juin 17, 2018

Le renseignement français

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D'avance merci. 

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...

Merci de vos lectures, et de vos analyses. Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 
Al, 

PS: N'hésitez pas à m'envoyer vos articles (voir être administrateur du site) afin d'être lu par environ 3000 lecteurs jour sur l'Université Liberté (genestine.alain@orange.fr). Il est dommageable d'effectuer des recherches comme des CC. 
Merci




Sommaire

A) Comment le renseignement français change-t-il ? - Alain BAUER, Marie-Christine DUPUIS-DANON, Pierre VERLUISE - Diploweb

B) Les nouveaux enjeux du renseignement français - Aegise - Au Militaire

C) Lutte contre le financement du terrorisme : nouveaux enjeux - Liberté politique

D) Tracfin : quelle place dans le monde du renseignement français ? - Théodore SOUDAT - Le Portail-ie



A) Comment le renseignement français change-t-il ?

Comment définir « le renseignement à la française » ?
Comment s’est-il adapté aux grandes ruptures stratégiques ?
Quelles relations entre services de renseignement, responsables politiques et médias ?
Les pays « alliés » s’espionnent-ils ?
Quelles sont les opportunités et les défis du temps présent ?
Alain Bauer et Marie-Christine Dupuis-Danon viennent de publier « Les Guetteurs. Les patrons du renseignement français répondent », préface de Jean-Yves Le Drian, éd. O. Jacob. Ils répondent aux questions de Pierre Verluise, fondateur du Diploweb.com
Pierre Verluise (P. V. ) : Vous avez réussi dans ce livre à conduire des entretiens avec 14 des patrons du renseignement français depuis les années 1980. Au vu de leurs réponses, comment définir « le renseignement à la française », ses fonctions et ses limites ?
Alain Bauer (A. B) et Marie-Christine Dupuis-Danon (M-C D-D) : Il y a dans le renseignement une dimension éminemment culturelle, fruit de l’histoire des Services, des circonstances de leur création, de leurs missions initiales et du contexte politique et social des États au bénéfice duquel ils opèrent. Les Services français n’y font pas exception et c’est dans les mots des Guetteurs dont nous avons recueilli la parole que l’on perçoit le mieux, comme de fortes traces, cette spécificité française. Pour décrire ce qu’il n’est pas, ce qui est peut-être plus facile, disons qu’il n’a pas ce fétichisme technologique des Américains ni cette tradition de « l’Intelligence » enchâssée dans la haute société Britannique. Le renseignement français a évolué avec notre pays qui, sur la période dont nous rendons compte, traverse la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS, son ennemi historique, le terrorisme d’État, l’activisme politique et indépendantiste violent, les GIA, et le terrorisme islamiste d’Al Qaida puis de Daesh. C’est parce que nous voulions nous garder d’interpréter avec notre propre grille d’analyse les réussites et les échecs des Services à s’adapter à ces bouleversements que nous avons choisi de recueillir la parole directe de ceux qui ont dirigé les Services, en proposant à chacun de répondre aux mêmes questions pour garantir une cohérence. Entre collecte, analyse et action comme métiers, et espionnage, contre espionnage et antiterrorisme comme cultures, on voit souvent poindre ce qui reste le débat permanent entre temps long et secret, temps court et partage. Nous invitons le public intéressé à lire leurs témoignages pour se forger sa propre idée.


Marie-Christine Dupuis-Danon
Marie-Christine Dupuis-Danon, co-auteure de « Les Guetteurs. Les patrons du renseignement français répondent », préf. de Jean-Yves Le Drian, éd. O. Jacob.
P. V. : Après la série télévisée française « Le Bureau des légendes » créée par Éric Rochant et diffusée à compter du 27 avril 2015 sur Canal+, votre livre s’’inscrit-il dans une démarche d’explication-valorisation du renseignement pour à la fois améliorer sa connaissance par le grand public, donc augmenter son acceptabilité et générer des vocations ?
A. B et M-C D-D : Vous avez raison de souligner que le renseignement est en train de changer de statut en France auprès du grand public : pour la première fois et grâce au succès de cette série qui suit le quotidien d’agents de la DGSE, mais aussi en raison de l’actualité et des attaques terroristes qui se sont multipliées à partir de cette même année 2015, les français ont entendu parler de cette activité régalienne par excellence, peu visible médiatiquement en raison de sa nature même, et qui était donc largement méconnue hors du cercle des quelques milliers de personnes liées à la communauté de la défense et de la sécurité. L’idée que le renseignement était au coeur de la lutte contre le terrorisme, même si peu de gens savent réellement qui fait quoi et comment il s’organise, a contribué à le valoriser dans sa portée stratégique et à rectifier une image un peu altérée par quelques épisodes malheureux restés dans les mémoires. Quelles sont alors les conséquences de cette évolution ? Des vocations, certes, même si la réalité du métier, la rigueur et parfois l’austérité du quotidien de l’analyste - celui qui dissèque les éléments remontés du terrain et qui constitue le plus gros des bataillons recrutés ces dernières années - est assez loin des aventures trépidantes des agents du Bureau des Légendes. L’enjeu devient alors d’attirer des talents pluriels et pointus, mais aussi de les retenir. L’autre partie de votre question concerne l’intention qui était la nôtre. Notre ambition était de construire une réflexion sérieuse et approfondie sur un temps long, presque quarante ans, pour recueillir la parole des patrons des Services à la source et permettre au lecteur de se forger sa propre compréhension du fonctionnement, de la culture et des défis adressés aux Services. Si Les Guetteurs (moins romancés) ont les effets collatéraux que vous évoquez, c’est encore mieux !


Alain Bauer
Alain Bauer, co-auteur de « Les Guetteurs. Les patrons du renseignement français répondent », préf. de Jean-Yves Le Drian, éd. O. Jacob. Crédit photographique : Eric Allouche.
P. V. : Depuis les années 1980, quelles sont les grandes ruptures ou inflexions stratégiques auxquelles les services de renseignement français ont été confrontés ? Par quels processus l’adaptation s’est-elle faite ?
A. B et M-C D-D : Tout le monde connaît les ruptures stratégiques majeures de notre histoire contemporaine, de la chute du mur de Berlin (1989) au 11 septembre 2001, ou plus récemment les attentats dont le cycle ouvert avec Khaled Kelkal, prolongé avec Merah, se déploie à une échelle inédite depuis 2015. Or le renseignement doit être en capacité de développer des métiers, de nature et d’exigences radicalement différentes. Le premier, historique, relève de l’espionnage qui prend tout, du contre-espionnage, il nécessite un temps long pour identifier les sources et les « traiter », le tout dans un cloisonnement extrême. L’anti-terrorisme, suppose au contraire que le cycle de collecte et d’analyse de l’information s’effectue dans un temps très court (l’enjeu étant de prévenir l’attentat car après, il est déjà trop tard). Il nécessite surtout que les Services partagent les pièces du puzzle qu’elles détiennent pour reconstituer le tableau d’ensemble. Temps long et cloisonnement contre temps court et partage, l’adaptation n’a pas été simple : résistances d’appareils, guerres intestines, la grande réforme du renseignement voulue par Michel Rocard à la fin des années quatre-vingts aura mis près de vingt ans à s’accomplir. Le « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale » de juin 2008 a fait du renseignement une priorité puis la création, en juillet 2008, du Conseil national du renseignement a constitué une étape clé dans la coordination des Services dits du « premier cercle » autour du Coordonnateur national du renseignement. Ceci dit, les attentats de 2015 ont constitué un électrochoc qui a permis à cette coordination de passer à la vitesse supérieure et aux Services de travailler plus et mieux ensemble au plan opérationnel.
P. V. : Dans les relations entre services de renseignement, responsables politiques et médias, qui instrumente qui ? Avec quels gains et résultats ?
A. B et M-C D-D : Le mot « instrumente » est porteur d’une connotation particulière, je préférerais parler « d’utilisation » du renseignement. Celui-ci constitue un enjeu de souveraineté nationale : disposer de capteurs qui remontent une information qui est alors triée, filtrée et analysée permet à l’exécutif de prendre des décisions avec le maximum d’éléments de connaissance et de compréhension contextuelles. Il est donc cohérent que le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme soit en charge d’éclairer le Président de la République sur l’état de la menace et les orientations souhaitables du renseignement. Précisons que les instructions aux Services émanent, elles, du chef de d’État.

