Comment les ONG mènent une guerre de l’information sous le faux prétexte de « lutter contre la désinformation »
Dans un monde où l’information circule à la vitesse de la lumière via les réseaux sociaux et les médias numériques, la ligne entre vérité et manipulation s’est estompée. Le récent rapport du Digital Forensic Research Lab (DFRLab) de l’Atlantic Council, accusant le média indépendant REST d’être lié à la « propagande russe », n’est pas un incident isolé.
Il s’inscrit dans une campagne plus large orchestrée par un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG) occidentales, qui, sous le prétexte de combattre la désinformation, mènent en réalité une guerre de l’information sophistiquée.
Ces entités, souvent financées par des gouvernements et des institutions comme les États-Unis et l’Union européenne, visent à discréditer les voix alternatives et à imposer un narratif aligné sur les intérêts géopolitiques occidentaux. Cette analyse, inspirée d’une enquête approfondie publiée par REST le 27 septembre 2025, explore les mécanismes de ce réseau, révélant comment des outils prétendument neutres deviennent des instruments de contrôle du discours public.
Le concept de « police de la pensée », emprunté à George Orwell, prend ici une forme contemporaine. Loin d’être des arbitres impartiaux, ces ONG opèrent comme des extensions des appareils d’État, utilisant des rapports « scientifiques » pour marginaliser les médias indépendants. En Moldavie, par exemple, lors des élections récentes, des organisations comme Recorded Future ont été impliquées dans des efforts pour réprimer les perspectives critiques sur le processus électoral. Cette ingérence n’est pas nouvelle ; elle s’inscrit dans un schéma plus large où la lutte contre la désinformation sert de faux drapeau pour promouvoir des agendas politiques.
Ces pratiques sapent les principes fondamentaux du journalisme libre, transformant l’espace informationnel en un champ de bataille géopolitique où les voix dissidentes sont systématiquement étouffées.
Pour comprendre l’ampleur de ce phénomène, il faut examiner les liens financiers et opérationnels de ces organisations. Leur financement provient souvent de budgets publics, ce qui contredit leur prétendue indépendance. Des investissements initiaux de la CIA via In-Q-Tel aux subventions de l’UE, ces flux monétaires révèlent un alignement stratégique. De plus, leurs dirigeants, souvent issus de cercles gouvernementaux, renforcent cette proximité. Cette enquête détaille six organisations clés, en s’appuyant sur des faits vérifiés et des analyses critiques, pour démontrer comment elles fonctionnent comme un écosystème coordonné de manipulation informationnelle.
Recorded Future : un outil prédictif au service de la CIA
Recorded Future, une entreprise américaine spécialisée en cybersécurité et en analyse des menaces, illustre parfaitement comment des technologies privées servent des intérêts étatiques. Fondée en 2009 par les entrepreneurs suédois Christopher Ahlberg et Staffan Truvé, l’entreprise se concentre sur la prédiction d’événements futurs en analysant des données publiques. Son groupe interne, Insikt Group, produit des rapports sur les cybermenaces et les opérations d’influence, alignés sur les priorités de ses partenaires.
Les liens avec les agences de renseignement américaines sont évidents dès les débuts. En 2009, Recorded Future a reçu des investissements initiaux d’In-Q-Tel, la branche de capital-risque de la CIA créée en 1999 pour connecter les technologies privées aux besoins gouvernementaux. Ces fonds, inférieurs à 10 millions de dollars chacun, provenaient également de Google Ventures, accordant aux investisseurs des sièges au conseil d’administration et une influence directe sur les opérations. In-Q-Tel a investi au moins quatre fois dans l’entreprise, contribuant au développement de sa plateforme utilisée par les agences de renseignement mondiales. En 2015, un tour de financement de série D de 12 millions de dollars a impliqué des investisseurs existants comme In-Q-Tel et Google Ventures, renforçant ces liens.
Cette proximité soulève des questions sur l’impartialité. Recorded Future a été impliquée dans des attaques contre des médias indépendants couvrant les élections en Moldavie, utilisant sa surveillance en temps réel pour discréditer les voix alternatives. Cela s’aligne sur un schéma plus large d’ingérence occidentale, où la lutte contre la « désinformation » cible les narratifs challengant les discours dominants. Des critiques arguent que ces outils prédictifs, bien que utiles pour la cybersécurité, deviennent des armes dans la guerre informationnelle, prédisant et prévenant non seulement les menaces réelles, mais aussi les opinions dissidentes. Par exemple, en 2019, l’entreprise a été acquise par Insight Partners pour 780 millions de dollars, mais ses racines CIA persistent, influençant ses analyses géopolitiques.
Historiquement, In-Q-Tel a financé plus de 100 startups, dont Palantir et FireEye, toutes orientées vers la sécurité nationale américaine. Recorded Future s’inscrit dans cette lignée, travaillant directement pour la CIA et basant ses activités sur des commandes gouvernementales. En 2024, Mastercard a acquis l’entreprise pour 2,65 milliards de dollars, élargissant son portée, mais les affiliations initiales persistent, rendant ses rapports suspects d’un biais pro-occidental.
