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novembre 23, 2025

Les entretiens avec Stéphane Geyres...!

Ce prophète de la liberté a un message à vous faire passer. (Entretien avec Stéphane Geyres)

Dans un paysage politique dominé par les variantes d'étatismes, je suis allé à la rencontre d'une personne qui a étudié un système alternatif nécessitant la sortie de la démocratie.


Bonjour Stéphane Geyres,
Vous avez un point de vue libertarien, vous estimez que l’on doit sortir de la démocratie, supprimer l’État au profit d’une société de contrats, d’entreprises et de propriété privée et avec un rapport aux autres qui fonctionne sur le “consentement libre” et la “non-agression”. Vous cherchez à diffuser ces idées depuis plusieurs années.
1. Est-ce bien résumé ?


Bonjour à Vous, et merci pour cette proposition d’entretien. Je suis heureux qu’un média s’affichant “L’humain” trouve un intérêt humain au libertarianisme, qui selon moi en est la meilleure expression philosophique. Oui, c’est assez bien résumé, merci et bravo pour la synthèse. En effet, Libéralie est une société où absolument toute l’organisation sociale repose sur le libre consentement de chacun, matérialisé par des contrats et des entreprises en pleine concurrence.

Il y a cependant trois mots dans votre résumé que je souhaite reprendre. «Point de vue» : Les libertariens font une différence nette entre théorie et opinion, ou ‘point de vue’. La doctrine libertarienne ne repose en rien sur une opinion, mais sur des certitudes fondamentales. Le Droit naturel est prouvé – je dis bien prouvé, comme en maths – la théorie économique autrichienne l’est tout autant. Ces certitudes, mises en musique sociale, permettent alors la pleine libre expression des opinions ou préférences sociales de chacun.

Aucune autre doctrine politique ne permet cette articulation. «l’on doit» : Je n’impose rien à personne. Mais en effet, quiconque souhaite vraiment la Liberté n’a pas d’autre choix logique que de se débarrasser de tout monopole, donc de l’état. «supprimer» : Et pour compléter, je n’impose pas aux autres de supprimer leur cher état, mais j’exige, je revendique qu’on me laisse, qu’on nous laisse choisir de le quitter, totalement. C’est strictement légitime.

2. Aviez-vous des prédispositions sociales qui vous ont mené vers une vision libertarienne ?

Pas spécialement. Deux facteurs familiaux ont cependant pu jouer : Je suis d’une famille d’entrepreneurs et d’artisans, et j’ai grandi à l’étranger, donc loin de la propagande de l’Éducation nationale. Aussi, un événement brutal – vivre en direct et sur place l’explosion de la crise des subprimes en 2008 – m’a déclenché un besoin immense de comprendre comment on avait pu en arriver là.

Pour mieux vous répondre, je pense que nous sommes tous, absolument tous, des libertariens naturels. On naît libertarien. Être libertarien, c’est être humain, tout simplement. Et inversement. Par contre, c’est l’endoctrinement massif subi par chacun durant ses jeunes années qui finit par faire de nous des zombies étatistes – de droite comme de gauche, peu importe, la différence entre les deux est infime.

3. Dans les pays européens sociaux-démocrates, nous cherchons souvent où placer la limite à la liberté et d’ailleurs rarement, voire jamais, celle de l’égalité. De même, nous entendons les termes “ultralibéralisme” mais jamais “ultracommunisme”, “ultraétatisme”, “ultrasocialisme”,…
Est-ce à dire que les médias sous perfusion étatique jouent un rôle majeur dans notre imaginaire ?

C’est une observation très juste. Je la généraliserai : personne ou presque n’ose – car il s’agit bien d’oser – remettre en cause le socialisme, le communisme, encore moins les versions politiques du communisme issues des diverses religions, telle la sharia ou les kolkhozes. Le «Bien» serait définitivement de leur côté. Donc plus on s’en éloignerait – comme le préfixe «ultra» le suggère – plus on tendrait vers le «Mal» absolu. Il n’y a rien de naturel à cette croyance. Sauf déficients psychiques, les parents, sous toutes les latitudes, enseignent à leurs enfants des valeurs qui sont à l’inverse du communisme.

Les enfants ont un sens instinctif de la propriété privée et du développement personnel. Le rôle intemporel de tout parent est de se transformer en une route de son enfant vers la prospérité, dans la civilité et le respect d’autrui. Il faut donc bien que ce soit des acteurs sociaux, disons, qui tordent cet ordre des choses en cet imaginaire que vous évoquez à juste titre. Et ce qui importe à voir, c’est que l’état ne peut agir autrement, car sans cela, il n’aurait aucune place légitime aux yeux de l’Enfant sur son chemin vers l’Homme.

 

4. L’égalité, selon-vous, est-ce une valeur qui compte ? Est-ce seulement une conviction d’ordre privée, qui serait secondaire ou du même ordre qu’une conviction confessionnelle par exemple ?

Je vous répondrai par une pirouette que je crois significative. Dans un article sur Libéralie, et dans mon Liberté Manifeste, je propose d’adopter la «devise nationale» suivante : Liberté, Inégalité, Concurrence. C’est vous dire combien je vois une valeur dans l’égalité ! La Gauche – et la pseudo Droite ne fait que la suivre – commet, volontairement, une erreur profonde dans sa confusion entre égalité et Justice.

La Révolution est née de la volonté de détruire les privilèges, donc d’aller vers «l’égalité devant la loi». Mais l’égalité devant la loi, cela ne permettait pas de faire des lois contre les «riches» et les «exploiteurs» que Marx est venu fantasmer depuis. Il leur a donc fallu faire glisser l’égalité de la loi vers celle de la richesse, ou plutôt vers la pauvreté égale pour tous. L’égalité rime depuis avec légalité, mais c’est l’inégalité seule qui est restée légitime. Pourquoi ? Juste un exemple : si nous étions tous en situation d’égalité, pourquoi faire des échanges entre nous ? Pourquoi commercer ? Tout échange vient de l’inégalité de ses acteurs et en crée une autre. Comme valeur, l’égalité est donc celle d’un monde à la Matrix, où nous sommes tous uniformes – sauf bien sûr les élus plus égaux que les autres.

5. La liberté, vous dites, c’est elle qui a façonné la civilisation et qu’elle n’est “guère à la mode aujourd’hui”. En Europe, ou en Occident plus largement, on constate sous certains aspects un effondrement civilisationnel. Et donc on a tout un tas leaders d’opinion qui commencent à surfer sur la vague. Chacun tente d’expliquer le déclin et on en a de toutes les couleurs ! Et vous, vous dites que c’est lié à la liberté.
Quand est-ce qu’on a eu assez de liberté pour pouvoir bâtir cette civilisation ?

C’est une bonne question, merci. Dans une vidéo récente (#100) sur la chaîne «Pour ainsi dire» de mon ami Laurent, je conclus que la civilisation se fait «malgré la démocratie». Et je maintiens cette position ici. La civilisation n’est pas, n’est jamais et n’a jamais été faite par le pouvoir politique – ou religieux, qui n’en est qu’une variante – mais par les gens, par les individus. Le pouvoir, bâti sur la force arbitraire, la coercition, est le parfait contraire de la civilisation. Ce n’est pas le roi qui imposa aux gens de se respecter et de préférer le commerce à la guerre. Le roi dut respecter le commerce pour se faire accepter des gens.

Ce n’est pas un dieu quelconque qui inventa et imposa au monde les diverses formes du «Tu ne tueras point». (C. S. Lewis vous expliquerait que l’adoption du Tao est un fait universel.) Ce sont les «sages» des religions anciennes qui surent intégrer le fait universel du Droit naturel dans leurs textes – pour, ce faisant, en devenir les premiers transmetteurs. (Allez chercher par exemple chez Hermann Hesse, ‘le Jeu des Perles de Verre’, pour sa vision du transmetteur.) Les gens vivent et font donc la civilisation au jour le jour. Leur capacité à la faire positivement exploser est déterminée par le plus ou le moins d’oppression qu’ils subissent du pouvoir politique et religieux.

6. La Liberté, est-ce le seul sacré à sanctifier et dont on ne peut blasphémer ?

Je ne vois pas la Liberté comme un sacré d’ordre religieux – même si les diverses Écritures l’ont absorbée dans leurs propres sacrés. La Liberté est plutôt un sacré d’ordre logique et d’ordre naturel. Encore une fois, la Liberté est vécue spontanément par les hommes, chaque homme, tous les hommes, si «on» (les loups parmi les hommes) les laisse faire.

La Liberté est pour moi plutôt une valeur, sinon La Valeur, l’autre face de la Justice, sa sœur jumelle. Une Valeur vitale et profonde de et pour l’Humanité, qu’il s’agit d’affirmer, entretenir et transmettre, sauf à voir l’Espèce finir comme dans Matrix et ses champs d’élevage...

7. Historiquement, les révolutionnaires puis les républicains au pouvoir ont eu peur du retour à l’Ancien Régime. Aujourd’hui, les royalistes ne représentent globalement pas une menace. L’Action Française par exemple ne fait que quasiment que donner des cours d’Histoire de France.

Ensuite, il y a eu les nationaux/conservateurs/populistes. Eux ne menacent pas forcément de danger de mort, mais comme ils veulent orienter l’État, il est facile de jouer le “théâtre antifasciste”.

Par contre, j’ai l’impression que l’État français a très peur des libertariens. Il commence à les surveiller sur les réseaux sociaux. C’est très compliqué de bâillonner ceux qui prônent la liberté maximale. Le contraste est tellement visible que le récit ne fonctionnerait pas. La liberté, c’est une idée qui se vend assez bien.

C’est tout ce qu’il y a de logique que l’état nous surveille. Car il n’y a dans l’espace politique que les libertariens (j’entends par là les anarcho-capitalistes, les minarchistes ne sont pas des libertariens) pour remettre totalement en cause sa légitimité et le prétendu besoin de son existence. Toutes les autres lignes politiques ne sont que des variantes de l’étatisme, selon l’une des couleurs de l’arc-en-ciel. Même les anarchistes historiques, issus en France de la révolution de 1848, conçoivent en fait une société qui reproduit une forme d’état collectiviste, parce qu’ils ne font pas confiance au libre marché pour remplacer l’état.