Bonus vidéo Diploweb. Pierre de Bousquet de Florian. La coordination du renseignement et de la lutte anti-terroriste



Bien sûr, le renseignement a beaucoup évolué sur la période que couvre le livre. Au fil des témoignages des Guetteurs, on voit que les modalités juridiques qui en encadrent les pratiques, et notamment les écoutes et interceptions, ont évolué vers un encadrement strict et soumis à des instances de contrôle. Le politique n’est donc plus en capacité d’instruire tel ou tel Service à collecter du renseignement à son bénéfice personnel ou hors de tout contrôle démocratique.
Par ailleurs, la question des médias est pertinente dans notre époque caractérisée par la simultanéité du fait et de l’information. L’accélération du temps s’impose au politique, sommé de décider de l’action quasiment en temps réel, et de la justifier devant une opinion publique qui ne tolère ni zone d’ombre, ni « loupé », petit ou grand. Ajoutons que comme les médias n’ont plus le monopole de la couverture d’un événement, capté directement par les smartphones des acteurs ou témoins, certains peuvent être tentés de basculer dans une forme de surenchère toxique pour tous. On voit bien que tout cela peut rapidement conduire à confondre vitesse et précipitation, ce qui se mesure dans les déclarations caricaturales et juridiquement baroques de certains responsables politiques à chaque attentat perpétré sur notre territoire. C’est là que le renseignement doit pleinement jouer son rôle pour informer et éclairer les décideurs, en utilisant toutes les possibilités qui sont lui octroyées dans le cadre démocratique dont je parlais précédemment, y compris l’action clandestine lorsqu’elle se justifie.
P. V. : Entre pays « alliés » comme les 29 membres de l’OTAN, quelles sont les coopérations et concurrences en matière de renseignement (Echelon, NSA, etc.) ? A. B et M-C D-D : Tout le monde espionne tout le monde, plus ou moins fortement, par nature et par exigence. Nos ennemis d’hier sont souvent devenus nos amis. Mais des amis peuvent nous quitter ou rompre. Nul ne sait où se situera le point d’équilibre de l’alliance atlantique dans dix ans….
Du coup on ne coopère jamais avec tout le monde, mais de manière bilatérale renforcée et multilatérale légère. On peut créer des outils momentanés lorsqu’un adversaire commun se révèle. Mais la protection des sources et la perception complexe de l’avenir réduisent les champs et les contenus des coopérations possibles.
P. V. : Que savez-vous des activités des services soviétiques puis russes en France des années 1980 à aujourd’hui ? Comment leurs réseaux d’influences ont-ils été renouvelés ?
A. B et M-C D-D : Tout ce qui a déjà été publié est plus ou moins connu. Le reste attendra des lectures dans une dizaine ou une vingtaine d’années. Ou jamais. Mais on peut faire confiance aux services russes, notamment le GRU dont on sous estime souvent les capacités, pour ne pas oublier la France.
P. V. : Pour les services de renseignements français, quelles sont les opportunités et les défis du temps présent ? A. B et M-C D-D : La plus grande visibilité du rôle et des défis du renseignement dans la lutte anti-terroriste a permis l’octroi de moyens conséquents, notamment après les attentats de 2015. Les Services ont pu recruter des profils utiles à leurs missions et opérer des mises à niveaux techniques pour répondre aux exigences technologiques du monde d’aujourd’hui. Sans entrer dans les détails, disons que les circonstances ont créé des opportunités dont les Services ont profité, inégalement il est vrai de l’un à l’autre.
Mais dans le même temps, le monde n’a pas été en reste. Le retour du « grand jeu » et ses manoeuvres géopolitiques ont rappelé combien le contre-espionnage demeurait crucial, y compris dans la protection de nos intérêts et nos actifs industriels et technologiques, et ce tout à la fois dans les mondes physiques et cyber. La complexité croissante et l’hybridation des menaces appelle une agilité dans la compréhension de ce qui se joue, y compris en anticipation. Il faut pour cela des compétences plurielles et pour certaines nouvelles puisque, par exemple, certains métiers en lien avec le big data et l’intelligence artificielle n’existaient pas il y a quelques années. Analyser et anticiper les besoins et les profils, se donner les moyens de les recruter et savoir les faire évoluer pour les conserver sont quelques-uns des défis humains transverses à tous les Services. Il est question ici de moyens financiers mais également de l’adaptation très concrète des cadres contractuels et des règles applicables à ces métiers pour les rendre en phase avec l’air du temps, les agents aspirant aujourd’hui à une vie plus équilibrée, ou perçue comme telle, que celle de leurs aînés. Or conserver les compétences sur un temps long sera sans doute déterminant pour potentialiser le renseignement humain, avec ce qu’il suppose d’expérience accumulée, de réseaux de confiance développés à l’intérieur d’un Service comme en inter-Services.
Si le renseignement extérieur et le renseignement militaire ont pu utilement investir sur les humains et la technologie, il a fallu beaucoup de volonté aux patrons de la jeune DGSI pour la faire développer des ressources extérieures. La mise en place d’une véritable politique de recrutement et d’une Ecole du Renseignement semble un autre défi à traiter.
Comme l’ont souligné la plupart des Guetteurs, au bout du bout, le facteur humain fait toujours la différence. 




4e de couverture
La publication, pour la première fois, des témoignages personnels des anciens directeurs des services français de renseignement constitue un événement majeur.
De la fin de la guerre froide aux conflits asymétriques, de la prégnance du contre-espionnage à la montée de la menace terroriste et à ses mutations ces quinze dernières années, des exigences du cloisonnement aux pressions des technologies de l’information, c’est un concentré de l’histoire du temps présent qui se dessine au fil de ces pages, une synthèse des difficultés qu’ont dû surmonter nos services pour s’adapter aux bouleversements de la situation internationale.
De témoignage en témoignage, ces acteurs du secret offrent, dans ce livre, une contribution inédite permettant de mieux comprendre l’enjeu des questions de sécurité, de mesurer les évolutions de l’instrument du renseignement français jusqu’à la période la plus récente et d’appréhender la communauté du renseignement comme système nerveux de l’État.
Préface de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.
Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), et aux Universités de New York et de Shanghai. Ancien conseiller de Michel Rocard, il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages sur la criminalité et la sécurité.
Après une carrière en banque d’affaires, Marie-Christine Dupuis-Danon a intégré l’ONU pour rejoindre l’équipe responsable de la lutte anti-blanchiment. Aujourd’hui spécialiste indépendante reconnue de la lutte contre la finance criminelle, elle exerce ses activités de consultante et de coach auprès des dirigeants des plus grandes entreprises.

