, ces « estimations » sont le fruit de modèles macro-économiques. Chaque administration ou institut ayant le sien, on peut trouver des chiffres plus alarmistes encore (le Trésor britannique donne 6,2 % de chute), l’ancien maire de Londres Boris Johnson faisant surenchère à plus de 7 %. Les choses sont tellement claires qu’au sein même du gouvernement ministres pro et anti-Brexit cohabitent.

L’incertitude radicale
Cette accumulation de chiffres pose le problème de tous les modèles macro-économiques, y compris les plus sophistiqués : comment prévoir la conjoncture d’une économie alors même qu’un évènement déterminant ne s’est pas encore produit ?  La méthodologie autrichienne plaide en faveur de « l’incertitude radicale » : il n’y a pas en économie de séquences modélisables, l’histoire ne se répète pas, précisément parce qu’il y a une histoire, c'est-à-dire un enchaînement de faits et de comportements qui modifient les bases-mêmes des estimations.
Concrètement, il y a quelques questions qui ne connaissent pas aujourd’hui de réponse :
1° Les capitaux vont-ils quitter l’Angleterre pour s’investir en Allemagne ou en France ? L’opinion dominante chez les financiers est qu’il faut s’y attendre, mais rien n’est moins sûr. Par exemple on ne connaît pas ce que sera l’économie française l’an prochain.
2° Les ménages anglais vont-ils être tétanisés par le fait d’être coupés de l’Europe ? Les partisans du Brexit sont persuadés du contraire.
3°  Les courants commerciaux aujourd’hui noués avec l’Union Européenne ne vont-ils pas se détourner vers le Commonwealth ? On doit se rappeler que l’une des pommes de discorde entre l’Union et la Grande Bretagne est précisément le sort privilégié dont bénéficient les Anglais du fait de leurs liens avec le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande.
4° La finance anglaise va-t-elle se couper de la finance mondiale, alors même que les négociations avec la bourse de Francfort se poursuivent et que les gens de la Cité n’ont cure des réglementations que veulent imposer Américains et Européens ?

Le poids de la politique
La plus lourde des incertitudes porte sur les conséquences politiques d’un éventuel Brexit. L’Ecosse entrerait-elle en sécession et resterait-elle dans l’Union ? Quid de l’Irlande, qui bénéficie déjà d’un statut particulier dans ses liens avec l’Angleterre ? La Suisse et les pays scandinaves ne feraient-ils pas revivre une zone européenne de libre-échange dont la souplesse aurait des effets stimulants sur ses adhérents ? Enfin, et non le moindre, l’Union sortirait-elle indemne de l’aventure ? On peut craindre que les oppositions entre libéraux et dirigistes se radicalisent ;  quels seraient les vainqueurs ?
Enfin, il y a aussi une incertitude majeure à prendre en considération : elle concerne la vie politique anglaise, avec un renforcement du populisme, une radicalisation des travaillistes et un éclatement des conservateurs.
Si vous croisez des faiseurs de chiffres de Brexit, vous pouvez les saluer bien bas.

Cameron est tombé dans le piège de la gauche 

Aleps



B) Le Brexit menace-t-il l’Europe ?

Les Anglais ont la lucidité de lutter contre l’Europe de Bruxelles

Exit la Grande Bretagne : Brexit. Face aux divisions internes du parti conservateur, face au puissant courant anti-européen qui s’affirme en Angleterre avec le succès électoral de l’UKIP (parti des eurosceptiques), face aux indépendantistes écossais, David Cameron a pris le pari d’un referendum en juin 2016 : la Grande Bretagne doit-elle quitter l’Union Européenne ?

Le pari serait gagnant si Cameron obtenait des autres membres de l’Union les passe-droits qu’il réclame pour son pays. La Grande Bretagne n’était entrée dans l’Union qu’avec réticence et, comme le Danemark à l’époque, n’a pas voulu de l’euro. La Livre Sterling a conservé son indépendance, et la Grande Bretagne a déjà obtenu dès le début des dérogations au « droit européen ». L’évolution de l’Union Européenne ne s’est pas faite dans le sens libéral, mais au contraire le pouvoir centralisé de Bruxelles, l’expansion du budget et de la législation, ont renforcé les craintes britanniques.

Beaucoup d’observateurs ne pensent pas que Cameron parviendra à infléchir l’Allemagne, elle aussi assez critique du poids de Bruxelles et de la gestion de l’euro : la Chancelière peut-elle affronter ouvertement la France, l’Italie, voire l’Espagne ? D’autres font remarquer que le Brexit serait suicidaire pour l’économie britannique, les pays de l’Union étant ses principaux partenaires. Mais les courants commerciaux et financiers avec l’Europe seraient-ils rompus ? La Suisse et la Norvège ne vivent pas en autarcie. Enfin, la Grande Bretagne a d’autres partenaires hors d’Europe : d’un côté l’énorme Commonwealth, incluant Australie, Canada, Inde et Nouvelle Zélande, et de l’autre les Etats-Unis.

Quant aux Européens, ils auraient peut-être avantage à calculer ce que leur coûterait le Brexit. Mais est-ce le souci de Jean Claude Junker, des commissaires et parlementaires européens, sans parler des lobbyistes installés à Bruxelles ? En fait c’est toujours le conflit entre Europe puissance et Europe espace qui domine la question. C’est le conflit entre Europe dirigiste, socialiste, et Europe ouverte et libérale. Le Brexit ne concerne pas que les Anglais, car les Anglais demandent qu’on se prononce enfin sur  la vraie nature de l’Union Européenne.

Aleps





C) Les textes à la une de Contrepoints



D) Le déclin des États Nations par fragmentation, sécession et privatisation des  gouvernements

Faut-il créer un État Mondial en donnant à l'ONU le droit de taxer chaque État national afin de développer une force militaire permanente d'intervention internationale, de transformer le Fonds monétaire International en banque centrale indépendante et prêteuse en dernier ressort avec une seule monnaie, le Terra ou le Phoenix, ayant cours forcé et légal sur la terre entière? Faut-il créer un État Fédéral Européen centralisé ou faut-il, au contraire, instaurer une concurrence entre les différents États membres ? Faut-il supprimer les États nationaux européens et l’Etat français en laissant aux Basques, aux Bretons, aux Alsaciens, aux Niçois, aux Savoyards, aux Corses ou aux habitants de l’ex-république des Escartons le droit de vivre à leur guise et de gérer leurs relations inter individuelles dans le cadre d'un État de Droit, sans États nationaux, ou supra nationaux ?

 Fallait-il créer, en Afrique du Sud, une confédération d'États regroupés en fonction des ethnies ou fallait-il créer un État unique avec des chambres noires, cuivrées, jaunes ou blanches ? Était-il astucieux de reproduire le schéma classique d'une république une et indivisible, soumise aux caprices des majorités de rencontre ou à la dictature d'une ethnie comme cela se produit dans certains pays d'Afrique Noire : le Zimbabwe par exemple? L'histoire contemporaine a déjà donné certaines réponses: l'URSS s'est désintégrée en raison de la sécession des États nationaux. À l'intérieur même de ces États, de petites entités réclament leur autonomie, au besoin par la force. Des unions se séparent pacifiquement comme la République Tchèque et celle Slovaque, et d’autres dans la violence comme en Yougoslavie ou en Ukraine. En cette fin de XXe siècle et début du XXIe, nous assistons à une vaste remise en cause de l'État Nation qui a émergé à la fin du XIXe siècle et s’est développé au XXe. Des États Nations, qui ont adopté des régimes politiques totalitaires, ont tué massivement leur propre concitoyens[1]. Quelles sont les raisons de ce déclin par fragmentation ?

 Le déclin de l’État Nation par fragmentation
Le 18 septembre dernier les écossais ont décidé, par référendum, de rester dans le Royaume Uni au lieu de redevenir un État souverain. La question posée était simple :
"Souhaitez-vous que l'Ecosse devienne un pays indépendant ? Oui/Non
Les écossais, partisans du oui, supposent que, séparé du Royaume Uni, leur destin sera meilleur que de rester dans l’union. Les partisans du non pensent le contraire [1].
Le problème soulevé par ce référendum est intéressant à plus d’un titre et peut être généralisé à n’importe quelle union, y compris l’Union Européenne, mais aussi à n’importe quelle région d'un État : Ukraine, Syrie ou Turquie.
Les écossais, partisans du oui, supposent que, séparé du Royaume Uni, leur destin sera meilleur que de rester dans l’union. Les partisans du non qui l’ont emporté pensent le contraire [1].
Cela vaut aussi pour l’Union Européenne (UE). Le Front National, un parti politique français, propose de quitter non seulement l’euro ou l’espace Schengen mais aussi l’Union Européenne. Si ce parti arrive au pouvoir, il proposera un référendum à la population française pour savoir si elle souhaite quitter l’UE. Un tel référendum sur le « Brexit » est prévu en 2017 pour les britanniques. En effet, ce qui vaut pour les Écossais peut valoir pour les Français vis-à-vis de l’UE. Mais vaut aussi pour les Bretons, les Alsaciens, les Basques, les Normands, les Gens du Nord, les habitants de la Provence Côte d’Azur, les Corses, les Franciliens ou les habitants de l’ex république des Escartons, eux aussi pourraient légitimement demander la séparation et l’indépendance de leur région à l’égard du pouvoir central parisien. Ce qui est vrai des régions françaises le serait aussi pour les allemands, les espagnols et les italiens, comme pour le Royaume Uni lui-même, réduit à la terre l’Angleterre. L'Europe éclaterait en une multitude de petits pays indépendants [2] associés ou non dans une confédération. Pourquoi s’arrêter aux régions ou provinces ? Les sécessions territoriales peuvent concerner les villes qui deviennent villes libres et/ou États Cités : Paris enfin libéré… de la tutelle étatique française.  
La fragmentation des États n’est pas une nouveauté, c’est même la caractéristique fondamentale de la fin du siècle dernier et du début du siècle dans lequel nous vivons. La majorité des États dans le monde ont une petite taille depuis que les grands empires ont implosé soit naturellement, soit suite à des guerres d’indépendances. Le nombre d’États en 1950, membres de  l’ONU, était de 51. En 2012, cette organisation reconnaissait 197 États souverains! Parmi les 27 États de l’Union Européenne, 16 ont une superficie inférieure à 100 000 km2. 22 ont une population moyenne de 7,2 millions d’habitants. La Flandre et la Wallonie sont proches de la sécession, la Catalogne en prend le chemin et l’Ecosse a failli reprendre sa souveraineté abandonnée par l’acte d’union de 1707. N’oublions pas le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle Calédonie qui touche les français, ni la dissolution de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) le 26 décembre 1991. L’éclatement de celle-ci en une multitude d’États souverains laisse encore des traces, aujourd'hui, avec des annexions et des mouvements séparatistes en Ukraine ou en Tchétchénie. Les guerres de sécessions des années 1990 dans les Balkans avec le Kosovo, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro sont encore dans les mémoires, la sécession de la Transnistrie en Moldavie, de l’Ossétie du Sud en Géorgie aussi. Le gouvernement Chinois fait face lui-même à de tels mouvements en Mongolie intérieure sans compter la Birmanie, et le Moyen orient avec le Kurdistan turc ou irakien, et en Syrie avec le retour de formes étatiques d’autrefois : le califat islamique.  Que dire de l’Afrique avec le Mali, le sud du Maroc, la Mauritanie, la Kabylie en Algérie, le Somalie land, le Soudan du sud, l’Érythrée. S’il y a un phénomène politique majeur contemporain qui menace les États Nations, c’est bien celui de la sécession. 

La question de la taille optimale d’un État 
 L’avenir politique des États nations ne semble pas résider dans la construction ou dans l’union de grands États en dépit de la construction européenne comme futur grand État ou de l’État mondial que certains appellent de leurs vœux. 
En revanche, pour beaucoup de personnes, cette fragmentation et sécession en entités politiques plus petites est un grand pas vers les libertés individuelles dans une société ouverte au reste du monde. C’est une force de progrès. Pour bien comprendre pourquoi il en est ainsi, il faut revenir sur la question de la taille « optimale » d’un État nation.

Les économistes, dont on connaît la curiosité légendaire, se sont intéressés à la sécession et/ou à la taille des États, à la structure de leur gouvernance, à leurs unions ou cartellisations et dissolutions ou séparations. Plusieurs auteurs s’y sont essayés dont D. Friedman (1977)[3], J.Buchanan et R. Faith (1987) [4] ;Withman D (1991)[5], J.J. Rosa (2000)[6], A.Alesina et E. Spolaore (2003)[7] pour ne mentionner que les plus connus sur ce sujet. Leurs arguments peuvent nous aider à comprendre ce phénomène politique qu’est la fragmentation des États modernes.
Une première idée, celle de Withman et Rosa, consiste à faire l’analogie entre les États, les entreprises ou les individus. Ces derniers s’unissent, se marient, se séparent, divorcent, font faillite, se rachètent entre eux ou se remarient. La thèse des économistes est d’une simplicité désarmante : les chefs d’entreprises, les individus et les hommes d’État décident de mettre en commun les ressources et les talents dont ils disposent lorsque, pris ensemble, la combinaison de ces facteurs de production génèrent plus de satisfactions et de richesses que pris séparément. Ils se séparent dès qu’il n’en est plus ainsi. Cette théorie repose sur l’analyse du Prix Nobel Ronald Coase (1937) sur la nature de la firme. Les Pères fondateurs de l’Union Européenne après tout avançaient un argument de ce type : « pris ensemble, les États Européens se feraient moins la guerre que pris séparément».
Les gains attendus d’une union de deux États (ou de deux entreprises), proviennent essentiellement : 1) des économies d’échelle ou d’envergure dans la production de biens ou services dits « publics » qu’ils offrent aux citoyens dont le coût, pour une technologie donnée,  diminue avec la taille de la population et/ou la distance ; 2) de la spécialisation économique induite par des différences de productivité  et des économies de coûts de transaction que  permet la suppression des barrières étatiques entre les pays de l’union. Les coûts de produire pris ensemble plutôt que pris séparément prennent racines dans le mode gouvernance (c’est-à-dire la structure de contrôle, pour les États il s’agira de la forme du régime politique : démocratie parlementaire ou présidentielle, autocratie, Monarchies, Monarchies parlementaires), le partage des gains de l’union (transferts entre membres de l’union des gains de l’union) et de la congruence des préférences sur les buts poursuivis par l’union (homogénéité ou hétérogénéité des préférences des partenaires à cette union). Ce raisonnement peut être appliqué à l’union européenne ou à la zone monétaire qu’est l’Euro. Mais il peut s’appliquer aux régions françaises.
L’autre idée, celle de Friedman, Buchanan/Flair, ou  Alesina/ Spolaore, est de regarder l’État d’une façon plus réaliste. En effet, il y a une différence fondamentale entre un État et une firme. Les échanges entre les propriétaires d’une firme, les actionnaires et les consommateurs reposent sur un consentement révélé par l’achat ou une vente de titres de propriété  sur des biens ou services  Les échanges entre un État et les habitants qui vivent sous son autorité reposent sur l’extraction d’une rente (un impôt) et l’usage de la force ou de sa menace par une faction politique, disposant temporairement [8] de son monopole. L’extraction de cette rente sur des richesses acquises légitimement par le travail des habitants peut être plus ou moins consentie en fonction de la structure de gouvernance de l’État. Les gains attendus de l’extraction de l’impôt dépendent de la taille du pays et de la productivité de ses habitants. Ces gains sont limités par le coût d’entretien du monopole de la coercition et le coût du prélèvement de l’impôt lui-même. Ces deux visions permettent d’organiser le débat sur l’indépendance d’une région qui voudrait faire sécession d’un État Nation et de mieux comprendre les soubresauts de notre monde contemporain.

Le déclin des structures hiérarchiques des États Nations : fragmentation, fédéralisme et ou sécession
 Commençons par la première interprétation. Pris ensemble l’Ecosse, l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Irlande du Nord, la Flandres et les pays Bas produisent-ils plus de richesses pris ensemble que pris séparément ? Du coté des gains nos auteurs notent les économies d’échelle ou d’envergure [9] liées à la production de certains types de biens dits publics comme la défense, la justice, le droit, la langue, les réseaux routiers ou ferroviaires, les communications, l’éducation, la protection sociale ou la santé. Plus la taille du territoire de l’union est grande en superficie, plus la production de ces biens profiterait des économies d’échelle et d’envergure[2]. Le mariage de territoires adjacents peut permettre de saisir ces économies en partageant, entre les membres de l’union, les coûts fixes de production dont le coût variable diminue avec la distance ou la taille de la population. Pourquoi s’arrêter à l’Ecosse ? L’union pourrait s’étendre à d’autres pays successivement adjacents aux nouveaux entrants [10] et finalement pourrait englober le monde entier. D’où l’idée récurrente d’un État Mondial préfiguré par des institutions internationales comme l’ONU et le conseil de sécurité (Défense), le FMI comme banque prêteur en dernier ressort imposant une monnaie unique, la banque mondiale comme banque d’investissement, l’OMC pour les traités commerciaux, l’OIT pour le marché du travail, Le tribunal pénal international pour les chefs d’États, l’OMS pour la santé etc.
 La taille de l’union est vite limitée par les déséconomies d’échelle et d’envergure qui peuvent apparaître et/ou les coûts d’administration de l’union, de contrôle d’opportunisme des pays membres, des conflits dans le partage des gains de l’union entre les membres et hétérogénéité des préférences sur les buts poursuivis par l’union qui augmentent avec l’admission de nouveaux entrants. Les coûts d’administration de l’union et les difficultés de sa gouvernance seront d’autant plus élevés que le nombre des participants à l’union augmente et que les préférences des partenaires sont hétérogènes.
Selon cette théorie, une union entre États et/ ou entre régions tendra à se développer jusqu’à ce que l’admission d’un État (ou d’une région) adjacent (e) supplémentaire ne permette plus de saisir des économies d’envergure ou augmente les coûts d’administration, de gouvernance et d’hétérogénéité des préférences au-delà des gains attendus. Une désunion surviendra dans le cas contraire lorsque, pris séparément, c’est-à-dire en se fragmentant, les coûts d’administration, de gouvernance et d’homogénéisation des préférences sont inférieurs à ceux observés lorsqu’il y avait une union. Avant  d’en arriver à la fin de l’union, des structures intermédiaires peuvent apparaître pour la maintenir en diminuant certains coûts d’administration et d’hétérogénéité des préférences. Le fédéralisme est une telle structure politique où une dévolution du pouvoir est accordée à certaines parties territoriales de l’État moderne. Pour que le fédéralisme fonctionne de manière satisfaisante, il faut que trois conditions essentielles soient remplies. La première est que les juridictions de niveau inférieur aient le pouvoir de lever l'impôt pour financer les fonctions qu'elles assument. La deuxième que les responsables locaux soient désignés directement par les électeurs relevant de leur juridiction. Cela permet de mieux aligner leur système de motivation sur les désirs et préférences de la population locale. La troisième condition implique que l’électeur puisse voter avec ses pieds pour mettre en compétition ces juridictions locales et les hommes politiques qui en ont la charge. Il est avantageux de les mettre en concurrence parce que cette compétition par le “vote avec ses pieds” permet d’une part de minimiser les frustrations des minorités et d’autre part élimine à long terme les législations qui oppriment les citoyens. C’est le modèle de Tiebout (1956)[3].

