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novembre 23, 2025

Les entretiens avec Stéphane Geyres...!

Ce prophète de la liberté a un message à vous faire passer. (Entretien avec Stéphane Geyres)

Dans un paysage politique dominé par les variantes d'étatismes, je suis allé à la rencontre d'une personne qui a étudié un système alternatif nécessitant la sortie de la démocratie.


Bonjour Stéphane Geyres,
Vous avez un point de vue libertarien, vous estimez que l’on doit sortir de la démocratie, supprimer l’État au profit d’une société de contrats, d’entreprises et de propriété privée et avec un rapport aux autres qui fonctionne sur le “consentement libre” et la “non-agression”. Vous cherchez à diffuser ces idées depuis plusieurs années.
1. Est-ce bien résumé ?


Bonjour à Vous, et merci pour cette proposition d’entretien. Je suis heureux qu’un média s’affichant “L’humain” trouve un intérêt humain au libertarianisme, qui selon moi en est la meilleure expression philosophique. Oui, c’est assez bien résumé, merci et bravo pour la synthèse. En effet, Libéralie est une société où absolument toute l’organisation sociale repose sur le libre consentement de chacun, matérialisé par des contrats et des entreprises en pleine concurrence.

Il y a cependant trois mots dans votre résumé que je souhaite reprendre. «Point de vue» : Les libertariens font une différence nette entre théorie et opinion, ou ‘point de vue’. La doctrine libertarienne ne repose en rien sur une opinion, mais sur des certitudes fondamentales. Le Droit naturel est prouvé – je dis bien prouvé, comme en maths – la théorie économique autrichienne l’est tout autant. Ces certitudes, mises en musique sociale, permettent alors la pleine libre expression des opinions ou préférences sociales de chacun.

Aucune autre doctrine politique ne permet cette articulation. «l’on doit» : Je n’impose rien à personne. Mais en effet, quiconque souhaite vraiment la Liberté n’a pas d’autre choix logique que de se débarrasser de tout monopole, donc de l’état. «supprimer» : Et pour compléter, je n’impose pas aux autres de supprimer leur cher état, mais j’exige, je revendique qu’on me laisse, qu’on nous laisse choisir de le quitter, totalement. C’est strictement légitime.

2. Aviez-vous des prédispositions sociales qui vous ont mené vers une vision libertarienne ?

Pas spécialement. Deux facteurs familiaux ont cependant pu jouer : Je suis d’une famille d’entrepreneurs et d’artisans, et j’ai grandi à l’étranger, donc loin de la propagande de l’Éducation nationale. Aussi, un événement brutal – vivre en direct et sur place l’explosion de la crise des subprimes en 2008 – m’a déclenché un besoin immense de comprendre comment on avait pu en arriver là.

Pour mieux vous répondre, je pense que nous sommes tous, absolument tous, des libertariens naturels. On naît libertarien. Être libertarien, c’est être humain, tout simplement. Et inversement. Par contre, c’est l’endoctrinement massif subi par chacun durant ses jeunes années qui finit par faire de nous des zombies étatistes – de droite comme de gauche, peu importe, la différence entre les deux est infime.

3. Dans les pays européens sociaux-démocrates, nous cherchons souvent où placer la limite à la liberté et d’ailleurs rarement, voire jamais, celle de l’égalité. De même, nous entendons les termes “ultralibéralisme” mais jamais “ultracommunisme”, “ultraétatisme”, “ultrasocialisme”,…
Est-ce à dire que les médias sous perfusion étatique jouent un rôle majeur dans notre imaginaire ?

C’est une observation très juste. Je la généraliserai : personne ou presque n’ose – car il s’agit bien d’oser – remettre en cause le socialisme, le communisme, encore moins les versions politiques du communisme issues des diverses religions, telle la sharia ou les kolkhozes. Le «Bien» serait définitivement de leur côté. Donc plus on s’en éloignerait – comme le préfixe «ultra» le suggère – plus on tendrait vers le «Mal» absolu. Il n’y a rien de naturel à cette croyance. Sauf déficients psychiques, les parents, sous toutes les latitudes, enseignent à leurs enfants des valeurs qui sont à l’inverse du communisme.

Les enfants ont un sens instinctif de la propriété privée et du développement personnel. Le rôle intemporel de tout parent est de se transformer en une route de son enfant vers la prospérité, dans la civilité et le respect d’autrui. Il faut donc bien que ce soit des acteurs sociaux, disons, qui tordent cet ordre des choses en cet imaginaire que vous évoquez à juste titre. Et ce qui importe à voir, c’est que l’état ne peut agir autrement, car sans cela, il n’aurait aucune place légitime aux yeux de l’Enfant sur son chemin vers l’Homme.

 

4. L’égalité, selon-vous, est-ce une valeur qui compte ? Est-ce seulement une conviction d’ordre privée, qui serait secondaire ou du même ordre qu’une conviction confessionnelle par exemple ?

Je vous répondrai par une pirouette que je crois significative. Dans un article sur Libéralie, et dans mon Liberté Manifeste, je propose d’adopter la «devise nationale» suivante : Liberté, Inégalité, Concurrence. C’est vous dire combien je vois une valeur dans l’égalité ! La Gauche – et la pseudo Droite ne fait que la suivre – commet, volontairement, une erreur profonde dans sa confusion entre égalité et Justice.

La Révolution est née de la volonté de détruire les privilèges, donc d’aller vers «l’égalité devant la loi». Mais l’égalité devant la loi, cela ne permettait pas de faire des lois contre les «riches» et les «exploiteurs» que Marx est venu fantasmer depuis. Il leur a donc fallu faire glisser l’égalité de la loi vers celle de la richesse, ou plutôt vers la pauvreté égale pour tous. L’égalité rime depuis avec légalité, mais c’est l’inégalité seule qui est restée légitime. Pourquoi ? Juste un exemple : si nous étions tous en situation d’égalité, pourquoi faire des échanges entre nous ? Pourquoi commercer ? Tout échange vient de l’inégalité de ses acteurs et en crée une autre. Comme valeur, l’égalité est donc celle d’un monde à la Matrix, où nous sommes tous uniformes – sauf bien sûr les élus plus égaux que les autres.

5. La liberté, vous dites, c’est elle qui a façonné la civilisation et qu’elle n’est “guère à la mode aujourd’hui”. En Europe, ou en Occident plus largement, on constate sous certains aspects un effondrement civilisationnel. Et donc on a tout un tas leaders d’opinion qui commencent à surfer sur la vague. Chacun tente d’expliquer le déclin et on en a de toutes les couleurs ! Et vous, vous dites que c’est lié à la liberté.
Quand est-ce qu’on a eu assez de liberté pour pouvoir bâtir cette civilisation ?