Pierre Verluise, Bauer, Dupuis-Danon




B) Les nouveaux enjeux du renseignement français

Pour savoir ce que prépare la DGSE, lisez ses offres de stages
Big data, «lutte informatique active», géolocalisation... Un document détaillant 145 offres de stage émanant de la direction technique de la DGSE en dit long sur les nouveaux enjeux du renseignement français. 

Vous vous souvenez de WannaCry? 
Ce «rançongiciel», profitant d'une faille de sécurité identifiée par la NSA, avait défrayé la chronique l'an passé, en infectant quelque 300.000 ordinateurs dans plus de 150 pays. 
Eh bien le ministère des Armées français veut en créer un, «se propageant par l'intermédiaire d'une vulnérabilité connue (par exemple celle utilisée par Wannacry)», car la France «souhaite étudier les mécanismes de propagation d'un ver informatique».
 
Catalogue de stages
Pour cette mission, le ministère cherche à recruter un étudiant Bac+5, qui disposera de six mois pour effectuer un stage de «développement d'un ver informatique». La petite annonce figure en page 125 d'un catalogue de 185 pages, présentant pas moins de 145 offres de stage, qui portent également sur la «modélisation de comportements Wi-Fi malveillants», «l'exploitation de vulnérabilités avancées en environnement Windows», la «recherche de vulnérabilités dans un navigateur web», ou «l'analyse et la rétroconception de malwares» [logiciels malveillants, ndlr].  

Ces offres de stages n'émanent pas de n'importe quelle entité du ministère des Armées: elles sont publiées par la direction technique (DT) de la DGSE, le service de renseignement extérieur chargé –notamment– de la surveillance des télécommunications à l'international et de la «lutte informatique active» –doux nom donné à ce qu'il qualifiait auparavant de «lutte informatique offensive», c'est-à-dire au développement de logiciels espions ou malveillants. 
Discrètement évoquée en décembre dernier par Intelligence Online [un site d'information payant spécialisé dans le renseignement, ndlr], cette information n'avait étrangement été relayée par aucun autre média jusque là. 

Skype, Snapchat, boîtes mail... dans le viseur
La consultation dudit catalogue permet pourtant de mesurer, sinon les progrès techniques de la DGSE, du moins les avancées des techniques de renseignement, sur lesquelles elle souhaite faire plancher des étudiants.
On y apprend que la DGSE cherche d'autres stagiaires susceptibles de l'aider à effectuer plusieurs «états de l'art», allant de «l'analyse de logiciels malveillants» à «l'exploitation de vulnérabilités logicielles publiques», en passant par la «recherche de vulnérabilités sur des applications web grand public», les «attaques DDOS» [attaques par déni de service, lorsque des –centaines de– milliers de requête sont lancées sur un site web afin d'en bloquer l'accès ou de le faire tomber, ndlr] ou «Man in the Middle» [attaque permettant d'intercepter les communications entre deux parties sans qu'elles puissent s'en douter, ndlr]. 
Sont également concernées les «techniques d'acquisition et de traitement des données» des objets connectés et communicants («sans les endommager»), les «solutions d'effacement sécurisé», la «recherche de vulnérabilités web», le «contournement des protections mises en place» par les applications Android ou la «recherche de vulnérabilités» sur des routeurs réseau professionnels ainsi que sur des «équipements réseaux SOHO (Small Office, Home Office)», donc domestiques. 

La DGSE cherche aussi un stagiaire pour le développement d'un «outil discret de détournement des flux de voix sur IP» (type Skype ou Snapchat), afin de pouvoir «enregistrer, exfiltrer ou même changer la destination de ces appels», et un autre chargé de l'«analyse de backdoors [portes dérobées, ndlr] publiques type RAT» [pour «Remote Administration Tool», nom donné aux logiciels espions permettant une prise de contrôle à distance d'un ordinateur, ndlr] susceptible de «détecter ce type d'implant sur des machines hôtes de réseaux compromis».
L'abondance des données que la direction technique de la DGSE récolte en matière d'investigation numérique l'amène également à vouloir développer de «nouveaux outils» d'extraction et d'analyse des «messageries mails, navigation internet, données systèmes, etc.) sur différents OS (Windows, Linux, Android, iOS...)», et même une «chaîne de traitement automatisée» tout spécialement dédiée.  

Confrontée aux nombreuses fuites d'informations et de données qui –grâce à Edward Snowden et à WikiLeaks notamment– ont permis d'en savoir plus sur les logiciels espions de la NSA et de la CIA, la DGSE aimerait en découvrir davantage sur les techniques de renseignement de ses alliés mais néanmoins concurrents.
C'est pourquoi elle recrute également un stagiaire à même de l'aider à analyser non seulement tous ces «leaks (Vault7, ShadowBroker...)», mais également les livres blancs et conférences que les chercheurs en sécurité informatique («MIT, BlackHat, DefCon») y ont consacrés, dans le but de dresser un état de l'art susceptible de lui permettre de développer des «stratégies de stockage peu encombrant et résistant à une investigation numérique»... et donc d'espérer que ses logiciels espions ne seront pas détectés. 

Le «Google Earth» de la DGSE
La direction technique de la DGSE ne s'intéresse pas qu'aux logiciels espions. Une partie non négligeable de ses offres de stage est consacrée au développement d'outils et de technologies déployables en mission.
Croulant sous les méga-données [Big Data, en VO], elle veut recruter des étudiants capables de l'aider à les trier, qualifier et exploiter. La nature et la quantité des images satellites et vidéos (émanant de «vidéo-surveillances, vidéos issues de mobiles, d'internet, de drones, etc.») qu'elle collecte seraient telles que ses experts auraient en effet «de plus en plus de difficultés à les exploiter intégralement, dans des délais compatibles avec les exigences opérationnelles». 

Ayant conçu à cet effet «un globe virtuel similaire à Google Earth, à l'échelle mondiale» –utilisé tant dans ses QG (boulevard Mortier, à Paris, ainsi qu'au fort de Noisy, à Romainville) que sur le terrain–, elle cherche un stagiaire susceptible de l'aider à développer «une solution pouvant être implémentée sur un ordinateur ou un smartphone qui ne serait connecté à aucun réseau», mais qui n'en permettrait pas moins à ses analystes, déconnectés, de pouvoir «anticiper le mouvement de personnes» au moyen d'une «solution de recherche de chemin (routing) permettant de savoir quel est l'itinéraire le plus court / rapide entre deux points». Un Google Earth pour espions, en somme.
Le globe virtuel permettant également de naviguer dans des cartes et modèles 3D (de terrain, de villes et de bâtiments), la DGSE cherche aussi à développer des «modes de navigation paramétrables (vitesse, altitude, ...) et adaptés à la situation: mode piéton, véhicule motorisé, vue aérienne...» pour que ses analystes puissent «avoir une idée la plus précise possible de la situation sur le terrain». 

