L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) La Question arménienne - Jean-Varoujean GUREGHIAN - Imprescriptible
B) 24 avril 1915 - Le génocide arménien - André Larané - Hérodote
C) Génocide de 1915 : trois générations d'Arméniens de France témoignent - Akhillé Aercke - Le Figaro
D) Obama aussi refuse de parler de "génocide" arménien - Par Armin Arefi - Le Point
E) La position chancelante d’Israël sur le génocide arménien - par Andreï Touabovitch dans Enjeux
F) «Génocide» arménien : un mot toujours tabou pour la Turquie - Eugénie Bastié - Le Figaro
G) Génocide arménien : les promesses oubliées du candidat Hollande - Thomas Liabot - leJDD.fr
H) La Turquie commémore les Dardanelles pour occulter le génocide arménien - ALEXANDRE BILLETTE - La Croix
I) Quand l’Arménie soviétique faisait vibrer la diaspora - Eric Vartzbed - Le Temps
J) Arménie et Arméniens dans la Première Guerre - http://armeniens-14-18.fr/
K) GEOPOLITIQUE DE LA CULTURE : Génocide arménien : l’Azerbaïdjan, l’allié négationniste de la Turquie - le Point - Quentin Raverdy
100 ans et des milliers de bougies
A) La Question arménienne
La majorité des Arméniens se trouvaient dans l’Empire
ottoman, essentiellement dans les sept provinces orientales de
l’empire (Van, Bitlis, Erzeroum, Diyarbékir, Kharpout, Sivas,
Trébizonde) et en Cilicie (Petite Arménie). En dehors des régions
historiquement arméniennes, existaient aussi d’importantes communautés
dispersées sur tout le territoire, en particulier à Constantinople, où
le patriarche était le représentant de la nation devant les autorités.
Avant le début du processus d’extermination (1894), il y avait sur
le territoire de la Turquie actuelle trois millions d’Arméniens et
autant de Turcs ; l’autre moitié était composée d’une véritable
mosaïque de peuples (Kurdes, Grecs, Assyro-Chaldéens, Lazes,
Tcherkesses, etc.).
En 1914, les Arméniens n’étaient plus que 2 250 000 (suite aux
massacres, conversions forcées à l’islam et à l’exil). Dans l’Empire
ottoman, les Arméniens subissaient une discrimination officielle. Ils
étaient considérés comme des citoyens de seconde catégorie qui devaient
payer plus d’impôts. Ils n’avaient pas le droit de porter des armes
(contrairement aux musulmans), ne pouvaient pas témoigner devant les
tribunaux. Dans leur grande majorité, les Arméniens étaient des paysans
pauvres qui devaient en plus subir les violences des nomades kurdes
armés venant régulièrement les rançonner.
Avec la décadence de l’empire au XIXe siècle, la
situation des Arméniens ne fit qu’empirer ; parallèlement, les peuples
dominés s’émancipaient au fur et à mesure. La déclaration
d’indépendance de la Grèce en 1821 marqua le début du démembrement de
l’Empire ottoman.
On peut situer le début de l’émergence de la Question arménienne à
la guerre russo-turque de 1877-1878. Après la défaite de la Turquie,
le traité de San Stefano, signé en mars 1878, accordait l’indépendance à
la Serbie, au Monténégro, à la Roumanie et l’autonomie à la Bulgarie.
L’Arménie obtint, pour sa part, d’après l’article 16, des réformes
assurant la protection de ses habitants. Les Arméniens n’en
demandaient pas plus à l’époque. La Russie, d’après ce traité, annexait
une partie de l’Arménie turque et ne devait se retirer de l’autre
partie (de l’Arménie turque qu’elle occupait), seulement après
l’application des réformes.
Mais l’Angleterre, ainsi que l’Allemagne et l’Autriche, voyaient
d’un très mauvais œil la future et prévisible indépendance de
l’Arménie. Quelques mois plus tard, au congrès de Berlin qui conduisit à
la révision du traité de San Stefano, l’Anglais Salisbury fit
transformer l’article 16 en... 61, en y rajoutant une phrase assassine
qui rendait très aléatoire l’application des réformes. En guise de
remerciements, l’Angleterre reçut comme cadeau des Turcs l’île de
Chypre.
Les représailles reprirent de plus belle. Des tribus kurdes
organisées et armées par le gouvernement répandaient plus que jamais la
terreur dans les provinces arméniennes, particulièrement les
territoires d’où l’armée russe s’était récemment retirée.
En 1879, le Grand Vizir déclare : « Aujourd’hui, même l’intérêt de
l’Angleterre exige que notre pays soit à l’abri de toute intervention
étrangère et que tout prétexte à cette intervention soit éliminé. Nous,
Turcs et Anglais, non seulement nous méconnaissons le mot Arménie, mais
encore nous briserons la mâchoire de ceux qui prononceront ce nom.
Aussi, pour assurer l’avenir, dans ce but sacré, la raison d’état exige
que tous les éléments suspects disparaissent.
Nous supprimerons donc et ferons disparaître à jamais le peuple arménien.
Pour y parvenir rien ne nous manque : nous avons à notre disposition
les Kurdes, les Tcherkesses, les gouverneurs de province, les
percepteurs, les agents de police, en un mot tous ceux qui font la
guerre sainte à un peuple qui n’a ni armes ni moyens de défense. Nous,
au contraire, nous avons une armée et des armes, et la protectrice de
nos possessions en Asie Mineure est la plus grande et la plus riche des
puissances du monde. »
L’intention des Turcs, dès 1879, de « faire disparaître à jamais
le peuple arménien », d’après les propres paroles du Grand Vizir, ne
peut pas être plus claire.
La résistance s’organise
Les Arméniens commencent bientôt à s’organiser. La première
organisation de combat naît : c’est le parti Armenakan, créé à Van en
plein cœur de l’Arménie, en 1885. Les deux autres partis, le Hentchak,
créé en 1887 à Genève et le Dachnak, créé en 1890 à Tiflis, ont tous
les deux des philosophies révolutionnaires marxistes et sont plutôt
partisans d’actions violentes et spectaculaires ; ce qui n’est pas le
cas des Armenakans.
Les fédaïs arméniens commencent à se faire connaître par
leurs actions héroïques de défense du peuple contre les Kurdes et
l’armée turque. Ils suscitent toute une légende populaire à travers de
nombreux chants et poèmes. Nombreux furent ces héros issus du peuple à
vouer leur vie à la libération de leur patrie. Le plus prestigieux
d’entre eux fut sans aucun doute Antranik (1865-1927), originaire de
Chabin-Karahissar (Arménie mineure) et vénéré par le peuple arménien.
Le génocide
Face aux revendications arméniennes, la riposte des autorités
turques fut radicale. Trois régimes (Abdul Hamid, les Jeunes-Turcs et
Kemal Attaturk) ont, de 1894 à 1922, appliqué de différentes façons le
même plan d’extermination des Arméniens avec son point culminant des
années 1915-1917.
Au printemps 1894, les habitants de Sassoun et sa région (à
l’ouest du lac de Van) s’insurgèrent contre les Kurdes venus les
rançonner pour la énième fois. Le sultan Abdul Hamid profita de cette
occasion pour tester la réaction des puissances européennes. Il envoya
sur Sassoun une véritable armada : la 4e armée turque et la 26e division
commandée par Zeki pacha, forte de 12 000 hommes, ainsi que 40 000
Kurdes armés jusqu’aux dents, qui se livrèrent à une véritable
boucherie qui dura plusieurs semaines. Les réactions des Européens,
bien que parfois outragées, ne furent que verbales. C’est ce
qu’attendait le sultan qui pouvait désormais mettre en application son
plan d’extermination à grande échelle, à travers tout l’empire, dès
l’année suivante.
La méthode était toujours et partout la même : vers midi, on sonne
le clairon, c’est le signal des tueries. Préalablement préparés, des
soldats, des Kurdes, des Tcherkesses, des Tchétchènes et des bandes de
tueurs spécialement recrutés massacrent la population arménienne, sans
distinction d’âge et de sexe. Dans les quartiers ou villages
multinationaux, les maisons habitées par les Arméniens sont
préalablement marquées à la craie par les indicateurs (troublante
coïncidence, c’est la même méthode qui fut utilisée, lors des massacres
des Arméniens d’Azerbaïdjan en 1988 et 1990).
Aucune région ne fut épargnée. Même la capitale, Constantinople,
fut le théâtre de deux effroyables massacres. C’était là peut-être
l’erreur des Turcs, car il y avait à Constantinople des témoins
oculaires occidentaux (ambassades, sociétés diverses, etc.). Après une
sérieuse menace d’intervention militaire des Occidentaux, suite à la
boucherie de Constantinople d’août 1896, qui était consécutive à la
prise en otage des dirigeants de la Banque ottomane par des fédaïs arméniens (du parti dachnak), le sultan arrêta enfin les massacres.
Deux ans (1894-1896) de massacres sans précédent transformèrent
donc l’Arménie occidentale tout entière en un vaste champ de ruines. Le
missionnaire allemand Johannes Lepsius mena une enquête minutieuse, au
terme de laquelle il fit le bilan catastrophique suivant : 2 493
villages pillés et détruits, 568 églises et 77 couvents pillés et
détruits, 646 villages convertis, 191 ecclésiastiques tués, 55 prêtres
convertis, 328 églises transformées en mosquées, 546 000 personnes
souffrant du dénuement le plus complet et de la famine... et il rajoute
:« Ces chiffres sont le résultat de mes recherches personnelles ; ils
ne correspondent pas à la réalité des faits, réalité bien plus
épouvantable encore ! ... »
Compte tenu de ces données, des 300 000 personnes tuées, des 50
000 orphelins et des 100 000 réfugiés en Transcaucasie, la population
arménienne de l’Empire ottoman diminua de plus d’un demi-million d’âmes
entre 1894 et 1896.
En 1908, les Jeunes Turcs arrivèrent au pouvoir, apportant avec
eux des promesses d’égalité et de fraternité entre tous les peuples de
l’empire. Beaucoup y ont cru. Les dirigeants du parti dachnak en
premier (ils avaient d’ailleurs contribué à leur arrivée au pouvoir). Il
y eut même de grandes manifestations de fraternité arméno-turques dans
la capitale et dans les provinces.
Hélas ! La métamorphose des Jeunes Turcs fut fulgurante. Bientôt
ils devinrent de farouches nationalistes panturquistes. Cela pourrait
peut-être s’expliquer comme une conséquence de la perte des provinces
balkaniques. En effet, les Turcs, originaires d’Asie centrale, se
retournèrent naturellement vers les pays et peuples frères situés en
Asie centrale et en Azerbaïdjan (tous soumis au joug étranger, russe ou
persan), d’où la tentation de créer un très vaste état turc du
Bosphore à la Chine. De surcroît, les Jeunes Turcs considéraient la
race turque comme supérieure. L’Arménie et les Arméniens se trouvant au
centre de ce projet, il était impératif, d’après cette logique raciste
et barbare, de les éliminer.
Dès avril 1909 des massacres commencent en Cilicie, d’abord à
Adana, puis dans le reste de la région. Les Jeunes Turcs se montrent
les dignes héritiers du « sultan rouge ». Il ne manquera rien à leur
panoplie des cruautés. Il y aura au total 30 000 morts. Certains
attribuèrent les massacres de Cilicie à l’ancien régime du sultan,
revenu un court moment au pouvoir, mais les vrais responsables étaient
bien les Jeunes Turcs.
En 1913, les trois dirigeants de l’Ittihat, Talaat, Enver et Djemal, établissent une dictature militaire.
à la veille de la guerre, les réformes en Arménie avaient
paradoxalement bien avancé. Malgré les réticences de l’Allemagne et de
l’Autriche, les puissances européennes parvinrent à un règlement de
compromis qui regroupait les sept provinces arméniennes sous la forme de
deux grandes régions administratives autonomes (au nord : Sivas,
Trébizonde, Erzeroum ; au sud : Van, Bitlis, Dyarbekir, Kharpout), le
tout sous la surveillance d’inspecteurs généraux européens de pays
neutres. Ainsi, l’Arménie, après tant d’années de souffrance, était
parvenue au seuil de l’indépendance. Malheureusement, tout autre était
le sort qui lui était réservé par les dirigeants turcs, qui avaient
déjà secrètement programmé la solution finale. La guerre allait
procurer aux Jeunes Turcs les conditions idéales pour mettre en
application leur plan diabolique.