C’est une bonne question, merci. Dans une vidéo récente (#100) sur la chaîne «Pour ainsi dire» de mon ami Laurent, je conclus que la civilisation se fait «malgré la démocratie». Et je maintiens cette position ici. La civilisation n’est pas, n’est jamais et n’a jamais été faite par le pouvoir politique – ou religieux, qui n’en est qu’une variante – mais par les gens, par les individus. Le pouvoir, bâti sur la force arbitraire, la coercition, est le parfait contraire de la civilisation. Ce n’est pas le roi qui imposa aux gens de se respecter et de préférer le commerce à la guerre. Le roi dut respecter le commerce pour se faire accepter des gens.

Ce n’est pas un dieu quelconque qui inventa et imposa au monde les diverses formes du «Tu ne tueras point». (C. S. Lewis vous expliquerait que l’adoption du Tao est un fait universel.) Ce sont les «sages» des religions anciennes qui surent intégrer le fait universel du Droit naturel dans leurs textes – pour, ce faisant, en devenir les premiers transmetteurs. (Allez chercher par exemple chez Hermann Hesse, ‘le Jeu des Perles de Verre’, pour sa vision du transmetteur.) Les gens vivent et font donc la civilisation au jour le jour. Leur capacité à la faire positivement exploser est déterminée par le plus ou le moins d’oppression qu’ils subissent du pouvoir politique et religieux.

6. La Liberté, est-ce le seul sacré à sanctifier et dont on ne peut blasphémer ?

Je ne vois pas la Liberté comme un sacré d’ordre religieux – même si les diverses Écritures l’ont absorbée dans leurs propres sacrés. La Liberté est plutôt un sacré d’ordre logique et d’ordre naturel. Encore une fois, la Liberté est vécue spontanément par les hommes, chaque homme, tous les hommes, si «on» (les loups parmi les hommes) les laisse faire.

La Liberté est pour moi plutôt une valeur, sinon La Valeur, l’autre face de la Justice, sa sœur jumelle. Une Valeur vitale et profonde de et pour l’Humanité, qu’il s’agit d’affirmer, entretenir et transmettre, sauf à voir l’Espèce finir comme dans Matrix et ses champs d’élevage...

7. Historiquement, les révolutionnaires puis les républicains au pouvoir ont eu peur du retour à l’Ancien Régime. Aujourd’hui, les royalistes ne représentent globalement pas une menace. L’Action Française par exemple ne fait que quasiment que donner des cours d’Histoire de France.

Ensuite, il y a eu les nationaux/conservateurs/populistes. Eux ne menacent pas forcément de danger de mort, mais comme ils veulent orienter l’État, il est facile de jouer le “théâtre antifasciste”.

Par contre, j’ai l’impression que l’État français a très peur des libertariens. Il commence à les surveiller sur les réseaux sociaux. C’est très compliqué de bâillonner ceux qui prônent la liberté maximale. Le contraste est tellement visible que le récit ne fonctionnerait pas. La liberté, c’est une idée qui se vend assez bien.

C’est tout ce qu’il y a de logique que l’état nous surveille. Car il n’y a dans l’espace politique que les libertariens (j’entends par là les anarcho-capitalistes, les minarchistes ne sont pas des libertariens) pour remettre totalement en cause sa légitimité et le prétendu besoin de son existence. Toutes les autres lignes politiques ne sont que des variantes de l’étatisme, selon l’une des couleurs de l’arc-en-ciel. Même les anarchistes historiques, issus en France de la révolution de 1848, conçoivent en fait une société qui reproduit une forme d’état collectiviste, parce qu’ils ne font pas confiance au libre marché pour remplacer l’état.

L’état sait très bien qu’Etienne de la Boétie avait raison il y a déjà 500 ans, quand il le qualifiait de «colosse aux pieds d’argile». Que les gens sortent de leur hypnose, celle calquée par la propagande en continu, et la question de l’état saura aussitôt réglée. Quant à savoir si la Liberté se vend bien, je ne demande qu’à le croire. C’est bien parce que j’en suis convaincu que j’avance chaque jour. Cependant, la foule des étatistes de tous bords montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour que la vente se fasse en masse.


PARTIE II : Allons en profondeur de la théorie libertarienne

La liberté, c’est de pouvoir faire ce que l’on désire avec notre propriété privée. Ce droit se négocie entre les Hommes.
Stéphane Geyres

1. Si l’on veut situer le libertarianisme dans un temps long. Peut-on dire qu’il est issue d’autres courants de pensée ou tradition ? Aussi, pourquoi le libertarianisme est-il plus répandu aux États-Unis plutôt qu’en France ?

Je souhaite d’emblée faire référence à un livre sorti récemment aux Editions John Galt, consacré précisément à ‘Une Histoire du Libertarianisme’, par Romain Jégouic. Ce livre montre justement que les origines sont lointaines, remontant jusqu’en Chine, même si l’accélération est depuis venue de la période des Lumières – dont il ne faut pas oublier la branche germanique, l’Aufklärung.

Les thèses libertariennes sont vives en Amérique, tout simplement parce que, par tradition depuis la découverte du Continent, la Liberté demeure dans l’esprit de pionnier qui a fait son histoire et sa population. Tout à l’opposé de la France, dont le centralisme, le colbertisme, le jacobinisme, le bonapartisme marquent les esprits depuis les Bourbons, voire plus tôt. Cinq siècles de centralisme, qui ont en plus empreint le pays de mépris envers l’initiative personnelle et l’entreprise, avant même l’arrivée de Marx.

2. Le consentement, qu’apporte-t-il, pourquoi est-il si important ?
Pourquoi on devrait baser nos relations économiques et politiques sur cette notion ?

La réalité humaine fait que pour vivre, il faut se nourrir. Pour se nourrir, il faut avoir produit, ou tout au moins cueillir. La survie de l’Espèce repose sur sa capacité à produire. Le développement de l’Espèce repose sur sa capacité à surproduire, afin de pouvoir capitaliser et disposer de temps pour inventer et créer du loisir, de l’art ou des outils pour… mieux et plus produire. Il y a deux façons de produire : l’autarcie ou la division du travail. Nous sommes depuis toujours ou presque dans un monde de division du travail, qui repose sur une forme ou une autre de répartition des fruits de ce travail.