Géolocalisation et résolution vidéo
Afin d'«augmenter la productivité de ses experts» et «d'optimiser le temps de recherche d'une région d'intérêt dans de très grandes zones géographiques (étape longue et fastidieuse)», la DGSE propose une offre de stage ès-«géolocalisation de prises de vue au sol» pour «développer une chaîne de recherche automatique des coordonnées géographiques d'une prise de vue effectuée avec un appareil photo». 
Évoquant les «données géoréférencées riches en informations sur des lieux souvent inconnus» qu'elle est amenée à traiter, la DGSE recrute par ailleurs un stagiaire en «détection des lieux d'intérêt» ayant pour objectif, «sur la base des seuls identifiants et positions, de déterminer le rôle d'un lieu visité par un groupe de personnes (maison familiale, bars, arrêts de bus) en mettant en œuvre des algorithmes de machine learning», [nom donné à l'une des techniques utilisées en matière d'intelligence artificielle, ndlr]. 
Un stage d'«analyse temporelle des déplacements» propose, de son côté, de «trouver des habitudes de déplacements et d'en anticiper d'autres», au motif qu'elles seraient «déterminantes pour anticiper des mouvements de masse».
Vous avez regardé Les Experts? La DGSE aussi: elle cherche un stagiaire pour participer à la conception d'un «module de Super Résolution de vidéos» [sic], en combinant «une ou plusieurs images plus basse résolution permet[tant] potentiellement de faire apparaître des détails non visibles ou dégradés dans les vidéos d’origines (tels que numéros de plaques minéralogiques, texte, etc.)», mais également d’«améliorer la qualité image, à la fois pour une meilleure interprétation humaine et pour augmenter les performances des algorithmes de traitements automatiques afin de mieux exploiter ces vidéos».
La DGSE souhaite à ce titre pouvoir automatiser la recherche et la reconnaissance des images qu'elle est amenée à collecter, dans le but de «trier seule le plus d'images possible, selon des critères bien précis et différents niveaux de criticité». Elle compte en profiter pour «perfectionner son intelligence et trier davantage lors de l'occurrence suivante» et pour proposer un «affichage des images les plus critiques pour information ou revue par un utilisateur lambda». 

Des mots de passe et des beaux-frères
Constatant que les internautes sont de plus en plus incités à réfléchir en terme de phrases de passe plutôt qu'en mots de passe –de sorte de pouvoir «résister à une attaque»–, la DGSE n'en note pas moins qu'«une phrase longue mais trop simple risque d'être révélée aussi rapidement qu'un mot de passe trop court», nonobstant le fait qu'«un mot de passe très fort et impossible à mémoriser finira inévitablement écrit sur un post-it caché sous le clavier». Un stagiaire participerait à la construction d'un «outil permettant de générer des passphrases fortes mais humainement mémorisables».
Nombreux étant les internautes utilisant des mots ou phrases de passe composées de «suites de mots simples mais transformés» via l'«ajout de préfixes et de suffixes, l'emploi d'une casse improbable», la DGSE, dont le métier n'est pas seulement de protéger les ordinateurs de ses agents mais aussi et surtout de pouvoir pirater et espionner ceux de ses cibles, cherche donc un autre stagiaire pour l'aider à «retrouver les mots simples dont ils sont issus».
Accessoirement, la DGSE propose également des stages pour «développer une application de gestion d'un parc automobile, ergonomique et dynamique» –elle dispose en effet d'un parc automobile, au point d'être affiliée au SNCTA, le Syndicat national du contrôle technique automobile–, ainsi qu'une «application de gestion des candidatures».
«Le ministère des Armées recevant de nombreux CV, il souhaite se doter d’une solution de gestion de ces documents», sous la forme d'un portail web adossé à un moteur de recherches; «ces documents étant de divers formats (word, pdf, image), il sera nécessaire que l’outil soit capable d’extraire les contenus, les indexer et permettre une recherche approfondie» au sein des nombreuses données collectées.
En l'espèce, la liste des pièces à fournir pour la constitution d’un dossier d’habilitation, longue d'une dizaine de pages, va jusqu'à ficher les données personnelles des conjoints, enfants, frères, sœurs et parents des postulants, mais aussi de leurs beaux-pères, belles-mères, beaux-frères et belles-soeurs. Les noms et adresses de leurs employeurs respectifs sont également exigés, tout comme les noms, prénoms, dates, lieux de naissance et nationalités de tous les résidents et ressortissants étrangers avec qui les postulants sont en «relation suivie». Mais pas leurs mots de passe.
En 2010, le directeur technique de la DGSE déclarait que, après avoir accumulé dix ans de retard en matière de «lutte informatique offensive», elle avait réussi à entrer dans le top 5  des pays en terme de renseignement technique (avec les États-Unis, le Royaume-Uni, Israël et la Chine). 

L'an passé, je concluais l'enquête que j'avais consacrée à l'opération séduction initiée par la DGSE pour recruter de nouveaux agents en soulignant que, ces dernières années, ses offres d'emplois et de stages avaient effectivement «gagné en technicité».
Son nouveau catalogue de stage démontre que l'analyse des méga-donnés, mais aussi et surtout la «lutte informatique active», font clairement partie de ses priorités.






C) Lutte contre le financement du terrorisme : nouveaux enjeux

Le 5 décembre dernier, le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), en collaboration avec Richard Labévière et Roxana Cristea, et avec le soutien du professeur Andrès Davila-Valdiviezo (ESCE), a organisé un colloque consacré à la lutte contre le financement du terrorisme, réunissant une dizaine d’intervenants de haut niveau, issus des milieux juridiques et financiers, du monde du renseignement et de la diplomatie.