Avant même que la guerre n’éclate en Europe, le gouvernement
envoie des gendarmes dans les villes et les villages pour
réquisitionner les armes. Cette réquisition est limitée aux Arméniens ;
ni les Turcs, ni les Kurdes, ni les Tcherkesses n’y sont astreints.
Elle est accompagnée de l’arsenal connu des plus cruelles tortures.
Plus grave encore, dès août 1914, les inspecteurs généraux européens
nouvellement nommés dans les régions arméniennes sont expulsés ; sans
que la guerre ne soit déclarée l’Empire turc procède déjà à la
mobilisation générale et met sur pied la redoutable « Organisation
spéciale », chargée de coordonner le programme d’extermination.
Le 29 octobre 1914, la Turquie s’allie à l’Allemagne et entre en
guerre contre les Alliés. Le champ est désormais libre. Dès janvier
1915, on désarme les 250 000 soldats arméniens de l’armée ottomane pour
les affecter dans des « bataillons de travail ». à l’aube du 24 avril,
qui deviendra la date commémorative, le coup d’envoi du génocide est
donné par l’arrestation à Constantinople de 650 intellectuels et
notables arméniens. Dans les jours suivants, ils seront en tout 2 000,
dans la capitale, à être arrêtés, déportés et assassinés. Dans tout
l’Empire ottoman, c’est le même scénario : on arrête puis on assassine
partout les élites arméniennes. Le peuple arménien est décapité.
Les soldats arméniens affectés dans les « bataillons de travail »
seront assassinés par petits groupes, le plus souvent après avoir
creusé eux- mêmes les « tranchées » qui leurs serviront de fosses
communes. Le peuple arménien est non seulement décapité, mais il est
dorénavant privé de ses défenseurs. Il ne reste plus aux dirigeants de
l’Ittihat qu’à achever le génocide.
La déportation - solution finale
L’idée est nouvelle et terriblement efficace: c’est la déportation
de toutes les populations civiles arméniennes vers les déserts de
Syrie pour des prétendues raisons de sécurité. La destination réelle
est la mort.
D’après l’ambassadeur des états-Unis à Constantinople de 1913 à
1916, Henri Morgenthau, ainsi que d’après certains historiens, les
Turcs n’auraient jamais trouvé tout seuls cette idée. Ce seraient les
Allemands qui auraient suggéré cette nouvelle méthode. D’ailleurs,
pendant toute la guerre, la mission militaire allemande était
omniprésente en Turquie, et il est vrai qu’un général allemand,
Bronsart Von Schellendorf, avait (imprudemment) signé un ordre de
déportation avec une recommandation spéciale de prendre des « mesures
rigoureuses » à l’égard des Arméniens regroupés dans les « bataillons
de travail ». Or « déportation » et « mesures rigoureuses » étaient
des mots codés qui signifiaient la mort. Quant au commandant Wolffskeel,
comte de Reichenberg, chef d’état-major du gouverneur de Syrie, il
s’était distingué lors des massacres des populations de Moussa-Dagh et
d’Urfa.
à la fin de 1915, à l’exception de Constantinople et Smyrne,
toutes les populations civiles arméniennes de l’Empire ottoman avaient
pris le chemin mortel de la déportation vers un point final : Deir
ez-Zor en Syrie.
Les convois de déportation étaient formés par des regroupements de
1 000 à 3 000 personnes. Très rapidement, on sépare des convois les
hommes de plus de 15 ans qui seront assassinés à l’arme blanche par des
équipes de tueurs dans des lieux prévus à l’avance. Parfois les convois
sont massacrés sur place, à la sortie des villages ou des villes,
notamment dans les provinces orientales isolées. Les autres, escortés
de gendarmes, suivront la longue marche de la mort vers le désert, à
travers des chemins arides ou des sentiers de montagne, privés d’eau et
de nourriture, rapidement déshumanisés par les sévices, les
assassinats, les viols et les rapts de femmes et d’enfants perpétrés
par les Kurdes et les Tcherkesses. Les survivants, arrivés à Deir
ez-Zor, seront parqués dans des camps de concentration dans le désert
et seront exterminés, par petits groupes, par les tueurs
de l’Organisation spéciale et les Tchétchènes spécialement recrutés pour
cette besogne. Beaucoup seront attachés ensemble et brûlés vifs.
à la fin de 1916, le bilan est celui d’un génocide parfait, les
deux tiers des Arméniens (environ 1 500 000 personnes) de l’Empire
ottoman sont exterminés. Tous les Arméniens des provinces (vilayets)
orientales, soit 1 200 000 personnes, d’après les statistiques du
patriarcat, disparaissent définitivement d’un territoire qui était le
cœur de l’Arménie historique depuis des millénaires. Seuls survivent
encore les Arméniens de Constantinople, de Smyrne, quelque 350 000
personnes qui ont réussi à se réfugier en Arménie russe, quelques
poignées de combattants arméniens qui résistent et se cachent encore
dans la montagne et des milliers de femmes, de jeunes filles et
d’enfants récupérés par des Turcs, des Kurdes et des Arabes.
Il y eut tout de même de nombreux actes héroïques en certains
endroits. Prévoyant ce qui allait être leur destin, les Arméniens
refusèrent la déportation et résistèrent désespérément, avec des moyens
dérisoires, à Chabin-Karahissar, Van, Chatakh, Moussa-Dagh, Urfa,
Sassoun, Mouch, etc. Le plus célèbre de ces épisodes est celui des
« Quarante jours du Moussa-Dagh », immortalisé par le roman de Franz
Werfel : sur cette montagne de la côte méditerranéenne, une population
de 5 000 personnes (principalement des femmes et des enfants), dont 600
combattants, résistèrent plus de 40 jours au siège de l’armée turque.
Les survivants (environ 4 000 personnes) furent sauvés par le vaisseau
français Jeanne d’Arc.
Le parachèvement
L’Arménie occidentale était anéantie, mais les Turcs ne
s’arrêtèrent pas là. Profitant de la retraite de l’armée russe
consécutive à la révolution de 1917, la Turquie lança une offensive sur
l’Arménie orientale (russe). Elle fut arrêtée au dernier moment par une
fantastique mobilisation populaire le 24 mai 1918 à Sardarapat, près
d’Erevan. Le 28 mai, l’Arménie (ce qu’il en restait) proclamait son
indépendance et devenait, après des siècles de dominations diverses, la
première République d’Arménie.
La capitulation, le 30 octobre 1918, de l’Empire ottoman, suscita
de vastes espoirs chez les Arméniens survivants. Effectivement, au
début, les Alliés vainqueurs semblaient tenir leurs promesses de rendre
justice aux Arméniens. Le traité de Sèvres accordait l’existence d’un
état arménien sur une bonne partie des provinces orientales de
l’ex-Empire ottoman. En 1919, il y eut même un « Nuremberg » avec le
« Procès des Unionistes » à Constantinople. Les principaux responsables
du génocide s’étaient enfuis en Allemagne ; ils furent néanmoins
condamnés à mort par contumace. Si ce procès resta sans suite, il a
toutefois le mérite d’avoir existé et prouvé (si besoin était) la
véracité du génocide, grâce entre autres à ses minutes et conclusions
publiées dans le supplément judiciaire du « Journal officiel » ottoman.
Mais la Turquie vaincue ne fut jamais démobilisée. Bientôt, face
au danger bolchevique et afin d’y faire face, les Alliés se montrèrent
de plus en plus bienveillants envers la Turquie qui allait bientôt
renaître de ses cendres.
à peine arrivé au pouvoir, Mustafa Kemal se donna comme
priorité... la liquidation du reste de la présence arménienne en
Turquie. Jouant astucieusement et parallèlement des appuis bolcheviques
et franco-anglais selon la circonstance, il attaqua et écrasa dans un
bain de sang (faisant 200 000 victimes) la République d’Arménie de
septembre à décembre 1920, qui ne dut sa survie qu’à l’intervention in extremis
des troupes bolcheviques. Annulant le traité de Sèvres, Turcs et
bolcheviques s’accordèrent sur les frontières d’une Arménie réduite au
minimum. Une bonne partie de l’Arménie ex-russe (20 000 km²) était
cédée à la Turquie ; le Karabagh et le Nakhitchevan aux Azéris.
à mille kilomètres de distance de la République d’Arménie, les
Français avaient créé, en 1919, un foyer arménien en Cilicie (Petite
Arménie), sur les bords de la Méditerranée, où 160 000 Arméniens
rescapés du génocide étaient retournés dans leur foyer. Malgré la
présence des Français, les troupes de Kemal massacrèrent, en 1920, plus
de 25 000 Arméniens à Aïntap, Marach, Zeïtoun, Hadjin et ailleurs.
Finalement, la France abandonnait les Arméniens à leur sort en 1921 et
bradait la Cilicie aux Turcs, ce qui provoqua l’exode de tous les
Arméniens de Cilicie vers la Syrie et le Liban.
En 1922, à Smyrne, les Arméniens furent massacrés (en même temps
que les Grecs) pour la dernière fois en Turquie. Il s’ensuivit une
dernière et importante vague d’exode. Tous les Arméniens (survivants)
revenus dans leurs foyers après l’armistice de 1918 furent
systématiquement chassés.
Si le gros du travail du génocide avait été fait par Abdul Hamid
et les Jeunes Turcs, c’est bien Kemal Ataturk qui l’a parachevé en
s’appropriant, en même temps, tous les biens nationaux et individuels
des Arméniens. Depuis, tous les gouvernements successifs de la
République turque, fondée sur les ruines de l’Arménie, ont toujours nié
la culpabilité de la Turquie dans le génocide des Arméniens.
En 1923, la Conférence de Lausanne annula les accords signés à
Sèvres entre la Turquie et les Alliés. Winston Churchill écrivit dans
ses mémoires : « Dans le traité qui établit la paix entre la Turquie et
les Alliés, l’histoire cherchera en vain le mot Arménie. »
Texte extrait du livre :
LE GOLGOTHA DE L'ARMENIE MINEURE, Le destin de mon père de Jean-Varoujean GUREGHIAN
Préface d’Yves Ternon
Rescapé du génocide arménien, Aram Gureghian témoigne. Plus tard témoin devant le Tribunal des peuples,
il avait onze ans au moment des faits : « Il y avait des cadavres
d’arméniens par milliers, par dizaines de milliers, à perte de vue.
Leurs corps étaient souvent affreusement mutilés et gonflés sous le
soleil »... L’impunité des auteurs (le gouvernement Jeune Turc allié aux
allemands) du premier génocide (1915) laisse la porte ouverte à
d’autres génocides... ISBN : 2-7384-7995-2 • octobre 1999 •
208 pages
B) 24 avril 1915 - Le génocide arménien
Le samedi 24 avril 1915, à Constantinople (*), capitale de l'empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C'est le début d'un génocide, le premier du XXe siècle.Il va faire environ 1,2 à 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc (ainsi que plus de 250.000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350.000 chez les Pontiques, orthodoxes hellénophones de la province du Pont).André Larané
La République turque et le génocide
La République turque,
qui a succédé en 1923 à l'empire ottoman, ne nie pas la réalité des
déportations et des massacres mais en conteste la responsabilité et
rejette contre toute évidence le qualificatif de génocide, autrement dit de crime planifié.Les Turcs les plus accommodants attribuent la responsabilité des massacres à un régime disparu, le sultanat, ou aux aléas de la guerre. Le gouvernement d'Istamboul, allié de l'Allemagne contre la Russie, la France et l'Angleterre, pouvait en effet craindre une alliance entre les Russes et les Arméniens de l'intérieur, chrétiens comme eux.
