L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) "Le retour de l'Etat régalien sur la sécurité ne devrait pas empêcher la droite de combattre l'Etat envahissant"- Alain Madelin - Atlantico
B) "La droite française ne
serait donc pas prise en étau si elle avait eu dans le passé une action
libérale et aujourd'hui un discours libéral" - Pascal Salin - Atlantico
C) Ces choses fondamentales que la droite pourrait dire pour échapper au piège du hold-up sécuritaire de la gauche - Aurélien Véron, David Mascré, Alexis Théas, Gil Mihaely - Atlantico
A) "Le retour de l'Etat régalien sur la sécurité ne devrait pas empêcher la droite de combattre l'Etat envahissant"
Le tournant sécuritaire du gouvernement
laisse la droite désemparée sur ces questions qui lui étaient jusque-là
historiquement favorables. Renchérir sur les mesures prises par la
gauche pour se tourner vers un État ultra-sécuritaire pourrait mener à
des dérives. L'arsenal législatif étant déjà très complet, il convient
d'appliquer les peines et de mettre fin aux dysfonctionnements de la
justice pour prévenir de nouveaux attentats sur le sol français.
Le tournant "sécuritaire" entamé par le gouvernement en réaction aux attentats de Paris asphyxie idéologiquement la droite traditionnelle. Comment la droite pourrait-elle se démarquer de cette nouvelle ligne assumée par la gauche gouvernementale tout en respectant son ADN ?
Alain Madelin : La surenchère
sécuritaire et l’instrumentalisation par le gouvernement du 11 janvier
et des derniers attentats de Paris fait avant tout le miel du Front
National en banalisant des mesures ou des propos qui pouvaient
apparaître hier comme extrémistes. Au point même que l’on a vu les
parlementaires du Front National refuser de voter les mesures de
surveillance généralisées proposées par le gouvernement au nom de la
défense des libertés publiques et se faire vertement tancer tant par la
gauche que par la droite !
La
droite n’a rien à gagner à ce jeu du « plus sécuritaire que moi… » et à
mes yeux, elle s’honorerait même à être plus attentive dans la défense
des libertés publiques. Car l’enjeu réel, ce n’est pas de
renforcer toujours plus l’arsenal répressif et les postures guerrières
avantageuses surtout lorsque qu’elles cherchent à masquer des réalités
moins reluisantes mais d’assurer le respect tranquille et persévérant de
l’autorité. Au-delà du sérieux, de la fermeté et de la
compétence des autorités en charge, ceci suppose aussi que l’on répare
au plus vite le maillon faible de la chaîne police-justice, à savoir
l’exécution des peines que l’on adapte tant bien que mal au nombre de
places disponibles dans des prisons surpeuplées et à la quasi
inexistence d’institutions spécialisées pour les mineurs délinquants. Au risque de décourager la police, de donner aux citoyens le sentiment d’impunité et d’impuissance publique.
À ce retour de l’État régalien, la droite bien sûr
doit ajouter le combat contre l’État envahissant ; réinventer l’État,
ses missions publiques et ses fonctions sociales.
Ce que nous vivons, ce n’est pas une crise
dont nous aurions à préparer la sortie mais une grande mutation de nos
sociétés industrielles et de leurs superstructures politiques vers une
civilisation de la connaissance. Une mutation sans doute plus
importante et plus rapide plus destructrice aussi que celle qui nous a
conduit de la civilisation agricole à la civilisation industrielle.
C’est dire que dans tous les domaines, il va nous falloir faire preuve de créativité et d’innovation. C’est dire aussi que nous avons besoin de liberté et de souplesse d’adaptation. Si le changement se libère d’en haut, il se mène d’en bas. Une telle mutation ne peut pas être conduite dans le clivage permanent.
Pour se donner de nouvelles règles du jeu durables,
il faut savoir rassembler au-delà de son camp, surmonter les vieilles
frontières politiques. Pour être concret, je me suis livré à écrire au
début de cette année le programme de ce que pourrait être une telle
alternance en 2017 sous la forme d’une brochure «UNIR POUR AGIR » .
Je me suis aperçu, au
fil des propositions, que moi qui ai eu hier le libéralisme précoce et
quelque peu provocateur, à quel point aujourd’hui ces réformes à mes
yeux nécessaires peuvent apparaître pour peu qu’on en gomme quelques
aspérités comme évidentes et rassembleuses.
Ce recul de l'Etat pourrait-il être consenti par la droite ? Que faîtes-vous de sa particule "bonapartiste" ?
Il est vrai que la droite a une nostalgie
bonapartiste qui se marie très bien avec votre héritage jacobin et les
vestiges de notre socialisme marxiste. On a vu il n’y a pas si longtemps
la droite proclamer le « retour de l’État » dans tous les domaines à
contre-courant d’un monde où l’exigence profonde est le retour du «
laissez-nous faire ».
Il y a aussi dans cette nostalgie, pour certains, la
fascination « esthétique » pour la vie politique plus flamboyante de la
belle époque de la raison d’État affranchie des modernes contraintes de
la démocratie et de ce qu’elles nomment péjorativement le « droit de
l’hommisme ». Ah, qu’elle est belle cette « verticale du pouvoir »
qu’exalte encore Vladimir Poutine !
Je rêve d’un candidat à l’élection présidentielle qui
au lieu de nous dire « faites-moi confiance », dirait
« je veux assurer l’autorité de l’État dans ses vraies fonctions, mais pour le reste je fais avant tout confiance aux citoyens et je vais libérer l’initiative, outiller la société civile pour lui permettre de résoudre depuis le bas les problèmes qui ne peuvent plus l’être d’en haut ».