1. L’ÉCONOMIE DU TERRORISME LE FAIBLE COÛT DES ACTES TERRORISTES
L’action terroriste est une action d’économie qui vise à obtenir un maximum de résultats avec un minimum de moyens. Tous les intervenants ont insisté sur le fait que le financement du passage à l’acte terroriste lui-même n’est pas très oné- reux. Les attentats du 11 septembre 2001 ont coûté, selon les sources, de 175000 à 343000 dollars ; ceux de Madrid, Londres, Manchester, Bruxelles, Stockholm ou Paris, quelques milliers d’euros ! Ne parlons pas des attaques à la hache, au couteau et à la voiture bélier ! En revanche, ainsi que l’a expliqué Alain Chouet, les financements en amont - recrutement et formation des opérateurs, logistique - sont nettement plus élevés, de même que les financements en aval, lorsqu’il s’agit de prendre en charge les familles des kamikazes ou de payer les opérations de chirurgie plastique des survivants qui doivent changer d’identité et de vie. En effet, ce qui coûte cher dans la violence politique à grande échelle – contrairement à la violence criminelle crapuleuse – c’est la mise en condition des exécutants pour participer à une opération dont ils ne seront pas directement bénéficiaires, surtout s’il s’agit d’une action kamikaze.
Cette mise en condition demande des moyens importants et du temps, la location de locaux, la mise en condition sectaire, le développement de réseaux d’influence et de médias de propagande, l’assistance technique militaire pour les mouvements violents les plus structurés, la prise en charge des exécutants et de leur famille, etc
Les organisations terroristes ont donc toujours besoin de ressources. Elles se caractérisent ainsi par une créativité constante pour subvenir à leurs besoins. Comme l’a rappelé Richard Labévière, la « décennie sanglante » algérienne des années 90 a constitué le laboratoire du terrorisme en matière de financement. Jusqu’à présent, l’on distinguait trois types de financement : - financement par le haut (les banques) ; - financement par le bas (prélèvement de la zakat, flux en provenance de hawala et d’ONG etc.) ; - financement lié à la petite délinquance. Mais, l’apparition de Daech a constitué un changement de paradigme, dans la mesure où, en se dotant d’un proto-État, les membres de l’État islamique ont procédé à des trafics de pétrole grâce à la connivence de services étrangers, à l’institutionnalisation d’un impôt islamique et à l’investissement dans l’économie locale, en Irak et en Syrie. Agissant à la manière d’un État mafieux, ces terroristes ont su exploiter le tissu productif local pour renforcer leur emprise sur ces territoires et tisser des liens subversifs entre crime organisé et économie locale.
Marie-Christine Dupuis-Danon a expliqué comment l’État islamique a été capable d’opérer une prédation de grande ampleur sur les territoires sous son contrôle. Ses ressources proviennent à la fois de son butin de guerre (tout ce qui a pu être saisi au moment de la prise de contrôle du territoire) et de prédations continues (mainmise sur les ressources du sous-sol - notamment le pétrole -, impôts et taxes prélevés sur l’économie et sur les populations, contrebande et trafics en tous genres, etc.). En 2015, Daech a même émis sa propre monnaie, en vigueur dans l’est de la Syrie. Il en a ensuite imposé l’usage, contraignant les populations à convertir leurs devises - livres syriennes et surtout dollars - pour s’acquitter des taxes, amendes et autres impôts. Au final, l’État islamique a récupéré des devises convertibles qu’il lui a été possible de transférer à l’extérieur, via la hawala ou des transports clandestins d’espèces transitant essentiellement par la Turquie. C’est très peu sophistiqué mais très efficace. À mesure que l’État islamique a perdu le contrôle de ses puits de pétrole, il a vu ses ressources chuter drastiquement mais, malgré sa débâcle militaire, l’organisation a investi dans l’économie légale - hôtels, distributeurs alimentaires, petites sociétés pharmaceutiques, hôpitaux, bureaux de change, etc. - essentiellement en Irak. On connaît la maîtrise et l’habileté de Daech en matière de contrôle des réseaux sociaux et de diffusion de la propagande. Il y a fort à parier qu’il utilise dorénavant le cybercrime à des fins de financement du terrorisme.
Pour les intervenants, en choisissant des implantations dans des régions où les États sont faibles et parfois faillis, les organisations terroristes maximisent leurs chances de tirer du soussol, des populations, de l’économie, du commerce et des trafics, des ressources financières stratégiques à leur survie, voire à leur expansion. C’est bien sûr le cas du Sahel, zone stratégique pour l’Europe et pour la France. Le business des rançons a permis aux groupes djihadistes locaux de se constituer un trésor de guerre.
On observe ainsi une criminalisation croissante des organisations terroristes. Alain Chouet a rappelé que l’étude du terrorisme depuis le début du XIXème siècle montre en effet que tout mouvement de violence politique qui ne parvient pas rapidement à ses fins a tendance à mettre sa technicité au service de l’enrichissement personnel de ses chefs et de ses membres. C’est ainsi que les mouvances ultra-gauchistes violentes des années 70 ont finalement sombré dans la criminalité de droit commun et les attaques de banques opportunément désignées comme « appropriation prolétarienne du capital ».
De même, c’est parce que son combat idéologique s’épuisait et que les financements extérieurs commençaient à lui faire défaut à partir de l’été 2013 qu’Al-Qaïda en Irak, fondé en 2003 par Abou Moussaab Al-Zarqawi, s’est transformé en État islamique dont la naissance a été marquée par l’attaque de la Banque centrale de Mossoul où les djihadistes ont raflé 500 millions de dollars. Ils permettront à Abou Bakr al-Baghdadi d’acheter des chefs de villages et de tribus dans le nord de l’Irak et le nord-est de la Syrie, s’assurant ainsi un contrôle territorial dont son organisation tirera un maximum de rentes.
De même, la violence revendiquée sous forme politique ne vise qu’à donner une façade « respectable » ou un alibi idéologique à des groupes mafieux ou crapuleux. C’est le cas d’Al-Qaï- da au Maghreb islamique (AQMI) au Sahel et de nombreuses mouvances gangstéro-djihadistes du Maghreb, de la Corne de l’Afrique, d’Afrique centrale et du Sud-Est asiatique. Tous ces groupes terroristes fonctionnent sur le même modèle économique, s’autofinançant par des actions criminelles relevant du droit commun. En Occident, nous sommes confrontés à un terrorisme hybride œuvre de délinquants se livrant à des actions violentes à finalité politique. Ils disposent en général de leurs propres circuits de financement grâce à des activités de petite criminalité classique, quand ils ne passent pas tout simplement à la banque pour souscrire un micro-emprunt en vue de l’achat de leurs armes ou explosifs.

 2. DIFFICULTÉS ET LIMITES DE LA LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT DU TERRORISME DES FONDS DIFFICILEMENT DÉTECTABLES
Ainsi, l’action terroriste violente en elle-même ne coûte pas cher et met en œuvre des modèles de financement si modestes qu’ils sont quasi indétectables au sein des flux financiers illégaux ou dans les mouvements monétaires courants. En effet, l’interpénétration des capitaux légaux et illégaux dans un système financier globalisé profite à la fois aux criminels de droit commun, aux États voyous et aux riches donateurs privés. Ils échappent donc aux capacités de surveillance et de contrôle des services de renseignement. Marie-Christine Dupuis-Danon a rappelé la difficile traçabilité des flux financiers, véritable défi des enquêtes criminelles. On a depuis longtemps abandonné l’idée de remonter la piste financière jusqu’aux têtes de réseaux afin de les capturer ; cependant la possibilité de disposer d’éléments financiers et de pouvoir les utiliser en renseignement et judiciaire constitue un enjeu très important.
Mais la principale difficulté de la lutte contre le financement du terrorisme est le manque de consensus autour de la définition du terrorisme. Personne ne conteste le fait que le trafic de drogue ou le recel et la vente d’objets volés sont des activités criminelles. Il n’existe pas un tel consensus en matière de violence politique, laquelle est souvent perçue ou présentée comme une forme de résistance à l’oppression. Par exemple, dans les années 80, dans le cadre de la lutte contre les Soviétiques, Ronald Reagan qualifiait les fondateurs d’Al-Qaïda de « combattants de la liberté », et au nom de la lutte contre Bachar el-Assad, plusieurs gouvernements occidentaux ont vu dans les terroristes syriens, des « opposants modérés » avec lesquels il était possible de traiter. La notion d’ « Axe du mal » élaborée par George Bush, exonérant l’Arabie saoudite de toute responsabilité dans les attentats du 11 septembre 2001, relève de cette même logique. Majed Nehmé a fait également remarquer que la devise néo-conservatrice américaine Money, Market, Mobility qui a servi la politique de Catherine Ashton, en faisant de l’islam politique un potentiel vecteur de la démocratie dans les pays arabes, a amené les Américains à se compromettre avec les islamistes au nom d’intérêts géostratégiques et économiques au Moyen-Orient.