Ils font aussi valoir que ces massacres n'étaient pas motivés par une idéologie raciale. Ils ne visaient pas à l'extermination systématique du peuple arménien. Ainsi, les Arméniens de Jérusalem et de Syrie, alors possessions ottomanes, n'ont pas été affectés par les massacres. Beaucoup de jeunes filles ont aussi pu sauver leur vie en se convertissant à l'islam et en épousant un Turc, une « chance » dont n'ont pas bénéficié les Juives victimes des nazis... Pour les mêmes raisons, certains historiens occidentaux contestent également le qualificatif de génocide.
Toujours est-il que le massacre et l'expulsion des Arméniens et des autres chrétiens d'Anatolie, poursuivi sous la férule de Moustafa Kémal, a fait de la Turquie le premier État moyen-oriental « Christianenfrei » (sans presque plus de chrétiens). C'est elle que de bonnes âmes européistes veulent inclure dans l'Union européenne cependant que son gouvernement encourage comme la Libye le transit d'immigrants illégaux vers l'Europe en vue de déstabiliser celle-ci. C'est elle aussi qui, membre de l'OTAN, sert occasionnellement de base arrière aux combattants de l'État islamique.
Un empire composite
Aux premiers siècles de son existence, l'empire ottoman comptait une
majorité de chrétiens (Slaves, Grecs, Arméniens, Caucasiens,
Assyriens....). Ils jouaient un grand rôle dans le commerce et
l'administration, et leur influence s'étendait au Sérail, le palais du sultan. Ces « protégés » (dhimmis en arabe coranique) n'en étaient pas moins soumis à de lourds impôts et avaient l'interdiction de porter les armes.
Les premiers sultans, souvent nés d'une mère chrétienne, témoignaient
d'une relative bienveillance à l'égard des Grecs orthodoxes et des
Arméniens monophysites.
Ces derniers étaient surtout établis dans l'ancien royaume d'Arménie,
au pied du Caucase, premier royaume de l'Histoire à s'être rallié au
christianisme ! Ils étaient majoritaires aussi en Cilicie, une province
du sud de l'Asie mineure que l'on appelait parfois « Petite Arménie ». On en retrouvait à Istamboul ainsi que dans les villes libanaises et à Jérusalem.
L'empire ottoman comptait environ 2 millions d'Arméniens à la fin du
XIXe siècle sur une population totale de 36 millions d'habitants.
Vidéo : les massacres des Arméniens
Réalisée par Jean Eckian, journaliste d'origine arménienne, la
vidéo ci-dessus raconte en 14 minutes l'histoire de l'Arménie et du
génocide (première diffusion : Radio Monte-Carlo, 1976).
Ébauche de génocide
Après une tentative de modernisation par le haut, dans la période du Tanzimat,
de 1839 à 1876, l'empire ottoman entre dans une décadence accélérée.
Après la déposition du sultan Mourad V le 31 août 1876, son frère
Abdul-Hamid II monte à son tour sur le trône mais il ne réussit pas
mieux à redresser l'empire et se voit humilié par le congrès de Berlin
de 1878. Il attise sans vergogne les haines religieuses pour consolider
son pouvoir (les derniers tsars de Russie font de même dans leur
empire).
Entre 1894 et 1896, comme les Arméniens réclament des réformes et une
modernisation des institutions, le sultan en fait massacrer 200.000 à
250.000 avec le concours diligent des montagnards
kurdes. À Constantinople même, la violence se déchaîne contre les
Arméniens du grand bazar, tués à coups de gourdin.
Un million d'Arméniens sont dépouillés de leurs biens et quelques
milliers convertis de force. Des centaines d'églises sont brûlées ou
transformées en mosquées... Rien qu'en juin 1896, dans la région de Van,
au coeur de l'Arménie historique, pas moins de 350 villages sont rayés
de la carte.
Ces massacres planifiés ont déjà un avant-goût de génocide.
L'Américain George Hepworth enquêtant sur les lieux deux ans après les
faits, écrit : « Pendant mes déplacements en Arménie, j'ai été de
jour en jour plus profondément convaincu que l'avenir des Arméniens est
excessivement sombre. Il se peut que la main des Turcs soit retenue dans
la crainte de l'Europe mais je suis sûr que leur objectif est
l'extermination et qu'ils poursuivront cet objectif jusqu'au bout si
l'occasion s'en présente. Ils sont déjà tout près de l'avoir atteint » (*).
En Europe, à Londres comme à Paris, les intellectuels se mobilisent
contre ces massacres, les plus importants du XIXe siècle, aux dires de
Charles Péguy (qui oublie la Chine). Mais les gouvernements se
contentent de plates protestations. Il est vrai que le « Sultan rouge » fait le maximum pour dissimuler son forfait et paie même la presse européenne pour qu'elle fasse silence sur les massacres.
Abdul-Hamid II joue par ailleurs la carte de chef spirituel de tous
les musulmans en sa qualité de calife. Il fait construire le chemin de
fer du Hedjaz pour faciliter les pèlerinages à La Mecque. Il se
rapproche aussi de l'Allemagne de Guillaume II.
Malgré ses efforts, il ne peut empêcher l'insurrection des « Jeunes-Turcs ». Ces
jeunes officiers, à l'origine du sentiment national turc, lui
reprochent de livrer l'empire aux appétits étrangers et de montrer trop
de complaisance pour les Arabes. Par l'intitulé de leur mouvement, ils
veulent se démarquer des « Vieux-Turcs » qui, au début du XIXe siècle, s'opposèrent à la modernisation de l'empire.
Le sultan cède à leurs exigences et rétablit une Constitution le 24
juillet 1908. Mais cela ne suffit pas à ses opposants. Le 27 avril 1909,
les Jeunes-Turcs le déposent et installent sur le trône un nouveau sultan, Mohamed V, sous l'étroite surveillance d'un Comité Union et Progrès (CUP, en turc Ittihad) dirigé par Enver pacha (27 ans).
Soucieux de créer une nation turque racialement homogène, les
Jeunes-Turcs multiplient les exactions contre les Arméniens d'Asie
mineure dès leur prise de pouvoir. On compte ainsi 20.000 à 30.000 morts
à Adana le 1er avril 1909...
Ils lancent des campagnes de boycott des commerces tenus par des
Grecs, des Juifs ou des Arméniens, en s'appuyant sur le ressentiment et
la haine des musulmans turcs refoulés des Balkans.
Ils réécrivent l'Histoire en occultant la période ottomane, trop peu
turque à leur goût, et en rattachant la race turque aux Mongols de Gengis Khan, aux Huns d'Attila,
voire aux Hittites de la haute Antiquité. Ce nationalisme outrancier ne
les empêche pas de perdre les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913.
La Turquie dans la guerre de 1914-1918
Le 8 février 1914, la Russie impose au gouvernement turc une
commission internationale destinée à veiller aux bonnes relations entre
les populations ottomanes. Les Jeunes-Turcs ravalent leur humiliation
mais lorsque la Grande Guerre
éclate, en août de la même année, ils poussent le sultan Mahomet V à
entrer dans le conflit, aux côtés des Puissances centrales (Allemagne et
Autriche), contre la Russie et les Occidentaux.
Le sultan déclare la guerre le 1er novembre 1914. Les Turcs tentent
de soulever en leur faveur les Arméniens de Russie. Mal leur en prend...
Bien qu'en nombre supérieur, ils sont défaits par les Russes à
Sarikamish le 29 décembre 1914.
L'empire ottoman est envahi. L'armée turque perd 100.000 hommes. Elle
bat en retraite et, exaspérée, multiplie les violences à l'égard des chrétiens
dans les territoires qu'elle traverse, qu'ils soient Arméniens,
Assyro-Chaldéens ou Pontiques (grecs orthodoxes de la province du Pont,
sur la mer Noire).
Les Russes, à leur tour, retournent en leur faveur les Arméniens mais
aussi les Assyro-Chaldéens des provinces orientales de la Turquie. Le 7
avril 1915, la ville de Van, à l'est de la Turquie, se soulève et
proclame un gouvernement arménien autonome. De son côté, le Mar Shimoun, patriarche des Assyro-Chaldéens, sollicite les Russes pour contrer les exactions des Kurdes contre sa communauté.
Dans le même temps, à l'initiative du Lord britannique de l'Amirauté, un certain Winston Churchill,
les Français et les Britanniques préparent un débarquement dans le
détroit des Dardanelles en vue de se saisir de Constantinople.
Le génocide
Les Jeunes-Turcs profitent de l'occasion pour accomplir leur dessein
d'éliminer la totalité des Arméniens et des Assyro-Chaldéens de l'Asie
mineure, une région qu'ils considèrent comme le foyer national exclusif
du peuple turc. Ils procèdent avec méthode et brutalité.
L'un de leurs chefs, le ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, ordonne
l'assassinat des élites arméniennes de la capitale puis des Arméniens
de l'armée, bien que ces derniers aient fait la preuve de leur loyauté
(on a ainsi compté moins de désertions chez les soldats arméniens que
chez leurs homologues turcs). Ces soldats sont retirés du front,
affectés à l'arrière, désarmés, enfin exécutés.
C'est ensuite le tour des nombreuses populations arméniennes des sept
provinces orientales (les Arméniens des provinces arabophones du Liban
et de Jérusalem ne seront jamais inquiétés).
Voici le texte d'un télégramme transmis par le ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d'Alep : « Le
gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en
Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que
soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l'âge, ni du
sexe. Les scrupules de conscience n'ont pas leur place ici ». Ne
laissant rien au hasard, le gouvernement destitue les fonctionnaires
locaux qui font preuve de tiédeur, ainsi que le rapporte l'historien
britannique Arnold Toynbee, qui enquêta sur place.
Dans un premier temps, les agents du gouvernement rassemblent les
hommes de moins de 20 ans et de plus de 45 ans et les éloignent de leur
région natale pour leur faire accomplir des travaux épuisants. Beaucoup
d'hommes sont aussi tués sur place.
La « Loi provisoire de déportation » du 27 mai 1915 fixe le cadre réglementaire de la déportation des survivants ainsi que de la spoliation des victimes.
Dans les villages qui ont été quelques semaines plus tôt privés de
leurs notables et de leurs jeunes gens, militaires et gendarmes ont
toute facilité à réunir les femmes et les enfants. Ces malheureux sont
réunis en longs convois et déportés vers Deir ez-Zor, sur l'Euphrate,
une région désertique de la Syrie ottomane.
Les marches se déroulent sous le soleil de l'été, dans des conditions
épouvantables, sans vivres et sans eau, sous la menace constante des
montagnards kurdeset tcherkesses, trop heureux de pouvoir librement
exterminer leurs voisins et rivaux. Elles débouchent en général sur une
mort rapide.
Survivent toutefois beaucoup de jeunes femmes ou d'adolescentes
(parmi les plus jolies) ; celles-là sont enlevées par les Turcs ou les
Kurdes pour être vendues comme esclaves ou converties de force à l'islam
et mariées à des familiers (en ce début du XXIe siècle, beaucoup de
Turcs sont troublés de découvrir qu'ils descendent ainsi d'une jeune
chrétienne d'Arménie arrachée à sa famille et à sa culture).
En septembre, après les habitants des provinces orientales, vient le
tour des Arméniens de Cilicie. Ils sont aussi convoyés vers le désert de
Syrie dans des wagons à bestiaux puis transférés dans des camps de
concentration en zone désertique où ils ne tardent pas à succomber à
leur tour, loin des regards indiscrets.
Au total disparaissent pendant l'été 1915 les deux tiers de la
population arménienne sous souveraineté ottomane. Ajoutons à cela la
disparition de 250.000 à 750.000 Assyro-Chaldéens des provinces
orientales de Diarbékir, Erzeroum et Bitlis, généralement associés à
leurs voisins arméniens dans les déportations et les massacres.
Seules subsistent les communautés arméniennes de Smyrne, d'Istamboul
et du Proche-Orient ainsi que les communautés assyro-chaldéennes de
Mésopotamie. Dans le Caucase, les Arméniens repoussent en 1918, à
Sardarapat, près d'Érévan, un assaut de l'armée turque. Profitant de la
décomposition des empires russe et ottoman, ils proclament
l'indépendance d'une république d'Arménie le 28 mai 1918.