L’état sait très bien qu’Etienne de la Boétie avait raison il y a déjà 500 ans, quand il le qualifiait de «colosse aux pieds d’argile». Que les gens sortent de leur hypnose, celle calquée par la propagande en continu, et la question de l’état saura aussitôt réglée. Quant à savoir si la Liberté se vend bien, je ne demande qu’à le croire. C’est bien parce que j’en suis convaincu que j’avance chaque jour. Cependant, la foule des étatistes de tous bords montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour que la vente se fasse en masse.


PARTIE II : Allons en profondeur de la théorie libertarienne

La liberté, c’est de pouvoir faire ce que l’on désire avec notre propriété privée. Ce droit se négocie entre les Hommes.
Stéphane Geyres

1. Si l’on veut situer le libertarianisme dans un temps long. Peut-on dire qu’il est issue d’autres courants de pensée ou tradition ? Aussi, pourquoi le libertarianisme est-il plus répandu aux États-Unis plutôt qu’en France ?

Je souhaite d’emblée faire référence à un livre sorti récemment aux Editions John Galt, consacré précisément à ‘Une Histoire du Libertarianisme’, par Romain Jégouic. Ce livre montre justement que les origines sont lointaines, remontant jusqu’en Chine, même si l’accélération est depuis venue de la période des Lumières – dont il ne faut pas oublier la branche germanique, l’Aufklärung.

Les thèses libertariennes sont vives en Amérique, tout simplement parce que, par tradition depuis la découverte du Continent, la Liberté demeure dans l’esprit de pionnier qui a fait son histoire et sa population. Tout à l’opposé de la France, dont le centralisme, le colbertisme, le jacobinisme, le bonapartisme marquent les esprits depuis les Bourbons, voire plus tôt. Cinq siècles de centralisme, qui ont en plus empreint le pays de mépris envers l’initiative personnelle et l’entreprise, avant même l’arrivée de Marx.

2. Le consentement, qu’apporte-t-il, pourquoi est-il si important ?
Pourquoi on devrait baser nos relations économiques et politiques sur cette notion ?

La réalité humaine fait que pour vivre, il faut se nourrir. Pour se nourrir, il faut avoir produit, ou tout au moins cueillir. La survie de l’Espèce repose sur sa capacité à produire. Le développement de l’Espèce repose sur sa capacité à surproduire, afin de pouvoir capitaliser et disposer de temps pour inventer et créer du loisir, de l’art ou des outils pour… mieux et plus produire. Il y a deux façons de produire : l’autarcie ou la division du travail. Nous sommes depuis toujours ou presque dans un monde de division du travail, qui repose sur une forme ou une autre de répartition des fruits de ce travail.

Il y a deux formes de répartition de ces fruits : l’échange libre ou la répartition par la force, càd le vol ou l’expropriation. La première forme est celle du libre consentement. Elle est aussi culturellement, profondément, intrinsèquement à l’Homme, celle de la Justice. La seconde est celle de l’esclavage et de l’injustice. Toute démarche politique qui sortirait de la stricte logique de l’échange libre – la base des relations économiques naturelles – tombe donc aussitôt dans le champ de l’esclavage. Or depuis les Lumières, si ce n’est bien avant, «on» prétend être sortis de l’esclavage...

3. Comment distingue-t-on un consentement libre d’un consentement manipulé, ou énormément manipulé (ex : secte) ? Je précise ma question, la vie quotidienne est déjà pleine de petites manipulations (ex : le papier toilette se situe souvent au fond d’un supermarché et les chips vers l’entrée et la sortie.). Étant donné que la notion de manipulation est très difficile à prouver, et que s’il y a manipulation, la personne peut être endoctrinée à croire qu’elle a été libre de son choix. Ne pourrait-il pas y avoir une création massive de la part de personnes (physiques ou morales) malintentionnées pour créer du consentement non-libre ?

C’est une question classique, mais qui en fait ne se pose pas vraiment, du moins pas en ces termes. Je suggère de visionner la vidéo chez «Pour ainsi dire», ou celle de la série AuCoeurDeLaLiberte.fr pour approfondir le sujet, qui est celui du libre arbitre. En substance, la confusion vient du manque de distinction entre ‘influence’ – un synonyme plus neutre de ‘manipulation’ – et ‘décision’. À moins de vivre en ermite isolé, il n’y a pas de vie sociale sans influence permanente des uns envers les autres, sur tous les sujets de la vie. C’est une bonne chose, car c’est ainsi que la vie économique, et donc la survie, s’organise. C’est aussi une mauvaise chose lorsque l’influence devient manipulation et propagande, bien évidemment. Mais ces considérations font partie de la vie, tout homme responsable et adulte doit avoir appris à vivre avec elles, à faire le tri entre le côté clair et le côté obscur de l’influence.

Dans tous les cas, quelles que soient les influences qui l’ont affecté, il demeure factuel, objectif, incontestablement observable qu’il finit par décider de son action. Il ne peut pas ne pas agir et il est incontestable que cette prise de décision nous semble, nous paraît libre – la seule exception, c’est lorsqu’il subit objectivement une coercition de la part d’autrui. Pourquoi est-ce incontestable ? Parce que prétendre le contester, c’est décider d’agir soi-même : on ne peut pas contester ce que l’on fait soi-même. En synthèse, l’individu est toujours, objectivement, libre de son action, donc de son consentement, sauf lorsque l’état lui impose son oppression, sa coercition.

4. Où met-on la limite entre “influence normale” et “manipulation qui rend un consentement invalide” ?

Pour voir où se trouve la frontière, il faut revenir à ce qui caractérise socialement la Liberté : On vient de le voir, il y a Liberté lorsqu’il y a libre choix. Le libre choix se matérialise dans la concurrence, réelle ou possible (légale), en toutes choses – ce qui renvoie à la devise «Liberté, Inégalité, Concurrence», plus haut. Ainsi, une entreprise, en concurrence sur son marché, peut tenter de me séduire, càd de m’influencer à acheter ses produits. Tant que la concurrence me permet de lui dire «non, merci», le libre consentement est préservé. Mais lorsque le message vient de Bercy, par exemple, ou d’un prétendu «service public» sans concurrence, tel Radio France et la foule des monopoles, où sont la Liberté de choix et le consentement ? Car ne nous y trompons pas, si un service public est en monopole, quel besoin aurait-il de nous influencer, nous séduire, puisque ses produits sont sans concurrence ? Autrement dit, la différence est facile à faire : s’il y a concurrence, on est dans la séduction, tout va bien ; s’il y a monopole, on est dans la propagande et rien ne va plus.

5. Peut-on dire que faire Sécession, c’est une façon moderne et non-barbare de faire une révolution ?

D’une certaine façon, oui, c’est une façon de le voir. Mais je pense que ce n’est pas prendre la pleine mesure du concept. Faire la révolution, c’est souvent une manifestation, une protestation comme disent les anglophones, qui tourne mal, qui passe à la violence. Mais manifester, ce n’est pas une démarche de sécession : celui qui manifeste n’agit pas dans son coin, il agit envers «les autres» et en particulier envers le pouvoir. Il fait jouer sa force politique pour obtenir quelque chose – un privilège ou la fin d’une contrainte. Il s’adresse au pouvoir en place pour obtenir plus de lui. Donc il se met implicitement en position de reconnaissance et de soumission envers le pouvoir en place. La révolution n’est donc pas une remise en cause du pouvoir politique, elle n’est qu’une secousse qui prétend lui donner une autre forme, ou d’autres oligarques. Mais ce n’est pas une rupture d’avec le système politique, encore moins une rupture pacifique. La sécession est une rupture pacifique ; sa seule revendication, c’est la reconnaissance du droit difficilement contestable à l’autodétermination. Faites comme vous voulez, mais acceptez de me laisser faire comme je veux. Faites, mais sans moi.

6. Qui veut faire sécession à part les libertariens ? Une alliance négociée avec des séparatistes est-elle possible ?

Bonne question. En effet, personne, aucun parti, que je sache, aucune ligne politique ne propose la sécession, pas même les séparatistes. Pas même le «Parti Libertarien»… Les séparatistes – ces dernières années, on pense à la Catalogne, aux Basques de l’ETA, aux Savoyards – ne vont jamais plus loin que d’ambitionner de reconstruire une démocratie – ou autre forme de dictature – sur le territoire cher à leurs cœurs. Ils n’ambitionnent que de passer d’un grand état à un état réduit en proportion de leur territoire. Ils n’ambitionnent que le pouvoir, pas la Liberté de leur «peuple». Les sécessionnistes catalans étaient mêmes de véritables rouges, aspirant à une Catalogne digne de l’héritage espagnol de la guerre civile de 1936. Pourtant, oui, je pense qu’il peut y avoir des synergies à trouver avec ces mouvements, de même que j’étais, à l’époque, un plein soutien au Brexit. Pourquoi ? Parce la sécession sera de toute manière un lent processus, dont il faut soutenir chaque étape, même les étapes laborieuses. Et parce que toute réduction du territoire d’un état contribue à deux facteurs positifs : un état plus petit en surface, c’est forcément des politiciens moins éloignés de la population, donc moins libres de prendre les décisions les plus délirantes – comme on l’observe actuellement à la lointaine Union Européenne ; et un état qui se fragmente, un pays qui en devient deux, c’est une concurrence plus forte entre les pays, c’est un contre-pouvoir plus fort contre la dictature de l’un comme de l’autre.

7. Est-ce que chaque libéralie peut définir sa propre vision du consentement libre ou de non-agression ?

Non, prise au premier degré, cette question n’a aucun sens : le consentement et la non-agression ne se définissent pas en fonction de préférences personnelles, locales ou culturelles. Un individu, quel qu’il soit, où qu’il soit, quelle que soit son époque, sa religion ou sa culture, consent, ou ne consent pas. C’est l’individu qui fait le consentement, ce n’est pas son contexte social, Ce n’est pas la société qui fait le consentement, c’est le consentement qui fait la société. Par contre, et je suppose que c’est plutôt le sens de la question, chaque Libéralie (chaque territoire libre) pourra calquer des préférences locales, culturelles et autres par-dessus le ‘NAP’ – Non-Aggression Principle, Principe de Non-Agression. Le propre du libre consentement individuel, c’est de permettre à toutes les formes de société, d’organisation sociale, de voir librement le jour.