LE MANQUE DE VOLONTÉ POLITIQUE DES ÉTATS LE RÔLE DES ORGANISATIONS MULTILATÉRALES
En la matière, c’est bien la volonté des États à mettre en œuvre des moyens efficaces pour lutter contre l’optimisation fiscale, ainsi que contre l’accroissement des flux financiers à des fins politiques et terroristes, qui est en jeu. Ainsi que l’indique Francis Piccand, bien que la Suisse soit active au sein du Groupe d’action financière internationale (GAFI) et ait ratifié la Convention internationale de l’ONU destinée à lutter contre le financement du terrorisme, la lenteur de ses actions est un frein à l’effectivité de ces mesures. Le premier rapport relatif au blanchiment d’argent et à la lutte antiterroriste que le pays ait rédigé, ne date que de juin 2015, alors même que la criminalité financière opérée dans ses banques place la Suisse en zone grise. Ainsi, la volonté politique des États afin de tarir le financement du terrorisme est essentielle. Pourtant, peu de choses ont été faites selon Alain Chouet : entre des places financières qui rechignent globalement à la lutte contre les finances criminelles, une administration américaine qui ne retient comme soutiens du terrorisme que l’Iran, la Corée du Nord et le Soudan, ou des autorités françaises qui en sont réduites à décorer des princes wahhabites tout en incriminant au chef de « financement du terrorisme » une mère de famille désemparée par la radicalisation de sa fille et deux sous-fifres du cimentier Lafarge. Certes, il aurait sans doute été plus vertueux pour cette entreprise de refuser le chantage terroriste et de plier bagage. Mais que dire alors des millions d’euros payés par les gouvernements français successifs et de tous bords pour obtenir la libération d’otages et dont les islamo-gangsters ont largement profité ? À cela s’ajoute le manque de volonté des États d’enrayer le système de la hawala dont dépendent de nombreux citoyens pauvres du monde musulman qui n’ont pas accès à un compte en banque. Bien que Daech ait régulièrement recours à la hawala dans le cadre de transferts de fonds destinés à des actions terroristes, tenter d’enrayer ce système de paiement fiduciaire reviendrait à placer ces « banquiers informels » dans la clandestinité et à mettre les populations dont la survie en dépend dans une situation de détresse économique. Ainsi, conscient de notre incapacité à lutter contre l’économie souterraine et à élaborer une stratégie internationale de lutte contre le terrorisme à travers une définition claire de ce qu’est l’ennemi, Daech est parvenu à prospérer. Par manque de volonté et de moyens, les multiples initiatives nationales, régionales et multilatérales n’ont jamais dépassé le stade de campagnes de communication sans lendemain.
Sur le plan international, Marie-Christine Dupuis-Danon a rappelé le rôle majeur que joue l’ONU dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. D’abord via la Convention de 1999 pour la répression du financement du terrorisme ; puis par la mise en place d’une coopération internationale ; le gel des avoirs d’individus en lien avec le terrorisme ; l’extension de la détection du blanchiment d’argent aux capitaux douteux ; l’accroissement des procédures relevant de la déclaration de soupçon et de la mise en conformité ; etc. Il convient également de rappeler le rôle du GAFI, organisme interministériel créé en 1989 et les Recommandations spéciales qu’il a édictées après le 11 septembre 2001. Néanmoins, les actions de l’ONU et du GAFI se heurtent à la fois à la difficulté de cibler les réels bénéficiaires des avoirs et à la multiplication des cabinets d’avocats employés dans le cadre de l’optimisation fiscale. Selon Richard Labévière, depuis les résolutions 1373 (2001) et 1624 (2005) du Conseil de sécurité des Nations unies, les techniques de financement du terrorisme n’ont cessé de se reconfigurer et la création du Comité contre le terrorisme de l’ONU n’a pu atteindre les objectifs escomptés. En outre, comme le rappelle Hervé Juvin, la lutte contre le financement du terrorisme au sein des banques est un sujet relativement récent car ce n’est que dans les années 2000, que des Compliance Officers ont vu le jour dans des établissements bancaires. Plusieurs obstacles majeurs grèvent l’effectivité de la Compliance. En effet, tandis que la mise en place de directions de conformité nécessite du temps et est donc très lente, l’institutionnalisation de celles-ci ôte aux dirigeants toute responsabilité en matière de blanchiment d’argent, ce qui est problématique.
Pour Alain Chouet, d’un point de vue technique, la lutte contre le financement du terrorisme n’a jamais véritablement été mise en œuvre car elle se heurte à un obstacle juridique et politique dont les sponsors de la violence salafiste profitent largement. En effet, en raison du caractère dual de ce type de financement, dans des pays libres et démocratiques, il paraît difficile de criminaliser le fait de financer un lieu de culte, des ministres du culte, un club culturel ou sportif, une école religieuse, de la littérature ou des sites internet « engagés », etc. Et le droit anglo-saxon va même plus loin en matière d’incrimination puisqu’il exige la double preuve que des fonds ont été transférés à une structure violente (ce qui est en général assez facile). Mais aussi et surtout, que le donateur avait la connaissance et l’intention que ces fonds servent à une action violente (ce qui l’est moins).

3. LA RÉACTION FRANÇAISE LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT FRANÇAIS ET LA LUTTE CONTRE LES MICRO-FINANCEMENTS
Comme l’explique Bernard Squarcini, les services français ont mal appréhendé le basculement de la délinquance vers le terrorisme et l’utilisation de micro-financements destinés à perpé- trer des attentats de grande ampleur, comme ce fut le cas lors du 11 septembre 2001. Selon l’ancien directeur de la DCRI, les services n’ont pas su voir que, dès les années 95, le Hamas, le Hezbollah, ainsi que des personnalités telles qu’Omar Abdel Rahman, Mokhtar Belmokhtar ou Khaled Kelkal, avant de devenir les terroristes que l’on sait, étaient avant tout des trafiquants et se finançaient grâce à des trafics en tous genres (cigarettes, contrefaçons, etc.). Le faible coût des campagnes d’attentats de ces années-là, en témoigne. Peu à peu, prenant conscience du lien existant entre les ré- seaux de criminalité de droit commun et l’économie souterraine, pouvoirs publics et services ont pris différentes mesures parmi lesquelles : - la mise sur pied de structures régionales à travers la création de pôles de lutte contre l’islam radical en coordination avec le préfet et le magistrat ; - la mise en place d’un travail de terrain destiné à empêcher les petits achats d’armes ; - les entraves faux départs de recrues vers l’Afghanistan. Cependant, l’économie souterraine rendue possible par la hawala, l’accroissement du nombre de convertis et la pratique répandue de la taqiya (dissimulation) n’a pas toujours permis à la DCRI, puis à la DGSI, de détecter les signaux faibles annonciateurs d’un prochain passage à l’action violente. Toutefois, ainsi que l’a rappelé Bernard Squarcini, les services de sécurité intérieure français sont parvenus à empêcher en moyenne deux attentats par an depuis 2001. De même, selon lui, plusieurs pistes sont à explorer afin d’amé- liorer l’efficacité de la lutte contre le financement du terrorisme : - mettre en place un Parquet antiterroriste européen ; - uniformiser la lutte antiterroriste au sein des services et entre TRACFIN et la DNRED notamment ; - augmenter le nombre d’experts au sein des services et renforcer le poids des juridictions interrégionales spécialisées ; - renforcer le contrôle sur internet en collaboration avec les services spécialisés ; - uniformiser les sanctions sur le territoire et les rendre effectives ; - renforcer les contrôles et sanctions aux niveaux des frontières et des pays frontaliers ; - et enfin, instaurer la conformité bancaire dans toutes les entreprises afin d’accroître la charge de la preuve qui sera alors utilisée par les magistrats en cas de besoin.