Il y a deux formes de répartition de ces fruits : l’échange libre ou la répartition par la force, càd le vol ou l’expropriation. La première forme est celle du libre consentement. Elle est aussi culturellement, profondément, intrinsèquement à l’Homme, celle de la Justice. La seconde est celle de l’esclavage et de l’injustice. Toute démarche politique qui sortirait de la stricte logique de l’échange libre – la base des relations économiques naturelles – tombe donc aussitôt dans le champ de l’esclavage. Or depuis les Lumières, si ce n’est bien avant, «on» prétend être sortis de l’esclavage...

3. Comment distingue-t-on un consentement libre d’un consentement manipulé, ou énormément manipulé (ex : secte) ? Je précise ma question, la vie quotidienne est déjà pleine de petites manipulations (ex : le papier toilette se situe souvent au fond d’un supermarché et les chips vers l’entrée et la sortie.). Étant donné que la notion de manipulation est très difficile à prouver, et que s’il y a manipulation, la personne peut être endoctrinée à croire qu’elle a été libre de son choix. Ne pourrait-il pas y avoir une création massive de la part de personnes (physiques ou morales) malintentionnées pour créer du consentement non-libre ?

C’est une question classique, mais qui en fait ne se pose pas vraiment, du moins pas en ces termes. Je suggère de visionner la vidéo chez «Pour ainsi dire», ou celle de la série AuCoeurDeLaLiberte.fr pour approfondir le sujet, qui est celui du libre arbitre. En substance, la confusion vient du manque de distinction entre ‘influence’ – un synonyme plus neutre de ‘manipulation’ – et ‘décision’. À moins de vivre en ermite isolé, il n’y a pas de vie sociale sans influence permanente des uns envers les autres, sur tous les sujets de la vie. C’est une bonne chose, car c’est ainsi que la vie économique, et donc la survie, s’organise. C’est aussi une mauvaise chose lorsque l’influence devient manipulation et propagande, bien évidemment. Mais ces considérations font partie de la vie, tout homme responsable et adulte doit avoir appris à vivre avec elles, à faire le tri entre le côté clair et le côté obscur de l’influence.

Dans tous les cas, quelles que soient les influences qui l’ont affecté, il demeure factuel, objectif, incontestablement observable qu’il finit par décider de son action. Il ne peut pas ne pas agir et il est incontestable que cette prise de décision nous semble, nous paraît libre – la seule exception, c’est lorsqu’il subit objectivement une coercition de la part d’autrui. Pourquoi est-ce incontestable ? Parce que prétendre le contester, c’est décider d’agir soi-même : on ne peut pas contester ce que l’on fait soi-même. En synthèse, l’individu est toujours, objectivement, libre de son action, donc de son consentement, sauf lorsque l’état lui impose son oppression, sa coercition.

4. Où met-on la limite entre “influence normale” et “manipulation qui rend un consentement invalide” ?

Pour voir où se trouve la frontière, il faut revenir à ce qui caractérise socialement la Liberté : On vient de le voir, il y a Liberté lorsqu’il y a libre choix. Le libre choix se matérialise dans la concurrence, réelle ou possible (légale), en toutes choses – ce qui renvoie à la devise «Liberté, Inégalité, Concurrence», plus haut. Ainsi, une entreprise, en concurrence sur son marché, peut tenter de me séduire, càd de m’influencer à acheter ses produits. Tant que la concurrence me permet de lui dire «non, merci», le libre consentement est préservé. Mais lorsque le message vient de Bercy, par exemple, ou d’un prétendu «service public» sans concurrence, tel Radio France et la foule des monopoles, où sont la Liberté de choix et le consentement ? Car ne nous y trompons pas, si un service public est en monopole, quel besoin aurait-il de nous influencer, nous séduire, puisque ses produits sont sans concurrence ? Autrement dit, la différence est facile à faire : s’il y a concurrence, on est dans la séduction, tout va bien ; s’il y a monopole, on est dans la propagande et rien ne va plus.

5. Peut-on dire que faire Sécession, c’est une façon moderne et non-barbare de faire une révolution ?

D’une certaine façon, oui, c’est une façon de le voir. Mais je pense que ce n’est pas prendre la pleine mesure du concept. Faire la révolution, c’est souvent une manifestation, une protestation comme disent les anglophones, qui tourne mal, qui passe à la violence. Mais manifester, ce n’est pas une démarche de sécession : celui qui manifeste n’agit pas dans son coin, il agit envers «les autres» et en particulier envers le pouvoir. Il fait jouer sa force politique pour obtenir quelque chose – un privilège ou la fin d’une contrainte. Il s’adresse au pouvoir en place pour obtenir plus de lui. Donc il se met implicitement en position de reconnaissance et de soumission envers le pouvoir en place. La révolution n’est donc pas une remise en cause du pouvoir politique, elle n’est qu’une secousse qui prétend lui donner une autre forme, ou d’autres oligarques. Mais ce n’est pas une rupture d’avec le système politique, encore moins une rupture pacifique. La sécession est une rupture pacifique ; sa seule revendication, c’est la reconnaissance du droit difficilement contestable à l’autodétermination. Faites comme vous voulez, mais acceptez de me laisser faire comme je veux. Faites, mais sans moi.

6. Qui veut faire sécession à part les libertariens ? Une alliance négociée avec des séparatistes est-elle possible ?

Bonne question. En effet, personne, aucun parti, que je sache, aucune ligne politique ne propose la sécession, pas même les séparatistes. Pas même le «Parti Libertarien»… Les séparatistes – ces dernières années, on pense à la Catalogne, aux Basques de l’ETA, aux Savoyards – ne vont jamais plus loin que d’ambitionner de reconstruire une démocratie – ou autre forme de dictature – sur le territoire cher à leurs cœurs. Ils n’ambitionnent que de passer d’un grand état à un état réduit en proportion de leur territoire. Ils n’ambitionnent que le pouvoir, pas la Liberté de leur «peuple». Les sécessionnistes catalans étaient mêmes de véritables rouges, aspirant à une Catalogne digne de l’héritage espagnol de la guerre civile de 1936. Pourtant, oui, je pense qu’il peut y avoir des synergies à trouver avec ces mouvements, de même que j’étais, à l’époque, un plein soutien au Brexit. Pourquoi ? Parce la sécession sera de toute manière un lent processus, dont il faut soutenir chaque étape, même les étapes laborieuses. Et parce que toute réduction du territoire d’un état contribue à deux facteurs positifs : un état plus petit en surface, c’est forcément des politiciens moins éloignés de la population, donc moins libres de prendre les décisions les plus délirantes – comme on l’observe actuellement à la lointaine Union Européenne ; et un état qui se fragmente, un pays qui en devient deux, c’est une concurrence plus forte entre les pays, c’est un contre-pouvoir plus fort contre la dictature de l’un comme de l’autre.