PARTIE III : Parlons un peu de stratégie politique

Pour contextualiser pour les lecteurs, il existe plusieurs approches stratégiques qui peuvent causer des désaccords chez les libertariens.

Certains veulent faire du “rentre-dedans" en “s’infiltrant” dans les institutions démocratiques. Le but est de promouvoir le libertarianisme, de tenter de rapetisser l’État avec le pouvoir obtenu et enfin de faire autant que ce peut pour décentraliser les centres de pouvoirs en petits morceaux, par exemple territoriaux. Ce faisant, la concurrence et surtout la propriété privée pourra retrouver plus de place et les gens auront tendance à défendre la leur et l'e collectivisme/socialisme perdra de son ampleur. Dans ce contexte, les gens seront plus aptes à aller vers une société libertarienne et faire Sécession.

Après avoir essayé la politique, votre point de vue a changé. Pour une question d’efficacité, vous souhaitez plutôt changer l’opinion des gens par le biais de centres de réflexions et les médias. Vous ne voulez pas rentrer dans les règles politiques des institutions. Votre but étant de faire d’un coup seul la Sécession. Vous craignez qu’avec la stratégie du “rentre-dedans” la société reste seulement avec un État minimal, et qu’il redevienne un jour maximal.

Votre approche semble plus puritaine, ne serait-il pas plus judicieux de laisser les différentes stratégies opérer et de voir quelle est la plus efficace dans le temps long ? Peut-être que les deux stratégies vont coopérer.

Précisons que la société libertarienne n’a jamais été expérimentée à grande échelle, dans les sociétés modernes et complexes et dans un temps long. Et donc sur le papier, ça peut être séduisant, mais en pratique — dans le réel — on peut rencontrer des difficultés inattendues. Pensons notamment au ravage de la révolution communiste russe qui a plongé la tête première de la théorie à la pratique. Les marxistes avaient prévu de supprimer l’État une fois la dictature du Prolétariat établie, et d’avoir une société sans pauvre. Le réel a été autre.


1. Que diriez-vous aux sceptiques qui veulent y aller petit à petit ?

J’ai fait de nombreux écrits, des heures de vidéo sur cette question, à nouveau je renvoie donc à Liberté Manifeste ou à AuCoeurDeLaLiberte.fr pour développer ma réponse qui sera forcément trop brève. Mais en substance, en écho à votre préambule, les arguments sont de quatre ordres :

1) Entrisme (jouer le jeu politique de l’intérieur) : L’entrisme est voué à l’échec, on le sait à l’avance, et l’histoire des Thatcher de ce monde nous l’illustre. L’échec est certain pour deux raisons. L’ambition réductionniste (celle de Javier Milei, celle qui imagine réduire l’état à un «état minimal» bien inoffensif), c’est une ambition qui buttera sur la démocratie elle-même : quel est le mécanisme qui permet à une démocratie minimale de s’auto-saborder en une Libéralie ? Il n’y en a aucun, ce serait anticonstitutionnel. Libéralie est donc inaccessible via l’entrisme, seule la sécession y conduit. La seconde raison nous vient de Hans-Hermann Hoppe et son célèbre livre ‘Démocratie, le dieu qui a échoué’. Ce livre explique – je précise : il démontre, comme en maths – que la démocratie, sur le long terme, ne peut pas converger vers l’état minimal, car elle converge vers le communisme. Toujours. Le meilleur des Javier Milei pourra bien crier tous les «Afuera !» de la Terre, ses successeurs – sinon lui-même avant eux – seront politiquement obligés de suivre la demande de la masse, et la masse n’a pas d’incitation à renoncer à la redistribution de l’état-providence.

2) Sécession ou pas : De toute évidence, je n’ai pas et n’aurai jamais les moyens de réaligner tous ceux qui se disent libertariens sur la ligne sécessionniste. Ce qui ne m’empêche pas de le tenter. Il est donc évident que certains tentent et tenteront encore la voie de l’entrisme, bien malheureusement. Ce n’est pas bien grave ; dans l’absolu : ils sont autant de freins à la chute dans le trou noir communiste. En vision positive, ces gens finiront par entendre raison et rejoindre les réalistes que nous sommes. En vision négative par contre, à défendre de facto la démocratie, chacun devient le pire adversaire de la Liberté.

3) Temps long & Expérimenter : La pensée libertarienne a un gros avantage sur les autres. Son raisonnement aprioriste lui permet de décrire les phénomènes avant qu’ils se produisent. Ce n’est pas de l’arrogance, ni du fantasme, mais de la pure logique. Ainsi, les auteurs libertariens ont déjà largement écrit et décrit le mécanisme de la conservation ou de la perte de la Liberté à long terme. Et à cet égard, ce n’est certainement pas un Robert Nozick qui décrit le véritable processus. Il vaut mieux lire Frank Chodorov, ‘Essor et Chute de la Société’. En substance, il dit une chose simple : pour perdre la Liberté à terme, il faut ni plus ni moins qu’y renoncer. Sinon, rien ne peut la mettre à sa loi, et certainement pas les lois de l’économie.

4) Communisme : La comparaison avec le communisme témoigne d’une autre de ces confusions quant à la source de la doctrine libertarienne. Les communistes se trompent, parce qu’ils partent d’une fausse description du monde, d’une fausse théorie économique. Ils ne décrivent pas la réalité, donc leurs projets ne peuvent s’inscrire dans la réalité. C’est exactement le contraire s’agissant de la doctrine libertarienne. Aucune – I repeat, aucune – doctrine n’est plus solidement ancrée dans le réel de l’Homme. De ce fait, il est très rare que ce que décrivent ou annoncent les libertariens soit du pur fantasme...

2. Si une entreprise devient gigantesque… Il peut commencer à y avoir les défauts d’un État ? Si oui, à partir de quand ?

Non, comment cela serait-il possible ? Le raisonnement est simple. Dans ma Libéralie, le régalien est apporté par tout un complexe d’entreprises. Une en particulier, une compagnie d’assurance, possède une dimension internationale qui en fait un mastodonte à notre petite échelle. Bien sûr, sa tentation pourrait être grande d’en abuser. Mais la concurrence veille. Il n’y a pas de pouvoir politique pour lui accorder privilèges ou monopoles. Ainsi, quiconque se sentirait menacé par cette puissance apparente peut à tout moment simplement aller voir ailleurs et à la fois ne plus en dépendre et réduire d’autant sa puissance. Tant qu’il y a concurrence, et tant qu’il n’y a pas d’état pour forcer, imposer un monopole, la menace posée par mon assureur ne demeure qu’une hypothèse de salon... Ou un choix des clients.

PARTIE IV : Questions simples/réponses simples

1. Vous achetez du BTC ?

Non, je préfère acheter des «assets» ayant une valeur commerciale.

2. Qu’est-ce qui vous motive au quotidien ?

La curiosité, le besoin de comprendre, mes enfants, mes petits-enfants, les jeunes de ce pays, l’espoir d’une vague utilité sociale...

3. Une passion insoupçonnée ?

J’en ai deux. La première est un peu connue : le risque dans le domaine informatique et la théorie mathématique de l’informatique en général.
L’autre, ce sont les traces géologiques universelles de très anciennes civilisations, dont je suis convaincu qu’elles nous ont transmis le Droit.

4. Un livre ou une musique ?

Gödel, Escher et Bach, de Douglas Hofstadter.

„Invisible Limits“, Stratosfear, par Tangerine Dream.

 


 

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EXPRESSION: La Main Invisible/Stéphane GEYRES et le livre Libres !! 

Stéphane GEYRES et le libertarianisme 

Stéphane Geyres: Y a-t-il des obligations chez les libertariens ?

Libertariens contre Libéraux par Stéphane GEYRES 

Stéphane Geyres t-il la Liberté par principe naturel ?

Voter, pourquoi donc !! (A) Pourquoi voter - un dossier de 2012 Books - Stéphane GEYRES)

https://liberalie.substack.com/

 

 

 

 

 

 

 

Guerre contre la drogue ?

Guerre contre la drogue

La Guerre contre la drogue est une politique de répression correspondant à une phase hystérique de la prohibition des drogues ou produits stupéfiants. L'expression War on drugs a été utilisée par le président américain Richard Nixon, en 1971.  


"Si l’impôt, payé sous la contrainte, est impossible à distinguer du vol, il s’ensuit que l’État, qui subsiste par l’impôt, est une vaste organisation criminelle, bien plus considérable et efficace que n’importe quelle mafia «privée» ne le fut jamais. L’impôt est un vol, purement et simplement, même si ce vol est commis à un niveau colossal, auquel les criminels ordinaires n’oseraient prétendre."

Murray Rothbard

Une guerre contre la drogue injuste et inefficace

Cette « guerre » cible le commerce, la détention et la consommation de produits dits illicites. Au-delà du fait de ne rien rapporter aux caisses de l'État, elle est combattue car elle provoque une forte dépendance, des problèmes de santé, délinquance et criminalité. Le toxicomane est donc perçu et considéré comme une menace et un potentiel criminel. Pour ces motifs évoqués, très peu de pays ont adopté une politique de dépénalisation ou légalisation.

La consommation de drogues est un droit fondamental de l'être humain (comme l'euthanasie, le suicide et la prostitution), car elle relève de la propriété du corps de chaque individu, qui est inaliénable. Cette propriété légitime l'usus, le fructus et l'abusus, c'est-à-dire le droit d'utiliser son corps (pour courir, dormir, etc.), le droit d'en tirer profit (en vendant sa force de travail, en se prostituant, en vendant ses organes, etc.) et le droit d'en abuser (en se droguant, en se suicidant, en se mutilant, en consommant trop de sel ou de sucre, en devenant obèse, en ne pratiquant aucun sport, etc.). Les lois punissant la consommation de drogues sont donc des lois illégitimes en regard du droit naturel.

Qui plus est, d'un simple point de vue utilitariste, la guerre contre la drogue est un échec complet. Depuis un siècle, la consommation des stupéfiants n'a jamais cessé d'augmenter. La répression brise des vies, celles des consommateurs avant tout. Combien sont morts à cause d'un produit de mauvaise qualité, consommé dans des conditions déplorables, traqués par la machine policière ? Légaliser la production, la vente et la consommation de toutes les drogues permettrait d'améliorer fortement la qualité des stupéfiants (la pureté de ceux-ci, mais également la création de produits qui ne soient plus addictifs), de poursuivre en justice les producteurs de produits nocifs, d'informer efficacement les consommateurs, de baisser très fortement les prix (et donc de diminuer la criminalité, la prostitution non voulue), etc.

