octobre 21, 2014

L’antilibéralisme France ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Le discours est sans concession. L’homme fait le procès de « l’économie libérale » dont il dénonce la « faillite universelle ». Pour lui, il faut d’ailleurs plus parler « d’apparence de libéralisme », car en réalité « la production et les échanges » sont asservies « aux puissances d’argent » et ont « recours de plus en plus large aux interventions de l'État ». « Cette dégradation, du libéralisme économique, s'explique d'ailleurs aisément. La libre concurrence était, à la fois, le ressort et le régulateur du régime libéral. Le jour où les coalitions et les trusts brisèrent ce mécanisme essentiel, la production et les prix furent, livrés, sans défense, à l'esprit de lucre et de spéculation. Ainsi se déroulait ce spectacle révoltant de millions d'hommes manquant du nécessaire en face de stocks invendus et même détruits dans le seul dessein de soutenir le cours des matières premières. Ainsi s'annonçait la crise mondiale ».

Pour sortir de cette crise, en finir avec un faux libéralisme économique qui en réalité vise à asservir les plus pauvres, l’homme plaide pour que l’économie soit « organisée et contrôlée » par l'État afin de « briser la puissance des trusts et leur pouvoir de corruption. Bien loin donc de brider l'initiative individuelle », il s’agit de « libérer l’économie de ses entraves actuelles en la subordonnant à l'intérêt national. La monnaie doit être au service de l'économie, elle doit permettre, le plein essor de la production, dans la stabilité des prix et des salaires. Une monnaie saine est, avant tout, une monnaie qui permet de satisfaire aux besoins des hommes ».
 
 
Évidemment, « un tel, système implique un double contrôle : sur le plan international, contrôle du commerce extérieur et des changes pour subordonner aux nécessités nationales l'emploi des signes monétaires sur les marchés étrangers. Sur le plan intérieur, contrôle vigilant de la consommation et des prix, afin de maîtriser le pouvoir d'achat de la monnaie, d'empêcher les dépenses excessives et d'apporter plus de justice dans la répartition des produits. Ce système ne porte aucune atteinte à la liberté des hommes si ce n'est à la liberté de ceux qui spéculent, soit par intérêt personnel, soit par intérêt politique. Il n'est conçu qu'en fonction de l'intérêt national ».
Qui a prononcé ces fortes paroles ? Qui dénonce ainsi l’ultralibéralisme et la mondialisation ? Qui propose ainsi de revenir dans la cadre de l’État nation, un État fort qui contrôlera l’économie ? Un dirigeant d’Attac ? De la fondation Copernic ? De la LCR ? Du PC ? De la gauche du PS ? Ou alors des souverainistes de droite et d’extrême droite ? D’Henri Guaino, le conseiller spécial du Président de la République et souverainiste de choc ? On s’y perd, non ?
Allez, je vous donne la réponse, elle décoiffe : il s’agit du Maréchal Pétain, dans un discours du 11 octobre 1940. N’est-il pas frappant de voir à quel point la dénonciation du libéralisme se fait avec les mêmes mots (à part « lucre », daté) du côté des extrêmes de l’échiquier politique ? 





Alors, évidemment, je ne dis pas que les antilibéraux sont pétainistes. Je parle ici d’une filiation idéologique qui interpelle, d’une détestation de l’économie de marché qui se perpétue depuis plus de soixante ans dans le discours (et pas dans la pratique), comme si la défaite de juin 1940 n’avait toujours pas fini de produire ses effets. J’avais déjà sur ce blog et dans Libération dénoncé la pensée d’un Michel Onfray qui incarne parfaitement ce courant de pensée qui est en réalité réactionnaire au vrai sens du mot (y compris dans son regret du passé forcément meilleur que l’avenir). A l’heure où les « nonistes » de gauche se réveillent en recommençant à dénoncer le « libéralisme » du traité de Lisbonne (qui est totalement neutre à cet égard puisqu’il ne fait que réformer les institutions), il n’est pas inutile de réfléchir à nouveau aux sources de cet antilibéralisme qui ne fait florès qu’en France (et au Vénézuela, mais comparaison n'est pas raison ;-).