Et ceci vaut tout
autant pour la vie économique et entrepreneuriale que pour la rénovation
de l’État ou le domaine social.
Comment une droite inspirée par la doctrine libérale pourrait-elle aborder des problématiques comme l'immigration, le sentiment de déclin et l'identité nationale qui créent des tensions à droite ?
J’ai bien conscience que nous ne vivons pas seulement
de nourritures matérielles, mais aussi de nourritures psychiques. Et
que beaucoup de nos compatriotes ont le sentiment que ces nourritures
psychiques celles qui favorisent notre vivre ensemble sont
aujourd’hui menacées tant par les vents de la mondialisation et le
patient détricotage de minorités influentes que par une immigration trop
étrangère à nos règles de vie commune et pire encore souvent porteuse
d’une religion l’Islam que les islamistes rendent chaque jour plus
caricaturale et menaçante. Mais là encore, la bonne réponse n’est pas
dans la surenchère verbale, mais dans la fermeté tranquille accompagnant
une vision optimiste de la reconstruction patiente de ce vivre
ensemble.
Cette reconstruction a une dimension économique
essentielle. Une société sans croissance est une société désespérante
qui fait craindre le déclassement. Une société sans emploi est une
société qui n’intègre pas ses immigrés ou leurs descendants et qui
fabrique une triste concurrence des pauvretés.
Pour ne prendre qu’un exemple, la crise de nos écoles
ou de nos collèges, qui constituent trop souvent les écoles ghettos de
cités ghettos, appelle que l’on sache libérer l’initiative de tous ceux
qui veulent et qui peuvent créer de meilleures écoles, à commencer par
les enseignants. Sachons aussi dans le domaine de la formation
professionnelle utiliser les bénéfices du numérique pour créer une
grande bibliothèque numérique de la formation professionnelle accessible
à tous 24 heures sur 24, gratuitement, accompagné des outils
d’apprentissage individuels ou collectifs en ligne comme on commence à
le faire avec les MOOC pour nos universités, à la disposition des
jeunes, des chômeurs en reconversion, des organismes de formation et des
entreprises.
Assurément, l’abandon
des couches populaires nourrit le populisme et la colère électorale, le
rejet des partis de gouvernement et l’envie d’essayer « autre chose ».
Ils se sentent abandonnés par une droite qui leur présente des réformes
punitives et trahies par une gauche qui mène peu ou prou la même
politique avec en plus un discours étonnamment dénué d’empathie pour les
plus pauvres et les plus vulnérables de nos compatriotes. Tout se passe
comme si aujourd’hui il suffisait de s’affirmer être « contre les
riches » pour administrer la preuve qu’on est « de gauche ».
Et
si la gauche s’est révélée incapable d’apporter des réponses à cette
France du chômage de longue durée de la pauvreté des précaires des
travailleurs pauvres et des fins de mois difficiles je fais le vœu
qu’une droite libérale place ces problème au cœur de ses préoccupations
et soit convaincante dans ses solutions.
Les enquêtes d'opinion montrent que les Français
sont de plus en plus réceptifs aux principes du libéralisme.
Parallèlement pourtant, ils semblent apprécier pouvoir trouver en l'Etat
un interlocuteur qui peut les aider... L'application d'un tel programme
pourrait-il être réellement porteur politiquement ?
En réalité cette adhésion libérale n’est pas si nouvelle.
Chaque fois que l’on propose une réforme libérale comme une nouvelle
liberté d’agir ou de choisir, on trouve au moins deux français sur trois
favorables. Ceci montre là encore que les solutions libérales sont aujourd’hui des solutions de rassemblement.
Juste un autre exemple : la retraite. Pourquoi la
droite rivalise-t-elle avec le patronat pour proposer de porter toujours
plus tard l’âge de la retraite ? Alors que Sarkozy en avait ouvert la
voie dans sa réforme nous pourrions instaurer un système de retraite à
la carte plus juste et plus efficace. Autour de trois principes : on ne
distribue pas chaque année plus d’argent qu’il n’y en a dans les caisses
; les retraites sont calculées en point c’est-à-dire à cotisation égale
retraite égale ; chacun est libre de choisir l’âge de sa retraite. Vous
pourriez alors décider de travailler plus longtemps pour augmenter
votre retraite, ou moins longtemps pour partir plutôt ! Et vous pourriez
compléter ce système par une incitation à une épargne retraite par
capitalisation. C’est là réforme nécessaire qui a des soutiens à droite
mais aussi à gauche et même chez certains partenaires sociaux comme la
CFDT.
Et en matière de sécurité, comment faire la synthèse entre libertés et efficacité ?
L’efficacité en matière de sécurité n’a guère besoin
de lois d’exception. On voit bien que ce qui est à l’origine des
attentats est davantage une succession de dysfonctionnements de notre
système judiciaire ou de renseignement plutôt qu’un déficit législatif.
Il n’est pas acceptable, et au surplus il n’est pas efficace comme le
disent aujourd’hui les américains dans leur critique du Patriot Act de
permettre l’instauration d’un état d’espionnage généralisé ou d’un état
d’urgence élargi affranchie du contrôle judiciaire des libertés
publiques.
Je rappelle souvent y compris hier à quelques
responsables de droite tentés par des lois liberticides cette sagesse
d’un publiciste du 19e :
« ne me dites pas ce que vous voulez faire des lois que vous allez voter, demandez-vous plutôt ce qu’à d’autres que vous, ces mêmes lois donneraient le pouvoir de faire ».
