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C’est Raymond Barre qui a vulgarisé cette expression. Le Premier Ministre des années 1976-1981 passait pourtant pour un libéral…
L’idée est bien
simple : le marché permet en un moment donné d’équilibrer l’offre et la
demande d’un produit, de sorte qu’un contrat puisse
être conclu entre acheteur et vendeur sur la quantité et le prix
d’un produit, mais là s’arrête son mérite. S’agissant de préparer
l’avenir, de déterminer ce qu’il faudra produire et consommer
dans un avenir plus ou moins proche, aucune indication n’est fournie
par le marché, et il appartient donc aux autorités publiques de définir
les orientations et les priorités sur le long
terme.
Marché conclu, marché révolu
Suivant ce
raisonnement, le marché conclu aujourd’hui serait sans conséquence pour
demain. Une fois passé, le marché s’efface de la mémoire
collective, personne ne s’en souvient, personne ne s’en soucie. En
effet, dira-t-on, les conditions dans lesquelles l’accord a pu se nouer
entre les parties ne se retrouveront jamais dans les
jours suivants. Les termes du contrat ne peuvent donc se transposer
dans des transactions futures. Le prix est éphémère. Il n’a aucune
signification.
Voilà donc
producteurs et consommateurs frappés d’amnésie : ils ne peuvent se
référer à ce qui s’est passé hier pour prendre leurs décisions
aujourd’hui. Chaque fois on repart à zéro, le passé est effacé, et
on signera un nouveau contrat sans référence au précédent. On ne dira
pas : c’était moins cher, c’était trop cher. Le
marché ne donnerait aucune indication, aucune information.
La sagesse et l’art divinatoire des gouvernants
En revanche les
hommes de l’Etat, les pouvoirs publics, auraient la science du futur.
Ils seraient capables de savoir quelles activités doivent être
développées, celles qui au contraire sont appelées à décliner ou
disparaître. Les socialistes connaissent actuellement « les emplois du
futur » et vont tout faire pour y préparer les
jeunes. Il est d’ailleurs fortement question de remettre en selle un
Commissariat au Plan (jadis présidé par Monsieur Guéno). Le
planificateur a en effet la chance de centraliser les données
statistiques, de disposer de modèles prévisionnels très élaborés, il
est protégé contre les groupes de pression, ses décisions sont donc
scientifiques. Il dispose enfin des plus beaux esprits
issus des plus prestigieuses des grandes écoles.
Cette « présomption
fatale » a été démasquée par Von Mises et Hayek dans les années 1930,
quand les partisans de la planification
soviétique se disaient capables de diriger scientifiquement
l’économie, au lieu de la laisser évoluer au gré de marchés instables.
Les économistes libéraux acceptent bien l’idée que demain ne
sera pas comme aujourd’hui, mais précisément parce que nul ne sait
ce que sera demain, car rien ne se reproduit à l’identique, rien ne peut
se modéliser, car le seul fait qu’un choix ait été fait
dans le passé modifie toute la logique des choix futurs. Le
planificateur est donc incapable de maîtriser une « incertitude
radicale ». On ne peut même pas imaginer des scénarios
alternatifs auxquels on attribuerait des probabilités, puisque l’on
ne sait pas ce qui peut se passer. De la sorte, il ne faut pas s’étonner
des échecs de la planification partout où elle s’est
installée. Elle a ruiné les pays communistes, mais aussi les peuples
pauvres qui se sont abandonnés aux illusions d’un développement
planifié. Sur les quelque quinze plans que la France s’est
donnée depuis 1945, aucun n’a pu aller à son terme.
Pour ne pas en
rajouter, on passera sous silence les pressions qui s’exercent sur le
planificateur, y compris les pressions électorales, puisque la
conclusion des plans s’inscrit dans les lois de finances sous forme
de subventions, réglementations et autres privilèges. S’il y a des
myopes en matière d’économie, ce sont bien les hommes
politiques, dont les regards sont rivés sur les prochaines échéances
électorales.
Les prix et les profits : les signaux du marché
Depuis Adam Smith, on
sait que le marché est un processus dynamique, et non une transaction
éphémère. Le prix d’un instant va être gardé en mémoire.
Il est appelé à évoluer ; quand il diminue c’est qu’il y a des
excédents et inversement une hausse des prix traduit une pénurie.
Excédents et pénuries ont une influence sur le taux de
profit : les bonnes affaires se font quand il y a pénurie et il faut
déguerpir en cas d'excédents. L’art et la mission des entrepreneurs
consistent à interpréter ces évolutions, et à s’y
adapter. Au lieu d’une planification macro-économique et
bureaucratique, nous voici en présence d’une planification
micro-économique et responsable. Les erreurs se paieront, les
innovations
seront récompensées.
Voilà pourquoi la
manipulation des prix par les autorités publiques produit des
désastres : elle égare les entrepreneurs, encourage des
activités désuètes à se maintenir et bloque la croissance
d’activités prospères. Mettre le marché à l’heure de la politique, c’est
en effet le rendre myope. Les entrepreneurs ne savent plus que
faire quand l’incertitude sur les prix et les profits s’installe.
Ils vont donc réduire leur énergie créative et la croissance se
ralentira, les emplois disparaîtront aussi.
Le marché, processus de découverte
Loin d’être myope, le
marché est au contraire orienté vers le plus long terme. Israël Kirzner
a précisé que la vertu essentielle de l’entrepreneur,
c’est sa vigilance, la qualité de la vigie qui est capable de voir
la terre lointaine avant tout autre. C’est cette antériorité
d’information qui incite un entrepreneur à risquer l’innovation là
où les autres n’ont pas encore compris les vraies perspectives
offertes. Dans la vie économique, des occasions apparaissent sans cesse,
mais tout le monde ne peut les saisir. Le marché déverse
quotidiennement des milliers d’information et donne aux
entrepreneurs les moyens de découvrir ce qui est bon pour lui, parce que
cela est bon pour le client.
Evidemment, certains
regrettent cette « instabilité », ou cette « précarité ». Mais c’est la
rançon nécessaire du progrès. Dans
une économie stationnaire, il n’y a pas de surprise, mais il n’y a
pas de progrès. Le marché prépare des jours meilleurs, il n’est pas
myope, il est explorateur, il est pionnier.
Source: Libres.org , Aleps