7. Est-ce que chaque libéralie peut définir sa propre vision du consentement libre ou de non-agression ?

Non, prise au premier degré, cette question n’a aucun sens : le consentement et la non-agression ne se définissent pas en fonction de préférences personnelles, locales ou culturelles. Un individu, quel qu’il soit, où qu’il soit, quelle que soit son époque, sa religion ou sa culture, consent, ou ne consent pas. C’est l’individu qui fait le consentement, ce n’est pas son contexte social, Ce n’est pas la société qui fait le consentement, c’est le consentement qui fait la société. Par contre, et je suppose que c’est plutôt le sens de la question, chaque Libéralie (chaque territoire libre) pourra calquer des préférences locales, culturelles et autres par-dessus le ‘NAP’ – Non-Aggression Principle, Principe de Non-Agression. Le propre du libre consentement individuel, c’est de permettre à toutes les formes de société, d’organisation sociale, de voir librement le jour.


PARTIE III : Parlons un peu de stratégie politique

Pour contextualiser pour les lecteurs, il existe plusieurs approches stratégiques qui peuvent causer des désaccords chez les libertariens.

Certains veulent faire du “rentre-dedans" en “s’infiltrant” dans les institutions démocratiques. Le but est de promouvoir le libertarianisme, de tenter de rapetisser l’État avec le pouvoir obtenu et enfin de faire autant que ce peut pour décentraliser les centres de pouvoirs en petits morceaux, par exemple territoriaux. Ce faisant, la concurrence et surtout la propriété privée pourra retrouver plus de place et les gens auront tendance à défendre la leur et l'e collectivisme/socialisme perdra de son ampleur. Dans ce contexte, les gens seront plus aptes à aller vers une société libertarienne et faire Sécession.

Après avoir essayé la politique, votre point de vue a changé. Pour une question d’efficacité, vous souhaitez plutôt changer l’opinion des gens par le biais de centres de réflexions et les médias. Vous ne voulez pas rentrer dans les règles politiques des institutions. Votre but étant de faire d’un coup seul la Sécession. Vous craignez qu’avec la stratégie du “rentre-dedans” la société reste seulement avec un État minimal, et qu’il redevienne un jour maximal.

Votre approche semble plus puritaine, ne serait-il pas plus judicieux de laisser les différentes stratégies opérer et de voir quelle est la plus efficace dans le temps long ? Peut-être que les deux stratégies vont coopérer.

Précisons que la société libertarienne n’a jamais été expérimentée à grande échelle, dans les sociétés modernes et complexes et dans un temps long. Et donc sur le papier, ça peut être séduisant, mais en pratique — dans le réel — on peut rencontrer des difficultés inattendues. Pensons notamment au ravage de la révolution communiste russe qui a plongé la tête première de la théorie à la pratique. Les marxistes avaient prévu de supprimer l’État une fois la dictature du Prolétariat établie, et d’avoir une société sans pauvre. Le réel a été autre.


1. Que diriez-vous aux sceptiques qui veulent y aller petit à petit ?

J’ai fait de nombreux écrits, des heures de vidéo sur cette question, à nouveau je renvoie donc à Liberté Manifeste ou à AuCoeurDeLaLiberte.fr pour développer ma réponse qui sera forcément trop brève. Mais en substance, en écho à votre préambule, les arguments sont de quatre ordres :

1) Entrisme (jouer le jeu politique de l’intérieur) : L’entrisme est voué à l’échec, on le sait à l’avance, et l’histoire des Thatcher de ce monde nous l’illustre. L’échec est certain pour deux raisons. L’ambition réductionniste (celle de Javier Milei, celle qui imagine réduire l’état à un «état minimal» bien inoffensif), c’est une ambition qui buttera sur la démocratie elle-même : quel est le mécanisme qui permet à une démocratie minimale de s’auto-saborder en une Libéralie ? Il n’y en a aucun, ce serait anticonstitutionnel. Libéralie est donc inaccessible via l’entrisme, seule la sécession y conduit. La seconde raison nous vient de Hans-Hermann Hoppe et son célèbre livre ‘Démocratie, le dieu qui a échoué’. Ce livre explique – je précise : il démontre, comme en maths – que la démocratie, sur le long terme, ne peut pas converger vers l’état minimal, car elle converge vers le communisme. Toujours. Le meilleur des Javier Milei pourra bien crier tous les «Afuera !» de la Terre, ses successeurs – sinon lui-même avant eux – seront politiquement obligés de suivre la demande de la masse, et la masse n’a pas d’incitation à renoncer à la redistribution de l’état-providence.

2) Sécession ou pas : De toute évidence, je n’ai pas et n’aurai jamais les moyens de réaligner tous ceux qui se disent libertariens sur la ligne sécessionniste. Ce qui ne m’empêche pas de le tenter. Il est donc évident que certains tentent et tenteront encore la voie de l’entrisme, bien malheureusement. Ce n’est pas bien grave ; dans l’absolu : ils sont autant de freins à la chute dans le trou noir communiste. En vision positive, ces gens finiront par entendre raison et rejoindre les réalistes que nous sommes. En vision négative par contre, à défendre de facto la démocratie, chacun devient le pire adversaire de la Liberté.

3) Temps long & Expérimenter : La pensée libertarienne a un gros avantage sur les autres. Son raisonnement aprioriste lui permet de décrire les phénomènes avant qu’ils se produisent. Ce n’est pas de l’arrogance, ni du fantasme, mais de la pure logique. Ainsi, les auteurs libertariens ont déjà largement écrit et décrit le mécanisme de la conservation ou de la perte de la Liberté à long terme. Et à cet égard, ce n’est certainement pas un Robert Nozick qui décrit le véritable processus. Il vaut mieux lire Frank Chodorov, ‘Essor et Chute de la Société’. En substance, il dit une chose simple : pour perdre la Liberté à terme, il faut ni plus ni moins qu’y renoncer. Sinon, rien ne peut la mettre à sa loi, et certainement pas les lois de l’économie.