Les Européens et le génocide
En Occident, les informations sur le génocide émeuvent l'opinion mais
le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les
populations pour des raisons militaires !
Le gouvernement allemand, allié de la Turquie, censure les
informations sur le génocide. L'Allemagne entretient en Turquie, pendant
le conflit, une mission militaire très importante (jusqu'à 12.000
hommes). Et après la guerre, c'est en Allemagne que se réfugient les
responsables du génocide, y compris Talaat Pacha.
Ce dernier est assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune
Arménien, Soghomon Tehlirian. Mais l'assassin sera acquitté par la
justice allemande, preuve si besoin est d'une réelle démocratisation de
la vie allemande sous le régime républicain issu de Weimar !
Le traité de Sèvres
signé le 10 août 1920 entre les Alliés et le nouveau gouvernement de
l'empire ottoman prévoit la mise en jugement des responsables du
génocide. Mais le sursaut nationaliste du général Moustafa Kémal bouscule ces bonnes résolutions.
D'abord favorable à ce que soient punis les responsables de la
défaite et du génocide, Moustafa Kémal se ravise car il a besoin de
ressouder la nation turque face aux Grecs et aux Occidentaux qui
menacent sa souveraineté. Il décrète une amnistie générale, le 31 mars
1923.
La même année, le général parachève la « turcisation » de la
Turquie en expulsant les Grecs qui y vivaient depuis la haute
Antiquité. Istamboul, ville aux deux-tiers chrétienne en 1914, devient
dès lors exclusivement turque et musulmane.
Les nazis tireront les leçons du premier génocide de l'Histoire et de cette occasion perdue de juger les coupables... « Qui se souvient encore de l'extermination des Arméniens ? » aurait lancé Hitler en 1939, à la veille de massacrer les handicapés de son pays (l'extermination des Juifs viendra deux ans plus tard).
À la vérité, c'est seulement dans les années 1980 que l'opinion
publique occidentale a retrouvé le souvenir de ce génocide, à
l'investigation de l'Église arménienne et des jeunes militants de la
troisième génération, dont certains n'ont pas hésité à recourir à des
attentats contre les intérêts turcs.
Les historiens multiplient depuis lors les enquêtes et les
témoignages sur ce génocide, le premier du siècle. Le cinéaste français
d'origine arménienne Henri Verneuil a évoqué dans un film émouvant, Mayrig, en 1991, l'histoire de sa famille qui a vécu ce drame dans sa chair. On trouvera par ailleurs dans Le siècle des génocides (Bernard Bruneteau, Armand Colin, 2004) une très claire et très complète enquête sur ce génocide (et les autres), avec sources et références à l'appui.
De nombreux Arméniens rescapés des massacres de 1915 ont débarqué à
Marseille et se sont établis en France. Leurs descendants sont
aujourd'hui 300.000 à 500.000.
Dans le dessein de gagner leur vote à l'élection présidentielle de
2002, la droite et la gauche parlementaires ont voté à l'unanimité une
loi réduite à un article : « La République française reconnaît le génocide arménien ». Il en est résulté une crise avec la Turquie, déjà agacée par l'opposition de la France à son entrée dans l'Union européenne.
En 2006, peu avant l'élection présidentielle suivante, le parti socialiste a fait de la surenchère en tentant de pénaliser la « négation » du génocide. Il
y a échoué et son texte a été prestement enterré par le nouveau
président, soucieux de restaurer de bonnes relations avec la Turquie.
Mais à l'avant-veille de l'élection présidentielle de 2012, Nicolas
Sarkozy lui-même a relancé le projet pour retrouver la faveur des
électeurs d'origine arménienne. C'est ainsi que le 22 décembre 2011, une
députée UMP a déposé une proposition de loi qui punit d’un an
d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende la négation, voire la « minimisation », d'un génocide reconnu par la République française.
Les Turcs ont immédiatement menacé les entreprises françaises de
mesures de rétorsion. L'affaire pourrait être contre-productive en
Turquie même, où les citoyens de toutes obédiences se sentent peu ou
prou atteints dans leur honneur par cette immixtion étrangère.
C) Génocide de 1915 : trois générations d'Arméniens de France témoignent
Le génocide arménien de 1915, ils ne l'ont pas vécu. Mais par leur histoire familiale, ils le portent, et le transmettent.
Albert Moscofian, né en 1927, à Paris: «Les sales étrangers, ça reste au fond»
«Mon
père est arrivé à Marseille, avec ses deux frères dans les années 20»,
explique-t-il. Il y avait aussi un cousin, une cousine, et sa
grand-mère. Sa mère, est arrivée en France après s'être réfugiée à
Istanbul, «où les massacres étaient moins visibles». Elle devient
enseignante, au Raincy, à l'école Tebrotzassère:
«En arménien, cela veut dire ‘ceux qui aiment l'école‘. Elle avait appris le français petite, dans son village d'Ak-Chéhir».
«Mon père a commencé à travailler, dans les usines de métaux. Il est d'abord allé à Cusset, près de Vichy, avec un contrat de travail pour immigrants. Comme il était qualifié, son patron l'a envoyé à Paris, porte de Choisy, dans les ateliers Panhard & Levassor»
, se souvient Albert Moscofian. Les jeunes gens
se marient en 1926, à Ablon-sur-Seine.
«Je suis né en 1927, à Paris. Deux ans plus tard, mes parents ont fait une demande de naturalisation pour moi. À l'époque, il n'y avait pas de droit du sol. Il fallait confirmer sa volonté d'être Français à la majorité», explique Albert Moscofian.
1929, c'est aussi l'année de la grande crise. A partir de cette date,
plus de prototypes chez Panhard: les ouvriers étrangers sont licenciés.
Son père se retrouve sans droits, ni civiques ni aides sociales. Il est
apatride.
«Il est devenu chauffeur de taxi à Paris, comme un de mes oncles. Et beaucoup d'Arméniens, ou de Russes arrivés après la révolution d'Octobre».
Beaucoup d'Arméniens sont aussi devenus
coiffeurs, tailleurs.
«Ils ne pouvaient plus être embauchés, ils devaient survivre, se mettre à leur compte».
Puis vient la
guerre, et la mobilisation pour une partie d'entre eux.
«Le plus jeune de mes oncles a été mobilisé en 1939. Il a passé cinq ans derrière les barreaux allemands. Faite à la Libération, sa demande de naturalisation a mis deux ans à aboutir. Il a repris son métier de taxi.»
Dans la
fratrie, le troisième est parti à Nice, avec sa femme, ouvrir un magasin
de fruits et légumes. Il est resté apatride toute sa vie.
«Pour passeport, il avait un document en accordéon, de couleur verte, où était inscrite la mention ‘réfugié d'origine arménienne'».
«Mes parents, eux, sont restés apatrides. À force d'être traités de sales étrangers, ils n'avaient plus envie de devenir Français».
Les souvenirs
sont douloureux pour Albert.
«Moi, j'allais à l'école à Ivry, c'était avant la guerre. À l'école, une maîtresse, à qui j'avais demandé de m'avancer parce que je ne voyais pas bien, m'a répondu que les ‘sales étrangers, ça reste au fond'.
J'ai toujours entendu ce terme. Dans le
quartier, une seule famille nous a accueillis, ne nous considérait pas
comme de sales étrangers. Plus tard, Albert deviendra médecin. Il exerce
toujours.
● Ara Aram S. Dzérounian, né en 1954, au Liban: «Ma mère est née sur la route de la déportation»
Ses
grands-parents n'ont jamais évoqué le génocide devant lui.
«J'en ai entendu parler par mes tantes, ma mère, par bribes, dans ma jeunesse. Mes grands-parents voulaient m'épargner des histoires atroces. Je comprends, pour moi, c'est aussi ça un Arménien: quelqu'un qui n'aime pas pleurer, qui ne craque que quand c'est au-delà du supportable».
Pourtant,
il s'en est passé, des choses atroces. Lorsqu'il parle de l'histoire de
sa grand-mère, du génocide, Ara retire ses lunettes de soleil,
dévoilant des yeux bleus perçants.
«Elle a dû enterrer sa mère vivante, pendant la marche, forcée par les soldats turcs. Sa mère tombait, elle était trop fatiguée. Ils l'ont forcée à creuser un trou, avec son frère, avant de la mettre dedans, le reboucher, et repartir.»
Son frère n'a pas survécu à cette marche. C'est lorsque les réfugiés ont
été rassemblés, plus tard, qu'elle a rencontré celui qui deviendra son
mari. Elle n'était plus seule, quelque part en Anatolie, près de la
chaîne de montagnes Taurus. Ara n'aime pas prononcer le mot de
«Turquie».
La famille se retrouve au Liban. Après des études au lycée français
de Beyrouth, Ara rejoint l'International Collège, puis vient poursuivre
ses études en France. Finalement, il n'a jamais vraiment vécu dans un
«cadre arménien», sauf en famille. Et à l'église.
«On est toujours un peu croyants, chez les Arméniens. L'église, surtout pour la diaspora, c'est un peu la patrie, ça n'est pas que Dieu», explique-t-il.
«En France, quand j'envoyais des CV, on me répondait par ‘Madame, ou mademoiselle'. Mon prénom ne disait rien à personne. On me demandait de quelle région j'étais originaire».
Ni du nord, ni du sud, d'ailleurs,
avec un nom comme ça. C'était sa réponse.
«Mais j'ai toujours voulu m'intégrer. Je considère que c'est un devoir, surtout vis-à-vis de mon père qui s'est engagé jeune dans l'armée française, qui s'est battu pour la France. Le génocide, l'Arménie, personne n'en parlait en France, personne n'était au courant, à part quelques groupes d'intellectuels. Je me suis adapté, sans argent, mais j'ai fini par m'en sortir. J'ai commencé comme commercial, puis j'ai évolué, j'ai construit ma carrière.»
Ara commence à travailler tôt dans le
deuxième œuvre, puis dans de grands groupes d'ingénierie et de BTP, dans
les pays du Golfe, en Allemagne, et en France.
«J'étais chargé des
affaires avec le monde arabe, souvent en déplacement.» Mais c'est en
France qu'il a voulu faire vivre ses enfants.
«Quand ils étaient jeunes, en 1993, on a dû s'expatrier en Allemagne, mais dès le départ, l'objectif était le retour en France».
● Astrid Sarkissian, née en 1987, à Issy-les-Moulineaux: «Du mal à oublier, même à la quatrième génération»
Les
arrière-grands-parents paternels d'Astrid sont arrivés en France après
avoir fui le génocide.
«Ils sont arrivés à Issy-les-Moulineaux, où il y avait les usines Renault, et donc du travail. Ils vivaient avec des Italiens, des Portugais, dans des bidonvilles qu'ils ont construits à la hâte».
Puis, son arrière-grand-mère fait construire un immeuble, rue de
la Défense à Issy.
«C'est devenu l'immeuble familial. Chaque membre avait son étage. Moi-même je suis allé y vivre, lorsque je suis rentré de Londres, où je faisais mes études.»
C'est à l'âge de 18 ans
qu'Astrid est allée en Arménie pour la première fois.
«Je suis allée à Erevan deux étés de suite, en vacances. C'est dans cette ville que mes parents se sont rencontrés. Ils y faisaient leurs études, en pleine période soviétique. Pour mon père, qui y étudiait l'astrophysique, l'intérêt des soviétiques pour les sciences a été capital. Ces vacances étaient pour moi un peu comme un retour aux sources».
Astrid explique avoir toujours baigné dans la culture arménienne.
«À Londres, j'ai vraiment progressé en langue, je m'étais faite des amies avec qui on parlait arménien».
A son retour en France, elle fréquente
des écoles culturelles, le mercredi.
«Il y avait des cours de langue, de dessin… je passais mes journée dans les associations, comme la Croix Bleue».
Lancée dans la voie artistique, elle fait une dizaine
d'expositions en 2007, pendant l'année de l'Arménie en France.
Aujourd'hui, devenue créatrice, elle continue de se servir de sa
culture. Mais elle est aussi inspirée par l'histoire de sa famille.