La substitution entre le marché et l’État, fragmentation par privatisation des services régaliens
 Tous les biens ou services à forte économies d’échelle ou d’envergure peuvent être obtenus, aujourd'hui, à un coût plus faible sur le marché mondial parce que les firmes privées qui produisent ces biens et services sont en compétition entre elles et réalisent ces économies d’échelle et d’envergure à une taille bien supérieure à celle que peut offrir l’espace restreint de ces entités locales que l’on appelle États nations, et ce grâce à la libéralisation des échanges internationaux[13]
Cette évolution est générale. De plus en plus les services régaliens des États sont concurrencés dans la production des biens dits publics par le marché lui-même. L’externalisation de la défense d’un territoire par des armées privées, en est un exemple célèbre. Cette externalisation rend obsolète les gains attendus de l’union puisque pris séparément on peut obtenir les mêmes services et moins chers avec des entreprises privées ou des ONG en compétition sur le marché mondial. Les coûts d’administration, de partage des gains et de préférences hétérogènes ont simultanément augmenté. L’immigration massive de personnes de culture différente sur le marché du travail a modifié la congruence des préférences de l’ensemble de l’union, les transferts liés à la protection sociale modifient le partage des gains dans l’union elle-même, et la structure de gouvernance, sous la logique de l'extension du pouvoir et sa concentration dans les mains de quelques-uns, a éloigné les électeurs des pays adjacents des décisions centrales du gouvernement de l’union. Les gains de l’union ne sont plus compétitifs vis-à-vis  de ceux obtenus sur le marché mondial.
Cette évolution, qui frappe tous les États nations, pousse au divorce et à la sécession des entités politiques qui les composent. L’Ecosse en est un exemple qui aurait pu faire tâche d'huile. Les hommes politiques anglais en étaient conscients depuis longtemps. Si le gouvernement de Londres ne veut pas de la sécession, c’est qu’il pense que la contribution de l’Ecosse au Royaume Uni est profitable pour l’ensemble de l’union. Si Londres tient à l’Ecosse, il suffit au gouvernement d’acheter le maintien de l’Ecosse dans l’union par des transferts d’argent et de souveraineté jusqu’au point où un abandon de souveraineté ou un transfert supplémentaire réduit à néant l’intérêt de prolonger l’union avec l’Ecosse. Cette politique de transferts est menée depuis longtemps par le gouvernement britannique avec la création du parlement écossais en 1999. Au fil du temps le parlement écossais a obtenu presque tous les pouvoirs exceptés les affaires étrangères, la monnaie, l’énergie, la fiscalité et la défense qui restent du ressort de Londres. Mais la limite est atteinte.
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23% des écossais sont prêts à payer quelque chose pour rester dans l'union. 26% sont prêts à payer pour sortir de l'union.Si on se reporte aux habitants du pays de Galles et de l'Angleterre, 10% d'entre eux sont prêts à payer pour que les écossais restent dans l'union et 6% pour qu'ils la quittent. 70% des autres ne sont pas prêts à payer quoique ce soit pour qu'ils restent ou quittent l'Union. The Economist 2 Mai 2015.
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On voit tout de suite  où le bât blesse : pour rester dans l’Union les écossais peuvent demander aux anglais la pleine restitution de la rente pétrolière [14]. Le gouvernement de Londres s’y refuse, car les autres membres devront payer l’énergie au prix du marché mondial dicté par les cartels des pays pétroliers[15] Si l’Ecosse quitte l’union, le gouvernement central ne peut plus prélever d’impôts sur les écossais, la base fiscale du Royaume Uni se réduit drastiquement et la rente fiscale ne pourra plus être aussi facilement détournée pour satisfaire les intérêts privés de l’oligarchie qui gouverne le Royaume Uni. Cela nous introduit à l’autre facette des États modernes : la prédation. 

La vision réaliste: l’usage du monopole de la force, l'accaparement des rentes naturelles ou fiscales au profit de l’oligarchie au pouvoir.
 La base fiscale est le pouvoir suprême de tous les États modernes. Sans le prélèvement de l’impôt (ou de l’accaparement des rentes d’une ressource naturelle qui a une valeur sur la marché mondial) les hommes d’État ne sont rien. On comprend mieux la panique du gouvernement anglais si l’on se tourne vers la face de l’État correspondant à la fiscalité. Cela nous renvoie à la conception de l’État Léviathan et à la logique du pouvoir qui repose sur deux lois fondamentales : l’extension pure du pouvoir de taxation et la concentration de ce pouvoir dans les mains de quelques uns.[4] Ces deux lois valent pour n’importe quel régime politique fut-il démocratique. Cette analogie éclaire le débat sur la sécession. Dans chaque État nation émerge  deux classes d’individus : celle qui détient le pouvoir, la classe des hommes politiques qui décident de l’usage du monopole de la force pour prélever l’impôt et celle productive sur laquelle ce tribut est prélevé[5].  Il s’agit d’une lutte entre deux classes deux factions politiques, l’une écossaise (de gauche) [16] et l’autre anglaise (de droite) qui cherchent à extorquer une rente fiscale optimale sur les habitants qui sont sous leur juridiction. L’enjeu est celui de la rente pétrolière que chacun veut s’accaparer et de la base fiscale écossaise dont seront privés les autres membres de l’union si l’Ecosse retrouve sa souveraineté.
 Le chiffre d'affaires des hommes d’État, c'est le volume des recettes fiscales (qui est le produit d’une base taxable et du taux d’imposition) et des autres revenus obtenus des activités domaniales (produits des capitaux et rente pétrolière) ou des monopoles qu'il contrôle (celui du monopole d'émission de la monnaie offrant l’opportunité de pratiquer l’illusion fiscale par l’impôt d'inflation pour annuler les dettes publiques). La stratégie retenue par les hommes politiques est celle d’extraire une rente maximale des monopoles fiscaux, monétaires et du domaine (les ressources pétrolière par exemple) dont ils disposent temporairement ou non au profit de ceux qui les ont portés au pouvoir. 
La dimension des États va dépendre non seulement du rendement attendu de la rente nette des coûts à extorquer ces revenus mais aussi de la structure de contrôle du chaque État sur sa propre population, de la concurrence qui s’exerce entre les classes dirigeantes de différentes nations pour accroître leur base taxable par une baisse du taux d’imposition qui leur permet d’attirer les classes productives des autres États locaux. L’accroissement de la base taxable multipliée par un faible taux d’imposition peut procurer plus de recettes fiscales qu’autrement. Pour ne pas voir leur base taxable être réduite par une concurrence fiscale, les classes dirigeantes ont une forte incitation à constituer des ententes et donc des unions ou bien des États intégrés plus grands. L’extension du pouvoir sur la base taxable et l’accaparement de la rente des ressources naturelles monnayables sur le marché mondial se fait soit par l’union des deux classes d’hommes politiques et de ceux des groupes de pression qui les soutiennent ou par la guerre et la défaite de l’une d’entre elle.
 Revenons à la dimension optimale d'un État Léviathan formé par l’union de plusieurs classes dirigeantes de plusieurs États dans un régime politique donné. L’union de ces classes d’individus du futur Léviathan doit étendre la base taxable le plus loin possible jusqu’au point où le coût d’étendre ce pouvoir de coercition à une unité géographique supplémentaire pour les membres de l’union excède le gain tiré de la rente fiscale de cette unité. Il y a donc une limite à la taille du Léviathan parce que les coûts d’extorsion sont croissants et les rendements attendus décroissants en fonction de la distance où le Léviathan a localisé le centre de ses décisions.
 C’est la raison fondamentale pour laquelle, il y a, géographiquement, de la place pour plusieurs Léviathans qui se partagent la taxation sur des territoires adjacents et non pas un seul Léviathan dominant l'ensemble du monde. Chacun marque, par des frontières, l’aire de son pouvoir de taxation vis-à-vis des autres classes de dirigeants locaux[6]. Une fraction des revenus de la taxation comme des réglementations édictées par le pouvoir central du Léviathan sont investis dans la productivité des habitants  afin d’augmenter le niveau de leur production et accroître les recettes fiscales futures. Une autre partie est consacrée aux dépenses pour réduire l’hétérogénéité de la population qu’il a sous son contrôle via une éducation nationale [17]. Par ailleurs, la faction au pouvoir doit composer avec ses sujets pour les empêcher de se révolter ou de s’évader ou de se détourner des activités productives intensives  en recettes fiscales. Une autre fraction des recettes fiscales est consacrée au maintien d’une obéissance civile minimale (police, renseignements généraux, gendarmes mobiles, compagnie républicaine de sécurité) et à un niveau d’emploi générateur d’impôts [18] pour enrichir la classe des prédateurs et des groupes de pression qui les soutiennent[7]. Enfin et non des moindres, il faut consacrer des ressources tirées des recettes fiscales pour partager les gains et maintenir ces classes de prédateurs des différents membres de l’Union dans l’entente.
 Du point de vue du Léviathan, les gains d’une union réside dans la capacité à saisir des économies d’échelle ou d’envergure dans la technologie civile et militaire de lutte contre les insurrections et l’évasion fiscale  pour contrôler un territoire plus vaste à un coût plus faible qu’auparavant. Ainsi un investissement de 20 milliards d’euros dans ce contrôle de la population coûte 100 000 d’euros par tête dans un pays de 200 000 habitants, 1000 euros par tête dans un pays de 20 millions d'habitants et seulement de 100 euros par tête dans un pays de 200 millions d'habitants. Ce contrôle peut alors être développé sans que le contribuable s’y oppose car le coût de se rebeller contre le Léviathan excède les 100 euros. (Voir Rosa (1998,2000)[8]. Une diminution brutale du coût de cet investissement déconnecté de la taille de la population modifie le pouvoir fiscal du Léviathan.

Concurrence fiscale et mondialisation
 Le coût de l’union ou d’un État intégré est tributaire des coûts administratifs du prélèvement fiscal et de l’hétérogénéité des populations quant à leur degré de résistance à l’impôt. Là aussi la mondialisation via les progrès des nouvelles technologies d’information, de communication et de financiarisation ont sérieusement limité les économies d’envergure et ou d’échelle réalisé dans la lutte contre l’insurrection, la désobéissance civile, l’évasion fiscale ou l’homogénéisation des préférences via l’école.
 Les contemporains sont frappés par le fait que les synergies entre la téléphonie mobile et internet permettent de maintenir des liens étroits entre les membres de différentes communautés familiales, religieuses ou doctrinales même si leurs membres sont éclatés dans différents territoires parfois distants de milliers de kilomètres. Le contrôle des croyances par le Léviathan est devenu particulièrement difficile dans ce contexte. L’individualisation et l’hétérogénéité des préférences se développent au sein de chaque État Nation, membre de l’union, suite aux mouvements de population par émigration ou immigration rendant plus  coûteux l’homogénéisation des croyances voulu par le Léviathan.
 L’extension de la base taxable par l’intermédiaire d’une union ou d’une intégration n’est donc plus aussi intéressante qu’autrefois. Le Léviathan, renonce à l’union et  substitue à l’extension de la base taxable, la hausse des taux d’imposition présents et futurs (via la dette publique). C’est la raison pour laquelle les Léviathans préfèrent constituer des ententes entre eux pour limiter la concurrence fiscale que de créer des unions visant l'intégration dans un État plus grand.
Si l’avenir semble plutôt favorable aux mouvements de fragmentation, cela ne veut pas dire que les choses se passeront à l’amiable. Quand l’autonomie par  la dévolution des pouvoirs et les transferts compensatoires, pour maintenir les États dans l’union, ont été réalisés, aller plus loin devient rapidement un casus belli, car on frappe au cœur même le pouvoir des classes dirigeantes du Léviathan. Les guerres de sécession ou d’indépendance deviennent l’ultime recours pour les séparatistes.

La sécession en micro-États comme force de progrès
 Cette fragmentation des grands États en micros États est-elle favorable à la croissance et au bien-être des populations ?
 « La meilleure chose à faire pour la liberté serait de diviser l’Europe en plein de petits États. Cela vaut également pour l’Allemagne. Plus l’expansion territoriale de l’État est petite, plus il est facile d’émigrer et plus l’État doit se montrer conciliant envers ses citoyens, afin de garder ceux qui sont productifs [21]» Nous dit H. H. Hoppe. 
 A défaut de copropriétés multiples en compétition[22], la petite taille des États est garante d'une imposition modérée et du respect des droits de propriété comme des droits individuels parce qu'un petit État a beaucoup de concurrents proches et que le vote avec ses pieds est plus facile à mettre en œuvre pour sanctionner les dirigeants prédateurs de cette entité politique. Dans un État central (même fédéral) dominant de vastes territoires, le pouvoir d'imposer des taxes et réglementations est plus facile à mettre en œuvre car le coût d'émigrer est plus élevé. Un petit État ne peut mettre en œuvre une telle politique d'expropriation. Les individus émigrent et, par ailleurs, les entreprises quittent le petit État sans qu'il puisse en attirer de nouvelles, car celles-ci sont toujours à la recherche de la fiscalité la plus faible et des réglementations les moins contraignantes.
Les micros États qui offrent de tels avantages, faible taxation et réglementations, se développeront mieux que les autres. Cette forme, décentralisé et concurrentiel des micros -États n'a donc rien d'absurde ni d'utopique. A bien y réfléchir, on en retrouve de nombreuses traces dans l'histoire européenne. La concurrence entre petites unités de gouvernement était la règle du Saint Empire Germanique, en particulier en Italie et en Allemagne. : Cités-États de l'Italie du nord, Allemagne du Sud et Pays Bas sécessionnistes La ligue Hanséatique, On peut rappeler qu'au XVII siècles, l'Allemagne était composée de 234 comtés, 51 villes libres et de 1500 manoirs de chevaliers indépendants Beaucoup de ces principautés étaient de taille extrêmement réduite. Des auteurs sont aujourd'hui convaincus que c'est précisément à cet état d'extrême concurrence politique que l'Europe doit l'émergence de son inventivité technique, économique et artistique. On explique ainsi l'origine du capitalisme (Baechler 1971)[9] par le fait même que celui-ci émerge dans un monde politique composé d'innombrables entités politiques Cette forme, décentralisée et concurrentielle des micros–États est parfois associée au nouveau fédéralisme de Tullock(1997)[10]

L'intégration économique est le contraire de l'intégration politique. 
L'un est le développement pacifique des échanges et des marchés, l'autre est l'expansion territoriale du pouvoir de taxer, d'exproprier et de réglementer. L'intégration économique de micros États dans l'économie de marché pacifie les relations. En revanche, l'expansion des États vers des dimensions territoriales plus grandes comme la tentative d'un État européen (ou Mondial) est une source permanentes de conflits et de guerres. Quand ce phénomène de concentration et de centralisation des États s'accompagne d'une nationalisation des États (disparition des Monarchies) il n'existe plus aucun frein à la croissance des impôts et des expropriations réglementaires autre que le libre échange international ou l'implosion interne par la sécession. 

Des fonctions régaliennes sans territoire à la privatisation des gouvernements
 Toute entente crée deux forces de désintégration, l’une externe par la fragmentation des États qui accroît la concurrence entre prédateurs, l’autre interne par la modification de la gouvernance des États et sa structure de contrôle (révolution, désobéissance civile, contre société,)
L'ouverture des économies et la mobilité des capitaux comme du travail ont en fait amoindri la capacité de taxation et de redistribution des États contemporains. Simultanément les grandes entreprises privées opérant sur le marché mondial saisissent des économies d’échelle et d’envergures dans la production des biens publics largement supérieurs à ce que peut offrir chaque État pris séparément, peuvent être incitées à offrir « clés en mains » certains services régaliens propres à assurer la protection de ces micro-États en compétition avec d’autres. La production de la monnaie par des banques privées ou des grandes entreprises voire par des communautés d’internautes (bitcoin e-gold, etc.) élimine le système bancaire protégé par une prêteur en dernier ressort appelé banque centrale ayant le pouvoir d’imposer la circulation de sa monnaie pour en tirer un revenu fiscal et surtout un moyen d’éteindre les dettes publiques. Les grandes banques de surface mondiale comme les grandes multinationales ont rendu l’évasion fiscale plus sûre et moins onéreuse pour les classes productives qui veulent échapper aux impôts locaux en dépit de la lutte concertée des classes dirigeantes locales contre celle-ci.
Les tribunaux et instances arbitrales se trouvent en compétition avec les externalisations des services régaliens et la concurrence des droits par reconnaissance mutuelle des normes permet de rendre cette fonction régalienne a territoriale, chacun choisissant le droit qui lui semble le plus approprié pour régler les conflits qui l’oppose aux autres cocontractants. La loi des marchands, les prud’hommes pour les conflits du travail, l’arbitrage du cabotage  maritime (y compris les conflits entre micros-États puisque les règlements des conflits entre membres de l’OMC) se font toujours comme autrefois par arbitrage privé. L’avantage principal est que la structure de gouvernance des micros États se privatise sous forme de copropriétés, villes privées ou cités États. La gouvernance de ces micros États devient celle de syndics ou d’équipes dirigeantes d’entreprises privées en charge des parties communes de chaque entité avec lesquelles ils ont passé un contrat et sont responsables des services qu’ils rendent devant une multitude d’assemblée de copropriétaires ou d’actionnaires des différents territoires dont ils ont la charge. Les fonctions dites régaliennes sont offertes par ces syndics en contractant sur des marchés concurrentiels avec des entreprises de sécurité privée (police et armée), des tribunaux arbitraux privés, des assurances privées prenant en charge les risques de conflits entre individus et ou cités privées leur protection comme le font déjà les contrats de Risk and Ransom, pour les salariés des entreprises multinationales ou des ONG etc. Les monnaies privées ne sont pas du domaine de la gestion des syndics et comme dans le bazar d’Istanbul restent une affaire privée entre commerçants et clients.
La désintégration interne des États nations vient aussi des nouvelles difficultés à contrôler la population (d’où l’impression récurrente d’élites politiques déconnectées de la population dont ils espèrent une servitude volontaire). La logique du pouvoir par extension et concentration de ce dernier dans les mains de quelques uns reposent sur quelques caractéristiques, il est contrôlé par un petit nombre de personnes (une oligarchie souvent endogamique qu’elle soit une élite politique et/ou syndicale qui se partagent le pouvoir en usant de la violence pour arriver à leurs fins), une fois le pouvoir conquis, il est jalousement gardé, fermé et peu accessible, il est personnalisé par une lutte entre des chefs de clans ou partis politiques, il est clientéliste. La capture des rentes et privilèges, la formation des croyances  des citoyens via le contrôle des journaux, des médias  et de l’école se fait par le haut du pouvoir politique vers le bas[11]. Les citoyens votent pour un clan pour une période donnée (si on est en démocratie) et n’ont plus aucun pouvoir avant l’échéance suivante.
Les nouvelles formes d’usage de la violence, légitime ou non, légale ou non[12],  sur le territoire où s’exerce le monopole de la force du Léviathan sont différentes. Elles sont exercées par beaucoup de personnes ou institutions en concurrence  (associations d’auto défense, police privée, détectives professionnels ou journalistes d’investigation, groupes de pression d’influence intellectuelle captant la formation des croyances et idéologies dans l’appareil d’État, gangs mafieux en compétition sur la vente et la production des biens et services interdits par le Léviathan, extrémistes politiques de tous les bords, écologistes de combats, groupes religieux, séparatistes). Ceux qui embrassent ces nouvelles formes de violence vivent dans un monde ouvert à la concurrence. Elle y est vive. Il n’y a pas de clientélisme, le « do it yourself » est encouragé par les réseaux grâce à la toile. Participatifs, les individus engagés dans ces diverses formes de violence se considèrent comme des pairs fonctionnant en réseau. Ils n’ont pas  de frontière, mais des sanctuaires. lls pillent, redistribuent et contrôlent par la violence une population locale directement de manière latérale et non par un système hiérarchique. Ils collaborent entre  eux et s’échangent informations et ressources pour atteindre des fins différentes et parfois contradictoires. Ils se construisent une réputation en utilisant les médias et moyens de communications modernes. Ce qui amplifie leur emprise sur la population et laisse désarmé le monopole traditionnel de la force sur un territoire donné. 

Le droit d’ignorer l’État devient de plus en plus une réalité
On peut vivre aujourd’hui en ignorant l'État dans les services régaliens qu'il offre. Il suffit de ne pas s’adresser à ses services. Ne vous mariez plus à la Mairie mais directement dans la religion de votre choix ou vivez en couple libre (22 % des couples  vivant ensemble ne sont pas mariés). Au lieu de vous adresser à un tribunal public, réglez vos conflits avec des arbitres ou des gens que vous nommez comme arbitres avec vos contractants. Au lieu de mettre vos enfants à l’école publique mettez les dans une école privée ou confessionnelle (20 % des parents mettant leurs enfants dans une école privée). Certes vous payez deux fois le même service, mais vous signalez votre désaccord avec la formation des croyances imposées par le Léviathan. Au lieu d'être salarié ou d'être soumis au droit du travail, redevenez travailleur indépendant (27 % des travailleurs sont indépendants en 1962 et seulement 7% aujourd’hui) et contractez librement en choisissant un cabinet juridique et une assurance qui vous protège mieux que ce que peuvent vous offrir la législation du travail et les syndicats.
Pratiquez le troc et les échanges sous forme de SEL ou d’e-gold, ou de bitcoins, autre forme d’évasion fiscale. Dématérialisez vos revenus et comptes bancaires en choisissant les formes à venir de paiement électronique sur Internet. Délocalisez votre épargne hors d'Europe. Délocalisez-vos activités rémunératrices et vos achats  totalement sur Internet et travaillez à domicile. Voyagez le plus possible hors de France pendant plus de six mois et domiciliez vous en Suisse. (le nombre d’évadés fiscaux en France serait de 150000 et le montant des sommes non taxées de 600 milliards soit 4 millions d’euro par évadé.). Entrez dans l’économie souterraine, vivez du marche noir, ne déclarez jamais vos transactions, ne répondez jamais aux recensements ni aux enquêtes statistiques officielles, devenez clandestins. (il y aurait un stock de 800 000 clandestins en France) . Devenez marins, achetez vous un petit bateau et naviguez en dehors des eaux territoriales, domiciliez vous à Saint Bart ou aux Bahamas. Sinon, achetez-vous une suite dans un navire de croisière et vivez du revenus de vos activités dispersées et diversifiées dans plusieurs États. Facile lorsque l’on fait de la finance. Émigrez tous dans la même commune et faites sécession comme avec le Free Project State du New Hampshire.. N’ayez plus de propriété en France, ni de revenus, placez votre épargne aux Bahamas ou à Singapour et louez à l’année une suite dans un hôtel des logis de France à un prix raisonnable. Avec toutes les économies réalisées vous avez largement les moyens de vivre dans ce type d’hôtel, repas compris. Vous pouvez aussi vous expatrier au Maroc où la vie est moins chère et les habitants sympathiques (ce que font déjà les retraités dont les pensions ne sont pas à la hauteur des promesses étatiques, 20 à 25000 retraités français vivraient au Maroc). Votez blanc ou nul pour ne plus cautionner le pseudo consentement des régimes politiques dit démocratiques (entre 30% et 55% d’abstention aux élections), si .plus de 30% des électeurs font comme vous, l'élection sera annulée.