 
Les solutions pour « briser » le libéralisme sont différentes selon les affinités politiques. Pétain a instauré le retour aux corporations d’avant la Révolution française, révolution bourgeoise et capitaliste dans son essence qui visait justement à libérer l’économie de l’étouffoir d’une réglementation excessive. Il y a d’autres méthodes : le communisme, qui consiste en un contrôle total de l’économie par l’État au nom de l’intérêt général, méthode qui a elle aussi échoué. Un moyen terme a été tenté, en France, juste après la guerre. Ainsi, le programme de 1944 du Conseil national de la résistance (CNR) réclame-t-il « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », « l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État » et « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés ». 

Bref, le CNR réclame un État dirigiste, qui connaîtra son heure de gloire sous De Gaulle, un État qui en réalité n’a pas mis fin au corporatisme hérité du pétainisme. C’est cet État que Valéry Giscard d’Estaing et ses successeurs ont démantelé. C’est ce modèle qui, aujourd’hui, fait se pâmer les antilibéraux, dont 

Michel Onfray qui dénonce le « libéralisme que droite et gauche incarnent en se succédant au pouvoir depuis Pompidou ».
 
Le discours du Maréchal Pétain et les petits cailloux idéologiques qu’il a semés m’inspirent une autre réflexion : l’antilibéralisme (on ne précise jamais « économique », vous le remarquerez) rime en réalité toujours avec l’antilibéralisme politique. Il suffit de voir qui l’incarne aujourd’hui. Mais surtout, les antilibéraux ont toujours réclamé un « État fort » nécessaire pour soi-disant briser l’échine du marché. La Vème République n’a pas dérogé, de ce point de vue. Il faut relire « le coup d’État permanent » d’un certain François Mitterrand pour nous rendre compte dans quel État de droit nous vivons.
 

(Sur plusieurs de ces points, un petit livre à lire que Jean-Marc Vittori –merci à lui- a chroniqué dans les Echos : « la société de la défiance. Comment le modèle français s’autodétruit » par Yann Algan et Pierre Cahuc. Éditions ENS/rue d’Ulm, 102 pages, 5 euros).

Jean-Marc Vittori

De Wikiberal
 
Jean-Marc Vittori, né en 1958, est un journaliste français, éditorialiste au journal économique Les Échos depuis 2003. Il écrit généralement sur la macro-économie et la théorie économique.
Avant de rejoindre Les Echos, il a également exercé dans d'autres journaux économiques tels Challenges, L'Expansion (qu’il a dirigé en 2001-2002) ou Le Nouvel Économiste.
Il défend généralement des idées proches d'un libéralisme classique assez interventionniste.
Il est diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d'une maîtrise ès sciences économiques (Paris I).
Dans L'effet sablier, il pronostique la fin des classes moyennes. La pyramide devient un sablier. Il analyse les forces à l’œuvre, qui expliquent cette "fin du milieu" : le rôle de l'ordinateur et d'Internet, et la disparition du modèle pyramidal dans l'organisation des entreprises et dans leur production.
Il est en général critique à l'égard de la France, qui refuse de se réformer. Ainsi, examinant les "grands leviers qui existent pour accroître le pouvoir d’achat" :
Viennent ensuite les impôts et cotisations sociales payées par les ménages. Ici la masse est énorme. Près de 300 milliards d’euros de cotisations sociales, près de 160 milliards d’impôts sur le revenu et le patrimoine... (...) Là encore, la vraie solution est bien connue : c’est la réforme de l’État. D’autres pays y sont arrivés. En France, il reste encore du pain sur la planche. (Dictionnaire d’économie à l’usage des non-économistes)
Si nous voulons vraiment comprendre le monde d’aujourd’hui, il est urgent de dépasser le cliché d’une économie triste ou horrible. L’économie, c’est d’abord des histoires d’hommes et de femmes qui produisent, échangent, consomment et rêvent. C’est ensuite des entreprises, des objets, des institutions publiques, des lieux. C’est enfin des idées, des penseurs, des concepts. 
« La révolution de l’information débouche sur une organisation radicalement différente à la fois du travail et de la société. Au cœur, il n’y a plus l’usine mais le projet. » 

