L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
En France, cette illusion se manifeste dans les critiques à l'encontre de la loi du 3 janvier 1973, dite « loi Rothschild »[5]
(loi abrogée depuis le traité de Maastricht), qui empêche le
gouvernement de s'endetter sans frais, et donc sans fin : faute d'une
telle discipline monétaire, la banque centrale créerait continuellement
de la monnaie à la demande de l’État, y compris pour « rembourser »
cette même monnaie prêtée. Seul un "frein privé" peut faire obstacle à
la "folie publique", car le surendettement public se heurte vite au
refus des acteurs privés de prêter de l'argent qu'ils risquent de ne
jamais revoir. La critique de la « loi Rothschild » relève donc de
l'habituelle sacralisation étatique de l'action publique, action qui
n'est jamais remise en question et qui devrait pouvoir disposer de
ressources inépuisables. En réalité, cette action est toujours
destructrice (voir loi de Bitur-Camember)
et l'étape finale de cette destruction est l'inflation ou
l'hyperinflation, conséquence inéluctable que refusent de considérer les
partisans aveugles de la "planche à billets". Le discours gauchiste
essaie de faire croire que l’État devrait reprendre en main la monnaie
pour le bien de tous ; en réalité l’État a la monnaie en main plus que
jamais, et s'il ne monétise pas sa dette directement, il l'écoule via
les grandes banques qui ont accès à l’épargne mondiale.
Wikibéral
Sommaire:
A) L’État livré aux financiers ? - La loi du 3 janvier 1973 sur la Banque de France
par Vincent Duchaussoy - la vie des idées
C) Idées reçues sur la loi du 3 janvier 1973, dite « loi Rothschild » Par Magali Pernin et Lior Chamla - Contrepoints via leurs blogs respectifs
D) Seigneuriage : Pourquoi la Banque Centrale ne prête pas à l’État Par Acrithène via son blog
E) La loi du 3 janvier 1973 : l'arbre qui cache la forêt - Boreas via son blog vers la révolution
A) L’État livré aux financiers ? - La loi du 3 janvier 1973 sur la Banque de France
Plusieurs partis politiques voient aujourd’hui dans la loi de 1973 sur
la Banque de France le début des problèmes de la dette publique
française. Vincent Duchaussoy replace cette loi dans son contexte
historique et montre combien cette interprétation est erronée.
Votée il y a plus de quarante-et-un ans, la loi du 3 janvier 1973 sur
la Banque de France, qui modifiait les statuts de la banque centrale et
précisait les modalités de financement du gouvernement par cette
dernière, continue d’alimenter de sa présence le débat public, alors
même qu’elle n’est plus en vigueur depuis 1993, date à laquelle une
nouvelle loi conférant notamment à la Banque de France son indépendance
l’a rendue caduque. Par quel miracle expliquer ce phénomène ? Du fait de
la contagion de la crise financière à l’économie réelle et, depuis au
moins 2009, à sa mutation en une crise des dettes souveraines au sein de
la zone euro, la loi de 1973 est parfois présentée, principalement à
l’extrême droite et à l’extrême gauche de l’échiquier politique
français, comme le point de départ de l’asservissement de l’État à la
domination du capitalisme financier. Elle était ainsi présente, à
l’occasion de la campagne présidentielle française de 2012, dans les
programmes diffusés par trois candidats : Nicolas Dupont-Aignan [1], Marine Le Pen [2] et Jean-Luc Mélenchon [3].
À la faveur du relais de cette thématique par la blogosphère à tendance
plus ou moins conspirationniste, cette loi s’est ainsi parfois vue
rebaptisée par ses détracteurs « loi Pompidou », du nom du président de
la République qui la promulgua ; ou encore « loi Pompidou-Rothschild »,
insinuant l’idée d’un complot ourdi par les banques d’affaires et
rappelant opportunément l’expérience de banquier de Georges Pompidou,
précisément au sein de la Banque Rothschild. Nul doute que chez certains
ce second sobriquet satisfasse, en sus de la dénonciation du complot de
la finance mondialisée, quelque antisémitisme nauséabond. Au delà de
ces récupérations extrêmes, la loi du 3 janvier 1973 semble donc être
considérée par certains leaders politiques français comme la loi qui a
mis fin à la possibilité pour l’État de se financer auprès de la banque
centrale. Pourtant, l’analyse historique des relations entre la Banque
de France et l’État montre qu’il s’agit là d’un contresens quant au
contexte historique dans lequel la loi de 1973 a été votée, ainsi que
d’une méconnaissance de la réalité des circuits de financement de
l’État, dans les années 1970 et 1980. Si des réponses factuelles ont
déjà été apportées depuis plusieurs mois aux discours politiques
utilisant la loi de 1973 [4],
nous nous attacherons ici à restaurer cette loi dans le contexte
historique du financement de l’État par la banque centrale au cours de
cette période.
La genèse de la loi de 1973
Il convient, en préambule, de poser une première question. Pourquoi
a-t-il été décidé, en 1972-73, de modifier les textes législatifs
régissant la Banque de France ? Après sa nationalisation par la loi du 2
décembre 1945, votée dans la hâte de mener les débats avant le terme de
l’expiration de son privilège d’émission au 31 décembre de cette même
année, la Banque de France devait, comme le texte de la loi lui-même le
prévoyait, être dotée de nouveaux statuts avant le 28 février 1946.
Cette opération avait pour but de réunir sur un même document l’ensemble
des textes, décrets, circulaires, etc., qui régissaient l’organisation
et les activités de la banque centrale, ainsi que sa relation avec
l’État, dont certains dataient de 1806 (!), ainsi que de les actualiser à
la lumière des changements induits par le passage de la totalité de son
capital dans les mains de l’État. Cette refonte n’a jamais eu lieu, en
dépit de discussions et de constitutions de groupe de travail, au cours
des années 1950 et 1960. La loi de 1973 est donc la première tentative
aboutie de réécriture des statuts de la Banque de France depuis la
codification de 1937, à la suite des réformes induites dans sa
gouvernance par le gouvernement du Front populaire. Avant cette date,
bien que la Banque de France, à sa création simple banque parisienne
d’escompte, de dépôts et d’émission de billets au porteur, fût devenue à
proprement parler une banque centrale depuis les années 1930, aucun
texte ne définissait, sous une forme générale, les missions lui
incombant ni les objectifs qu’elle devait poursuivre. Seuls gouvernaient
en sus des textes originels, la pratique et le poids des héritages.
Au delà de cet aspect préliminaire, la discussion s’ouvrit toutefois
sur des bases bien plus larges. Le principe d’une intervention
législative reposait en effet la question du statut de la Banque de
France vis-à-vis de la puissance publique. Dès 1971, le gouverneur de la
Banque de France, Olivier Wormser, nommé en 1969 par Maurice Couve de
Murville et qui entretenait des relation distantes avec son ministre des
Finances Valéry Giscard d’Estaing, avait pris l’initiative de proposer
au gouvernement un projet de réforme des statuts de l’institut
d’émission, lequel incluait la reconnaissance formelle de l’indépendance
de la Banque de France vis-à-vis du gouvernement. Si cette
revendication a bien vite été abandonnée, elle visait en fait à voir
reconnu le rôle conjoint de la Banque de France et du ministère des
Finances dans la conception de la politique monétaire, plutôt que de
confiner la Banque à des tâches d’exécution. À cet égard, l’article 4 de
la loi, qui prévoyait que la Banque de France « contribue à la
préparation et à la mise en œuvre de la politique monétaire arrêtée par
le gouvernement », donnait à la fois satisfaction au gouvernement de la
Banque et préservait le pouvoir décisionnel du politique. Pour le
législateur, il était du reste entendu que la nouvelle loi ne devait
rien modifier à l’esprit des relations entre la banque centrale et la
puissance publique. Guy Sabatier, député UDR de la première
circonscription de l’Aisne et rapporteur du projet de loi devant la
Commission des Finances de l’Assemblée nationale, l’exprimait en ces
termes : « l’objet du texte n’était en rien de modifier les rapports
existants entre la Banque de France et l’État mais, au contraire, de
maintenir l’institut d’émission à égale distance d’une indépendance
absolue et d’une tutelle excessive » [5].
Mais le principal enjeu portait, en fait, comme la polémique née de sa
relecture contemporaine le montre, sur les relations de trésorerie entre
la Banque de France et le Trésor public, que le gouvernement comme la
Banque de France souhaitaient voir simplifiées.
Comment la Banque de France finançait-elle l’État ?
Le diagnostic était par ailleurs partagé par l’administration des
Finances, pourtant soucieuse de préserver face à la Banque de France
l’étendue de ses prérogatives. Dès 1970, la direction du Trésor jugeait
en effet les moyens de refinancement de ce dernier auprès de la Banque
de France, comme étant complexes et obsolètes. Il s’agissait de
financement à court terme, permettant à l’État de boucler ses fins de
mois sans risquer de se trouver en situation de cessation de paiement. À
cette date, ces possibilités de financement direct étaient constituées
d’une juxtaposition de formules variées, créées à des dates diverses et
reflétant des préoccupations parfois contradictoires. Il importe d’avoir
à l’esprit que si la réforme des statuts de la banque centrale est une
demande de la Banque de France dans le cadre des tentatives de
modernisation de l’institution menées par le gouverneur Wormser, la
demande d’une reformulation de ses relations de trésorerie avec le
Trésor émane de l’administration des Finances ! Quelles étaient donc,
avant la loi du 3 janvier 1973, les modalités des concours offerts par
la Banque de France au Trésor public ?