NOTES
[1] Il est intéressant de noter que seuls les écossais aient le droit de voter pour ce référendum. Il s’agit d’un divorce unilatéral. Les autres membres de l’union sont aussi concernés par les conséquences de ce vote et ils n’ont pas voix au chapitre. On imagine volontiers que si les antillais et les corses demandaient leur indépendance et que l’ensemble des français prenait part au vote, ils seraient tout de suite indépendants. Ces territoires coûtent plus aux contribuables français qu’ils ne leur rapportent. Mais si on demandait aux seuls antillais ou corses de voter pour leur indépendance, ces derniers voteraient non à la séparation tant ils ont à perdre. Par ailleurs, quand un pays demande l’entrée dans l’union ou l’intégration dans un pays, c’est aux français qu’il faudrait le demander. Or, ils n’ont pas été consultés pour que Mayotte devienne un département français. Ceci en dit long sur les conceptions des hommes politiques et le mépris total qu’ils ont de leurs électeurs pour acheter des populations entières avec l’argent du contribuable français sans que ces derniers, les payeurs, puissent exprimer leur désaccord.
[2] Avant 1789 il y en avait 300, en 1815 il y en avait 60. En 1871 ce chiffre tombe à 20. En un siècle 1789-1871, les bouleversements politiques ont ramené le nombre d’Etats souverains de 300 à 20 !
[3] D. Friedman (1977) “A Theory of the Size and Shape of Nation” Journal of Political Economy, vol. 85, no. 1
[4] J.Buchanan and R.Faith (1987), Secession and the Limits of Taxation: Toward a Theory of Internal Exit, American Economic Review (December) pp.1023-1031
[5] D. Whithman (1991)"Nations and States: Mergers and Acquisitions; Dissolutions and Divorce," American Economic Review Papers and Proceedings (1991)
[6] J.J.Rosa (2000), Le second XXe siècle ; Déclin des hiérarchies et avenir des Nations, Grasset, Paris
[7] A.Alesina et E.Spolaore (2003), The Size of Nations MIT Press London England
[8] Dans un régime parlementaire, la faction politique détient ce monopole pour une période déterminée à l’avance, dans une autocratie cette période peut durer une vie celle de l’autocrate ou être abrégée par un coup d’Etat ou un assassinat, dans un royaume ce monopole peut rester dans la même famille plusieurs générations. Dans chaque cas la gestion de ce monopole conduit à des décisions différentes. Mais ce n’est pas l’objet de notre discussion.
[9] Les économies d’échelle présentent la caractéristique suivante : la production du bien ou du service considéré exige un coût fixe initial, important (indépendant du volume de la production) tandis que les coûts variables diminuent avec le volume de la production. Les économies d’envergure correspondent à la sous additivité des fonctions de coûts.  Pris ensemble, deux entreprises produisent moins chers que pris séparément.
[10] Comme on l’observe dans l’Union européenne avec les pays de l’Est
[11] Si le territoire de l’Ecosse est décisif dans la saisie de ces économies d’envergure.
[12] Contrairement à la séparation entre la république Tchèque et la Slovaquie.
[13] Après tout c’est la thèse du Prix Nobel Paul Krugman
[14]  Mais à qui appartient ces champs de pétrole et gaz ? Au premier occupant (ou à proximité) les habitants de l’Ecosse, ou à ceux qui ont investi leur capital pour exploiter ces champs et développer cette industrie les propriétaires des compagnies pétrolières et les contribuables du Royaume Uni qui ont financé les infrastructures permettant cette exploitation ?
[15] Depuis 2003 nous vivons un troisième voir quatrième choc pétrolier, le prix du baril de pétrole en dollars est passé de 30 dollars en 2003 à 100 dollars en 2013
[16] Le parti nationaliste écossais est plutôt travailliste ou du moins entame la chanson du socialisme et espère profiter de la manne pétrolière pour la redistribuer aux écossais, promesse qui équivaut très directement à un achat de vote.
[17] On comprend mieux l’objectif de 90% de reçus au baccalauréat. Il ne s’agit pas de rendre les jeunes générations plus intelligentes ou moins ignorantes mais d’homogénéiser leurs préférences et de former leurs croyances afin qu’ils acceptent comme naturel la prédation du Léviathan.
[18] La préoccupation des hommes politiques pour les chômeurs est intéressée. Imaginons que le taux de chômage soit de 100% pendant un an, la base taxable sur les salaires serait drastiquement réduite.
[19] En attirant des activités productives et des évadés fiscaux sur son territoire.
[20] On évoque souvent le terme d’intégration forcée
[21] http://www.institutcoppet.org/2014/03/16/entretien-avec-hans-hermann-hoppe-dans-wirtschaftswoche-le-4-janvier-2014/
[22] Qui est la forme de gouvernance des petits « États » qui respecte le plus les droits de propriété individuels puisque dans ce cas l’État lui- même ou son domaine est strictement privatisé et son gouvernement est contractualisé sur un marché des gérants de copropriété.
[23] Pour les libéraux ou conservateurs qui décideront de rester, mais au moins ils n’iront pas beaucoup de kilomètres à faire pour émigrer vers le sud.

[1] Voir Rudolph J. Rummel, Death By Government
[2] Ce qui reste à démontrer au cas par cas.
[3] C.M.Tiebout 1956 "A Pure Theory of Local Expenditure", Journal of Political Economy, October  
[4] Bertrand de Jouvenel, Du pouvoir (1942), Hachette collection Pluriel ed.1972.
[5] L’historien Augustien Thierry est l’initiateur de la théorie  des conflits de classe entre ceux qui détiennent le monopole de la force et la classe des producteurs pour expliquer les mouvements de l’histoire. K. Marx a détourné ce concept en opposant la classe des propriétaires des entreprises, apporteurs de capitaux à celle des ouvriers apporteurs de leurs talents. Ce détournement de concept a eu indirectement des conséquences tragiques mesurées en millions de morts par les expériences de planification centralisée de l’ex union soviétique. 
[6] Une frontière n’a pas d’autres raisons d’être. Elle n’est pas similaire à une clôture d’une propriété privée.
[7] Qui peuvent être des chefs d’entreprises et ou des syndicats ouvriers
[8] J.J. Rosa 2000, Le second XXe siècle Déclin des hiérarchies et avenir des Nations, Paris Grasset ; 1998, L'erreur Européenne, Paris Grasset
[9] J.Baechler 1971 Les origines du capitalisme, coll. Idées, éd. Gallimard, 1971,
[10] G. Tullock 1997 , The New Federalism, Fraser Institute, Vancouver
[11] On reprend ici par analogie les réflexions de Jeremy Heimans et Henri Timms, (2014) « Understanding New Power » Harvard Business Review (december) sur les nouvelles pratiques des affaires.
[12] La violence syndicale par prise d’otages ou sa menace est légale mais illégitime, le pouvoir fiscal dévolue à la sécurité sociale ou à la société des auteurs est légal mais illégitime. Que dire de cette dévolution du pouvoir à des « autorités » indépendantes … Les hommes politiques ont eux-mêmes fragmenté l’usage légal de la force.




E) La panarchie et la coexistentialité




Imaginez une vision qui englobe des systèmes politiques traités formellement, dans lequel chacun d’entre nous serait libre de choix politique, c’est-à-dire, celui d’opter pour son principe d’organisation sociale. La politique décidée par chacun de nous. L’individu redeviendrait un individu responsable, ce qu’il devrait être par nature.

Ce métasystème pourrait être apparenté à une forme néo-politique de « coaching », où chacun s’affilie en toute liberté au sein d’une gouvernance de son libre-choix, voire de sa propre conception s’il y a lieu, et où les différentes règles du droit international s’appliqueraient aux rapports entre les individus desquels ils dépendraient.

Cette vision, ou théorie, existe, elle est appelée : « la Panarchie ». Voici quelques références sur l’historique du terme et son évolution : [1] [2] [3] [4] [5] [6].

« La Panarchie est une méthodologie sociale basée sur le principe du volontarisme et la pratique de la tolérance. » (Gian Piero de Bellis)
La panarchie ?
 
L’avenir de l’humanité sans aucun doute : vous n’êtes pas satisfait de votre gouvernement choisi ? Un meilleur existe ? Vous en changez, c’est très simple. Tout comme le libéralisme, la panarchie n’est pas une idéologie comme peuvent l’être le communisme ou le socialisme. Il est aisé de le comprendre tant cette théorie implique d’accepter toutes les formes d’idéologies existantes dans la mesure, comme cité plus haut, où celles-ci sont librement choisies, consenties par ceux qui y adhèrent.

La panarchie et non le « panarchisme ». 

En effet, la panarchie n’est en rien une conception politique. Retirons de notre esprit les corollaires pour favoriser l’extra-territorialisme, le multi-gouvernementalisme, voire des lois personnelles. Nous changeons radicalement d’ère, cette vision sera en sorte la fin du politique et l’émergence pratique : universaliste (cohérente, acceptable partout et pour tous en toute situation) ; personnaliste (l’ère des individus et non des masses, alliés en respect) ; volontariste, outre la famille, il n’est pas exclu d’appartenir à un groupe, une communauté, dans le respect et la liberté de choix.

Tout dogmatisme et vision approximative de cette théorie serait sujette à un écueil. Il est inconcevable d’écrire sur la panarchie sans mentionner l’anarchie, car les deux théories ont en commun le libre-choix. Précision, parlant d’anarchie, il est opportun d’en connaître les deux axes de la contestation de la domination.

Il s’agit en premier lieu d’entendre le strict anarchisme politique qui dissocie société et gouvernement, et non le second représentant le socialisme utopique qui conçoit la possibilité d’une vie humaine hors de la cité, de sources stoïciennes cyniques pour faire de l’État de nature un État pleinement social. Le premier axe prône l’individu, la responsabilité, et surtout la propriété.

En pratique, l’anarchisme comme doctrine débute toujours par se concevoir comme critique d’une société présente dans laquelle s’exerce une domination : il a devant lui ce dont il prône l’abolition. Un impératif pratique interpelle alors en permanence l’élaboration même de la théorie critique. De ce fait il n’est pas aisé d’évoquer de véritables expériences anarchistes, car il est toujours probable assurément de distinguer des éléments de domination qui les invalideront aux yeux d’une critique plus radicale. Les concrétisations politiques de l’anarchisme sont ainsi autant d’occasions de vérifier sa diversité.
Comme le fond de la doctrine anarchiste consiste à dissocier la société de la hiérarchie, en général, l’anarchie implique logiquement la notion de libre-choix. Et en effet, la panarchie insiste fortement sur cet aspect, ce qui engendre la possibilité de cohabitation, c’est-à-dire la liberté de communautés librement constituées, et ainsi de vivre comme elles l’entendent, du moment où elles n’imposent à quiconque leurs choix.

Les libéraux recherchent par tous moyens à endiguer cette omniprésence et cette continuelle expansion de l’État, surtout en ces périodes de crise. Le principe de la panarchie pourrait assurément contribuer, étape par étape, à composer avec les différents desseins des États. Un exemple, la coexistentialité, où le monde sera uni autour d’un même pouvoir territorial, non plus divisé en plusieurs pays, mais seulement en une douzaine de sociétés en concurrence. Une vision qui donnerait aux individus l’assurance d’être protégés de tous les maux actuels (corruption, incompétences, démagogies de gouvernements qui se succèdent à eux-mêmes).

Des essais plus détaillés pourraient être fournis, afin de mesurer que la panarchie est la solution aux frictions nationalistes… Cependant comment ce méta-système pourrait-il apparaître au sein de nos sociétés, alors que nous sommes contraints aux États-providences, au keynésianisme ambiant ?
  • Premièrement il suffit déjà d’en connaître le concept, et ainsi le diffuser. L’avenir décidera pour lui, quand enfin assez de personnes voudront bien l’envisager, le comprendre. Ce qui est important, actuellement, c’est d’exprimer cette idée en syntonie avec les sentiments et les besoins de notre temps pour se préparer à sa réalisation. Dans l’état actuel de nos sociétés sclérosées, ce principe est futuriste.
  • Secondement, nous venons de franchir un nouveau siècle que j’appellerais le millénaire du savoir et de la connaissance, celui d’un développement fantastique dont la culture, l’esprit du « laissez faire, laissez passer » devrait nous conduire à terme à la panarchie.
Imaginez, aucune interdiction matérielle, l’homogénéité et l’hétérogénéité selon les désirs de chacun, le cosmo-politeia, la variété en tout genre, ce que je nomme le précepte de Diversité. Imaginez, aucune interdiction personnelle, pas de source conflictuelle d’aucune sorte, ni ainsi endurer quelque pouvoir externe, forcément corrompu, le précepte intitulé de la Cohérence.

Imaginez, aucune interdiction politique, où chacun est libre de son expérience d’organisation sociale et riche de projets en tout genre, de l’originalité par les êtres dans tous les domaines de la vie, ce précepte que je dis Individualité. Rien n’est utopie quand la libre tolérance est nommée Liberté. Voici quelques exemples [7] de certains auteurs tant économistes, philosophes, sur cette théorie : « La Panarchie ».
Et voici mon seing : « Faisons ensemble la Liberté, la Liberté fera le reste. »
 



F) Brexit : ces 8 pays qui comme le Royaume-Uni pourraient quitter l’Union européenne















Jeudi 24 juin, les Britanniques ont voté le Brexit. Un événement qui pourrait donner des idées à d’autres membres de l’Union. 

"Une maison en cours de démolition", titre le journal autrichien Die Presse en évoquant l’Union européenne. "Le référendum britannique n’est que le début de la césure, l’UE s’avance vers la plus grande transformation qu’elle n’ait jamais connue depuis sa création", ajoute-t-il. D’autres pays membres vont-ils quitter l’Union européenne ? Toutes les hypothèses sont désormais possibles. Jeudi 23 juin, les Britanniques ont décidé de sortir de l’UE. 51,9% d’entre eux ont voté par référendum pour le Brexit.

En prenant cette décision, le Royaume-Uni a montré à tous les pays membres que ce choix était possible. En agissant ainsi, les Anglais ont peut-être ouvert la voie à d’autres États désireux de sortir de l’Union européenne. En raison de leur situation économique ou politique, 8 d’entre eux pourraient entamer la procédure de divorce

1 – Les Pays-Bas

"Hourra pour les Britanniques ! Maintenant c’est à nous. Il est temps d’organiser un référendum aux Pays-Bas !", a tweeté Geert Wilders, juste après les résultats du référendum britannique. Le chef d'un parti populiste de droite est en tête des sondages pour devenir Premier ministre. Celui-ci assure qu’en cas d’élection, il organisera illico un plébiscite. "Nous devons arrêter l'immigration et arrêter l'islamisation", a-t-il déclaré dans une récente interview à la BBC. Nous ne pouvons pas le faire à l'intérieur de l'Union européenne".

2 – La Suède

Le pays se considère comme l'équivalent scandinave de la Grande-Bretagne. À leur image, ils ont refusé l’euro comme monnaie. En avril dernier, le politologue suédois Göran von Sydow déclarait au site Euractiv : "Si Brexit il y a, cela soulèverait de nombreuses questions sur l’impact sur l’UE et l’adhésion suédoise". En perdant son allié, la Suède pourrait craindre de ne plus être entendu et faire le poids à Bruxelles. 

3 – Le Danemark

"Sans la Grande-Bretagne, le Danemark n’aura pas la locomotive pour remorquer les intérêts danois", estimait la politologue Marlene Vent, dans Bloomberg News. Les deux pays ont des positions politiques similaires et formaient une alliance solide lors des négociations avec Bruxelles. En décembre dernier, les Danois avaient voté à 53% contre un renforcement de leur coopération avec l'Union européenne en matière de police et de sécurité. 

4 – La France

En France les eurosceptiques sont nombreux. Selon un sondage Aqmen, paru en février 2016, 53% des Français souhaiteraient être consultés par référendum sur le maintien du pays dans l'Union. Une défiance liée à la situation économique compliquée que vit le pays en ce moment. 66% des Français désapprouvent la façon dont l'UE a traité de la crise économique selon une étude Pew Research Center datant de début juin. Plusieurs partis politiques s’affichent ouvertement comme favorables à une sortie a minima de l’euro, comme le Front de Gauche, ou à une sortie complète comme le Front national

5 - La République tchèque.

En février dernier, Bohuslav Sobotka, le Premier ministre tchèque avait déclaré à l'agence de presse tchèque CTK : "Si la Grande-Bretagne quitte l'UE, un débat sur le retrait de la République tchèque sera à attendre dans quelques années. L'impact risque d'être vraiment énorme". En effet, la République tchèque a une approche du marché commun, similaire à celle des Anglais.

6 - La Finlande

Après le Brexit, les Finlandais n’ont pas manifesté l’envie de quitter l’Union, mais ils en sont capables. Le pays a d’ailleurs déjà menacé de le faire en 2012, en pleine crise de la monnaie unique. "La Finlande est engagée à être un membre de la zone euro et nous estimons que l'euro est bénéfique pour la Finlande. Toutefois, la Finlande ne s'accrochera pas à l'euro à n'importe quel prix et nous sommes prêts à tous les scénarios, y compris à abandonner la monnaie unique européenne", avait déclaré à l’époque, la ministre des Finances Jutta Urpilainen, dans le quotidien financier Kauppalehti. 

7 – La Hongrie

Le Premier ministre Viktor Orban, n’est pas vraiment un grand ami de l’UE. Après l'afflux de réfugiés dans le pays l'an dernier, il a promis un référendum sur la politique migratoire de l’Union. Très à droite, la Hongrie considère elle aussi, la Grande-Bretagne comme un allié dans sa lutte contre une Europe trop intrusive

8 - La Pologne

La décision du pays, dépendra beaucoup du sort réservé par la Grande-Bretagne aux 100.000 immigrés polonais vivant sur son sol. À noter tout de même que Droit et Justice, le Parti nationaliste et catholique au pouvoir, est très hostile à Bruxelles.

par Marie de Fournas




G) Brexit : le coup de gueule de Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a appris le Brexit dans l'avion entre Londres et Paris. En colère, le philosophe libéral déclare qu'il hait les nations, les barbelés des frontières et propose l'indépendance de Londres.
J'ai appris le Brexit sur un vol transatlantique à destination de Londres, où je réside depuis 6 ans. Le steward venait nous voir toutes les demi-heures pour nous donner des nouvelles: Brexit, Remain, Brexit… Puis le commandant de bord a pris la parole pour annoncer les chiffres officiels. Les passagers étaient plus livides que pendant les pires turbulences.














Comme souvent, le pays de l'Habeas Corpus nous offre une leçon de démocratie: une promesse électorale tenue, un référendum clair, une participation conséquente, un Premier ministre qui démissionne dans la foulée. Et une décision qui, aussi désastreuse qu'elle soit pour l'économie britannique, sera strictement mis en oeuvre. Tout le contraire du traitement du référendum français sur la Constitution européenne. La volonté des citoyens est respectée.














La respecter n'empêche pas de la critiquer. En passant la frontière du Royaume-Uni à Heathrow, d'où les étoiles européennes disparaîtront bientôt, ma décision était prise: plier bagage. Quand 17 millions de personnes vous demandent de partir, il faut en tirer les conséquences. Une bonne partie des 300 000 Français vivant au Royaume-Uni fera probablement de même, de gré ou de force. Nous pensions vivre dans un pays ouvert, tolérant, respectueux des libertés. Or ces derniers mois, les incidents se sont multipliés: chauffeurs de taxi soudain agressifs, remarques sur l'accent, insultes murmurées. Ce référendum a fait ressurgir l'autre Angleterre, celle des hooligans et des Little Englanders. Cela semble méprisant? Oui. Je hais les nations, épiphénomène sanglant de l'histoire humaine, et méprise les nationalistes. La «souveraineté nationale», c'est un os à ronger lorsqu'on a perdu la seule souveraineté qui compte: celle de soi-même.














Qui se réjouit du Brexit? Le quarteron des blonds platines: Boris Johnson, Donald Trump, Marine Le Pen, Geert Wilders. On va recommencer à trier les humains en fonction de leurs livrets de famille et à les parquer derrière les barbelés des frontières. Le nativisme bat son plein. Et il ne rate pas sa cible: l'Europe avec tous ses défauts reste un projet libéral, kantien, visant à construire l'état de droit et le marché par-delà les différences culturelles. Oui à la démocratie, non au «peuple», fiction de romancier.














