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mai 26, 2015

Humour et Liberté

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Toujours aussi d'actualité, les régimes politiques peuvent se modifier; Mais les motivations des gouvernants sont toujours les mêmes. Histoire répétitive de la dette publique



 Sommaire:

A) Colbert-Mazarin: L'Etat et ses dettes! -  Antoine Rault

B) L’Etat, sa Dette et son peuple - Alain Genestine (2007)

C) Leçon d'économie et de Finance : Impôts, Emprunt d'état, loterie nationale... François Ier

D) - Humour de Wikiberal

E) ETRE PRESIDENT, C'EST PAS UNE SINECURE - Par Christiane Chavane

F) Voilà pourquoi le socialisme ne marche pas - Source: http://neoconservatisme.over-blog.com/

G) La liberté d'expression, Vincent Bénard

 

 
A) Colbert-Mazarin: L'Etat et ses dettes! - Antoine Rault

Au sommet de son pouvoir mais à la fin de sa vie, le Cardinal Mazarin achève l'éducation du jeune roi Louis XIV, sous le regard de la reine-mère Anne d'Autriche et d'un Colbert qui attend son heure. Tous ces personnages, leurs calculs et leurs rivalités ne sont pas sans rappeler les jeux du pouvoir et ces liens étroits entre affaires publiques et vie privée que l'on connaît aujourd'hui 


Colbert: Pour trouver de  l'argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus.
J'aimerais que  Monsieur le Surintendant m'explique comment on s'y prend pour dépenser  encore quand on est déjà endetté jusqu'au cou…

Mazarin: Quand on est un  simple mortel, bien sûr, et qu'on est couvert de dettes, on va en prison.  Mais l'Etat…, lui,
C’est différent. On ne peut pas jeter l'Etat en prison.  Alors, il continue, il creuse la dette ! Tous les Etats font ça.

Colbert : Ah oui ? Vous  croyez ? Cependant, il nous faut de l'argent. Et comment en trouver quand  on a déjà créé tous les impôts imaginables ?

Mazarin  : On en crée  d'autres.

Colbert : Nous ne pouvons  pas taxer les pauvres plus qu'ils ne le sont déjà.

Mazarin : Oui, c’est  impossible.

Colbert: Alors, les riches ?

Mazarin: Les riches, non  plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des  centaines de pauvres

Colbert : Alors, comment  fait-on ?

Mazarin: Colbert, tu  raisonnes comme un fromage (comme un pot de chambre sous le derrière d'un  malade) ! il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres, ni  riches… Des Français qui travaillent, rêvant d'être riches et redoutant  d'être pauvres ! c'est ceux-là que nous devons taxer, encore plus,  toujours plus ! Ceux là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour  compenser… c'est un réservoir inépuisable.


Extrait du « Diable Rouge » C’était il y a 4 siècles !
Nota : Enfin presque !!! Il semblerait que ce dialogue ait été « reconstitué » à l’occasion d’une pièce de théâtre « Le Diable Rouge » écrite par Antoine Rault et qui a reçu un Molière en 2009.
Mais personnellement, je trouve ce dialogue très crédible tant la classe moyenne a toujours été la vache à lait des gouvernements …



B) L’Etat, sa Dette et son peuple - Alain Genestine (2007)

Sur une reprise de la fable de "la Cigale et la Fourmi" de Jean de La Fontaine, un petit peu de dérision dans cette morosité ambiante.


L’Etat, sa Dette et son peuple.


- L’Etat avec sa générosité bien connue,

- Enrôla les banques afin de prêter argent

- A d’insolvables inconnus.

- L’Etat « nounou » ; Mais toujours aussi indigent,

- Se trouva fort dépourvu,

- Quand la crise fut venue.

- Pas un seul petit billet dans ses rets.

- D’énorme dette et ses intérêts.

- Il alla crier famine

- Auprès du peuple qui faisait mine,

- Justifiant le bienfait de le taxer

- De quelque argent pour subsister, sans vexer.

- Jusqu’à une ère, souhaitée plus tranquille,

- Je vous promet dû, dit-il,

- Avant quelques mandats,

- Intérêt et principal, parole d’Etat.

- Le peuple a ne pas abuser s’il en faut

- C’est là son moindre défaut.

- Que faisiez-vous lors de forte croissance ?

- Dit-il à cet Etat « taxeur » en toute bienséance.

- Nuit et jour à tout venant

- Je promettais, ne vous déplaise.

- Vous promettiez ? Nous en sommes fort aise.

- Eh bien ! Prenez vos responsabilités maintenant.

- Ne laissez pas nos enfants en apnée

- Par les fruits pourris d’un système mort-né.

- Faites moins d’Etat pour plus de Liberté

- Nonobstant plus d’humilité.

A-G



 


C) Leçon d'économie et de Finance : Impôts, Emprunt d'état, loterie nationale... François Ier


 Extrait du film François Ier... de 1937 avec Fernandel.


 
 

D) - Humour de Wikiberal 

L'humour est une forme d'esprit railleuse qui (selon Larousse) « s'attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ».
« Politesse du désespoir » d'après Boris Vian, c'est « une façon habile et satisfaisante de désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus », selon Romain Gary. « Rire, c'est être malicieux, mais avec une bonne conscience  » (Friedrich Nietzsche, Le gai savoir).