La couverture des besoins du Trésor était traditionnellement
assurée, en dernier ressort, par des concours directs de l’institut
d’émission [6],
que les deux guerres mondiales avaient contribué à installer. Il
s’agissait en fait de prêts à très court terme, généralement gratuits,
accordés par la Banque au Trésor. Le régime en vigueur à la veille de la
loi de 1973 était fondé sur la convention de trésorerie du 29 octobre
1959. Cette convention autorisait deux types de concours par la Banque
de France. Ils comprenaient, d’une part, les « prêts à l’État » et les
« avances », dont les plafonds étaient variables mais représentait en
1970 respectivement 5,45 et 3,45 milliards de francs, soit un total de
8,9 milliards, fréquemment utilisés en totalité. Ce montant représentait
alors environ 2% du PIB et 16% de la dette publique. [7]
D’autre part, le Trésor pouvait recourir à l’escompte d’obligations
cautionnées – traites fiscales dont l’encours était mobilisable et dont
l’utilisation s’était répandue à compter de 1949 [8]
– pour une manne qui, en 1970, représentait environ quatre milliards de
francs. Il s’agit donc de créances détenues par le Trésor public que la
Banque de France lui rachetait avant leur échéance. Était également
possible, enfin, le réescompte d’effets à moyen terme présentés à la
Banque de France par la Caisse des Dépôts et consignations, qui en
plaçait le produit sur un compte du Trésor. Ces dernières facultés
étaient les moins fréquemment utilisées, principalement du fait du coût
représenté par ces mécanismes, soumis au taux de l’escompte, alors que
les prêts et avances de la Banque de France demeuraient globalement
gratuits [9]. C’est pourquoi le Trésor préférait utiliser prioritairement les avances directes pour son financement au jour le jour.
Le mécanisme des avances directes était toutefois plafonné ;
initialement fixé à 11,5 milliards de francs, la plafond était
progressivement descendu à 8,9 milliards en vertu de la prise en compte
des dividendes versés par la Banque à l’État et de son indexation sur
les plus ou moins values de change enregistrée par la France. En effet,
la Banque de France avait pour mission d’assurer la gestion du
portefeuille de devises étrangères détenues par la France. Tous les six
mois, les bénéfices ou les pertes en devises étaient imputées au compte
du Trésor. Mécaniquement, ce versement venait réduire le montant des
avances. Un système complexe qui pouvait toutefois présenter l’avantage
de n’être accessible qu’à la compréhension des initiés : le « circuit de
financement » du Trésor restait ainsi à l’abri des critiques
extérieures.
Pour le Trésor, l’enjeu était donc de dégager des marges de manœuvre
budgétaires plus larges tout en simplifiant les mécanismes de
financement afin de les rendre plus lisibles. Il s’agissait de
substituer aux marges d’appel existantes (les obligations cautionnées et
les crédits à moyen terme à la construction de la CDC, que nous avons
présentés précédemment) une avance globale rémunérée à des taux
variables selon l’importance des tirages et leur durée. Cette solution
ne pouvait être refusée par le gouverneur de la Banque de France, qui
avait cosigné le rapport Marjolin-Sadrin-Wormser – dit MSW – sur le
marché monétaire et le crédit en 1969, lequel préconisait la
rémunération des avances de la Banque et la suppression du réescompte
des obligations cautionnées, ainsi que des prêts spéciaux à la
construction de la Caisse des dépôts. L’argument était le suivant : le
poids du Trésor sur le marché monétaire depuis la Libération bloquait
tout développement et modernisation des marchés de l’argent en France.
Dans les années 1970, et ce sera le cas plus encore après les chocs
pétroliers successifs, ce financement du Trésor par la création
monétaire pose effectivement deux problèmes principaux du point de vue
de la Banque de France et des gouvernements de l’époque : 1 - il
participe à la spécificité française d’une économie d’endettement fondée
sur un financement assis majoritairement sur le recours au crédit
bancaire plutôt qu’aux marchés financiers ; 2 - il est l’une des sources
principales de l’inflation qui gangrène l’économie française dans les
années 1970, et qui montre des signes de frémissement à partir de la fin
des années 1960.
C’est donc l’objet de la polémique, puisque la loi du 3 janvier 1973
sur la Banque de France allait entériner la transformation du mode de
financement de l’État proposée dès 1969 par le rapport MSW. L’article 25
supprimait en effet la possibilité pour le Trésor de présenter ses
effets à l’escompte de la Banque de France. Autrement dit, la Banque de
France ne pouvait plus financer directement le Trésor par un achat
direct de bons du Trésor. Ce qui ne signifie pas qu’elle ne pouvait pas
financer le Trésor d’une autre manière. Cela ne signifiait pas non plus
que la Banque ne pouvait participer indirectement au financement de
l’État en réescomptant les bons du Trésor achetés par les banques
commerciales, qui pour une large part étaient du reste publiques ! Quant
à l’article 19 de la loi, il stipulait : « Les conditions dans
lesquelles l’État peut obtenir de la Banque des avances et des prêts
sont fixées par des conventions passées entre le ministre de l’économie
et des finances et le gouverneur, autorisé par délibération du conseil
général. Ces conventions doivent être approuvées par le Parlement » [10].
Aux termes de la loi du 3 janvier 1973, le Trésor français ne pouvait
donc plus se refinancer directement à court terme auprès de la Banque de
France. Du reste, les statuts de la Banque de France modifiés en 1936 à
l’initiative du gouvernement du Front populaire avaient déjà proscrit
le réescompte direct des effets à court terme (3 mois) du Trésor. Les
effets publics que détenaient la Banque de France étaient principalement
utilisés comme moyens d’échanges sur le marché monétaire, mais non
comme d’importants vecteurs de financement de l’État qui, on l’a dit,
était assuré par d’autres moyens. Ainsi, la nouvelle loi permettait de
corriger les défauts et remédier à la complexité extrême du système
précédent, sans pour autant n’apporter de grand changement à la capacité
de financement de l’État par la Banque de France. Ni sans immédiatement
modifier profondément, du reste, l’esprit du financement de la dette en
France. Ainsi, la loi de 1973 était davantage le signe d’une
rationalisation du système que d’un changement de paradigme.
La Banque de France a-t-elle abandonné l’État aux marchés ?
À la suite de la promulgation de la loi, qui conférait à l’institut
d’émission de nouveaux statuts, les relations de trésorerie entre le
Trésor et la Banque de France furent redéfinies par une convention
signées entre les parties le 17 septembre 1973, et approuvée dans la
foulée par la Parlement, conformément à la loi. Cette convention de
trésorerie fixait le plafond des concours de trésorerie pouvant être
apportés par la Banque de France au Trésor à 20,5 milliards de francs,
dont la moitié à titre gratuit, ce qui correspondait peu ou prou à
l’agrégation des différents plafonds de financement du système précédent
(cf. Figure 1), mais présentait l’avantage de le simplifier en mettant
fin à l’utilisation des prêts à la construction de la Caisse des dépôts
et consignations et du réescompte des obligations cautionnées. En
d’autre termes, l’État pouvait bien continuer de se financer auprès de
la banque centrale, et dans des proportions analogues à ce qui
constituait ses possibilités antérieures. C’était tout l’esprit de la
loi de 1973 : moderniser le « circuit » de financement tout en
conservant pour le Trésor les mêmes possibilités de financement,
rationalisée par la loi nouvelle. Pour être complet, signalons tout de
même que ce plafond de 20,5 milliards de francs n’était pas fixe mais
soumis à des variations semestrielles consécutives à l’apurement des
opérations de changes [11], comme dans le système précédent et depuis 1949.
Figure 1
De plus, ce plafond de 20,5 milliards, en sus de ses variations
semestrielles, n’était pas immuable et pouvait faire l’objet d’une
modification, par le biais de la signature d’une nouvelle convention de
trésorerie, dûment approuvée par le Parlement, conformément à l’article
19 de la loi de 1973 susmentionné. Finalement, aucune modification n’a
été apportée à la convention de trésorerie de septembre 1973 jusqu’au 4
août 1993 et le vote de la loi portant indépendance de la Banque de
France, dans le cadre des dispositions prévues par le traité de
Maastricht pour la poursuite de l’intégration monétaire européenne.
Ainsi, pendant ces vingt années, le pouvoir politique avait la
possibilité, à tout moment et sans accord préalable de la Banque de
France, de susciter la signature d’une nouvelle convention de trésorerie
et de modifier par un vote du Parlement l’amplitude des possibilités de
financement qu’il s’octroyait auprès de la banque centrale.
Une telle révision a d’ailleurs bien failli se produire. En 1982,
alors que le franc était l’objet de forts mouvements de spéculation sur
le marché des changes et se dépréciait vis-à-vis des autres devises, le
Fonds de stabilisation des changes réalisait d’importants bénéfices en
francs. Ceux-ci contribuaient donc à diminuer mécaniquement le plafond
des avances que le Trésor pouvait solliciter de la Banque de France. Ce
plafond était même réduit à néant entre juillet 1982 et juillet 1983.
Si, on l’a dit, il s’agissait en fait d’une opération blanche sur le
plan comptable, puisque les mêmes sommes étaient portées simultanément
au compte du Trésor, celui-ci arguait légitimement du caractère ubuesque
d’une situation qui voyait ses marges de manœuvres – c’est-à-dire la
possibilité de pallier des fins de mois difficiles, réduites à zéro.