Mais puisque l'on joue au jeu des sécessions, allons jusqu'au bout. Appliquons la logique des «communautés intentionnelles», comme on dit au Québec. Qui a voté pour rester dans l'Europe? L'Irlande du Nord, L'Ecosse, Londres. Et les jeunes (de manière écrasante: 75% des 18-24 ans, et la majorité des moins de 50 ans). Pourquoi ne prendraient-ils pas leur indépendance eux aussi? La charismatique leader du SNP, le parti indépendantiste écossais, a d'ores et déjà appelé à un second référendum pour l'Ecosse. Et une petition circule déjà en ligne pour faire de Londres un Etat autonome! Après tout, plutôt que de partir, pourquoi ne pas nous approprier Londres? «Take back control», qu'ils disaient. Chiche. Que les esprits cosmopolites du monde entier fassent de Londres leur pays, un pays libre, jeune, ouvert et prospère.

Gaspard Koenig




H) Brexit : les Britanniques soudain moins pressés que les Européens

Maintenant qu'elle a dit non à l'Europe, la Grande-Bretagne souhaite prendre son temps pour quitter la maison commune. Éconduite, Bruxelles s'agace.

Sortir de l'Europe, "ce n'est pas un divorce à l'amiable, mais après tout, ce n'était pas non plus une grande relation amoureuse". Cette sortie de Jean-Claude Juncker montre assez l'exaspération de Bruxelles devant l'attitude de Londres. Car après avoir signifié à l'Europe sa décision de rompre, la Grande-Bretagne se montre peu désireuse d'accélérer le départ effectif de la maison commune. Ce qui agace prodigieusement le président de la Commission européenne, qui a exigé que Londres dépose "immédiatement" sa demande de quitter l'Union européenne. "Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement britannique a besoin d'attendre jusqu'au mois d'octobre pour décider si oui ou non il envoie la lettre de divorce à Bruxelles. J'aimerais l'avoir immédiatement", a-t-il déclaré. Un avis partagé par Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères qui a annoncé samedi, au nom des six pays fondateurs de l'Union européenne, que Londres devrait engager sa sortie "au plus vite".
Dans le rôle du conjoint peu pressé de faire ses valises, le Premier ministre britannique David Cameron, mais aussi l'ex-maire de Londres Boris Johnson. Le premier a annoncé vendredi, après la victoire du Brexit au référendum, qu'il quitterait ses fonctions en octobre et qu'il laisserait à son successeur le soin de négocier la sortie de l'UE de son pays. Le second, qui pourrait bien être ce successeur, a assuré de son côté que le départ britannique devait se faire "sans précipitation", laissant entendre que les autorités allaient faire traîner les choses le plus longtemps possible.

Le "continent pris en otage" (Schulz)

En épouse délaissée, Bruxelles ne l'entend pas de cette oreille : le président du Parlement européen, Martin Schulz, a jugé "scandaleux" le choix de David Cameron de ne quitter son poste qu'en octobre, estimant qu'il prenait "tout le continent (européen) en otage". De son côté François Hollande n'a pas dit autre chose : il a réclamé par la voix du porte-parole du gouvernement "que l'application des règles pour la sortie se fasse dans les délais les plus courts" : "Il faut que les choses soient claires, a déclaré Stéphane Le Foll, "la volonté exprimée par la France et par le président de la République" est que le vote des Britanniques soit "respecté". Conséquence : "La mise en œuvre des décisions qui mettent en application ce vote" doit se faire "dans la clarté et rapidement".
De fait, la sortie d'un pays de l'Union est une première et elle a déjà déclenché un vent de panique sur les marchés financiers. Dans le cas du poids lourd qu'est la Grande-Bretagne, le processus fait entrer l'Europe dans une période pleine d'incertitudes. Un processus qui, s'il se prolonge, pourrait peser sur l'économie du continent.

Consultez notre dossier : Un Brexit pour l’Histoire



















I) Brexit : Une pétition pour l'indépendance de Londres récolte 100.000 signatures

Les Londoniens ne sont pas prêts à se séparer de l'Union européenne. James O Malley a lancé une pétition en ligne. Il souhaite que la ville demande son adhésion à l'UE en tant que ville. Sa pétition a déjà recueilli plus de 100.000 signatures.

Vidéo sur I-télé ici



 J) Etrange défaite à Londres - Bernard-Henri Lévy

Ce Brexit, c’est la victoire, non du peuple, mais du populisme.
Non de la démocratie, mais de la démagogie.
C’est la victoire de la droite dure sur la droite modérée, et de la gauche radicale sur la gauche libérale.
C’est la victoire, dans les deux camps, de la xénophobie, de la haine longtemps recuite de l’immigré et de l’obsession de l’ennemi intérieur.
C’est, dans tout le Royaume Uni, la revanche de ceux qui n’ont pas supporté de voir les Obama, Hollande et autres Merkel donner leur avis sur ce qu’ils s’apprêtaient à décider.
C’est la victoire, autrement dit, du souverainisme le plus rance et du nationalisme le plus bête.
C’est la victoire de l’Angleterre moisie sur l’Angleterre ouverte sur le monde et à l’écoute de son glorieux passé.
C’est la défaite de l’autre devant la boursouflure du moi, et du complexe devant la dictature du simple.
C’est la victoire des partisans de Nigel Farage sur une « classe politico médiatique » et des « élites mondialisées » censées être « aux ordres de Bruxelles ».
C’est la victoire, à l’étranger, de Donald Trump (le premier, ou l’un des premiers, à avoir salué ce vote historique) et de Poutine (dont on ne redira jamais assez que la dislocation de l’Union Européenne est son rêve et, probablement, l’un de ses projets).
C’est la victoire, en France, des Le Pen et autres Mélenchon qui rêvent d’une variante française de ce Brexit alors qu’ils ignorent, l’un comme l’autre, jusqu’à la première lettre de l’intelligence française, de l’héroïsme français, de la radicalité et de la rationalité françaises.
C’est la victoire, en Espagne, de Podemos et de ses indignés de carton-pâte.
En Italie, du mouvement 5 étoiles et de ses clowns.
En Europe centrale, de ceux qui, ayant touché les dividendes de l’Europe, sont prêts à la liquider.
C’est la victoire, partout, de ceux qui n’attendaient que l’occasion de tirer leur épingle du jeu européen et c’est le commencement, par conséquent, d’un processus de délitement dont nul ne sait ce qui va, maintenant, pouvoir l’arrêter.
C’est la victoire de la foule de Métropolis sur le déjeuner des canotiers.
C’est la victoire des casseurs et des gauchistes débiles, des fachos et hooligans avinés et embiérés, des rebelles analphabètes et des néonationalistes à sueurs froides et front de bœuf.
C’est la victoire de ceux qui, à la façon, encore, de l’inénarrable Donald hurlant dans un claquement de moumoute jaune en guise de lasso : « we will make America great again ! », songent à mettre un mur, eux aussi, entre « les musulmans » et eux.
Cela pourra se dire en engliche, en rital, en franglais.
Cela va se dire en grognant, en cognant, en virant, en renvoyant à la mer, en interdisant de rentrer ou en proclamant bien fort le dérisoire et fiérot: « je suis Anglais, moi, Monsieur » – ou Ecossais, ou Français, ou Allemand, ou n’importe quoi d’autre.
Ce sera, toujours, la victoire de l’ignorance sur le savoir.
Ce sera, chaque fois, la victoire du petit sur le grand, et de la crétinerie sur l’esprit.
Car « les Grands », amis Britanniques, ce ne sont évidemment pas les « ploutocrates » et les « bureaucrates » !
Ce ne sont même pas ces « privilégiés » dont on rêve partout, ces temps-ci, comme chez vous, de voir la tête au bout d’une pique !
Et ceux que le Brexit a dégommés en dégommant l’appartenance à l’Europe, ce ne sont même pas, hélas, les « oligarques » dénoncés par les batteurs d’estrades !
Les grands, ce sont les amis et inspirateurs de la vraie grandeur des peuples.
Les grands, ce sont les inventeurs de cette chimère splendide, nourrie au lait des Dante, des Goethe, des Husserl ou des Jean Monnet, qui s’est appelée l’Europe.
Et ce sont ces grands-là que vous êtes en train de raccourcir.
Et c’est l’Europe comme telle qui est en train de se dissoudre dans le néant de votre ressentiment.
Que cette Europe ait pris sa propre part au procès de sa mise à mort, c’est vrai.
Que cette étrange défaite soit aussi celle d’un corps exsangue et qui se moquait de son âme, de son histoire, de sa vocation, que cette Europe que l’on achève fût moribonde depuis des années car incarnée dans des dirigeants ternes et déjà fantomatiques dont l’erreur historique était de croire que la fin de l’Histoire était advenue et que l’on pouvait s’endormir du sommeil du dernier des hommes pourvu que l’on ait lancé l’arrosage automatique, c’est certain.
Bref, que la responsabilité de la catastrophe incombe aussi à des politiques qui ont préféré, en fidèles auditeurs de leurs spin doctors et de leurs maîtres sociologues, caresser les événements dans le sens du poil de la non-Histoire, flûter les grondements des orages redoutés et s’enfermer dans une novlangue dont les mots ont toujours servi à taire plutôt qu’à dire, c’est, encore, une évidence.
Mais que la majorité du referendum d’aujourd’hui, et ceux qui l’applaudissent, ne viennent pas nous raconter qu’ils plaidaient, en secret, pour l’on ne sait quelle « Europe des peuples ».
Car ce Brexit ce n’est pas la victoire d’une « autre » Europe, mais de « pas d’Europe du tout ! ».
Ce n’est pas l’aube d’une refondation, mais le possible crépuscule d’un projet de civilisation.
Ce sera, si l’on ne se reprend pas, le sacre de l’Internationale grise des éternels ennemis des Lumières et des adversaires de toujours de la démocratie et des droits de l’homme.
L’Europe était, certes, indigne d’elle-même.
Ses dirigeants étaient pusillanimes et paresseux.
Ses professeurs étaient routiniers, et leur art de gouverner était alangui.
Mais ce qui vient en lieu et place de ce jardin des Fizzi-Contini, c’est une zone pavillonnaire mondialisée où, parce qu’il n’y aura plus que des nains de jardin, l’on oubliera qu’il y eut Michel-Ange.
Mieux : entre ceux qui se résigneraient à laisser pourrir ce monde dans les poubelles trumpiennes de la « grande Amérique » à guns et santiags, ou dans la fascination d’un poutinisme qui réinvente les mots de la dictature ou, depuis ce matin, dans la désolation d’une Grande Bretagne tournant le dos à sa propre grandeur, entre ceux-là, donc, et les contemporains d’une fournaise d’où sortirent les plus effroyables démons de l’Europe, il n’y a que l’épaisseur d’une vie d’homme.
Le choix est donc clair.
Ou les Européens se ressaisissent – ou ce jour sera celui d’une Sainte-Alliance des hussards noirs de la nouvelle réaction trouvant son baptême du Jourdain sur les bords de la Tamise.
Ou ils sortent par le haut, c’est-à-dire par des mots forts doublés par un acte majeur, de cette crise sans précédent depuis 70 ans – ou, dans le large spectre que couvrent les langages pré totalitaires modernes et où la grimace le dispute à l’éructation, l’incompétence à la vulgarité et l’amour du vide à la haine de l’autre, c’est le pire qui surgira.

Bernard-Henri Lévy 





K) «L’effondrement de l’Union européenne est désormais inévitable»
 
Nous pensons que les élites qui ont construit cette UE bureaucratique, anti-démocratique et si éloignée des aspirations des citoyens – soutenues par notre presse traditionnelle « politiquement correcte » prompte à ostraciser les citoyens qui contestent sa légitimité – vont tout tenter pour empêcher son effondrement. A l’instar de Christine Ockrent qui, ce matin encore sur radio France culture, parlait d’une « déferlante populiste en Europe […] qui vote pour des mouvements populistes, xénophobes, pour aller dans le sens de ce que disait Glucksmann« . [Silvia Cattori.]

Le Brexit mènera a l’effondrement de l’Union européenne, comme la chute du mur de Berlin a mené à l’effondrement du Pacte de Varsovie, estime l’historien britannique John Laughland, à grand renfort d’intéressantes analogies historiques.
Le vote en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE est un événement d’une portée historique majeure, tel qu’il n’en arrive qu’une fois par génération. Il est comparable en importance à la chute du mur de Berlin dans la nuit du 9 novembre 1989. Dans les deux cas, les peuples, par un mouvement paisible et naturel, ont infligé le coup de grâce à un système politique moribond. A terme, l’Union européenne s’effondrera tout comme le Pacte de Varsovie auquel elle ressemble.
Souvent dans l’histoire, les grands tournants ont lieu par accident. Ce fut le cas pour la chute de mur de Berlin: les Berlinois de l’Est se sont rués sur Checkpoint Charlie suite à une fausse information sur la délivrance des visas diffusée par erreur par les médias est-allemands. Confrontés à une telle foule, les gardes-frontières ne pouvaient qu’ouvrir les barrières. Autant la fin du communisme était inévitable, autant la façon dont il a eu lieu a été purement contingente.

Toute réforme des institutions européennes est impossible
De même, le Brexit aurait pu être évité si les dirigeants européens avaient agi autrement. David Cameron avait adressé un certain nombre de demandes, plutôt modestes, à ses collègues européens. Si ceux-ci avaient bien mesuré l’ampleur de la crise de confiance qu’ils traversent, au Royaume-Uni comme dans chacun des pays membres de l’UE, ils auraient consacré un très grand effort à lui donner satisfaction et à réfléchir sur les réformes pour l’UE toute entière. Cela n’aurait pas été très difficile, mais ils ont préféré continuer comme si rien n’était et lui infliger une fin de non-recevoir hautaine et arrogante. Ils ont ainsihumilié Cameron devant son propre peuple, montrant ainsi que toute réforme des institutions européennes est impossible. C’est leur propre raideur et leur manque de vision qui auront fait sauter le projet européen.
L’arrivée depuis 2004 de plus de 2 millions de Polonais et d’autres Européens de l’Est a été une vague qui risquait de noyer le peuple britannique.
L’effondrement de l’Union européenne est désormais inévitable parce que le vote en faveur du Brexit montre que les nations fières peuvent refuser de disparaître. En effet, il faut comprendre le vote comme un sursaut national face à une menace existentielle. La fuite en avant pratiquée par des gouvernements successifs, travailliste sous Tony Blair comme conservateur sous David Cameron, vers une immigration illimitée, a radicalement changé la société britannique. Londres n’est plus une ville anglaise depuis longtemps car, selon les chiffres officiels du dernier recensement, les Britanniques blancs y sont minoritaires. Avec son économie performante et son marché du travail souple, le Royaume-Uni aspire des immigrants du monde entier. Mais l’arrivée depuis 2004 de plus de 2 millions de Polonais et d’autres Européens de l’Est a été non pas la goutte qui a fait débordé le vase, mais une vague qui risquait de noyer le peuple britannique. Le principe de libre circulation des personnes, des services, des biens et des capitaux, est à la base du projet européen: les Britanniques viennent de montrer, avec leur refus de l’immigration non contrôlée, que ce projet est inacceptable dans son essence même.
La raideur et le manque d’imagination sont tout sauf accessoires au projet européen. Ils sont au contraire profondément enracinés dans la pensée de ses dirigeants, qui sont convaincus d’être les porteurs d’un projet civilisationnel sans précédent. Tout comme les premiers bolchéviques, les hommes et les femmes qui décident en Europe se croient à l’avant-garde d’un processus historique inéluctable. Depuis que le professeur Korovine écrivait à Moscou en 1951 dans son ouvrage «Mezhdunarodnoe Pravo» (Le Droit international) que «Les traités de l’URSS et les démocraties populaires sont un nouveau type de coopération internationale…» les théoriciens d’«une nouvelle forme de relations internationales» (Paris 2013) qui serait en train de se dessiner aujourd’hui, grâce au mondialisme et aux institutions supranationales comme l’UE, n’ont rien inventé.
Quel pays sera le prochain à organiser un référendum sur sa propre sortie?
Très concrètement, le Brexit fera bousculer la structure politique de l’Europe parce que, différents pays étant déjà dans un état de grande fébrilité, il donnera un énorme espoir aux souverainistes français, autrichiens, néerlandais, hongrois et autres qui ont le vent en poupe. Quel pays sera le prochain à organiser un référendum sur sa propre sortie? La France qui a voté contre la constitution européenne en 2005 mais dont la volonté populaire a été trahie par la ratification une version réécrite du même texte par voie parlementaire? Les Pays-Bas qui désespèrent de leur modèle de tolérance qui s’auto-détruit en accueillant un grand nombre d’immigrants intolérants, et qui viennent de voter contre l’accord d’association avec l’Ukraine? Les Autrichiens qui ont failli élire un membre du Parti de la Liberté à la présidence de la République? Les Hongrois qui l’an dernier ont désobéi aux ordres européens pour construire une clôture sur leurs frontières nationales?
Réjouissons-nous de ce résultat formidable; mais exigeons que nos dirigeants en tirent vraiment les leçons
La chute du mur de Berlin a été le déclencheur d’une réaction en chaîne qui a emporté, en quelques semaines, tous les dirigeants du Pacte de Varsovie. Ceux-ci sont tombés les uns après les autres, jusqu’à ce que la dictature roumaine tombe dans un bain de sang. Sans doute le processus de désagrégation de l’UE sera plus long et, espérons-le, plus civilisé. Pour cela il faudra précisément ce qui manque à l’Europe, des grands hommes d’Etat. Réjouissons-nous de ce résultat formidable; mais exigeons que nos dirigeants en tirent vraiment les leçons – ce dont il se sont montrés, jusqu’à présent, totalement incapables.

: 24 juin 2016



 
 Brexit : une catastrophe !

Avec le Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne est un cauchemar et devrait nous alerter.

Le Brexit est une catastrophe. Pour l’Europe et pour la France, ainsi que pour les libéraux. D’abord, le Brexit décidé par les électeurs britanniques ampute l’Union européenne d’un sixième de son PIB. Face aux grandes puissances anciennes ou émergentes qui défendent avec acharnement leurs intérêts, l’Europe s’affaiblit. Ce choix nous prive aussi d’un contrepoids important face à l’Allemagne. Il ôte enfin à l’Union européenne le seul grand pays d’orientation vraiment libérale. Ce qui reste de l’Europe fissurée est menacé de dislocation si elle ne se réinvente pas rapidement.

Une Europe déséquilibrée après le Brexit

L’Union était jusqu’ici bâtie sur un équilibre subtil entre les Big Three (Royaume Uni, France, Allemagne). Sa réduction au duo franco-allemand va vite tourner au solo germanique étant donné l’actuelle faiblesse économique et sociale de notre pays et la déliquescence de notre leadership. L’Allemagne pèse désormais presque un tiers du PIB et 40% de l’industrie du nouvel ensemble. Elle peut s’appuyer sur un « hinterland » d’une dizaine de pays de l’Est. Une Europe sous domination berlinoise justifie une certaine inquiétude même sans être animé d’un sentiment anti-allemand. Après tout, ce pays de culture ancestrale n’est-il pas exemplaire en matière d’assainissement des finances publiques ou de réforme du marché du travail avec Hartz IV ?
Le Brexit signe la défaite – certes sans effusion de sang – d’un siècle et demi de lutte de concert des Français et des Britanniques contre la volonté d’hégémonie allemande (ou plutôt prussienne) au prix de deux guerres mondiales. De quoi nourrir l’amertume de ceux qui ont un peu de mémoire. Le déséquilibre de cette domination sans partage de leur propre pays inquiète d’ailleurs les dirigeants allemands eux-mêmes, conscients des responsabilités qui pèsent sur leurs seules épaules et des réactions de rejet que cette évolution peut susciter chez leurs voisins. Ajoutons qu’il fait aussi perdre à l’Union la seule armée dotée d’un budget conséquent avec la nôtre, apte à protéger nos intérêts partout dans le monde. Cette sécession des Britanniques ouvre la perspective d’une Union réduite à un club de pays angéliquement perdus dans un monde dangereux.
Nous assistons aussi à la sortie d’un pays référent depuis quatre siècles en matière de démocratie, d’État de droit – « the rule of law » – et de libertés publiques. C’est aussi aujourd’hui le seul à incarner sans complexe une économie de marché face au « capitalisme rhénan » fondé sur des régulations tatillonnes, la bureaucratie et l’État-providence. On pouvait compter sur la vigilance des Britanniques pour moquer les directives européennes surréalistes, depuis l’interdiction des flacons d’huile d’olive dans les restaurants jusqu’aux prescriptions en matière de sécurité au travail, de chasse d’eau dans les toilettes, d’essuie-glace sur les véhicules, etc. Une vigilance qui n’est hélas pas l’apanage de la France.
L’Union européenne perd avec le Royaume Uni le « champion » d’une économie libérale doté d’une fiscalité relativement modérée, en particulier sur le capital et l’investissement. Le premier à lutter pied à pied à Bruxelles contre le « red tape », l’État nounou et les subventions, notamment dans l’agriculture. Qui, en Europe continentale, est capable de supprimer 400 000 postes de fonctionnaires comme David Cameron a osé le faire ? Sans oublier que cette décision lui a même permis de remporter brillamment les législatives il y a un an.

