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août 17, 2021

Afghanes news !!

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), 

 Tout esprit profond a besoin d'un masque. Je dirai plus encore : autour de tout esprit profond, grandit et se développe sans cesse un masque, grâce à l'interprétation toujours fausse de chacune de ses paroles, du moindre signe de vie qu'il donne. 

Friedrich Nietzsche


 






















Sur la seule année 2018, 10% des demandes d’asile étaient déposées par des afghans, soit plus de 9.000 personnes.
 

 
Afghanistan's central bank, da Afghanistan Bank, holds 703,005 ounces of gold, all deposited at the Federal Reserve Bank of New York. That's worth US$1.25 billion. It's a safe guess that with the Taliban taking over this gold will be frozen. Source: dab.gov.af/sites/default/
 

janvier 13, 2015

RP#7 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 5 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



 Sommaire:

A) -  Les attentats à Paris : quel point de vue depuis les Etats-Unis ? - IRIS du 13 janvier 2015 par Nicolas Dungan

B) -  Salman, futur roi saoudien, un homme très lié au Maroc - médias 24 du 12 janvier 2015

C) - Le Kazakhstan et l’Union eurasiatique : quels sont les enjeux de l’adhésion ? - Diploweb du 13 janvier 2015 par Hélène Rousselot (*Documentaliste et traductrice de russe, Membre de l’association LRS (Littérature russe et d’expression russe). Responsable « Asie Centrale » au Comité de rédaction de la revue en ligne regard-est.com)

D) - La pauvreté au japon, un mal grandissant - L’Express du 13 janvier 2015 par Philippe Mesmer

E) - Facebook, Twitter : les leçons de « Charlie » - Le Point du 13 janvier 2015 par Guillaume Grallet




A) -  Les attentats à Paris : quel point de vue depuis les Etats-Unis ?



Les Etats-Unis, son président en tête, ont particulièrement montré leur soutien à la France lors des attaques de la semaine dernière, et loin semble le temps où l’on y rebaptisait les French fries en Freedom fries. Comment interpréter ce soutien et cette mobilisation étatsunienne à l’épreuve qu’a subie la France ? 

Tout d’abord, on ne peut pas manquer de remarquer l’absence de dirigeants américains lors de la marche républicaine ce dimanche. Cette absence a particulièrement été pointée du doigt aux Etats-Unis : les citoyens, la presse, les médias, la twittosphère, le « commentariat », l’ont ressenti comme un signe d’indifférence inacceptable. C’est peut-être un problème sécuritaire qui a empêché Eric Holder, le ministre de la Justice des Etats-Unis, de défiler alors qu’il était à Paris. Ou, quoique j’en doute, c’est peut-être aussi une maladresse de la part de Barack Obama qui aurait pu envoyer son vice-président, Joe Biden. George Bush père disait quand il était vice-président : « You die, I fly ». Biden ou John Kerry auraient pu être là, contrairement à Obama qui a un dispositif de sécurité tellement lourd qu’il valait mieux ne pas venir. En tout état de cause, cette absence américaine n’a, apparemment, en rien offusqué la France, peuple ou dirigeants. Concernant la mobilisation française, il faut se rappeler que les Américains se rendent compte qu’ils ont mal réagi aux évènements du 11 septembre 2001. Leur réponse de colère et de vengeance avait été quasiment l’inverse de celle des Français depuis la semaine dernière. Les Américains reconnaissent que le « either you are with us, or you are with the terrorists » (vous êtes soit de notre côté, soit avec les terroristes) de George W. Bush était fondamentalement erroné en tant que jugement et avait conduit à des comportements extrêmement destructeurs, telles l’invasion en Irak et la déstabilisation du Moyen-Orient qui en a résulté. Quant aux Français et Américains, il y a une solidarité qui existe dans les moments difficiles entre nos deux peuples et nos républiques fondées sur les principes des Lumières. Ce sont les deux seuls pays au monde qui se réclament — et qui essaient tant bien que mal d’incarner — des valeurs universelles. Cette fraternité est donc réelle. Du côté des États-Unis, on considère que la manière, digne et unie, dont la France a réagi aux attaques de la semaine dernière, c’est en quelque sorte ce que les Américains auraient voulu faire eux- mêmes après le 11 septembre. 

Certains évoquent aujourd’hui la nécessité d’un Patriot Act à la française, inspiré du modèle américain. Quel bilan y porte-t-on outre-Atlantique plus de 10 ans après son instauration ?
Il y a deux volets au Patriot Act et au Homeland Security Act, son analogue. Chacun de ces deux volets montre justement pourquoi il n’y en a pas besoin en tant que tel en France. Le premier volet a été la refonte complète, plutôt par le Homeland Security Act, de tout ce qui était renseignement, intelligence et maintien de l’ordre au niveau du gouvernement fédéral, dont les services dans ces domaines étaient très fortement dispersés. Aux Etats-Unis, à l’époque, le département de l’Immigration dépendait d’un ministère et la douane d’un autre, de même pour le renseignement et le FBI. Souvent, ils ne communiquaient pas entre eux. Il fallait réorganiser tout cela. La France est un pays beaucoup plus organisé que les Etats-Unis et d’ailleurs que de nombreux autres au niveau du fonctionnement de l’État. Si la France a besoin d’améliorer la coordination de ses services de renseignement, comme l’a évoqué le premier ministre, Manuel Valls, ce n’est pas à mon sens en passant par un Patriot Act ou un Homeland Security Act. Le Patriot Act américain en particulier a conduit — et c’est le deuxième volet — a beaucoup de pratiques considérées comme abusives et tendant à diminuer les libertés individuelles aux Etats-Unis. La France n’a pas besoin de quelque chose d’aussi défensif. Il ne faut pas une restriction des droits telle que ce que le Patriot Act a amené ; la France ne doit pas reproduire ces errements. Par ailleurs, l’élaboration de la politique interne aux États-Unis relève du Congrès, qui rédige les projets de loi en son sein, et il est plus normal qu’aux États-Unis de telles réformes passent par la législature au premier chef. En France, la Constitution confie au gouvernement l’élaboration de la politique interne, et celui- ci dispose de maints outils pour le faire, y compris de nouvelles lois, mais pas uniquement. 

Pensez-vous que ces événements tragiques sont à même de rapprocher encore davantage Français et Américains, notamment en matière de renseignement et de sécurité, alors que les informations sur les frères Kouachi notamment n’avaient semble-t-il pas été partagées entre les deux nations ? 

Je doute qu’il soit possible de rapprocher plus encore les directions de renseignements américains et français, tellement elles travaillent déjà comme s’il s’agissait d’un service unique. Cela étant, la France ne fait pas parti du groupe des Five Eyes — Etats-Unis, Grande- Bretagne, Australie, Nouvelle Zélande et Canada — et elle n’en a sans doute pas envie parce qu’elle veut garder sa propre marge de manœuvre. Le but de la politique internationale française, qu’elle soit diplomatique ou militaire, c’est « l’indépendance nationale ». Il est donc difficile pour la France et les Etats-Unis de se rapprocher davantage à ce niveau. Par ailleurs, il y a plusieurs analyses depuis les événements de la semaine dernière, faites par des professionnels du renseignement, qui soulignent que, contrairement à ce qu’on voit au cinéma et à ce que nous ferait croire Edward Snowden, les professionnels du renseignement sont en réalité sérieusement débordés. C’est le cas dans tous les grand pays, France, Etats-Unis, Grande-Bretagne et ailleurs. Les services peuvent donc peut-être travailler plus efficacement ensemble, et ils chercheront sans aucun doute à le faire, mais travailler plus étroitement sera difficile car c’est ce qui se pratique déjà aujourd’hui. 



B) -  Salman, futur roi saoudien, un homme très lié au Maroc
 
Fortes rumeurs au sujet d'une probable abdication du Roi Abdallah. Le futur successeur, le Prince Salman, a des liens forts avec le Maroc. Agé de 90 ans, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a été hospitalisé le 31 décembre dernier pour une pneumonie. Mais depuis plusieurs mois, c’était le prince héritier Salman qui assurait l’essentiel des activités officielles et des tâches de représentation. Le prince Salman a ainsi reçu ce dimanche 11 janvier à Riyad le président vénézuélien Nicolas Maduro. Il y a quelques jours, il présidait l’ouverture du majlis al choura (conseil consultatif, une sorte de parlement mais dont les membres sont désignés, tout en étant assez représentatifs de différents courants). En décembre, il a représenté son pays au sommet du G20 en Australie ainsi qu’au sommet du CCG à Doha. Tous les jours, le compte Twitter du prince héritier saoudien, 77 ans, rend compte de ses activités officielles. Désigné prince héritier en 2012 par le roi Abdallah, Salman exerce les fonctions de ministre de la Défense. Pendant plus de 40 ans, il a été gouverneur de la capitale Riyad où sa gestion a été très appréciée. 

Salman et le Maroc
Salman est bien connu au Maroc et surtout à Tanger où il passe le plus clair de son temps lorsqu’il n’est pas en Arabie saoudite. Salman dispose de résidences à Madrid et à Londres mais c’est à Tanger qu’il dispose d’une résidence voisine du palais royal et d’une seconde résidence en bord de mer sur la côte atlantique. Depuis deux ans, le prince Salman a entrepris de vastes travaux dans sa résidence de plage, un mini-palais entouré d’une dizaine de villas. L’ensemble est solidement fortifié. Lorsqu’il est à Tanger, la plage qui borde sa résidence est fermée au public et une unité des FAR est présente pour contribuer à assurer la sécurité de l’un des hommes les plus puissants du monde. L’armée saoudienne compte notamment parmi les 10 budgets militaires les plus importants de la planète, quelque 55 milliards de dollars en 2014. L’été dernier d’ailleurs, Salman est arrivé à Tanger à la veille de l’Aïd al Fitr accompagné d’un nombre important de collaborateurs politiques et de membres de sa famille. Il est resté plus de cinq semaines dans la région avant de s’envoler directement pour Paris le 1er septembre. Il devait y être reçu par le président français François Hollande et rencontrer son homologue Jean -Yves Le Drian. Le prince Salman aime séjourner à Tanger avec sa famille. Avec sa suite, à l’été 2014, il lui est arrivé de privatiser des restaurants en plein cœur de la saison d’été. A Tanger également, il a reçu et rencontré plusieurs politiques marocains et européens.