 

Réflexions sur l’antilibéralisme, cette obsession française

Nicolas Lecaussin : 
 
« En France, le mot 
“social” est la clef de la réussite politique, 
alors que le mot “libéral” est tabou »
Pour de nombreux Français, le libéralisme est la cause de tous les maux de la planète et l’origine, surtout, de tous leurs malheurs. Les politiques l’ont très bien compris, car tous les candidats (une dizaine) à l’élection présidentielle de 2012 ont fait campagne contre le libéralisme économique (pardon, il faut dire « ultralibéralisme » ou « libéralisme sauvage »). C’est une position typiquement française que l’on ne rencontre pas chez nos partenaires européens, chez lesquels l’un des candidats au moins se déclare « libéral ».
 
En France, augmenter les impôts et les dépenses sous-entend faire de la « politique sociale ». En France, le mot « social » est la clef de la réussite politique, alors que le mot « libéral » est tabou, car il risquerait de nuire à toute carrière politique. Durant les dernières années de sa présidence, Nicolas Sarkozy a tout fait pour que l’on n’accole pas cette étiquette à son image. « Je ne suis pas le Président des riches », répétait-il à longueur de journée, en démontrant qu’il était favorable à une politique « sociale » mais pas « libérale ». Dans la France antilibérale, Nicolas Sarkozy est resté comme le Président libéral. Quelle méprise ! Parti avec de belles intentions pour réformer la France, l’ancien Président n’aura finalement réalisé qu’une sorte de « perestroïka » à la française, qui a échoué tout en décrédibilisant le libéralisme et ses réformes. Il était aussi peu attaché à la politique de Margaret Thatcher que ne l’est François Hollande à celle de Tony Blair.
 
Synonyme d’une accusation terrible et inexcusable
L’antilibéralisme n’est pas un phénomène étudié, bien qu’il soit extrêmement répandu en France. Les antilibéraux se rassemblent en un pot-pourri complet (vous verrez, cher lecteur, la liste en est inépuisable…). Dans le monde politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par la gauche, le centre et la droite, les idées antilibérales sont omniprésentes. Etre « libéral » est devenu le synonyme d’une accusation terrible et inexcusable, tandis que l’adjectif « libéral » est l’insulte suprême. Les économistes sont en France, à quelques exceptions près, des antilibéraux convaincus et ne s’en cachent pas. Et que dire des intellectuels, de gauche et de droite, en général, qui ont toujours fait de l’antilibéralisme leur principal cheval de bataille. Après avoir fait semblant d’oublier les inepties marxistes, nos « élites » ont décidé de se consacrer à la lutte contre l’« ultralibéralisme » et le « capitalisme sauvage ». La crise de 2008-2009 les ayant revigorés, nombreux sont ceux qui reviennent aux vieilles lunes de la lutte des classes et de l’exploitation des ouvriers. Et même si les médias ont beaucoup évolué depuis les années 1990-2000, certains sont encore ancrés dans leurs certitudes « sociales » et « étatistes ». Cependant, Internet et le câble ont amené un changement de cap, qui a permis la création de nombreuses chaînes de télévision, car bien entendu, la ligne éditoriale ne pouvait rester totalement figée.
 
Le rejet de la mondialisation, principal fonds de commerce du FN
Mais en dépit de ces changements, il faut dire que certains réflexes idéologiques perdurent : les dérèglements économiques et financiers ont été présentés, par tous, comme les principales causes de la crise que nous continuons à vivre ; alors que l’Etat, avec ses interventions et ses réglementations, était présenté comme le remède. Une entente tacite s’est faite sur les origines de cette crise et les thérapies à y appliquer. Le traitement par le libéralisme a été écarté à l’unanimité, et le plus souvent, on s’obstine encore à appliquer les mêmes recettes que par le passé : hausses des impôts et interventions de l’Etat, alors que celles-ci ont largement montré leurs limites. Il est de fait que, plus on dépense pour « la lutte contre le chômage », plus celui-ci augmente. De même, plus on donne de l’argent pour la politique de la ville, plus les problèmes des banlieues deviennent insolubles. Plus on tente de faire du « logement social », plus les Français ont des difficultés à se loger. On crie aux conséquences « néfastes » de l’immigration et l’on met en cause le libéralisme, comme le fait le Front national, alors que c’est l’Etat-providence qui en est le responsable !
 