Un processus démocratique

En annonçant sa démission, le Premier ministre britannique administre au passage une belle leçon de démocratie aux Européens. Si le résultat du referendum s’avère funeste, qui peut lui reprocher d’avoir consulté ses concitoyens sur l’avenir du projet européen ? Rien ne serait pire que d’exprimer une quelconque condescendance envers ces électeurs, ou d’essayer de « punir » ce pays en espérant intimider d’autres peuples tentés par la sortie. Une forme de paternalisme de nature à jeter de l’huile sur le feu anti européen qui couve. Le referendum est un outil démocratique légitime, voire nécessaire quand la démocratie représentative est en panne. Les élus ont beau hurler au populisme quand l’idée leur est suggérée, leur propre démagogie est la première responsable de ce délitement de la construction européenne.
Lorsque la classe politique accuse les électeurs de manquer de sens civique avec l’abstention, elle oublie qu’elle a piétiné l’avis de ses électeurs quand ils ont pu s’exprimer sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, comme les Français l’ont fait en 2005. Normal puisque la « caste » au pouvoir estime mieux savoir qu’eux ce qui est bon pour eux. Et lorsqu’elle a des décisions importantes mais douloureuses à prendre, elle préfère se défausser sur Bruxelles plutôt que d’endosser l’habit du réformateur. Enfin, elle ne respecte pas ses propres engagements, en particulier en matière de déficits et de dette – Paris ne cesse de reporter la promesse de redressement de ses comptes. Ce triple déni démocratique pèse lourd dans l’actuel discrédit de l’Union et de ses dirigeants auprès de dizaines de millions de citoyens ayant l’impression d’être dépossédés de leur destin.
Les politiques français prennent depuis hier matin les Britanniques de haut après les avoir menacés de tous les maux en cas de « mauvais choix » jusqu’à la veille du scrutin. Qui sont-ils pour faire la leçon à leurs voisins aux bien meilleures performances économiques ? Paris fait tous les ans partie des pires cancres épinglés par les instances européennes recensant les tricheries en matière d’applications de l’acquis communautaire. La France est le 25ème pays sur 28 (Londres censée incarner l’anti européanisme primaire fait partie des bons élèves) en matière de transposition de directives européennes, reflet d’une culture administrative rétive à la libre concurrence qui est la clé du Traité de Rome de 1957 et du projet européen. La France, via le projet technocratique incarné jadis par Jacques Delors, ou la désinvolture de François Hollande, a joué un rôle de premier plan dans le fiasco actuel.
Ne nous leurrons pas. Le Brexit ouvre la perspective d’un redoutable effet domino. Quel sera le prochain pays européen à s’engouffrer dans la brèche et à réclamer sa sortie ? La question est loin d’être théorique compte tenu de la montée du sentiment anti-européen parmi les Vingt-Huit. Jamais l’affection des sondés envers l’Union européenne n’y a été aussi basse. Et jamais les scores électoraux de partis anti-européens n’ont été aussi élevés. En France, ils rassemblent déjà près de quatre électeurs sur dix.

Redonner vie au projet européen

Nous devons redonner vie au projet européen avant que le coma bureaucratique ne soit irréversible. Poursuivre sur la voie d’un fédéralisme à marche forcée (incarné par Michel Rocard se réjouissant du Brexit car les Britanniques « empêchaient d’avancer ») serait une grave erreur. Les Européens n’en veulent pas, ils l’ont manifesté à maintes reprises. Un marché unique n’a pas besoin d’une union bancaire ou d’une harmonisation fiscale et sociale à outrance, visant en fait à réduire encore davantage la concurrence. Un vaste marché exige de la liberté et la suppression des derniers monopoles publics. Il est urgent de rétablir le principe de subsidiarité qui veut que les décisions en Europe soient prises le plus possible à l’échelon local. Nous devons mettre fin à la volonté de tout harmoniser des grands esprits de Bruxelles, même s’ils sont brillants et, il faut l’avouer, moins nombreux que les seuls fonctionnaires de la Ville de Paris. Revenons à l’esprit de ses pères fondateurs, un espace d’échanges commerciaux et culturels : Bye bye Delors, I want my Monnet back !

 Par Aurélien Véron

Retrouvez un autre point de vue sur le Brexit avec L’union Européenne est morte, vive l’Europe !




M) Brexit : un révélateur des contradictions européennes


Le 23 juin 2016, le Premier ministre britannique organise un référendum sur le maintien de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Cette annonce soulève des interrogations quant aux équilibres politiques internes au royaume, à sa prospérité économique et à l’avenir du projet européen.
LE 23 juin 2016, les électeurs britanniques vont se prononcer, par référendum, sur le maintien du dans l’Union européenne.
Le Royaume-Uni est membre de l’Union européenne depuis 1973. Les Britanniques sont principalement intéressés par le marché unique et les échanges commerciaux. Leur économie présente plusieurs particularités par rapport à celles du continent. Il en résulte que le Royaume-Uni est doté d’une sorte de statut particulier au sein de l’Union européenne. Aujourd’hui, ceci ne semble plus suffire, mais les risques pour le Royaume-Uni, en cas de sortie de l’Union, sont considérables.
Pour l’Union européenne, la position que prendra le Royaume-Uni constitue également un enjeu de première importance, qu’il se détache de l’Union ou non. Une sortie d’un pays aussi important aurait des impacts majeurs sur l’Union elle-même. Ce référendum et les études et débats auxquels il a donné lieu soulèvent la question de l’avenir de la construction européenne, dans un contexte de crises multiples.

Le "statut particulier" du Royaume-Uni dans l’Union européenne

Le Royaume-Uni ne participe pas à toutes les politiques européennes. Il n’est pas membre de la zone euro et a conservé sa monnaie, la livre sterling, sa propre politique monétaire et de change, une supervision bancaire autonome. Il ne participe pas à la politique de justice et sécurité intérieure et n’est pas membre de l’espace Schengen. Il bénéficie d’une remise permanente sur sa contribution au budget de l’Union. Il n’a pas participé aux mécanismes financiers de secours des pays confrontés à la crise de la dette souveraine. En revanche, il participe pleinement au marché unique, à la politique commerciale de l’Union, ainsi qu’à sa politique extérieure et d’aide au développement.
Sur le plan économique, l’économie du Royaume-Uni n’est pas en phase avec les autres pays membres de l’Union européenne : importance du secteur des services, en particulier les services financiers (25% du PIB - produit intérieur brut), faible part de l’industrie manufacturière et de l’agriculture, rôle des prix de l’immobilier dans le cycle économique, dépendance vis-à-vis du cycle économique des pays anglo-saxons (Etats-Unis et membres du Commonwealth). De plus, l’économie britannique est plus libéralisée, notamment s’agissant du marché du travail.
Le Royaume-Uni est ainsi resté en dehors de la gouvernance économique de l’Union européenne, ce qui l’a plutôt favorisé. Après la crise, l’économie britannique s’est redressée plus vite que celles de la zone euro, grâce à une plus grande souplesse dans le recours aux instruments de politique économique : baisse des taux d’intérêt intervenue assez tôt, recours aux politiques monétaires non conventionnelles, stimulation budgétaire plus soutenue et adaptation précoce du taux de change. Et la règle d’or budgétaire - équilibrer le budget de fonctionnement - s’est révélée plus efficace que le pacte de stabilité et de croissance en vigueur dans la zone euro.

Les raisons d’un "Brexit"

Les raisons d’un Brexit sont difficiles à identifier. Sur le plan politique et culturel, surtout dans un pays où le parlement joue un rôle majeur, les Britanniques ont le sentiment d’être dépossédés de leur souveraineté au profit d’une bureaucratie éloignée, inefficace et non représentative.
De plus, la crise économique a sensiblement modifié la structure institutionnelle de l’Union européenne : rôle accru de l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone euro) et de la Banque centrale européenne, diminution de celui de la Commission européenne. Ces évolutions placent le Royaume-Uni en porte-à-faux dans la défense de ses intérêts. Les griefs britanniques portent aussi sur l’inefficacité de l’Union dans le domaine économique, sur les problèmes liés à l’immigration et sur les risques de discrimination entre les pays membres de la zone euro et les autres membres de l’Union européenne, les premiers étant majoritaires dans les votes à la majorité.
Dès sa victoire aux élections de 2015, le Premier ministre a engagé des négociations sur les réformes à ses yeux nécessaires pour que le Royaume-Uni demeure dans l’Union. Ces négociations ont conduit à un accord, en février 2016, qui porte sur quatre résultats :
. gouvernance économique : pas de droit de veto des pays non membres de la zone euro sur les décisions de celle-ci, mais il ne doit pas y avoir de discrimination entre les pays appartenant à la zone et les autres pays membres de l’Union européenne ; par ailleurs, les pays non membres de la zone euro ne contribuent pas aux mesures de soutien de l’euro ;

. compétitivité : renforcement du marché unique et amélioration de la régulation, allègement des lourdeurs administratives, qui pèsent particulièrement sur les petites et moyennes entreprises, politique commerciale plus ambitieuse ;
. souveraineté : il est admis que le Royaume-Uni n’est pas lié par l’objectif de renforcement de l’intégration politique au sein de l’Union ; dans certaines conditions de majorité, les parlements nationaux peuvent objecter à un projet d’acte législatif européen, qui peut se trouver bloqué ; le principe de subsidiarité est renforcé ;
. avantages sociaux octroyés aux migrants et liberté de circulation des personnes : mécanismes de sauvegarde en cas d’afflux exceptionnels, notamment en cas de menace sur la soutenabilité des systèmes de sécurité sociale, de difficultés sur le marché du travail ou de pressions excessives sur les services publics.
Suite à cet accord jugé satisfaisant, le Premier ministre a décidé d’organiser un référendum.

Une sortie de l’Union aurait de sévères inconvénients pour le Royaume-Uni

Un vote positif au référendum du 23 juin 2016 aurait pour première conséquence d’ouvrir une longue période d’incertitude juridique. Le traité de Lisbonne prévoit en effet la négociation d’un traité de sortie pendant une période de deux ans, éventuellement prolongée de deux années supplémentaires, à l’issue de laquelle le retrait devient effectif. L’ampleur des questions à traiter par le Royaume-Uni risque de se traduire par une période d’incertitude beaucoup plus longue.
Le pays devrait d’abord trouver un accord sur ses relations avec l’Union européenne. Quatre "modèles" sont envisageables :
. l’espace économique européen (EEE - Norvège, Islande, Liechtenstein) : il implique une contribution au budget européen, la liberté de circulation des personnes et la reprise de la législation européenne sans pouvoir influer sur son contenu ;
. accords bilatéraux de la Suisse : le pays doit aussi contribuer de manière substantielle au budget européen, reprendre la législation européenne sans possibilité d’influer sur son contenu, conclure des accords commerciaux spécifiques, sans accès au marché financier européen pour les banques ;
. l’union douanière, sur le modèle des accords avec la Turquie, qui comporte : un accès sans droits de douane au marché unique, sauf pour les services financiers, et une très faible influence sur la législation ;
. le régime de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) : application de la clause de la nation la plus favorisée et du tarif extérieur commun de l’Union européenne.
Aucun de ces régimes n’est satisfaisant pour le Royaume-Uni. Ils impliquent, pour les trois premiers, de reprendre des dispositions auxquelles, en cas de sortie de l’Union, il s’oppose (contribution au budget de l’Union, reprise de sa législation, acceptation de la liberté de circulation des personnes, limites aux possibilités d’exportation de services financiers). Quant au quatrième régime, il est de nature à freiner les exportations de biens et services sur le marché européen. Or le marché de l’Union européenne représente, pour le Royaume-Uni, environ la moitié de ses exportations et de ses importations.
Par ailleurs, le Royaume-Uni aurait à renégocier des accords commerciaux avec les cinquante-cinq pays avec lesquels l’Union européenne est actuellement engagée. Il aurait également à redéfinir les législations internes dans les secteurs, nombreux, où s’applique la législation européenne. Enfin, last but not least, la place financière britannique serait menacée, surtout avec la limitation prévisible de ses exportations de services financiers sur le marché européen.
Toutes les analyses, y compris britanniques, convergent aujourd’hui pour considérer qu’une sortie de l’Union européenne entrainerait une baisse de la croissance économique du royaume. Sans parler des risques d’éclatement politique, l’Ecosse étant attachée à son appartenance à l’Union européenne.

Les conséquences d’une sortie du Royaume-Uni seraient également lourdes pour l’Union européenne

Outre l’encouragement qui serait ainsi donné aux forces centrifuges en Europe, une sortie du Royaume-Uni porterait atteinte au statut international de l’Union européenne.
Sur le plan interne, après ce référendum, quel que soit son résultat, il faudra statuer sur l’avenir du projet européen : pause dans la construction européenne, comme l’incite à penser la mise entre parenthèses, au bénéfice du seul Royaume-Uni pour le moment, de l’objectif d’une union toujours plus étroite, ou renforcement de l’intégration, en particulier au niveau de la zone euro.
Au plan externe, une sortie du Royaume-Uni ferait d’abord apparaître que la construction européenne n’est pas nécessairement définitive puisque certains Etats pourraient y renoncer. Cette sortie pourrait aussi être perçue comme le signe de désaccords importants au sein de l’Union, qui évoluerait alors vers un rassemblement économique et commercial de portée plus limitée. Ensuite, l’Union européenne perdrait en puissance, notamment dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, le Royaume-Uni étant avec la France le seul pays à disposer d’une réelle capacité militaire. Cette perte d’influence concernerait également le domaine économique puisque le Royaume-Uni est l’une des principales économies de l’Union européenne.
Les instances européennes et les Etats membres ont pris conscience de ces problèmes, mais la solution n’est pas en vue. Elle passe par deux voies complémentaires : un renforcement de l’intégration politique dans le respect du principe de subsidiarité et la poursuite d’une stratégie de convergence économique, de manière à ce que les instruments supranationaux soient efficaces.

Emile-Robert PERRIN
Consultant, Emile-Robert Perrin est ancien conseiller à la direction générale du Trésor (ministère de l’Economie)



N) Brexit, le dessous des cartes L’ « euroscepticisme » et le parti conservateur britannique
 
Voici un remarquable tableau de l’euroscepticisme au sein du parti conservateur britannique. Des années 1970 à 2016, Jacques Leruez dresse une fresque à la fois précise, claire et passionnante du penchant qui conduit D. Cameron à organiser en juin 2016 un référendum à propos de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
LA GRANDE-BRETAGNE est entrée dans le Marché Commun des Six le 1er janvier 1973. Or ce qui ne s’appelait pas encore « euroscepticisme », c’est-à-dire la méfiance voire l’hostilité systématique envers la construction d’une Europe unie et solidaire, s’est manifesté dès les premiers débats au sein du parti conservateur, pour ne rien dire du parti travailliste. Le traité avait été négocié par Edward Heath, Premier ministre conservateur de juin 1970 à mars 1974, sans doute le plus pro-européen de tous les Premiers ministres qui se sont succédés depuis lors et déjà en décalage avec son parti. La preuve en est que, dès le vote solennel aux Communes (octobre 1971) sur le principe de l’adhésion, 39 députés conservateurs entrainés par Enoch Powell [1] ont voté contre. Néanmoins, lorsque le travailliste Harold Wilson, redevenu Premier ministre à la suite des élections générales peu décisives de février et octobre 1974, procéda à une « renégociation » du traité et organisa à sa suite un référendum à l’échelle du pays (5 juin 1975), première expérience de ce genre en Grande-Bretagne, c’est grâce à l’appui massif des électeurs conservateurs, Edward Heath à leur tête– à qui le nouveau leader, Margaret Thatcher, avait donné carte blanche – qu’il l’emporta aussi facilement [2].


L’euroscepticisme enchainé

Après l’arrivée de cette dernière à la tête du parti (février 1975) et sa victoire électorale de mai 1979, la minorité anti-européenne conservatrice fut progressivement réduite au silence. D’abord, parce qu’elle perdit, avec Enoch Powell, un de ses membres les plus connus. Ensuite, parce que la politique étrangère menée par le nouveau Premier ministre n’était pas pour déplaire à cette minorité : renforcement de la « relation spéciale » avec les Etats-Unis et collaboration renouvelée avec les présidents américains, surtout après l’élection de Ronald Reagan, en novembre 1981 ; exaltation du patriotisme et de la grandeur nationale, notamment au moment de la reconquête des Malouines. De plus, en Europe, il fallait bien constater que, sans jamais menacer de quitter la CEE, le Premier ministre, grâce à ses opérations de charme et d’agression verbale mêlées, avait fini par obtenir des concessions non négligeables. Elles se concrétisèrent pleinement lors de la rencontre de Fontainebleau (juin 1984) qui accorda à la Grande-Bretagne une ristourne permanente [3] sur ses paiements au budget communautaire, ristourne qui dure encore !
Puis vint la négociation de l’Acte unique, la seule à laquelle la Grande-Bretagne se prêta volontiers, car elle reprenait une idée chère à Margaret Thatcher selon laquelle le développement du marché intérieur et la disparition des frontières douanières constituaient la meilleure façon de donner aux citoyens européens une preuve concrète de l’existence de la Communauté. Toutefois, pour en arriver là, elle avait dû accepter le principe du vote à la majorité, l’acquisition par la Commission de compétences exécutives supplémentaires pour la mise au point des quelques 279 directives nécessitées par la concrétisation du Marché unique, sans compter le renforcement - certes modéré - des prérogatives du Parlement européen par l’introduction d’un mécanisme de « co-décision » avec le Conseil des Ministres. Certes, le European Communities (Amendment Act) fut voté en 1986 sans coup férir par 319 voix contre 160. Toutefois, les nombreuses abstentions (le nombre des députés des Communes était alors de 650) montraient qu’une sourde inquiétude commençait à se faire jour sur les bancs de la majorité conservatrice. Cela n’empêcha pas un troisième triomphe de Margaret Thatcher aux élections du 11 juin 1987. Dans la foulée, le traité créant un « lien fixe » sous la Manche entre la France et la Grande-Bretagne était ratifié par le Parlement britannique, le 29 juillet 1987, dans une atmosphère presque euphorique [4].
De la même façon, après avoir accepté sans enthousiasme l’entrée de la Grèce en 1981, la Grande-Bretagne salua avec une relative satisfaction l’élargissement de la Communauté à l’Espagne et au Portugal, cinq ans plus tard. Pourtant, cet élargissement modifiait sensiblement la physionomie de la Communauté par l’entrée d’un nombre accru de pays pauvres : en 1988, l’Espagne, la Grèce et le Portugal avaient respectivement un PIB par tête de 8722, 5244 et 4265 dollars face au Danemark : 20926 et la RFA : 19581. En outre, le nombre des agriculteurs (déjà plus de 8 millions) augmentait de près de moitié et cela dans une Communauté où le double problème de la surproduction et des disparités de revenus agricoles était déjà fort aigu. La Grande-Bretagne resta indifférente à cet aspect des choses. D’une part, son agriculture n’entrait guère en concurrence avec les productions méditerranéennes. D’autre part, avec un PIB un peu au dessus de la moyenne communautaire (14 413 dollars en 1988) elle se sentait peu concernée par l’augmentation des transferts en faveur des pays pauvres. Enfin, cet élargissement, complété par le marché unique, répondait à une constante de la diplomatie britannique visant à substituer à l’union douanière originelle des Six une grande zone de libre-échange dont l’hétérogénéité économique en ferait un nain politique. On voit la contradiction entre la vision des promoteurs de la Communauté qui aspiraient à une « union toujours plus étroite » par approfondissement des liens politiques, avec en ligne de mire un certain degré de supranationalité, et celle de la Grande-Bretagne : liberté des échanges, élargissement, donc risque assumé de dilution politique. On pouvait ainsi considérer qu’après l’élargissement de 1986, la Communauté commençait à évoluer dans le sens voulu par les Britanniques [5].
Ce n’était pas l’avis de Margaret Thatcher qui, en matière d’Europe, était soumise à une double pression extérieure comme intérieure. Au sommet européen de Hanovre (juin 1988), Jacques Delors, qui venait d’être renouvelé pour quatre ans à la présidence de la Commission, malgré les réserves britanniques, avait été placé à la tête d’un comité spécial chargé d’examiner les différentes étapes requises pour parvenir à une union économique et monétaire des douze. Le processus qui allait aboutir au traité de Maastricht était enclenché. Par ailleurs, le Premier ministre était l’objet de fortes pressions internes : haute fonction publique, milieux d’affaires, un certain nombre de ministres - dont le Chancelier de l’Echiquier, Nigel Lawson, et le ministre des Affaires Etrangères, Geoffrey Howe – plaidaient pour que la Grande-Bretagne rejoigne le mécanisme des changes du système monétaire européen (SME) et, plus généralement, pour que Mme Thatcher adopte une attitude moins négative lors des conseils européens. Elle prit très mal ces pressions. Geoffrey Howe fut congédié brutalement du Foreign Office en juillet 1989 [6] et, lorsque Nigel Lawson démissionna du Treasury, en octobre 1989, elle ne fit rien pour le retenir. Son impatience, voire sa colère, vis-à-vis de ceux qui voulaient lui dicter sa politique européenne, allait se faire sentir dans le fameux discours prononcé au Collège Européen de Bruges, en septembre 1988. Elle y dénonçait non seulement la « bureaucratie » de Bruxelles mais aussi le principe même de l’intégration européenne : « Nous n’avons pas réussi à repousser les frontières de l’Etat chez nous pour qu’elles nous soient réimposées au niveau européen par un super-Etat exerçant une nouvelle domination à partir de Bruxelles ». Certes, ce discours s’adressait aux onze capitales de la Communauté mais il était aussi à usage interne et répondait incontestablement à une attente au sein du parti conservateur aux Communes et ailleurs. D’où la constitution du « groupe de Bruges », formé de parlementaires, d’intellectuels, d’hommes d’affaires qui se voulaient farouchement hostiles à toute dérive « supranationale » des institutions européennes. Mais, en encourageant la montée d’un sentiment anti-européen dans son parti, elle prenait le risque de le diviser profondément, car, à ce stade, les députés conservateurs étaient encore majoritairement favorables à la construction européenne. Et ce sentiment pesa lourd lors du scrutin (20 novembre 1990) pour l’élection du leader qui allait mettre brutalement fin à plus de dix ans de thatchérisme. Certes, la question européenne était loin d’être le souci majeur pour la plupart des députés qui refusèrent de faire à nouveau confiance à Margaret Thatcher. Beaucoup étaient simplement inquiets pour leur réélection, compte tenu de l’impopularité des réformes internes - notamment la fameuse poll-tax, cet impôt local par tête qui, du nord au sud du pays, provoquait de violentes émeutes - que leur gouvernement cherchait à imposer envers et contre tout. Il reste qu’après la décision de Margaret Thatcher de se retirer du deuxième tour de l’élection, celle-ci se joua entre trois candidats [7] dont aucun ne se réclamait explicitement du discours de Bruges. Et les orphelins de Thatcher, indignés par la façon dont le parti s’était débarrassé d’elle, votèrent néanmoins faute de mieux pour John Major, qu’elle avait plus ou moins explicitement désigné comme son héritier.