Inconnues
Selon le site israélien Debka, l’abdication du Roi Abdallah est une option ouverte. Son ami l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos a fait de même il y a quelques mois. Mais une succession n’est jamais un processus facile surtout lorsque ses règles ne sont pas immuables. Ces jours-ci du côté de Washington, -Américains et israéliens suivent les choses de près-, on s’inquiète ouvertement d’une succession qui serait conflictuelle. Selon Simon Henderson du Washinton Institute, «il est peu probable que la transition saoudienne se passe de manière fluide, quoiqu’il ne fasse aucun doute que c’est ainsi que la maison des Saoud souhaite qu’elle soit perçue». Si Abdallah a formellement désigné Salman comme son successeur, ce dernier a été bien malade en 2012 avec le diagnostic de troubles neurologiques. Et au-delà du prince héritier Salman, il y a également le prince Muqrin, prince héritier-adjoint également désigné en 2012. C’est Abdallah qui a inventé le titre. Avant de mourir en 1953, le roi Abdelaziz (ou Ibn Saoud) avait établi un système de succession entre ses fils, du plus âgé au plus jeune. A 65 ans, Muqrin fait partie, avec Abdallah et Salman, des trois derniers fils vivants du défunt roi Abdelaziz. Néanmoins, si Salman devient roi d’Arabie saoudite, il peut désigner son prince héritier. Muqrin ou pas ? Salman a des enfants qui sont dans la haute administration et dans l’armée. Et si Muqrin est désigné prince héritier, quel serait le nouveau mode de succession instauré pour la suite ? A l’heure où le royaume saoudien est confronté à d’importants défis sécuritaires au nord à la frontière irakienne, au sud aux frontières du Yémen et à l’est avec l’Iran, ainsi qu’à d’importantes transformations économiques et sociales, le futur de la maison Saoud ne laisse pas indifférent. 




C) - Le Kazakhstan et l’Union eurasiatique : quels sont les enjeux de l’adhésion ?
 
L’incessante promotion de l’idée eurasiatique, par leur président N. Nazarbaev ne convainc manifestement pas tous les Kazakhstanais. Certains se montrent défiants à l’égard de cette adhésion à une institution incluant la Russie, de peur de voir celle-ci exercer une forte une ingérence dans leur pays. L’UNION eurasiatique rassemblant la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, se substituera à l’Union douanière et à l’Espace économique commun à partir de janvier 2015. L’accord scellant la constitution de cette Union sur la base de l’Union douanière (elle-même formée au sein de la Communauté économique eurasiatique) [1], a été signé par les présidents kazakh, russe et biélorusse, à Astana, le 29 mai 2014. La prochaine adhésion du Kazakhstan à cette nouvelle organisation régionale soulève des protestations au sein de ce pays centrasiatique dont le président Noursoultan Nazarbaev est pourtant à l’initiative de l’idée d’intégration depuis une vingtaine d’années. À en croire les discours du président kazakh, l’Union douanière a déjà apporté des bénéfices économiques substantiels à son pays. Or, si le Kazakhstan a bénéficié d’investissements étrangers et ce grâce à un plus grand marché que celui du seul Kazakhstan : l’Union douanière compte 169,8 millions de consommateurs, tandis que les Kazakhstanais ne sont que 17 millions, les principaux investisseurs ne sont ni biélorusses, ni russes. Mais des données officielles d’une part et les protestations d’activistes et de responsables kazakhstanais d’autre part incitent à examiner plus précisément la rationalité économique de ce processus. Le volet politique de l’Union eurasiatique est également source d’inquiétude pour certains Kazakhstanais, notamment depuis le début de la crise ukrainienne à l’automne 2013. 


Bilan de l’adhésion du Kazakhstan à l’Union douanière
Astana a déjà vu le déficit de sa balance commerciale vis-à-vis de Moscou s’aggraver. Le supposé renforcement de l’intégration entre les pays membres de l’Union douanière aurait entrainé un développement des échanges commerciaux entre Minsk, Astana et Moscou. Mais il semblerait que le Kazakhstan n’en ait pas pleinement profité. Astana a vu, en effet, le déficit de sa balance commerciale vis-à-vis de Moscou s’aggraver, en passant de 8,5 en 2011 à 11 milliards de dollars en 2012. Le Kazakhstan qui a dû revoir plus de 50% de ses tarifs douaniers, globalement plutôt à la hausse [2] , se trouve bel et bien exposé à une concurrence accrue de marchandises en provenance de Russie. Celles-ci, croissantes jusqu’en 2012, consistent en carburant (malgré ses richesses en hydrocarbures, le Kazakhstan ne produit pas suffisamment d’essence notamment pour sa propre consommation), en machines-outils et en métaux (respectivement 23,6%, 15,2% et 11,7%, en 2012) [3]. Puis, au cours des huit premiers mois de l’année 2014 par rapport à la même période de 2013, elles ont baissé de 21% (les importations de Biélorussie ne varient pas pendant cette période, après avoir augmenté en 2012). Pour les périodes janvier-août 2013 et 2014, le tableau ci-dessous montre que les exportations du Kazakhstan vers les deux autres pays de l’Union douanière diminuent fortement, voire très fortement avec la Biélorussie. Et si les échanges du Kazakhstan avec des pays hors CEI diminuent aussi, ils régressent moins fortement que ceux du Kazakhstan avec la Russie. 

Ces réductions des échanges du Kazakhstan se traduisent par un excédent de la balance commerciale en baisse. Il est de 46 810,4 en 2011, puis de 43 148,0 en 2012 et enfin de 33,84 milliards de dollars en 2013. Ses exportations totales ont diminué de 4,04% en 2013 par

rapport à 2012 (elles s’établissaient à 83,41 milliards de dollars en 2013), tandis que ses importations totales étaient de 49,58 milliards, soit 1,02% de plus qu’en 2012 [4]. La part des pays hors CEI (donc hors Union douanière) dans les importations du Kazakhstan s’accroit pendant cette période puisqu’elle est de 58,1% en janvier-août 2014 (contre 53,3% pour la même période de 2013) et celle de ses exportations est de 88,6% (contre 87% pour la même période de 2013). De plus, les principaux partenaires économiques du Kazakhstan sont la Chine et l’UE et leurs parts dans les échanges du Kazakhstan augmentent. Elles sont respectivement 14,6% et 45,7% de ses échanges commerciaux sur la période janvier-août 2014, contre 17,2% et 40,5% pour la même période de 2013. Ces chiffres peuvent par conséquent soulever la question du bien-fondé de la promotion d’une intégration douanière et économique du Kazakhstan avec la Biélorussie et la Russie, puisqu’il commerce davantage avec des pays tiers. Le Kazakhstan avec la Biélorussie ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie. Du reste, les données relatives aux investissements directs étrangers (IDE) renforcent la pertinence de cette question. Moscou et Minsk ne représentent que 5% des IDE réalisés au Kazakhstan. Les principaux investisseurs dans ce pays étaient en 2012 les Pays- Bas, la Chine, le Canada et le France. Réciproquement, le Kazakhstan avec la Biélorussie ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie. Ce qui abonde dans le sens du politicien et journaliste kazakh Amirjan Kosanov qui souhaite voir son pays coopérer plutôt avec des pays pouvant opérer des transferts de technologie vers son pays, par crainte de voir son pays touché par une économie russe en piteux état. 

Les bénéfices attendus de l’adhésion du Kazakhstan à l’Union eurasiatique
Comme le soulignent B. Slaski et E. Dreyfus dans leur article « Quelle Union eurasiatique ? », l’Union douanière devait accorder au Kazakhstan un « accès facilité et sans taxes aux oléoducs et aux gazoducs russes et biélorusses menant vers l’Europe occidentale » ainsi qu’une meilleure protection face aux produits chinois depuis 2010. Mais, sur ce dernier point, les données de l’Agence pour les statistiques du Kazakhstan n’indiquent pas une telle évolution, puisque les importations chinoises au Kazakhstan croissaient en valeurs absolues et en pourcentage des importations totales du Kazakhstan. Ces importations chinoises atteignaient 7,444 milliards de dollars en 2012 (soit 16,1% des importations totales du Kazakhstan), puis 8,364 milliards de dollars en 2013 (soit 17,1% des importations totales du Kazakhstan) et 5,441 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de l’année 2014 (avec une part de 18% dans les importations totales du Kazakhstan). L’Union eurasiatique, quant à elle, devrait permettre aux produits kazakhstanais d’accéder plus facilement aux infrastructures russes et européennes et ce, peut-être, grâce à la facilitation des transports Asie-Europe par voies terrestres, alors qu’ils se font, pour l’heure, plutôt par voie maritime. Mais, la signature par les chemins de fer russes et chinois à la mi-octobre 2014 d’un mémorandum pour le projet de construction de lignes à grande vitesse entre Moscou et Pékin, pourrait modifier un peu la donne. Par ailleurs, ce rapprochement économique avec la Russie qui est le 156ème membre de l’Organisation Mondiale du Commerce depuis le 22 août 2012, pourrait simplifier l’entrée du Kazakhstan à l’OMC, de l’avis cette dernière et de celui de la Russie. De plus, les banques centrales des trois pays se sont mises d’accord pour échanger des informations et un travail d’harmonisation fiscale serait en cours entre les trois pays, où la TVA est de 18% en Russie et de 12% au Kazakhstan (de 20% en Biélorussie). Ce qui marque un premier point de dissymétrie entre les trois partenaires. Des acteurs économiques ainsi que la population kazakhstanaise avaient anticipé un renforcement des taxes douanières et donc une augmentation générale des prix, suite à l’entrée de leur pays dans l’Union douanière. En théorie, les consommateurs kazakhstanais pouvaient aussi compter sur une augmentation de la concurrence entre produits de consommation. Dans les faits, force est de constater que l’inflation est à la baisse depuis 2011. De l’ordre de 7% en 2011, elle atteint 6% en 2012, 4,8% en 2013, année où elle était la plus faible depuis 15 ans. En revanche, elle pourrait remonter pour atteindre les 6,9% fin 2014 [5]. D’autres bénéficiaires d’une intégration eurasiatique plus poussée pourraient être des Kazakhs de régions frontalières entre la Russie et le Kazakhstan. Des initiatives, apparemment locales, se font jour notamment dans la région de Saratov (en Russie) qui compte environ 3% de Kazakhs. Elle a vu naître le centre d’information « Evrazia-Povolje » (« Eurasie-région de la Volga »), dirigée par une historienne russe, en septembre pour promouvoir la coopération transfrontalière entre la Russie et le Kazakhstan. Au niveau national, cette intégration se manifeste par le forum annuel de coopération régionale, auquel participent les deux chefs d’État. Le dernier en date s’est tenu en septembre 2014, dans la ville pétrolière d’Atyrau, sur le bord de la mer Caspienne, au Kazakhstan. Ce forum annuel, qui est le onzième du nom (Moscou et Astana n’ont donc pas attendu la mise en place de l’Union douanière en 2007 pour l’instaurer) et consacré au domaine pétrolier, a présenté un projet de création d’un pôle d’innovation gazo-chimique sur la base du complexe d’Orenbourg (en Russie) ainsi qu’un projet de centre de formation d’ingénieurs pour le secteur des hydrocarbures. Ces exemples de développement de l’intégration et de la coopération eurasiatique ne doivent pas masquer de remarquables dissymétries structurelles et de diverses natures entre les deux voisins. Les plus immédiatement repérables sont celles qui ont trait à leurs superficies, démographies et produits intérieurs bruts, difficilement comparables. La superficie du Kazakhstan (2,7 millions km2) représente 13,5% de celle de l’Union douanière (soit environ 20 millions de km2), sa population compte pour 10,4% de celle de l’Union et son PIB - pour 9,3% de celui de l’Union en 2013. En raison de ces dissymétries relevées entre le Kazakhstan et la Russie, des consensus entre la Russie et le Kazakhstan paraissent difficilement réalisables, ce qui alimente encore la méfiance de Kazakhstanais vis-à-vis de la participation de leur pays à une telle organisation. Et les cercles économiques kazakhs n’ont, du reste, pas caché leur réticence envers le projet d’Union eurasiatique. Quant à l’ensemble de la population kazakhstanaise, au vu de son soutien à l’Union douanière (48% en faveur de l’Union douanière, contre 55% en Russie, en 2011 [5]), on peut supposer qu’elle n’est pas plus enthousiaste vis-à-vis de l’Union eurasiatique. Les besoins en matière d’intégration sont par conséquent divergents entre les deux pays, ce qui explique un décalage d’agendas des priorités entre les partenaires de la future Union eurasiatique. Pour la Russie, l’intérêt des processus d’intégration se mesure sur le long terme, tandis qu’au Kazakhstan, un plus court terme domine. 