4) Communisme : La comparaison avec le communisme témoigne d’une autre de ces confusions quant à la source de la doctrine libertarienne. Les communistes se trompent, parce qu’ils partent d’une fausse description du monde, d’une fausse théorie économique. Ils ne décrivent pas la réalité, donc leurs projets ne peuvent s’inscrire dans la réalité. C’est exactement le contraire s’agissant de la doctrine libertarienne. Aucune – I repeat, aucune – doctrine n’est plus solidement ancrée dans le réel de l’Homme. De ce fait, il est très rare que ce que décrivent ou annoncent les libertariens soit du pur fantasme...

2. Si une entreprise devient gigantesque… Il peut commencer à y avoir les défauts d’un État ? Si oui, à partir de quand ?

Non, comment cela serait-il possible ? Le raisonnement est simple. Dans ma Libéralie, le régalien est apporté par tout un complexe d’entreprises. Une en particulier, une compagnie d’assurance, possède une dimension internationale qui en fait un mastodonte à notre petite échelle. Bien sûr, sa tentation pourrait être grande d’en abuser. Mais la concurrence veille. Il n’y a pas de pouvoir politique pour lui accorder privilèges ou monopoles. Ainsi, quiconque se sentirait menacé par cette puissance apparente peut à tout moment simplement aller voir ailleurs et à la fois ne plus en dépendre et réduire d’autant sa puissance. Tant qu’il y a concurrence, et tant qu’il n’y a pas d’état pour forcer, imposer un monopole, la menace posée par mon assureur ne demeure qu’une hypothèse de salon... Ou un choix des clients.

PARTIE IV : Questions simples/réponses simples

1. Vous achetez du BTC ?

Non, je préfère acheter des «assets» ayant une valeur commerciale.

2. Qu’est-ce qui vous motive au quotidien ?

La curiosité, le besoin de comprendre, mes enfants, mes petits-enfants, les jeunes de ce pays, l’espoir d’une vague utilité sociale...

3. Une passion insoupçonnée ?

J’en ai deux. La première est un peu connue : le risque dans le domaine informatique et la théorie mathématique de l’informatique en général.
L’autre, ce sont les traces géologiques universelles de très anciennes civilisations, dont je suis convaincu qu’elles nous ont transmis le Droit.

4. Un livre ou une musique ?

Gödel, Escher et Bach, de Douglas Hofstadter.

„Invisible Limits“, Stratosfear, par Tangerine Dream.

 


 

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EXPRESSION: La Main Invisible/Stéphane GEYRES et le livre Libres !! 

Stéphane GEYRES et le libertarianisme 

Stéphane Geyres: Y a-t-il des obligations chez les libertariens ?

Libertariens contre Libéraux par Stéphane GEYRES 

Stéphane Geyres t-il la Liberté par principe naturel ?

Voter, pourquoi donc !! (A) Pourquoi voter - un dossier de 2012 Books - Stéphane GEYRES)

https://liberalie.substack.com/

 

 

 

 

 

 

 

Où se situe la place des libertariens ?

Où se situe la place des libertariens ?

Pour ceux qui chérissent les idéaux de liberté de pensée et de libre marché, la vie politique américaine du XXIe siècle n'a pas été particulièrement accueillante. Le conservatisme interventionniste de George W. Bush a cédé la place à un libéralisme interventionniste tout aussi interventionniste sous Barack Obama. La double crise du 11 septembre et du krach financier de 2008 a engendré deux fléaux : l'hyperdéfense sécuritaire et les plans de sauvetage interminables. La classe politique américaine s'est ralliée aux idées économiques de John Maynard Keynes, et la situation financière à court terme du pays ne paraît acceptable qu'au regard du cauchemar budgétaire à long terme que presque tout le monde anticipe. 
 
 

 
 Dès lors, où les libertariens devraient-ils se positionner et nouer des alliances au sein du célèbre quadripartisme politique (diagramme de Nolan) ? Dans cet échange, Brink Lindsey, rédacteur contributeur, affirme qu'il est temps, une fois pour toutes, de rompre l'alliance libertarienne-conservatrice qui remonte au New Deal, tout en restant sceptique face au populisme illibéral du mouvement Tea Party. En réponse, un auteur conservateur – Jonah Goldberg, rédacteur en chef de National Review Online – conteste la vision de la droite proposée par Lindsey et soutient que le seul grand parti qui s'intéresse réellement à l'économie de marché est le Parti républicain. De son côté, Matt Kibbe, président de FreedomWorks, exhorte Lindsey et ses collègues du think tank à redescendre de leur piédestal et à se réjouir du soulèvement populaire en faveur d'un gouvernement limité, le plus prometteur depuis des générations.
 
Le bien est le mal 
 
Les libertariens doivent rompre définitivement leurs liens avec les républicains et les conservateurs.
Par Brink Lindsey 
 

 
Vers la fin de l'administration Bush, l'ancienne alliance « fusionniste » entre libertariens et conservateurs sociaux semblait à bout de souffle. Après l'échec retentissant de la réforme de la sécurité sociale, le programme politique de la droite était quasiment exempt de toute influence libertarienne. Le Parti républicain sombrait dans la décadence du parti au pouvoir, marquée par une gestion budgétaire incontrôlée et un népotisme digne du K Street Project. Le mouvement conservateur dans son ensemble, quant à lui, gaspillait son énergie dans l'homophobie, l'hystérie anti-immigrés, les fantasmes d'une quatrième guerre mondiale, l'ingérence dans la tragédie de la famille Schiavo et la redéfinition du patriotisme comme un enthousiasme pour la surveillance de masse et la torture. 
 
 Cependant, l'opposition à Barack Obama et au Congrès démocrate a aujourd'hui suscité une résurgence du discours libertarien à droite, notamment lors des manifestations du « Tea Party » qui ont éclaté au cours de l'année écoulée. « Le sentiment libertarien s'est enfin banalisé », écrivait Chris Stirewalt, éditorialiste politique du Washington Examiner, journal conservateur, dans une tribune publiée en avril dernier. « Après deux guerres, une dette de 12 000 milliards de dollars, une crise financière et le président le plus déconnecté des réalités politiques de l'histoire moderne, les Américains ont peut-être enfin renoncé à un État omniprésent. »
 
Ces discours enthousiasment nombre de libertariens. Un renouveau du conservatisme partisan d'un État minimal est-il vraiment imminent ? Après la longue trahison de Bush père et fils, la droite pourrait-elle réellement renouer avec les idéaux de Goldwater et Reagan ? L'alliance fusionniste, aujourd'hui affaiblie, entre libertariens et conservateurs pourrait-elle canaliser le dégoût populaire actuel pour les excès de l'État en un nouvel élan pour une réforme en faveur d'un gouvernement limité ? 
 