Pourtant, alors qu’il avait la possibilité de demander la signature
d’une nouvelle convention, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy
s’y est refusé. Au moment où celui-ci tentait, tant sur la scène
nationale qu’internationale, de convaincre de ses capacités de gestion,
le signal politique d’un débat nécessairement public devant le Parlement
a sans douté été jugé néfaste. C’était en effet la seule condition
d’une modification législative du plafond des avances : endosser
politiquement la responsabilité d’un recours accru au financement
monétaire.
Cette période des années 1970-1980 est également, il est vrai, celle
du développement du financement de l’État, et donc de la dette, par les
marchés financiers. [12]
Celui-ci avait des origines plus profondes que les modifications, on
l’a vu mineures, apportées aux modalités de financement de l’État par la
banque centrale. Dans le contexte d’une volonté politique, depuis le
milieu des années 1970 et plus sûrement à partir de 1984, de maîtriser
l’inflation qui excédait régulièrement les 10%, l’État et la Banque de
France se fixaient chaque année, d’un commun accord, des objectifs
chiffrés et contraignants d’inflation pour l’année suivante. Cette
politique implicite de ciblage de l’inflation, ainsi que
l’identification de la croissance monétaire comme source principale de
l’inflation, signait le triomphe, en France, des idées monétaristes [13] inspirées par Milton Friedman. [14]
Dans ce cadre, constatant que la création monétaire induite par le
Trésor représentait une part importante de l’inflation française, l’État
a été encouragé, non sans un certain enthousiasme de ses services, à se
financer plus largement par le biais des marchés financiers,
principalement via le marché obligataire dans un premier temps. Ce
mouvement s’est très nettement accéléré à compter du second semestre
1979 et des répercussions du second choc pétrolier, qui accroissait les
besoins de financement.
Figure 2
Marché : marchés financiers ;
CDC : caisse des dépôts et consignations ;
CNF : correspondants non financiers ;
Monétaire : financement monétaire.
En la matière, ainsi que le montre le graphique ci-dessus (Figure 2),
le basculement s’opère autour de l’année 1984, année au cours de
laquelle la part du financement du déficit par le recours aux marchés
est multiplié par deux par rapport à l’année précédente, alors que dans
le même temps la part monétaire du financement du déficit chute de
moitié. La réorientation du financement de l’État accompagnait ainsi la
désinflation engagée, laquelle devait notamment permettre la convergence
de la France avec ses partenaires du Système monétaire européen, et
donc la protection de la stabilité de sa monnaie dans un environnement
monétaire international instable. Elle résultait donc de choix
politiques dictés par la dégradation des finances publiques françaises
et l’état de la contrainte internationale s’exerçant sur la France.
Cette contrainte pouvait être économique, à travers la spéculation qui
s’exerçait alors contre le franc, mais aussi politique, notamment dans
le cadre du processus en cours d’union monétaire européenne, pour lequel
les partenaires de la France exigeaient d’elle plus de convergence.
Mais en aucun cas cette nouvelle orientation du financement de la dette
publique française n’était due aux dispositions législatives de 1973. De
même, à partir de 1974 et des premières répercussions sur l’économie
française du premier choc pétrolier, le déficit et la dette publique
augmentent largement. Il n’est pas sûr qu’en l’absence de loi sur la
Banque de France en 1973, l’on aurait maintenu un pourcentage identique
de financement monétaire. De plus, depuis une loi de 1971 qui développe
le marché monétaire, la Banque de France peut acheter davantage de bons
du Trésor sur le marché monétaire - sorte de marché de l’occasion sur
lequel s’échangent des titres déjà émis - ce qu’elle ne se prive pas de
faire. Le plafond des avances a donc dès lors beaucoup moins de sens,
encore moins si l’on considère qu’il n’était pas indexé sur l’inflation,
alors très importante. L’essentiel du financement repose alors des
mécanismes indirects, à travers le réescompte ou le marché monétaire.
Ainsi, la loi du 3 janvier 1973 sur la Banque de France n’a pas
modifié profondément les conditions du financement de l’État par la
banque centrale. Elle a simplement rationalisé et simplifié les
relations de trésorerie entre le Trésor et la Banque, sans modifier
significativement les ordres de grandeur du système précédent. Ce n’est
que plus tardivement, dans les années 1980 et alors qu’à la suite des
nationalisations de 1982 la quasi-intégralité des banques françaises
sont passées dans le giron public, que le financement du déficit – donc
la dette – s’est réorienté vers les marchés financiers, dans le but de
limiter la part de la croissance monétaire due au Trésor dans
l’inflation. Il est par ailleurs intéressant de constater que le débat
se focalise sur cette loi de 1973 et non sur celle du 4 août 1993 qui,
on l’a vu, consacre l’indépendance de la Banque de France et met un
terme à toute possibilité de financement de l’État par la banque
centrale, que la loi 1973 ne fait que réguler et rationaliser, sans y
mettre fin. Il est ainsi abusif de prétendre que cette loi mineure a
modifié durablement les conditions du financement de l’État. Son
utilisation erronée dans le débat public doit davantage être analysée
comme le symbole de la méconnaissance relative, en France, des questions
liées à la monnaie, dont les débats relatifs aux dernières élections
européennes viennent de fournir de nouveaux et éclairants exemples. Pour
autant, certaines des critiques émises deviennent de fait valides à
partir de 1993. Pourtant, cette loi, qui fit alors l’objet d’âpres
débats, n’est plus du tout mentionnée. Pourquoi ? Sans doute parce dater
nos problèmes économiques de 1973 suggère l’idée que la réintroduction
d’un financement monétaire de la dette permettrait de renouer avec l’ère
bénie des Trente glorieuses. En revanche, identifier en 1993 le
véritable tournant majeur de cette histoire reviendrait à reconnaître
que cette rupture souhaitée de permettrait pas nécessairement d’échapper
aux vicissitudes ayant marqué les années 1980 qui, d’un point de vue
économique comme des indicateurs sociaux, n’incitent guère à la
nostalgie. L’utilisation d’une rupture inventée en 1973 permet ainsi aux
nostalgiques du franc d’associer de manière démagogique le caractère
national de notre devise et la prospérité économique.
par Vincent Duchaussoy est docteur en histoire économique contemporaine, spécialiste des
banques centrales et des relations monétaires internationales. Il est
actuellement chargé, à l’Université de Rouen, de l’animation
scientifique du programme de recherche HIZOF, consacré à l’histoire de
la Zone franc.
B) L’attaque infondée contre la « Loi Rothschild » (loi du 3 janvier 1973)
La loi de 1973 surnommée « Loi Rothschild » aurait, entend-on,
élevé le coût et le niveau de l’endettement public, et cela au profit
d’intérêts bancaires privés. Il n’en est rien, cependant.
La critique de la situation d’endettement de la France conduit bien
souvent à une autre : celle de la « Loi Rothschild », qui en serait la
cause.
Dans son article 25 (section 3), la Loi du 3 janvier 1973 sur la
Banque de France interdisait ainsi au Trésor de présenter « ses propres
effets à l’escompte » de cette dernière. Sous le jargon mi-économique,
mi-juridique, cela revenait simplement à priver le gouvernement du moyen
de s’endetter sans frais, et donc sans fin.
La magie opérait comme suit : le ministère des Finances (le Trésor)
écrivait une obligation sur lui-même de 100 francs (ses propres effets)
qu’il vendait à rabais (à l’escompte, par exemple 99 francs) à la banque
centrale du pays, pour lui racheter quelque temps plus tard à sa valeur
nominale (100 francs).
Au fond, cela revenait pour le gouvernement à emprunter 99 francs à
la Banque Centrale à un taux d’à peine plus de 1% — et en tout cas à un
taux largement inférieur à ce qu’il lui en aurait coûté sur le marché.
Mais ce prix même de l’endettement public était pur artifice. En
effet, où le gouvernement trouvait-il les 100 francs nécessaires pour
conclure l’opération ? Il les empruntait à nouveau, se contentant
d’écrire une seconde obligation qu’il rembourserait, le moment venu, de
la même façon. De toute façon, la banque centrale appartenant à l’État,
ce dernier en recevait finalement les dividendes.
Interdisant cette pratique et obligeant l’État à s’endetter auprès de
créanciers privés, la loi de 1973 aurait, entend-on, élevé le coût (et
donc, par un cercle vicieux, le niveau) de l’endettement public, et cela
au profit d’intérêts bancaires privés (d’où le surnom de « Loi
Rothschild » de cette législation en réalité proposée par Valéry Giscard
d’Estaing sous Georges Pompidou, lequel avait été le directeur général
de la Banque Rothschild de 1956 à 1962.)
Il n’en est rien, cependant. Élevant son coût, le nouveau dispositif limitait la capacité d’endettement de l’État et agissait ainsi comme un élément de discipline fiscale.
J’emploie l’imparfait, parce que la loi tant débattue est en réalité
abrogée depuis près de 10 ans. Conformément à l’article 104 du Traité de
Maastricht préparant l’Union monétaire, la loi du 4 Août 1993 est en
effet venue renforcer celle de 1973, interdisant à la Banque de France
d’accorder crédit aux acteurs publics, ou bien d’acquérir directement
auprès d’eux des titres de leurs dettes.
Le problème, comme souvent, tient à « ce que l’on ne voit pas »,
c’est-à-dire au prix caché de la monétisation de la dette. Celui-ci est
triple.