L’opposition kazakhstanaise et l’adhésion à l’union eurasiatique
À l’approche de la signature de l’accord sur l’Union eurasiatique, en mai 2014, s’était tenu un forum anti eurasiatique, à Almaty. Des opposants à l’Union douanière dénonçaient l’influence de la Russie sur les autorités du Kazakhstan, ainsi que les ambitions politiques personnelles du président Nazarbaev, décidé à faire adhérer son pays à l’Union, aux dépens des intérêts de son pays. Il réunissait écrivains et opposants politiques tels que Tolegen Joukeev (né en 1949, ingénieur du pétrole, l’un des pères du projet d’exploitation du champ pétrolifère de Tengiz). S’y étaient exprimées des revendications, comme la demande d’un référendum sur l’entrée du Kazakhstan dans l’Union eurasiatique. Soulignons que ce projet n’avait pas fait l’objet de débat dans les médias et que l’entrée dans l’Union douanière n’avait pas été non plus sanctionnée par un référendum. Quelques jours plus tard, des opposants à l’Union dénonçaient l’influence de la Russie sur les autorités du Kazakhstan, ainsi que les ambitions politiques personnelles du président Nazarbaev, décidé à faire adhérer son pays à l’Union douanière, aux dépens des intérêts de son pays, selon l’économiste kazakh Toktar Esirkepov. L’incessante promotion de l’idée eurasiatique, par leur président N. 


Nazarbaev ne convainc manifestement pas tous les Kazakhstanais. Certains se montrent défiants à l’égard de cette adhésion à une institution incluant la Russie, de peur de voir celle- ci exercer une forte une ingérence dans leur pays. (Rappelons ici que plus de 29 Kazakhs ont été victimes d’actes racistes et 7 en sont morts en Russie, en 2014). Certains opposants kazakhs inquiets de voir la Russie mettre en œuvre des ambitions impérialistes, n’hésitent pas à aller jusqu’à évoquer la volonté russe de reconstituer une seconde URSS. Ce qui leur fait dire que la perte de souveraineté du Kazakhstan le ravalerait alors au rang de « province de la Russie ». Comme pour leur répondre, des experts russes dénoncent, eux, une rumeur orchestrée par des nationalistes kazakhs accusant la Russie de vouloir déstabiliser le Kazakhstan. Une telle perte de souveraineté signifierait plus certainement une encore moins grande latitude pour organiser des mouvements de protestation à l’égard du pouvoir, les autorités kazakhstanaises pouvant alors compter sur un soutien du Kremlin pour les contrer. Et la nouvelle crise ukrainienne advenue à l’automne 2013, alimente encore les réticences des nationaux-patriotes et anti-eurasiatiques kazakhstanais. Parmi ces derniers, outre Amirjan Kosanov déjà cité, les plus visibles dans les médias russophones sont Kazbek Beïsebaev (ancien membre du ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan), Boulat Abilov (ingénieur des mines, ancien conseiller présidentiel et président du parti Azat), et Moukhtar Taïjan, économiste, qui se situe plutôt dans la mouvance des nationaux-patriotes. Selon le jeune opposant Janbolat Mamaï, les nationalistes kazakhstanais auraient réussi à faire pression sur N. Nazarbaev pour exclure la composante politique du projet d’Union eurasiatique, à savoir un parlement eurasiatique, une monnaie commune, la double nationalité, et une surveillance conjointe des frontières. Mais, les perspectives d’une intégration monétaire et politique, sont rejetées par la majorité de la classe politique, N. Nazarbaev en tête. De fait, à l’issue d’une rencontre avec ses homologues russe et biélorusse à Astana en mai 2013, le président kazakh avait réitéré qu’il n’était pas question de donner à la Commission Économique Eurasiatique [6] des compétences de nature politique. Il déclarait alors : « Je souhaite une fois de plus mettre l’accent sur le fait qu’il n’y a aucun plan qui, envisageant le transfert de compétences politiques à des instances supranationales, remettraient en cause l’indépendance des États. Il ne s’agit que d’intégration économique » [7]. Pour N. Nazarbaev, ce sont les domaines économiques qui doivent être les moteurs de cette intégration. Pourtant des Kazakhstanais à l’instar d’A.Kosanov craignent que le Kazakhstan ne soit entrainé par la Russie dans un plus isolement, en raison des tensions entre la Russie et l’Occident. Du reste, cette accentuation d’un relatif isolement pourrait compromettre le programme « La voie vers l’Europe » lancé par N. Nazarbaev en 2008 et dont l’objectif est de développer la coopération bilatérale du Kazakhstan avec des pays européens et l’Union européenne. En supposant que l’Union eurasiatique ne soit qu’économique, A. Kosanov pose aussi la question de savoir comment séparer l’économique du politique et du géopolitique dans un monde globalisé. 

[1] Pour de plus amples détails sur la formation de cette organisation, Cf. Bertrand SLASKI, Emmanuel DREYFUS, Quelle Union eurasiatique ? 30 janvier 2014 (http://www.diploweb.com/Quelle-Union-eurasiatique.html).
[2] « Regional Trade Integration and Eurasian Economic Union”, Banque européenne de Développement et de reconstruction, www.ebrd.com/downloads/research/transition/tr12d.pdf., p. 66.
[3] Proved провэд.рф/economics/customs-union.html, 22 juin 2013. [4] Kursiv, 5 mars 2014.


[5] Tengrinews.kz, 4 novembre 2014.



[6] La Commission économique eurasienne est l’organisme de réglementation supranationale permanente de l’Union douanière et de l’Espace économique unique ; elle fonctionne depuis le 2 février 2012.

[7] Kursiv, 29 mai 2013.



D) - La pauvreté au japon, un mal grandissant



Le gouvernement japonais ne parvient pas à juguler la pauvreté qui touche plus particulièrement les jeunes, les familles monoparentales et les personnes âgées. 


Les chiffres dévoilés le 1er août par le ministère japonais des Affaires sociales révèlent que, en 2012, 16,1% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté. Celui-ci était alors estimé à 1,22 million de yens (8629 euros), soit la moitié du revenu annuel médian. Pour la première fois, la part des enfants touchés par la pauvreté (16,3%) dépassait celle des adultes. Ce niveau confirme la place occupée par l'archipel depuis plusieurs années parmi les mauvais élèves de l'OCDE. Le Japon se situe en quatrième position des nations affichant le taux de pauvreté le plus élevé, derrière le Mexique, la Turquie et les Etats-Unis. Parmi les foyers à parent unique, il est en tête, à 58,7%, devant les Etats-Unis (50%). En France, à titre de comparaison, 19% de ces ménages vivent sous le seuil de pauvreté. L'Institut pour la population et la sécurité sociale (IPSS), organisme public, souligne trois spécificités japonaises. L'importance des travailleurs pauvres, l'existence de catégories de population particulièrement touchées -jeunes, foyers à parent unique, personnes âgées- et, enfin, l'inefficacité des politiques publiques à lutter contre la pauvreté. 

Recrudescence des contrats précaires
De fait, le nombre de travailleurs pauvres croît depuis les années 80, époque où les entreprises ont commencé à recourir en masse aux contrats à durée déterminée et à l'intérim, profitant de politiques qui favorisaient le recours aux contrats précaires. Malgré une pause quand le Parti démocrate du Japon était au pouvoir, entre 2009 et 2012, les gouvernements successifs ont peu à peu allongé la liste des métiers ouverts à l'intérim et aux CDD. Aujourd'hui, près de quatre actifs sur dix sont en contrat précaire. Or les écarts de salaires entre contractuels ou intérimaires et salariés à temps plein peuvent aller du simple au double: "Cela crée une pression sur les rémunérations des salariés en CDI", regrette l'IPSS. Les experts de l'organisme s'inquiètent aussi du non-paiement des cotisations sociales, santé et retraite par 40% des travailleurs précaires: dans le système japonais, c'est à eux de cotiser et non à l'employeur. Pour aider les plus démunis, il existe un système équivalent au RMI: 1,6% seulement de la population en bénéficie, en raison des difficultés rencontrées pour y accéder. Dans le même temps, il n'y a pas de minimum vieillesse. Compte tenu de la modicité des retraites nippones, qui ont baissé de 1% en avril et baisseront de 0,5% en avril 2015, et de l'allongement de la durée de vie, la pauvreté des personnes âgées devient problématique. Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la pauvreté des enfants. Mais, déplore-t-on à l'IPSS, "les contraintes budgétaires sont telles que les fonds disponibles pour l'assistance aux plus démunis restent limités".





Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux après les attentats ? Le créateur de Facebook prend position, Twitter est sur la sellette. 

Artisan de la liberté d'expression, Facebook ? Si le réseau social peut agacer par son interventionnisme, notamment lorsqu'il censure une paire de seins nus - Postez une reproduction de "L'Origine du monde" de Gustave Courbet sur votre profil, et elle sera immédiatement retirée - Mark Zuckerberg a été prompt à réagir après l'affaire Charlie Hebdo. "Il y a quelques années, un extrémiste au Pakistan voulait me condamner à mort parce que Facebook refusait d'interdire du contenu sur Mahomet qui l'offensait. On s'est battu pour que puissent s'exprimer des voix différentes, même si elles sont parfois "offensives", car cela peut rendre le monde meilleur et plus intéressant", explique le créateur du réseau social dans un post vendredi. Mark Zuckerberg précise à propos du réseau social créé il y a 11 ans, qu'il s'agit d'"un endroit dans le monde où les internautes du monde entier peuvent échanger des vues ou bien des idées. Nous respectons les lois dans chaque pays, mais nous ne laissons jamais un pays ou un groupe d'individus dicter ce que les gens peuvent partager à travers le monde. (...) Je me suis engagé à créer un service où vous pouvez parler librement sans avoir peur de la violence." Avant d'ajouter "Mes pensées vont vers les victimes, les familles, le peuple de France et le peuple du monde entier qui choisit de partage des opinions et des idées, même si cela demande beaucoup de courage." Avant de ponctuer son texte par un #JeSuisCharlie. Le 12 janvier, Zuckerberg ajoutait : "Vous ne pouvez pas tuer une idée. (...) Aussi longtemps que nous serons connectés, alors aucune attaque par des extrémistes - que ce soit au Nigeria, au Pakistan, au Moyen Orient, ou en France - ne pourront s'interposer envers la liberté et la tolérance dans le monde." 