Voir aussi

Citations humoristiques

« Chaque plaisanterie est une petite révolution. » (George Orwell)
  • Justice : un produit plus ou moins frelaté que l'État vend au citoyen pour le récompenser de son obéissance, de ses impôts et des actions civiles qu'il exerce. (Ambrose Bierce, Le dictionnaire du diable)
  • Agissez contre la pollution ! Refusez de respirer ! » (Achille Talon)
  • Qui peut honnêtement, sans arrière-pensées, rendre Marx responsable des millions de morts du communisme sous prétexte qu'il avait oublié le facteur humain dans ses calculs ? (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • Tous les êtres de toutes les Galaxies sont égaux devant la Grande Matrice, indépendamment de leur forme, du nombre de leurs écailles ou de leurs bras, et indépendamment même de l'état physique (solide, liquide ou gazeux) dans lequel il se trouve qu'ils vivent. (Umberto Eco)
  • Le communisme, c'est une des seules maladies graves qu'on n'a pas expérimentées d'abord sur les animaux. (Coluche)
  • Grâce à Nietzsche, la pensée occidentale se débarrasse pêle-mêle de la morale, des valeurs, des Grecs, de Dieu, de l'État, de la Démocratie... autant d'inventions nées de la haine, du ressentiment et de la résignation des faibles, toujours en train de se plaindre et d'appeler la police. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • C'est pas grave d'être de gauche... en général ça passe au premier relevé d'ISF. (Gaspard Proust)
  • Ah ! Que ne suis-je riche, pour venir en aide au pauvre que je suis ! (Tristan Bernard, Le fardeau de la liberté)
  • La pensée d'Aristote contient en germe l'Inquisition, le fascisme et le communisme. Heureusement que les deux tiers de son œuvre ont été égarés ! (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • La première Loi de l’Économie est : pour tout économiste, il existe un économiste d'avis contraire. La seconde Loi de l’Économie est : ils ont tous les deux tort. (econoclaste.org)
  • Économie : la science qui permettra d'expliquer demain pourquoi les prédictions d'hier ne se sont pas réalisées aujourd'hui. (anonyme)
  • Si vous pensez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance ! (Derek Bok)
  • Hannah Arendt : sa critique du totalitarisme fait autorité, sauf peut-être chez les penseurs fascistes et staliniens. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • Quel mérite y a-t-il à donner un emploi à quelqu'un qui le mérite ? En donner à ceux qui ne le méritent pas, ça, c'est du mérite ! (Ayn Rand, La Grève)
  • Egoïste : personne de mauvais goût, qui s'intéresse davantage à elle-même qu'à moi. (Ambrose Bierce, Le dictionnaire du diable)
  • Inventeur de la théorie des Idées, Platon démontre que nous sommes prisonniers d'une caverne insalubre et que nous tournons le dos à la vraie vie qui est ailleurs. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • Selon certaines sources, l'hégélianisme aurait fait à ce jour plus de 185 millions de morts, et au moins le triple de migraineux. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • S'il y avait un impôt sur la connerie, l'Etat s'autofinancerait. (Coluche)
  • Qui donne à l’État prête à rire. » (Tristan Bernard)
  • Premier libéral-libertaire, Guillaume d'Occam oppose l'intuition personnelle et expérimentale à l'ordre prétendument naturel et immanent. Ce faisant, il invente le nominalisme et le rasoir. (Basile de Koch, Histoire universelle de la pensée, 2005)
  • La moitié des hommes politiques sont des bons à rien. Les autres sont prêts à tout. (Coluche)
  • Ça fait beaucoup marrer les gens de voir qu'on peut se moquer de la politique, alors que, dans l'ensemble, c'est surtout la politique qui se moque de nous. (Coluche)
  • La grande différence qu’il y a entre les oiseaux et les hommes politiques, c’est que, de temps en temps, les oiseaux s’arrêtent de voler. (Coluche)
  • Les fonctionnaires sont tellement habitués à ne rien faire que lorsqu'ils font grève, ils appellent ça une "journée d'action". (Coluche)
  • La politique est l'art de chercher des ennuis, de les trouver, d'en donner un diagnostic erroné, puis d'appliquer les mauvais remèdes. (Groucho Marx)
  • Les hommes politiques et les couches des bébés doivent être changés souvent... et pour les mêmes raisons. (George Bernard Shaw)
  • Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas. (devise Shadok applicable à l'interventionnisme étatique)
  • Le problème des Français est qu'ils n'ont pas de mot dans leur langue pour "laissez-faire". (Graham Watson)
  • J’adorerais être de gauche. C’est un souhait, mais je trouve que c’est tellement élevé comme vertu que j’y ai renoncé. C’est un gros boulot, un dépassement de soi, c’est une attitude, une présence à l’autre… Il faut être "exceptionnel" quand tu es de gauche. Quand tu n’es pas de gauche, tu peux être moyen. Quand tu es de gauche, c’est l’excellence, le génie moral, le génie de l’entraide. C'est trop de boulot ! (Fabrice Luchini, France 2, 17/10/2013)
  • Les socialistes ont eu tort de venir au pouvoir. Ils auraient dû faire comme Dieu : ne jamais se montrer pour qu'on continue à y croire. (Coluche)






E) ETRE PRESIDENT, C'EST PAS UNE SINECURE

Après avoir lu le compte rendu du discours que Nicolas Sarkozy a fait devant les députés UMP, je n'ai pas pu m'empêcher de le réécrire version Ouvrard (1932 : je n'suis pas bien portant).

Depuis que je suis président
C’n’est pas rigolo. Entre nous,
J’ai beau avoir le mors aux dents,
Je me fais un mauvais sang fou.
J’ai beau vouloir tout réformer
Les idées refusent de germer.
 