«J'utilise des photos, notamment une où on voit la famille de mon arrière-grand père, la première génération. La femme de son frère est morte durant le génocide. C'est une forme d'hommage, un lien direct».
Un
lien direct qu'elle garde grâce aux histoires de famille. Avec une
question: jusque quand va durer le traumatisme? «J'ai du mal à oublier,
même à la quatrième génération. Je ne veux pas parler de haine contre la
Turquie, mais cela reste une blessure. Aujourd'hui, j'aimerais aller en
Turquie, rien que pour y voir la culture, mais pour l'instant je ne
peux pas franchir le pas.» Astrid est aussi dubitative sur l'avenir: «Je
me demande jusque quand on va pouvoir sauver notre culture». Pour elle,
participer aux commémorations du 24 avril est en tout cas une
obligation.
D) Obama aussi refuse de parler de "génocide" arménien
Pour ne pas heurter son allié turc au Moyen-Orient, le président américain a finalement renoncé à sa promesse de campagne après de vifs débats.
La Turquie n'est pas seule dans son entêtement à refuser l'évocation de tout "génocide" concernant le massacre de 1,5 million d'Arméniens sous l'Empire ottoman. Elle est suivie en ce sens par son plus grand allié au sein de l'Otan : les États-Unis. En prévision des commémorations du centenaire des massacres vendredi en Arménie, Barack Obama a appelé à une reconnaissance "pleine, franche et juste" des "atrocités de 1915", selon un communiqué de la Maison-Blanche publié mardi. Mais comme les années précédentes, le président américain a pris soin de ne pas prononcer le mot tabou.Pour le plus grand plaisir de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. "Je n'aimerais pas entendre Obama dire quelque chose comme ça et je ne m'y attends pas de toute façon", s'est réjoui dans la foulée le président turc. "Pour la Turquie, la position américaine est très claire, elle est contre" la reconnaissance du génocide. "Tout au long de ces six années depuis qu'il est président, nous avons longuement parlé de cette question et convenu qu'elle devait être laissée aux historiens, pas aux dirigeants politiques", a-t-il ajouté.
Message d'apaisement de la Turquie
Profitant des commémorations à venir pour lancer un message d'apaisement, Ankara a néanmoins indiqué "partager les souffrances des enfants et des petits-enfants" des Arméniens et présenté ses "condoléances" aux descendants des victimes, selon un communiqué du bureau du Premier ministre Ahmet Davutoglu. Mais soucieux de ne pas entacher la mémoire des fondateurs de la Turquie moderne avec un terme qui les placerait sur le même plan que les nazis, le gouvernement turc persiste à évoquer des "massacres mutuels" survenus lors du démantèlement de l'Empire ottoman, dont elle est l'héritière.
À ce sujet, Barack Obama tenait pourtant un tout autre discours du temps où il était sénateur de l'Illinois. En campagne pour la présidence de 2008, le candidat démocrate parlait volontiers de "génocide", promettant même de prononcer ce mot à la Maison-Blanche s'il était élu. Mais arrivé au pouvoir, le président américain a été rattrapé par la realpolitik. Dans un souci de ne pas heurter son allié au Moyen-Orient, pilier oriental de l'Otan avec lequel les États-Unis sont liés en vertu d'un partenariat stratégique, Barack Obama s'est tu. À contrecoeur.
Promesse de campagne
À en croire plusieurs hauts responsables américains cités par l'agence de presse Associated Press, de vastes débats auraient agité Washington au cours de la semaine passée sur l'occasion de briser le tabou en cette année de centenaire. Et ainsi emboîter le pas au pape, qui a provoqué la fureur d'Erdogan la semaine dernière en osant parler pour la première fois de "génocide" arménien.
D'un côté, des responsables de la Maison-Blanche et du département d'État, davantage spécialisés sur les questions relatives aux droits de l'homme, ont enjoint au président de profiter de l'occasion pour honorer sa promesse de campagne. C'est le cas de Samantha Power, ambassadrice américaine auprès des Nations unies, qui avait exhorté en janvier 2008 la communauté arménienne des États-Unis à voter pour le candidat démocrate en échange de l'évocation publique du "génocide" arménien.
Face à eux se sont dressés d'autres officiels beaucoup plus réalistes, tant au département d'État qu'au Pentagone. Ils ont souligné au contraire qu'une telle décision pouvait sérieusement nuire aux relations bilatérales entre les deux pays, à un moment où les États-Unis ont cruellement besoin de l'aide turque dans la lutte contre l'organisation État islamique. Toujours selon les hauts responsables cités par Associated Press, la sécurité des 1 500 soldats américains présents en Turquie a également été évoquée. Au pied du mur à la veille de la date fatidique, Barack Obama a finalement tranché.
"Sauver des vies dans le présent" (haut responsable américain)
Aucun mot ni référence aux massacres d'Arméniens ou aux commémorations du 24 avril n'a été publiquement prononcé par le secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue turc Mevlut Cavusoglu, à l'occasion de la visite de ce dernier à Washington mardi. Toutefois, la Maison-Blanche a précisé dans son communiqué que la conseillère de Barack Obama pour les affaires de sécurité, Susan Rice, avait encouragé le chef de la diplomatie turque à lancer un dialogue ouvert en Turquie sur les "atrocités de 1915". Interrogé par Associated Press, un haut responsable américain a défendu cette décision "aussi bien pour la reconnaissance du passé, que pour notre capacité à travailler avec des partenaires régionaux pour sauver des vies dans le présent", autrement dit au Moyen-Orient.
Tandis que la France et la Russie, qui font partie de la vingtaine de pays au monde reconnaissant le génocide arménien, s'apprêtent à envoyer leur président à Erevan vendredi, les États-Unis se contenteront de leur secrétaire au Trésor, Jack Lew.
Par Armin Arefi
E) La position chancelante d’Israël sur le génocide arménien
Les commémorations cette année du
centenaire des massacres survenues en 1915, en Arménie raniment en
Israël la question de reconnaître ou pas ces évènements comme un
génocide. L’Etat hébreu s’y es toujours refusé, soucieux de ne pas
froisser la Turquie et l’Azerbaïdjan, mais de plus en plus de voix
s’élèvent dans le pays pour une révision de cette position.
Israël sera représenté par une
délégation parlementaire aux cérémonies organisées à Erevan pour
commémorer le centenaire des évènements de 1915. Mais le député Nachman
Shai de l’Union sioniste et sa collègue Anat Berko du Likoud ont été
prié par les diplomates israéliens, avant leur départ pour Erevan, de
choisir avec soin les mots qu’ils emploieront durant leur mission. Cette
situation illustre parfaitement l’exercice d’équilibriste auquel se
livre la diplomatie israélienne. L’Etat hébreu a toujours utilisé le
terme de « tragédie » pour qualifier les massacres de 1915. S’il se
refuse à employer le terme « génocide », c’est pour ne pas froisser la
Turquie et l’Azerbaïdjan. La Turquie est l’un des rares alliés d’Israël
dans la région mais les deux pays ont des relations tendues depuis
l’assaut mortel des forces israéliennes contre le navire turc Mavi Marmara
en 2010. Par ailleurs, Israël entretient depuis les années 1990 une
relation étroite avec l’Azerbaidjan qui lui apporte une aide discrète
mais essentielle dans ses efforts pour surveiller le programme nucléaire
iranien.
Mais malgré cette circonstance, la
représentation d’Israël aux commémorations suggère que la position de
l’Etat hébreu sur les évènements de 1915 n’est immuable. De plus en plus
de voix s’élèvent dans le pays pour appeler les autorités à ne pas
sacrifier leurs principes à des considérations géopolitiques. Une
vingtaine de pays seulement à travers le monde ont à ce jour reconnu le
génocide arménien.
F) «Génocide» arménien : un mot toujours tabou pour la Turquie
Après que François ait évoqué dimanche le «génocide arménien», Ankara a rappelé son ambassadeur au Vatican,
accusant le pape d'avoir un «point de vue sélectif» sur l'histoire. Le
gouvernement turc refuse toujours d'y voir une extermination planifiée,
Erdogan se contentant de reconnaitre timidement des «conséquences
inhumaines» de la Première guerre mondiale, niant toujours un «prétendu
génocide» des Arméniens.
Largement occultée pendant la majeure
partie du XXème siècle, le génocide arménien est reconnu tardivement,
suite à l'apparition du terrorisme arménien dans les années 1970 et à la
pression de la diaspora arménienne.
«Qui se souvient encore de
l'extermination des Arméniens» aurait lancé Hitler en 1939 avant de
lancer l'Aktion T4 qui conduira au massacre des handicapés du troisième
Reich. Aujourd'hui, les Arméniens se battent pour que l'extermination de
deux-tiers de leur peuple ne sombre pas dans l'oubli. S'ils ont renoncé
à des réparations matérielles ils livrent bataille pour que le mot
génocide soit appliqué au massacre qui a touché les leurs.
24 pays reconnaissent le génocide arménien
À l'heure actuelle, 24 pays ont reconnu officiellement le génocide
arménien, parmi lesquels la Russie, les États-Unis, l'Italie, et la
France. D'autres pays reconnaissent le massacre tout en refusant
d'employer le mot génocide: c'est le cas du Royaume-Uni, de l'Allemagne
et d'Israël. Pour ce dernier, cette reconnaissance fait l'objet de
nombreuses hésitations, mais reste un tabou au nom de la raison d'Etat et de la nécessité de préserver la Turquie comme un allié capital dans la région.
Alors
que l'on commémore le centenaire du massacre - débuté en avril 1915- ,
le négationnisme turc est soumis à de nombreuses pressions
internationales.
Le rappel d'ambassadeur, une pratique coutumière
Après la
sortie du pape, la Turquie a rappelé dans la foulée son ambassadeur pour
«consultations». Une rétorsion diplomatique coutumière de la part
d'Ankara dès qu'un Etat s'avise de faire un pas vers la reconnaissance
du génocide. Ainsi en 2010, la Turquie rappelait son ambassadeur aux États-Unis,
aussitôt après l'adoption par une commission de la Chambre des
représentants d'une résolution qualifiant de «génocide» les massacres
d'Arméniens commis sous l'Empire ottoman
En 2011, la crise est
ouverte entre la Turquie et la France alors que celle-ci vote la
répression pénale de la contestation du génocide arménien. Ankara
rappelle alors son ambassadeur, suspend ses relations diplomatiques, et
menace la France de sanctions économiques, ce qui freinera le processus
de loi mémorielle.
Dernier en date avant le pape François, le parlement syrien a reconnu le génocide arménien le 19 mars 2015. Bachar el-Assad est alors accusé d'instrumentaliser l'histoire en raison de ses mauvaises relations avec la Turquie.
G) Génocide arménien : les promesses oubliées du candidat Hollande
La loi pénalisant la négation du
génocide arménien n'a toujours pas vu le jour en France, malgré les
promesses de François Hollande. Sur ce dossier, le Président se heurte à
la réalité diplomatique et à des contraintes juridiques.
Trois ans après, la promesse de François Hollande
de faire voter une loi pénalisant la négation du génocide arménien
reste sans suite. Le 24 avril 2012, le candidat PS déclarait pourtant
qu'il "tiendrait bon". En pleine campagne, François Hollande avait devancé de quelques minutes Nicolas Sarkozy,
Place du Canada à Paris, pour le 97e anniversaire du drame. Ce jour-là,
les deux hommes avaient chacun promis une loi contre la négociation du
génocide. François Hollande défendait "deux principes" : l'"efficacité"
et une "plus grande sécurité juridique" d'un côté, "la sérénité" de
l'autre. En 2011, on estimait à 400.000 le nombre d'électeurs français
d'origine arménienne.
En 2012, Nicolas Sarkozy s'était heurté au Conseil constitutionnel,
qui avait retoqué un texte de loi réprimant la contestation des
génocides adopté en janvier par le parlement. Le Conseil avait alors
estimé que le législateur avait porté une "atteinte inconstitutionnelle à
l'exercice de la liberté d'expression et de communication." Trois ans
plus tard, François Hollande n'a pas légiféré de nouveau sur la
question. La législation française s'en remet donc à un texte du 29
janvier 2001 reconnaissant le génocide arménien sans nommer ses auteurs.