Des médias à part entière ?
Le débat est brûlant, parce qu'il pose la question de savoir si les réseaux sociaux, au poids grandissant dans la formation des opinions en quasi-direct, sont de simples plateformes de partage ou bien des médias à part entière, et à ce titre responsables des contenus publiés. Récemment, le groupe d'hacktivistes Anonymous, très attaché à la liberté d'expression, a expliqué vouloir conduire en ligne la guerre au terrorisme, à la suite des attentats de Charlie Hebdo. Et a pour cela "outé", c'est-à-dire rendu publique, une liste de comptes Twitter attribués à des djihadistes. Est-ce possible pour le réseau social de les faire disparaître ? 

Interrogé par Le Point.fr, Twitter explique qu'il se conformera aux décisions de justice des pays en vigueur. Même question pour les tweets assortis de hashtag : #JeSuisCoulibaly
#JeSuisKouachi. Si comme l'explique l'entreprise spécialisée dans l'analyse du web social Linkfluence, les tweets offensants sont extrêmement minoritaires, ils peuvent apparaître en "trending topics", car entraînant une condamnation massive. Est-il alors normal de s'en prendre au messager, c'est-à-dire Twitter, comme est tenté de le faire l'Union européenne en ce moment, plutôt qu'à l'émetteur du message ? Cette question est un véritable casse-tête pour le site qui pourrait de plus en plus recourir à des robots pour détecter des tweets jugés offensants. Il y a deux ans, la même question s'était posée avec la multiplication du hashtag #unbonjuif. À l'époque, le site ne disposait pas de bureau en France, et avait été condamné par la justice française. En attendant, au siège de Twitter, à San Francisco, a été déployée une gigantesque banderole noire assortie du hashtag "#Je Suis Charlie".



décembre 22, 2014

RP#1 - Stratégie - Guerres et Paix ( sommaire: 7 thèmes actuels)

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire: 

A) - La stratégie de la dinde. La voix de l’épée le 22 décembre 2014 par Michel Goya

B) - Compte-rendu du 71ème séminaire de Recherche en Intelligence Economique. Portail     de l’IE le 22 décembre 2014 par Olivier Larrieu

C) - « Poutine veut qu’on respecte la Russie » L’Orient le Jour le 22 décembre 2014 par Antoine Ajoury


D) - Après le plongeon du rouble, le pire reste à venir pour la Russie. Boursorama le 21 décembre 2014 

E) - Printemps arabes, djihadisme, guerres... la question d'Orient. L‘Express le 22 décembre 2014 par Ziad Majed*

 
F) - Le terrorisme dérivant de l’extrémisme religieux reste une priorité d’après Europol (TE-SAT 2014). sécurité intérieure le 22 décembre 2014 par les étudiants en Master de Sciences Po Lille

G) - Le seul animal qui torture. Marianne le 22 décembre 2014 par Jacques Juilliard



 




A) - La stratégie de la dinde.
  1. Une dinde qui analyserait le comportement des hommes en conclurait, après une série d’observations, que ceux-ci sont faits pour nourrir les dindes...jusqu’à ce que vienne Noël qui l’obligerait à changer très vite de vision du monde.

    Le raisonnement de la dinde qui considère que l’on continuera à faire comme on l’a toujours fait et se satisfait de la nourriture donnée est opératoire à court terme mais voué à subir de mauvaises surprises à long terme. Il y a les des « inconnues connues », comme le résultat d’un lancer de dé, auxquelles on peut s’attendre mais il existe aussi les « inconnues inconnues », ces événements que personne ne voit venir, au moins dans la haute sphère de décision, et dont les plus importants, les « cygnes noirs » de Carl Popper et Nassib Nicholas Taleb, font l’histoire. Un des rôles des forces armées, peut être leur rôle majeur, est de pouvoir contribuer à faire face à ces événements importants. Cette métaphore de la dinde de Bertrand Russell m’est revenue à l’esprit lorsque j’ai entendu un amiral de l’Etat-major des armées déclarer devant l’IHEDN que la France disposait de tous les moyens pour faire face aux enjeux internationaux. 


    Elle me rappelait aussi un ancien chef d’état-major qui expliquait que notre triptyque dissuasion nucléaire, corps blindé mécanisé et force d’action rapide nous avait permis de faire face à tous les problèmes et le ferait encore longtemps. Il ajoutait alors qu’avec les Américains, nous étions seuls capables de faire des opérations à distance et qu’accessoirement nous le faisions mieux qu’eux. C’était quelques semaines avant le début de la guerre du Golfe où, entre des appelés lourdement équipés que nous avons refusé d’engager et des professionnels trop légèrement équipés, nous pûmes péniblement déployer une petite division ad hoc, à qui le commandement américain confia généreusement une mission de couverture au loin après l’avoir renforcée d’une brigade et triplé son artillerie. Nous avions été pris en défaut dans le troisième cercle de Poirier (le monde) juste avant de nous empêtrer, avec bien d’autres nations il est vrai, dans le deuxième cercle où un autre « cygne noir » était apparu : l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Le fait est que ces moments de honte passées, les réformes engagées-la professionnalisation complète en premier lieu- n’ont permis qu’un rebond très provisoire de notre capacité d’engagement. Depuis le début des années 2000, celle-ci n’a cessé de se réduire, et ce, dans les trois cercles de Poirier (la France, l’Europe et le monde). Avec désormais un engagement maximal envisagé de deux brigades (15 000 hommes) et 45 avions de combat, renforcés éventuellement du groupe aéronaval (dont les avions sont comptabilisés dans les 45) nous sommes même revenus au volume de l’opération Daguet, sans plus avoir la capacité de transformer le reste des forces, sinon par la modernisation de leurs équipements, ce qui, à budget gelé jusque-là puis maintenant déclinant ne peut se faire qu’en détruisant les volumes. Depuis vingt ans nous payons l’amélioration de notre armure par une réduction des muscles qui peuvent la porter.


 Nous pouvons encore être rapides, comme l’a montré l’opération Serval, mais à hauteur d’une brigade et au cœur d’un réseau de bases prépositionnées (dans le 2e cercle bis africain). Au- delà, nous sommes des dindes qui sacrifions aux missions du jour en focalisant notre attention sur le moyen de les réaliser tout en constatant que la nourriture donnée est de plus en plus réduite. Plus exactement, nous sommes des dindes atomiques puisque que le seul « Noël » que nous envisageons est apocalyptique et nucléaire. La logique voudrait que l’on consacre autant de ressources à la capacité à défendre conventionnellement des intérêts majeurs, sinon vitaux, en Europe probablement ou dans le 3e cercle proche. Ce n’est pas le cas. De fait, entre refaire l’opération Daguet avec quelques moyens plus modernes (mais peu) et la dissuasion nucléaire (qui est avant tout une dissuasion « du » nucléaire), la politique de défense de la France a pratiquement sacrifié la capacité de faire face à des événements importants et imprévus. Certains ont imaginé clairement que pour ce créneau, il serait fait appel aux Etats-Unis comme lors de la IVe République...avant que l’humiliation de Suez ne montre que confier sa protection ultime à d’autres pouvait entraîner quelques inconvénients. Le général de Gaulle s’était empressé alors de redonner à la France le plein monopole de tous les niveaux de la force légitime. Nous ne leurrons pas, ces cygnes noirs nous ne les verrons pas plus venir que par le passé. 

La fonction « anticipation stratégique » était présentée comme une des grandes innovations du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2008. Quelques semaines plus tard, l’embuscade d’Uzbin témoignait de l’impréparation plus politique que militaire à la véritable entrée en guerre en Afghanistan, la faillite de Lehman Brothers rendait d’un seul coup caduc tout le montage économique du Livre blanc et de la loi de programmation militaire et le tsunami dans l’Océan indien témoignait de la faiblesse de notre capacité à agir très loin. Ce n’était là que le début d’une longue série. 

Le raisonnement stratégique le plus cohérent consiste donc à s’appuyer sur le fiable et l’éprouvé tout en se préparant à un ou plusieurs « Noël » dont on ne connaît pas la date.

Si l’avenir doit être comme le passé depuis 50 ans, nous devons alors nous préparer à affronter parfois des armées régulières en profitant de notre supériorité aérienne pour les écraser par des campagnes de frappes en coalition (au moins tant que les Etats-Unis disposent de la suprématie aérienne). Nous devons surtout (avec une probabilité de plus de 90%) nous préparer à affronter au sol des organisations non-étatiques en pays étranger. Ces opérations de guerre peuvent être suivies par des opérations de stabilisation si les conditions le permettent (milieux permissifs, densité de forces suffisante, patience) mais il faut exclure définitivement
les missions d’interposition. L'opération Sangaris, témoigne déjà de nos limites dans en matière de stabilisation. Nous devons également, si nous sommes des dindes clairvoyantes, nous préparer à intervenir en « Extremistan », selon l’expression de Taleb. 

Nos précédentes pénétrations dans cet univers ont surtout été pénalisées par nos manques de moyens mais aussi d’idées « de réserve » autorisant une dilatation soudaine et/ou une extension très lointaine de nos actions avec un changement de méthodes. Etre capable de faire face à des événements importants et imprévus suppose donc de disposer d’un surplus de moyens et de compétences à la fois variés et relativement abondants. Dans un contexte de ressources financières contraintes, ce réservoir dans lequel puiser en cas de crise grave ne peut qu’être une fraction civile de la nation convertible très rapidement en forces militaires avec des moyens « sous cocon » et un parc à idées. Cela est d’autant plus nécessaire qu’on ne peut concevoir de nouveaux équipements modernes en un an comme pendant les deux guerres mondiales. Tout cela a évidemment un coût, encore une fois comme la dissuasion nucléaire qui relève du même principe, en moins probable, et pour laquelle nous dépensons au moins trois milliards d’euros chaque année. La simple logique, sinon la cohérence et la responsabilité voudrait que les efforts nécessaires à la remontée en puissance soient du même ordre. Soit les guerres majeures ne sont plus possibles et dans ce cas notre arsenal nucléaire est inutile, soit elles sont possibles et il n’est alors pas suffisant. 


Les Etats-Unis ne seront pas toujours là pour nous sauver de nos inconséquences. 

Par Michel Goya


B) - Compte-rendu du 71ème séminaire de Recherche en Intelligence Economique.




Le lundi 15 décembre 2014 Charles Huot, président du GFII et de l’Alliance Big Data est venu s’exprimer à l'Ecole de Guerre Economique autour du thème : "La compétition dans le Big Data". 