En un mot, non. Sans aucun doute, les libertariens devraient se réjouir de la vive opposition suscitée par les tentatives de mainmise des Démocrates sur le pouvoir. Tout ce qui peut freiner, voire enrayer, cette dérive vers le dirigisme est une bonne chose. Rarement le moment a-t-il été plus propice de s'opposer à l'histoire et de crier « Stop !» Nous devrions donc nous réjouir qu'au moins certains conservateurs n'aient pas oublié leur arme secrète. 
 
Cependant, c'est à peu près tout ce que la droite contemporaine sait faire. Elle est capable de contenir, au moins en partie, les excès de la gauche, et heureusement. Mais un examen lucide du conservatisme dans son ensemble révèle un mouvement politique sans perspective réaliste de promotion des libertés individuelles. La droite contemporaine est si profondément influencée par ses penchants les plus illibéraux qu'ils définissent désormais ce que signifie être conservateur. 
 
Quels sont ces penchants ? 
 
Avant tout, un populisme anti-intellectuel débridé, incarné notamment par Sarah Palin et Glenn Beck. Ensuite, un nationalisme brutal, qui se manifeste par une xénophobie anti-immigrés (dont on a pu observer récemment les manifestations en Arizona) et un chauvinisme nostalgique, toujours ancré dans une ère de 1938. Enfin, moins évident aujourd'hui mais toujours tapi dans l'ombre, un dogmatisme religieux, qui s'exprime par l'homophobie, le créationnisme et des positions extrémistes sur les questions de début et de fin de vie. Le résultat combiné est une politique identitaire de droite qui se nourrit de l'opposition entre « nous » et « eux », entre « la vraie Amérique » et les côtes dominées par les libéraux, entre la foi et l'instinct et un élitisme élitiste.
 
Ce mélange toxique de réaction et de ressentiment est l'antithèse du libéralisme. L'esprit de liberté est cosmopolite. Il est attaché à la laïcité dans le discours politique, quelles que soient les convictions religieuses que l'on puisse avoir en privé. Et il défend avec sérénité la raison face au tourbillon des intérêts et des passions. L'histoire est pleine d'ironies et de surprises, mais rien ne permet rationnellement d'espérer qu'une vision aussi obscurantiste que celle de la droite contemporaine produise des résultats politiques dont les libéraux puissent se réjouir. 
 

 
Comment expliquer le fossé grandissant entre les personnes instruites et le reste de la population ? Brink Lindsey, auteur reconnu et chercheur principal à la Fondation Kauffman, avance que l’expansion économique engendre un monde de plus en plus complexe où seule une minorité, dotée des connaissances et des compétences adéquates – le « capital humain » nécessaire –, accapare la majeure partie des bénéfices économiques. La complexité de l’économie actuelle ne se contente pas d’enrichir ces élites privilégiées ; elle les rend aussi plus intelligentes. Face aux exigences intellectuelles toujours plus fortes de l’économie, les personnes qui réussissent investissent toujours plus dans l’éducation et d’autres moyens d’accroître leur capital humain, développant ainsi leurs capacités cognitives et atteignant des niveaux de réussite toujours plus élevés. Malheureusement, tandis que les riches profitent de ce cercle vertueux, les pauvres sont pris au piège d’un cercle vicieux : le manque de capital humain entraîne des ruptures familiales, le chômage, des dysfonctionnements et une érosion accrue des connaissances et des compétences. Dans ce livre numérique original, bref, clair et direct, Lindsey montre comment la croissance économique crée des niveaux sans précédent de capital humain et suggère comment les énormes avantages de ce développement peuvent être partagés au-delà de ceux qui en profitent déjà.

 
Pensée de groupe et illusions 
 
 Le conservatisme moderne a toujours eu un côté obscur illibéral. Rappelons-nous les premières grandes vagues populistes de la droite d'après-guerre – le maccarthysme et l'opposition à la déségrégation – et rappelons-nous également que William F. Buckley, fondateur de la National Review, les a défendues avec vigueur. Toute idéologie vouée à la défense des traditions ne peut que séduire aussi bien les réactionnaires que les conservateurs prudents. Depuis l'ouvrage de Buckley, *Dieu et l'Homme*, publié à Yale, l'adversaire de la droite a toujours été l'élite intellectuelle libérale du pays, et le conservatisme a toujours été vulnérable à la tentation populiste. 
 
Mais avant l'essor du contre-establishment conservateur – groupes de réflexion, radios d'opinion, sites web et Fox News –, le côté obscur de la droite était soumis à une contrainte majeure : pour être visible dans le débat public national, le conservatisme devait s'appuyer sur des figures intellectuelles dont la brillance et la finesse étaient telles que les gardiens libéraux des médias les jugeaient dignes de fréquenter leur entourage. Des personnalités comme Buckley, George Will et Milton Friedman sont ainsi devenues le visage public de l'idéologie conservatrice, tandis que les agitateurs et les théoriciens du complot étaient relégués au monde obscur des ronéotypies, des pamphlets et des livres de poche jamais critiqués. Le handicap que représentait l'hostilité des élites a ainsi conféré un avantage inattendu : il a doté le conservatisme d'une direction intellectuelle de grande qualité qui, dans une certaine mesure du moins, a été capable de freiner les instincts les plus vils du mouvement.
 
Aujourd'hui, la discipline qui consistait à mener des batailles intellectuelles sur le terrain de l'adversaire appartient au passé. Le conservatisme s'est replié sur lui-même, tel un chien dans une blague, par simple opportunisme. Il en résulte ce que Julian Sanchez, rédacteur contributeur, a qualifié de « fermeture épistémique » du mouvement. La qualité des instances dirigeantes intellectuelles de la droite – celles et ceux qui définissent l'agenda, qui déterminent ce que signifie le « vrai » conservatisme à un moment donné – a par conséquent subi un déclin brutal. Ce qui compte aujourd'hui, ce n'est plus de confronter l'autre camp par des arguments raisonnés, mais de se constituer une base de partisans fanatiques en diabolisant l'adversaire et en attisant le sentiment collectif d'indignation et de victimisation. Et ce travail est mieux accompli par des charlatans et des opportunistes que par de véritables penseurs. Rush Limbaugh, Glenn Beck, Sean Hannity, Mark Levin, Joseph Farah, Ann Coulter, Michelle Malkin : ils ornent la cathédrale du conservatisme comme autant de gargouilles. 
 