J’ai l’Borloo
Bien falôt
Bussereau
Qui prend l’eau
Nathalie
En folie
La Lagarde
Qui m’met en garde
Le Fillon
Qui fait l’…
Et la MAM
fait du ramdam
Y’a la Dati
Qu’à pas tout dit
La Pécresse
En détresse
Le Kouchner
Sur les nerfs
La Boutin
Pas boute en train
 
Ah mon Dieu qu’c’est embêtant
D’travailler tambour battant
Ah mon Dieu qu’c’est embêtant
De mener c’gouvernement
 
Pour tâcher d’guérir la France
Ce matin com’ mon coeur balance
J’ai convoqué le Parlement
Et j’ai reçu les opposants
D’quoi souffre-t-elle ? Qu’ils m’ont d’mandé
C’est bien simpl’ que j’ai répliqué
 
J’ai la dette
Qui m’embête
La sécu
Qu’est perclue
Les allocs
En breloque
Les retraites
En goguette
Y’a l’euro
Qu’est trop haut
Et l’pétrole
Qui s’étiole
Tous nos sous
Sont au clou
Les achats
Sont trop bas
Tout’ les poches
S’effilochent
Y’a la PAC
Mise à sac
Par l’Europ’
Qu’est pas top.
Y’a la Chine
Qui me mine
Le travail
Qui se taille
Les patrons
Hauss’le ton
 
Ah mon Dieu qu’c'est embêtant
D’s’occuper ainsi tout le temps
Ah mon Dieu qu’c'est embêtant
Ces problèmes sont importants
 
Pour leur trouver des solutions
Sans tomber sous l’coup d’l’émotion
J’veux faire voter bien des motions
Mais tout l’monde me dit : « attention »
L’état c’est moi et moi tout seul
Fait' c’que j’dis et fermez vos gueul'

Par Christiane Chavane




F) Voilà pourquoi le socialisme ne marche pas

Cela circule sur le net et cela démontre pourquoi le socialisme amène systématiquement les sociétés à la faillite. C'est simple et bien expliqué.

Un professeur d'économie dans un lycée annonce fièrement qu'il n'a jamais vu un seul de ses élèves échouer mais, par contre, une année, c'est la classe entière qui a connu l'échec.

Cette classe était entièrement convaincue que le socialisme est une idéologie qui fonctionne et que personne n'y est ni pauvre ni riche; un système égalitaire parfait, en quelque sorte.

Le professeur dit alors: "OK donc, nous allons mener une expérience du socialisme dans cette classe. A chaque contrôle, on fera la moyenne de toutes les notes et chacun recevra cette note. Ainsi, personne ne ratera son contrôle et personne ne caracolera avec de très bonnes notes.".

Après le 1er contrôle, on fit la moyenne de la classe et tout le monde obtint un 13/20. Les élèves qui avaient travaillé dur n'étaient pas très heureux; par contre, ceux qui n'avaient rien fait étaient ravis.

A l'approche du 2e contrôle, les élèves qui avaient peu travaillé en firent encore moins tandis que ceux qui s'étaient donné de la peine pour le 1er test décidèrent de lever le pied et de moins réviser. La moyenne de ce contrôle fut de 9/20! Personne n'était satisfait.

Quand arriva le 3e contrôle, la moyenne tomba à 5/20. Les notes ne remontèrent jamais alors que fusaient remarques acerbes, accusations et noms d'oiseaux dans une atmosphère épouvantable, où plus personne ne voulait faire quoi que ce soit si cela devait être au bénéfice de quelqu'un d'autre.

A leur grande surprise, tous ratèrent leur examen final. Le professeur leur expliqua alors que le socialisme finit toujours mal car quand la récompense est importante, l'effort pour l'obtenir est tout aussi important tandis que si on confisque les récompenses, plus personne ne cherche à réussir ou n'essaie de s'améliorer.

Les choses sont aussi simples que ça.



G) La liberté d'expression, Vincent Bénard 

 

 

 

 

octobre 18, 2014

Qui a peur du libéralisme ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Le combat antilibéral, dont plusieurs mouvements altermondialistes se sont fait une image de marque, est une impasse. Prétendre que la pensée libérale est la cause unique du désordre économique et du désarroi social, prétendre aussi que le seul espoir d'un monde juste passe par la lutte acharnée contre le libéralisme, c'est se tromper d'adversaire, ignorer le terrain où le combat doit se livrer et quelles sont les seules armes encore efficaces. L'ennemi n'est pas le libéralisme, mais une forme redoutable de capitalisme, prédatrice et lourde d'instabilité. Le terrain n'est plus un monde calfeutré, où chaque Etat est libre de choisir son style d'économie, mais un monde ouvert où les choix des uns sont aussitôt sanctionnés par les autres.

Les armes les plus crédibles sont des modes de régulation et des pratiques de gouvernance qui ont été élaborées au sein de la tradition libérale. C'est du libéralisme que sont issues les formes pathologiques de l'ultralibéralisme d'aujourd'hui. Mais c'est du libéralisme aussi que viennent les meilleurs outils pour les combattre. Les idées libérales sont donc à la fois l'une des sources du problème et sa solution.

La pensée libérale a pris corps au XVIIe siècle autour de l'idée qu'il existe une sphère sociale, ou société, distincte de l'Etat et de l'Eglise, sphère en laquelle les activités humaines sont autonomes et libres. Le libéralisme s'est ensuite incarné dans un ensemble de thèses liées à la nature de l'ordre politique, à la séparation des pouvoirs, à la défense de la tolérance religieuse, des libertés fondamentales de la personne et à la promotion de la règle de droit, thèses qui lui ont donné son visage familier. Le combat pour les libertés inclut bien sûr la liberté économique: liberté d'entreprendre, de commercer, de contracter. En ce sens, le libéralisme économique ne saurait être dissocié du libéralisme politique et culturel.

 
Le libéralisme exprime d'abord une conception de l'homme et de la société. On peut ne pas la partager et se dire pour cette raison antilibéral. C'est le cas des courants conservateurs, qui dénoncent comme illusoires la liberté humaine et les prétentions des sociétés humaines à se régler elles-mêmes sans référence à une réalité transcendante. C'est le cas aussi du communisme politique qui considère que l'exercice des libertés économiques n'engendre que chaos et servitude, lorsqu'il est réglé par les contrats au lieu d'être régi par l'Etat. C'est le cas bien sûr de l'extrême droite qui associe le paternalisme corporatiste et l'exaltation de l'identité nationale à une rhétorique de rédemption sociale qui appelle au ressaisissement collectif.