A nouvelle discipline, nouveaux enjeux. 
 Le monde de l’intelligence économique, et plus largement notre économie toute entière, doit se préparer à faire face à l’un des plus grands bouleversements connus par notre société de l’information. Le terme Big Data est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Mot « fourre-tout », employé parfois à tort, il est important de le démystifier pour mieux le comprendre. D’abord apparue là où les data centers étaient présents (Inde, Singapour, Corée du Sud, Hong-Kong), l’expression s’est démocratisée et a cristallisé l’intérêt des acteurs économiques aux quatre coins de la planète. Un premier rapport fondateur, écrit par le McKinsey Global Institute en mai 2011 -Big data : the next frontier for innovation, competition, and productivity - a posé les bases de cette matière. Pourtant le Big Data n’est qu’un nouveau moyen d’exprimer une réalité déjà existante : la gestion des entreprises en les pilotant par les données. En d’autres termes, profiter de la data et de sa structuration pour accroître son activité et gagner des parts de marché. La seule véritable rupture aujourd’hui réside dans la quantité de ces mêmes données. Avec l’avènement de « objets connectés » nous assistons à une véritable explosion de données disponibles sans que celles-ci ne trouvent véritablement d’utilité. 

C’est pourquoi dans un contexte de données massives, parler de structuration est important. 
Le Big Data n’est pas qu’une simple agrégation de données brutes. On y distingue : 

- La data : données publiques (open data), données issues de capteurs, du web et des réseaux sociaux, des métiers (santé, télécom, banque, assurance, transport) qui cumulent, génèrent et stockent un volume de données très important. 

- Des outils de traitement, d’infrastructures servant la modélisation, la visualisation, l’analyse de ces données. 

- Des moyens de restitution, de présentation servant l’usage des données. 

Parmi les multiples utilisations du Big Data, des entreprises comme Total s’emparent de l’ensemble des données en vue de travaux de maintenance prédictive, notamment sur des unités de forage, permettant de limiter les pannes et générer des économies. 

Géopolitique des données
Les flux massifs de données sont principalement dirigés vers l’Amérique du nord. Or selon Charles Huot, la maîtrise et la collecte de ces données sont l’enjeu majeur de notre civilisation. Seules, elles ne représentent pas de véritable intérêt mais leur agrégation donnent des informations non négligeables sur les individus.

L’Union Européenne doit se positionner pour protéger ces données. L’idée d’un « internet » ou même d’un système d’exploitation (OS) européen semble aujourd’hui parfaitement incongrue. Pourtant quand l’Inde ou le Brésil évoquent la même idée, cela ne choque personne. Nous n’avons pas d’applications souveraines. En outre, Google, Amazon, Facebook et Apple ont plus de 400 lobbyistes au sein de l’Union Européenne et mènent une




véritable guerre pour leur maîtrise. Cependant, la France et les pays voisins sont dans l’incapacité de se mobiliser afin de les contrer. Nous sommes loin de considérer les données, et le Big Data comme un enjeu stratégique. Pourtant, les choses changent, des projets se lancent, des associations comme l’Alliance Big Data se montent, et même si le chemin est encore long, des personnes comme Axelle Lemaire affirment : « nous voulons faire de la France le leader mondial du Big Data ». 

par Olivier Larrieu



C) - « Poutine veut qu’on respecte la Russie »




Pour Hélène Carrère d'Encausse, le chef du Kremlin estime que la protection des chrétiens d'Orient est historiquement du devoir de la Russie. 


Elle est historienne. Elle siège à l'Académie française, dont elle est le secrétaire perpétuel. Spécialiste de la Russie soviétique, elle connaît Vladimir Poutine personnellement. Hélène Carrère d'Encausse est passionnée de la Russie et de son histoire, et elle sait partager cette passion et la transmettre. Son amour pour ce pays devient presque contagieux. Lors d'une rencontre à bâtons rompus il y a plusieurs semaines avec L'Orient-Le Jour, elle était revenue sur l'actualité en Ukraine et en Syrie, et sur la place de la Russie de Poutine dans le monde d'aujourd'hui. À l'aune des derniers développements survenus dans les relations entre la Russie et le pays occidentaux, les propos de Mme Carrère d'Encausse sur la politique et la personnalité du « nouveau tsar » permettent de mieux cerner l'importance des événements en cours. Que veut donc Vladimir Poutine ? La réponse est très claire pour Hélène Carrère d'Encausse : « Poutine veut qu'on respecte la Russie. Le chef du Kremlin désire qu'on traite son pays comme on traite un grand pays, c'est-à-dire qu'on ne traite pas la Russie comme un pays de 2e catégorie à qui on peut appliquer des critères de condescendance. » Il estime, ajoute-t-elle, que la Russie est un pays qui, par sa dimension, par son histoire et par sa culture, est l'égal des États-Unis. Et, par conséquent, Moscou doit être à pied d'égalité avec Washington. Pour Hélène Carrère d'Encausse, le président russe a certainement la nostalgie de la puissance de son pays. « L'Union soviétique était une superpuissance jusqu'à 1990. 

C'est la Russie qui a mis fin à cette superpuissance, qui s'est débarrassée de 20 % de son territoire, de 100 millions d'habitants, qui a liquidé le pacte de Varsovie. Forcément, les Russes ont quelques regrets de cette puissance passée. » La spécialiste de la Russie revient ainsi sur les fameux propos de Vladimir Poutine affirmant que « la chute de l'URSS est la plus grande catastrophe du XXe siècle » Selon elle, « ces propos ont été mal interprétés. Poutine a voulu dire que la liquidation de l'Empire soviétique a été comme un tremblement de terre dont les répliques ne finissent pas de s'arrêter. Cela ne veut pas dire qu'il a l'intention de le reconstruire. Il sait très bien que le temps des empires est terminé ». Mais, en revanche, affirme-t-elle, c'est le temps où on a des zones d'influences, surtout quand on a les moyens. Toutefois, la Russie n'a pas beaucoup de moyens, parce que, malgré tout, elle a des problèmes démographiques, c'est un État hétérogène du point de vue des nationalités, mais c'est un grand pays tout de même qui a besoin de se moderniser, ajoute-t-elle. 


La Syrie

Hélène Carrère d'Encausse estime néanmoins que la Russie n'a pas une politique de confrontation avec les Occidentaux. « Sur la Syrie, à ma connaissance, c'est Poutine qui a tiré d'embarras le président américain Barack Obama qui ne voulait pas intervenir en Syrie, en lui offrant une porte de sortie honorable, me semble-t-il, affirme-t-elle agacée. Qu'il considère que la Syrie est un pays ami ou allié de la Russie, c'est son affaire. Chacun choisit ses alliés comme il l'entend. » Selon elle, la Syrie est un pays avec qui la Russie historique n'avait pas de relations spéciales, contrairement au Liban qui a toujours intéressé la Russie historique pour des tas de raisons, dont religieuses. 

Protecteur des chrétiens d’Orient
L'intérêt de la Russie pour cette partie du monde n'est pas nouveau. Il y a, selon elle, « une vieille tradition russe. La Russie était la protectrice des lieux saints, elle se considérait comme la protectrice des chrétiens d'Orient et les chrétiens des Balkans. Toute la relation avec l'Empire ottoman était fondée autour de l'idée qu'il lui incombait de protéger les chrétiens. Et Vladimir Poutine, il faut le savoir, a une passion pour l'histoire, et notamment l'histoire de son pays. Et cette fonction de protection des chrétiens, il l'affirme depuis longtemps parce qu'il a le sentiment que cette affaire le regarde, il n'y a pas de doute ». C'est toutefois l'Union soviétique qui considérait la Syrie comme un allié très proche. « Et je dirais même plus, dans le système d'alliance mis par l'URSS, pour contrer la politique américaine au Moyen-Orient, théâtre de grande rivalité entre ces deux superpuissances, l'Union soviétique a perdu quelques alliés au passage, comme l'Égypte, mais la Syrie est restée un pays d'une fidélité inébranlable », précise Hélène Carrère d'Encausse. Et d'ajouter : « Cela explique probablement que la Russie après la dissolution de l'URSS ait conservé avec Damas des liens proches qui dépassent de beaucoup l'intérêt pour les facilités portuaires que peut offrir la Syrie. En d'autres termes, la Russie considère que des liens durables peuvent exister avec ce pays. Moscou estime en outre qu'elle doit être présente dans cette région stratégique du monde. D'abord parce que les États-Unis y sont, et ensuite parce que cette région est un théâtre de jeux des relations internationales extrêmement important. » La spécialiste de la Russie insiste donc que, sur la Syrie, Moscou n'a aucune politique agressive, malgré l'appui sans faille, sur les plans diplomatique et militaire, à Damas. « On ne va pas parler qui fournit des armes à qui. Là, c'est un terrain miné pour tout le monde », ajoute-t-elle. 

L’Ukraine
Concernant l'Ukraine, estime Hélène Carrère d'Encausse, c'est une affaire tout à fait différente : ce qui a déclenché la crise en Ukraine, c'est l'accord d'association que l'Union européenne entendait signer avec Kiev. « C'est un accord qui a été pensé d'une façon détestable de la même façon que le partenariat oriental. En d'autres termes, cet accord comportait un interdit. Il disait aux Ukrainiens : vous êtes nos amis. Vous n'avez rien avec la Russie. Il a été fait non seulement sans le moindre contact avec la Russie, mais contre la Russie », explique-t-elle. « La réaction de Moscou a été la réponse du berger à la bergère. » On a ainsi fait signer à (l'ancien président) Ianoukovitch un accord de coopération avec la Russie. Toute la stratégie de l'UE depuis quelques années, pour des raisons clairement liées aux conditions d'élargissement à l'est, a conduit les pays qui étaient sous la tutelle de l'Union soviétique et qui se méfie de la Russie, notamment les Polonais et les Baltes, à peser dans un sens bien précis. Selon elle, « on peut dire que toute l'histoire du partenariat oriental qui au départ n'a pas été pensé par les Européens comme un instrument antirusse, est devenu sous l'influence de ces pays à rejeter la Russie ». Or, ajoute-t-elle, la Russie est un grand pays d'Europe et ne voit pas pourquoi les choses se passent comme ça. En outre, le Kremlin ne peut pas considérer qu'il peut avoir des relations indifférentes avec Kiev. Outre la culpabilité de l'UE, il y a aussi les États-Unis qui jouent un rôle démesuré en Europe, et qui ont le désir d'inclure l'Ukraine dans l'Otan. « Je veux rappeler une chose : en 1990, au moment où le chancelier Kohl avait négocié avec le dirigeant soviétique de l'époque, Michaël Gorbatchev, la réunification de l'Allemagne, il y a un engagement qui a été pris, à savoir : l'Otan ne devait jamais arriver aux portes de la Russie. Cet accord a été trahi », explique Hélène Carrère d'Encausse. Pour rappel aussi, en 2008, « quand la Russie a profité des bêtises du président géorgien Mikheil Saakashvili pour faire une expédition de cinq jours en Ossétie du Sud, ce n'était pas pour occuper la Géorgie comme certains l'ont cru bêtement, mais pour envoyer un message clair à tout le monde, et surtout à l'Ukraine : Entrez dans l'Otan et vous verrez ce qui vous arrivera ». 