Un partenaire économique important
François
Hollande n'a pas inscrit cette idée dans ses 60 engagements de
campagne, mais l'absence de nouveau texte interroge à l'heure du
centenaire du génocide. Vendredi matin, le Président a déclaré à Erevan
qu'il attendait "d'autres mots" de la part de la Turquie, qu'il appelle à
reconnaître les faits. Lors d'une visite à Ankara le 27 janvier 2014,
il avait exhorté le pays à faire son "devoir de mémoire", mais était
resté flou quant aux mesures qu'il comptait prendre en France. La France
"fera le droit et rien que le droit", déclarait-il alors.
Sur
ce dossier sensible, la France cherche évidemment à ménager son
partenaire turc, qui n'a que peu apprécié la loi de 2001. Si la Turquie
n'est que le 13e débouché pour les importations françaises, elle se
situe devant l'Inde et le Brésil par exemple. Ces dix dernières années,
Paris a doublé ses ventes en direction d'Ankara, et se soucie donc de
ses échanges. L'Etat craint en effet d'être pénalisé sur les appels
d'offres à venir en insistant sur ce projet de loi. En 2012, le texte
adopté par le parlement avait entraîné le boycott des personnels
diplomatiques français en Turquie, avant que le pays ne salue le refus
du Conseil constitutionnel quelques semaines plus tard…
Refus de la CEDH en Suisse
L'autre
inquiétude à laquelle fait face le gouvernement est purement juridique.
La décision du Conseil constitutionnel a donné le ton il y a trois ans,
et l'Elysée n'a pas oublié que la Suisse s'était heurtée à la Cour
européenne des droits de l'Homme en décembre 2013. La CEDH avait en
effet estimé que Berne avait violé la liberté d'expression d'un homme en
le condamnant pour avoir nié le génocide arménien. Une décision qui
complique un peu plus un hypothétique texte de loi en France.
Le site Lui Président, qui dresse le bilan des promesses tenues ou non par François Hollande, note que le socialiste n'a pas fait preuve d'une grande rigueur sur le dossier arménien.
En avril 2012, il promettait par exemple d'honorer la mémoire des
victimes du génocide tous les ans : promesse rompue dès 2013, la faute à
un voyage en Chine. François Hollande s'est aussi engagé "à promouvoir
la création d'un Centre de mémoire et de civilisation arménien" qui
devrait naître en 2015. Le projet n'a pas encore vu le jour.
H) La Turquie commémore les Dardanelles pour occulter le génocide arménien
Ankara célèbre l’anniversaire de la bataille des Dardanelles au moment des commémorations du génocide arménien.
Le déplacement de la date habituelle des célébrations fait polémique.
Le gouvernement islamo-conservateur accentue le caractère religieux de l’événement.
Une guerre liée à Mustafa Kemal
La « Guerre de Çanakkale », du nom de la ville voisine, est un marqueur essentiel de l’historiographie de la Turquie contemporaine. S’y était distingué un jeune lieutenant-colonel, Mustafa Kemal, fondateur quelques années plus tard de la République turque sur les ruines de l'Empire ottoman.De toute la Turquie, au printemps, des milliers d'écoliers viennent en groupe pour assister à la reconstitution des combats. Sur le flanc de la colline dominant le port, les premières strophes d'un poème figurent en lettres géantes, flanquées d'un énorme drapeau turc et de la silhouette d'un soldat :
« Arrête-toi, voyageur ; tu foules une terre où, tu l'ignores, une période vient de se clore ».
Mais depuis l’arrivée au pouvoir du Parti de la Justice et du Développement (AKP) en 2002, l'interprétation officielle de cette période s'est transformée, et la lecture de l'histoire est radicalement différente et concurrente entre « kémalistes » et islamo-conservateurs.
La célébration de la nation turque moderne
Durant des décennies, le récit de la bataille des Dardanelles s’est constitué autour de l'idée de la naissance de la nation turque moderne et de sa première victoire militaire, sans attacher d'importance à l'adversaire de l'époque. Les autorités turques actuelles, en revanche, tendent à présenter la « Guerre de Çanakkale » comme un combat entre « eux », Occidentaux, et « nous », musulmans.Un film publicitaire de trois minutes, produit par le Bureau de la Présidence turque, a ainsi soulevé la controverse lors de sa diffusion sur les principales chaînes télévisuelles du pays lundi. On y voit entre autres le président turc, Recep Tayyip Erdogan, réciter un poème à forte connotation religieuse, sur fond d’images évoquant l'appel à la prière, le Ramadan ou la Guerre sainte, avant de se recueillir en priant sur la tombe de soldats turcs tués lors de la bataille des Dardanelles.
> Lire aussi le portrait du photographe franco-arménien Antoine Agoudjian
Le choix épineux de la date de commémoration de la bataille des Dardanelles
La date de la commémoration de cette année a également suscité de vives critiques, depuis que les autorités d’Ankara ont décidé de d’avancer d’un jour les célébrations - elles se déroulent habituellement le 25 avril - , soit au même moment que les commémorations entourant le centenaire du génocide arménien. « Cet enfantillage décrédibilise la Turquie sur la scène internationale », selon le politologue Cengiz Aktar.Mais les autorités turques n'en ont cure. Le premier ministre Ahmet Davutoglu a assuré que les commémorations des « événements » de 1915 ne seraient pas oubliées puisqu'une cérémonie religieuse est prévue au Patriarcat arménien d'Istanbul. De nombreux événements, organisés par des mouvements issus de la société civile, sont cependant au programme cette semaine pour commémorer le centenaire du génocide arménien. Vendredi soir, des milliers de personnes sont attendues sur la place Taksim, au centre d’Istanbul, pour un hommage aux victimes des massacres.
Le président Erdogan a nourri la polémique en invitant personnellement à la commémoration de la bataille des Dardanelles le président arménien, Serge Sargissian, qui s’est fendu d'une réponse assassine :
« Excellence, vous aviez déjà été invité à Erevan ce 24 avril pour rendre hommage aux victimes innocentes du génocide arménien. Nous n'avons pas pour habitude, chez nous, de se rendre chez des hôtes qui n'ont pas daigné répondre à notre propre invitation »...
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Soldat turc revêtu d’un uniforme historique devant un monument commémorant la victoire des Dardanelles.
- En 1915, une coalition alliée décide de porter la guerre au coeur de l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne.
- Le 18 mars 1915, les forces navales conjointes franco-britanniques tentent de forcer le passage du détroit des Dardanelles, goulet de 60 kilomètres de long et 1 à 4 kilomètres de large, pour se diriger vers Istanbul, selon une stratégie conçue par Winston Churchill. L’attaque est repoussée par les forces turques.
- Le 25 avril 1915, des troupes anglaises, néo-zélandaises, australiennes et françaises débarquent sur le sol de la péninsule de Gallipoli, dans le détroit. Elles ne parviennent pas à faire de percée. C’est au cours de cette bataille que s’illustre le colonel Mustafa Kemal, qui proclamera en 1923 la République turque moderne née de la chute de l'Empire ottoman.
- Le 8 janvier 1916, les dernières troupes alliées sont évacuées. La bataille a coûté la vie à 180.000 alliés et 66.000 Turcs. Plus de 200 000 hommes ont été blessés. L’Angleterre, ainsi que les troupes de l’Empire britannique, ont subi le plus de pertes humaines. L’Australie et la Nouvelle Zélande ont perdu 11 500 combattants, appelés les ’Anzacs’(Australian and New-Zealand Army Corps). La France a perdu 30 000 hommes.
ALEXANDRE BILLETTE (à Istanbul)
I) Quand l’Arménie soviétique faisait vibrer la diaspora
La tentation de l’Arménie soviétique fut très forte au sortir de la
Seconde Guerre mondiale. Comme en témoigne ce texte d’un petit-fils
d’Arménien, le psychologue lausannois Eric Vartzbed, qui fait un retour
nostalgique sur les rêves de la diaspora
D’origine arménienne, mon grand-père tenait une petite
boutique au Caire, une chemiserie relativement prospère. En 1947, des
propagandistes mandatés par le gouvernement de Staline proposèrent aux
Arméniens de la diaspora de rejoindre leur mère patrie et de contribuer à
l’édification d’une société plus juste. Les bonnes volontés étaient
requises. Le gouvernement soviétique assurait à chacun une parcelle de
terrain. A charge pour l’arrivant d’y bâtir une maison.
La perspective d’un retour en Arménie enthousiasma ma famille. Mais il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. Les émissaires soviétiques disaient qu’ils «tireraient au sort» les noms retenus, que le hasard déciderait des départs. En réalité, les candidatures des jeunes couples furent acceptées en priorité. Ma tante, son mari mécanicien (ancien légionnaire de l’armée française) et leur fils âgé de 2 ans partirent ainsi avec la première vague d’émigrés.
Une deuxième vague devait quitter l’Egypte pour rejoindre l’Arménie, mais le départ fut retardé par une épidémie de choléra survenue au Caire. L’Union soviétique avait momentanément fermé ses frontières. Mon grand-père se prépara néanmoins au voyage en envisageant une possibilité qui existait déjà à l’époque: l’achat d’une maison préfabriquée suédoise, un peu à la manière des meubles Ikea… Il projetait de la monter une fois arrivé au pays. Un oncle, quant à lui, apprenait le russe. Il fut décidé qu’ils appartiendraient au troisième convoi de voyageurs.
Dans les récits entendus, j’ai surtout remarqué que le moteur de cet exode était le patriotisme. La perspective de contribuer à l’idéal socialiste ne comptait guère.
Un fait massif semblait se confirmer: l’identification nationale est plus forte que l’identification de classe. Un ouvrier français se sentira peut-être toujours plus proche d’un patron français que d’un ouvrier allemand. Bref, ma famille carburait au rêve d’un retour au pays. Le socialisme, lui, les laissait plutôt indifférents, voire méfiants.
Certes, ils aspiraient à gagner un pays où l’éducation et les soins étaient gratuits, mais ils savaient aussi que la chape de plomb d’un contrôle policier les paralyserait. Conscients que la communication était surveillée, ma tante et son mari convinrent avec mon grand-père d’un code secret pour déjouer les censures. Quelques mois après leur arrivée, ils enverraient à mon grand-père une photo d’eux. Sur l’image, s’ils apparaissaient debout, cela signifierait qu’ils étaient relativement libres et prospères, que leurs espoirs avaient tenu leurs promesses. En revanche, une autre posture indiquerait la déception, l’échec.
Quelques mois après le départ de sa fille et de son gendre, mon grand-père reçut en effet une lettre d’Arménie. Il l’ouvrit fébrilement. Sa fille, son gendre, un groupe d’amis apparaissaient sur l’image: tous arboraient un sourire radieux, l’un assis sur un rocher, la majorité couchés sur l’herbe, personne debout…
Censé partir avec la troisième vague, mon grand-père annula la commande de la maison préfabriquée et renonça à son projet.
Plus tard, en Arménie soviétique, ma tante fut trahie par son mari et le quitta. Après une période de désespoir, elle connut un cinéaste roumain d’origine arménienne qui avait croupi dans les geôles sibériennes. Les années passèrent, plombées. La pauvreté, l’absence de futur firent germer, encore une fois, le rêve d’un ailleurs.
Ma tante demanda à son frère qui vivait à Paris de lui obtenir un certificat d’hébergement. Il ne s’agissait pas pour elle et les siens de vivre en France, mais ce document était une condition pour être autorisé à s’extraire du bloc de l’Est. Elle voulait quitter l’Arménie, transiter par Rome pour rejoindre les Etats-Unis.
A cette époque, les Américains venaient de marcher sur la Lune et accueillaient à bras ouverts tous ceux qui les rassuraient sur la supériorité de leur système politique. Le vœu de ma tante se réalisa. Son frère lui procura le certificat attendu. Après avoir passé quarante jours (!) dans un monastère romain, ma tante et ses proches partirent pour Los Angeles. Agée aujourd’hui de 96 ans, elle y coule encore des jours relativement heureux.