Alain Madelin
B) "La droite française ne
serait donc pas prise en étau si elle avait eu dans le passé une action
libérale et aujourd'hui un discours libéral"
La gauche a pris un tournant sécuritaire
et quelques mesures libérales qui rendent difficile le positionnement
politique de la droite. La réponse se trouve dans le libéralisme, pas
assez exploité par la droite depuis Valérie Giscard d'Estaing. Ce
courant de pensée adopté dans les pays anglo-saxons réduit le rôle de
l'Etat pour une plus grande prospérité économique.
Le tournant "sécuritaire" entamé par le gouvernement en réaction aux attentats de Paris s'ajoute au tournant d'inspiration libérale pour asphyxier idéologiquement la droite traditionnelle, qui peine dorénavant à se positionner. Comment la droite pourrait-elle se démarquer de cette nouvelle ligne assumée par la gauche gouvernementale tout en respectant son ADN ?
Pascal Salin : Il me semble d'abord excessif de dire que François Hollande a pris, à un moment quelconque de son quinquennat, un tournant libéral. Il n'a fait qu'accroître l'interventionnisme étatique, la fiscalité, les réglementations.
Il
continue constamment dans cette voie, comme le montre, par exemple, son
obstination à faire voter la désastreuse loi de Marisol Touraine qui
condamne à terme la médecine libérale. Et ce ne sont pas les quelques
petites mesures de libéralisation adoptées sous l'inspiration d'Emmanuel
Macron qui changent fondamentalement la situation. Quant au
tournant "sécuritaire", il est pour le moment dans les discours, mais il
reste à voir s'il sera effectivement pris (le maintien à son poste de
Christiane Taubira permet d'en douter). La droite française ne
serait donc pas prise en étau si elle avait eu dans le passé une action
libérale et aujourd'hui un discours libéral. Malheureusement, depuis
Giscard d'Estaing nous n'avons eu que des gouvernants socialistes, de
droite ou de gauche. Ceci conduit d'ailleurs à souligner le caractère
ambigu du terme "droite". Il me paraît utile, de ce point de vue, de se
référer aux distinctions proposées par Friedrich Hayek. Selon lui, il
faut distinguer les constructivistes ceux qui veulent construire la
société selon leurs propres objectifs et préjugés et les libéraux, qui
font confiance aux décisions individuelles. Il y a des constructivistes
conservateurs, qui veulent conserver la société telle qu'elle est et
des constructivistes réformateurs. Or on peut dire que la droite et la
gauche françaises doivent être classées parmi les constructivistes
conservateurs, en ce sens qu'elles veulent conserver le modèle
socialiste dominant. Certes, on peut penser que la droite française est
idéologiquement un peu plus libérale que la gauche, mais les présidences
de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy n'ont fait que renforcer la
nature socialiste du régime. Normalement la droite française, si elle
avait réellement un ADN libéral, ne devrait avoir aucun mal à se
démarquer du gouvernement actuel et elle ne devrait pas se sentir prise
en étau.
Dans quelle mesure la droite actuelle gagnerait à s'inspirer davantage du libéralisme ?
Il est évident que la droite française n'a qu'une seule issue : devenir enfin libérale.
Cela serait habile politiquement puisqu'elle pourrait ainsi mieux se
démarquer de la gauche. Mais ce serait surtout efficace car ce serait le
seul moyen pour elle de redonner de l'espoir à la population, de
permettre un retour à la prospérité et à une France pacifiée (et donc de
rester au pouvoir longtemps). Cela serait d'autant plus facile qu'il y
a, semble-t-il, une prise de conscience dans l'opinion : nombreux sont
ceux qui ont compris que le système actuel est à bout de souffle et que
des réformes libérales importantes doivent être entreprises. Cette
nouvelle orientation de la droite française aurait en même temps le
mérite de la démarquer clairement du Front National. Il y a en effet, de
ce point de vue, une ambiguïté supplémentaire : le Front National a un
programme économique de gauche qui le rend proche d'un Mélenchon. En
l'intitulant "extrême-droite" on crée de dangereuses confusions. On peut
par ailleurs ajouter qu'en affirmant clairement une orientation
libérale, la droite française (qui porte actuellement le nom, dépourvu
de sens, de "Les républicains") pourrait facilement accueillir en son
sein des "conservateurs", c'est-à-dire en l'occurrence non pas des gens
qui voudraient conserver le système existant, mais des gens qui sont
attachés aux valeurs traditionnelles (parmi lesquelles on peut,
précisément, trouver le respect de la liberté individuelle aussi bien
que "l'amour de la patrie").
Les récentes élections régionales risquent
d'accroître les ambiguïtés de la vie politique française. En effet, le
désir de "faire barrage au FN" devient une des priorités de la droite
française et pour cela certains seraient prêts à accepter des alliances,
plus ou moins explicites, avec le parti socialiste afin de constituer
un "front républicain", notion totalement dépourvue de sens, d'autant
plus que la République n'est pas en danger… On constituerait donc une
alliance gauchisante pour lutter contre un parti dont le programme
économique est d'extrême-gauche ! On invoque pour cela les "valeurs
républicaines", ce qui constitue une autre notion dépourvue de sens, et
on oublie tout simplement d'évoquer les "valeurs de la liberté", les
seules qui mériteraient un combat politique, les seules qui
permettraient par ailleurs à la droite de se démarquer à la fois des
partis de gauche et du FN !