La faute aux Européens
Pour Hélène Carrère d'Encausse, « ce n'est pas la Russie qui a provoqué ce conflit, mais l'Union européenne, avec l'affaire de l'Otan en toile de fond. Mais le Kremlin a eu une chance à laquelle il n'y a pas pensé. Et j'insiste sur ce point : Poutine ne pensait certainement pas récupérer la Crimée, bien que ça lui ait fait plaisir ». En effet, « ces malheureux Ukrainiens sortis de la place Maïdan et qui n'avaient aucun cerveau politique, ont commis une provocation majeure – qu'ils n'auraient dû pas faire – en interdisant la langue russe aux russophones. Ce qui a braqué la population de la Crimée qui est à plus de 60 % russophone, décidant ainsi de quitter l'Ukraine, dans laquelle ils n'y étaient, il faut le mentionner, que depuis 50 ans ». L'académicienne estime néanmoins que « c'est un cadeau qu'on a fait à Poutine, on lui a servi la Crimée sur un plateau d'argent, et c'était extrêmement tentant ». Selon elle, c'est embêtant de changer les frontières, parce que la Russie avait dit en 1992 que l'intangibilité des frontières héritées de l'État soviétique était un principe absolu. « Poutine est certainement embêté d'avoir agi en non-conformité avec les règles de droit qu'il s'était fixées, que la Russie s'est fixées et qu'elle accepte. Il a fait un petit détour, et je voudrais savoir dans l'histoire des relations internationales combien il y a de grands États qui en ont les moyens, qui ne font jamais de détour », demande ironiquement Hélène Carrère d'Encausse. 

Cadeau
Poutine s'est trouvé dans une situation inconfortable, c'est-à-dire avoir la possibilité de récupérer la Crimée, ce qui est formidable pour la Russie (d'ailleurs l'opinion publique le montre : la popularité de Poutine a été énorme), mais en même temps, renoncer à ce principe, même momentanément. « Si nous sommes cyniques, nous pouvons nous poser la question : qui respecte les principes du droit international ? Surtout pas les États-Unis qui les violent partout (en Yougoslavie, en Irak) », répond sèchement Hélène Carrère d'Encausse. Ce n'est pas parce que les États-Unis agissent avec un mépris total de toutes les règles de droit, que c'est bien que les autres pays le fassent aussi. « Mais, il faut bien le reconnaître, la tentation était grande, et c'était un cadeau auquel Poutine n'a pas pu renoncer : il l'a pris. C'est fait, et l'affaire est terminée », martèle-t-elle. Et d'ajouter : « Quand j'entends dire aujourd'hui des États qu'on ne reconnaîtra pas ça... Cela veut dire quoi exactement? Ça équivaut à chanter dans le désert où il n'y a pas de public. Il ne s'agit pas de reconnaître l'indépendance de la Crimée, elle se trouve dans les frontières russes maintenant. » Est-ce que Poutine veut manger le reste de l'Ukraine? « Ma réponse est non, parce qu'il n'est pas fou. Toutefois, il ne faut pas que le pouvoir actuel à Kiev, par des provocations comme celles qui ont conduit à la perte de la Crimée, fasse trop de dégâts en Ukraine orientale », affirme Hélène Carrère d'Encausse. Pour elle, il faudrait que le président ukrainien, s'il a envie de sauver l'unité de son pays, s'engage dans une négociation avec l'Ukraine orientale en lui donnant ce qui est indispensable, c'est-à-dire reconnaître sa spécificité à travers un système fédéral. S'il ne fait rien, ou s'il opte pour une décentralisation qui ne veut rien dire, s'il ne fait pas de concessions, s'il continue à envoyer des troupes pour combattre les rebelles pour maintenir une sorte d'état de guerre, cela peut quand même déraper. Il ne s'agit pas d'envahir l'Ukraine, « il faut simplement que ce pays se trouve entre l'Europe et l'Union d'Eurasie », explique Hélène Carrère d'Encausse. Il faut donc la neutralité de l'Ukraine. « Il faut que l'Ukraine reste l'Ukraine, sans la Crimée », conclut-elle. 

par Antoine Ajoury  





D) - Après le plongeon du rouble, le pire reste à venir pour la Russie.

 
Profonde récession, flambée des prix, système bancaire fragilisé: si le rouble semble stabilisé après son plongeon historique du début de semaine, la Russie doit maintenant faire face aux lourdes conséquences du choc monétaire subi. Pour bien des Russes, c'est un soulagement. La monnaie nationale finit la semaine à peine plus faible qu'elle l'avait commencé, autour de 73 roubles pour un euro et 59 roubles pour un dollar. Le mouvement de panique boursière de lundi et mardi, quand l'euro a crevé le plafond inimaginable des 100 roubles et le dollar des 80 roubles, ressemble à un cauchemar qui vient conclure un an de chute progressive, sur fond de crise ukrainienne et de baisse des cours du pétrole, principale source de revenus de l'Etat. A l'origine du rebond: le gouvernement est sorti de sa passivité et a joint ses efforts à ceux de la banque centrale, acculée à une hausse de taux radicale (17% contre 10,5%). Mais surtout, les prix du pétrole ont rebondi. Vladimir Poutine a tenté de rassurer en affirmant qu'une sortie de crise était "inévitable", mais qu'elle prendrait au maximum deux ans. Et il n'a annoncé aucune mesure pour soutenir une économie ébranlée. "La trajectoire de l'économie dans les six mois à venir va se révéler bien pire que prévu à cause de ce qui s'est passé cette semaine", prévient Chris Weafer, de la société de conseil Macro Advisory. Il prévoit une chute de 5% du produit intérieur brut au premier semestre. 


"Consommation et investissements vont pâtir de la hausse des taux d'intérêts, l'inflation va augmenter à cause de l'affaiblissement de la monnaie, la confiance est ébranlée, les banques vont demander l'aide du gouvernement et certains rayons seront vides après le Nouvel An", énumère-t-il. 

- Valse des étiquettes -
Effet immédiat des montagnes russes des taux de changes, certains fournisseurs ont préféré tout simplement cesser leurs livraisons plutôt que d'augmenter leurs prix, sans visibilité: Apple a fermé sa boutique en ligne, Ikea a suspendu deux jours ses ventes de cuisines, les automobiles Opel et Chevrolet ne sont plus livrées aux concessionnaires. La presse russe évoque des décisions similaires pour les boissons alcoolisées et les vêtements importés (Zara, TopShop, Calvin Klein...), manière d'éviter de vendre à perte au moment où des Russes précipitent leurs achats pour anticiper la valse des étiquettes. Le mouvement commence déjà et l'inflation, déjà proche de 10%, menace d'atteindre les 15% dans les mois à venir, entraînant une baisse du pouvoir d'achat des ménages. "On observe des signes croissants que la crise se répand dans le secteur bancaire", a également prévenu vendredi le cabinet londonien Capital Economics. Le secteur financier russe est particulièrement vulnérable, avec d'un côté de puissants mastodontes publics et surtout des centaines d'établissements fragiles. Les premières mesures annoncées dès mardi visent donc à assurer la stabilité financière: meilleur accès aux liquidités, assouplissement de normes comptables pouvant aboutir à des pertes. Dès vendredi, les députés de la Douma ont approuvé un texte prévoyant la recapitalisation des banques à hauteur de 1.000 milliards de roubles (13 milliards d'euros). Le ministère des Finances espère ainsi augmenter de 13% le capital du secteur bancaire et ainsi les volumes des crédits délivrés d'au moins 15%. 




- Risque de faillite ?
La spirale du rouble a rappelé à bien des Russes la crise de 1998, quand la Russie a fini placée en défaut de paiement. "Les gens réagissent comme en 1998 mais il n'y a pas de raison: en 1998, la Russie était un pays en faillite, maintenant elle est en bonne santé financière", assure Chris Weafer Plus de dix ans de prix élevés du pétrole ont permis à Moscou d'accumuler des fortes réserves de devises, qui dépassent 400 milliards de dollars même si elles ont fortement baissé avec cette crise. Sa dette publique dépasse à peine 10% de son PIB et le budget est resté pour l'instant équilibré, voire excédentaire. Toutes les entreprises ne sont pas aussi bien armées, et certaines auront du mal à rembourser les crédits contractés en dollars ou euros. C'est par ailleurs toute l'ex-URSS qui se trouve fragilisée. La population du Bélarus, dont l'économie très fermée est dépendante de la Russie, semble craindre un effet domino et s'est ruée vers les bureaux de changes, dont beaucoup étaient vendredi à cours de devises. Face à la panique, la banque centrale a décrété une taxe de 30% sur les achats de devises et des contrôles de capitaux, et la Bourse est restée fermée vendredi. 





E) - Printemps arabes, djihadisme, guerres... la question d'Orient.




Eclatement des Etats, djihadisme, souffrance des populations... La montée des périls dans la région interpelle le reste du monde. Qui ne trouve pas de réponses. 


Depuis 2011, les sociétés arabes, notamment celles du Levant, connaissent des mutations, des révolutions et des contre-révolutions qui bouleversent l'ordre politique ayant régné tout au long de ces quatre dernières décennies. Une nouvelle donne se profile dans la région, à la fois étatique et sociétale, dont les contours se dessinent dans la violence, les déchirures et l'incertitude. Après le déclin de l'Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale, trois moments ont marqué des tournants dans l'histoire du Proche-Orient. Le premier est celui des promesses européennes, des trahisons et des tracés frontaliers (1915-1920). Ce processus avait commencé par la correspondance entre McMahon (le haut-commissaire britannique en Egypte) et Hussein (chérif du Hedjaz) évoquant la reconnaissance d'un royaume arabe indépendant, allié à Londres. Or ce même processus s'est achevé avec les accords de Sykes- Picot, la déclaration de Balfour et les conférences de Versailles et de San Remo. Des mandats britanniques et français ont été imposés dans un Levant où des frontières allaient pour la première fois déterminer les territoires des nouveaux Etats, où un Etat juif devait être établi, mais pas le royaume arabe promis à Hussein par McMahon. Le deuxième moment est celui de la création de l'Etat d'Israël en 1947 suivi par la première guerre israélo-arabe (1948- 1949) et le déplacement forcé d'un million de Palestiniens. Cette Nakba ("catastrophe") va modifier la démographie dans plusieurs territoires, déstabiliser la région et créer de nouvelles dynamiques permettant à des élites militaires de renverser les pouvoirs civils en place depuis les indépendances (en Egypte, puis en Irak et en Syrie) et d'utiliser la lutte pour la Palestine comme prétexte pour instaurer des régimes autoritaires, voire despotiques. Le troisième est celui de la révolution iranienne en 1979 et la fondation d'une république islamique, aspirant à exporter son modèle aux pays voisins à forte composante chiite. Cet événement sera suivi par la dévastatrice guerre irakoiranienne. Puis est arrivé le djihad afghan soutenu par les Etats- Unis, l'Arabie et le Pakistan dans le cadre de la guerre froide, avec l'apparition de nouveaux discours politiques radicaux au sein des courants islamistes sunnites comme chiites, financés par Riyad et Téhéran. La création du Hezbollah (1983), les guerres du Golfe (1990-1991), le 11 septembre 2001 et les invasions américaines de l'Afghanistan et de l'Irak (en 2001 et en 2003), avec les conflits qui en ont découlé, n'ont fait qu'accélérer une confrontation à grande échelle qui semblait inéluctable, celle opposant l'Iran et ses alliés aux Saoudiens et leurs alliés. Les paramètres confessionnels, le recours à l'Histoire (à la grande discorde entre musulmans au VIIe siècle) et les narratifs opposés seront de puissants outils de mobilisation dans cette confrontation. Ils finiront par s'imposer comme éléments non moins importants que les aspects géostratégiques. 