L’Arménie réelle qu’elle a connue n’a plus l’aura mythique de l’Arménie imaginaire dont rêve la diaspora. Les rêves, comme le papier d’Arménie, sentent bon, mais se consument. Il est vrai que l’Arménie s’est depuis métamorphosée. Et il est encore peut-être trop tôt pour dire si l’on y vit couché ou debout.
Eric VartzbedLa perspective d’un retour en Arménie enthousiasma ma famille. Mais il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. Les émissaires soviétiques disaient qu’ils «tireraient au sort» les noms retenus, que le hasard déciderait des départs. En réalité, les candidatures des jeunes couples furent acceptées en priorité. Ma tante, son mari mécanicien (ancien légionnaire de l’armée française) et leur fils âgé de 2 ans partirent ainsi avec la première vague d’émigrés.
Une deuxième vague devait quitter l’Egypte pour rejoindre l’Arménie, mais le départ fut retardé par une épidémie de choléra survenue au Caire. L’Union soviétique avait momentanément fermé ses frontières. Mon grand-père se prépara néanmoins au voyage en envisageant une possibilité qui existait déjà à l’époque: l’achat d’une maison préfabriquée suédoise, un peu à la manière des meubles Ikea… Il projetait de la monter une fois arrivé au pays. Un oncle, quant à lui, apprenait le russe. Il fut décidé qu’ils appartiendraient au troisième convoi de voyageurs.
Dans les récits entendus, j’ai surtout remarqué que le moteur de cet exode était le patriotisme. La perspective de contribuer à l’idéal socialiste ne comptait guère.
Un fait massif semblait se confirmer: l’identification nationale est plus forte que l’identification de classe. Un ouvrier français se sentira peut-être toujours plus proche d’un patron français que d’un ouvrier allemand. Bref, ma famille carburait au rêve d’un retour au pays. Le socialisme, lui, les laissait plutôt indifférents, voire méfiants.
Certes, ils aspiraient à gagner un pays où l’éducation et les soins étaient gratuits, mais ils savaient aussi que la chape de plomb d’un contrôle policier les paralyserait. Conscients que la communication était surveillée, ma tante et son mari convinrent avec mon grand-père d’un code secret pour déjouer les censures. Quelques mois après leur arrivée, ils enverraient à mon grand-père une photo d’eux. Sur l’image, s’ils apparaissaient debout, cela signifierait qu’ils étaient relativement libres et prospères, que leurs espoirs avaient tenu leurs promesses. En revanche, une autre posture indiquerait la déception, l’échec.
Quelques mois après le départ de sa fille et de son gendre, mon grand-père reçut en effet une lettre d’Arménie. Il l’ouvrit fébrilement. Sa fille, son gendre, un groupe d’amis apparaissaient sur l’image: tous arboraient un sourire radieux, l’un assis sur un rocher, la majorité couchés sur l’herbe, personne debout…
Censé partir avec la troisième vague, mon grand-père annula la commande de la maison préfabriquée et renonça à son projet.
Plus tard, en Arménie soviétique, ma tante fut trahie par son mari et le quitta. Après une période de désespoir, elle connut un cinéaste roumain d’origine arménienne qui avait croupi dans les geôles sibériennes. Les années passèrent, plombées. La pauvreté, l’absence de futur firent germer, encore une fois, le rêve d’un ailleurs.
Ma tante demanda à son frère qui vivait à Paris de lui obtenir un certificat d’hébergement. Il ne s’agissait pas pour elle et les siens de vivre en France, mais ce document était une condition pour être autorisé à s’extraire du bloc de l’Est. Elle voulait quitter l’Arménie, transiter par Rome pour rejoindre les Etats-Unis.
A cette époque, les Américains venaient de marcher sur la Lune et accueillaient à bras ouverts tous ceux qui les rassuraient sur la supériorité de leur système politique. Le vœu de ma tante se réalisa. Son frère lui procura le certificat attendu. Après avoir passé quarante jours (!) dans un monastère romain, ma tante et ses proches partirent pour Los Angeles. Agée aujourd’hui de 96 ans, elle y coule encore des jours relativement heureux.
L’Arménie réelle qu’elle a connue n’a plus l’aura mythique de l’Arménie imaginaire dont rêve la diaspora. Les rêves, comme le papier d’Arménie, sentent bon, mais se consument. Il est vrai que l’Arménie s’est depuis métamorphosée. Et il est encore peut-être trop tôt pour dire si l’on y vit couché ou debout.
J) Arménie et Arméniens dans la Première Guerre
France et Arménie : un long passé de relations variées
La présence d'Arméniens en France est
attestée dès les époques romaine et surtout médiévale. Grégoire de
Tours, dans son "Histoire des Francs", relate qu'en 591, un évêque
arménien, Simon, était venu se réfugier dans son diocèse. A l'ère des
Croisades, l'histoire des alliances militaires et politiques entre les
Etats francs du Levant et le royaume de Cilicie, dit de la Petite
Arménie, dont la dernière dynastie est apparentée aux Lusignan du
Poitou, est bien connue. Le cénotaphe du dernier souverain, Léon V de
Lusignan, aux côtés des tombes des rois de France en la basilique de
Saint-Denis, en porte le témoignage. Des marchands arméniens participent
aux foires de Lyon au Moyen-Age et au XVIIe siècle, le commerce
arménien occupe une place non négligeable à Marseille où furent établies
une chapelle et une imprimerie. Les jardins de Versailles, abritent
toujours des statues à l'effigie de Tigrane le Grand (95-55 av. J.-C.),
battu par Pompée, et du roi Tiridate. Il est difficile de citer toutes
les mentions des Arméniens dans l'art, la musique, les récits de voyage
et la littérature en France.
Tout au long du XIXe siècle, dans un espace arménien partagé entre trois
empires - ottoman, persan et russe - les relations se font plus
actives. De jeunes Arméniens viennent faire leurs études en France
tandis que plusieurs ordres religieux français développent une action
éducative et philanthropique auprès des Arméniens dans les trois empires
et contribuent, avec les consuls, à informer l'opinion publique lors
des premiers massacres de masse de 1894-1896, sous le règne du sultan
Abdülhamid II (1876-1909). Des investisseurs français commencent par
ailleurs à s'intéresser aux possibilités économiques qu'offrent les
provinces arméniennes du Caucase russe.
L'entrée en guerre au Caucase
Comme l'atteste l'accord secret signé
avec l'Allemagne le 2 août 1914, l'Empire ottoman se prépare à
participer à la guerre aux côtés des Puissances centrales, mais n'entre
vraiment en guerre que le 2 novembre 1914, lorsque sa marine attaque des
ports russes de la mer Noire. Le ministère français des Affaires
étrangères a voulu croire jusqu'au bout que Constantinople maintiendrait
sa neutralité affichée, recommandant à l'ambassadeur Bompard, comme à
son allié russe de multiplier les efforts dans ce but. Même après
l'abolition unilatérale des Capitulations (9 septembre), de la
protection française sur les Lieux Saints (24 octobre), ou de la rupture
des relations diplomatiques (28 octobre), Paris tente l'apaisement,
tant pour éviter les risques d'un nouveau front que ceux de tensions
dans ses colonies musulmanes. L'état de guerre n'est reconnu de facto, à
contre-coeur, que le 5 novembre, non contre la "nation ottomane" à
laquelle le Gouvernement de la République "ne retire pas sa sympathie",
mais "contre le gouvernement actuel de Constantinople composé d'éléments
inféodés à l'Allemagne". D'où un relatif régime de faveur pour les
Ottomans, opposants ou issus des minorités opprimées, qui seront
autorisés à rester en France sans être internés au titre de
ressortissants ennemis.
Mais l'intérêt bienveillant des Puissances de l'Entente pour ces
minorités - dont les Arméniens au premier chef - les désignent aussi
comme cibles du gouvernement nationaliste jeune-turc au pouvoir.
Partagés entre deux empires rivaux qui affutent leurs armes, ils seront
bientôt au coeur du champ de bataille.
Des combattants arméniens sur tous les fronts
Le génocide : un "crime contre l'humanité et la civilisation"
La guerre est à la fois la condition et
l'occasion pour commettre ce qui ne s'appelle pas encore un "génocide",
mais déjà "le meurtre d'une nation" (Arnold Toynbee), "l'assassinat de
l'Arménie", dans la continuité des massacres de masse précédents, sous
le régime hamidien, comme sous celui des débuts du régime jeune-turc,
mais d'une autre nature et d'une autre ampleur. Malgré la censure et les
dénégations du gouvernement jeune-turc, ils sont connus et dénoncés
très tôt. Dans le contexte de guerre totale en cours, l'intervention des
Puissances de l'Entente consistera surtout à aider les survivants : un
monde d'orphelins.
Une sortie de guerre complexe
D'une indépendance l'autre, des contacts constants
La France fut présente en Arménie lors de
première indépendance éphémère et turbulente de 1918-1920. Si les
relations furent d'intensité variable après la soviétisation, les liens
n'ont jamais été totalement coupés. Depuis la fin de l'URSS et
l'indépendance proclamée et reconnue en 1991, les relations se sont
multipliées dans tous les domaines et à tous les niveaux.
http://armeniens-14-18.fr/
Solidarité
Un massacre d'ailleurs commémoré par le gouvernement turc en février 2012 sur la place Taksim d'Istanbul, pour le vingtième anniversaire. Un nouveau témoignage des liens forts entre Ankara et Bakou. "Les deux pays ont de fortes affinités sur le plan culturel et ethnique, souligne Elshan Mustafayev. Bakou, c'est la première visite officielle pour tout nouveau président turc." Une solidarité entre les deux peuples qui remonte au début du conflit pour le Haut-Karabakh quand, en soutien à Bakou, Ankara avait fermé ses frontières et rompu ses relations diplomatiques avec Erevan. Une décision politique dont certaines régions voisines de l'Arménie paient encore le prix aujourd'hui. Naif Alibeyoglu, ancien maire de la ville turque de Kars, peut en témoigner : "Il n'y a presque plus d'industrie à Kars, le taux de chômage est énorme et beaucoup de personnes désertent la ville. Pour changer les choses, on a essayé de lancer des jumelages entre les villes, de favoriser la coopération régionale, on a même construit une statue pour la paix : le monument à l'Humanité". En pure perte. Une à une les initiatives sont détricotées et les monuments mis à bas. Oubliés aussi les espoirs des protocoles de Zurich, en 2009, qui voyaient pour la première fois les présidents turc et arménien s'accorder sur une feuille de route commune. "À chaque fois que la Turquie a fait un pas pour le rapprochement avec l'Arménie, elle s'est fait rappeler à l'ordre par l'opinion publique azérie", rappelle Elshan Mustafayev. À Kars, "le consulat d'Azerbaïdjan surveille toutes les activités à la frontière et prend des mesures pour contrer les tentatives comme celles favorisant l'ouverture des frontières avec l'Arménie", explique Gengiz Aktar (1). Et de conclure : "La Turquie semble avoir sous-traité à l'Azerbaïdjan sa politique envers l'Arménie et les Arméniens."
Pétrodollars
Une confiance que l'Azerbaïdjan se paie à grand renfort de pétrodollars dont le petit État caucasien regorge. Si Bakou ne fournit à la Turquie qu'entre 7 et 10 % de ses importations énergétiques, ses tarifs pour Ankara défient toute concurrence. Et son géant de l'hydrocarbure, le groupe national Socar (10 % du PNB azéri) investit à tour de bras en Turquie. Symbole de cette union énergie et géopolitique, le gazoduc transanatolien Tanap, dont les deux pays (avec la Géorgie) viennent de lancer la construction et qui raccordera bientôt les champs gaziers de la Caspienne à l'Europe. L'Azerbaïdjan et la Turquie, rappelle Elshan Mustafayev, ce sont aussi des milliers d'entreprises partenaires, des échanges commerciaux se hissant à 5 milliards de dollars par an, un demi-million de touristes azéris foulant le sol turc chaque année ainsi que le principal contingent d'étudiants inscrits dans les universités turques. "Tous ces projets de coopération économique ont bien évidemment renforcé le poids de l'Azerbaïdjan dans la politique régionale de la Turquie, ce qui fragilise en retour l'Arménie en l'excluant de tous les projets économiques régionaux et empêche la Turquie de se réconcilier avec Erevan", conclut le chercheur.