Oui, il existe encore de nombreux esprits brillants et curieux à droite, mais ils n'en sont pas les figures de proue et n'ont pas le pouvoir de décision. Au contraire, s'ils s'éloignent trop de l'idéologie conservatrice dominante, ils se retrouvent ostracisés et traités d'hérétiques et de faux républicains. Bruce Bartlett et David Frum (qui sont des amis) ne sont que deux des victimes les plus notoires de cette pensée de groupe intolérante ; tous deux ont été licenciés par des think tanks conservateurs peu après avoir exprimé haut et fort des opinions hétérodoxes. 
 
Quand les pires arrivent au pouvoir, ils font ressortir le pire chez leurs fidèles partisans. Poussée par le mélange toxique d'intolérance et d'apitoiement sur soi de la machine de propagande conservatrice, l'opinion publique à droite a sombré dans une forme d'auto-illusion fiévreuse. En témoigne le phénomène des « birthers ». Selon un sondage de Public Policy Polling, 63 % des républicains croient qu'Obama est né à l'étranger ou sont indécis. Un sondage plus récent du même institut montre que 52 % des Républicains pensent qu'ACORN a volé l'élection de 2008 à Obama grâce à des fraudes électorales, tandis que 21 % sont indécis. Cet institut de sondage est étroitement lié aux Démocrates ; il convient donc d'interpréter ces chiffres avec prudence. Mais il est indéniable que la paranoïa règne actuellement dans les milieux de droite.

Le retour du discours sur un État minimal ne signifie pas une rupture avec les convictions illibérales de la droite. Ces mêmes convictions s'expriment simplement différemment pour s'adapter à l'évolution de la conjoncture. Nous traversons une profonde récession, et les questions économiques sont toujours au premier plan en période de crise. De plus, Washington est désormais sous contrôle démocrate. Lorsque leur camp était au pouvoir, les conservateurs ont mobilisé le « nous » contre un ensemble disparate de « eux », notamment les homosexuels, les Mexicains et les « islamofascistes » et leurs alliés libéraux complaisants. Aujourd'hui, ce jeu du « nous » contre « eux » est devenu beaucoup plus simple. Barack Obama – diplômé d'Harvard, de centre-gauche, fils d'étranger, musulman présumé qui (selon Palin) « fréquente des terroristes » – rassemble tous ces « eux » détestés en une seule et même figure. S'opposer à Obama et à son programme peut sembler libertarien, mais c'est aussi le terrain idéal pour ce même vieux mélange anti-libertarien de populisme, de nationalisme et de dogmatisme. 
 
Prenons l'exemple du mouvement Tea Party, dont l'essor soudain a alimenté les débats sur une renaissance fusionniste. En avril, le New York Times a publié un sondage détaillé auprès des sympathisants du Tea Party, et les résultats sont révélateurs. Premièrement, ce mouvement est indéniablement un phénomène de droite. Parmi les personnes interrogées, 73 % se disent plutôt ou très conservatrices, 54 % se déclarent républicaines (contre seulement 5 % se disant démocrates), et 66 % affirment voter toujours ou généralement pour le candidat républicain. Interrogées sur leur opinion concernant diverses personnalités publiques, elles ont donné 59 % d'opinions favorables et 6 % d'opinions défavorables pour Glenn Beck et 66 % pour Sarah Palin (même si une majorité relative a estimé que cette dernière ne serait pas une présidente efficace). Et, résultat le plus déprimant de tout le sondage, 57 % des sympathisants du Tea Party ont exprimé une opinion favorable du président George W. Bush, partisan d'un État interventionniste, contre 58 % d'Américains dans l'ensemble qui ont donné une opinion défavorable à Bush.
 
Il n'est donc pas surprenant que les membres du Tea Party aient des opinions résolument anti-libertariennes sur de nombreux sujets. Selon un sondage du Times, 82 % d'entre eux considèrent l'immigration clandestine comme un problème très grave, et les partisans d'une réduction de l'immigration légale sont plus nombreux (42 % contre 14 %) que ceux qui souhaitent une libéralisation de l'immigration. Seuls 16 % sont favorables au mariage homosexuel (contre 39 % dans l'ensemble du pays), et 40 % s'opposent à toute reconnaissance légale des unions entre personnes de même sexe. Par ailleurs, 77 % sont favorables soit à l'interdiction pure et simple de l'avortement, soit à un durcissement des conditions d'accès à cet avortement. 
 
Mais au moins, les membres du Tea Party sont déterminés à maîtriser les dépenses publiques, n'est-ce pas ? Après tout, c'est le thème central du mouvement. Eh bien, je reste sceptique. Si l'on souhaite réellement limiter la croissance de l'État, la priorité absolue doit être la restructuration du programme Medicare, véritable gouffre financier. Pourtant, lors des débats sur la réforme de la santé, le Parti républicain a eu recours à une démagogie éhontée pour défendre le caractère inviolable de Medicare. L'objectif à court terme était de marquer des points contre l'Obamacare, mais l'effet à long terme le plus probable était de rendre les réformes nécessaires encore plus difficiles à mettre en œuvre. Et comment les membres du Tea Party, et les conservateurs en général, ont-ils réagi à cette démagogie irresponsable ? Ils sont restés de marbre. 
 

 
Dans cet épisode, je discute avec Brink Lindsey de son parcours idéologique. D'abord partisan de la philosophe controversée Ayn Rand, il a progressivement évolué vers le centre de l'échiquier politique, passant par le libéralisme et Hayek. (Rand considérait Hayek comme un gauchiste toxique et traître). Malheureusement, le libéralisme hayékien s'est montré bien peu à même d'apporter des solutions aux problèmes émergents de notre époque, notamment la dégradation culturelle, politique et environnementale. Notre conversation s'articule autour du titre du podcast de Brink, « Le Problème Permanent ». Ce titre s'inspire de l'essai de Keynes, « Perspectives économiques pour nos petits-enfants », dans lequel il esquisse les problèmes qui, selon lui, devraient surgir au début du XXIe siècle. Car, comme Keynes l'a prophétisé, nous aurons alors résolu le problème économique, et il ne nous restera plus qu'un problème permanent : comment vivre agréablement et en bonne santé. Le livre de Brink paru en 2007, « L'Âge de l'abondance », était optimiste ; il y décrivait une époque où l'humanité connaîtrait une transformation révolutionnaire avec l'avènement de la prospérité de masse. Cependant, Brink admet que le monde n'a pas évolué comme il l'avait espéré.