Révolutions et contre-révolutions
En 2011, le désir de changement "par le bas", par les sociétés, par les nouvelles générations, a bousculé les régimes en place, de Tunis à Damas, en passant par Tripoli, Le Caire, Sanaa et Manama. Des révolutions ont éclaté et un retour du temps politique, de l'action citoyenne et de la prise de parole ont laissé augurer une possible rupture et un espoir de triomphe populaire face aux dictatures et aux clivages communautaires. Or cet espoir a été de courte durée. L'année 2012 a connu à la fois des contre-révolutions et une répression barbare en Syrie menant à une guerre impliquant des acteurs régionaux (l'Iran, l'Arabie, le Qatar et la Turquie) et internationaux (la Russie, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne). Dès lors, le conflit a pris une dimension confessionnelle, que l'arrivée des combattants chiites irakiens et libanais pro-régime Assad, et de djihadistes sunnites cherchant à s'imposer dans les régions libérées des forces du régime, a exacerbée à partir de 2013. Dans le même temps, la scène irakienne a connu une montée fulgurante de l'Etat islamique (EI), une organisation issue d'Al- Qaeda et active dans le centre de l'Irak depuis 2004. Plusieurs facteurs ont favorisé son expansion en Irak et la prise d'assaut de l'Est et du Nord-Est syrien. D'abord il y a les séquelles de la dictature de Saddam Hussein (comme celle de son frère ennemi Assad), qui a stérilisé le champ politique et anéanti les alternatives démocratiques, ensuite la dissolution des institutions étatiques irakiennes par les Américains et la marginalisation des Arabes sunnites dans les gouvernements successifs à Bagdad, contrôlés depuis 2005 par les alliés chiites de Téhéran. En outre, le recrutement qui a grossi les rangs et l'efficacité de l'EI a été largement facilité par l'afflux d'importants fonds provenant de certains réseaux du Golfe (puis par la vente du pétrole dans les régions que l'organisation contrôle) et l'indéniable expérience militaire de plusieurs de ses dirigeants. La montée de l'EI a poussé à l'exode des dizaines de milliers de Kurdes yézidis et de chrétiens irakiens. Elle a entraîné une intervention militaire aérienne américaine, mais aussi iranienne. En Syrie, l'EI a combattu pendant un an l'opposition à Bachar el-Assad, pour occuper des zones qu'elle contrôlait. Ainsi cette dernière et des millions de civils syriens ont-ils été pris entre deux feux : celui du régime Assad (qui a fait plus de 200 000 morts jusqu'à décembre 2014) et celui de l'EI (faisant près de 10000 morts). En Syrie, l'EI a combattu pendant un an l'opposition à Bachar el-Assad, pour occuper des zones qu'elle contrôlait. Ainsi cette dernière et des millions de civils syriens ont-ils été pris entre deux feux : celui du régime Assad (qui a fait plus de 200 000 morts jusqu'à décembre 2014) et celui de l'EI (faisant près de 10000 morts). 




Un nouveau moment fondateur
La proclamation par le chef de l'EI d'un califat à l'étendue considérable et la force combattante qu'il dirige créent une nouvelle situation dans la région : la disparition temporaire des frontières entre l'Irak et la Syrie. Cela s'accompagne par des déplacements massifs de populations : 3 millions d'Irakiens (sur une population de 26 millions) sont des déplacés internes réduisant la surface des territoires où cohabitaient les différentes communautés, notamment sunnites et chiites ; 6 millions de Syriens le sont également tandis que plus de 3 autres millions ont quitté la Syrie pour trouver refuge en Turquie, en Jordanie et au Liban (soit 40% du peuple syrien qui est déplacé aujourd'hui). Face à ce paysage syro-irakien apocalyptique, le Liban sombre dans une série de crises. Au clivage entre sunnites et chiites libanais s'ajoutent l'échiquier des chrétiens, la paralysie des institutions politiques du pays et la catastrophe humanitaire des réfugiés syriens (et palestiniens), qui constituent désormais le tiers de la population. Quant à la Jordanie, elle se trouve entourée de conflits. Avec une crainte grandissante quant aux conséquences de l'agonie du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Le projet de loi du gouvernement de Netanyahou de ne plus définir Israël comme "Etat juif et démocratique" mais comme "Etat national du peuple juif" n'arrange certainement pas les choses pour 22% des Israéliens, c'est-à-dire les Palestiniens chrétiens et musulmans d'Israël, vivant à quelques kilomètres d'Amman. Ce scénario tragique se déroule sous les yeux d'une "communauté internationale" dont l'impuissance est avérée. Les Américains sous Obama s'intéressent moins au Proche-Orient, les Européens peinent à élaborer une politique étrangère commune et la Russie aspire à réincarner un rôle impérial sans en avoir véritablement les moyens. Dans ce contexte, les erreurs stratégiques de vision se répètent inexorablement, privilégiant (à nouveau) le despotisme au "risque djihadiste" alors que ce dernier n'est -notamment- qu'un fruit pourri du premier. L'impasse dans laquelle se trouve le Levant laisse craindre une fragmentation et une flambée de violence encore plus importantes. C'est bien une nouvelle "question d'Orient" qui semble interroger, en vain, le reste du monde... 

par Ziad Majed*

*professeur des études du Moyen-Orient à l'Université américaine de Paris et auteur de Syrie, la révolution orpheline (Actes Sud).
 



F) - Le terrorisme dérivant de l’extrémisme religieux reste une priorité d’après Europol (TE-SAT 2014).


Europol a publié un rapport faisant état de la menace terroriste en Europe. D'après ce rapport, dénommé TE-SAT 2014, le terrorisme dérivant de l’extrémisme religieux reste une priorité. La menace terroriste en Europe reste présente et multiple, avec une forte tendance à ayant trait à des individus agissant seuls, sympathisants de groupes extrémistes, et à de petits groupes basés en Europe (pour le rapport de l'année précédente, lire sur securiteinterieure.fr: La menace terroriste s'aggrave en Europe selon un rapport d'Europol (TE-SAT 2013)). 

Ce rapport de 2014 met en évidence plusieurs phénomènes :
  • -  une diversification des moyens de financements des groupes terroristes : cela va de la vente de disques pour certains groupes d’extrême droite à l’utilisation du paravent humanitaire ou associatif pour certains djihadistes.
  • -  l’utilisation croissante des réseaux sociaux par les terroristes dans un contexte de « nouvelle guerre d’Espagne » en Syrie n’est pas sans poser problème pour ces derniers. Il leur est en effet plus difficile de contrôler les dires de leurs nouvelles recrues, et de ne pas exposer les rivalités entre factions en leurs seins. 

    Le rapport se penche enfin sur les condamnations judiciaires liées au terrorisme en Europe. 150 jugements relatifs à des affaires de terrorisme ont été rendus dans quinze États membres (chiffre stable depuis 2012) et ont concerné 313 individus (dont 42 femmes) et 3 entités légales. Ces procès ont débouché sur des acquittements dans 23% des cas (chiffre en baisse). Les peines prononcées l'ont été pour une durée moyenne de 10 ans. 

    Les principaux chiffres pour 2013 :
  • -  7 personnes sont mortes à la suite d’actes terroristes dans l’Union Européenne (contre 17 en 2012) ;
  • -  152 attaques terroristes menées dans les Etats membres de l’UE (contre 219 en 2012), 63 en France, 35 au Royaume-Uni et 33 en Espagne ;
  • -  535 personnes arrêtées dans l’UE pour des infractions liées au terrorisme (contre 537 en 2012);
  • -  313 personnes impliquées dans des procédures judiciaires (contre 400 en 2012) ;
  • -  70% des attaques visaient le secteur des affaires et les propriétés privée. 

    Aperçu général
    Le terrorisme dérivant de l’extrémisme religieux reste une priorité. Les techniques employées continuent d’évoluer, et de nombreux groupes extrémistes, à commencer par Al-Qaeda, bénéficient de plus en plus de soutien au sein de l’Europe, incitant les sympathisants à des attaques individuelles, plus difficiles à prévoir et contrer. Le déplacement de citoyens européen vers des zones de conflit, en particulier la Syrie, pose des questions quant à leur engagement dans des groupes terroristes, pour agir ensuite individuellement en Europe. La surveillance des frontières, des flux et des réseaux sociaux est essentielle afin d’établir un profilage de potentiels « jihadistes européens », mais elle pose la question de la protection de la liberté et de la vie privée. L’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et les opportunités offertes par les réseaux sociaux sont des menaces majeures. Parallèlement, l’UE reste une zone de financement, de refuge et de blanchiment d’argent majeure pour les groupes terroristes, tandis que la coopération de groupes terroristes et criminalité organisée apparaît comme seulement occasionnelle. Les techniques et sources de financement des groupes terroristes ont connu une forte évolution, avec une multiplication de méthodes plus ou moins légales, les rendant difficiles à tracer. Les enlèvements contre rançon font partie du modus operandi classiques d’organisations telle qu’AQMI, mais il s’agit d’une des techniques les plus visibles, de nombreuses autres méthodes sont employées, et plus difficiles à tracer et relier directement. Ainsi, la fraude à la carte de crédit, les vols, et la revente de biens volés ou de contrebande ont par exemple été utilisés pour le financement d’une organisation algérienne associée à Al-Qaeda. Des techniques plus innovantes ont été utilisées pour le financement du PKK, utilisant la fraude au compteur électrique au delà de techniques plus traditionnelles comme les contributions d’adhérents, la vente de publications ou les revenus d’évènements. Les ONG et les organismes caritatifs factices figurent encore parmi les couvertures de financement du terrorisme, utilisés par exemple par le Hamas. Les groupes extrémistes d’extrême droite trouvent en revanche la majorité de leur financement dans des activités légales telles que les ventes de publications ou des revenus évènementiels. Les flux financiers hawala, cartes de crédit prépayées, et mules sont parmi les méthodes de transfert d’argent les plus fréquentes. La communication est au centre des préoccupations des groupes terroristes, pour qui la visibilité est essentielle, tant pour le recrutement que pour le financement et la diffusion de messages à l’intention du public visé par les actions de l’organisation. Les réseaux sociaux, et plus généralement le cyberespace, est en ce sens une priorité dans la lutte antiterroriste. 


Terrorisme lié à l'extrémisme religieux
Aucun Etat membre n’a rapporté d’attaques terroristes classées comme liées à l’extrémisme religieux en 2013, bien que dans deux attaques au moins, le rôle de la radicalisation religieuse soit apparent : l’attaque d’un soldat britannique à Londres et celle d’un soldat français en mai 2013. Dans les deux cas, l’attaque a été perpétrée par des individus auto-radicalisés et auto- organisés, comme citoyens européens. Cette catégorie de terrorisme reste par ailleurs parmi les priorités de l’UE en la matière, et la menace posée par les individus auto-radicalisés, auto- organisés et auto-financés agissant seuls ou en très petits groupes, rarement connectés à des groupes basés en-dehors de l’UE semble grandir. Entre 2009 et 2013, le nombre d’arrestations pour terrorisme lié à l’extrémisme religieux a presque doublé. La propagande de groupes terroristes à l’idéologie liée à l’extrémisme religieux se base sur deux axes principaux : l’incitation au « jihad individuel » en Europe et autres pays tiers, et l’appel à venir lutter en dehors de l’UE. L’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et les déplacements d’européens vers des zones de conflit impliquant des groupes extrémistes religieux sont parmi les facteurs les plus inquiétants, et demandent une surveillance accrue. 