Concrètement, que ce soit dans la forme ou dans le fond, comment cela pourrait-il se traduire en vue de 2017 ? Sur quelles positions traditionnelles devrait-elle faire une croix ?
Concrètement cela devrait se traduire par une rupture
considérable pratiquement avec tout ce qui existe. Il n'est pas
possible, dans le cadre du présent texte, d'exposer en détail tout ce
qu'il conviendrait de faire, mais il s'agirait, bien sûr, de rendre aux
Français la liberté de décider pour eux-mêmes et le sens de la
responsabilité. Cela implique une diminution considérable des dépenses
publiques et de la fiscalité (en particulier en supprimant la
progressivité des impôts et la sur-taxation du capital), de privatiser
l'assurance-maladie, d'adopter la retraite par capitalisation, de
s'engager dans un vaste programme de dérèglementation, etc.. Mais cela
impliquerait aussi de renoncer à construire une Europe politique et
centralisée et d'admettre que l'intégration européenne signifie
seulement la liberté dans tous les domaines.
Pascal Salin
C) Ces choses fondamentales que la droite pourrait dire pour échapper au piège du hold-up sécuritaire de la gauche
Après le tournant de la politique de
l'offre début 2014, le gouvernement n'a pas hésité à piocher dans les
propositions de l'opposition en réaction aux attentats de Paris. Un
aggiornamento qui empêche la droite de se différencier efficacement, et
de proposer une alternative forte.
Le tournant "sécuritaire" entamé par le gouvernement en réaction aux attentats de Paris s'ajoute au tournant néo-libérale pour asphyxier idéologiquement la droite traditionnelle, qui peine à se positionner. Comment la droite pourrait-elle se démarquer de cette nouvelle ligne assumée par la gauche gouvernementale tout en respectant son ADN ?
Gil Mihaely : Même s’il est vrai
qu’avec Emmanuel Macron – que je ne qualifierai toutefois pas
d’ultra-libéral mais plutôt d’opportuniste-pragmatique - d’un côté et
Manuel Valls de l’autre, le gouvernement propose une « offre »
potentiellement intéressante pour certains électeurs du centre droit.
Seul petit problème : les résultats ne suivent pas… ni l’emploi ni la
croissance ne sont pas au rendez-vous et pour ce qui concerne la
sécurité, plus le temps passe plus on s’interroge sur les dix mois de
« drôle de guerre » entre le 11 janvier et le 13 novembre.
Quant
à la popularité de François Hollande, il faut plutôt parler d’une
popularité du président de la République en temps de crise. Pas sûr que
cela dure, et encore moins que cela profite à la "gauche".
Pour ce qui concerne la droite, le FN se
débrouille très bien dans la situation actuelle, la question se pose
donc par rapport aux Républicains. Sauf que leur problème n’est pas la
troika Hollande-Macron-Valls mais plutôt celle composée de
Marine-Marion-Philippot ! La seule carte à jouer pour eux me
semble être celle d’engager le débat avec le FN sujet par sujet, pour
tenter de se positionner comme « les adultes responsables ». Et bien
sûr, puisqu’en France on ne gagne pas des élections, on les perd, il
faut être bien organisé, et profiter des erreurs des autres.
Aurélien Véron :
Le Gouvernement s’est enfin décidé à lancer une réponse après plusieurs
tragédies qui ont émaillé 2015, du massacre de Charlie Hebdo le 6
janvier à celui du Bataclan le 13 novembre. Personne ne peut prétendre
qu’un autre gouvernement aurait pu totalement éviter ces carnages. Mais
notre trop grande vulnérabilité révèle qu’à la faillite de l’Etat
providence, nous pouvons ajouter celle de l’Etat régalien. Il est temps
de tailler dans le gras du premier pour muscler le second. L’Etat doit
revenir à ses fondamentaux.
« Sécuritaire » ne signifie pas sécurité. Des lois
LOPPSI 2 à la loi Renseignement, toute une série de textes ont permis
l’intrusion illimitée de l’administration dans nos vies privées sans
passer par un juge, prétendument pour lutter contre le terrorisme.
L’échec de ces mesures – qui serviront surtout à chasser le fraudeur
fiscal, bien plus dangereux aux yeux des administrations - est patent.
Leur inefficacité ne pallie pas l’affaissement des services régaliens
depuis une quinzaine d’années : réduction du budget de la Défense, du
nombre de policiers, en plus d’un budget de la Justice trop longtemps
inférieur à celui de la Culture, ce qui laisse imaginer les priorités
des gouvernements successifs.
La pensée sécuritaire estime que la première des
libertés, c’est la sécurité. En Corée du Nord, il n’y a ni attentats, ni
cambriolages. La droite éclairée doit penser l’inverse : la première
des sécurités, c’est la liberté. Elle doit penser « sécurité » et non «
sécuritaire », premier palier vers les régimes totalitaires propres aux
idéologies socialistes ou nationalistes. Nous ne devons pas offrir de
nouvelles victoires à ceux qui veulent nous terroriser en reniant nos
valeurs, à commencer par notre liberté chèrement acquise et déjà bien
amochée. Plus que jamais, la droite libérale doit aider notre démocratie
à chasser ses démons autoritaires et renouer avec l’état de droit. Pour
limiter les dérives, chaque décision d’intrusion dans la vie privée des
Français ou de privation des libertés doit être prise et assumée par
des juges. Ils savent décider vite et avec sévérité lorsque c’est
nécessaire, à condition que les moyens de sanction existent et soient
suffisants.