L'exemple historique de la fin de la prohibition (interdiction de la fabrication, du transport, et de la vente de boissons alcoolisées dans certains pays) en est une preuve : après l'abrogation de lois qui de toute façon étaient inefficaces, le crime organisé perdit une part importante de ses revenus liés au marché noir, et pour autant la consommation d'alcool n'augmenta pas de façon sensible.

L'État paternaliste, faute d'empêcher les consommateurs de consommer (ce qui est impossible), s'attaque aux fournisseurs, ce qui aboutit à un résultat inverse de celui qui était recherché (l'illégalité du commerce des stupéfiants rend ces produits extrêmement coûteux, ce qui incite davantage de personnes à entrer dans ces trafics). La guerre contre la drogue illustre l'absurdité de l'interventionnisme étatique. Les partisans d'une telle intervention seraient d'ailleurs bien en peine de prouver qu'elle coûte moins que son bénéfice espéré.

Vers la fin de la guerre

Un rapport[1] de juin 2011 de la Commission mondiale sur la politique des drogues (Global Commission on Drug Policy) reconnaît que « la lutte antidrogue a échoué ». Ce rapport recommande :

  • de « mettre fin à la criminalisation, la marginalisation et la stigmatisation des personnes consommant des drogues mais qui ne causent pas de dommage aux autres », car « la décriminalisation n'aboutit pas à une augmentation significative de la consommation de drogues » ;
  • « d'encourager l'expérimentation des gouvernements avec des modèles de régulation légale des drogues [en particulier le cannabis] afin de réduire le pouvoir de la criminalité organisée et protéger la santé et la sécurité de leurs citoyens ».

En France, la prohibition du cannabis à elle seule coûte 300 millions d'euros par an à l'État (« Cannabis : ce que la légalisation rapporterait au fisc », Le Monde, 2 août 2011). Certains économistes affirment que la légalisation rapporterait à l'État plus d'un milliard d'euros par an si le cannabis était taxé comme le tabac.

En 2001, le Portugal est devenu le premier pays d'Europe à décriminaliser la possession pour usage personnel de toutes les drogues[2].

En 2012, le Guatemala abandonne la guerre contre la drogue[3], préférant mobiliser ses énergies sur ce qu’il considère comme de véritables crimes.

Le 6 novembre 2012, le Colorado est le premier État des États-Unis à légaliser la consommation de cannabis par voie référendaire.

En décembre 2013, l'Uruguay légalise la culture, la vente et l'usage de cannabis[4], mais confère à l’État la mainmise sur la culture et la vente du cannabis à des fins récréatives. Cette tendance à la nationalisation du trafic de drogue est soutenue par un certain nombre de politiciens. Par exemple, la socialiste suisse Ruth Dreifuss préconise « ni prohibition ni libéralisation » et le « transfert du monopole des drogues des trafiquants à l’État ».

Bibliographie

  • 1998, Ted Galen Carpenter, "Ending the International Drug War", In: Jefferson M. Fish, dir., "How To Legalize Drugs", Northvale, NJ: Jason Aronson
  • 2003, Ted Galen Carpenter, "Bad Neighbor Policy: Washington’s Futile War on Drugs in Latin America", New York: Palgrave/Macmillan
  • 2004, Ted Galen Carpenter, "How the Drug War in Afghanistan Undermines America’s War on Terror", Cato Institute Foreign Policy Briefing, n°84, November 10

 

  1. Notes et références


  2. The Global Commission on Drug Policy

  3. Bilan de 10 ans de décriminalisation des drogues au Portugal

  4. Le Guatemala abandonne la guerre contre la drogue

  5. Uruguay Becomes the First Country to Legalize Marijuana.

 

Citations

«  Si vous examinez la guerre contre la drogue d'un point de vue purement économique, vous comprenez que le rôle du gouvernement est de protéger le cartel de la drogue. »
    — Milton Friedman

«  Le désordre causé par l'intervention des forces du désordre sert de prétexte à leur intervention même : par exemple, les dangers des drogues servent de prétexte à leur interdiction, alors que l'interdiction ne fait qu'amplifier les dangers des drogues. »
    — François Guillaumat

«  La guerre de la drogue a été déclarée sous Nixon il y a plus de 40 ans. Comme la guerre contre le terrorisme, cette guerre ne sera jamais gagnée : il y a plus de cocaïne et de marijuana qu'il n'y en a jamais eu. Que ce soit pour le sexe, pour la drogue ou pour l'alcool, la prohibition n'a jamais marché. »
    — Oliver Stone, Interview Paris-Match du 27/9-3/10 2012

«  Si toutes les drogues étaient légalisées, les barons de la drogue seraient ruinés et finiraient par s'entretuer. »
    — Edward Snowden, 12/06/2013 sur Twitter

Liens externes

Faut-il interdire la consommation de drogues ?

La consommation de drogues est un droit fondamental de l'être humain (comme l'euthanasie, le suicide et la prostitution), car elle relève de la liberté de chaque individu. Chaque individu est libre d'agir comme bon lui semble tant qu'il n'agresse personne. En soi, la consommation de drogues ne constitue pas un acte offensif - quel que soit le jugement moral que l'on porte sur ce comportement.

Comme tout échange, cette question relève du libre choix du consommateur, avec pour corollaire la responsabilité d'en assumer les conséquences positives ou négatives.

Chaque individu doit être libre d'utiliser son corps (pour courir, dormir, etc.), d'en tirer profit (en louant sa force de travail, en se prostituant, en vendant ses organes, etc.) et d'en abuser (en se droguant, en se suicidant, en se mutilant, en consommant trop de sel ou de sucre, en devenant obèse, en ne pratiquant aucun sport, etc.). Les lois punissant la consommation de drogues sont donc des lois illégitimes en regard des droits naturels et, de surcroît, profitent aux mafias en tous genres.

La contrepartie de la liberté étant la responsabilité, l'individu est seul responsable de ses comportements, qu'ils soient bénéfiques ou qu'ils soient nocifs ; il n'a donc pas à chercher à en rejeter la responsabilité sur les autres individus (via l'État, la Sécurité sociale, etc.) et à leur faire payer les conséquences de ses actes.

Erreurs courantes

Libéraliser le marché de la drogue entraînera une augmentation du nombre de drogués

Il n'y a pas nécessairement de lien de cause à effet. Les pays avec le plus haut taux de consommation de cocaïne ne sont pas ceux où son usage est relativement libre (Portugal, République tchèque[1]). Aux États-Unis, quand la prohibition de l'alcool a été levée, la consommation d'alcool est restée comparable. En revanche, ce qui a disparu alors, c'est le crime organisé autour du marché noir de l'alcool. En Hollande, la légalisation de certaines drogues a fait chuter la consommation de drogues dures. Chacun est responsable de ses actes, si on s'en remet à l'État pour empêcher les individus d'être irresponsables, il ne faut pas s'étonner que l'irresponsabilité des individus augmente. La législation anti-drogues crée des irresponsables, tandis que la libéralisation, en l'absence de contrôle étatique, suscite un contrôle individuel et social bien meilleur.

Prohiber la vente ou la consommation de drogues est une mesure de santé publique

Les effets pervers de la prohibition sont en réalité les suivants :

  • la prohibition ne supprime pas le marché des drogues, elle le transforme en marché noir entre les mains en grande partie du crime organisé ;
  • la prohibition engendre ainsi l'insécurité (conflits violents entre filières et entre dealers pour la monopolisation d'une zone) ;
  • la qualité de la drogue vendue est moindre que ce qu'elle serait dans un marché légal (le dealer a peu d’intérêt à fournir un produit de qualité car ses clients ne peuvent porter plainte). Le nombre de morts par overdose serait bien moindre sur un marché libre ;
  • l'interdiction occupe des ressources étatiques (prisons, juges, policiers, douaniers...) détournées de tâches plus utiles pour la société.

Par ailleurs, il est assez paradoxal de voir aujourd'hui l'État prohiber la drogue alors que par le passé il en a longtemps favorisé le commerce (l'Empire britannique et les guerres de l'opium en Chine au milieu du XIXe siècle, puis la France qui avait créé une très officielle Régie de l'opium en Indochine).

 

Citations

  • «  Paradoxalement les citoyens sont jugés comme assez intelligents pour voter et donc choisir un programme électoral qui va influencer le pays entier, mais ils ne le sont pas assez pour prendre des décisions cohérentes (qui ne toucheront qu'eux) quand cela concerne la drogue. »
        — Sam Stanley, auteur de Drug Policy and the Decline of American Cities

  • «  Par sa politique de répression, l'État fait la richesse de centaines de petits délinquants et la fortune des barons de la drogue ; les lois anti-drogue font le bonheur des trafiquants qui sont assez malins pour ne pas se faire prendre. »
        — Sam Stanley

  • «  La prohibition de la drogue est l’exemple type d’intervention administrative fourvoyée. On prétend lutter contre les trafiquants, et quelques-uns effectivement sont arrêtés, mais on assure à tous les autres des bénéfices exorbitants. On prétend protéger les drogués contre eux-mêmes, mais la prohibition incite les trafiquants à ne commercialiser que les drogues les plus dangereuses. On prétend moraliser la société en éliminant un vice, mais on induit un supplément de violence et de délinquance dont toute la société subit le coût moral et matériel. »
        — Christian Michel

  • «  La prohibition n’est pas uniquement un cauchemar dans la pratique (elle augmente le crime, elle répand le manque de respect pour la loi légitime, etc.) mais elle est également éthiquement inacceptable. Les adultes doivent avoir un droit légal (mais pas moral) de polluer leur corps s’ils le veulent. À ceux qui objectent qu’il s’agit d’une forme lente de suicide, je réponds que le suicide lui-même doit être légal. »
        — Walter Block

  • «  Il est temps de mettre fin à la guerre contre la drogue dans le monde entier. Nous devons arrêter de criminaliser les utilisateurs de drogues. Procédure de santé et autres traitements devraient être offerts aux usagers de drogues — et non la prison. Les mauvaises politiques de lutte contre la drogue affectent des centaines de milliers d’individus et de communautés à travers le monde. Nous avons besoin de fournir une aide médicale à ceux qui ont une pratique problématique des drogues — non pas une carrière de criminel. »
        — Richard Branson, Stoppons la guerre à la drogue