L’euroscepticisme déchainé

Pendant ses six ans et demi de gouvernement, John Major resta ambivalent concernant la construction européenne. Il s’efforça d’abord d’effacer auprès de ses partenaires les mauvais souvenirs laissés par les trois dernières années négatives du gouvernement Thatcher. En tant que Chancelier de l’Echiquier, il avait réussi à persuader (à la toute fin, le 8 octobre 1990) son Premier ministre d’entrer dans le mécanisme des changes du SME. En tant que Premier ministre, une de ses premières démarches fut d’aller déclarer à Bonn : « Je veux que nous soyons au cœur même de l’Europe, travaillant avec nos partenaires à construire l’avenir. C’est un défi que nous relevons avec enthousiasme ». Ce lyrisme laissait présager que les Britanniques useraient d’un tout autre ton dans les négociations préparatoires à Maastricht. Toutefois, sur le fond, la ligne de Major n’était pas très différente de celle de Thatcher : son objectif était de faire prévaloir « l’Europe des réalités » sur « l’Europe des rêves », selon l’expression de son ministre des Affaires Etrangères, Douglas Hurd. Surtout, il s’agissait de ne pas trop diviser le parti conservateur, où l’euroscepticisme « officiel » était né. Aussi Major se battit-il avec acharnement pour que le futur traité parût acceptable à l’ensemble de ses parlementaires. Pendant la négociation, il veilla à ce que les termes « fédéral » et « fédération » fussent exclus du traité. On adopta ainsi le terme d’« union », mot jugé plus anodin donc plus acceptable. Ce qui lui permit ensuite de souligner que « l’aspect le plus significatif du traité était l’accord de coopération dans un cadre juridique contraignant mais intergouvernemental dans les trois domaines-clé de la sécurité intérieure, de la politique étrangère et de la défense ». Surtout, seule des Douze, la Grande-Bretagne obtenait des « exemptions » (opt-outs) : exemption de la « charte sociale » signée à onze bien qu’elle eût été spécialement diluée pour obtenir la signature des Britanniques ; droit de veto donné au Parlement britannique concernant la phase ultime de l’Union monétaire, c’est-à-dire l’entrée ou non dans la future zone euro.
Malgré tout, la ratification du traité de Maastricht ne fut acquise qu’après un des débats les plus longs et les plus acrimonieux qu’ait connu la Chambre des Communes depuis 1945. En avril 1992, John Major avait provoqué une élection générale, la chambre élue en juin 1987 étant presqu’arrivée au terme de son mandat. Le parti conservateur resta au pouvoir - à la surprise générale, tous les sondages annonçant une victoire travailliste -, mais il n’en avait pas moins perdu 40 sièges et John Major ne disposait plus que d’une majorité de 21 voix. C’était une aubaine pour les quelques députés qui adhéraient à l’esprit de Bruges et qui, en outre, n’avaient pas encore digéré la façon dont le reste du parti s’était débarrassé de Mme Thatcher. Conscients de cette situation, ils n’accordèrent à John Major que peu de répit. Certes, le 31 mai 1992, le premier vote (de prise en considération) du projet de loi approuvant le traité de Maastricht se passa plutôt bien. Il fut adopté par 336 voix contre 92 (dont 22 conservateurs), l’opposition travailliste s’étant largement abstenue. Toutefois, quatre jours plus tard, le gouvernement dut suspendre le débat en toute hâte après l’échec du premier référendum danois (2 juin 1992), l’atmosphère aux Communes ayant profondément changé. Lorsque le débat reprit, le gouvernement venait de subir un nouveau coup : le « mercredi noir » (en septembre 1992) qui, à la suite d’une fuite des capitaux spectaculaire, avait vu la sortie en catastrophe de la livre du système monétaire européen, justifiant ainsi les réticences de Thatcher en 1989 et provoquant une forte dévaluation de la devise britannique et un recul de l’autorité gouvernementale. Aussi l’opposition travailliste décida-telle de ne plus faciliter la tâche de John Major. La discussion article par article eut lieu en « commission de la chambre entière », la règle pour un texte de nature constitutionnelle, et dura près de 5 mois ; du 1er décembre 1992 au 22 avril 1993, la chambre y consacra 23 séances très agitées, rejetant un amendement - provenant à la fois des eurosceptiques et de la gauche travailliste - exigeant, avant toute ratification du traité, l’organisation d’un référendum. La chambre des Lords, toujours plus favorable à l’Europe que les Communes, approuva le traité à une large majorité tout en votant un amendement de Lady Thatcher en faveur d’un référendum. Il fallut donc renvoyer le texte aux Communes qui, après un dernier débat de deux jours (22-23 juillet 1993), approuvèrent le texte gouvernemental, par 324 voix contre 299, un seul rebelle ayant voté contre. Il faut dire que, de guerre lasse, John Major avait posé la question de confiance, procédure très rare au Parlement britannique.
Après la défaite électorale écrasante de son parti par le « nouveau labour » de Tony Blair en mai 1997 - le groupe parlementaire avait fondu de moitié avec 165 députés -, John Major quitta immédiatement ses fonctions. Il abandonnait un parti profondément divisé entre des eurosceptiques encore minoritaires mais que le passage dans l’opposition avait libérés. Le nouveau leader William Hague, élu en juin 1997 par défaut (grâce au désistement de quatre eurosceptiques, il obtint 92 voix contre 70 à Kenneth Clarke, européen convaincu, qui était arrivé en tête au premier tour) tenta d’abord de tenir la balance égale entre les pro-Européens et les autres, mais cette attitude conciliante fut rapidement battue en brèche par les nombreux groupes et organisations eurosceptiques, encouragées par Lady Thatcher qui, sous prétexte de « défendre la livre », entreprirent, à la veille des élections de 2001, une campagne hystérique contre le gouvernement Blair. Cette campagne n’empêcha pas une seconde brillante victoire électorale de Blair. Le nombre des députés conservateurs ne changea pas mais la nature du groupe, elle, avait changé. En effet, des militants de la droite eurosceptique, sous l’égide d’un groupement, le Conservative Way Forward, avaient entrepris une campagne interne visant à éliminer de la candidature tous les aspirants soupçonnés d’être pro-européens. Cette opération réussit au-delà de toute espérance et, après la démission de Hague, c’est l’un des meneurs du groupe anti-Maastricht, Ian Duncan Smith, qui fut élu leader. Pas pour très longtemps car il dut démissionner en novembre 2003 pour céder la place à Michael Howard, autre eurosceptique notoire qui, malgré la guerre d’Irak et le traumatisme qu’elle provoqua au sein du parti et de l’électorat travaillistes, ne parvint à regagner, lors des élections de 2005, qu’une petite partie (32 sièges) du terrain perdu en 1992, ce qui annonçait une période d’opposition record pour les conservateurs : 18 ans [8]. Les débats parlementaires autour de la guerre d’Irak montrèrent à quel point le culte de la « relation spéciale » avec les Etats-Unis, cher à Thatcher mais un peu négligé sous Major, était à nouveau bien vivant au sein des conservateurs et largement lié à l’euroscepticisme : lors du débat décisif du 18 mars 2003, alors qu’un tiers des travaillistes (139) votaient contre le gouvernement, 140 conservateurs votaient en faveur de la motion gouvernementale et seulement 16 contre. L’idée qu’il valait mieux suivre G. W. Bush que J. Chirac était sans aucun doute sous-jacente.

La surenchère eurosceptique

Dès la chute de Thatcher, les eurosceptiques eurent l’appui de la presse conservatrice de Londres qui non seulement combattit la façon dont son héroïne avait été renversée mais soutint très modérément John Major lors de la campagne électorale de 1992. En fait, certains organes ne lui pardonnèrent jamais - notamment ceux du groupe Murdoch – de n’avoir rien fait pour éviter la chute de Thatcher, alors qu’il en était l’héritier officieux. Après la ratification de Maastricht, cette défiance se transforma en hostilité proclamée et, en 1995, lorsque John Major, dans l’espoir de retrouver quelque autorité, remit son leadership en jeu, seuls quatre titres de la presse conservatrice soutinrent sa réélection.
Le tableau suivant montre à quel point la presse eurosceptique, notamment celle qui s’adresse à un public populaire, domine largement le marché des médias écrits de Londres qui doivent leur influence, très ancienne, à leur forte diffusion nationale.

Tableau. La presse de Londres et la diffusion de l’euroscepticisme
Réalisation J. Leruez pour Diploweb.com, 2016
Certes, les tirages de la presse en général ont beaucoup régressé ces dernières années, mais ils restent très enviables, surtout ceux de la presse populaire, qui rivalisent dans l’euroscepticisme le plus primaire pour des raisons autant commerciales que politiques. Grosso modo, les tirages des titres eurosceptiques se partagent environ 80% de l’ensemble de la presse de Londres (l’empire financier de Murdoch représentant à lui seul environ 35% du marché de la presse britannique). En quelque vingt ans, il n’est pas étonnant qu’ils aient fini par rallier un nombre accru de Britanniques à l’euroscepticisme, d’autant plus qu’une partie de leurs lecteurs était convaincue d’avance. A l’inverse, les quelques titres favorables à l’Europe ont reculé plus que les autres. C’est particulièrement le cas des organes proches de la gauche libérale ou travailliste comme The Guardian pour la presse de qualité et le Daily Mirror pour la presse populaire. Le cas de The Independent est significatif. Créé en 1986 par un groupe de journalistes du Times qui avaient rompu avec le journal lorsqu’il était tombé dans l’escarcelle de Rupert Murdoch, il a eu du mal à trouver sa place dans la panoplie de la presse britannique et, depuis quelques années, il lutte pour sa survie. Plutôt conservateur mais modéré et favorable au statu quo européen, son déclin, sans doute inexorable, montre qu’il est difficile d’occuper ce double créneau en Grande-Bretagne.
En tout cas, cette évolution reflète une droitisation incontestable de la société britannique. D’où l’apparition ou le renforcement, à la droite du parti conservateur, de groupements et même de partis eurosceptiques, dont le plus important est incontestablement le United Kingdom Independence Party.
Créé en 1994 à la LSE [9] par un historien, membre du groupe de Bruges en rupture avec les conservateurs, Alan Sked, le UKIP entra très vite en concurrence avec le Referendum Party, fondé la même année par le milliardaire franco-britannique, James Goldsmith. Toutefois, la disparition de Goldsmith, en 1997, entraina la disparition de ce parti. Le UKIP a bénéficié d’une grande visibilité électorale grâce à l’introduction par le gouvernement Blair d’un mode de scrutin proportionnel pour les élections au Parlement européen, ce qui lui a permis de gagner trois sièges en 1999, 12 en 2004, 13 en 2009 et surtout 24 en 2014, dont un sur six en Ecosse, pourtant réputée moins eurosceptique que l’Angleterre. Ce succès faisait du UKIP le premier parti non seulement en sièges mais aussi en voix. Toutefois, en raison du système électoral majoritaire pour les Communes, il n’a pas réussi de percée aux élections qui comptent vraiment, malgré des scores en voix impressionnants : passant de 919546 voix (3,1% de l’ensemble) en 2010 et aucun élu, à 3881099 (12,7%) et un seul élu en 2015. Même son leader, Nigel Farage, a été battu. Le UKIP a donc essentiellement un pouvoir de nuisance, notamment dans les secteurs à forte dominance conservatrice. D’où l’apparition d’un euroscepticisme opportuniste parmi les députés conservateurs qui se sentent menacés pour leur réélection. Mais il progresse aussi dans les zones de force travaillistes : en 2015, il est arrivé deuxième dans une quarantaine de circonscriptions travaillistes.
Que veut le UKIP ? Il est en général considéré comme un single-issue party (à objectif unique), c’est dire qu’il vise essentiellement le Brexit. Toutefois, il est aussi imprégné de libéralisme thatchérien, et Farage n’hésite pas à déclarer que son parti est le véritable héritier de Margaret Thatcher et qu’il n’existerait pas si celle-ci avait pu poursuivre son œuvre en 1990. Mais, il y a également dans le discours du UKIP des relents du powellisme car il dénonce vivement l’immigration est-européenne, résultat de la politique des « frontières ouvertes » de l’Union. Son hostilité à l’immigration européenne constitue donc un sous-produit de sa détestation de l’Europe. Tout cela le différencie peu de la droite eurosceptique des conservateurs, d’où l’osmose électorale évidente entre les deux mais aussi leur rivalité et la surenchère qui en dérive.


Conclusion

En définitive, l’affrontement europhiles/eurosceptiques au sein des conservateurs britanniques pendant leur longue période d’opposition (1997-2010) a suivi une ligne de clivage générationnel. D’un côté, les anciens, qui ont été des ministres loyaux sous Thatcher tout en se lassant vers la fin de ses intransigeances, qui ont donné leur pleine mesure sous Major, et qui s’accommodent fort bien d’une Union européenne qu’ils ont contribué à construire largement dans le sens voulu par les Britanniques. De l’autre côté, les nouveaux, qui n’ont pas eu encore de responsabilités majeures au sein du parti - à quelques exceptions près - et qui rêvent d’horizons plus larges que ceux de l’Europe, qu’ils voient rabougrie, mesquine, et cherchant plus à se protéger de la mondialisation qu’à s’y adapter. En fait, ils voient l’avenir de la Grande-Bretagne selon la formule de Churchill : « avec l’Europe, mais pas dans l’Europe ». Le problème c’est que le monde a changé depuis Churchill.
Par conséquent, le parti conservateur a eu, en 2005, une équation douloureuse à résoudre : choisir un leader qui fût d’une trempe à se faire élire Premier ministre, ce que d’évidence les trois successeurs de Major n’avaient pas été, mais qui épouse largement les vues de la nouvelle génération en matière de politique étrangère et européenne. Ce leader a été David Cameron. Elu en décembre 2005 à 39 ans, il accède au poste de Premier ministre en mai 2010, à la tête d’un gouvernement de coalition avec les libéraux-démocrates, la plupart pro-européens convaincus, ce qui lui donne un prétexte pour tergiverser, au moins dans ce domaine. Toutefois, sous la pression de ses troupes, qui supportent de plus en plus mal les compromis nécessaires à la survie de la coalition, il doit s’engager - en 2013 - à organiser un référendum pour ou contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, avant la fin de 2017. Cet engagement l’a sans doute aidé à remporter - de justesse - les élections générales de mai 2015. Mais, en s’engageant ainsi, il faisait un pari risqué, non seulement sur l’avenir européen de son pays, mais aussi sur l’avenir du Royaume-Uni, pour ne rien dire de l’avenir de la construction européenne elle-même.


Par Jacques LERUEZ

Directeur de recherches émérite au CNRS, auteur de nombreux ouvrages dont Thatcher : La Dame de fer, éd. André Versaille.



Bibliographie
. ALEXANDRE-COLLIER Agnès. La Grande-Bretagne eurosceptique ? L’Europe dans le débat politique britannique, Editions du Temps, Nantes, 2002, 192 p.
. ALEXANDRE-COLLIER Agnès. Les Habits neufs de David Cameron. Les conservateurs britanniques (1990-2010), Sciences Po. Les Presses, Paris, 2010, 139 p.
. LA SERRE (de) Françoise, LERUEZ Jacques, « Le référendum en Grande-Bretagne, » in Problèmes politiques et sociaux, La Documentation Française, Paris 1975.
. LA SERRE (de) Françoise, La Grande-Bretagne et la Communauté Européenne, Presses Universitaires de France, Paris 1987, 224 p.
. LERUEZ Jacques, SUREL Jeannine. Le Royaume-Uni au XXe siècle, Ellipses, Paris, 1997, 286 p.
. LERUEZ Jacques, (ed.), Londres et le monde. Stratèges et stratégies britanniques, CERI/Autrement, Paris 2005, 149 p.
. SCHNAPPER Pauline, La Grande-Bretagne et l’Europe, Le grand malentendu. Presses de Sciences Po, Paris 2000, 218 p.
. SCHNAPPER Pauline, Le Royaume-Uni doit-il sortir de l’Union européenne ?, La Documentation Française, Paris 2014, 164 p.



O) Brexit : quels enjeux géopolitiques ?

Quels sont les enjeux géopolitiques internationaux du Brexit ? Cette contribution envisage les effets possibles du vote britannique à court et moyen termes sur la construction européenne, leur impact sur la position hégémonique des États-Unis et pose la question de son sens stratégique dans le contexte plus large de basculement du monde dans la multipolarité.
LE 23 JUIN 2016, le Royaume-Uni se prononçait à 51,9% en faveur de la sortie de l’Union européenne (UE). Une première en presque soixante-dix années d’intégration continue. Les résultats du vote auront mis en évidence de façon très nette les clivages, notamment territoriaux, qui articulent la géopolitique intérieure du pays. Le Leave recueillait une majorité de voix en Angleterre (53,4%) et au pays de Galles (52,5%), tandis que le Remain l’emportait en Irlande du nord (55,8%) et en Écosse (62%), où un nouveau référendum sur l’indépendance semble possible.
Quels sont les enjeux géopolitiques internationaux du Brexit ? Cette contribution envisage les effets possibles du vote britannique à court et moyen termes sur la construction européenne (I), leur impact sur la position hégémonique des États-Unis (II) et pose la question de son sens stratégique dans le contexte plus large de basculement du monde dans la multipolarité (III).



Djiby Sow
Politologue et juriste de droit international public, diplômé de l’Université de Montréal.