Nous n’avons pas besoin
d’arbitraire policier et administratif, encore moins d’un Etat
d’urgence qui s’installe dans la durée et autorise tous les abus. Il
nous faut une justice antiterroriste efficace – cessons les rotations
forcées tous les 10 ans de juges talentueux comme Marc Trévidic – et des
services de renseignement intérieur performants. La plupart des auteurs
des attentats étaient fichés (voire auraient dû être incarcérés au vu
de leurs antécédents judiciaires) mais, faute de moyens, n’étaient pas
suivis. Les services de renseignement ont évidemment besoin de
ressources bien plus importantes pour affronter cette menace intérieure.
Alexis Théas : Je pense que la droite dispose en réalité d'un boulevard devant elle qu'elle ne veut pas voir aujourd'hui. Toute
la politique du gouvernement est dans une sorte de dédoublement de la
personnalité. Il y a d'une part le discours, en effet tourné vers le
libéralisme, la liberté d'entreprendre, et aussi désormais la sécurité,
l'ordre public, l'autorité de l'Etat. Et puis il y a la réalité, les
faits. L'économie française depuis 2012 a été écrasé d'impôts et de
contraintes supplémentaires. Les chiffres de la sécurité et de
l'immigration ont disparu, comme effacés tellement ils sont désastreux.
Les dégâts sont effroyables. Il suffit de voir par exemple la Jungle
dans le Pas de Calais. Comment un gouvernement peut-il avoir laisser
s'accumuler des milliers de migrants clandestins, se former une zone de
non droit, quasiment officialisée, reconnue par le Conseil d'Etat, dans
des conditions sanitaires épouvantables, sous la coupes de passeurs
criminels, et se prétendre aujourd'hui favorable à l'autorité de la loi ?
La politique française est marquée depuis 2012 par un grand écart entre
le discours et la réalité. Nous avons d'un côté les coups de menton,
les polémiques, les postures. Et de l'autre un laisser-faire à peu près
complet, en particulier sur l'immigration. Il est de la responsabilité
de l'opposition de dénoncer cette divergence croissante entre la parole
et le réel. La vérité devrait être le maître mot d'une alternance réussie en 2017.
David Mascré : Le drame de la droite
française est que depuis de Gaulle, elle ne pense pas. Conséquence :
elle tombe année après année et épisodes après épisodes dans tous les
pièges tendus par la gauche socialiste. Mitterrand s’en délectait déjà
en appuyant systématiquement sur les touches qui, en divisant la droite,
allaient permettre à son système de perdurer. Tout cela a déjà été
parfaitement dit par Le Luron dans son spectacle de 1985 Le Luron en
liberté – interdit à l’époque je le rappelle et qui depuis lors n’a
jamais été diffusé à la télévision. Personne n’a osé depuis lors aller
si loin dans la critique pourtant bien légitime d’un pouvoir dès cette
époque adepte de la fuite en avant. Et personne à l’époque ne s’était
élevé pour le défendre quand, son passage dans l'émission de Patrick
Sabatier le soir du 31 décembre fut coupé au montage, au motif que
l'émission était trop longue. Ulcéré et victime d'un nouveau contrôle
fiscal, l'imitateur écrit une lettre ouverte au président de la
République : "Cette séquence a été censurée ! [...] Il paraît cependant
que ce mot ne fait pas partie de votre vocabulaire. [...] J'espère que
pour le Nouvel An, vous avez donné ses étrennes à Hervé Bourges [le
président de TF1], ça se fait pour les domestiques".
Dès 1981 Mitterrand savait qu’il pouvait jouer sur
l’inculture de ses adversaires pour lui servir sur un plateau ce type de
politique.
Ne disait-il pas en 1986 : "lorsque Chirac vient me
rend visite à l’Elysée, il y monte le perron avec ses idées et en
redescend avec les miennes." Le trait peut paraître humoristique mais il
résume à lui seul 40 années d’impuissance et de piégeage de la droite
parlementaire.
C’est d’autant plus surprenant qu’il existe à droite
un très large vivier de personnes intelligentes, cultivées, profondes,
lucides et créatives. Face à l’idéologie en bout de course des
apparatchiks du parti socialiste, les penseurs attachés à la patrie et
fidèles à l’idée d’honneur et de dévouement sont nombreux dans ce pays.
Elles ne demandent qu’à servir. Encore faut-il qu’on les écoute. Et
qu’on leur confie quelque responsabilité.
Dans quelle mesure cela pourrait-il être politiquement porteur ?
Gil Mihaely : L’opinion publique
cherche à la fois des propositions nouvelles et de nouveaux visages. Les
gens se disent « nous avons tout essayé, pourquoi pas le FN ? ». Dans
le même temps, les gens aimeraient être rassurés, ils cherchent la
sécurité. Le nouveau, le radicalement différent, la rupture est donc à
double tranchant et les Républicains peuvent proposer une alternative à
la fois séduisante et rassurante, du neuf qui ne fait pas peur au
dernier moment, quand on est derrière l’isoloir et que l’on pense à ce
que l’on peut encore perdre si l’on prend des risques trop importants..
Aurélien Véron : La droite va devoir
trancher entre la tentation du repli identitaire derrière des
frontières érigées par un Etat dirigiste et la vision d’une société qui
reprend le pouvoir sur le politique.