L’antilibéralisme a bien nourri aussi le Front national, car avec son rejet de la mondialisation, c’est son principal fonds de commerce aujourd’hui. Il n’existe aucun autre parti dont le discours soit plus étatiste, plus antilibéral et plus antimondialiste que celui du FN. A l’inverse, ces dogmes n’occupent pas en priorité l’esprit des autres principaux partis populistes européens. Le PVV néerlandais, dirigé par Geert Wilders, est obsédé par exemple par la condamnation du Coran, mais sur l’un des murs de son bureau, il y a tout de même un portrait de Margaret Thatcher. Tandis que l’UKIP britannique, bien qu’anti-européenne, se prononce fermement en faveur d’une zone de libre-échange. Quant au Parti du progrès en Norvège, il est entré au gouvernement et son chef en est devenu le ministre des Finances.
 
Bizarre modèle qui produit 
des millions de chômeurs…
« Je ne suis pas gagné par le libéralisme, c’est tout le contraire, puisque c’est l’Etat qui prend les initiatives », a affirmé François Hollande de son côté, lors de la conférence de presse du 14 janvier dernier. Comme si le libéralisme était une maladie contagieuse et que l’Etat était le seul recours pour s’en débarrasser ! Le paradoxe en France, c’est que plus l’Etat se montre impuissant, plus on fait appel à lui, en rejetant les remèdes libéraux ! D’ailleurs, toutes les catastrophes de l’Etat sont imputées à l’économie de marché. On défend même certains privilèges au nom de l’antilibéralisme. Et lorsqu’un ministre de la Culture a la volonté de réformer le statut des intermittents du spectacle, il est accusé d’être « le valet du libéralisme ». François Hollande s’est aussi vite empressé de rappeler que le modèle social français n’était pas « négociable » (ce qu’a fait comprendre aussi Manuel Valls). Bizarre modèle qui produit des millions de chômeurs et fait fuir à l’étranger des dizaines de milliers de Français.
 
Une partie de la droite française 
dans l’ornière étatiste
Lorsque l’UMP propose, fin décembre 2013, quelques réformes, bien timides par rapport à celles que d’autres pays ont engagées, la gauche au pouvoir crie à l’attaque par libéralisme interposé. « Le programme de l’UMP est thatchérien », ose affirmer Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national u-du PS (interview accordée au Parisien du 29 décembre 2013). En France, Margaret Thatcher est vouée aux gémonies, alors que le dictateur Hugo Chavez est encensé. Pour Victorin Lurel, notre ministre des pays d’Outre-Mer : « Chavez, c’est de Gaulle plus Léon Blum. » Mais le programme économique de l’UMP fait peur aussi à ses propres membres : Alain Juppé et François Baroin. Ces deux derniers le jugent trop « libéral ». Pourtant, il ne s’agit pas d’un épouvantail libéral : fin des 35 heures, baisse des charges et de la dépense publiques (130 milliards d’euros sur 5 ans seulement). C’est une partie de la droite française qui s’enfonce dans l’ornière étatiste, laquelle paralyse et condamne la France depuis tant d’années.
 
Mais même Pierre Gattaz, président du Medef, affreusement caricaturé chez Les Guignols de l’info en paranoïaque ultralibéral, n’hésite pas à prendre ses distances à l’égard d’un libéralisme économique qui fait peur et dont les conséquences, selon ses détracteurs, pourraient être catastrophiques : « Je ne suis pas un libéral suicidaire » (Les Echos, 20 janvier). Quand des affaires terribles éclaboussent les plus hautes sphères de l’Etat et de nombreux politiques (ceux-là mêmes qui nous donnent des leçons de morale et veulent réguler le capitalisme), on continue à s’en prendre au libéralisme économique.
 