1. À peu de choses près, la situation d’avant 1973 autorisait le
gouvernement à imprimer l’argent nécessaire à ses dépenses. Le coût
caché, ici, est donc que ces dernières étaient, de ce point de vue,
virtuellement sans frein.
2. Outre les conséquences néfastes du point précédent, cela se
traduisait par une allégeance de la politique monétaire aux besoins de
financement du gouvernement. Le coût caché, ici, est donc une inflation
et une baisse du taux de change faisant payer au peuple, à commencer par
les plus pauvres, l’endettement « gratuit » de l’État.
3. L’inflation n’élève pas seulement le coût de la vie présente, mais
abaisse tout aussi bien le niveau de vie futur. Nuisant aux épargnants
et aux investisseurs, elle se paie en cachette par moins d’emploi et de
croissance — à nouveau, aux dépens des moins favorisés.
Derrière l’attaque contre la « Loi Rothschild » se trouve toujours
une certaine théorie du complot selon laquelle les « politiciens »
auraient soumis l’intérêt général à celui des « banksters ». Cette
fiction parle peut-être à l’imagination, mais ne résiste pas à un simple
début d’analyse.
En premier lieu, la nécessité de passer par le marché ne permet pas,
mais au contraire interdit, que la vente d’obligations souveraines
favorise certains intérêts particuliers. Les acteurs de telles enchères
sont en effet non seulement nombreux et concurrents, mais en outre non
nationaux, pour l’essentiel.
En second lieu, ces spécialistes en valeurs du Trésor sont de simples
intermédiaires entre l’État et ceux qui désirent réellement détenir ses
obligations sur le marché secondaire. En cette qualité, leur rôle est
d’estimer le coût réel de l’emprunt public (en termes de taux d’intérêt,
mais aussi de risque, d’inflation, de liquidité…). Si d’aventure ils y
gagnaient un profit extraordinaire, les acheteurs se bousculeraient sur
le marché primaire de la dette publique, et l’équilibre tendrait à se
rétablir.
En vérité, la « Loi Rothschild » visait tout autre chose :
1. Permettre l’indépendance de la banque centrale, et donc de la
politique monétaire, à l’égard du gouvernement — notamment dans sa lutte
contre l’inflation et ses conséquences si néfastes ;
2. Discipliner la dépense publique en la rapprochant des capacités réelles de financement de l’État.
La débâcle souveraine peut prêter à rire devant ce dernier point. Ici
encore, il faut cependant prendre garde à ce que l’on ne voit pas. Les
gouvernements auraient-ils été autorisés à emprunter directement et sans
frais auprès de la banque centrale, leur endettement aurait été plus
désastreux encore et ce désastre moins perceptible, et donc plus
insidieux.
Par Jérémie T.A. Rostan enseigne la philosophie et l’économie à San
Francisco. Il est l’auteur, en plus de nombreux articles pour mises.org
et Le Québécois libre, de guides de lecture aux travaux de Condillac et
de Carl Menger, ainsi que d’un ouvrage, Le Capitalisme et sa Philosophie, et de la préface à la réédition de L’éthique de la liberté de Rothbard (Belles Lettres)
C) Idées reçues sur la loi du 3 janvier 1973, dite « loi Rothschild »
La loi du 3 janvier 1973, qu’on connait sous le nom de « loi Pompidou-Giscard » ou encore « loi Rothschild »
est fortement décriée actuellement, accusée d’avoir mis fin à la
possibilité pour l’État d’emprunter directement auprès de la Banque
centrale. Une analyse du texte et des débats permet de montrer que la
loi de 1973 n’apporte rien de nouveau sur le plan de l’emprunt sans
intérêt, même si elle introduit des nouveautés indéniables dans les
missions et les outils de l’institut d’émission.
« Dès 1973, l’État a renoncé à sa prérogative de battre monnaie. »
Programme de Jean-Luc Mélenchon, Front de Gauche, 2012
« Depuis 1973, la France a renoncé au
pouvoir de financer à 0% par la Banque de France les grands
investissements d’avenir de l’État. »
Programme de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la République, 2012
« Depuis une loi de 1973, notre pays
n’a plus la possibilité d’emprunter directement à taux très bas à la
Banque de France comme cela se pratique dans de nombreux pays du monde. »
Programme de Marine le Pen, Front national, 2012
La loi du 3 janvier 1973 (1) a décidément mauvaise réputation.
Désormais, rares sont les personnalités politiques à défendre cette
loi. Au mieux, la loi de 1973 est seulement accusée, via son article 25,
d’avoir mis fin à la possibilité pour l’État d’emprunter directement
auprès de la Banque de France. Au pire, certains pensent y trouver un
des symboles de la connivence politico-financière, la nommant
péjorativement loi « Rothschild » en référence aux liens étroits qu’entretenait le président de la République, Georges Pompidou, avec la célèbre banque.
1. La loi de 1973 n’est pas une loi d’innovation, mais de modernisation
« La réforme qui vous est proposée aujourd’hui ne vise pas et ne prétend pas
bouleverser le fonctionnement de la Banque de France »,
Valéry Giscard d’Estaing, Ministre de l’économie et des finances, décembre 1972.
Les débats tenus à l’Assemblée nationale et au Sénat (2) nous
montrent que cette loi résulte d’un compromis entre un projet de
réforme porté par le gouverneur de la Banque de France, un contre-projet
porté par le Trésor public ainsi que les exigences affirmées par les
parlementaires.
Le projet de loi est uniquement présenté par le Ministre de
l’économie et des finances, Valéry Giscard d’Estaing, comme un texte de
clarification, de codification et de modernisation :
- Clarification : Alors que jusqu’ici, les statuts de
la Banque de France comprenaient 192 articles disséminés dans 35 lois
ou ordonnances, 16 conventions, 6 décrets-lois et 40 décrets (3),
la loi de 1973 est présentée dans un ordre logique et avec une grande
précision. Elle se décline de façon simple : mission, structure et
techniques.
- Codification : Il convenait de reprendre les
statuts de la Banque de France qui n’avaient pas été réformés depuis 36
ans, ne serait-ce que pour rendre la législation conforme à la nouvelle
Constitution de 1958.
- Modernisation : Les dispositions et techniques
décrites dans la législation étaient pour la plupart obsolètes. Une
large place était réservée à des techniques archaïques (comme l’escompte
qui occupait alors 58 articles), tandis que les techniques modernes
(comme l’ « open market », qui a supplanté le recours à l’escompte
depuis février 1971) étaient traitées de manières trop imprécises.
On relève aussi une nette évolution sur le plan du contrôle, puisque
la loi remplace les deux représentants du gouvernement au sein du
Conseil de la Banque de France, qui n’avaient aucun pouvoir, par un seul
représentant disposant désormais d’un droit de véto permettant de
relancer les débats au sein du Conseil. Plus encore, ce dernier ne sera
plus composé de représentants d’intérêts économiques : les conseillers
seront désormais nommés par le gouvernement pour leurs compétences en
matières économiques et monétaires (4).
Autre disposition prise, la liste des effets que la Banque de France
pourra accepter pour refinancement ne sera plus fixée par la loi mais
décidée par le Conseil.
Pour finir, on peut ajouter que ce fut la première fois depuis un certain temps que les parlementaires eurent à se prononcer « à froid »,
sans contrainte extérieure due à la situation monétaire internationale,
sur les questions relatives à la Banque de France et à la monnaie.
Ainsi, contrairement à ce qu’on peut penser, les
préoccupations relatives au déficit public, à la monétisation de la
dette, et à l’inflation, ne se retrouvent pas du tout dans la lecture
des débats.
Le contexte étant explicité nous pouvons entrer dans le vif du sujet : la loi de 1973 empêche-t-elle l’État d’emprunter gratuitement auprès de la Banque de France ?
2. L’article 25 : l’interdiction pour le Trésor public de « présenter ses propres effets » à l’escompte de la Banque de France
« Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France. »
article 25 de la loi 73-7 du 3 janvier 1973
Pour comprendre ce que veut dire cet article, il faut se remettre dans le contexte historique.
À l’époque, le principal outil de refinancement qu’utilise la Banque
de France pour accorder des liquidités aux banques de second rang (les
banques commerciales) ou à d’autres acteurs économiques est l’ “escompte” (aujourd’hui, cette technique a été remplacée par l’ “open market”).
Quand un acteur avait besoin de liquidités, il demandait à la Banque
de France d’escompter des titres de créance : l’acteur échangeait une
obligation contre des liquidités. Si par exemple, un acteur X possédait
une obligation française qui serait remboursée cinq ans plus tard,
celui-ci pouvait demander à la Banque de France de lui avancer cette
somme en échange de la promesse de rembourser quand l’obligation
arriverait à maturité. Très pratique lorsque l’on avait besoin de
liquidités rapidement.
Cet article énonce une règle simple : le Trésor public ne peut pas
présenter ses propres obligations à la Banque de France. Il doit donc
chercher des liquidités ailleurs, notamment auprès des banques (à
l’époque une grande partie du système bancaire est nationalisée et le
crédit est plus ou moins administré (5)) ou en demandant à la population
via des emprunts publics (voir l’emprunt “Pinay” ou encore l’emprunt
“Giscard”, particulièrement ruineux)
À l’origine de cet article, loin de « l’obscur complot bancaire » : un simple amendement parlementaire.