  • «  Vous voulez faire disparaître la criminalité liée à la drogue dans ce pays ? Bien, supprimons les lois sur les stupéfiants. »
        — Ron Paul

  • «  Les Nazis avaient un Problème Juif ; nous avons, nous, un Problème de la Drogue. Or, l'expression « Problème Juif » était en fait un euphémisme par lequel les Allemands désignaient la persécution des Juifs ; le « Problème de la Drogue » est également un euphémisme employé actuellement lorsqu'il s'agit de persécuter les gens qui s'adonnent à certaines drogues. »
        — Thomas Szasz

  • «  Aussi mauvaises les drogues puissent-elles être - et un grand nombre d'entre elles sont mortelles - ce ne sont pas les drogues elles-mêmes mais leur illégalité qui corrompt des individus et des communautés entières. Le problème est bel et bien leur prohibition. »
        — Thomas Sowell

  • «  Il ne fait pas de doute que l'alcoolisme, la cocaïnomanie et la morphinomanie sont de terribles ennemis de la vie et de la santé de l'homme, de sa capacité de travailler et de jouir. C'est pourquoi on leur a donné le nom de vices. Mais il n'est pas pour autant prouvé que les pouvoirs publics doivent intervenir dans la répression de ces vices par des interdictions. Il n'est ni établi de façon évidente que l'intervention des pouvoirs publics soit propre à réprimer réellement ces vices ni que, même si ce résultat pouvait être atteint, d'autres dangers ne surgiraient pas qui ne seraient pas moins graves que l'alcoolisme et la morphinomanie. »
        — Ludwig von Mises

  • «  La guerre anti-drogues est devenue le nouveau Vietnam, consommant une part toujours croissante des ressources et des vies. »
        — Glenn Garvin, mars 2002

  • «  En l’absence de la prohibition, le marché libre et la société libre offrent des moyens d’aider à résoudre les problèmes que la prohibition était destinée à résoudre. La légalisation est une proposition qui profite à tout le monde et je sens que, idéologiquement, la société avance dans notre direction. »
        — Mark Thornton, août 2016


La guerre contre la drogue comme entreprise socialiste


En 1972, il y a près de vingt ans, le président Nixon lançait une guerre contre la drogue – la première tentative intensive d'appliquer la prohibition des drogues depuis la loi Harrison. En préparation de cette intervention, j'ai relu la tribune que j'avais publiée dans Newsweek, dans laquelle je critiquais cette mesure. Quelques mots suffiraient à la rendre publiable aujourd'hui. À l'époque, le problème était principalement l'héroïne, dont la principale source était Marseille. Aujourd'hui, c'est la cocaïne d'Amérique latine. Hormis cela, rien n'aurait changé. 
 
 Voilà où nous en sommes, près de vingt ans plus tard. Ce qui n'étaient alors que des prédictions est devenu une réalité. Comme je l'avais prédit dans cette tribune, en me basant principalement sur notre expérience de la Prohibition, la prohibition des drogues n'a pas réduit sensiblement le nombre de toxicomanes, voire pas du tout, et a même favorisé la criminalité et la corruption. 
 
Comment expliquer que le seul effet observable de la mise en œuvre de ces prédictions sur les politiques publiques soit que l'État s'enfonce toujours plus dans un gouffre financier et gaspille toujours plus d'argent public ? Pourquoi en est-il ainsi ? C'est à la fois l'aspect le plus décourageant de notre expérience et l'énigme intellectuelle la plus fascinante. Dans notre vie privée, si nous tentons quelque chose et que cela tourne mal, nous ne persistons pas simplement en l'amplifiant. Nous pouvons le faire un temps, mais tôt ou tard, nous nous arrêtons et changeons. Pourquoi n'observons-nous pas la même chose dans les politiques publiques ? 
 
 Il serait inutile que je m'étende devant vous sur la question de la légalisation des drogues. Vous la connaissez tous. Vous avez déjà participé à de nombreux ateliers animés par des personnes bien plus expertes que moi. Je souhaite plutôt examiner l'énigme que j'ai soulevée. Pour ce faire, je m'appuierai sur un adage que Bardett fait remonter à 325 avant J.-C. : « Cordonnier, tiens-toi à ton dernier devoir. » 
 
Mon dernier devoir, c'est l'économie, l'étude de la manière dont une société organise ses ressources limitées pour satisfaire les besoins nombreux et variés de ses membres. Fondamentalement, les ressources d'une société ne peuvent être organisées que de deux manières, ou par une combinaison des deux. 
 
La première est celle des mécanismes de marché : de bas en haut. La seconde est celle de la direction : d'en haut. Le marché est un mécanisme. L'organisation autoritaire – l'armée en est un exemple flagrant – en est un autre. Le général donne l'ordre, le colonel le transmet au capitaine, et ainsi de suite jusqu'au sommet de la hiérarchie. Sur le marché, les ordres circulent en sens inverse. Le consommateur entre dans un magasin, passe commande, et les commandes remontent. Ces deux mécanismes ont des caractéristiques très différentes et sont adaptés à la résolution de problèmes très différents.
 
Toute société a besoin d'un certain nombre d'éléments des deux mécanismes. Et chaque société présente un mélange des deux. Nous connaissons les cas extrêmes où l'autoritarisme prédomine et nous savons ce qui s'est passé dans ces cas extrêmes, notamment depuis la chute du mur de Berlin. Mais notre propre société présente également d'importants éléments des deux mécanismes. 
 
Au cours des nombreuses années où je me suis intéressé, de manière périphérique, à la question des drogues – je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'une vocation, mais d'un intérêt personnel –, deux choses m'ont frappé. Premièrement, la plupart des ouvrages que j'ai lus sur les drogues partent du principe que le problème de la drogue est un cas particulier, à aborder sous l'angle des problématiques spécifiques liées aux drogues – les substances impliquées, etc. – plutôt que comme un exemple particulier d'un phénomène plus général. On considère comme acquis que le problème de la drogue doit être analysé en fonction de ses propres mérites et qu'il requiert une connaissance approfondie de ses détails. 
 
De mon point de vue, c'est comme si l'on abordait le problème du vol en fonction de l'objet volé. Le vol de voitures est un problème parmi d'autres. Le vol de sacs à main en est un autre exemple. De la même manière, on considère la prohibition des drogues comme un problème en soi. 
 
Deuxièmement, cette approche du problème de la drogue a pour conséquence que de nombreux opposants à la guerre contre la drogue proposent des alternatives tout aussi néfastes. Ils estiment que le problème ne réside pas dans le mécanisme fondamental utilisé, mais simplement dans une mauvaise approche gouvernementale. La plupart de ces alternatives reviendraient à tomber de Charybde en Scylla. 
 
Ces réformateurs croient que s'ils pouvaient rédiger la loi, elle serait appliquée à la lettre. C'est une illusion. En général, l'application d'une loi est sans rapport avec les intentions de ses auteurs. Ceux qui ont rédigé la loi sur les drogues n'avaient pas l'intention de tuer des centaines de milliers de personnes. Ils n'ont jamais souhaité un système où les prisons et les détenus proliféreraient de façon exponentielle. En général, les effets concrets d'une loi sont souvent, voire généralement, contraires aux intentions de ceux qui l'ont rédigée, un phénomène que le député Richard Anncy (républicain du Texas), alors simple professeur, appelait « l'influence invisible de l'État ». 
 
Permettez-moi d'illustrer cela par quelques extraits de lettres que j'ai reçues. Premièrement : « Au lieu de simplement dépénaliser les drogues, faisons en sorte que l'État les mette gratuitement à la disposition de tous les consommateurs. » Cela supprimerait évidemment tout profit pour le trafic. L'idée est que, d'une manière ou d'une autre, nous devrions traiter les drogues comme un bien gratuit. Or, rien n'est gratuit ; il faut bien que quelqu'un paie. Donc, il faudrait taxer le contribuable pour subventionner les consommateurs de drogue ! Plus important encore, il semble évident que si ces drogues « gratuites » étaient réellement disponibles, elles seraient distribuées en Europe et ailleurs où il existe un marché.
 
Comment limiter la quantité demandée de drogues gratuites ? La seule solution est d'instaurer des règles strictes de distribution. Cela conduit à un système autoritaire qui détermine qui reçoit les drogues et en quelle quantité, un système tout aussi sujet aux abus et à la corruption que le nôtre. 
 
Deuxièmement – ​​et je vous assure que ce sont des citations authentiques tirées de lettres que j'ai reçues ; je ne les ai pas inventées – : « Légalisez toutes les drogues dont la vente dans les magasins d'État est actuellement interdite.» Nous avons une longue expérience des magasins d'État en matière d'alcool. Le vingt-et-unième amendement, abrogeant la Prohibition, n'a fait que réaffirmer l'interdiction fédérale ; les États étaient libres de prendre les mesures qu'ils jugeaient appropriées pour contrôler l'alcool. En effet, le vingt-et-unième amendement stipule que le transport d'alcool d'un État « sec » vers un État « humide » est considéré comme une infraction fédérale et doit être empêché par le gouvernement fédéral. Certains États sont restés « secs », du moins pendant un certain temps ; d'autres ont créé des magasins d'État d'alcool ; et d'autres encore ont laissé faire le marché. 
 
Ceux qui préconisent la distribution exclusive de drogues dans les magasins d'État affirment que cela faciliterait le contrôle de la distribution aux mineurs, permettrait de prévenir les abus, etc. Or, les magasins d'État de vente d'alcool ont-ils eu cet effet ? Difficilement. Je connais bien le New Hampshire, car nous y avions une résidence secondaire. Certains magasins du New Hampshire sont situés à la frontière du Massachusetts afin d'attirer un maximum de clients de cet État. Comme le montre cet exemple, les magasins d'État incitent le gouvernement à promouvoir, et non à décourager, la consommation d'alcool. De plus, de nombreux États ont constaté que leurs magasins d'État ne sont pas rentables et un mouvement se dessine pour les vendre et les privatiser. Encore une fois, c'est une idée absurde. 
 