La France isolée 
face à la « dictature libérale »
Un autre paradoxe de cette obsession antilibérale française, c’est que celle-ci perdure au moment où, partout ailleurs dans le monde, les idées libérales gagnent du terrain. Depuis la chute du communisme, en effet, la très grande majorité des Etats sur la planète a choisi son camp : celui de la démocratie libérale. En France, on continue à croire au mythe de la « dictature néolibérale » et l’on se méfie de la mondialisation qui « appauvrit » les pauvres et enrichit les riches. On exècre aussi le pouvoir imaginaire des multinationales, lesquelles seraient devenues plus puissantes que les Etats ; enfin, on se protège de la « main invisible » du marché (je n’ai jamais compris que l’on puisse accuser cette chose que l’on ne voit pas). Mais pourquoi cette obsession ! ?
 
Car je refuse de croire aux thèses invoquant la tradition étatiste et égalitariste de la France. C’est vrai, nous avons eu la Révolution, mais on oublie trop souvent qu’elle était libérale à l’origine et qu’elle encourageait la propriété privée en initiant de vraies réformes économiques. On cite Colbert, de Maistre, Rousseau, Maurras Certes ! Mais il y a eu aussi Turgot, Constant, Tocqueville, Bastiat, Say.
On peut dire que l’explication par des origines intellectuelles ne tient pas à l’examen des faits. Je pense en revanche qu’il existe chez les Français, peut-être dans leurs gènes, une forme d’antilibéralisme tenace. Elle peut s’expliquer d’abord par la peur de la concurrence et des libertés économiques. Napoléon III, en 1860, a dû se battre pour signer le traité de libre-échange avec l’Angleterre. Les ministres et les industriels, n’en voulant pas, l’accusaient d’être le « fossoyeur de l’industrie française » (Arnaud Montebourg dirait la même chose aujourd’hui). En fin de compte, le traité a été signé dans le plus grand secret.
 

Alain Madelin : «Les Français n’ont pas l’offre libérale qu’ils méritent»

Les Français plébiscitent l'Etat dans son rôle régalien
 
Ainsi, contrairement à l’opinion médiatiquement dominante, les Français sont libéraux. Le libéralisme sort en tête. Loin devant le socialisme, la droite ou la gauche. D’autant plus remarquable que ce sondage intervient au lendemain d’une crise majeure où – fort injustement – le libéralisme a été mis au banc des accusés et où les leaders politiques censés être les plus libéraux ont proclamé le « retour de l’État », multiplié interventions et dépenses publiques, légitimé le protectionnisme et fait l’éloge des frontières. 
 
 
 
Cela étant, ce libéralisme instinctif des Français apparaît bien confus. Certes, plus de deux Français sur trois pensent que le droit de propriété ou la liberté d’expression sont bien garanties en France. C’est un peu moins pour la liberté d’entreprendre (et encore moins pour les entrepreneurs qui vivent les limites de cette liberté). Cela pourrait être mieux pour une France qui se dit volontiers la patrie des droits de l’Homme et où 27 % disent aimer l’entreprise, 96 % l’initiative et 94 % la responsabilité.
 
Les Français disent aimer presqu’autant  l’Etat que le libéralisme. Certes, l’Etat qu’ils semblent privilégier, c’est d’abord l’Etat régalien. Celui qui assure la sécurité des personnes et des biens – un Etat défaillant pour 56 % des Français – ou l’égalité devant la loi et la Justice – défaillant pour 66 % des Français. Un Etat dont trois Français sur quatre voudraient sans doute aussi qu’il assure la protection des données sur Internet, plutôt que de généraliser et banaliser les écoutes. 
 
Mais s’ils semblent rejeter massivement l’Etat providence, les Français disent aussi à 55% souhaiter que l’Etat intervienne davantage en matière économique. Contradiction ? Manifestement, il y a un besoin de protection et un attachement aux services publics que - le sondage le montre – les Français n’ont guère envie de voir privatiser. Fort heureusement, au-delà d’une telle opposition entre public et privé, il existe des techniques de délégation de service public ou de concession qui permettent de mettre l’efficacité du privé au service des missions d’intérêt général et d’offrir une liberté de choix. 
 