Mais c'est le cas surtout de l'extrême gauche actuelle qui, avec son leitmotiv antilibéral, attise les derniers feux des utopies sociales. Elle donne voix à la nostalgie d'un Etat protecteur et interventionniste, d'un pouvoir gouvernemental souverainiste, et d'une démocratie de revendications, tout cela désigné de manière forfaitaire par l'euphémisme «retour du politique». Elle prône une transformation sociale radicale, méconnaît la divergence des intérêts, méprise la recherche des réformes progressives, et assoit son autorité en prétendant parler au nom d'un mouvement social légitime à ses yeux dans sa seule fraction vociférante et radicale.

Parmi toutes ces formes d'antilibéralisme, rares sont celles, surtout à gauche, qui seraient prêtes à expliciter les raisons de leur critique. Leur popularité dans l'opinion en serait vite mise à mal. Car derrière leur haine du libéralisme, qu'elle soit d'extrême droite ou d'extrême gauche, il y a un mépris d'ensemble à l'égard de l'individu moderne et une sourde méfiance devant la capacité des hommes à trouver par eux-mêmes, en tâtonnant, des normes d'existence collective. La passion antilibérale exalte des formes effervescentes et protestataires de démocratie, sans souci pour la nécessité d'éclairer les esprits et de pondérer les jugements. Elle amalgame à dessein les principes du marché et de la concurrence aux abus, monopoles et fraudes des formes pathologiques du capitalisme.

Dans cette réduction systématique au pire, l'Europe «libérale», c'est-à-dire l'Europe de l'ouverture et des normes, devient cette forme même de mondialisation que le modèle européen est censé combattre.

 
L'un des enjeux politiques majeurs pour la tradition libérale est de savoir comment régler l'exercice collectif des libertés, surtout économiques. Il suffit de considérer l'horreur de la misère ouvrière au début de la révolution industrielle, ou la dureté de la vie économique d'aujourd'hui, pour constater que le jeu des libertés crée souvent instabilité, corruption et drames sociaux. C'est depuis Adam Smith au moins que dans le camp libéral on critique le laisser-faire.

L'ouverture des marchés et l'allégement des contraintes qui pèsent sur la production des richesses sont des recommandations de la pensée libérale, mais pour un libéralisme cohérent, «durable» si l'on peut dire, elles doivent aller de pair avec un souci réel de l'équilibre social et du développement. Pour sauvegarder la liberté de tous, il peut être requis de limiter les libertés présentes, et il est nécessaire de garantir à chacun les moyens d'une liberté effective. Les conséquences concrètes de ces engagements sont une lutte acharnée contre la corruption et les abus de pouvoir, la volonté de garantir des moyens et atouts permettant l'exercice des libertés individuelles, l'exigence d'une formation dispensée à chacun tout au long de la vie, une aide active à la recherche d'emplois, et surtout un accès égal pour tous aux moyens d'émancipation personnelle que sont une éducation de qualité, un logement correct, des transports sûrs et des conditions d'existence décentes.

Par ailleurs, le constat de la diversité irréductible des opinions et des intérêts et la recherche de compromis orientés vers des finalités communes sont au cœur de la pensée libérale. Les organisations multilatérales, malgré leur manque de démocratie, assurent en gros cette fonction. Elles permettent aussi de faire valoir le droit et les raisons contre la force et l'abus (l'organe juridictionnel de l'OMC a ainsi plusieurs fois condamné les pays, dont les Etats-Unis, qui avaient contrevenu aux règles consenties par ses membres). C'est beaucoup, même si cela ne suffit pas. L'échec de l'OMC à Cancun a ainsi révélé, outre une inefficacité de structure, ce qui est une évidence pour un libéral: qu'il n'y a pas de négociation si les deux camps ne sont pas prêts à faire des concessions.

Ces institutions, modifiées dans leur composition et leur fonctionnement, pourraient aussi servir de moyens pour promouvoir peu à peu l'idée d'une redistribution mondiale. La mise en place du récent accord relatif à l'accès aux médicaments génériques pour les pays pauvres, l'aménagement de l'abandon progressif des subventions agricoles et la définition de normes de développement qui devraient accompagner l'ouverture des marchés sont de leur ressort. Ces tentatives sont encore modestes, mais elles montrent que l'exigence de solidarité peut être prise en compte dans un cadre libéral.


Se déprendre de la bien-pensance antilibérale si répandue aujourd'hui est la condition première pour ouvrir les immenses chantiers de réflexion qui sont au croisement d'un engagement libéral et d'une forte préoccupation sociale. Comment donner à chacun les atouts concrets qui lui permettent de se sentir sujet de son existence et de former un projet de vie? Comment faire pour que les conditions d'existence des plus démunis ne soient pas ressenties par eux comme une damnation sociale? Comment inscrire en amont même de la production de réelles orientations sociales? Comment libérer le travail de son caractère asservissant, l'affranchir des formes de pénibilité qui brisent l'individu, et restaurer dans chaque activité initiative et responsabilisation? Comment promouvoir une société civile consciente d'elle-même et capable de se critiquer? Comment réformer l'Etat et la société pour atteindre des objectifs communs en diffusant ressources d'action et garanties?
 
Ces questions sont au cœur des renouvellements politiques d'aujourd'hui. Elles sont rendues pressantes par les récentes mutations sociales et économiques. 


Elles sont en phase avec la manière dont les individus modernes se représentent leurs modes de vie et leurs actions. Les partis réformistes, de droite ou de gauche, qui les poseraient gagneraient sans doute en initiative intellectuelle et en crédibilité. 