Terrorisme ethno-nationaliste/séparatiste
Si le terrorisme lié aux revendications ethno-nationalistes et séparatistes est responsable de la majorité des attaques en Europe en 2013, le nombre est en chute nette depuis 2012, et les attaques d’envergure moindre. Les groupes Républicains Dissidents (« New IRA », ONH et CIRA) posent un risque majeur, avec une complexification des activités et une multiplication des techniques, et une présence régionale, notamment au Royaume Uni, tant pour l’obtention et dissimulation de ressources que pour de potentielles actions Au Pays Basque, l’ETA dispose toujours de réserves d’armes et d’une organisation solide, malgré le respect du cessez-le-feu critiqué par certains sympathisants. Le nombre d’attaques attribué à Resistencia Galega a chuté en 2013, et reste focalisé sur des dégâts matériaux plus que humains. En France, le FLNC montre toujours une capacité et intention de nuire, comme en témoigne l’attaque coordonnée de deux commissariats le 5 décembre 2013. En Bretagne, l’ARB est responsable de deux attentas en 2013. Le PKK Kurde, enfin, n’a perpétré aucune attaque sur le sol européen, où ses activités principales relèvent de la levée de fonds. 


Terrorisme d'extrême-gauche
Le nombre d’attaques lié à des revendications politiques d’extrême gauche a chuté en 2013 par rapport à l’année précédente, restant toutefois ancré en Grèce, Espagne et Italie. La tendance majeure est à l’évolution et complexification des techniques employées, mais si les groupes grecs tendent à une organisation de plus en plus efficace et à des opérations coordonnées à grande échelle. Les groupes anarchistes italiens (notamment FAI) manquent d’une coordination à grande échelle. En Espagne enfin, malgré un nombre d’attentats en baisse, le nombre d’arrestations a augmenté et les techniques employées ont évolué. Les institutions visées restent souvent les institutions religieuses. L’internationalisation des groupes d’extrême gauche et anarchistes est enfin à noter, comme le montre le cas du DHKP/C turc avec des réseaux en Europe. 

Terrorisme d'extrême-droite
Si aucune attaque n’a été officiellement classée comme reliée au terrorisme d’extrême droite en Europe en 2013, cette forme d'extrémisme demeure une préoccupation pour les Etats européens. Ainsi, quatre attentats et un homicide reliés à l’idéologie d’extrême droite ont eu lieu au Royaume-Uni et en Grèce respectivement, 3 arrestations ont eu lieu en France, 20 en Grèce, et 5 en République Tchèque ; tandis qu’en Allemagne a débuté le procès pour activités terroristes contre le NSU et des enquêtes ont été ouvertes concernant quatre individus suspectés de terrorisme d’extrême droite. Le discours des groupes d’extrême-droite reste centré sur la xénophobie, et les minorités sont souvent la cible des attaques. Les confrontations entre groupes d’extrême droite et d’extrême gauche restent par ailleurs fréquentes. La communication et le financement de tels groupes passe essentiellement par les revenus gérés par des évènements, musicaux notamment, et de la vente de Cds, ainsi que par la vente de publications ou contributions volontaires. Internet et les réseaux sociaux jouent enfin un rôle essentiel dans la communication des groupes, souvent via des réseaux sociaux alternatifs (notamment VK, la version russe de facebook) suite à la suppression de nombreux comptes par Facebook, Twitter ou Youtube. 

Terrorisme lié à une cause particulière
Si aucune attaque terroriste classée comme liée à ce type de terrorisme n’a eu lieu en 2013, 3 arrestations se sont produites dans deux Etats membres, et l’extrémisme –sinon terrorisme- lié à une cause particulière reste une préoccupation. Ainsi, en 2013, malgré une réduction des incidents liés à l’extrémisme de défense des droits des animaux, de nombreux incidents liés à l’extrémisme environnemental sont à noter. Parmi les causes le plus souvent revendiquées figurent la protection de l’environnement et les droits des animaux. Il est intéressant d'observer que nombre de ces revendications sont reprises par certains groupes anarchistes et d’extrême gauche. Si les cibles principales restent les infrastructures et laboratoires médicaux (pour l’extrémisme lié aux droits des animaux) et autres infrastructures et propriétés d’entreprise (pour l’extrémisme environnemental), les attaques ne causent que des dégâts matériels et non humains, et le modus operandi le plus répandu des groupes liés à une cause particulière reste dans le cadre de la loi, occupations, manifestations et autres sit-ins étant plus fréquents que des attaques violentes, classées comme terroriste ou non. Ce type particulier de terrorisme représente ainsi une menace moindre. 




Résumé du rapport TE-SAT 2014 fait sous la supervision de securiteinterieure.fr par les étudiants du Master Sécurité, Intelligence et Gestion des risques (SIGR) de Sciences Po Lille dans le cadre du cours "Sécurité intérieure et menaces transnationales".
 
par les étudiants en Master de Sciences Po Lille
 


G) - Le seul animal qui torture.


Les Etats-Unis viennent d’avouer une grande honte et de rendre au monde un grand service. 

La honte, c’est d’avoir bafoué au plus haut niveau leurs valeurs et leurs institutions ; le service, c’est d’avoir posé au grand jour la question la plus systématiquement éludée de nos temps modernes, la question de la "question". En reconnaissant publiquement, par la voie du rapport de Dianne Feinstein, que la CIA, conformément aux instructions de George W. Bush et de Dick Cheney, ces deux gredins, avait torturé pendant des années des prisonniers au lendemain du 11 septembre 2001, les Etats-Unis viennent d’avouer une grande honte et de rendre au monde un grand service. La honte, c’est d’avoir bafoué au plus haut niveau leurs valeurs et leurs institutions ; le service, c’est d’avoir posé au grand jour la question la plus systématiquement éludée de nos temps modernes, la question de la « question ». A la fin du XIXe siècle, la torture avait été pratiquement éradiquée de l’Europe occidentale – mais non de ses colonies – tandis qu’elle sévissait encore partout à travers le monde. Au début du XXIe, ce n’est pas le monde qui a rejoint l’Europe dans la civilisation, c’est cette dernière qui a rejoint le monde dans la barbarie. Car, entre-temps, l’Europe a connu les abominations du nazisme et du communisme, et la France a torturé en Algérie non 120 suspects comme les Etats-Unis, mais des dizaines de milliers de combattants algériens durant la guerre de décolonisation (1954-1962). Et, à la différence de ceux-là, la France n’a jamais rien reconnu, jamais rien avoué. S’il est un domaine où nous n’avons pas de leçons à donner, c’est bien celui-là. Dans son apologie de la torture, qu’elle a précipitamment désavouée ensuite, Marine Le Pen nous a refait le coup du « tic-tac, tic-tac », le mouvement d’horlogerie de la bombe cachée qui s’égrène, alors que l’on a entre les mains celui qui sait où elle se trouve : qui n’essaierait alors de le faire parler ? A cela près que cet argument imparable, que l’on m’a resservi des centaines de fois, n’existe pas : je doute que, durant toute la guerre d’Algérie, de pareilles circonstances se soient jamais produites. La torture est-elle efficace ? Cela dépend pour quoi. La grande rupture s’est opérée au XXe siècle, quand cette torture, qui, au Moyen Age et aux Temps modernes, était surtout appliquée aux criminels de droit commun, a été transformée en arme politique. Certes, il y avait déjà eu l’Inquisition, qui en faisait un usage idéologique ; mais ce fut une exception. A la fin du XVIIIe siècle, le juriste italien Cesare Beccaria, ami de Voltaire et de Diderot, publie son fameux traité Des délits et des peines (1764) qui fut le manifeste des abolitionnistes. Et c’est Louis XVI, à la fin de l’Ancien Régime, qui abolit la torture dans le droit pénal français. Mais c’est le XXe siècle qui, en faisant de la politique une affaire idéologique, a remis au goût du jour le viol des consciences et la contrainte des corps. En faisant de l’élection une question de choix entre des philosophies politiques différentes, la démocratie a paradoxalement ouvert la voie à toutes les formes de pression, d’intimidation, de contrainte sur les individus. Le leader démocratique a besoin de l’adhésion du peuple non à une dynastie, mais à un système intellectuel. Le tyran totalitaire ne fait que pousser cette idée à sa dernière conséquence, en exigeant du peuple tout entier l’adhésion à ses propres idées, au besoin en l’y contraignant. La torture est au bout de cette logique. Ajoutez-y la substitution de la guérilla à la guerre classique, qui fait de la recherche de l’ennemi un objectif aussi important que sa destruction. 




D’où l’éventail des formes de la torture moderne. La torture liée à la guérilla, celle qu’ont subie les résistants français de la part des nazis, et des combattants algériens de la part de l’armée française. Il s’agit avant tout de démanteler des réseaux clandestins, en faisant avouer des noms, et découvrir des réseaux. La torture stalinienne, à des fins de propagande. En arrachant de faux aveux aux accusés, il s’agit de leur faire proclamer publiquement lors de procès à grand spectacle la légitimité de leur élimination et les bienfaits du système totalitaire. La torture à la chinoise, qui pousse la logique stalinienne à ses ultimes conséquences, en obligeant la victime à élaborer le réquisitoire contre elle-même, et à se faire son propre bourreau. La torture à la syrienne d’aujourd’hui, qui vise avant tout à terroriser toute une population. Il ne s’agit pas de faire avouer quoi que ce soit, mais de punir l’insurgé. A quoi il faut ajouter dans la plupart des guerres idéologiques la pratique systématique du viol, pour humilier et terroriser. De toutes les abominations dont l’homme est capable, la torture est sans conteste la pire de toutes, car elle vise à détruire la notion même de l’humanité à l’intérieur de l’espèce. On ne torture jamais son semblable, mais un être à qui l’on dénie cette qualité : c’est pourquoi l’homme est le seul animal qui torture. Ce n’est pas pour rien que, pour s’autoriser les traitements qu’ils infligeaient à leurs victimes, les nazis avaient besoin de traiter les juifs et les Tsiganes de «sous-hommes», les staliniens leurs adversaires idéologiques de « vipères lubriques » et de « rats visqueux », et les islamistes de ravaler les non-musulmans au statut de marchandise. La torture et le racisme s’engendrent mutuellement dans un déni d’humanité. J’aurais pu, je l’avoue, choisir un sujet plus gai en cette veille de Noël. Mais, dans un monde qui se « modernise » et se déshumanise au même rythme et dans le même mouvement, c’était ma façon de dire non à ce monde-là et « Paix sur la Terre à tous les hommes de bonne volonté ». 

par Jacques Juilliard



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