Mais le principal enjeu concerne les normes juridiques françaises en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Comme l’a expliqué Michel Debacq, le financement du terrorisme est une infraction au niveau national et plusieurs articles du Code pénal français lui sont consacrés : - quatre des sept points de l’article 421-1 : 2° (visant une partie conséquente des infractions contre les biens), 5° (recels), 6° (blanchiments) et 7° (délits d’initié - articles L. 465-1 à L. 465-3, ceux-ci relevant du code monétaire et financier, pas du Code pénal), - ils sont en synergie avec les dispositions de l’article 421-2- 1 relatives à l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (AMT), - et surtout avec l’infraction spéciale de financement terroriste prévue à l’article 421-2-2. - à cela s’ajoute un délit spécifique de non-justification de ressources (article 422-2-3) et le Code pénal statue également sur l’extraterritorialité (article 113-13), permettant des poursuites judiciaires lorsqu’un Français commet un délit à l’étranger ou lorsqu’un étranger commet un délit en France. Ainsi, tous les objectifs normatifs de la Convention de New York et des neuf recommandations du GAFI sont remplis. De même, il existe une vaste échelle de peines (correctionnelles : jusqu’à dix années d’emprisonnement ; criminelles jusqu’à trente années de réclusion par l’articulation financement terroriste/organisation d’une AMT). Mais, pour quelle effectivité ? Malgré ce dispositif pénal très complet, Michel Debacq considère qu’elle est très réduite ; il y a peu de décisions judiciaires de coercition véritable. Il déplore le manque d’effectivité de ces mesures, d’autant qu’à la lenteur des procédures, s’ajoute un manque de simplification et de rationalisation des modes de poursuite. Selon lui, il faudrait augmenter le nombre d’enquêtes de flagrance ainsi que celui des comparutions immédiates devant les tribunaux afin de désengorger la justice et aller plus vite. Il réaffirme également la nécessité de trouver une articulation efficace entre le recueil du renseignement et de son exploitation répressive : c’est tout l’enjeu de la « judiciarisation », car en contre-terrorisme, savoir sans réprimer n’a pas de sens. Le pré- alable en matière de financement du terrorisme est la connaissance totale et précise, par le ministère public, des données en possession de la communauté du renseignement. Michel Debacq plaide pour la création d’un parquet national antiterroriste, spécialisé et autonome, embrassant ce sujet spécifique et le renforcement des effectifs dédiés à cette mission.

4. QUELQUES PISTES DE RÉFLEXION
Au final, on est en droit de se demander si la lutte contre le financement du terrorisme est une « tarte à la crème », une né- cessité indispensable ou une mission impossible ? Francis Piccand affirme que la lutte contre le financement du terrorisme est un enjeu de taille qui nécessite d’aborder le terrorisme, non pas à travers une approche culturaliste floue, mais à travers un prisme politique et juridique jugé seul à même de mettre les États face à leurs responsabilités. Pour Marie-Christine Dupuis-Danon, bien prétentieux qui pré- tendrait détenir la solution. Mais il lui semble que nous devons éviter de tomber dans la facilité qui consiste à faire toujours plus de la même chose. Elle préconise notamment la mise en place de mesures de lutte contre l’économie informelle : - en encourageant les États à lutter contre la hawala en élaborant un système bancaire fiable ; - en harmonisant les normes fiscales et bancaires, ainsi que les plateformes financières afin de mettre un terme au financement offshore ; - en encourageant davantage de pays à signer la Convention de 1999 de l’ONU ; - en légiférant au sujet du secret régnant au sein des systèmes bancaire et financier. Il lui semble également que lorsqu’il y a menace d’emprise d’une organisation terroriste sur un territoire, des aides économiques massives et concertées seraient sans doute plus efficaces que des sanctions pour développer des activités économiques et réduire l’attractivité de l’offre alternative des criminels et terroristes locaux. Cela devrait s’accompagner d’une identification et d’une inculpation sans faille des facilitateurs financiers et autres individus nuisibles, voire d’éventuelles actions militaires décidées dans un cadre multilatéral. Abondant en ce sens, Alain Chouet considère que deux responsabilités devraient être au cœur de nos politiques publiques : d’une part, sur notre territoire, lutter contre les petits trafics, les « zones grises » et tout ce qui permet de créer un biotope favorable aux individus ayant des intentions criminelles. D’autre part, proposer des modèles plus attractifs que les projets morbides et violents des islamistes. Rappelons que le président de la République a fait de la lutte contre le financement du terrorisme une priorité. Le 28 août dernier, lors de la Conférence des ambassadeurs, il a annoncé la tenue à Paris d’une conférence internationale dédiée à cette question. Sans doute doit-on s’attendre à une initiative française en 2018, en espérant qu’il ne s’agisse pas d’une opé- ration de communication de plus. Mais, dans tous les cas, il va falloir innover parce que nous touchons aujourd’hui aux limites de l’efficacité de notre action.

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D) Tracfin : quelle place dans le monde du renseignement français ?

TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins) est l’agence de renseignement français spécialisée dans le domaine financier. A travers ses missions et ses prérogatives, Tracfin est rattachée au Ministère des Finances et des Comptes publics.
En effet, créée en 1990, suite au G7 qui s’est déroulé à Paris (« Sommet de l’Arche ») et incorporée dans la communauté du renseignement en 2008, Tracfin naît sous le nom de Cellule de Renseignement Financier (CRF). Cette dernière a pour mission de lutter contre les circuits financiers occultes, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Si Tracfin apparaît comme une agence de renseignement classique, elle présente toutefois quelques singularités. Effectivement, étant une agence de renseignement spécialisée dans un domaine particulier – en l’espèce, le monde financier et bancaire, Tracfin possède un mode de fonctionnement et de recrutement qui diverge des autres agences de renseignement français.
En vue de répondre à cette problématique, il convient d’observer le mode de fonctionnement de cette agence, ses différends et ses différents partenariats avec d’autres organismes ainsi que ses objectifs.