Présentée le 3 novembre 1972 en première lecture au Sénat, la réforme
a fait l’objet de deux navettes entre les deux chambres parlementaires
avant de prendre la forme définitive que nous lui connaissons
aujourd’hui.
C’est lors de son examen en deuxième lecture au Sénat, le 14 décembre
1972, que la disposition controversée a été introduite, sur proposition
de Monsieur Yvon Coudé du Foresto, rapporteur général de la Commission
des finances du Sénat.
Présentant cet amendement comme une « sage précaution » permettant d’éviter que le Trésor public ne puisse « tourner la législation sur les émissions de monnaie ou de quasi monnaie[…] par le biais de la présentation de bons de Trésor au réescompte de l’institut d’émission », la Commission des finances est à l’origine de l’ajout de l’article 29 : « Le Trésor public ne peut présenter ses propres effets au réescompte de l’institut d’émission ».
À l’époque, Monsieur Jean Taittinger, secrétaire d’État au budget,
avait exprimé l’accord du gouvernement sur l’introduction d’un tel
amendement, par souci de « conciliation », estimant cependant que cette disposition était inutile :
- « Cet amendement énonce une règle relative à la politique de
gestion de la trésorerie publique. Or, il s’agit d’un projet de loi sur
la Banque de France et non sur le Trésor »,
- « L’amendement laisserait par ailleurs supposer que la Banque
pourrait accepter de se prêter à la pratique que l’on condamne, ce qui
n’est pas flatteur pour elle »
C’est lors de l’examen du projet de loi en seconde lecture à
l’Assemblée nationale que la rédaction définitive de l’amendement a été
établie. Pour plus de clarté, Monsieur Jean Capelle, député de l’UDR, a
présenté un amendement modifiant à la marge la rédaction retenue par le
Sénat et en a fait l’objet d’un article distinct : l’article 25.
Les lecteurs attentifs auront retenu de l’intervention de Monsieur
Jean Taittinger que l’article 25 n’a introduit aucune innovation
juridique : cette simple règle relative à la politique de gestion de la
trésorerie publique est connue de tous comme étant une pratique
proscrite.
Et pour cause : cette interdiction a été introduite par la loi du 24 juillet 1936 (3). L’article 13 de ladite loi précise en effet que « Tous
les Effets de la dette flottante émis par le Trésor public et venant à
échéance dans un délai de trois mois au maximum sont admis sans
limitation au réescompte de l’Institut d’Émission, sauf au profit du
Trésor public. »
L’article 25, en plus de ne pas être d’origine gouvernementale, n’édicte aucune règle nouvelle.
En tout état de cause, on ne saurait conclure d’une telle disposition
l’interdiction pour l’État d’emprunter auprès de la Banque de France :
l’emprunt ne se réduit pas à la demande d’escompte et il se trouve que
plusieurs articles de la loi encadrent les prêts, avances et concours de
la Banque à l’État.
3. L’article 19 : des avances et des prêts de la Banque de France à l’État
Dans la section « Concours de la Banque à l’État », on peut lire, à l’article 19, que « les
conditions dans lesquelles l’État peut obtenir de la Banque des avances
et des prêts sont fixées par des conventions passées entre le ministre
de l’économie et des finances et le gouverneur, autorisé par
délibération du conseil général. Ces conventions doivent être approuvées
par le Parlement ».
En effet, les relations entre la Banque de France et l’État ont
toujours été encadrées par des conventions passées entre l’exécutif et
le gouverneur de la Banque. Elles permettaient de décider notamment des
différents concours pouvant être accordés à l’État en fonction de la
conjoncture économique.
Par conséquent, cet article, qui n’introduit aucune innovation
juridique et préserve les prérogatives parlementaires, n’a fait l’objet
d’aucune discussion au Sénat et à l’Assemblée nationale. Il a été
approuvé sans délais lors des premières lectures.
Ce n’est pas le cas de la convention du 17 septembre 1973,
approuvée par la loi du 21 décembre 1973 (6), qui, venant solidement
encadrer les concours de la Banque de France à l’État, a fait l’objet de
débats soutenus.
Selon le rapporteur général de la Commission des finances de
l’Assemblée nationale, Maurice Papon (UDR), cette convention répond à
trois objectifs principaux :
1) rémunérer le compte courant du Trésor à la banque de
France et permettre à ce dernier, notamment, d’intervenir sur le marché
monétaire
2) faire varier automatiquement le plafond de ces concours en
fonctions des modifications intervenues dans les parités monétaires
(selon les résultats semestriels du fonds de stabilisation des changes)
Désormais, en cas de perte de changes, les concours de la Banque de
France à l’État se trouvent automatiquement augmentés d’un égal montant
et, en cas de gain, diminués dans les mêmes conditions.
Ainsi, et ce fut tout l’objet du débat parlementaire, l’automaticité
prive ces derniers d’intervenir en amont pour approuver de telles
modifications, qui désormais ne seront approuvées qu’à l’occasion du
vote de la loi de règlement (7).
Alors qu’aujourd’hui, les parlementaires semblent peu soucieux de
défendre leurs prérogatives, on ne peut être qu’étonnés par la qualité
des débats de 1973. Les députés et les sénateurs, de la majorité comme
de l’opposition, se sont opposés à ce que le Parlement vote “son propre
dessaisissement” et ont exigé du gouvernement des garanties quant au
respect du pouvoir législatif.
3) réorganiser et simplifier le régime des concours de la Banque de France à l’État
Jusqu’à ce jour, cinq postes du bilan de la Banque de France retraçaient les concours à l’État :
- les avances de la Banque de France (utilisées quotidiennement pour équilibrer le compte courant de l’État)
- les obligations cautionnées
- les prêts spéciaux à la construction mobilisés par la Caisse des dépôts et consignations
- la ligne spéciale « Prêts à l’État » (concours exceptionnels accordés pendant la seconde guerre mondiale et l’immédiate après guerre)
- la ligne des « bons sans intérêt » correspondante à la première dévaluation du dollar (décembre 1971).
À partir de 1973, les concours de la Banque de France à l’État ne font l’objet que d’une seule ligne comptable « concours de trésorerie apportés au Trésor public », distingués seulement selon qu’ils soient accordés avec ou sans intérêts.
Selon les dires de Maurice Papon, l’ensemble de ces lignes
représentaient alors un montant potentiel de 20,5 milliards de francs,
dont 10,5 milliards ne donnant pas lieu à rémunération (ils ne sont pas
soumis à intérêts).
Par son article 2, la convention de 1973 a donc figé pour l’avenir la situation existante :
« Les concours de trésorerie apportés par la Banque
au Trésor public s’élèvent à un montant maximum de 20,5 milliards de
francs. Dans la limite de 10,5 milliards de francs, ces concours ne sont
pas rémunérés. À concurrence de 10 milliards de francs, ils sont
rémunérés au taux le plus bas pratiqué par la Banque[…] » (8).
Ces dispositions, pour être modifiées (à notre connaissance, elles ne
l’ont pas été jusqu’en 1993), doivent faire l’objet d’une nouvelle
convention passée entre le ministre des finances et le gouverneur de la
Banque de France et approuvée par le Parlement (conformément à l’article
19 de la loi de 1973).
La loi du 3 janvier 1973 est donc accusée à tort d’être à
l’origine de la fin des emprunts gratuits accordés par la Banque de
France à l’État.
Il faut attendre 1993, et le Traité de Maastricht (9), pour
voir énoncer une telle interdiction de principe, dans son article 104,
paragraphe 1 (réécrit à l’article 123 du TFUE (10)) :
« Il est interdit à la BCE et aux banques centrales
des États membres, ci-après dénommées “banques centrales nationales”,
d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions
ou organes de la Communauté, aux administrations centrales, aux
autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux
autres organismes ou entreprises publics des États membres;
l’acquisition directe, auprès d’eux, par la BCE ou les banques centrales
nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »
Interdiction que l’on retrouve dans l’article 3 des nouveaux statuts de la Banque de France institués par la loi du 4 aout 1993 (11) :
« Il est interdit à la Banque de France d’autoriser
des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor public
ou à tout autre organisme ou entreprise publics. L’acquisition directe
par la Banque de France de titres de leur dette est également interdite.
Des conventions établies entre l’État et la Banque de France précisent,
le cas échéant, les conditions de remboursement des avances consenties
jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la présente loi au Trésor public
par la Banque de France. »
Conclusion
La loi de 1973 n’institue qu’une seule interdiction, celle de
l’escompte en faveur du Trésor public, qui existe depuis au moins 1936.
Son article 19 vient confirmer la tradition des conventions pour encadrer les concours de la Banque à l’État.
Ainsi, non seulement elle ne change rien à la situation sur ce plan,
mais elle simplifie le cadre et le fonctionnement de la Banque de France
tout en clarifiant sa législation. Enfin, selon Valéry Giscard
d’Estaing, cette réforme offre à la Banque la possibilité de « participation à des accords monétaires internationaux » (un an plus tôt, la France intégrait le Serpent Monétaire Européen).
La question qu’il faut donc se poser ne porte pas sur le sujet de la
loi de 1973, mais sur la pertinence et la composition des Conventions
passées entre le gouvernement et la Banque de France, approuvées par le
Parlement. Ce débat, qui doit être mené, met en branle de nombreux
concepts économiques comme la création monétaire, l’inflation, la
gestion budgétaire et bien d’autres que nous ne saurions traiter au sein
de cet article. Ce dernier visait simplement à répondre à la question :
La loi du 3 janvier 1973 empêche-t-elle l’État d’emprunter à la Banque
de France sans intérêts ? À cette question, selon nous, la réponse est
non.