Outre-Manche,
la « Big Society » de David Cameron s’inscrit dans cette ligne. Ce
succès populaire est difficile à envisager pour les apparatchiks de la
droite française, biberonnés d’étatisme à l’ENA ou dans ses sphères
connexes. Ils n’ont jamais connu d’autre univers que celui de la
tambouille politicienne. Les Français n’acceptent plus ce formatage
déconnecté de leur réalité. La droite libérale doit s’oxygéner de
talents issus du monde libre – l’entreprise – pour travailler autrement à
l’élaboration d’un projet pour le pays.
Si la sécurité des Français doit revenir au
cœur des missions de l’Etat, elle ne répond pas pour autant à la soif de
liberté que les Français sont de plus en plus nombreux à exprimer.
La droite doit se remettre très rapidement en question car la ligne
d’Emmanuel Macron menace de lui voler cet idéal libéral. Pour le moment,
ses idées n’ont été suivies ni par le gouvernement, ni par sa majorité.
Mais il a compris que la France doit à nouveau faire rêver, donner
envie de se projeter et d’investir pour l’avenir. Si deux tiers des
jeunes souhaitent s’expatrier, c’est que notre modèle de plus en plus
collectiviste et infantilisant plombe tous leurs espoirs. Seule
une politique libérale de choc peut aujourd’hui libérer les talents et
les énergies, relancer l’ascenseur social et faire à nouveau rêver à
travers l’esprit d’entreprise, l’autonomie individuelle et la confiance
sans laquelle il n’y a pas de fraternité possible.
Au Parti Libéral Démocrate, nous attirons
majoritairement des jeunes parce qu’ils adhèrent aux notions qui nous
sont chères d’autonomie, de solidarité participative, de culture
collaborative, de reprise en main de notre destin, de bonheur et de
responsabilité individuelle. Ce sont les fondamentaux d’un monde ouvert
et confiant pour l’avenir. Ce sont les bases d’une droite qui se
réinvente sur les décombres de ses échecs passés, échecs électoraux mais
surtout échecs lorsqu’elle était au pouvoir.
Alexis Théas : Pour l'opposition, le
retour aux fondamentaux consiste à se mettre à l'écoute de la
population. On ne peut pas continuer avec le sentiment d'un clivage
croissant entre les élites politiques et pe peuple. Le sondage CEVIPOF
de janvier 2015 constate par exemple que 87% des Français considèrent
"que les politiques ne tiennent pas compte de ce que pensent les gens
comme eux". Ce constat est le signe d'une crise profonde de la
démocratie. Combler ce fossé devrait être l'objectif fondamental d'un
gouvernement d'alternance, son guide et sa boussole. L'idée
n'est pas de faire du "populisme", comme le disent avec mépris les
milieux dirigeants ou influents, mais d'accepter l'idée que les citoyens
ont leur mot à dire dans un système fondé en principe sur "le pouvoir
du peuple". En matière de respect des frontières, de sécurité,
de maîtrise de l'immigration, d'intégration des populations d'origine
étrangère, il faudra tout simplement sortir de l'incantation pour
prendre les mesures concrètes qui s'imposent, par exemple, appliquer
réellement les mesures de reconduites à la frontière prises envers les
migrants en situation illégale et aussi reprendre la politique de
négociation d'accords d'immigration avec les pays d'origine, mise en
oeuvre de 2007 à 2012 pour faciliter la circulation et l'aide au
développement. En matière de politique économique, il faudra mettre en
place une politique de réduction massive des charges et des contraintes
qui pèsent sur l'entreprise, assortie d'un calendrier précis de
réalisation du 5 ans.
David Mascré : Pour qu’il y ait
renouvellement encore faut il qu’il y ait retournement. Sans quoi on est
dans l’éternelle application du principe du comte de Salina : "il faut
que tout change pour que rien ne change."
Il y a ici similitude entre l’ordre du politique et
l’ordre du théologique. Pour qu’il y ait conversion sincère, il faut
d’abord qu’il y ait repentir sincère et résolution de ne plus tomber
dans les mêmes errances. En l’occurrence, toutes celles qui ont
contribué à précipiter la France dans l’abîme. Que je sache à droite,
personne n’a jamais voulu revenir sur les erreurs ayant conduit aux
défaites – désastre serait plus juste - de 1988, 1997 ou 2012 – et à la
très équivoque victoire de Chirac en 2002. En politique, le retournement
peut se faire de deux manières : soit par le maintien des mêmes hommes
mais au service d’une politique radicalement différente (cela s’appelle
faire son chemin de Damas). Soit par le changement complet des hommes et
l’arrivée aux manettes d’une nouvelle génération de leaders.
Quelle que soit l’option choisie, il faudra bien
définir autour de quels principes, de quels programmes, et de quelles
modalités d’action rassembler les hommes composant cette majorité de
droite.
Le problème est que définir l’essence de la droite
est une mission quasi impossible. D’autant qu’il existe historiquement
plusieurs droites. J’ai consacré plusieurs pages à cette question dans
mon livre De la France.
Disons qu’on peut sommairement résumer l’opposition
droite/gauche à l’opposition Antigone/Créon. Ce sont là deux figures qui
n’ont fait pour l’instant que jeter quelques pousses mais qui selon
toute vraisemblance seront amenées demain à jouer un rôle absolument
déterminant dans la constitution des nouveaux positionnements politiques
et l’appréhension des problèmes globaux qui assaillent aujourd’hui
l’humanité.