Une singularité de l’agence liée à son mode de fonctionnement
Tracfin gère et analyse les opérations financières suspectes voire illégales qui se déroulent sur le territoire français. Plus précisément, il a une double mission : veiller au respect de l’application de la réglementation du dispositif LAB/FT (Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) utilisé par les organismes financiers et non-financiers et lutter contre la prédation économique étrangère et autres opérations illégales, grâce à l’analyse et à la transmission du fruit de leurs enquêtes aux organismes intéressés.
Ces investigations peuvent, par exemple, porter sur l’analyse des différents moyens de corruptions, du blanchiment ou noircissement d’argent, des cas de fraudes fiscales et sociales, des escroqueries en bande organisée, des abus de biens sociaux ou encore des différents moyens de financement du terrorisme, tels que l’utilisation de cagnotte en ligne pour permettre le rapatriement des terroristes sur le territoire national,.
Les méthodes de collecte d’informations effectuées par Tracfin divergent par rapport aux autres agences d’investigation étatiques, qu’elles soient judicaires ou administratives. Effectivement, la récolte d’informations se fait grâce aux déclarations émises par les organismes tenus de le faire en vertu du Code monétaire et financier et du dispositif LAB/FT ;les particuliers n’ont pas vocation à transmettre des déclarations de soupçons à Tracfin. Ce dispositif prévoit que les professionnels, financiers et non-financiers sont tenus d’effectuer une déclaration de soupçon auprès de Tracfin, lorsque la licéité des flux financiers semble douteuse. De plus, même les services étatiques peuvent transmettre des informations financières permettant le recoupement et l’analyse d’informations.
Ainsi, lorsque les différents organismes transmettent des déclarations de soupçon à Tracfin, ce dernier décide soit de mettre en attente cette déclaration, soit de la traiter en l’analysant et en enquêtant sur les différents circuits financiers.
Cette investigation peut être facilitée grâce au droit de communication dont dispose Tracfin. Ce droit conféré à la cellule de renseignement français lui permet de s’adresser à diverses personnes soumises au dispositif LAB/FT afin d’obtenir les informations nécessaires à l’accomplissement de son enquête. Ce pouvoir est encadré par les dispositions du Code monétaire et financier qui précisent les personnes auxquelles une telle demande peut être adressée (administration publique, établissement de crédit, notaire, etc.).
Une fois cette enquête terminée, elle transmet une note d’informations aux différents services concernés (judiciaires, administratifs) qui leur permettra de remplir leurs missions.
Après chaque investigation, Tracfin met en exergue les comportements douteux qui peuvent aboutir à une opération financière suspecte qui peut être soit illégale, soit mise en place en vue de commettre un acte illégal, selon les cas. Par exemple, le fait d’acheter des cartes de téléphone prépayées, de transférer de l’argent liquide ou scriptural à destination d’une zone proche d’une zone de conflit ainsi que le retrait d’une somme importante d’espèces sans motifs apparents, sont des éléments qui peuvent conduire les enquêteurs de Tracfin à considérer l’auteur de ces opérations comme potentiellement suspect. Des lors, les agents de la CRF peuvent être amenés à enquêter sur les agissements financiers dudit suspect, afin de transmettre son profil à un organisme étatique plus spécialisé pour traiter ce genre de problème.
Ainsi, la majorité de ces comportements douteux, nés du retour d’expérience de Tracfin, sont transmis aux organisations privées et publiques qui peuvent avoir besoin de connaître ces signaux pour mener à bien la mise en place de LAB/FT.

Tracfin : une agence au carrefour entre le monde du renseignement, judicaire, fiscal et financier.
Tracfin est en relation avec de nombreux services étatiques. En effet, dans le cadre de sa lutte contre les réseaux financiers clandestins, la cellule de renseignement financier française a été amenée à nouer des partenariats avec les entités judicaires et administratives françaises mais aussi étrangères.
Concernant les entités judiciaires, la CRF traite à la fois avec les magistrats et avec les services de police. Dans ce cas, l’agence de renseignement financier française transmet seulement des renseignements susceptibles de déboucher sur des poursuites pénales ou d’aider les différents services judiciaires dans leurs enquêtes, toujours dans le domaine financier. Le pôle juridique et judicaire de Tracfin assure ainsi la liaison entre la cellule de renseignement français et les différents acteurs judiciaires qui pourraient être intéressés par des informations d’ordre financier sur des suspects.
Tracfin collabore également avec différents services administratifs issus des agences et administrations partenaires.
D’abord, Tracfin est en étroite collaboration avec les agences de renseignement surtout en ce qui concerne la lutte anti-terroriste. En effet, la surveillance et la détection des financements de groupes terroristes constitue une composante importante dans la lutte contre ces groupes. Connaître leurs stratégies de financement est un atout non-négligeable pour la sécurité de la Nation. Mais le terrorisme n’est pas le seul thème pour lequel Tracfin et les agences de renseignement coopèrent. En effet, Tracfin transmet également des informations financières et immobilières concernant des « Personnes Politiquement exposées Etrangères (PPE) » et des hommes d’affaires étrangers à la réputation plus ou moins douteuse qui investissent en France. Les autres types d’informations transmises concernent principalement le trafic d’arme, la prédation économique, etc.…
De plus, son activité lui permet d’être en lien étroit avec l’administration fiscale, particulièrement avec la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP).Effectivement, pour entraver la fraude fiscale, laquelle se retrouve souvent en lien avec d’autres fraudes telles que l’escroquerie, l’abus de biens sociaux ou encore le blanchiment d’argent, l’agence de renseignement financier ainsi que l’administration fiscale travaillent ensemble. Pour arriver à une coordination entre ces services, un officier de liaison DGFIP est présent à Tracfin depuis le 1er septembre 2016.
L’agence collabore également avec les organismes de protection sociale pour tenter d’enrayer les escroqueries à la sécurité sociale et aux allocations familiales. Aussi, un officier de liaison entre Tracfin et l’URSAFF a été mis en place.
Bien évidemment, la cellule de renseignement financier travaille également  en étroite collaboration avec les autorités de contrôle du secteur financier : l’Autorité de Contrôle Prudentielle (APR), et l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Par ailleurs, du fait de la mobilité des biens, des personnes, des flux financiers et de l’internationalisation de la criminalité, Tracfin a été  amenée à créer un certain nombre de collaborations avec les autres agences de renseignement financier étrangères. Ces différentes entités s’entraident pour traiter les opérations de blanchiment d’argent et de financements du terrorisme.
Ainsi, la cellule de renseignement français contribue à la sécurité de l’Etat en collaborant avec diverses entités, qu’elles soient administratives, judiciaires ou internationales.

Tracfin : entre plateforme d’échanges d’informations et service de renseignement
Avec un monde financier et monétaire en constante évolution (apparition des crypto-monnaies, nouvelles méthodes de financement telles que le crowfunding, nouveaux instruments financiers,…), Tracfin doit s’adapter pour faire face à ces nouveaux défis.
Pour cela, l’agence dispose d’une centaine d’agents, principalement issus de l’administration fiscale et des douanes.
Tracfin est donc une petite structure comparée à d’autres institutions du renseignement français (la DGSE comptera jusqu’à 7000 agents en 2019). Néanmoins, sa mission et son secteur d’activité, que sont l’analyse, l’investigation et la diffusion des informations spécifiques au milieu financier, utiles pour le travail des autres organismes étatiques avec lesquels Tracfin est en partenariat, expliquent ce nombre réduit d’agents.

Plus que de récolter véritablement de l’information, Tracfin semble davantage être une plateforme d’échanges d’informations orientées vers le monde financier, nécessaire au bon fonctionnement des administrations partenaires et de la Justice vers lesquelles  l’information est diffusée après traitement, qu’une véritable agence de renseignement.
Néanmoins, hormis pour la collecte d’informations, il est à noter que Tracfin utilise tout de même le cycle du renseignement, à savoir, le traitement, l’analyse et la diffusion des informations financières.

Théodore SOUDAT

SOURCES :
TENDANCES ET ANALYSE DES RISQUES DE BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET DE FINANCEMENT DU TERRORISME, Tracfin, 2015 : https://www.economie.gouv.fr/files/TRACFIN_analyse_2015.pdf

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