Par Magali Pernin et Lior Chamla (*)
Magali Pernin est juriste en droit public, diplômée de l’Institut
d’études politiques d’Aix-en-Provence. Elle décortique la nouvelle
gouvernance économique de l'UE sur son blog "Contre la Cour".
Remerciements :
Etienne Chouard et André-Jacques Holbecq, Alain Beitone, Touriste (cf. Wikipédia), Patrick Madrolle et Jean Valery.
Notes et références :
(4) À l’époque, Valéry Giscard d’Estaing explique que « sept
des douze conseillers représentent des intérêts économiques tels qu’on
pouvait sans doute les définir en 1936 : commerce et industrie,
agriculture, travail, intérêts français dans les territoires d’outre
mer, intérêts français à l’étranger, intérêts économiques, intérêts
économiques généraux. Enfin, alors que les activités bancaires ne sont
pas en tant que telles représentées au conseil général – ce qui
s’explique – quatre mandats de droit sont attribués au directeur général
de la caisse des dépôts et consignations, au gouverneur du crédit
foncier de France, au président du crédit national et au directeur
général de la caisse nationale de crédit agricole, ce qui tourne en fait
l’exclusion de principe des intérêts bancaires du conseil général de la
Banque. La réforme proposée par le projet de loi donnerait au conseil
général une composition plus rationnelle. ».
(5) Voir La monnaie et ses mécanismes, Dominique Plihon, collection Repères, page 51 à 53.
Aussi à lire sur Contrepoints:
D) Seigneuriage : Pourquoi la Banque Centrale ne prête pas à l’État
Pourquoi le mode de financement du déficit public interdit par
la fameuse loi de 1973 est-il machiavélique ? Parce que, économiquement
inefficace, socialement problématique et profondément antidémocratique,
il ne présente que l’intérêt de taxer le peuple sans qu’il ne le
réalise.
Plusieurs de mes amis m’ont déjà interrogé sur l’interdiction que s’est imposée en 1973 l’État
de se financer gratuitement auprès de sa Banque Centrale. Une
interdiction réaffirmée en 1992 par le Traité de Maastricht. La toile
regorge en effet de vidéos très convaincantes expliquant toute la crise
de la dette publique par cette interdiction, tandis que l’apparente
absurdité de cette loi est rappelée par certains politiciens populistes.
Face à cette aberration soi-disant évidente, deux choses devraient
pourtant nous mettre la puce à l’oreille. La démagogie notoire des
politiciens promettant l’abrogation de cette loi, et l’implication que
tant de grandes démocraties du monde seraient profondément masochistes.
Dans cet article, j’essaierai de vous montrer en quoi ce mode de
financement du déficit public est machiavélique. Économiquement
inefficace, socialement problématique et profondément antidémocratique,
il ne présente que l’intérêt de taxer le peuple sans qu’il ne le
réalise.
Deux règles de base
Ce billet repose sur les relations qu’entretiennent le PIB, la
quantité de monnaie en circulation, et les prix. Plutôt que de me lancer
dans de fastidieuses démonstrations mathématiques, je vous demande
d’admettre les deux résultats simplifiés suivants. Je les juge assez
convaincants pour me passer d’assommantes équations.
1. La personne qui dispose de 20% de la monnaie disponible détient 20% du pouvoir d’achat de la nation.
2. On ne crée pas de nouveaux biens par le simple fait de créer de la monnaie.
L’effet de l’impôt
Admettons maintenant que l’État saisisse par l’impôt 30% de la
monnaie de ses citoyens. Leur pouvoir d’achat s’en trouvera amputé d’une
égale proportion.
L’effet du prêt de la Banque Centrale
Imaginons ensuite que le gouvernement emprunte à la Banque Centrale
une quantité de monnaie égale à 10% de celle déjà en circulation. Pour
faire ce prêt, la Banque Centrale émet de la nouvelle monnaie. Si
l’ancienne quantité de monnaie était égale à 100€, la nouvelle est alors
de 110€. Donc les parts de chaque protagoniste dans la masse monétaire
totale ont changé.
- Les citoyens en possèdent désormais 70*(100/110)=64%
- Et donc l’État détient le reste, soit 36%. Décomposable ainsi :
- Impôts : 30*(100/110)=27%
- Nouvelle monnaie : 10/110=9%
D’où une nouvelle décomposition du pouvoir d’achat de chacun.
Comment les citoyens ont-ils concédé des richesses à l’État sans
avoir payé de nouvelles taxes ? En fait, l’émission monétaire à richesse
réelle constante a provoqué une hausse proportionnelle des prix. Bien
que ma démonstration par proportions se passe des prix, c’est pourtant
leur hausse qui accroît la pression fiscale sur les citoyens.
Les économistes, mais aussi les faussaires, connaissent ce mode de taxation depuis des siècles. On l’appelle « Seigneuriage ».
Le seigneuriage est le privilège par lequel l’émetteur de la monnaie
peut capter une partie des richesses de manière invisible, et illégale
quand c’est un faussaire. Il constituait un privilège féodal que les
grands vassaux ont cherché à préserver de l’autorité royale à travers le
Moyen-âge. La place du dollar dans le système monétaire international de Bretton Woods
à la sortie de la Seconde Guerre mondiale constitue un exemple
historique plus récent des abus du seigneuriage. Dans ce système, les
transactions internationales devant être payées en dollars, et les
États-Unis disposant du droit exclusif d’en imprimer, ils bénéficiaient,
selon la formule de Jacques Rueff, du « merveilleux secret du déficit
sans pleurs qui permet de donner en dollars sans les prendre dans les
caisses, de prêter sans emprunter et d’acquérir sans payer. »
Pour le gouvernement, le seigneuriage présente une qualité fiscale
précieuse : il est fourbe et invisible. Pour l’économiste, il constitue
en revanche une absurdité. En effet, dans notre exemple, un impôt
traditionnel de 36% aurait le même effet en termes de prélèvement de
richesse aux citoyens, mais éviterait les effets néfastes de
l’inflation.
Une dette sans existence « réelle »
Dans mon raisonnement, je n’ai jamais pris en compte l’apparition
d’une dette et j’ai au contraire mis en évidence un impôt invisible
immédiat. Où est donc passé l’apparition de la dette dans ma
démonstration ?
En vérité, ce mode de financement de l’État n’a de dette que le nom.
Cette dette est totalement virtuelle, elle n’existe pas. C’est
d’ailleurs pour cela que les défenseurs de ce mécanisme peuvent affirmer
sans risque que, sans sa disparition, la France n’aurait pas de
problème de dette publique. Le seigneuriage transforme le déficit public
en impôt immédiat via l’inflation. En fait, il évite de manière
sournoise l’existence même d’un déficit public « réel ».
Je vous propose trois preuves que ce mécanisme empêche la création
d’une dette « réelle ». Une perspective juridique, un point de vue
financier, et une preuve de bon sens.
- Juridiquement, une dette est une obligation de payer quelque chose
avant une certaine date. Ici cette obligation de rembourser n’existe pas
vu que c’est tout au contraire le prêteur qui a l’obligation légale de
reprêter.
- Pour le financier, c’est un peu la même chose. Je reçois un prêt
sans intérêt que je peux rembourser quand je veux. Conserver ma dette ad aeternam n’a aucun coût. Une telle dette n’a donc aucune valeur économique. On peut l’ignorer.
- Enfin, une dette est toujours vis-à-vis de quelqu’un d’autre. Ici,
la Banque Centrale serait une dépendance de l’État. Or l’État ne peut
avoir de dette vis-à-vis de lui-même. Cela va à l’encontre du bon sens.
Finalement, si la dette a une existence administrative sans existence
concrète, c’est bien qu’un impôt la compense de la plus concrète des
manières, fusse-t-elle inconnue de l’administration fiscale.
Pourquoi le seigneuriage est tout sauf un impôt « social » ?
Comment cet impôt touche-t-il les citoyens ? La richesse prélevée est
strictement proportionnelle au pouvoir d’achat. Aussi sa cousine la
plus proche s’appelle-t-elle la TVA, qui à défaut d’être aussi invisible
que le seigneuriage est souvent qualifiée « d’indolore ». Or la TVA est
généralement l’impôt considéré comme le plus injuste par la gauche
redistributionniste. On comprend alors mal pourquoi M. Mélenchon est
favorable à un tel mécanisme. À moins qu’il ne soit un peu démagogique ?
Pourquoi est-ce impossible de rétablir ce mécanisme dans l’Union Monétaire ?
Par souci de simplification, rêvons un instant d’un monde sans les
impôts traditionnels. Le tableau suivant décrit avec des chiffres
fictifs cette situation à l’échelle de la zone euro.
Maintenant, comme le gouvernement français (GF) a des
dépenses électorales en vue mais refuse de lever des impôts
impopulaires, il demande leur financement à la Banque Centrale. Cette
dernière « imprime » donc à cet effet 10% de monnaie supplémentaire. Les
nouvelles parts de la masse monétaire des différents groupes sont les
suivantes :
- Français : 20*(100/110)=18%
- Autres Européens : 80*(100/110)=73%
- Gouvernement français : 10/110=9%
Ce dernier tableau montre que les traités européens interdisent le
financement des États par l’emprunt à leur Banque Centrale pour une très
bonne raison. Dès lors qu’une monnaie commune est adoptée, un État
pratiquant le financement par le seigneuriage lèverait un impôt
invisible sur les citoyens des autres nations… Inutile de vous
expliciter les problèmes induits…
La disparition du Seigneuriage
Finalement, l’interdiction du financement des déficits publics par les banques centrales a de nombreux avantages.