Il serait intéressant de sonder les Français sur des propositions libérales concrètes, sur des libertés d’agir ou de choisir, choisir l’école de ses enfants, faire ses courses le dimanche, proposer des services concurrents des services publics avec les mêmes contraintes… On y retrouverait sans doute deux Français sur trois. Le problème, c’est que s’il y a une attente de libéralisme, il n’existe pas aujourd’hui d’offre politique libérale.
 

Alain Madelin

De Wikiberal
 
Alain Madelin est un homme politique français, né le 26 mars 1946 à Paris (XIIe arrondissement).  
Fils de Gaétan Madelin, ouvrier spécialisé de Renault et d'Aline, femme de ménage, il passe son enfance à Belleville, à Paris.
Choqué par les accords d'Évian, il s'engage dès ses 16 ans pour la cause nationaliste et devient famillier des bagarres avec les militants d'extrême gauche. En 1963 il est à la Fédération des Etudiants Nationalistes où il est responsable de l'action militante, il sera blessé à l'entrée du lycée Turgot dans une bagarre entre lycéens communistes et membres de la FEN. En 1964, alors qu'il étudie le droit à Assas, il est l'un des fondateurs du mouvement Occident, mouvement étudiant d'extrême droite, avec Gérard Longuet et Patrick Devedjian. Revenant sur cette époque, il déclare qu'il s'agit d'un
«anticommunisme militant, extrême et passionné, qui a accompagné une bonne partie de ma vie d'étudiant. Et comme à ce moment-là, la France de l'anticommunisme était marginalisée, nous avons été systématiquement confinés à l'extrême droite. En face, ils étaient pour Mao et Pol Pot, pour les Gardes rouges et pour les Khmers rouges. Je ne regrette pas de ne pas avoir choisi ce camp-là. »
Le 12 janvier 1967, Occident opère une action commando contre des militants d'extrême gauche qui distribuent des tracts à la faculté de Rouen. Le commando, dont fait partie Madelin, laisse sur le carreau, cinq blessés, dont un grave, crâne fracturé et même percé d'un coup de clé à molette. Ironie du sort, ce blessé grave n'est autre qu'un futur journaliste du Monde : Serge Bolloch.
Les militants d'Occident affrontent les manifestants de mai 68 ; à l'issue de la crise le groupuscule est dissous.
À l'automne 1968, Alain Madelin retourne à la faculté de droit d'Assas, et adhère aux Républicains indépendants de Valéry Giscard d'Estaing. Il obtient une licence de droit. L'avocat prête serment en 1971, mais ne coupe pas vraiment les ponts. Il travaille dans différents instituts et organismes patronaux, notamment avec Georges Albertini, un ex-lieutenant du collaborationniste Marcel Déat, qui fut un des derniers ministres du maréchal Pétain.
Il intègre l'état-major de Valéry Giscard d'Estaing, qui est élu président en 1974. (idem en 1981)
En 1978, Alain Madelin est élu député d'Ille-et-Vilaine et devient vice-président du Conseil régional de Bretagne ; il fait sensation en arrivant sans cravate dans l'hémicycle.
Lorsque la droite gagne les élections législatives en 1986 et que débute la première cohabitation, Jacques Chirac le nomme ministre de l'Industrie, des Postes et Télécommunications et du Tourisme. Le scénario se répète lorsque la droite gagne les élections législatives en 1993 et qu'Édouard Balladur, premier ministre de la seconde cohabitation, nomme Alain Madelin ministre des Entreprises et du Développement économique.
Son passage laisse deux traces notables : d'une part les contrats de retraite dit « Madelin », permettant aux non-salariés de se constituer une retraite par capitalisation ; d'autre part une simplification des démarches de création d'entreprise, avec la mise au point du statut d'entreprise unipersonnel (EURL et EARL).
En 1995, Alain Madelin est élu maire de Redon.
Lorsque l'UDF se range derrière Édouard Balladur à l'élection présidentielle de 1995, il choisit de soutenir Jacques Chirac. Élu, ce dernier le nomme ministre de l'Économie et des Finances mais ses positions le mènent à la démission au bout de trois mois et il est remplacé par Jean Arthuis. Lors de son passage au ministère il ne fait pas montre d'un libéralisme excessif : il approuve une hausse importante des impôts ; il signe avec d'autres ministres la "loi anti-Reichman", destinée à empêcher les gens de s’assurer librement en-dehors de la sécurité sociale (loi jamais été appliquée en l'état, et rapidement remaniée, puisque contraire aux dispositions communautaires).
À la victoire de la gauche en 1997, il prend la tête du Parti républicain. À l'été 1997, il renomme ce parti en Démocratie Libérale.
Il se présente à l'élection présidentielle de 2002, mais ne parvient pas à atteindre le seuil de 5% des voix qui lui permettrait de se faire rembourser ses frais de campagne : financièrement acculé, il rejoint avec son parti l'UMP en 2002.
Avec Henri Lepage, il a fondé dans les années 90 le (futur cyber) Institut Euro 92, qui constitue depuis lors une réserve inestimable d'articles portant sur des sujets aussi variés que la monnaie, l'environnement, la santé, ou encore l'histoire des idées libérales.
Il a continué à prendre part à la vie intellectuelle française avec les cercles libéraux.
Il est aujourd'hui avocat au barreau de Paris, divorcé, et a trois enfants.
Depuis novembre 2007, il préside le Fonds mondial de solidarité numérique créé en 2005 sous l'égide du Président sénégalais Abdoulaye Wade.