Monique Canto-Sperber

 En philosophie politique, je défends le libéralisme tempéré contre le consensus anti-libéral qui règne en France aujourd’hui. Cette posture m’a valu de nombreuses critiques. Considérer la pensée libérale comme synonyme non plus de défense des libertés personnelles mais de dérégulation et de mondialisation sauvages, et donc comme cause unique du désordre social et économique contemporain, c’est se tromper d’ennemi. L’ennemi réel est bien plutôt le capitalisme dans ses formes les plus prédatrices.

 

Monique Canto-Sperber

De Wikiberal
 
Monique Canto-Sperber, née le 14 mai 1954, est une philosophe française. Elle s'intéresse à la philosophie antique (Platon notamment), à l’histoire des idées morales et à la philosophie morale et politique contemporaine. Elle a publié de nombreux ouvrages traduits en plusieurs langues.
Depuis 2005, elle dirige l’École normale supérieure.
 Ses travaux de philosophie grecque (consacrés à la théorie éthique et à la théorie de la connaissance) ont été accompagnés par plusieurs traductions commentées de Platon (Gorgias, Ion, Euthydème, Ménon) et ont fait l’objet de plusieurs ouvrages. Elle a participé au renouveau de la philosophie morale en France, avec la création en 1993 de la collection « Philosophie morale » (bientôt suivie de « Questions d’éthique », en 2000) aux Presses Universitaires de France. Elle a publié plusieurs ouvrages dans ce domaine. Elle a aussi travaillé sur l’éthique des relations internationales et consacré deux livres à cette question. Elle a contribué avec plusieurs ouvrages à l’étude historique et conceptuelle du libéralisme à gauche. La plupart de ses livres sont traduits dans plusieurs langues.
Monique Canto-Sperber développe une analyse du libéralisme visant à lui redonner une légitimité dans le cadre de la pensée politique socialiste[1]. Pour cette raison, les libéraux critiquent sa réduction du libéralisme à un liberalism anglo-saxon qui n'est pas autre chose que la social-démocratie ou le "social-libéralisme" :
On garde et récupère le mot [de libéralisme], mais en le vidant de son contenu classique et le rendant synonyme de socialisme de (semi) marché. À cette aune frelatée, Hayek, Mises et M. Friedman deviennent d’horribles « ultra-libéraux », tandis que les faux « vrais » libéraux sont J. Rawls, Strauss-Kahn ou Hilary Clinton. Cherchez l’erreur ! (Alain Laurent[2]
 
 

Université de tous les savoirs

Questions sur la démocratie - M. Canto-Sperber, JF Copé, P. Ndiaye, G. Fraisse, C. Tasca

 

octobre 17, 2014

L'Illibéralisme français, un semblant d'explication!

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommes-nous sortis de cette culture illibérale ? Bien des éléments de notre actualité politique ou socio-économique sont là pour conduire à donner une réponse négative à cette question. Mais ce serait peut-être déjà beaucoup que d’avoir progressé dans la compréhension de ses termes.
Par Pierre ROSANVALLON, dans "Fondements et problèmes de l' "illibéralisme" français"
 
 
 
Voici ci-dessous l'historique de cette vision illibérale que bon nombre de français sont inconsciemment victime, tout comme nous autres, libéraux à devoir en permanence leur expliquer, tout du moins tenter de le faire. Pourrions-nous penser que les causes ne soient uniquement liées d'une part par rapport à une éducation judéo-chrétienne, d'autre part par une idéologie collectiviste; certes nous en sommes arrivés  et adaptés de part ces deux raisonnements. Cependant quelle évolution a permis d'en arriver à ce jour en cette situation? Les libéraux n'en serait ils pas aussi la cause, différentes mouvances qui se sont constituées, bien souvent respectivement radicalisées. Qu'est-ce donc cette notion "illibérale"?
 
On appellera " illibérale " une culture politique qui disqualifie en son principe la vision libérale. Il ne s’agit donc pas seulement de stigmatiser ce qui constituerait des entorses commises aux droits des personnes, marquant un écart plus ou moins dissimulé entre une pratique et une norme proclamée. Le problème est plus profondément de comprendre une étrangeté constitutive.

On peut caractériser en une première approximation l’illibéralisme de la culture politique française par sa vision moniste du social et du politique ; une de ses principales conséquences étant de conduire à une dissociation de l’impératif démocratique et du développement des libertés. Formulé dans ces termes très généraux, le constat n’est pas en lui-même très original. Il est même d’une certaine façon parfaitement banal. Mais c’est justement cette banalité qui fait problème, repliée qu’elle est généralement sur la dénonciation paresseuse d’un " jacobinisme " chargé de tous les maux. Cornélius Castoriadis disait un jour que le danger que la " langue de caoutchouc " faisait courir à l’intelligence était aussi menaçant que celui de la " langue de bois ". On est tenté de l’approuver quand on considère l’usage appauvrissant et vague qui est fait de cette notion de jacobinisme. Cette dernière a surtout pour inconvénient de marquer un point d’arrêt de la réflexion, de la clore dès son commencement en instituant une sorte de péché originel de la politique française dans lequel s’abîmeraient platement ses malheurs aussi bien que ses dévoiements.


Il vaux mieux aller plus profond et penser avec Tocqueville que c’est dans un lien trouble entre le vieux et le neuf que se sont nouées les idiosyncrasies nationales. Mais ce n’est, par contre, peut-être pas dans les termes d’une continuité, telle que l’expose l’auteur de
L’Ancien régime et la Révolution qu’il faut considérer ce rapport. Il s’agit plutôt d’une figure d’opposition-incorporation. Le monisme français apparaît dans cette perspective comme le produit en tension d’un rationalisme politique et d’une exacerbation de la souveraineté, paradoxalement également critiques l’un et l’autre de l’absolutisme monarchique. Essayons de le montrer.
 