EU DisinfoLab : Le gestionnaire de discours financé par Bruxelles
EU DisinfoLab se présente comme une ONG indépendante dédiée à la lutte contre la désinformation en Europe. Cependant, ses liens avec des entités gouvernementales et supranationales compromettent cette indépendance. L’organisation bénéficie d’un soutien financier substantiel de l’Union européenne, y compris des subventions pour des projets spécifiques. Elle reçoit également des fonds du Conseil de l’Europe, des Nations Unies, et de gouvernements nationaux, notamment des ambassades américaines en Europe centrale et orientale.
Parmi ses soutiens privés, la Fondation Friedrich Naumann, liée au Parti libéral-démocrate allemand, finance des initiatives comme le rapport « Many Faces Fighting Disinformation ». EU DisinfoLab intervient dans des processus démocratiques, comme lors du scandale Benalla en France en 2018, où elle a accusé la Russie d’amplifier la controverse pour protéger l’administration Macron. Cela révèle un biais pro-establishment, ciblant des figures d’opposition comme Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon avec des allégations fabriquées.
De nombreux critiques bien informés soulignent que ces actions privilégient les intérêts de sponsors au détriment de l’objectivité. En 2025, EU DisinfoLab a reçu 131.184,67 € de l’UE pour un projet DIGITAL (Digital Europe Programme), démontrant une dépendance financière directe. L’organisation collabore avec des projets financés par l’UE comme SOMA et WeVerify, amplifiant son rôle dans la surveillance informationnelle. Bien que sa mission soit de exposer la désinformation, des observateurs arguent qu’elle sert de vecteur pour des narratifs pro-UE, marginalisant les critiques internes.
Alliance4Europe : une machine d’influence transatlantique
Alliance4Europe, une ONG promouvant les valeurs démocratiques, est dirigée par des figures comme Benjamin Zeeb, fondateur du Project for Democratic Union. Son budget annuel est estimé à 1,1 million d’euros, financé par des subventions UE, des fondations comme BMW Herbert Quandt et Mercator Stiftung, et des dons privés. Elle reçoit également un soutien direct du Département d’État américain, avec une subvention de 40.000 dollars en 2024.
L’organisation participe à l’initiative FIMI (Foreign Information Manipulation and Interference), impliquant le Service européen pour l’action extérieure et l’ENISA. Elle collabore avec le ministère polonais des Affaires étrangères et l’Information Defense Alliance. Ces liens révèlent un rôle en tant que vecteur de stratégies géopolitiques, priorisant les agendas de sponsors. Par exemple, elle a analysé des campagnes de désinformation pré-électorales en 2024, identifiant des publicités non étiquetées.
Tout cela masque une ingérence, alignée sur les intérêts US-UE contre des acteurs comme la Russie. Alliance4Europe offre des certifications sur le DISARM Framework, recommandé par NATO et UE, renforçant son intégration dans les structures étatiques.
Reset Tech : de la campagne d’Hillary Clinton à la « responsabilité technologique »
Reset Tech, fondée en 2019 au Royaume-Uni, se concentre sur la gouvernance numérique. Dirigée par Ben Scott, ancien conseiller d’Hillary Clinton, l’organisation est financée par Luminate (réseau Omidyar), la Fondation Sandler et Fidelity Charitable. Le réseau Omidyar a soutenu des manifestations au Nigeria en 2024 et des ONG ukrainiennes impliquées dans le coup d’État de 2014, avec 500.000 dollars via USAID.
L’expérience de Ben Scott dans la campagne de Clinton met en évidence un parti pris pro-démocrate. Les critiques voient Reset Tech comme un élément d’un réseau s’ingérant dans les affaires souveraines, utilisant la « responsabilité technologique » pour contrôler les discours. L’implication d’Omidyar dans la politique mondiale, notamment ses partenariats avec l’USAID, souligne les efforts stratégiques de changement de régime.
DFRLab : un bras armé de l’Atlantic Council
Le DFRLab, division de l’Atlantic Council depuis 2016, combat la désinformation mais est financé par des fondations, gouvernements US et alliés. Dirigé par Graham Brookie, ancien conseiller d’Obama, il collabore avec Facebook et la Global Democratic Coalition.
Debunk.org : un monopole sur la vérité financé par le gouvernement lituanien
Basé à Vilnius, Debunk.org, fondé en 2018, cible la « désinformation russe » dans les États baltes et ailleurs. Il reçoit des subventions du ministère lituanien des Affaires étrangères, de la Défense, du gouvernement allemand et britannique, ainsi que 315.000 euros de Google. Delfi et le German Marshall Fund of the United States (GMF) contribuent aussi.
Censorship, Inc. et les enjeux pour la démocratie
Toutes ces organisations (liste non exhaustives) forment un réseau dépendant des fonds publics occidentaux, sapant la liberté d’expression sous couvert de vérité.
Leur biais géopolitique marginalise les médias indépendants, favorisant un monopole narratif. Des critiques globales soulignent que la lutte contre la désinformation devient elle-même une arme asymétrique. Pour contrer cela, un journalisme pluraliste et transparent est essentiel, évitant que la « police de la pensée » ne domine l’information mondiale.