Impasse
K) GEOPOLITIQUE DE LA CULTURE : Génocide arménien : l’Azerbaïdjan, l’allié négationniste de la Turquie
Dans la guerre mémorielle que se livrent Ankara et Erevan, Bakou, qui veut récupérer
l'enclave du Haut-Karabakh, souffle sur les braises.
À mesure qu'approchaient les célébrations du centenaire du génocide arménien organisées à
Erevan et dans le monde entier ce 24 avril, le bras de fer mémoriel avec la Turquie s'est
intensifié. Après le pape François, le Parlement européen a lui aussi appelé le pays à faire face
à son histoire en reconnaissant le caractère génocidaire du massacre de plus d'un million
d'Arméniens en 1915, sous l'Empire ottoman. Mais comme chaque printemps, même acculée
diplomatiquement, la Turquie d'Erdogan sait qu'elle peut compter sur l'infaillible soutien de
son voisin azerbaïdjanais. Mi-avril, le président de la République caucasienne, Elkhan
Suleymanov, avait d'ailleurs vertement critiqué l'Europe et sa vision partiale des événements
de 1915, l'accusant également de vouloir attiser aujourd'hui "la haine et l'hostilité" entre Turcs
et Arméniens. Des saillies médiatiques qui s'expliquent par la haine viscérale entre Arméniens
et Azéris. Entre 1988 et 1994, les deux pays voisins se sont livré une guerre sanglante (plus de
20 000 morts et des centaines de milliers de déplacés), aboutissant à la prise de contrôle par
les troupes arméniennes de 15 % du territoire azerbaïdjanais, dont la région du Haut-
Karabakh. Une région devenue par la suite autonome - bien que largement financée par
l'Arménie et la diaspora à l'étranger -, mais non reconnue par la communauté internationale.
Aujourd'hui, malgré le cessez-le-feu toujours en vigueur, sur la ligne de front la tension est
omniprésente et les escarmouches sont monnaie courante.
Simulacres de colloques
Et dans ce conflit, la "bataille mémorielle" fait rage. "En Azerbaïdjan, beaucoup de manuels scolaires et universitaires, de publications - plus ou moins académiques - continuent de partager une des visions les plus nationalistes de l'historiographie turque sur la question arménienne", rappelle Elshan Mustafayev, doctorant azerbaïdjanais à Sciences Po Lyon. Une vision relayée par la presse qui minimise à la fois le nombre de morts et justifie les massacres de 1915 par des raisons de sécurité nationale, certains Arméniens s'étant ralliés à l'époque à l'ennemi russe. Voyant les caméras se tourner vers l'Arménie, centenaire oblige, l'Azerbaïdjan a choisi de riposter par une "contre-stratégie" culturelle, visant à offrir une histoire du Caucase et de ses drames. Aux États-Unis surtout, des académiciens et des diplomates azéris "ont monté à coups de pétrodollars quelques simulacres de colloques, tout ça pour essayer d'influencer le Congrès américain avec leurs thèses négationnistes". En vain, estime Ceginz Aktar, journaliste et écrivain turc engagé dans la reconnaissance des crimes commis par la Turquie. Le 10 avril dernier, l'académie des sciences d'Azerbaïdjan tenait à Bakou une conférence au nom évocateur : "Le soi-disant génocide arménien : fiction et réalité." On y rappelle également que c'est l'Arménie le seul État assassin de la région, responsable notamment de nombreuses exactions dans les années 1990. Comme le "génocide de Khodjali, la tragédie du XXe siècle", rappelle le site de l'ambassade azérie à Ankara. Plusieurs centaines de personnes ont été massacrées par les forces arméniennes en 1992.
Et dans ce conflit, la "bataille mémorielle" fait rage. "En Azerbaïdjan, beaucoup de manuels scolaires et universitaires, de publications - plus ou moins académiques - continuent de partager une des visions les plus nationalistes de l'historiographie turque sur la question arménienne", rappelle Elshan Mustafayev, doctorant azerbaïdjanais à Sciences Po Lyon. Une vision relayée par la presse qui minimise à la fois le nombre de morts et justifie les massacres de 1915 par des raisons de sécurité nationale, certains Arméniens s'étant ralliés à l'époque à l'ennemi russe. Voyant les caméras se tourner vers l'Arménie, centenaire oblige, l'Azerbaïdjan a choisi de riposter par une "contre-stratégie" culturelle, visant à offrir une histoire du Caucase et de ses drames. Aux États-Unis surtout, des académiciens et des diplomates azéris "ont monté à coups de pétrodollars quelques simulacres de colloques, tout ça pour essayer d'influencer le Congrès américain avec leurs thèses négationnistes". En vain, estime Ceginz Aktar, journaliste et écrivain turc engagé dans la reconnaissance des crimes commis par la Turquie. Le 10 avril dernier, l'académie des sciences d'Azerbaïdjan tenait à Bakou une conférence au nom évocateur : "Le soi-disant génocide arménien : fiction et réalité." On y rappelle également que c'est l'Arménie le seul État assassin de la région, responsable notamment de nombreuses exactions dans les années 1990. Comme le "génocide de Khodjali, la tragédie du XXe siècle", rappelle le site de l'ambassade azérie à Ankara. Plusieurs centaines de personnes ont été massacrées par les forces arméniennes en 1992.
Solidarité
Un massacre d'ailleurs commémoré par le gouvernement turc en février 2012 sur la place Taksim d'Istanbul, pour le vingtième anniversaire. Un nouveau témoignage des liens forts entre Ankara et Bakou. "Les deux pays ont de fortes affinités sur le plan culturel et ethnique, souligne Elshan Mustafayev. Bakou, c'est la première visite officielle pour tout nouveau président turc." Une solidarité entre les deux peuples qui remonte au début du conflit pour le Haut-Karabakh quand, en soutien à Bakou, Ankara avait fermé ses frontières et rompu ses relations diplomatiques avec Erevan. Une décision politique dont certaines régions voisines de l'Arménie paient encore le prix aujourd'hui. Naif Alibeyoglu, ancien maire de la ville turque de Kars, peut en témoigner : "Il n'y a presque plus d'industrie à Kars, le taux de chômage est énorme et beaucoup de personnes désertent la ville. Pour changer les choses, on a essayé de lancer des jumelages entre les villes, de favoriser la coopération régionale, on a même construit une statue pour la paix : le monument à l'Humanité". En pure perte. Une à une les initiatives sont détricotées et les monuments mis à bas. Oubliés aussi les espoirs des protocoles de Zurich, en 2009, qui voyaient pour la première fois les présidents turc et arménien s'accorder sur une feuille de route commune. "À chaque fois que la Turquie a fait un pas pour le rapprochement avec l'Arménie, elle s'est fait rappeler à l'ordre par l'opinion publique azérie", rappelle Elshan Mustafayev. À Kars, "le consulat d'Azerbaïdjan surveille toutes les activités à la frontière et prend des mesures pour contrer les tentatives comme celles favorisant l'ouverture des frontières avec l'Arménie", explique Gengiz Aktar (1). Et de conclure : "La Turquie semble avoir sous-traité à l'Azerbaïdjan sa politique envers l'Arménie et les Arméniens."
Pétrodollars
Une confiance que l'Azerbaïdjan se paie à grand renfort de pétrodollars dont le petit État caucasien regorge. Si Bakou ne fournit à la Turquie qu'entre 7 et 10 % de ses importations énergétiques, ses tarifs pour Ankara défient toute concurrence. Et son géant de l'hydrocarbure, le groupe national Socar (10 % du PNB azéri) investit à tour de bras en Turquie. Symbole de cette union énergie et géopolitique, le gazoduc transanatolien Tanap, dont les deux pays (avec la Géorgie) viennent de lancer la construction et qui raccordera bientôt les champs gaziers de la Caspienne à l'Europe. L'Azerbaïdjan et la Turquie, rappelle Elshan Mustafayev, ce sont aussi des milliers d'entreprises partenaires, des échanges commerciaux se hissant à 5 milliards de dollars par an, un demi-million de touristes azéris foulant le sol turc chaque année ainsi que le principal contingent d'étudiants inscrits dans les universités turques. "Tous ces projets de coopération économique ont bien évidemment renforcé le poids de l'Azerbaïdjan dans la politique régionale de la Turquie, ce qui fragilise en retour l'Arménie en l'excluant de tous les projets économiques régionaux et empêche la Turquie de se réconcilier avec Erevan", conclut le chercheur.
Impasse
"C'est une situation ridicule", martèle l'ancien ambassadeur turc à Bakou, Ünal Çevikoz : "La
frontière entre la Turquie et l'Arménie est fermée depuis 22 ans et ça n'a aidé ni la Turquie ni
l'Arménie et encore moins l'Azerbaïdjan." Et de préciser : "22 ans d'enclavement pour faire
pression sur l'Arménie afin de régler la question du Haut-Karabakh sans le moindre résultat."
Mais à l'approche des élections législatives de juin, "aucun parti politique en Turquie n'est
prêt à assumer les conséquences électorales d'une détérioration des relations avec
l'Azerbaïdjan", avance Elshan Mustafayev. Et surtout pas l'AKP. Malmené dans les sondages
en raison de son bilan économique, l'ancien parti du président Erdogan voit son électorat
s'effriter, notamment au profit de la formation ultranationaliste du MHP, très véhémente sur la
question arménienne. Pas sûr de voir les leaders de l'AKP tendre prochainement la main à
Erevan. La réconciliation devra attendre.
(1) Dans un rapport pour le Parlement européen de 2013
(1) Dans un rapport pour le Parlement européen de 2013
8 commentaires:
Les lois mémorielles sont des lois liberticides. Il est dangereux de condamner des individus "qui pensent mal", au nom d'une certaine "Vérité". La vérité est variable et inconstante. Je ne dis pas que j'approuve les génocides, mais lorsque l'on commence à condamner pour des idées, on ne sait où cela commence et jamais où cela s"arrête.
Ces lois ne respectent pas l'article 19 de la déclaration des droits de l'homme :
"Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit."
Euh... Pardon, mais je ne vois pas pour quelles raisons le fait de nier un évènement historique devrait être pénalisé. La liberté d'expression, c'est aussi la liberté de dire des conneries.
Comme Alex, je ne vois vraiment pas pourquoi il faudrait être du côté des lois mémorielles, qui sont une aberration du point de vue de la liberté (et de la science, et de l'histoire, et...)
Comme tant d'autres domaines, l'Histoire n'a pas à être altérée par les politiciens.
en Israël il n'y a pas de loi mémorielle. un jour férié de souvenir à la place.
C'est toujours malsain d'interdire un propos. Le mieux est de l'affronter ou de le déconstruire sur le terrain de la raison, pas par l'interdiction (qui ne fait au mieux que repousser, sinon conforter celui qui le diffuse). Si on part dans cette logique, demain on pourra amender ou emprisonner quelqu'un pour avoir nié la version officielle du 11 septembre 2001 (qui pourtant suscite un certain nombre de doutes légitimes), pour avoir nié le réchauffement climatique, pour avoir nié que la Terre est ronde, pourquoi pas ? On peut aller très loin si on part dans cette logique. Très dangereux. À partir du moment où une société décrète qu'il y a des vérités auxquelles il faut croire, en dehors desquelles on est potentiellement criminel, c'est le début du totalitarisme. Et là, c'est quelqu'un qui croit au réchauffement climatique qui vous parle.
Chaque massacre de masse dans l'Histoire de chaque pays mériterait la qualification de "génocide", selon la logique du législateur francais.
Pourquoi punir la négation des génocides socialistes hitlériens et pas ceux du socialisme léniniste, des Jacobins ni celui de leurs émules, les Jeunes-Turcs ?
Dès lors que la répression se fait sélective suivant les groupes ethniques qu'elle prétend soi-disant "protéger",
elle institue un racisme d'état.
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