 
 Vision de Jean Quatremer
 
Le droit du travail est le résultat d'un rapport de forces, la sécurité sociale est lié à la Résistance et à la puissante armée communiste qui aurait pu déclencher une guerre civile. L'avortement, c'est aussi le résultat d'une lutte (lisez les mémoires de Simone Veil), je vous rappelle que mai 68 était passé par là et que VGE après Chaban a compris qu'il fallait donner de nouveaux droits aux citoyens. L'Etat, naturellement, est oppressif. Ces temps-ci, il le devient de plus en plus car les citoyens le demandent massivement, de la lutte anti-immigration clandestine à l'antiterrorisme.

ll est urgent de relire Marx (dont l'analyse de l'Etat et de l'économie reste pertinente) et les auteurs libéraux! Qu'est-ce que l'Etat? Que représente-t-il? Le bien en soi? Evidemment pas. L'Etat, ce sont des individus issus des classes privilégiées (elles sont étendues aujourd'hui, je le reconnais). Regardez ce que vient de faire Sarkozy: 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus aisées sous les applaudissements béats des foules. L'Etat, donc, accorde-t-il des droits aux plus démunis juste pour leur faire plaisir? Non, c'est le résultat de luttes sociales, d'un rapport de force. Les conquêtes sociales ont été arrachées les unes après les autres par des citoyens, des individus décidés à se battre et à se montrer solidaire. Le libéralisme, ce n'est pas l'amour du "privé", cela n'a rien à voir. Ce n'est pas non plus le chacun pour soi. Le libéralisme, ce n'est pas l'hyper marché (si j'ose dire), où le plus fort l'emporte toujours. L'Europe est une société libérale où l'Etat joue le rôle d'arbitre. Mais il n'arbitre en faveur des plus démunis que si on lui tort le bras.
 


Schuman a voté avec les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain avec 568 autres députés. Et la quasi totalité de l'administration lui a prêté serment. Tout comme François Mitterrand... Le traumatisme du pétinisme est profond en France. Cela étant, les hommes qui ont fait l'Europe, si ma mémoire est bonne, ont tous participé à la Seconde guerre mondiale dans un camp ou dans l'autre, voire dans les deux... Ce n'est pas de cela dont il est question dans ce post, mais des racines de l'antilibéralisme français.

L'Allemagne, par exemple, a inventé bien plus tôt que la France la sécurité sociale, et les trusts allemands contrôlaient largement l'économie (c'est pour cela qu'il y a des articles antitrusts dans le traité CECA et dans le traité CEE: il a fallu que Konrad Adenauer force la main de son ministre des finances pour les faire accepter). Les Allemands et les Français ont, en outre, tiré des leçons radicalement différente de la guerre: méfiance vis-à-vis de l'Etat central en Allemagne, dont la puissance a été rendu responsable de la guerre, renforcement de l'Etat en France dont la faiblesse a été rendu responsable de la défaite. "L'antilibéralisme" est minoritaire en Allemagne, pas en France où même la droite répugne à se dire "libérale".