D’un point de vue démocratique, elle contraint le gouvernement à se
financer par des impôts explicites et transparents discutés par le
Parlement. Le seigneuriage, parce qu’il constitue un impôt invisible
sans existence légale, est profondément anti-démocratique.
Au plan économique, le seigneuriage ne présente aucun avantage
vis-à-vis de l’imposition traditionnelle. En revanche, il présente les
inconvénients de générer de l’inflation et d’être un impôt sans
progressivité possible. Enfin, dans le cadre d’une Union Monétaire,
l’existence du seigneuriage serait incompatible avec le juste principe
de la territorialité de l’impôt.
Par Acrithène
Lassitude : c'est le premier mot qui m'est venu à l'esprit en lisant le sujet du jour sur Fortune.
Il
n'est pas question, en ce qui me concerne, de dénier au sympathique
@Borowic ou à @JoeLeTaxi, autre courtois et espiègle commentateur sur
cet excellent site, tous deux manifestement spécialistes de la finance,
la sincérité et la bonne foi de leurs analyses.
Mais
le sujet de la loi de 1973 et de ses successeurs européistes est d'un
ennui mortel si on l'aborde sous l'angle exclusivement comptable, ce qui
n'est heureusement pas (entièrement) le cas de l'intéressant article de
@Borowic.
Au-delà
de cette lassitude, à mes yeux, la comptabilité, c'est juste une
technique qui permet de présenter sous forme de chiffres une réalité
complexe ; en l'occurrence, la réalité des comptes publics depuis 40 ans
et, dans la mesure du possible, celle de l'intervention de la finance
privée dans ces comptes.
Pour autant, est-ce que la comptabilité explique vraiment cette réalité complexe ? Je ne le pense pas.
Il
suffit de sortir du cadre comptable, de se pencher un peu sur les
motivations idéologiques et politiques, sur la nature de l'argent-dette
telle que nous le connaissons, sur le lobbying financier (affirmer,
comme certains le font, que Pompidou, grand ami d'André Bettencourt,
serviteur zélé de la grande bourgeoisie d’affaires et ex-directeur de la
Banque Rothschild, n'avait en tête que l'intérêt de la France, me
paraît tout de même un peu naïf), sur les contraintes extérieures et les
systèmes de transfert de richesses, sur le clientélisme électoral, sur
les causes de l'immigration et des délocalisations, sur la nature
humaine enfin, pour comprendre que l'abord comptable ne suffit pas et
même, qu'il n'est certainement pas la clé de décodage déterminante qui
permettrait de répondre à toutes les questions posées par ce qu'il faut
bien appeler la ruine de la France.
Pour
expliquer 40 ans de dérive budgétaire française, les spécialistes de la
finance prétendent à une explication qu'il n'est tout simplement pas en
leur pouvoir de donner, parce que la réalité est trop complexe pour
pouvoir être circonscrite à de simples données comptables.
L'argument d'autorité du technicien n'en est un que dans son domaine restreint. Et encore.
Nous
vivons, néanmoins, dans une société techniciste, technologiste, dans la
société de l'expertise, dans ce qui est une altération, au plan de la
perception collective (ce que Michel Drac, après Howard Bloom, appelle le « cerveau global »),
de tout ce qui fait sens, au profit de groupes d'influence réputés
détenir, de par leur expertise technique, une vérité supérieure.
Par
exemple, notre ministre de la santé est systématiquement un médecin ou
un pharmacien, comme si la perception collective de la santé devait, et
pouvait légitimement, être représentée par un seul de ses acteurs
(financièrement intéressé) et que tous les autres ne pouvaient et ne
devaient que s'y soumettre.
Cette
domination des spécialistes a-t-elle des effets bénéfiques ? Bien au
contraire, il est aisé de constater que les intérêts du lobby
médico-pharmaco-chimique ont largement pris le pas sur l'amélioration de
la santé collective. Preuves innombrables à votre disposition, malgré
les discours contraires des « spécialistes »...
Idem,
dans le domaine agricole et alimentaire, dans celui de l'énergie, dans
celui de l'éducation, dans celui de la culture, dans celui de la
politique (les « politiciens professionnels »), etc. Dans tous les domaines, en fait.
Pour
en revenir au domaine financier... ah oui, tiens. Pourquoi ce
domaine-là devrait-il échapper à la règle générale qui veut que les
techniciens, les spécialistes, les experts, font toujours pire pour la
collectivité, que ne le feraient, peut-être, de simples représentants de
cette collectivité, dotés d'une vision plus large et, surtout, désintéressés (ce qui me paraît être le problème central de l'Occident matérialiste et consumériste) ?
A
noter quand même, exception qui confirme la règle, qu'en tant que
ministres des finances, nous n'avons, en général, depuis quelques temps,
que des non-spécialistes, souvent avocats, comme l'inénarrable
Christine Lagarde ou François Baroin. Ces histrions ne comprennent
évidemment pas grand-chose aux subtilités techniques, le ministère
étant, en réalité, géré par des hauts fonctionnaires qui, eux, sont tous
plus experts les uns que les autres.
Vous
me direz, ça évite peut-être que le ministre ne meure d'une crise
cardiaque en mesurant l'ampleur de la catastrophe, comme François
Fillon, pourtant seulement juriste de formation lui aussi, a failli le faire en 2007.
Mettons que je n'ai rien dit.
Mettons
qu'en ma qualité de pauvre béotien, ignorant comme tout un chacun des
arcanes de la finance et de leur insondable subtilité, disqualifié de
naissance pour en parler puisque tout cela est tellement complexe que
mon petit cerveau non préalablement spécialisé dans une école ad hoc ne
saurait le décrypter, je me désintéresse des causes techniques des
déficits abyssaux de la France et de sa dette colossale, comme des
moyens techniques d'y remédier.
Tout de même, je peux voir que chaque année, le déficit s'alourdit de 45 milliards d'euros,
uniquement constitués des intérêts de la dette, à payer aux banques
privées qui seules, ont le droit de prêter de l'argent à la France pour
qu'elle continue de s'enfoncer dans l'insolvabilité et la ruine.
Merde, quand même, que je me dis dans mon petit cerveau pas expert, ces spécialistes de la finance, quels génies !
Ils
ont trouvé le moyen d'aider la collectivité en lui prêtant de l'argent
(bah oui, s'ils arrêtaient, on serait mal, dis donc), ce qui l'endette
de plus en plus, et, en même temps, ils s'en mettent plein les poches
avec des intérêts qui paient... quoi, d'ailleurs ?
Ah
oui, tenez, tant qu'à être ignorant et bête, je me pose une autre
question : quels sont donc ce travail, cette plus-value, cette peine
probablement infinie que se donnent les banquiers, pour que nous les
payions annuellement 45 milliards d'euros (l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu, tout de même) ?
Ils
doivent en avoir, du mérite, les banquiers, pour que nous leur
achetions si cher le droit de nous endetter toujours plus ! Non ?
Eh bien, figurez-vous qu'ils en ont, du mérite. Si, si.
Ils achètent des emprunts d'Etat avec leur argent-dette créé ailleurs (comment l'ont-ils gagné, on se le demande, ils ne créent tout de même pas de l'argent à partir de rien, si ?)
et inscrivent, dans une colonne de leurs livres comptables, les
intérêts correspondants : à eux tous, 45 milliards. Comment est-ce
possible ? Ah ça ! C'est de la magie.
Vous et moi, nous n'avons quasiment pas la possibilité de faire cela.
Eux, si. Ce qui prouve qu'ils ont forcément un grand mérite, parce que
pour avoir ce droit, ils ont forcément dû faire quelque chose
d'extraordinaire.
Non,
parce que quand même, dans une société correctement organisée, morale
et tout et tout, quand quelqu'un bénéficie du droit de toucher 45
milliards par an en contrepartie d'un clic sur un clavier d'ordinateur,
c'est qu'il a dû, au moins, rendre des signalés services à la
collectivité, sauver la patrie plusieurs fois, sacrifier sa famille, se
sacrifier lui-même... et encore, pas qu'une fois.
N'étant qu'un béotien, je ne peux vous en dire plus et laisse donc aux spécialistes le soin de vous expliquer tout ça (bon courage, ce charabia pseudo-scientifique est rigoureusement imbitable).
M'est
avis, si je les en crois, que l'argent doit être une chose trop
complexe et trop dangereuse pour être laissée aux citoyens et à leurs
représentants, à une banque centrale, etc.
D'ailleurs, dans l'intérêt de ceux-ci, ne devrait-on pas le leur enlever complètement ?
Mais on me souffle que c'est ce qui est en train de se passer.
Allez, je reviens d'Ecosse. Redevenons sérieux cinq minutes.
En comptabilité pure, il est vrai qu'on peut se demander, compte tenu des gaspillages de nos gouvernements depuis 40 ans,
si la loi de 1973 et ses successeurs nous sont réellement revenus plus
cher que ce que nous aurait coûté, en inflation, le financement des
déficits principalement par une banque centrale restée souveraine.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'inflation, la loi de 1973 devait soi-disant nous protéger : échec. Idem, d'ailleurs, en ce qui concerne sa prétention à dissuader l'Etat d'emprunter à tout va : échec.