Or, ce que nous apprend sur un mode laïc le mythe
d’Antigone et Créon - et cette laïcité est l’un des autres avantages de
ce récit qui n’a pas besoin pour être admis d’invoquer l’appartenance
préalable à l’une quelconque des religions révélées et par là, selon un
schéma qu’avaient parfaitement compris les jésuites du 17ième siècle,
peut servir de point de départ au rassemblement le plus large des
diverses composantes du peuple français - c’est précisément de ne pas
vouloir réduire l’homme à la nature (refus du naturalisme et,
corrélativement, intériorisation de cette idée si chère à Blaise Pascal
selon laquelle "l’homme passe infiniment l’homme"), la politique à un
rite, le droit aux seules lois de la Cité. Ce que nous apprend par là
même le mythe d’Antigone et Créon, c’est à ne pas confondre et
identifier par principe le politique et le religieux sous peine de
tomber effectivement dans une forme d’enfermement millénariste, c’est à
dire dans une volonté prométhéenne d’identifier purement et simplement
la cité des hommes au royaume de Dieu, dans cette forme de tentation
monstrueuse qui consiste à vouloir ériger la Cité des hommes contre la
Cité de Dieu ("vouloir être Dieu sans Dieu, malgré Dieu, voire contre
Dieu", selon une formule qu’en leur temps saint Augustin et saint Maxime
le Confesseur avaient parfaitement su employer pour caractériser en son
sens le plus fort le péché originel).
La figure d’Antigone apparaît de ce point de vue
comme l’une des figures clés du débat contemporain parce qu’elle se
présente à nous comme une figure de la transcendance. En invoquant
l’existence de lois non écrites, Antigone plaide non seulement pour le
primat de l’invisible sur le visible, de l’éternel sur le temporel, mais
elle se fait par là-même le témoin d’une réalité stratifiée et complexe
– celle qui, par delà toutes les tentatives de récupération, de
dénégation ou d’occultation, permet de protéger le plus faible et
attester de l’éminente dignité du plus petit. En ce sens Antigone se
présente à nous comme un témoin par excellence de la transcendance. Or,
fondamentalement, pour nous, être de droite, c'est être un partisan de
la transcendance.
Droite/gauche ou transcendance contre immanence
Les grands hommes qui ont marqué l’histoire de
l’Europe furent des figures de la transcendance, c’est-à-dire des
indissolublement des figures de la résistance et de la persévérance. Ce
furent toutes des personnes qui surent s’indigner et s’insurger. Ce
furent des personnes qui surent à un moment donné dire : Non ! Il existe
des lois non écrites ! Des lois non écrites qui justifient le sacrifice
de sa carrière, de son confort et parfois même, de sa vie. Des lois non
écrites qui justifient que l’on choisisse de s'engager ou de résister.
C'est là, nous semble-t-il, un point capital. Car il conduit à définir
la droite non par la réaction (réaction à une gauche qui serait par essence et depuis toujours moteur de l'action et rectrice du progrès) mais par la résistance.
La droite, c'est le parti de la résistance. Voilà ce qu'il faut dire,
et redire, répéter à temps et à contretemps, ressasser inlassablement.
Plutôt que de réaction, il faut parler de résistance : l’homme de droite
c’est l’homme de la résistance : de l'acte de résistance. Nous
rejoignons là une figure fondamentale qui est celle de l'intemporel.
Certes une telle définition ne conviendra nullement à tous ceux, hélas
aujourd'hui nombreux, qui n'ont de la politique qu'une vision à la
petite semaine, qui n'y voient qu'une forme de gestion de la société.
Mais une telle définition sierra à tous ceux qui voient dans la
politique un moyen d’agir et de penser, en anticipant sur les menaces à
venir, protégeant les plus faibles et répondant aux tragédies et aux
malheurs qui s’abattent sur l’humanité.
Ceci dit, il y a une attente très forte des
populations pour un vrai sursaut patriotique. Le parti socialiste, avant
les attentats, ne représentait plus que 18% des votants soit 9% du
corps électoral. On voit bien qu’il ne pèse plus que de manière
marginale.
Après avoir été plumés, obligés d’accueillir des
populations hallogènes, après avoir vu les systèmes de corruption se
généraliser à tous les étages de la société française, après avoir vu
dans toutes les strates de la société la fraternité se rétrécir comme
peau de chagrin, après avoir vu la vraie égalité – celle du sang versé
sur le champ de bataille ; condition qui, je le rappelle est la raison
pour laquelle les femmes se voyaient interdites de droit de vote
jusqu’en 1945 – vidée de toute signification au profit d’un égalitarisme
qui promeut les cancres et les parasites au détriment des travailleurs
et des créatifs, les Français se voient retirer progressivement leur
dernier bien – le plus précieux sans doute : la liberté.
Grâce à l’Europe passoire, et par ricochet à François
Hollande, son fidèle séide, ils ne peuvent plus désormais ni circuler,
ni se rassembler, ni s’exprimer, ni s’associer, ni communiquer
librement.
Un tel état de fait ne saurait en France durer sans susciter à un moment ou à un autre une vive réaction.
On a souvent dit des Français qu’on pouvait tout leur
retirer – sous–entendu le confort, la propreté, les congés payés, la
retraite à 60 ans - sauf une chose : la liberté. Or cette spoliation de
la liberté, c’est précisément ce qui est en train de se produire sous
nos yeux depuis le Congrès de Versailles. Celui-ci a des airs de déjà
vu : c’est l’attitude du Parlement le 3 juillet 1940 au lendemain de
l’effrayante débâcle de juin 1940. A l’époque, on avait accepté de
donner les pleins pouvoirs à un homme qui, à l’évidence, était dix
coudées en dessous de la tâche historique qui lui était confiée.
La suite on s’en souvient, de Monthoire à
Siegmaringen, n’a été qu’une série de gesticulations et de rodomontades.