I. La construction européenne menacée ?

Un candidat à l’élection présidentielle française de 2017 écrivait en réaction aux résultats du référendum britannique que le « Mur de Bruxelles est tombé » [1]. C’est dire l’ampleur de la menace que fait peser la victoire du Leave sur l’Union. Le Brexit marque effectivement le rejet des institutions européennes à travers le continent – qui plus est dans un contexte de crise sociale et identitaire aggravée dans plusieurs États-membres – et semble appelé à catalyser les forces centrifuges qui travaillent à la dé-construction européenne.
Dès le lendemain du vote, des membres de l’opposition appelaient à la tenue de référendums similaires dans plusieurs États, dont l’Autriche, la Finlande, la France, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Slovaquie. La Présidence Tchèque s’est quant à elle engagée à organiser un référendum sur l’appartenance du pays à l’UE, mais également à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Des questions sectorielles seront également soumises au plébiscite, comme en Hongrie où devrait se tenir, le 2 octobre 2016, un référendum sur l’immigration – une mise en cause directe de la gestion de la « crise des migrants » par Bruxelles. Les relations commerciales de l’Union ne seront pas en reste puisque l’accord de libre-échange UE-Canada (dont la signature était prévue en octobre 2016) devrait finalement être soumis au vote des parlements nationaux [2]. Avec, en perspective, un enlisement vraisemblable du débat autour des tribunaux d’investissement prévus en guise de substitut au controversé mécanisme « Investor-State Dispute Settlement » (ISDS), mais dont ils demeurent très proches en substance [3].
À terme, la sortie effective du Royaume-Uni de l’UE constituerait un précédent. Toute concession obtenue par Londres dans le cadre des négociations de sortie à intervenir avec Bruxelles, en ce qui concerne le contrôle de l’immigration et la libre-circulation par exemple, pourrait également être invoquée par d’autres États dans le futur avec le risque de matérialiser l’« Europe à la carte » que redoutent les dirigeants européens [4].
D’ici là, l’exemple britannique devrait peser de tout son poids sur la vie politique des États-membres. À cet égard, deux échéances s’annoncent cruciales pour l’avenir de l’UE. En Italie, le gouvernement mettra son mandat en jeu en octobre 2016 à l’occasion du référendum sur un projet de réforme constitutionnelle devant aboutir à la réduction du nombre et des pouvoirs des sénateurs. Le Mouvement 5 Étoiles (M5S) apparait toutefois en mesure de transformer la consultation en un large plébiscite pour ou contre l’action du gouvernement. De plus, alors qu’il avait déjà mis en difficulté le Parti démocratique du Premier ministre Renzi aux municipales de juin 2016 en remportant 19 des 20 villes où il avait présenté un candidat, trois sondages effectués entre le 28 juin et le 5 juillet 2016 présagent au mouvement une victoire en cas d’élections législatives immédiates [5]. Le risque pour l’UE vient du fait que dans le contexte de crise du système bancaire italien, le M5S a déjà fait connaître son intention d’organiser d’un référendum sur le maintien de l’euro comme monnaie du pays ou le retour à la Lire. Une éventualité à laquelle la zone euro ni le projet européen ne paraissent en mesure de survivre compte tenu des répercussions qu’elle aurait sur l’Allemagne, cœur de l’économie européenne.
En France, les sondages donnent Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de mai 2017. En s’engageant à organiser un référendum en cas de victoire, la candidate du Front National a déjà fait de l’Europe un enjeu de campagne majeur. Il n’est pas exclu non plus de voir les partis européistes du centre, en chute libre, radicaliser eux aussi leur offre politique sur des thématiques spécifiques dans le but de synchroniser avec un électorat qui compte parmi les plus eurosceptiques de l’Union. Le pays avait en effet déjà dit « non » à 54.6% en 2005 au Projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe. Un texte remanié, le Traité de Lisbonne, fut néanmoins ratifié par voie parlementaire. L’Europe et la monnaie unique, synonymes de mondialisation et de désindustrialisation pour nombre d’ouvriers et de cadres déclassés, sont majoritairement considérées comme les responsables de grave situation économique et sociale que connaît le pays. Les blocages considérables suscités par la loi de réforme du travail (El Komri), elle aussi largement perçue comme imposée par Bruxelles et passée en force par un mécanisme constitutionnel, en constituent l’illustration la plus récente.
Surtout, la question de l’immigration est désormais – bien davantage qu’au Royaume-Uni – un sujet de tension extrême. Le pays a été relativement moins affecté par la « crise des migrants » que d’autres États de l’Union. Cependant, le « vivre-ensemble » avec ses citoyens originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne paraît confronté à d’importantes difficultés, ainsi qu’ont pu l’illustrer la permanence du débat sur la laïcité au cours de la dernière décennie ou la polémique courante sur le « burkini ».
Les attentats des 7, 8 et 9 janvier et 13 novembre 2015 à Paris et du 14 juillet 2016 à Nice ont achevé d’installer un climat délétère. Le Chef de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) affirmait dès mai 2016, devant la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de novembre 2015, que le pays était « au bord de la guerre civile » et mettait en garde contre une « confrontation inéluctable » entre « entre l’ultra droite et le monde musulman - pas les islamistes mais bien le monde musulman » [6]. Si le constat peut sembler alarmiste, il y a peu de risque à parier que la dialectique sécurité/contrôle des frontières pourrait devenir, dans un tel contexte, la clé de l’élection avec, en bout de ligne, la libre circulation et l’espace Schengen pour premières victimes.
En ce qui concerne les tendances de fond, une évolution tout à fait majeure devrait être anticipée en conséquence du Brexit, à savoir que les relations internationales et la géopolitique sont appelées à retrouver leurs lettres de noblesse sur le continent. L’intégration économique est en effet parvenue à mettre en sourdine des siècles de conflits ayant notamment culminé en deux guerres mondiales. La sortie du Royaume-Uni pourrait cependant mettre à l’épreuve les équilibres qui ont garanti à l’Europe la plus longue période de paix des derniers siècles (depuis 1501 dans le cas de la France). Elle consoliderait probablement la position dominante de l’Allemagne et les craintes régionales face à la perspective, réelle ou fantasmée, d’une Europe germanique et romprait notamment le ménage à trois avec la France, laissant Paris et Berlin seuls face à leurs antagonismes géopolitiques et historiques.
Sur la question fondamentale de l’avenir de l’UE par exemple, la publication, dès le 27 juin 2016, d’un concept d’union beaucoup plus intégré [7] par les diplomaties allemande et française semble bien traduire un accord de principe sur la nécessité de bâtir sur la crise. Des divergences profondes demeurent cependant entre les deux piliers de l’Union. Les convulsions économiques et financières de la dernière décennie n’auront, en effet, rien révélé d’autre que l’inachèvement et les dysfonctionnements de l’union monétaire. D’aucuns estiment que l’intégration économique et politique encore plus poussée demande l’harmonisation des règles fiscales et, à l’instar des fédérations les plus abouties, les transferts budgétaires appropriés des régions les plus riches vers les plus pauvres. Une évolution souhaitée à Paris mais non à Berlin où la préférence est au contrôle et à l’austérité budgétaires. La crise de la dette grecque aura bien mis en lumière l’intransigeance du pouvoir allemand dans son refus de « payer pour la Grèce », comme l’impuissance française sur ce dossier. La crise bancaire italienne courante pourrait donc être l’occasion d’observer l’impact du nouvel environnement post-Brexit sur les positions des deux capitales.
L’enjeu structurant des rapports transatlantiques avec Washington devrait par ailleurs prendre davantage de place dans les nouvelles relations intereuropéennes. La sortie de leur plus proche allié de l’UE laisserait, en effet, les États-Unis dépendants de leurs relations déjà étroites avec l’Allemagne. Un axe névralgique Washington-Berlin actant et renforçant ouvertement l’hégémonie allemande aurait quant à lui pour contrecoup vraisemblable d’accentuer les inquiétudes de la France – désormais seule puissance militaire majeure au sein de l’Union – quant à son rang et à sa place en Europe.
Cette dynamique structurelle pourrait même avoir produit ses premiers effets dès le 8 juillet 2016 à Varsovie, à l’occasion du sommet de l’OTAN. Alors que la Chancelière Merkel parait avoir épousé la ligne dure de Washington face à la Russie, le Président Hollande affirmait à contrepied de toute la politique transatlantique depuis les évènements de Crimée en 2014 que « l’OTAN n’a pas du tout vocation à peser sur les relations que l’Europe doit avoir avec la Russie ; et pour la France, la Russie n’est pas un adversaire, n’est pas une menace » [8]. Cette puissante déclaration publique, son opposition inhabituellement frontale avec la direction américaine – sans doute la première depuis le « non » à l’invasion de l’Irak en 2003 – ne peuvent-elles pas être interprétées comme le premier coup de semonce français dans le jeu de positionnement dans l’Europe post-Brexit ou, à tout le moins, comme le marqueur d’un mouvement des lignes sur le continent ?

II. La fragilisation de la position des États-Unis en Europe

La régression de l’Union ou, à plus forte raison, sa dislocation précipitée par le Brexit constituerait un revers stratégique majeur pour Washington. Le maintien et le renforcement de la construction européenne constituent un objectif primordial dans la stratégie de puissance déployée par les États-Unis à l’échelle globale depuis 1945 ainsi qu’un axe de politique étrangère fondamental. Il s’agirait ainsi, selon les travaux bien connus de Zbigniew Brzezinski, de contenir les tendances géostratégiques naturelles du continent dans le but ultime de prévenir l’émergence d’une puissance eurasiatique capable de contester l’hégémonie globale étasunienne.
Cette politique repose en partie sur la forte bilatéralisation de la relation transatlantique au niveau d’un certain nombre d’États-clé dont le Royaume-Uni et l’Allemagne constituent le premier cercle, mais incluant aussi la Pologne, la Turquie (hors UE) et, dans une certaine mesure, la France, puisqu’après l’avoir quitté en 1966, celle-ci est de retour dans le commandement militaire intégré de l’OTAN à compter de 2008-2009.
Même si l’observation devrait être relativisée compte tenu de la prééminence de Berlin sur le continent, il est largement admis que la « relation spéciale » avec Londres faisait office, jusqu’au 24 juin 2016, de canal de projection privilégié et direct des intérêts américains dans l’Union – le Royaume-Uni ayant souvent été perçu par ses pairs comme un « cheval de Troie américain » dans l’UE. À très court terme, la sortie britannique pourrait donc se traduire par un recul, ne serait-ce que temporaire, de la prépondérance des États-Unis sur un certain nombre de dossiers, tout en notant qu’il resterait 21 États membres de l’OTAN dans l’UE, ce qui laisse à Washington d’importants leviers d’influence.
Parmi les plus importants figurent, sur le plan du commerce, les négociations relatives au traité de libre-échange transatlantique (TAFTA), destiné à créer la plus grande zone de libre échange du monde (comptant environ 800 millions de consommateurs et pour près de la moitié du PIB mondial). Conçu par Washington comme le pendant occidental du Partenariat Trans Pacifique (PTP) dans le cadre d’une stratégie plus large de reflux de la puissance commerciale chinoise, le projet de traité transatlantique butait déjà sur les réticences de certaines parties européennes, notamment au sujet de certains secteurs protégés, aux normes phytosanitaires ou encore au mécanisme « Investor-State Dispute Settlement » (ISDS).
La sortie du fer de lance du TAFTA dans l’Union et, avec lui, une certaine conception du libéralisme, accroit de façon considérable les inconnues autour du texte. Les contacts américano-britanniques en vue d’un accord commercial bilatéral, ainsi que l’arrangement à intervenir entre l’UE et le Royaume-Uni, semblent en outre devoir aboutir à la négociation simultanée de trois traités majeurs. Une évolution qui ne restera pas sans effets sur les tractations autour du TAFTA, chacun étant désormais susceptible de chercher à accroitre son pouvoir de négociation à même la nouvelle dynamique triangulaire. Dans cette perspective, il est permis de se demander si les déclarations du ministre de l’économie et vice-chancelier allemand à l’effet que le « TAFTA a de facto échoué » en raison du refus de l’Europe de « se soumettre aux exigences des États-Unis » [9] et l’interruption des négociations qui sera demandée fin septembre 2016 par la France [10] ne sont pas autant de tentatives de faire monter les enchères côté européen.
Les enjeux paraissent plus importants encore sur le plan stratégique. Ancrée sur l’Union, la politique d’isolement de la Russie impulsée par Washington pourrait être compromise à très court terme. Le bien-fondé des sanctions économiques et diplomatiques contre Moscou, adoptées avec réticence dans bien des cas [11], fait débat dans les capitales européennes. Plusieurs États-membres, y compris le Royaume-Uni, désirent une normalisation des relations avec le Kremlin [12]. La France apparait comme le moteur de cette tendance : les deux chambres du parlement ont chacune adopté une résolution (non contraignantes pour l’exécutif) demandant la levée des sanctions ; comme en Allemagne, une partie de l’opposition, proche des milieux d’affaires, milite pour leur abrogation et le rapprochement avec Moscou. Enfin, le gouvernement français s’est prononcé en faveur de la levée des sanctions et recevra le Président Vladimir Poutine à Paris en octobre 2016.
Dans ce contexte et en l’absence du soutien britannique aux sanctions, l’influence allemande ne suffira vraisemblablement pas à faire prolonger les sanctions au-delà de leur échéance, le 31 janvier 2017. D’autant plus que la Chancelière Merkel se trouve elle-même confrontée à une pression croissante au sein de sa coalition pour l’abandon des mesures contre Moscou et que pour aboutir, les pressions de certains des anciens satellites soviétiques pour le maintien, voire le renforcement des sanctions, devront obligatoirement susciter l’unanimité au sein du Conseil européen.
La principale préoccupation américaine au lendemain du vote concernait toutefoisl’OTAN, instrument primordial de contrôle du verrou eurasiatique et dont le premier secrétaire général (le Britannique Lord Ismay) avait résumé la raison d’être comme suit : « keep the Americans in, the Germans down and the Russians out » [13]. En effet, il est particulièrement évocateur qu’alors que le Royaume-Uni n’a voté que sur la question de son adhésion à l’UE, le premier élément de substance dans le communiqué de la présidence des États-Unis concerne la participation britannique à l’OTAN : « [...] la relation spéciale entre les États-Unis et le Royaume-Uni est durable, et la participation du Royaume-Uni dans l’OTAN demeure une pierre angulaire vitale des politiques étrangère, économique et de sécurité des États-Unis (traduction de l’auteur) » [14].

La sortie du Royaume-Uni de l’alliance ne semble pas à l’ordre du jour, même si le renouvellement des sous-marins Trident, prévu de longue date mais voté le 18 juillet 2016, traduit la volonté britannique de maintenir une capacité de dissuasion indépendante du parapluie nucléaire de l’OTAN à l’horizon 2030 et adresse, en pleine tourmente post-Brexit, un signal pour le moins intéressant. La victoire du Leave pourrait cependant avoir, à terme, un impact négatif indirect sur l’alliance si l’Union venait à s’affaiblir, la participation du Secrétaire général Jens Stoltenberg à la première réunion du Conseil européen post-Brexit du 29 juin 2016 rappelant au besoin l’étroite articulation entre UE et OTAN.
Dans l’immédiat, le vote britannique est susceptible d’affecter les équilibres internes de l’alliance, à un moment crucial des relations avec la Russie. Les derniers mois ont vu une escalade sans précédent en Europe de l’Est depuis la Seconde Guerre mondiale. La Pologne a été le lieu des exercices « Anaconda » impliquant 30 000 hommes (américains et polonais pour l’essentiel). Confirmé au sommet de Varsovie, le positionnement d’unités de combat aux portes de la Russie courant 2017– le Canada étant la nation-cadre en Lettonie, le Royaume-Uni en Estonie, l’Allemagne en Lituanie et les États-Unis en Pologne – pour un total de 4000 hommes a fait dire à certains observateurs que la dissuasion nucléaire ne fonctionne plus [15]. Enfin, l’activation en mai 2016 de la portion roumaine du bouclier antimissile américain marque une première étape vers l’opérationnalisation de l’ensemble du système défense, perçu de longue date par Moscou comme une menace à l’équilibre stratégique qui a prévenu l’affrontement nucléaire entre les deux blocs durant la Guerre froide. Dans la perspective du Président Poutine, « la défense antimissile stratégique balistique fait partie d’une capacité stratégique offensive fonctionnant en liaison avec un système de tir de missile agressif (traduction de l’auteur) » [16] et ferait courir un double danger stratégique à la Russie. Premièrement, les capsules de lancement des missiles défensifs seraient les mêmes que celles utilisées pour les missiles offensifs mer-sol « Tomahawk ». Cet état de fait laisserait donc les forces de défense russes dans l’incertitude quant au contenu des silos, lequel pourrait être « reprogrammé en quelques heures ». En second lieu, la portée des missiles américains, aujourd’hui estimée par le Kremlin à 500 km, devrait atteindre dans les prochaines années un rayon de 1000 km, voire davantage. Prévue en 2018, la mise en place du segment polonais du système de défense, à 250 km de l’enclave russe de Kaliningrad, permettrait donc à l’alliance d’intercepter un tir de missile jusqu’à 750 km à l’intérieur du territoire russe, neutralisant théoriquement – abstraction faite des submersibles qui sillonnent les mers du globe – toute capacité de riposte nucléaire de Moscou en cas de première frappe. Ce sont finalement là les modalités pratiques qui sous-tendent la théorie de la primauté nucléaire (« nuclear primacy  ») en vogue dans les cercles stratégiques américains, à savoir la capacité postulée de Washington de neutraliser les arsenaux nucléaires russes et/ou chinois par le développement de capacités de première frappe (« first strike capabilities  ») [17].
Le risque croissant d’un « incident » est néanmoins source de fébrilité dans les rangs de l’organisation. Le Président Bulgare excluait par exemple la participation de son pays au projet de flotte permanente de l’alliance dans la mer Baltique, déclarant « ne pas avoir de besoin de guerre » [18]. Le Ministre des Affaires étrangères allemand Steinmeir se désolidarisait quant à lui de façon retentissante de l’action de la Chancelière Merkel, en dénonçant l’« intimidation » et le « bellicisme » [19] de l’OTAN – cette distanciation ne révélant que mieux le niveau de tension au sein même de certains États.
Dans ce contexte de division, la prise de position française précédemment soulignée – « l’OTAN n’a pas du tout vocation à peser sur les relations que l’Europe doit avoir avec la Russie ; et pour la France, la Russie n’est pas un adversaire, n’est pas une menace » – acquiert une toute autre portée et pourrait, mise en perspective par rapport à l’orientation poursuivie par l’Allemagne, contribuer à polariser les membres européens de l’alliance.
Du reste, le Royaume-Uni post-Brexit semble lui-même enclin à renverser la vapeur avec le Kremlin. La nomination de Boris Johnson, connu pour ses prises de positions favorables à la Russie, comme Ministre des affaires étrangères apparaissait comme un signe d’ouverture vers Moscou. La conversation téléphonique du 9 juillet 2016 entre Theresa May et Vladimir Poutine déplorant de part et d’autre l’état de la relation bilatérale, puis le désir d’une normalisation formellement exprimé par Londres, ne laissent plus de doute.
L’embellie pourrait cependant n’être que passagère dans la mesure où le Kremlin cherchera vraisemblablement à faire surseoir le positionnement annoncé de forces britanniques en Estonie. Une décision qui parait a priori improbable dans la mesure où elle équivaudrait de fait à une déclaration d’indépendance au sommet de l’alliance, avec les répercussions que l’on imagine. Cependant, après la Grèce, l’Italie, la France et la Turquie, le nombre d’États souhaitant calmer le jeu avec Moscou pourrait, avec la rencontre annoncée entre May et Poutine en marge du G20 de septembre 2016 à Pékin, atteindre la masse critique fatale à la politique russe de Washington.