@Borowic a le mérite de nous expliquer que la vraie cause en est « la dérégulation financière du milieu des années 80 (...) la
création d’un marché à terme de la dette de l’État et l’abandon des
emprunts individualisés remplacés par des souches périodiquement
abondées (...) Car pour la première fois le négoce de la dette
publique va devenir pour les banques une source de profits réguliers.
Pour l’État qui ne demandait pas mieux c’est l’assurance de pouvoir
émettre du papier à volonté. »
Admettons.
D'autant plus volontiers que cette « dérégulation » (déréglementation
me paraîtrait un terme plus approprié, mais passons) a des effets
négatifs bien connus dans d'autres domaines (je pense notamment à la
séparation des activités bancaires et au processus, débuté dans les
années 80, ayant abouti à l'abrogation du Glass-Steagall Act en 1999). Mais si la loi de 1973 n'avait pas existé, la « dérégulation » ultérieure n'aurait pas pu avoir les effets décrits, sauf à comporter elle-même une telle loi.
Quoi
qu'il en soit, ce qui est sûr, en premier lieu, c'est que si les
avances au Trésor Public par la Banque de France n'avaient pas été
interdites en 1973, la « dette » ainsi créée se serait (éventuellement, ce n'est pas si sûr)
traduite par de l’inflation, due à l’augmentation de la masse monétaire
consécutive à ces avances, et non par des intérêts annuels versés à la
finance privée majoritairement étrangère.
Résultat
: aucun endettement durable ni aucune dépendance vis-à-vis de
l’étranger et, en plus (éventuellement, toujours), une inflation
décourageant la rente et correspondant à une dévaluation susceptible de
rendre les entreprises françaises plus compétitives.
Après, la question est bien sûr de savoir
quelles auraient été les politiques des gouvernements successifs au
regard de l’éventuelle inflation, en fonction de son ampleur et de ses
conséquences.
Ce
qui est sûr, en second lieu, c'est que vouloir exonérer Giscard de sa
participation à la création de la dette publique française serait aussi
ridicule que de prétendre que le coût du transfert, qu’il a organisé
sous Pompidou, du financement de cette dette aux marchés financiers, se serait simplement substitué à l’inflation générée antérieurement par les avances de la Banque de France au Trésor.
La
vérité, c’est que les emprunts aux banques privées, rendus
incontournables par la loi du 3 janvier 1973, sont responsables de la
moitié au moins de l’endettement actuel du pays, en vertu, notamment, de
ce qu'on appelle l'anatocisme.
Simplement,
quand ledit Giscard s’est fait éjecter en 1981, la mécanique
exponentielle de la charge des intérêts de la dette ne s’était pas
encore réellement mise en branle.
Outre
les aggravations systémiques des années 80, évoquées par @Borowic, il y
a nécessairement un décalage temporel entre la mise en place du système
et le moment où la croissance de la dette commence à faire naître des
intérêts annuels plus importants.
D’ailleurs, il est tout de même à noter que l’accroissement de la dette a été tout à fait régulier DEPUIS LE DEPART.
Et
cela s’explique, non seulement par la quasi-homogénéité des politiques
publiques suivies depuis lors (notamment, en ce qui concerne le
libre-échange et l’immigration), mais aussi par l’obligation croissante,
pour l’Etat, de recourir à des emprunts à plus long terme pour financer
la dette, générant ainsi des intérêts de plus en plus lourds.
Il faut bien voir que la croissance de la charge de la dette est une mécanique inexorable : « La
charge des intérêts de la dette, c’est-à-dire le paiement annuel des
échéances des emprunts souscrits, devrait "augmenter en valeur de plus
de 9% par an en moyenne, soit cinq fois plus que l’inflation", souligne ce document. Elle devrait ainsi passer de 42,45 milliards d’euros en 2010 à 55,19 milliards en 2013. »
Voilà ce graphique, qui, il faut le reconnaître, est assez impressionnant (voir les pointillés en mauve) :
Je vous recommande également la lecture d'un excellent article de Michel Drac
et notamment, des critiques qu’il comporte envers les positions de A.
J. Holbecq, tant (mais de manière très relative) en ce qui concerne son
évaluation des poids respectifs des intérêts cumulés et du déficit
budgétaire, qu’en ce qui a trait, surtout, aux solutions proposées.
Bref,
je pense que la dette publique française est au moins autant due au
cumul des intérêts d’emprunts extorqués par les marchés financiers au
moyen de la forfaiture de 1973, puis de la dérégulation ultérieure,
qu’aux excès de nos gouvernements successifs.
Sur ce point,
il y a quand même des paradoxes dans la situation financière actuelle,
et la loi de 1973 n’est pas tout. Elle est même l'arbre qui cache la
forêt, et c'est pourquoi sa dénonciation sert les intérêts de certains
politiciens systémiques, de droâte comme de gôôche. Elle leur permet de passer sur tout le reste, qu'ils cautionnent largement.
C’est
la combinaison de ces deux facteurs : politiques publiques ruineuses,
loi de 1973 et ses successeurs, qui nous a conduits à la situation
actuelle. Néanmoins, il faut souligner
que les marchés financiers, comme les entreprises multinationales, sont
largement à l’origine des politiques en question, et la boucle sera
bouclée.
D'une
certaine manière, concernant la loi de 1973, on pourrait donc presque
dire merci à nos gouvernements immigrationnistes et gaspilleurs.
Sans
eux, personne ne se serait sans doute jamais aperçu des effets de la
loi de 1973 ni de ses successeurs, puisque la France n’aurait pas cumulé
les déficits, n’aurait donc pas eu besoin d’emprunter à la finance
privée ni, par conséquent, de lui verser des intérêts sur une dette qui
aurait été inexistante.
C’est
à se demander si l’un des buts de l’immigration et des gaspillages
n’est pas précisément, en provoquant de l’endettement, de constituer une
rente à la finance privée (je n’y crois guère, mais on peut toujours y
réfléchir).
En
tout cas, il ne sert plus à rien, concrètement, de discuter du point de
savoir si, de 1973 à aujourd’hui, la dette publique a coûté plus cher
que si le système antérieur avait été maintenu. Il est de fait,
néanmoins, que la loi de 1973 et ses successeurs ont enrichi les banques
privées, alors que le contribuable a, malgré tout, dû supporter une
lourde inflation pendant une partie de la période : le bénéfice
officiellement attendu n’a donc pas été vraiment au rendez-vous, sauf
pour les banques.
Personne, à part ceux qui profitent d’une telle situation, ne veut d’un Etat lourdement endetté, ni de banques rentières.
En
fait, si possible, personne ne veut de banques commerciales tout court.
La solution alternative qui me paraît à creuser, c’est la monnaie
franche (Silvio Gesell et ses continuateurs).
Politiquement,
l’immense majorité des Français veut la démocratie (pas une
partitocratie mais une démocratie plus directe) et la République (pas un
retour à la monarchie ni une dictature déguisée comme celle que nous
subissons), une France souveraine dans une Europe des nations et des
peuples.
Cela
pourrait s’envisager, au plan monétaire, avec, dans l’idéal, une
monnaie commune convertible et des monnaies nationales inconvertibles
(cf. ma discussion d’il y a quelques temps avec @JoeLeTaxi, à partir d’ici).
Il
faut néanmoins franchir le cap de l’effondrement, en récupérant ce qui
est valable, en éliminant les causes des échecs du système actuel et en
ajoutant ce qui lui manque.
Une troisième voie économique me paraît s’imposer, entre socialisme et libéralisme.
Libre-échange
interne aux nations et à l’Europe, bien sûr, mais pas total ; une
réglementation confédérale devra préserver les intérêts des peuples et
des Etats, notamment en protégeant les emplois du dumping salarial, les
services publics et activités stratégiques de la concurrence du secteur
privé.
Propriété
privée, bien sûr. Il ne s’agit pas de verser dans une formule
soviétique de la société. Néanmoins, pour décourager la thésaurisation
excessive et surtout la rente, limitation quantitative et qualitative du
droit de propriété et des salaires (avec un maximum « fordien »
- seul élément un peu positif à retenir du fordisme), incitant à
l’investissement productif plutôt qu’à la spéculation financière.
En
ce qui concerne directement la gestion financière de l’Etat, je pense
que des mesures incitatives fortes pourraient permettre de se dispenser
d’un « pacte de stabilité » ou d’une « règle d’or » :
- interdiction des partis collectivistes comme des partis libéraux,
- législation anti-trusts (plus une entreprise est grosse, plus elle influe sur la vie publique),
- limitation de la rémunération des dirigeants politiques,
- interdiction du cumul des mandats,
-
interdiction du financement des partis politiques autrement que par les
cotisations de leurs membres et les subventions publiques,
- réforme fiscale pour davantage de proportionnalité,
- répression impitoyable et exemplaire de la concussion (peine capitale, sous l’Ancien Régime !) et de la corruption,
- etc.
Une
foule de mesures peuvent être envisagées, pour tuer le clientélisme et
décourager l’assistanat, sans négliger la solidarité (voire, en la
renforçant par la réorientation de dépenses affectées à d’actuelles
gabegies).
C’est
vraiment d’une révolution dont nous avons besoin (si possible, sans
violence, mais la violence est en réalité inhérente aux oligarchies
actuelles, non à ceux qui souhaitent leur fin).
par Boreas