Comme aujourd’hui.
Je ne suis pas sûr que les Français l’acceptent
longtemps. Et je ne crois pas qu’ils accepteront de se voir privés de ce
bien plus cher à leurs yeux que la prunelle de leurs yeux : la liberté.
Concrètement, que ce soit dans la forme ou dans le fond, comment cela pourrait-il se traduire en vue de 2017 ? Quelles seraient les propositions fortes d'un tel programme ?
Gil Mihaely : Les Républicains font
face à deux rivaux. Côté PS, l’échec est patent et pour le moment il
suffit d’évoquer leur bilan, et rappeler les bonnes idées de Nicolas
Sarkozy qui avait été rejetée par François Hollande en 2012, avant
d’être reprises ensuite sous un autre nom. Face au FN il faut chercher
les défauts de leurs qualités. Puisque le FN représente le neuf, la
rupture et la « virginité » de ceux qui n’ont pas de bilan à défendre,
il faut souligner le manque d’expérience, pointer du doigt les
propositions qui relèvent de la logique « y’a qu’à », et la peur que
suscite toujours une politique de rupture radicale avec le passé.
Aurélien Véron : La droite doit refonder notre modèle social autour d’un triptyque formation (initiale mais aussi tout au long de la vie), entreprise et assurances sociales, avec un Etat beaucoup moins dépensier et vorace fiscalement. La grande réforme structurelle de l’enseignement signera la fin les micro-changements centralisés au profit d’une autonomie réelle des établissements scolaires, notamment dans les choix pédagogiques, l’embauche et l’évaluation des enseignants. Elle sera complétée d’un chèque éducation destiné aux familles choisissant de nouvelles écoles libres et innovantes. Des initiatives comme Espérance Banlieues - écoles hors contrat financées par des mécènes dans les quartiers difficiles - devront être traitées loyalement par l’Etat au lieu de l’uniformisation et du nivellement par le bas de l’enseignement.
Libérer le marché de l’emploi passe aussi par l’inversion de la hiérarchie des normes en privilégiant les accords d’entreprise à un Code du travail qui reste néanmoins à réécrire pour le rendre minimaliste, rappel des principes essentiels régissant les rapports entre employeurs et employés. La concurrence doit s’étendre à tous les secteurs. La concurrence vivifiante créé des emplois et stimule l’innovation au service du consommateur. Elle doit s’étendre des transports à la santé en abattant toutes les cloisons des monopoles, professions protégées et corporations fermées. Il est tout de même incroyable de se satisfaire d’un modèle social qui nous amène aujourd’hui à 10,6 % de chômage.
Enfin, le monopole ruineux des assurances sociales a vécu. La droite doit proposer de substituer la retraite par capitalisation à un système de retraite par répartition, injuste et approchant la faillite. Si la capitalisation est bien plus rentable pour les assurés, elle contribue également à l’activité économique contrairement à la répartition stérile. De même, le système étatique d’assurance-maladie est une ineptie dans un secteur de la santé bouleversé par l’innovation et les nouvelles technologies de santé.
Son ouverture à des assurances privées au premier euro, dans un cadre
légal maintenant toutefois l’universalité de la couverture santé, est
indispensable. Cette distinction entre les mécanismes assurantiels et la
solidarité nationale doit revenir au cœur du discours d’une droite
moderne.
Enfin, avec le recul progressif du salariat au profit de
l’entreprenariat, pourquoi pas un impôt sur le revenu proportionnel –
flat tax - couplé à un revenu d’existence universel en remplacement de
l’ensemble des aides sociales et familiales actuelles ? Ne rêvons pas,
la droite traditionnelle a encore beaucoup de chemin à parcourir pour se
rénover et retrouver un peu de charme aux yeux des Français au
lendemain d’une élection où elle n’emporte que 7 régions sur 13, dont 2
avec l’aide de la gauche.
Alexis Théas : Pour l'instant, nous ne voyons rien
d'intéressant venir dans la perspective de 2017. Cette période
électorale qui approche à grands pas est totalement dévoyée par
l'obsession des présidentielles et les jeux des personnalités, Hollande
Juppé, Sarkozy, Fillon, le Pen... Il y a là un véritable scandale
antidémocratique. Nous avons le sentiment que le débat d'idées est
interdit par la politique spectacle et la confiscation de la vie
politique par une poignée de personnages autocentrés sur leurs intérêts
personnels et une vanité qui confine parfois à la pathologie.
L'espérance ne viendra pas d'eux. Il faut recentrer l'avenir de la
politique française sur les idées et les projets. Dans une démocratie
normale, face au blocage de la vie politique, il devrait être de la
responsabilité d'un groupe de parlementaires de l'opposition de préparer
l'alternance en engageant le chantier d'un programme de gouvernement et
de réformes. Pour 2017, l'un des scénarios possible – sinon probable –
est celui d'une réélection de M. Hollande se retrouvant avec une
Assemblée de droite. En effet, le climat d'union nationale lié aux
attentats terroristes pourrait se traduire par le maintien de ce dernier
à l'Elysée, mais le pays ayant soif de changement, il pourrait élire
une Assemblée majoritairement à droite, tout comme le Sénat. Il y aurait
alors un basculement du pouvoir de l'Elysée vers le Parlement et
Matignon. Compte tenu ce cas de figure éventuel, il appartient aux
parlementaires de droites de travailler collectivement à un programme
ambitieux en faisant abstraction de la guerre des chefs.
Aurélien Véron, David Mascré, Alexis Théas, Gil Mihaely