Troisième solution : « Abolir la criminalisation de l'usage de drogues ; instaurer un monopole fédéral sur la vente de drogues.» Autrement dit, confier la distribution de drogues à la Poste. 
 
Quel est le point commun de ces solutions ? Elles proposent de remédier à un problème causé par le socialisme par encore plus de socialisme. C'est le recours habituel de l'alcoolique : une dose supplémentaire pour soigner l'inévitable gueule de bois. 
 
Le problème fondamental auquel nous sommes confrontés n'est pas la guerre contre la drogue, même si certains d'entre nous s'y intéressent de près. La guerre contre la drogue et les méfaits qu'elle engendre ne sont que les manifestations d'un problème bien plus vaste : la substitution des mécanismes de marché par des mécanismes politiques dans de nombreux domaines. 
 
Pour illustrer mon propos, j'aimerais aller au-delà de la guerre contre la drogue. Nous savons tous que cette guerre détruit nos quartiers défavorisés. Mais si je vous demandais quel est le deuxième facteur le plus important qui contribue à cette destruction, je pense que beaucoup d'entre vous seraient d'accord avec moi pour dire que c'est notre système éducatif défaillant, ces écoles lamentables de nos quartiers, des écoles qui n'enseignent rien, mais qui servent essentiellement à occuper les jeunes pendant un certain nombre d'heures par jour.
 
Ces deux échecs ont la même origine. La guerre contre la drogue est un échec car c'est une entreprise socialiste. Notre système scolaire se détériore car c'est une entreprise socialiste. À l'exception peut-être de l'armée, l'éducation est la plus grande entreprise socialiste aux États-Unis. Il existe quelques exceptions : les écoles privées où les parents peuvent inscrire leurs enfants s'ils en ont les moyens ou, dans le cas des écoles confessionnelles, s'ils partagent certaines convictions religieuses. Cependant, 90 % des enfants fréquentent les écoles publiques. Et cette institution socialiste fonctionne comme la plupart des autres institutions socialistes. 
 
Une entreprise socialiste présente certaines caractéristiques générales, qu'il s'agisse de la Poste, des écoles ou de la guerre contre la drogue. Elle est inefficace, coûteuse, très avantageuse pour un petit groupe de personnes et nuisible à beaucoup d'autres. C'était vrai du socialisme en Russie, c'était vrai du socialisme en Pologne, et c'est vrai du socialisme aux États-Unis. 
 
Vous connaissez tous la fameuse théorie de la main invisible d'Adam Smith, selon laquelle des personnes qui souhaitent promouvoir leurs propres intérêts sont amenées, par une force invisible, à promouvoir l'intérêt public, ce qui n'était pas leur intention initiale. J'ai soutenu pendant de nombreuses années qu'une inversion de cette maxime est également vraie : des personnes qui n'ont d'autre intention que de défendre l'intérêt public sont amenées, par une force invisible, à promouvoir des intérêts privés, ce qui n'était pas leur intention initiale. C'est le cas en matière de drogue. 
 
À qui profite la guerre contre la drogue ? Le gouvernement américain soutient un cartel de la drogue. Les principaux bénéficiaires de la prohibition sont les barons de la drogue, qui peuvent ainsi maintenir un cartel qu'ils seraient incapables de maintenir sans la politique gouvernementale actuelle. 
 
Dans le domaine de l'éducation, les principaux bénéficiaires du système éducatif socialisé sont les personnes à hauts revenus, vivant dans les banlieues aisées, qui ont accès à de bonnes écoles publiques. Ces écoles publiques leur servent de niche fiscale. S'ils inscrivent leurs enfants dans des écoles privées, les frais de scolarité ne sont pas déductibles de leur impôt fédéral sur le revenu ; en revanche, les impôts locaux le sont. Parmi les autres bénéficiaires, on compte la bureaucratie éducative, notamment les responsables et employés des syndicats d'enseignants, ainsi que les politiciens qui peuvent instrumentaliser le système éducatif à des fins clientélistes. 
 
Par ailleurs, une grande partie de la population souffre de la faible qualité, et du déclin constant, de notre système scolaire. Les plus touchés sont les habitants des quartiers défavorisés. Ils en sont conscients. Dans les sondages d'opinion sur la privatisation du système scolaire par le biais de chèques-éducation offrant aux parents la liberté de choisir, les Afro-Américains sont le groupe le plus favorable, avec deux tiers, voire plus, en faveur d'un tel système. Pourtant, à l'exception de Polly Williams du Wisconsin, aucun leader politique noir important ne s'est prononcé en faveur de ces chèques-éducation ! 
 
 Ce ne sont là que quelques exemples. Examinons la liste de nos principales préoccupations nationales, parmi lesquelles la criminalité et l'anarchie engendrées par la prohibition des drogues et les piètres performances scolaires. Nous rencontrons de graves problèmes dans le domaine des soins de santé. En quarante ans, le coût total des soins médicaux est passé de 4 % à 13 % du revenu national. Pourquoi ? Là encore, cela s'explique par la socialisation croissante des soins de santé par l'État et par un fort mouvement en faveur d'une socialisation complète. En grande partie à cause de cette intervention accrue de l'État, le coût d'une journée d'hospitalisation, soit le coût par patient et par jour, était vingt-six fois plus élevé en 1989, après ajustement pour l'inflation, qu'en 1946.
 
Un autre exemple est celui du logement. Pourquoi le Bronx, à New York, ressemble-t-il à une zone de guerre après un bombardement ? Principalement à cause du contrôle des loyers. Là encore, il s'agit d'une tentative du gouvernement de socialiser le secteur du logement. Nous avons eu des programmes de logements sociaux vastes et coûteux. Dans le cadre de ces programmes, on a détruit plus de logements qu'on n'en a construits. 
 
Je vous mets au défi de trouver un problème majeur aux États-Unis qui ne soit pas dû à un mauvais usage des mécanismes politiques au détriment des mécanismes du marché. De manière raisonnable, les États-Unis sont aujourd'hui à un peu plus de cinquante pour cent socialistes. Autrement dit, plus de la moitié des ressources totales du pays, de la totalité des intrants, sont contrôlés directement ou indirectement par les institutions gouvernementales à tous les niveaux : fédéral, étatique et local. Pourtant, aux États-Unis, nous avons le niveau de vie le plus élevé au monde. Nous sommes un pays très riche et prospère. C'est un témoignage extraordinaire de la productivité du système de marché qu'avec moins de la moitié des ressources, il puisse produire le niveau de vie et le type de société que nous connaissons. 
 
Vous travaillez du 1er janvier jusqu'aux alentours du 30 juin, voire après, pour financer les dépenses publiques, directes et indirectes. Quelle part de votre bien-être provient de ces dépenses contrôlées par l'État ? Environ cinquante pour cent ? J'imagine que peu d'entre vous l'affirment. 
 
Ce paradoxe soulève une question : pourquoi les entreprises privées réussissent-elles alors que les entreprises publiques échouent ? On entend souvent dire que la différence réside dans les motivations, que la motivation du profit serait plus forte que celle du service public. D'un côté, c'est vrai ; de l'autre, c'est faux. 
 
Les dirigeants de nos entreprises privées et ceux de nos entreprises publiques sont animés par exactement les mêmes motivations : promouvoir leurs intérêts privés. Les personnes qui travaillent pour l'État, qui le font fonctionner, sont du même acabit que celles du secteur privé. Elles sont tout aussi intelligentes, tout aussi intègres et tout aussi altruistes. Sur ce point, il n'y a aucune différence. Comme l'a dit un jour Armen Alchian, économiste à l'UCLA : « La seule chose dont on peut être sûr, c'est que chacun fera passer ses intérêts avant les vôtres.» C'est une observation très pertinente. Les Chinois de Chine continentale ne sont pas différents de ceux de Hong Kong. Pourtant, la Chine continentale est un marasme de pauvreté tandis que Hong Kong est une oasis de bien-être relatif. Les populations qui occupaient l'Allemagne de l'Ouest et l'Allemagne de l'Est avant leur réunification partageaient le même passé, la même culture. C'étaient les mêmes personnes, mais les résultats furent radicalement différents. 
 
 Le problème ne réside pas dans la nature des personnes qui dirigent nos institutions gouvernementales par rapport à celles qui dirigent nos institutions privées. Le problème, comme le disaient les marxistes, c'est le système. C'est le système qui est en cause. 
 
La différence tient au fait que l'intérêt privé est servi différemment dans les sphères privée et publique. Voyez plutôt ce à quoi ils sont confrontés. 
 
Voici un projet qui pourrait être proposé, au départ, par quelqu'un du secteur privé ou du gouvernement, et qui semble tout aussi prometteur dans les deux cas. Cependant, toutes les bonnes idées ne sont que des conjectures ; ce sont des expériences. La plupart échoueront. Que se passe-t-il ? Imaginons qu'un groupe privé entreprenne ce projet. Imaginons qu'il commence à perdre de l'argent. Le seul moyen de le maintenir à flot est de puiser dans ses propres fonds. Il devra en assumer les coûts. Cette entreprise ne durera pas longtemps ; elle sera abandonnée. On passera à autre chose.
 
Supposons que le gouvernement entreprenne le même projet et que son expérience initiale soit identique : il commence à perdre de l’argent. Que se passe-t-il ? Les responsables gouvernementaux pourraient l’arrêter, mais ils disposent d’une alternative bien différente. Avec les meilleures intentions du monde, ils peuvent croire que la seule raison de son échec est son ampleur insuffisante. Ils n’ont pas besoin de puiser dans leurs propres fonds pour financer une expansion. Ils peuvent puiser dans ceux des contribuables. 
 
 En effet, financer une expansion leur permettra de maintenir des emplois lucratifs. Il leur suffit de persuader le contribuable, ou les législateurs qui contrôlent les finances, que leur projet est judicieux. Et ils y parviennent généralement car, en réalité, les personnes qui votent sur l’expansion ne votent pas avec leur propre argent ; elles dépensent l’argent d’autrui. Et personne ne dépense l’argent des autres avec autant de soin que le sien. 
 
En fin de compte, lorsqu’une entreprise privée échoue, elle est fermée ; lorsqu’une entreprise publique échoue, elle est développée. N'est-ce pas précisément ce qui se passe avec les drogues ? Avec l'éducation ? Avec les soins médicaux ? 
 