III. La préemption d’un nouvel ordre monétaire international ?

L’ampleur de ces enjeux et les conséquences négatives tout à fait prévisibles du Brexit sur la position globale des États-Unis [20] invitent à se demander si la victoire du Leave n’est pas l’expression d’un phénomène plus profond que l’analyse de classe, prédominante dans les commentaires, pourrait empêcher de percevoir. Les résultats du plébiscite sont effectivement analysés par une majorité de médias traditionnels et de think tanks comme le rejet de l’« élite » par le « peuple » et des gouvernants par les gouvernés [21]. C’est clairement l’un des sens que l’on doit leur donner, tant il est vrai, au Royaume-Uni comme dans nombre d’États occidentaux – le phénomène Trump semble en être l’expression aux États-Unis – que les affres de la mondialisation économique et financière (politiques d’austérité, chômage et immigration de masse) semblent avoir aliéné classes moyenne et ouvrière.
Poser cette interprétation du vote comme l’alpha et l’oméga du Brexit fait néanmoins oublier qu’au-delà de l’engagement bien visible des partis politiques, la campagne référendaire a mobilisé jusque dans les rangs de l’establishment. L’on sait par exemple que l’élite intellectuelle et universitaire s’est majoritairement prononcée en faveur du Remain mais, surtout, que le camp du Leave a été porté à bout de bras par certains grands propriétaires de médias [22]. À telle enseigne que nombre de commentateurs sous le choc attribuaient les résultats du 24 juin aux « mensonges des tabloïdes sur l’UE ». Le quotidien Sun violait même le sacrosaint principe de neutralité de la Couronne, en titrant « la Reine soutient le Brexit » et persistait malgré sa condamnation par l’organisme de régulation de la presse britannique [23].
Ces quelques éléments d’analyse préliminaires devraient donc rappeler que l’establishment, au Royaume-Uni et ailleurs, n’est jamais monolithique. Il semble en l’occurrence qu’au moins une de ses factions, dont la composition et les contours précis gagneraient à être déterminés, se trouvait en faveur de la sortie de l’UE. L’analyse de classe atteint ici ses limites, en ce qu’elle explique mal la convergence (paradoxale) entre la volonté d’une majorité de britanniques issus du « peuple » de quitter l’Union et celle d’une partie de l’establishment de voir le pays se désamarrer de la structure européenne, affaiblissant ce faisant le statu quo international ayant précisément permis à l’« élite » de tirer le meilleur parti de la mondialisation économique et financière.
Une hypothèse digne d’intérêt a néanmoins été avancée par certains observateurs et envisage le Brexit comme le fruit du réalignement pragmatique du Royaume-Uni face à la mutation radicale de l’ordre mondial [24]. Il est vrai que le vote britannique intervient à une période sans précédent dans l’histoire des relations internationales contemporaines. Les États-Unis ne semblent effectivement plus en mesure de perpétuer leur hégémonie globale, l’affaire de la ligne rouge du Président Obama (2013), les évènements de Crimée (2014), l’intervention russe en Syrie (2015) et, désormais, le Brexit apparaissant comme les marqueurs d’une influence politique et stratégique déclinante. Brzezinski, le géostratège et théoricien par excellence de la suprématie globale américaine, concède désormais que confrontés à la fin de leur dominance mondiale, les États-Unis n’ont plus que le « compromis régional » avec la Russie, la Chine et certains États du Moyen-Orient comme option viable [25].
L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS), le même jour que le Brexit, constitue ainsi tout un symbole. Les craintes que suscitent la tectonique géopolitique actuelle dans certains cercles de politique étrangère aux États-Unis transparaissaient nettement sous la plume d’un ancien ambassadeur américain à Moscou, qui écrivait au lendemain du vote britannique : « l’Europe s’affaiblit alors que la Russie, ses alliés et ses organisations multilatérales se consolident, ajoutant même de nouveaux membres. Poutine, bien sûr, n’a pas provoqué le vote en faveur du Brexit, mais lui et ses objectifs de politique étrangère sont en position d’en tirer des avantages considérables (traduction de l’auteur) » [26].
Dans le même temps, la Chine, deuxième puissance économique mondiale en produit intérieur brut (PIB) nominal est, depuis 2014, la première en parité de pouvoir d’achat. De nombreuses initiatives stratégiques se structurent autour du géant asiatique, telles que la nouvelle route de la soie et la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures (BAII), impulsée par Beijing pour faire contrepoids à la Banque Mondiale, pilier, avec le Fonds Monétaire International (FMI), de la Pax Americana.
Plus important encore, le quasi-monopole du dollar américain sur les échanges commerciaux semble parvenu à son terme : le Renminbi (ou Yuan) chinois entrera dans le panier des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI à compter du 1er octobre 2016. Cette réforme du système financier international pourrait rétrospectivement apparaitre comme le point de bascule du centre de gravité mondial. Alors qu’un nombre croissant d’États effectuent déjà leurs règlements commerciaux en Yuan, son inclusion dans les DTS lui assurera une convertibilité en n’importe quelle monnaie et une détention automatique par 188 États. La monnaie chinoise pourrait ainsi s’affranchir de la tutelle politico-financière de Washington et éroder graduellement la part du dollar dans le commerce international, lequel compte pour 87% des échanges commerciaux et 60% des réserves de change détenues par les banques centrales.
Si les États-Unis n’ont pas opposé leur véto à cette évolution, le Royaume-Uni y aura joué un rôle de premier plan. Le gouvernement conservateur de David Cameron et la City de Londres ont, en effet, activement participé à la stratégie d’internationalisation du Yuan de Beijing par une série de décisions qui s’inscrivent comme autant de détonations silencieuses dans l’architecture financière internationale. En octobre 2013, Londres autorise les banques chinoises à opérer à la City alors que le centre financier est déjà le deuxième centre off-shore du Renminbi et abrite 60% des transactions internationales libellées en Yuan. En octobre 2014, le Chancelier de l’échiquier lance la première émission d’obligations britanniques en Yuan pour un montant de 3 milliards, avec pour objectif de « renforcer la position de la Grande-Bretagne comme centre de la finance mondiale » [27]. En octobre 2015, la visite en grande pompe du Président Xi Jinping à Londres entérine la nouvelle « ère dorée » entre les deux nations, alors que le Royaume-Uni devenait quelques mois plus tôt le premier pays occidental à intégrer la BAII, contre la volonté des États-Unis [28]. Plusieurs centaines de millions de dollars de contrats décisifs pour un Royaume désindustrialisé et dépendant de son secteur financier sont signés pour des projets d’infrastructure (notamment dans le nucléaire et les chemins de fer). David Cameron s’engage à soutenir au mois de décembre 2015 l’inclusion du Yuan dans les DTS.
Le mois d’octobre 2016 verra donc l’accession officielle de la monnaie chinoise au statut de monnaie de réserve mondiale et marquera ainsi l’émergence potentielle d’un nouvel ordre monétaire international. Grâce à des choix stratégiques résolument tournés vers l’avenir, le Royaume-Uni s’y trouverait en position privilégiée. L’hypothèse a de quoi séduire. D’autant qu’avec le pivot vers l’Asie de Washington, l’objectif de sécurité nationale américain d’endiguement de la Chine se trouve en opposition objective avec la stratégie financière britannique.
Nombre de questions demeurent cependant. Après tout, les « déclinistes » n’ont-ils pas maintes fois annoncé la fin de l’hégémonie américaine ? Par-delà les liens historiques et culturels, le Royaume-Uni est-il véritablement en mesure de s’aliéner son principal débouché commercial (66.5G$ en 2015, soit 14,5% de ses exportations) ? L’économie chinoise n’est-elle pas en proie à un certain nombre de bulles et ainsi qu’à d’importants problèmes structurels ? Si tant est qu’une partie de l’establishment britannique soit attirée par un pivot vers l’est, à quel point l’idée fait-elle consensus parmi les « élites » demeurant étroitement imbriquées avec l’establishment outre atlantique ? Quel intérêt stratégique la Chine trouverait-elle dans un Royaume-Uni hors UE ?
La politique du Royaume-Uni « indépendant » vis-à-vis de Pékin sera donc le meilleur indicateur de la validité de cette analyse. Le projet de construction d’une nouvelle centrale nucléaire à Hinkley Point par un consortium chinois (avec la participation et le savoir-faire du français EDF) met d’ores et déjà le gouvernement face à un nœud gordien, dans le contexte d’une affaire d’espionnage impliquant les États-Unis [29]. L’entreprise d’État China General Nuclear Power, investisseur majoritaire dans le consortium (à hauteur 33%), est poursuivie par le gouvernement américain pour vol de secrets nucléaires mettant prétendument en cause le plus haut niveau de l’État chinois. Les inquiétudes relatives à la sécurité des infrastructures britanniques suscitées par ce développement contraignaient Theresa May à suspendre l’exécution du projet de 23G$, pourtant au cœur de la stratégie énergétique britannique.
La lettre de réassurances adressée aux dirigeants chinois [30] montre bien le dilemme de l’exécutif britannique. Les enjeux commerciaux sont majeurs : Hinkley Point devrait être la première de trois centrales construites par la Chine à travers le pays ; d’autres secteurs de l’économie sont également concernés par des investissements stratégiques de Pékin. Pour citer l’ambassadeur de Chine à Londres, l’issue de ce dossier « à un moment historique crucial » des relations bilatérales pourrait être d’autant plus lourde de conséquences financières pour le Royaume-Uni qu’il est en voie de quitter l’UE. La décision finale, repoussée à l’automne 2016, sera donc déterminante et devrait nous édifier tant sur l’importance de la relation Londres-Pékin que sur la réalité de la puissance chinoise.
L’hypothèse a en tout cas le mérite d’aller au-delà de la conjoncture internationale qui conduit notamment à faire le lien, répandu dans l’analyse, entre rejet de l’immigration et crise des migrants à l’échelle européenne. Elle interroge la matrice géopolitique du Brexit, exercice sans lequel celui-ci apparait comme un évènement historique certes, mais sans aucune plus-value ni raison d’être stratégique. Le pays quitterait tout bonnement l’Union au terme d’un processus de négociation avec Bruxelles, très vraisemblablement avec un accord commercial. Cependant, Londres se trouverait rapidement isolée sur le continent : évoluant déjà hors espace Schengen et hors zone euro, elle perdrait l’avantage de sa présence au Conseil européen pour peser sur les sujets de haute politique dans la région et au-delà. Ses dimensions historique et commerciale mises de côté, la « relation spéciale » perdrait tout aussi rapidement son intérêt pour Washington, à la faveur d’une relation consolidée et désormais vitale avec Berlin. Le Brexit aurait en définitive un bilan stratégique négatif ; un résultat qui devrait laisser circonspect au vu de la capacité démontrée par le Royaume-Uni à maintenir la suprématie de sa place financière à travers l’effondrement de l’empire britannique et deux guerres mondiales.

Conclusion. Brexit : to be or not be ?

Le Brexit apparait finalement comme un évènement géopolitique absolument majeur. L’intervention du Président Obama dans la campagne référendaire et son avertissement à l’effet que le Royaume-Uni se retrouverait « au bout de la file » («  at the back of the queue ») en cas de sortie – perçue par nombre de britanniques comme une menace [31] – soulignaient déjà l’immensité des enjeux pour l’Europe, les États-Unis et l’architecture du système international contemporain.
Que l’on privilégie l’hypothèse d’un pivot vers l’est de Londres, ou celle d’un Royaume-Uni tout simplement indépendant au sein du bloc transatlantique, ce sont les conservatismes de ce que l’on peut désormais appeler « l’ordre ancien » qui devraient constituer les principaux obstacles à sa sortie de l’UE. Et ce, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur, le Secrétaire d’État américain John Kerry évoquant par exemple dès le 28 juin 2016 « un certain nombre de manières » dont le Brexit pourrait être renversé [32].
Les autorités britanniques semblent en tout cas avoir écarté l’option d’ignorer le référendum. Le choc des résultats avait initialement paru plonger le pays dans une profonde crise politique mais le gouvernement de Theresa May émergeait dès la mi-juillet 2016, avec le leitmotiv « Brexit means Brexit  » et des portefeuilles clé dévolus aux Brexiteers (Boris Johnson aux Affaires étrangères et David Davis ministre du Brexit). Sauf dégradation radicale du contexte international – par l’aggravation brutale de la situation économique et financière mondiale, une escalade militaire en mer de Chine, à la frontière de la Russie, en Syrie ou ailleurs – le Royaume-Uni devrait donc formellement engager la procédure de retrait de l’UE conformément à l’article 50 du Traité de Lisbonne.
Aux termes de cette disposition, le calendrier du retrait britannique s’étalerait sur une période d’au moins deux ans à compter de la notification au Conseil européen. La forme de l’accord qui formaliserait les nouveaux rapports euro-britanniques sera tout le sujet des négociations avec Bruxelles. Un point de blocage émerge néanmoins en amont, Londres souhaitant un accord sur mesure plutôt qu’une convention calquée sur les « modèles » norvégien ou suisse, Bruxelles écartant tout « special deal » et Paris posant la libre circulation des personnes comme condition de l’accès au marché unique. L’équation se complique davantage avec la menace d’un nouveau référendum en Écosse si l’accès au marché unique n’était pas garanti et les inquiétudes de l’Irlande du Nord relatives à la libre-circulation avec l’Irlande.
La raison commerciale devrait toutefois prendre le dessus sur les postures politiques. En 2015, le Royaume-Uni était le deuxième marché d’exportation de l’Irlande (16,8G$, 14%) et de la Pologne (13,4G$, 6,8%) et le troisième de l’Allemagne (98,7G$, 7,4%) et des Pays-Bas (50,9G$, 9%). À tout évènement, le projet de fusion des bourses de Londres et Frankfort, initié avant le Brexit, devrait assurer aux banques de la City, moteur de l’économie britannique, l’accès au marché unique [33].
Un certain nombre d’incertitudes demeurent aussi en ce qui concerne la date précise à laquelle le gouvernement britannique activera l’article 50. Le premier déplacement officiel de Theresa May à Berlin et Paris aura permis d’établir que la procédure ne serait pas enclenchée avant 2017. Le choix du meilleur moment pour Londres s’avère être un exercice délicat au regard de plusieurs facteurs, notamment juridiques. Un consensus sur les modalités du retrait et de la négociation semble tout d’abord devoir être trouvé dans la classe politique. Or, la légalité même du déclenchement de l’article 50 par l’exécutif sans l’approbation préalable du parlement est contestée, y compris par des intérêts privés [34]. Pour le gouvernement, la conclusion ou le retrait d’engagements internationaux constitue une prérogative royale et relève de sa compétence. La question devrait être tranchée par les tribunaux au courant de l’automne 2016. Mais même en cas d’issue favorable, le soutien des deux chambres demeure indispensable puisque l’abrogation des traités européens comme la ratification d’une convention de sortie sont, elles, des prérogatives législatives.
Pour ce qui est des déterminants extérieurs, l’horizon temporel semble obscurci par le renouvèlement des exécutifs français et allemand, respectivement prévus au printemps et à l’automne 2017, lesquels seraient susceptibles de changer drastiquement le contexte de négociations déjà engagées le cas échéant. L’activation de l’article 50 pourrait donc ne pas se produire avant la fin de l’année 2017, ce qui repousserait le départ effectif du Royaume-Uni au quatrième trimestre 2019.
D’autre part, il semble que l’enclenchement formel de la procédure de sortie puisse avoir des répercussions majeures sur la situation économique et financière mondiale. Il apparait en effet que d’importantes banques se préparent à un « hiver nucléaire économique » [35] consécutif à l’activation de l’article 50. Il se peut très bien que nous soyons là dans le prolongement du catastrophisme qui a caractérisé une bonne partie de la campagne en faveur du Remain. Pour autant, la réaction des opérateurs économiques internationaux devrait constituer, sous une forme ou une autre, l’un des principaux paramètres de l’équation britannique.
En tout état de cause, le gouvernement de Theresa May ne semble pas nécessairement pressé par le temps. Si le contrecoup économique du vote commence à se faire sentir, la baisse de la livre sterling profite aux exportations et a déjà permis d’atteindre des records touristiques saisonniers. Mais plus important encore, les vents contraires auxquels l’UE est désormais confrontée sont tels que c’est une Commission européenne en position de négociation beaucoup plus faible qui pourrait, avec le temps, se voir notifier l’avis selon l’article 50.

Djiby Sow est politologue et juriste de droit international public, diplômé de l’Université de Montréal. Il s’intéresse aux questions de sécurité internationale et de lutte contre le terrorisme, notamment dans la région du Sahel et en Afrique de l’Ouest. Son ouvrage intitulé « La légalité de l’intervention militaire française au Mali. Contribution à l’étude du cadre juridique de la lutte armée contre le terrorisme international » est paru en février 2016 aux éditions L’Harmattan.


[1] Nicolas Dupont-Aignant, Député de l’Essone, Président de Debout la France, « Le mur de Bruxelles est tombé ! - Message aux amis de Debout la France », 25 juin 2016, en ligne.
[2] La Commission européenne avait prévu de soustraire l’accord à la ratification des parlements nationaux. Mais sous pression, Angela Merkel, suivie de la France, avait annoncé que le traité serait soumis au Bundestag. Dans un revirement tout à fait inattendu, le Président de la commission Jean-Claude Juncker a proposé d’étendre la consultation à tous les parlements nationaux. v. « EU Commission : CETA should be approved by national parliaments », dw.com (Deutsche Welle), 5 juillet 2016, en ligne.
[3] Ce mécanisme permet aux entreprises étrangères de poursuivre un État partie à un traité d’investissement devant un tribunal arbitral international si elles estiment que l’action dudit État est de nature à porter préjudice à la pleine rentabilité de leur(s) investissement(s). Le concept des tribunaux d’investissement a permis aux négociateurs canadiens et européens de contourner les résistances politiques suscitées par l’ISDS et d’aller de l’avant. Le mécanisme demeure cependant un des points d’achoppement des négociations du traité de libre-échange entre l’UE et les États-Unis. v. l’analyse du professeur David Schneiderman, « A CETA investment court is not the solution », Theglobeandmail.com, 5 mars 2016, en ligne.
[4] Note de la rédaction : Dans une large mesure, cette « Europe à la carte » est depuis longtemps un réalité au vu des différences des engagements des Etats membres à l’égard de la Convention Schengen, de l’euro ou de l’OTAN.
[5] v. Soeren Kern, « Could Italy Bring Down the Euro ? », Gatestone Institute, 14 juillet 2016, en ligne.
[6] « Le patron de la DGSI craint une guerre civile en France », Directmatin.fr, 12 juillet 2016, en ligne.
[7] Le projet d’approfondissement s’articule autour de trois axes : sécurité, immigration, croissance et union monétaire. v. Jean-Marc Ayrault and Frank-Walter Steinmeier, « A strong Europe in a world of uncertainties », en ligne.
[8] « Sommet de l’OTAN : la Russie n’est ‘pas un adversaire, pas une menace’, selon Hollande », Lemonde.fr, 8 juillet 2016, en ligne.
[9] « Germany’s economy minister : U.S.-EU free trade talks have failed », Reuters.com, 28 août 2016, en ligne.
[10] Cécile Ducourtieux, « Tafta : la France réclame l’arrêt des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique », Lemonde.fr, 30 aout 2016, en ligne.
[11] Le vice-président américain Joe Biden déclarera à ce sujet dans une intervention à l’université Harvard : « il est vrai qu’ils ne voulaient pas le faire. Mais encore une fois, ce fut sous le leadership de l’Amérique et à l’insistance du Président des États-Unis, allant parfois jusqu’à quasiment embarrasser l’Europe [pour la contraindre à] se lever et à accuser des coups économiques pour imposer des coûts [à la Russie] (traduction de l’auteur) ». United States of America, The White House, « Remarks by the Vice President at the John F. Kennedy Forum », 3 octobre 2014, en ligne.
[12] Tim Sculthorpe, « Britain and Russia must ’normalise’ their relations, Boris Johnson tells his counterpart in the Kremlin », Thedailymail.co.uk, 11 aout 2016, en ligne et Arnaud Dubien, « Russie : vers une levée des sanctions fin 2016 ? », Institut des Relations Internationales et Stratégiques [IRIS], 23 mai 2016, en ligne.
[13] North Atlantic Treaty Organization [NATO], « After-Dinner Speech by Admiral Giampaolo di Paola, Chairman of the Military Committee, honouring SHAPE Officers’ Association’s 50th Annual Symposium in Mons », 16 octobre 2010, en ligne.
[14] United States of America, The White House, « Statement by the President on the UK Referendum », 24 juin 2016, en ligne.
[15] Pascal Boniface, « L’Otan a besoin de faire valoir une menace », Institut des Relations Internationales et Stratégiques [IRIS], 9 juin 2016, en ligne.
[16] « Putin : ‘We know when US will get new missile threatening Russia’s nuclear capability’ », Rt.com (Russia Today), 18 juin 2016, en ligne.
[17] v. notamment Keir A. Lieber et Daryl G. Press, « The Rise of U.S. Nuclear Primacy », Foreignaffairs.com, Mars/avril 2006, en ligne.
[18] « Bulgaria says will not join any NATO Black Sea fleet after Russian warning », Reuters.com, 16 juin 2016, en ligne.
[19] Justin Huggler, « German foreign minister condemns NATO’s ‘loud sabre-rattling and warmongering’ against Russia », Nationalpost.com, 19 juin 2016, en ligne.
[20] v. notamment Tim Oliver, « A European Union Without the United Kingdom. The Geopolitics of a British Exit from the EU », LSE Ideas, Strategic Update 16.1, February 2016, en ligne.
[21] v. notamment James Traub, « It’s Time for the Elite to Rise Up Against the Ignorant Masses », Foreignpolicy.com, 28 juin 2016, en ligne.
[22] Une étude de l’université Oxford à paraître en septembre 2016 a montré que sur la période du 20 février au 20 avril 2016, 45% des journaux nationaux assuraient une couverture favorable au Leave contre seulement 27% favorable au Remain. v. Megan Izzo, « Newspaper study finds pro-Brexit bias », Oxfordstudent.com, 29 mai 2016, en ligne ; Jess Staufenberg, « EU referendum : The Sun urges readers to vote Leave as Rupert Murdoch applies pressure », Theindependant.co.uk, 14 juin 2016, en ligne.
[23] « Sun editor defends ’Queen backs Brexit’ headline as watchdog rules it inaccurate », Theguardian.com, 18 mai 2016, en ligne.
[24] v. notamment la contribution de Badia Benjelloun, « La dérive des continents », Dedefensa.org, 28 juin 2016, en ligne.
[25] Zbigniew Brzezinski, « Toward a global realignment », The National Interest, 17 avril 2016, en ligne.
[26] Michael McFaul, « How Brexit is a win for Putin », Washingtonpost.com, 25 juin 2016, en ligne.
[27] Pierre Fay, « Le Royaume-Uni prépare la première émission obligataire en yuan, hors de Chine », Lesechos.fr, 9 octobre 2014, en ligne..
[28] Nicholas Watt, « US Anger at Britain joining Chinese-led investment Bank AIIB », Theguardian.com, 13 mars 2015, en ligne.
[29] Robin Pagnamenta, Sean O’Neil, « Chinese Hinkley backer is accused of espionage », Thetimes.co.uk, 11 août 2016, en ligne.
[30] Georges Keate, « May sends trade letter to China amid Hinkley row », Thetimes.co.uk, 16 août 2016, en ligne.
[31] Andrew Roberts, « Britain and Obama’s ‘Back of the Queue’ », 17 juin 2016, wsj.com (The Wall Street Journal), en ligne.
[32] « Brexit can be curbed in ‘number of ways’, says John Kerry – video », The Guardian.com, 29 juin 2016, en ligne.
[33] « Fusion approuvée entre Deutsche Börse et la Bourse de Londres », Ledevoir.com, 5 juillet 2016, en ligne.
[34] « Top law firm to challenge UK government on Brexit », dw.com (Deutsche Welle), 4 juillet 2016, en ligne.
[35] Spriha Srivastsava, « Banks are preparing for an ‘economic nuclear winter’ », CNBC.com, 29 août 2016, en ligne.

Djiby SOW





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