 
 
I – Le rationalisme politique à la française comme illibéralisme

Dans la plupart des pays, l’élargissement du droit de suffrage a été indexé sur les progrès du gouvernement représentatif. L’histoire du suffrage universel, en d’autres termes, s’est inscrite dans une histoire des libertés. Dans l’Angleterre du XVIIe siècle, la lutte contre l’absolutisme se traduit ainsi par une demande d’amélioration des procédures de représentation politique. Rien de tel dans la France du XVIIe. C’est d’abord au nom d’un impératif de rationalisation que s’instruit le procès de la monarchie absolue. L’œuvre des physiocrates exprime remarquablement, au milieu du XVIIIe siècle, la nature et les fondements de cette approche, que Turgot et Condorcet incarneront après eux. La liberté ne procède pas pour eux d’une protection de la loi positive mais d’une organisation conforme à la nature (l’oppression prenant à l’inverse nécessairement sa source dans les égarements de la volonté humaine). Cette vision de la liberté dans son rapport à la loi repose sur une épistémologie de la connaissance centrée sur la notion d’
évidence. Le point est fondamental.

L’évidence exprime en effet la généralité, au-delà donc de toutes les discordes, les équivoques, les indéterminations, les particularités. " Quand les hommes sont malheureusement privés de l’évidence, écrit Le Mercier de la Rivière, l’opinion proprement dite est le principe de toutes forces morales : nous ne pouvons plus alors ni connaître aucune force, ni compter sur elle. Dans cet état de désordre nécessaire, l’idée d’établir des contre-forces pour prévenir les abus arbitraires de l’autorité souveraine, est évidemment une chimère : l’opposé de l’arbitraire, c’est l’évidence ; et ce n’est que la force irrésistible de l’évidence qui puisse servir de contreforce à celle de l’arbitraire et de l’opinion ". Les physiocrates sont sur ce point des disciples de Malebranche. Ils ont lu et médité
De la recherche de la vérité et s’appuient sur son auteur pour disqualifier la volonté et l’opinion. C’est un moyen commode de déplacer ou d’éviter le problème de l’auto-institution du social. Devant l’évidence, nécessité et volonté fusionnent en effet. "L’évidence doit être le principe même de l’autorité parce qu’elle est celui de la réunion des volontés ", dit Le Mercier. Elle est l’équivalent du principe d’unanimité, forme de la raison universelle. C’est un mode d’accès à la vérité et à l’intérêt général qui n’implique aucunement la délibération ou l’expérimentation.

Le " libéralisme " à la française articule ainsi de façon très particulière le culte de la loi et l’éloge de l’État rationalisateur, la notion d’État de droit avec celle de puissance administrative. L’avènement d’un État rationnel constitue dans cette perspective une condition de la liberté : loi, État et règle générale finissent par se superposer. Dans le seconde moitié du XVIIIe siècle, ce rationalisme politique ne constitue pas seulement une doctrine, il trouve un point d’appui et une forme de mise en œuvre dans les transformations concrètes de l’appareil administratif. Après 1750, le vieux monde des officiers commence en effet à reculer devant l’ascension des commissaires, marquant une inflexion décisive dans l’évolution de l’administration vers une organisation moderne. Le despotisme éclairé et le libéralisme à la française trouvent un terrain de rencontre ambigu dans un tel processus de rationalisation de l’appareil d’État, laissant vide l’espace intellectuel occupé par le libéralisme anglais.


C’est à partir de là qu’il faut comprendre l’hostilité latente à Montesquieu, à qui beaucoup reprochent de s’appuyer sur des principes " gothiques " pour combattre l’absolutisme. C’est aussi à partir de là qu’on peut analyser le rapport des Lumières françaises à l’Angleterre ou à l’Amérique.


Si les fruits du régime anglais – la tolérance et la liberté – sont unanimement appréciés, les principes sur lesquels il repose sont loin de recueillir le même assentiment. Il ne faut pas se tromper sur l’anglophilie des Lumières : elle est politique et non philosophique, comme en témoignent bien les
Lettres anglaises de Voltaire. De la même façon, les Lumières ont soutenu l’émancipation américaine tout en prenant rapidement leurs distances vis-à-vis de l’œuvre constitutionnelle des Américains, trouvant qu’elle restait trop marquée par l’esprit de la " Common law " anglaise et de la balance des pouvoirs. Dans sa fameuse lettre au Docteur Price (22 mars 1778), Turgot reproche ainsi à ce dernier de rester prisonnier des " bases fausses de la très ancienne et très vulgaire politique ". L’opposition entre le rationalisme à la française et le libéralisme anglais trouve plus tard sa formulation classique dans les notes que Condorcet et Dupont de Nemours ajoutent en 1789 à la traduction française de l’ouvrage de Livingston, Examen du gouvernement d’Angleterre, comparé aux constitutions des États-Unis. Les deux philosophes français y exposent de façon très claire les fondements de leur hostilité au parlementarisme à l’anglaise. L’existence du Parlement, argumentent-ils, ne garantit aucunement la protection des individus. " Le mal d’un gouvernement arbitraire, insistent-ils, n’est pas dans celui qui l’exerce ; il est dans l’arbitraire ". Le Parlement, en effet, peut tout autant qu’un monarque absolu prendre des résolutions dommageables. Il y a certes d’excellentes lois en Angleterre, " mais ces lois sont accidentelles. Elles ne tiennent pas à la Constitution britannique ". L’autorité législative doit être strictement limitée à leurs yeux. " Les nations et les philosophes ont encore des idées très confuses sur l’autorité législative, notent-ils. L’autorité de faire toute espèce de lois, même celles qui seraient absurdes et injustes, ne peut être délégués à personne ; car elle n’appartient même pas au corps entier de la société ". Ils retrouvent là l’essentiel des arguments de Quesnay et de Le Mercier de la Rivière.