Nous sommes tous conscients de la dégradation du système scolaire. Mais savez-vous que nous dépensons aujourd'hui, en moyenne, par élève trois fois plus qu'il y a trente ans, une fois l'inflation prise en compte ? Il existe une règle générale dans les administrations et les entreprises bureaucratiques : plus on investit, moins on récolte. 
 
 À mesure que ces entreprises socialisées ont étendu leur influence, il est devenu de plus en plus difficile pour le public de les contrôler. C'est le problème fondamental auquel nous sommes confrontés en matière de drogues. Comment faire changer d'avis les intérêts particuliers du gouvernement ? 
 
 Comme nous l'avons tous constaté, ce n'est pas chose facile. Les responsables du programme antidrogue disposent de bien plus de ressources que nous. Ils peuvent mobiliser les médias pour discréditer toute réforme ou abrogation, la faisant passer pour une mesure irrespectueuse, voire déraisonnable. Après tout, répéteront-ils sans cesse, ceux qui militent pour la légalisation des drogues sont tout simplement ignorants, naïfs ou ne comprennent rien à la situation. Nous, diront-ils, sommes les experts et savons ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. 
 
L'une des méthodes efficaces pour éliminer ou réduire les programmes gouvernementaux inefficaces est la concurrence privée. La Poste était autrefois aussi peu performante pour la livraison des colis que pour celle du courrier prioritaire. Mais comme la législation postale lui conférait le monopole du courrier prioritaire, UPS a pu s'emparer de son marché. Puis, Federal Express et d'autres entreprises similaires ont capté une grande partie de ce marché, et des alternatives au courrier, comme le fax, ont émergé. 
 
Le même processus est en cours dans le secteur des stupéfiants. Malheureusement, la concurrence privée n'est pas une solution efficace tant que l'État interdit totalement certains médicaments, tout comme l'affranchissement prioritaire reste un monopole d'État, car il est illégal pour les entreprises privées de proposer des services de livraison similaires. Dans ces domaines, une réforme législative s'impose. 
 
 Ma thèse se résume en deux points principaux. Je vais maintenant conclure et vous inviter à me poser vos questions. Tout d'abord, ne vous bercez pas d'illusions : de simples changements dans l'utilisation du système politique ne suffiront pas. Ces solutions ne pourront échapper aux défauts inhérents à ce système, quel qu'il soit. 
 
Je tiens à préciser que je suis un libertarien partisan d'un gouvernement limité, et non un libertarien anarchiste, même si j'éprouve une grande sympathie pour les libertariens anarchistes, d'autant plus que mon fils en est un. Cependant, le rôle que j'attribue au gouvernement se limite à la défense du pays, au maintien de l'ordre public, à la définition des règles qui nous régissent et au règlement des différends. Il s'agit là d'un champ de responsabilités très restreint.
 
Un des principaux inconvénients de l'extension de l'activité gouvernementale est qu'elle empêche l'État d'accomplir efficacement les tâches qui, à mon avis, relèvent de sa seule compétence. Lorsqu'on évoque les victimes innocentes de la guerre contre la drogue, on oublie trop souvent celles qui subissent vols, cambriolages et meurtres – non pas parce qu'elles sont prises entre deux feux dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, ni parce qu'elles sont victimes de toxicomanes cherchant à financer leur dépendance, mais simplement parce qu'une part si importante des ressources policières est consacrée au contrôle de la drogue qu'il n'en reste pas assez pour prévenir les vols, les cambriolages et autres délits au sein de la société. 
 
La seconde leçon que nous devrions tirer, et sans doute la plus importante, est que nous avons plus de chances de progresser dans la lutte contre la drogue si nous reconnaissons que l'abrogation de la prohibition des drogues s'inscrit dans un problème plus vaste : celui de la réduction du champ d'action et du pouvoir de l'État et de la restitution du pouvoir au peuple. Si l'on considère la prohibition des drogues comme un cas isolé, peut-être que les efforts pour l'abroger aboutiront, comme ce fut le cas pour l'abrogation de la prohibition de l'alcool dans les années 1920. Mais je crois que nos chances de succès sont plus grandes si nous reconnaissons que l'échec de la guerre contre la drogue s'inscrit dans un problème bien plus vaste, que la raison de mettre fin à cette guerre est aussi celle de mettre fin à la socialisation de la médecine, de l'éducation, et ainsi de suite. 
 
 Questions et réponses 
 
Arnold S. Trebach : Ma question est en deux parties : la première vient de l'assemblée, et la seconde comporte une petite modification personnelle. Tout bien produit doit-il être soumis aux lois du marché ? 
 
 La seconde partie de la question, si je me réfère à Adam Smith – et j'ai lu son ouvrage avec une certaine appréhension –, il me semble qu'il acceptait l'idée, comme vous le dites, d'un rôle limité de l'État, notamment en matière d'administration de la justice, et je crois qu'il parlait alors de « défense commune ». De nombreux partisans de la lutte contre la drogue affirment qu'en raison de la nature unique des drogues, elles relèvent pleinement de l'administration de la justice et de la légitime défense. 
 
Professeur Friedman : Concernant la première partie de la question, je pense qu'il est justifié d'exclure certaines choses du marché. Je crois qu'il n'est pas souhaitable d'avoir un marché des bombes atomiques. Mais le nombre et la liste des choses pour lesquelles une interdiction peut réellement se justifier sont très limités. Et la seule justification valable réside toujours dans l'existence de victimes innocentes, et non dans une préoccupation paternaliste. 
 
L'effet principal de l'interdiction des drogues est de multiplier le nombre de victimes innocentes, et non de le réduire. C'est pourquoi je ne pense pas qu'une règle générale selon laquelle certains produits, tels que les bombes atomiques, les bombes à hydrogène et autres, ne devraient pas faire l'objet d'un commerce s'applique aux drogues. 
 
Concernant la seconde question, je ne crois pas qu'Adam Smith, s'il était parmi nous aujourd'hui, approuverait l'interprétation que vous avez donnée de ses restrictions. La prohibition des drogues ne relève pas de l'administration de la justice car le consommateur de drogue, qu'il soit intelligent ou non, se nuit avant tout à lui-même. Il est justifié d'agir lorsque le consommateur de drogue nuit à autrui, et c'est le cas. Le cas de l'alcool est très simple. Une personne qui conduit en état d'ivresse doit clairement être poursuivie. C'est l'acte de conduire en état d'ivresse, et non le fait de boire, qui doit être sanctionné. De même, si des personnes sous l'influence de drogues commettent un acte similaire, c'est l'acte lui-même qui doit être poursuivi, et non la consommation de drogue.
 
J'ai toujours soutenu qu'il existe deux arguments contre la prohibition des drogues. Le premier est une question de principe : chacun est responsable de ses propres actes et l'État n'a pas à nous dicter ce que nous devons consommer. Je suis certain que le Dr Szasz vous a présenté cet argument avec beaucoup d'éloquence. 
 
Le second est une question d'opportunité. Laissons de côté un instant la question de principe. Faites-vous plus de mal que de bien ? Les preuves qui semblent le démontrer sont si accablantes qu'elles séduisent même ceux qui refusent de vous suivre sur ce point de vue. Je vous donne quelques exemples. 
 
Ma position fondamentale sur la prohibition des drogues est née d'une question de principe. Mon ami Bill Buckley était initialement favorable à la prohibition. D'ailleurs, mon fils David a écrit un article attaquant les idées de Bill sur la prohibition, intitulé « Bill Buckley est-il une maladie contagieuse ? ». Bill défendait la prohibition en arguant qu'un toxicomane transmettrait sa dépendance à d'autres et les contaminerait ainsi. David affirmait dans son article que les idées de Bill étaient contagieuses. Pour pousser le raisonnement à l'extrême – et je ne pense pas que ce soit l'exemple de David, c'est le mien –, Le Capital de Karl Marx a certainement fait plus de victimes que l'alcool, le tabac et les soi-disant drogues illégales réunis. Mais nos principes de liberté d'expression garantissent que chacun est libre de lire Marx. Et c'est ce que David voulait dire par son article « Bill Buckley est-il une maladie contagieuse ? » 
 
 Eh bien, Bill a changé d'avis et il est maintenant un fervent partisan de la légalisation des drogues, non par principe, mais par opportunisme, sous prétexte que l'influence néfaste des drogues s'estompe et qu'il faut y mettre fin. 
 
 Je ne crois pas qu'on puisse affirmer que l'interdiction des drogues rende justice. Justice pour qui ? Est-ce justice pour le peuple colombien assassiné parce que nous ne pouvons pas faire appliquer nos propres lois ? Ce n'est certainement pas justice. 
 
 Trebach : Je ne disais pas cela. Je me demandais simplement si Adam Smith l'aurait pensé. Je sais ce que vous pensez de… 
 Friedman : [Simultanément] Je sais. Non, je ne pense pas qu’Adam Smith l’aurait fait. Adam Smith était un très grand homme, un homme très intelligent. 
Trebach : Cette question sous-entend que vous avez soutenu Pinochet ou que vous l’avez conseillé. 
Friedman : Je n’ai jamais conseillé Pinochet. Je ne l’ai jamais soutenu. 
Trebach : On va laisser tomber. 
Friedman : Attendez. Non, je ne veux pas esquiver la question. 
Trebach : Très bien.
Friedman : Le Chili est un cas où un régime militaire, dirigé par Pinochet, a accepté de transformer l'organisation de l'économie, passant d'un modèle vertical à un modèle horizontal. Dans ce processus, un groupe de personnes formées à l'Université de Chicago, au sein du département d'économie, et surnommées les « Chicago Boys », a joué un rôle majeur dans la conception et la mise en œuvre des réformes économiques. Le véritable miracle au Chili ne réside pas dans le succès de ces réformes, car c'est précisément ce qu'Adam Smith avait prédit. Le Chili est, sans conteste, la plus belle réussite économique d'Amérique latine aujourd'hui. Le véritable miracle, c'est qu'une junte militaire ait accepté de les laisser faire. Comme je l'ai dit d'emblée, le principe militaire est vertical. Le principe du marché est horizontal. C'est un véritable miracle qu'un groupe militaire ait accepté de laisser une approche ascendante s'imposer. J'ai effectué un voyage au Chili et j'y ai donné des conférences. En fait, j'ai rencontré M. Pinochet, mais je n'ai jamais été son conseiller et je n'ai jamais reçu un centime du gouvernement chilien. Cependant, je tiens à préciser que ce processus a permis d'organiser des élections qui ont mis fin à la junte militaire. Le Chili dispose désormais d'un gouvernement démocratique. Il n'existe à ce jour aucun exemple similaire dans le monde des États entièrement socialistes. Je n'étais donc pas conseiller de Pinochet. Je n'étais pas conseiller du gouvernement chilien, mais je suis ravi de partager le mérite du travail extraordinaire accompli par nos étudiants sur place. 
Trebach : Je crois que vous étiez un partisan de Ronald Reagan. Friedman : Je le suis toujours, mais pas de tout ce qu'il a fait. 
Trebach : D'accord. La vraie question est – comme je le disais, je regroupais ces questions – que pensez-vous de sa guerre contre la drogue ? Je crois connaître la réponse, ou plutôt, nous la connaissons. 
 Friedman : La réponse est claire. Je pense que la guerre contre la drogue était une erreur. Il y a deux domaines dans lesquels, à mon avis, l'administration Reagan a très mal performé : la guerre contre la drogue et le commerce extérieur. Concernant ce dernier point, il a malheureusement jeté les bases d'une politique protectionniste en acceptant les quotas d'importation dits volontaires sur les voitures japonaises. Ce fut une erreur monumentale, contraire à tous ses principes affichés. 
 