Rédigé par: Jean Quatremer

Psychanalyse de l'antilibéralisme : les Français ont -ils le droit d'avoir peur?

 Le débat intellectuel et public français cherche ses nouveaux repères. Après l'échec des régimes communistes, les idées marxistes sont aujourd'hui frappées de discrédit. Leur emprise s'est relâchée : les substituts altermondialiste ou populiste ne sont pas les seules alternatives. En réalité, le nouveau contexte libère l'espace de la pensée politique en autorisant la remise au débat du libéralisme. La France se déclare quasi unanimement anti-libérale dans un monde devenu libéral. L'antilibéralisme, ce véritable ciment d'une idéologie française, vient à nouveau d'être illustré par le rejet du référendum constitutionnel et du contrat de première embauche censé apporter une réponse à la grave crise du chômage des jeunes. Pourtant, la plupart de ses gouvernements, de gauche comme de droite, ont conduit, sans parfois oser l'avouer, nombre de réformes inspirées par le libéralisme - à commencer par l'adhésion à l'Europe et à ses règles. Pourtant, inventé par la France au Siècle des Lumières, le libéralisme irrigue profondément les racines de notre Révolution et de notre République, se distinguant de sa définition anglo-saxonne. En éclairant son passé et en lui restituant son importance, c'est toute l'histoire de notre démocratie qui pourra apparaître sous un jour nouveau. Le divorce entre l'opinion française et le libéralisme paraît ainsi relever d'un vaste malentendu qu'il faut aujourd'hui dissiper. Que s'est-il donc passé ? De quelles frustrations ce paradoxe est-il révélateur ? Comment le libéralisme, synonyme de la gauche progressiste en France jusqu'au début du XIXe siècle - et encore aujourd'hui presque partout ailleurs que chez nous - s'est-il trouvé rejeté à la droite - voire à l'extrême droite - de notre échiquier politique ? Comment notre société s'est-elle édifiée un aussi monumental tabou ? Le moment est venu de faire la psychanalyse de cette peur irraisonnée qui gangrène depuis trop longtemps la pensée politique de notre pays. Pour s'implanter durablement dans notre pays, le libéralisme doit redevenir populaire.
(date de publication : septembre 2006) 

Voir aussi: 
https://www.contrepoints.org/tag/antiliberalisme
 

Antilibéralisme

De Wikiberal
 
Le terme d'antilibéralisme désigne un ensemble de courants politiques hétérogènes, réunis par l'opposition aux idées libérales. 
Les alternatives proposées sont différentes, et rejoignent en général les courants de pensée ou tendances suivants :
Ludwig von Mises s'est intéressé à la « psychologie de l'antilibéralisme » dans Libéralisme (1927) [1]. Il distingue deux causes :
  • le ressentiment, la jalousie sociale, qui va jusqu'à préférer une misère uniformément répartie aux inégalités sociales existantes, car il serait indécent d'être riche quand il y a tant de pauvres ;
  • le fantasme névrotique, conséquence sans doute d'un échec personnel, d'une insatisfaction, d'une ambition déçue, qui pousse l'antilibéral à se réfugier dans un « monde meilleur », sur la base d'un discours politique plus ou moins utopique (altermondialiste, marxiste, nationaliste, écologique)... C'est ainsi que le messianisme marxiste fait miroiter l'utopie d'une société égalitaire, d'un pays de Cocagne où tout est abondant, où le travail se fait dans la joie, etc. Le « mensonge salvateur » permet à l'antilibéral de droite ou de gauche de supporter l'état de choses actuel, tout en lui fournissant un certain nombre de boucs émissaires commodes qui le déchargent de sa responsabilité : c'est la faute de la société, des riches, des apatrides, des étrangers, des entreprises, etc.
L'historien Pierre Rosanvallon emploie le terme d'illibéralisme pour désigner les régimes de pouvoir fort (Second Empire, Cinquième République). Il considère que c'est le bonapartisme qui est « la quintessence de la culture politique française », « la clef de compréhension de l’illibéralisme français ».

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