Le principe libéral de protection des personnes et des biens ne s’appuie aucunement sur le développement des procédures représentatives dans cette conception ; il trouve un enracinement suffisant dans l’édification d’un pouvoir Un et Raisonnable. Il n’y a guère de place également pour la représentation dans un tel dispositif et l’idée de droit de suffrage est même absolument étrangère à cet univers. La discussion entre gens éclairés d’où germe la Raison suffit à produire les conditions de la liberté. " Que signifie ce nom de
représentation ? demande par exemple Suard. Qu’est-ce que des représentants peuvent représenter sinon l’opinion publique ? Que les débats naissent donc et qu’ils durent tant que cette opinion est incertaine […]. On ne se divise en partis ni à la vue d’une partie d’échecs, ni à la lecture de deux solutions du même problème de géométrie ". Louis Sébastien Mercier reprend aussi ce thème dans L’an 2440. " Les États généraux que nous avons perdus, écrit-il, sont remplacés par cette foule de citoyens qui parlent, qui écrivent et qui défendent au despotisme d’altérer trop considérablement la constitution libre et ancienne des Français ". Au modèle anglais de la protection des libertés par l’existence de contre pouvoirs issus de la représentation politique des principales forces sociales du pays, s’oppose ainsi au XVIIIe siècle le modèle du rationalisme politique à la française.

La liberté est ainsi pensée contre le libéralisme pour parler abruptement.


Ce rationalisme politique a-t-il été défait par l’éloge de la volonté qui marque la culture politique révolutionnaire ? Non. Il a plutôt subsisté
en tension avec l’idée de souveraineté du peuple. Car la tension des principes – l’évidence versus la volonté, la raison versus le nombre – a d’une certaine manière été dépassée dans une commune célébration de l’unité. C’est une même façon de penser la généralité comme totalité et d’en disqualifier tout mode d’appréhension pluriel. La façon de concevoir la souveraineté du peuple, pour dire les choses autrement, s’est appuyée sur la même vision du social que celle dont procédait l’éloge de l’État rationalisateur.

II – Une façon de penser l’intérêt général et la souveraineté qui disqualifie les corps intermédiaires


Dans son fameux discours sur le veto royal du 7 septembre 1789, Sieyès a eu les mots extraordinaires que l’on sait pour dénoncer le risque de voir la France transformée en une " chartreuse politique ". Pour accomplir l’œuvre révolutionnaire, il lui semblait, en effet, qu’il fallait ériger la nation en une puissance aussi compacte et indécomposable que l’avait été la puissance déchue du monarque. Ce principe d’opposition s’est ainsi doublé d’une véritable réappropriation, comme si le problème était finalement d’opérer une sorte de " régénération " de l’État rationalisateur (distingué du pouvoir absolutiste par sa capacité à la généralité). C’est ainsi cette culture réappropriée du rationalisme politique qui fait le lien entre le vieux et le neuf de la culture politique française. C’est donc naturellement autour d’une vision commune de l’intérêt général que se joue cette continuité. De Turgot à Le Chapelier une même disqualification des corps intermédiaires l’a sous-tendue.


" Il n’y a plus de corporations dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation. " En résumant dans ces termes constamment cités le sens du fameux décret du 14 juin 1791 portant suppression des maîtrises et jurandes, Le Chapelier a bien suggéré la nature de la modification des rapports entre l’État et la société dont la Révolution marquait l’avènement.


L’anticorporatisme théorique de la culture politique révolutionnaire et les effets des dispositions juridiques de 1791 se sont conjugués pour conduire l’État à combler le vide de sociabilité et le déficit de régulation engendrés par la mise hors la loi des corporations, comme de toutes les autres formes de corps intermédiaires. Il est apparu comme la seule figure incarnant l’intérêt général en même temps qu’il résumait en lui la sphère publique. Il n’y avait pas de place pour l’idée associative dans ce contexte ou, du moins, y avait-il une contradiction insurmontable entre le principe libéral de la liberté d’association, reconnu en théorie, et le refus politique et philosophique de voir se constituer des formes d’organisations sociales pouvant prétendre incarner une certaine dimension publique. D’où le procès permanent en suspicion légitime de tous les corps intermédiaires instruit au XIXe siècle. " Toutes les corporations tendent à l’aristocratie ", disait-on pendant la Révolution, montrant à quel point la notion de privilège était alors étroitement associée à celle d’intérêt particulier. Les conditions de la rupture avec l’Ancien Régime, la simplification de l’opposition entre le vieux et le neuf ont alors conduit à une vision systématiquement négative des groupes de pression, entraînant une radicalisation de la séparation entre l’État et la société civile.


Cette philosophie de l’intérêt général a souvent été exposée. De là procèdent, on le sait bien, les réticences à reconnaître le fait syndical (il ne l’est formellement qu’en 1884) et les lenteurs pour organiser le droit d’association (en 1901). Tout a été dit d’une certaine façon sur ce point. Depuis deux siècles, les Français n’ont cessé d’entretenir un rapport particulièrement équivoque à l’idée d’intérêt général. La haine du corporatisme et la dénonciation des intérêts particuliers, en tant qu’ils symbolisent en 1789 l’Ancien Régime, ont induit dans notre pays une conception abstraite de l’intérêt général. D’où l’impossibilité française de le penser comme un compromis entre des intérêts particuliers, sur le mode anglais ou allemand, ce qui explique pour une large part le fait que la société française ait raté son rendez-vous avec la social-démocratie comme avec le libéralisme pluraliste.