 Comme je l'ai dit un jour à un club d'étudiants républicains de Stanford, je suis un libertarien (avec un petit « l ») et un républicain (avec un grand R). Et je suis républicain (avec un grand R) par opportunisme, non par conviction. Je crois qu'il est plus utile d'influencer le Parti républicain qu'en rejoignant le Parti libertarien, même si j'ai une grande sympathie pour ce dernier. Je pense qu'il est très souhaitable qu'il réussisse. 
 
Ronald Reagan était un homme de principes. Il est le premier président de ma vie à avoir été élu parce que le peuple avait fini par adhérer à ses idées, et non parce qu'il se fiait aux sondages et disait ce que les gens voulaient entendre. Il tenait exactement le même discours en 1980, lors de sa nomination, qu'en 1964, lorsqu'il avait soutenu M. Goldwater. Ce qui a changé, ce n'est pas son discours, mais la perception qu'avait acquise l'opinion publique. Son principe fondamental – que l'État est trop gros, que l'État est un problème – est juste. Malheureusement, la guerre contre la drogue était incompatible avec ce principe et il n'aurait pas dû s'en écarter en la soutenant.
 
Je peux vous dire que je n'hésiterais pas à dire la même chose à Ronald Reagan. Vous savez, on se fait beaucoup d'idées fausses sur M. Reagan. On pense qu'il n'écoute que ce qu'il veut entendre, mais c'est faux. 
 
Trebach : Il y a plusieurs questions à ce sujet. Compte tenu du fait que les États-Unis sont objectivement inférieurs aux pays de la CEE selon tous les critères – c'est-à-dire les pays européens qui mesurent la qualité de vie – et du fait que chaque pays de la CEE est socialiste, comment peut-on défendre le capitalisme du laissez-faire, ou, comme on dit, le capitalisme de marché libre et sans scrupules, comme une voie vers une vie meilleure pour les Américains ? 
Friedman : Je comprends. Eh bien, je suis ravi que vous ayez des socialistes dans cette organisation. Trebach : Nous en avons quelques-uns. 
Friedman : Quand je vous parle de légalisation du dindon de la drogue, je m'adresse à des convaincus. Mais quand je vous parle de socialisme, je ne m'adresse pas à des convaincus, je suis donc plus utile. Tout d'abord, je ne partage pas l'avis exprimé dans cette remarque. Je ne crois pas que les pays de la CEE offrent une meilleure qualité de vie en général. La principale différence entre les pays de la CEE et les États-Unis réside dans la diversité de leur population : les États-Unis sont un pays beaucoup plus diversifié, tandis que la plupart des pays de la CEE ont des populations relativement homogènes. Dans la plupart des cas, la présence de quelques immigrés y est source de nombreux problèmes. Vous ne trouverez pas un Turc en Allemagne ni un Marocain en France qui soutiendra que la vie est meilleure dans les pays de la CEE qu'aux États-Unis, alors que nous, aux États-Unis, bénéficions d'une bien plus grande diversité et avons toujours été beaucoup plus ouverts et accueillants. Ensuite, lorsqu'il s'agit de mesurer le degré de socialisme, la différence entre ces pays et les nôtres est minime. La principale différence tient au fait que certains de ces pays comptent davantage d'entreprises publiques. Voilà la principale différence. Notre seule entreprise publique est la Poste. Par ailleurs, notre gouvernement a considérablement étendu son influence, principalement par le biais de réglementations, de règles et de mesures restrictives. Et dans ce cas précis, bien plus que la plupart des pays européens. Sur une question très étroitement liée à celle des médicaments, notre Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) est une institution bien plus restrictive et socialiste que ses homologues en Angleterre et dans d'autres pays, comme en témoignent les délais d'autorisation de mise sur le marché des médicaments. En général, l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament aux États-Unis prend beaucoup plus de temps qu'en Grande-Bretagne, au Canada ou en Allemagne. C'est d'ailleurs un autre exemple où ce qui est censé sauver des vies en tue bien plus qu'il n'en sauve : notre FDA, dont je suis favorable à la suppression. Je ne suis donc pas d'accord pour dire que ces pays sont beaucoup plus socialistes. Mon point de vue est tout autre, et je vais me référer à Adam Smith à ce sujet. 
Trebach : Bonne idée.
Friedman : Lorsque Cornwallis fut vaincu à Yorktown pendant la guerre d'Indépendance, un jeune homme vint trouver Adam Smith et lui dit que cela allait ruiner la Grande-Bretagne. Adam Smith lui répondit : « Jeune homme, une nation est souvent vouée à la ruine. » Que veux-je dire par là ? Je veux dire que nous avons, en réalité, le niveau de vie le plus élevé au monde. Un membre du public : Pour une minorité. Friedman : Pas pour une minorité, mais pour la majorité. Je vous prie de m'excuser. Nous avons une répartition des revenus plus égalitaire, en général, que dans la plupart des pays dont vous parlez. La répartition des revenus… [Des membres du public font des remarques inaudibles] Excusez-moi, je n'ai pas tout entendu. 
Trebach : Excusez-moi. Pourriez-vous poser vos questions plus haut ? Le micro ne capte pas le bruit, alors calmez-vous, s'il vous plaît. 
Friedman : Quelqu'un a crié : « Pour une minorité, pas pour la majorité ! » Il est vrai que quelques-uns ont des revenus extrêmement élevés. Ils sont même trop nombreux. Mais lorsque je parle de niveau de vie, je parle de celui de la grande majorité des Américains. Les inégalités de revenus existent partout. Elles sont bien plus marquées dans les pays socialistes que dans les pays capitalistes. Si l'on compare le niveau de vie des plus riches et celui des plus pauvres, l'écart était beaucoup plus important, par exemple, dans l'Union soviétique avant son effondrement qu'aux États-Unis. La question de la répartition des revenus est un sujet très sérieux et important, et il est essentiel d'en débattre ; je ne dis pas le contraire. Mais je pense que mon affirmation est juste pour la grande majorité des Américains. La preuve est simple. Comment les gens votent-ils le mieux ? Par leurs déplacements. Où cherchent-ils à immigrer ? Certains tentent de s'installer dans les pays européens. En particulier, les ressortissants des anciens pays communistes cherchent à s'installer dans les pays d'Europe occidentale moins socialistes. Mais en ce qui concerne les États-Unis, des gens du monde entier cherchent à immigrer ici. Ils ne viennent pas ici pour être malheureux. Ils ne viennent pas ici pour être exploités. Et on ne peut pas dire qu'ils sont tous naïfs ; ils savent à quoi s'attendre. Je rejette donc l'idée que ce pays soit un endroit où une minorité exploite la majorité, un argument classique des marxistes. Eh bien, je suis heureux de constater qu'il y a aussi quelques non-socialistes ici. 
Trebach : Les applaudissements montrent clairement que la Drug Policy Foundation rassemble des opinions très diverses sur toutes sortes de sujets. 
Friedman : Et c'est bien normal. 
Trebach : Merci. Ce sera peut-être la dernière question, monsieur. Il y en a eu plusieurs de ce genre. Envisageant l'avenir, dans un marché de détail de drogues relégalisées, que pensez-vous des suggestions qui ont été faites quant à la manière de modéliser ces réformes ? Par exemple, Lester Grinspoon, de Harvard, membre de notre conseil d'administration, a proposé une taxe sur la nocivité, basée sur la nocivité relative des drogues. Le sénateur Galiber, du Sénat de l'État de New York, présent ici, a déposé une proposition de loi visant à légaliser toutes les drogues illégales, mais à les réglementer comme l'alcool. Ils ont repris exactement le modèle de l'alcool. Par exemple, la drogue serait accessible uniquement aux adultes ; les points de vente seraient interdits à proximité des écoles, etc. Quelles sont vos perspectives d'avenir ? 
Friedman : Il n'y a absolument aucune chance, ni à court ni à long terme, d'obtenir ce que je souhaite vraiment : un marché libre. Pour commencer, je crois qu'il faut traiter les drogues, actuellement illégales, exactement comme on traite l'alcool et le tabac. Non pas parce que c'est la meilleure solution, ni parce que c'est l'idéal, mais parce que c'est un système connu et en vigueur. Cela implique, en un certain sens, le moindre changement, de sorte que la loi que vous avez décrite par le sénateur Galiber me semble aller dans la bonne direction à suivre – direction au sens d'un compromis pratique, et non d'un principe ultime.
Milton Friedman 
Extrait de : Friedman & Szasz on Liberty and Drugs, ouvrage édité et préfacé par Arnold S. Trebach et Kevin B. Zeese. Washington, D.C. : The Drug Policy Foundation, 1992. Chapitre sept Ce chapitre est adapté du discours d’ouverture prononcé par le professeur Friedman lors de la Cinquième Conférence internationale sur la réforme des politiques en matière de drogues, qui s’est tenue à Washington, D.C., le 16 novembre 1991.

 

https://www.wikiberal.org/wiki/Drogues
 

 
 

 

 

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