Dans l’ordre politique, les hommes de 1789 avaient d’ailleurs appréhendé la question des partis dans le même esprit antipluraliste. Le 30 septembre 1791, à la veille de sa séparation, l’Assemblée constituante vote ainsi un dernier décret qui met hors la loi les sociétés populaires : " Nulle société, club, association de citoyens ne peuvent avoir, sous aucune forme, une existence politique. " Pour les hommes de 1789, les partis sont dans l’ordre politique l’équivalent des jurandes ou des corporations dans l’ordre économique : un écran perturbateur du bon fonctionnement social et de la poursuite de l’intérêt général. Fait significatif, c’est d’ailleurs le même homme, Le Chapelier, qui rapporte sur le décret du 30 septembre et qui avait été l’instigateur de la suppression des corporations le 14 juin 1791. Lorsqu’il présente le décret sur les sociétés populaires, Le Chapelier lie de façon très significative son projet à la situation politique, expliquant que les sociétés populaires ne s’étaient justifiées qu’en tant qu’instruments de conquête du pouvoir. " Tandis que la Révolution a duré, notait-il, cet ordre de choses a presque toujours été plus utile que nuisible. Quand une nation change la forme de son gouvernement, tout ce qui accélère une révolution doit être mis en usage. C’est une fermentation momentanée qu’il faut soutenir et même accroître […]. Mais lorsque la Révolution est terminée, alors il faut que tout rendre dans l’ordre le plus parfait. " Le raisonnement est partagé par tous les constituants, seule diverge l’appréciation que certains portent sur l’étape dans laquelle se trouve le processus révolutionnaire (Robespierre défend ainsi les sociétés populaires en notant : " Je ne crois pas que la Révolution soit finie "). Les hommes de la Révolution ne reconnaissent que la légitimité
temporaire de partis exprimant un antagonisme purement historique entre les forces de la réaction et celles du mouvement. Leur existence, en d’autres termes, n’est justifiée que dans une société qui n’est pas encore pleinement entrée dans la modernité post-révolutionnaire.
 
III – Le bonapartisme comme clef de l’histoire politique française

Ces analyses amènent à considérer le bonapartisme comme la quintessence de la culture politique française. C’est en effet en lui qu’ont prétendu fusionner le culte de l’État rationalisateur et la mise en scène d’un peuple-Un. Le bonapartisme est aussi pour cela la clef de compréhension de l’illibéralisme français. Il le radicalise, en effet, d’une certaine manière, en mettant brutalement à nu ses ressorts les plus profonds.


On ne peut se contenter pour cela de considérer le césarisme, celui du Second Empire tout particulièrement, comme un simple accident de l’histoire. Il ne marque pas un écart circonstanciel à une " bonne " démocratie française, faisant coexister de façon perverse le mépris des libertés avec une célébration – certes trompeuse – de la souveraineté du peuple.


Le césarisme ne se réduit pas à la coexistence fâcheuse de deux éléments. Le terme de démocratie illibérale n’est intéressant à utiliser que s’il ne se limite pas au caractère descriptif de son énoncé. Il est pour cela important d’approfondir la nature de la raison illibérale qui est à l’œuvre dans cette forme politique. Le trait marquant du césarisme est que les libertés publiques y sont réduites au nom même d’une certaine conception de l’exigence démocratique. Il ne s’agit donc nullement d’une simple contradiction qui serait ou non dissimulée. La démocratie illibérale est en ce sens une pathologie interne à l’idée démocratique. Elle procède de trois éléments que j’ai longuement analysés dans
La Démocratie inachevée. La prétention, d’abord, à réduire l’indétermination démocratique par une philosophie et une pratique de la représentation-incarnation. L’affirmation, ensuite, de l’illégitimité de toute définition du public qui déborde l’espace des institutions légales. Le rejet, enfin, de tous les corps intermédiaires politiques accusés de perturber l’expression authentique de la volonté générale. La démocratie illibérale radicalise bien de la sorte le monisme révolutionnaire tout en l’associant à une résolution utopique du problème de la représentation.

La République a-t-elle rompu avec cela en rétablissant les libertés et en écartant le spectre du pouvoir personnel ? Rien n’est moins sûr. La culture politique républicaine n’est à certains égards qu’un bonapartisme aseptisé et édulcoré.
 
 
De Wikiberal

Les différentes fonctions de l'État

Pierre Rosanvallon distingue quatre grandes fonctions de l'État:
Depuis la fin des années 80, l'État perd de son pouvoir pour plusieurs raisons:
  • Il se désengage de l'économie en privatisant les entreprises publiques, la Sécurité Sociale voit son rôle diminuer, la mondialisation augmente la contrainte extérieure et diminue le pouvoir d'intervention de l'État dans l'économie.
  • Il n'intervient plus autant dans la prise de décision publique, il perd son pouvoir « par le haut », avec la construction européenne; et son pouvoir « par le bas », avec la décentralisation.
Pierre Rosanvallon, né à Blois en 1948, est un historien, sociologue et intellectuel français. Ses travaux portent principalement sur l'histoire de la démocratie, et du modèle politique français, et sur le rôle de l'État et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines1.
Il occupe depuis 2001 la chaire d'histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France2 tout en demeurant directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Il a été l'un des principaux théoriciens de l'autogestion associée à la CFDT. Dans son livre, L'âge de l'autogestion, il défend un héritage philosophique savant, venu à la fois de Marx et de Tocqueville, et annonce une « réhabilitation du politique » par la voie de l'autogestion.


Voir la vision aussi de Vincent Bénard,
(Institut Hayek), cliquez l'image

Le triste état du libéralisme Français

"L'image de la France, pays des lumières et des droits de l'homme, patrie de Voltaire, Tocqueville et Montesquieu, a encore la vie dure. Mais le fait est que la France est certainement aujourd'hui l'une des démocraties où les droits fondamentaux de l'individu, au sens de 1789, sont les moins bien respectés."

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