 
Autoritaire et impopulaire 
 
Malgré le retour de la rhétorique libertarienne, la droite actuelle est un mouvement fondamentalement illibéral et autoritaire. Elle cautionne le recours systématique à la torture. Elle défend un pouvoir présidentiel sans limites en matière de sécurité nationale. Elle excuse les violations massives des libertés civiles des Américains commises au nom de la lutte contre le terrorisme. Elle soutient des budgets militaires exorbitants, les guerres préventives et les occupations illimitées au nom de la reconstruction nationale. Elle prône des politiques d'immigration répressives. Loin d'être anti-étatique, elle glorifie et idéalise les instruments de coercition de l'État : la police et l'armée. Elle s'oppose au droit à l'avortement. Elle s'oppose au mariage pour tous. Elle flatte le créationnisme. Ce mouvement remet systématiquement en question le patriotisme de ses adversaires et colporte des théories du complot extravagantes. Si vous tenez à la liberté individuelle et à un gouvernement limité, vous ne pouvez pas le soutenir.
 
Quoi qu'il en soit, le conservatisme, sous sa forme actuelle, semble être une impasse politique. Sa rhétorique enflammée, ponctuée de cris au socialisme et de sombres allusions à une dictature imminente, aliène le centre modéré de l'opinion publique américaine, tout en galvanisant sa base militante. Or, cette base est en déclin démographique à long terme. Blancs, mariés, pratiquants, avec enfants – toutes ces catégories associées à une orientation de droite modérée – représentent une part décroissante de la population, et cette tendance devrait se poursuivre. Pour analyser l'impact des changements démographiques sur l'élection de 2008, le journaliste Ron Brownstein a étudié six groupes principaux : les Blancs diplômés de l'enseignement supérieur, les Blancs non diplômés, les Afro-Américains, les Hispaniques, les Asiatiques et les autres minorités. Si la part de l'électorat de chacun de ces groupes était restée inchangée depuis 1992, McCain aurait battu Obama de 2 points de pourcentage au lieu de perdre de 7. 
 
Parallèlement, les jeunes Américains ont fermement rejeté les valeurs sociales illibérales de la droite contemporaine. L'enquête menée en 2007 par le Pew Research Center auprès des Américains âgés de 18 à 25 ans, baptisée « Génération Next », est révélatrice. Ce sondage montre que les jeunes adultes sont nettement moins religieux et moins nationalistes que leurs aînés. Vingt pour cent d'entre eux se déclarent non religieux, contre seulement 11 % des Américains de 26 ans et plus. Ils privilégient la théorie de l'évolution au créationnisme à 63 % contre 33 %. Les partisans du mariage homosexuel sont légèrement plus nombreux que leurs opposants dans cette tranche d'âge (47 % contre 46 %), tandis que chez l'ensemble de la population, les opposants sont largement majoritaires (64 % contre 30 %). Parmi les jeunes adultes, 52 % estiment que les immigrants renforcent le pays, tandis que 38 % les considèrent comme un fardeau ; à l'inverse, les Américains de 26 ans et plus sont majoritairement hostiles à l'immigration (42 % contre 39 %). Parmi les jeunes générations, seuls 29 % estiment que « le recours à la force écrasante est le meilleur moyen de vaincre le terrorisme », tandis que 67 % pensent que « trop s'appuyer sur la force militaire engendre la haine et le terrorisme ». Cependant, chez les Américains de 26 ans et plus, les partisans d'une ligne dure l'emportent sur les modérés (49 % contre 41 %). Le populisme patriotique et religieux peut encore séduire un grand nombre d'Américains (même s'il ne représente certainement pas la majorité), mais son avenir semble sombre. 
 
Durant la Guerre froide, alors que le socialisme restait un idéal vivant et que le totalitarisme exerçait une influence prépondérante sur la scène internationale, une alliance antisocialiste entre libertariens et conservateurs sociaux pouvait se justifier. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
 
Cela signifie-t-il que je pense que les libertariens devraient s'allier à la gauche ? Non, ce serait tout aussi peu attrayant. Je crois fermement que les idées libertariennes s'expriment mieux dans le langage du libéralisme que dans celui du conservatisme. Mais il est clair que, pour l'instant et dans un avenir prévisible, la gauche n'est pas plus un refuge viable pour les libertariens que la droite. 
 
 La dure réalité est que les personnes aux sympathies libertariennes sont politiquement sans affiliation. Le mieux à faire est d'accepter ce fait et d'agir en conséquence. Cela implique de donner une nouvelle orientation au mouvement libertarien : tenter de conquérir le centre de la vie politique américaine. Si cette stratégie aboutissait, des idées résolument libertariennes façonneraient les opinions d'un électorat indécis crucial que les politiciens de gauche et de droite devraient se disputer. 
 
Ne vous y trompez pas : un recentrage donnerait naissance à un mouvement très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. Le mouvement libertarien organisé a vu le jour avec l'ambition d'offrir une alternative radicale au conservatisme et au libéralisme. Mais depuis que son principal instrument, le Parti libertarien, a sombré dans l'insignifiance dans les années 1980, le mouvement a fortement penché à droite. Malgré la conviction de certains libertariens de transcender le clivage gauche-droite, la stratégie opérationnelle du libertarianisme organisé s'apparente en réalité à un fusionnisme. 
 
 En particulier, une grande partie des talents et de l'énergie des libertariens a été consacrée à la construction d'un mouvement « libre marché » regroupant des organisations qui se concentrent presque exclusivement sur les questions économiques. Parmi ces organisations figurent des groupes de collecte de fonds comme le Club for Growth, des organisations militantes comme FreedomWorks et Americans for Prosperity, des cabinets juridiques comme l'Institute for Justice, et des think tanks étatiques comme le Mackinac Center et le Goldwater Institute. En évitant les questions sociales et de politique étrangère, le mouvement libre marché a occulté les sujets qui divisent libertariens et conservateurs et a institutionnalisé ce qu'ils semblent partager. 
 
Les auteurs se réclamant ouvertement du libertarianisme ont consacré bien plus de temps à dialoguer avec un public conservateur qu'à s'adresser aux libéraux. Ils ont davantage collaboré avec des publications de droite comme la National Review, le Washington Times et le Wall Street Journal qu'avec leurs homologues de gauche. Ils se sont régulièrement ralliés au courant conservateur de Goldwater et Reagan, malgré les profondes divergences entre ce courant et la pensée libertarienne sur de nombreux points. De plus, ils ont souvent formulé les arguments libertariens en termes conservateurs, vénérant la sagesse intemporelle des principes fondateurs américains tout en passant sous silence le fait que ces mêmes principes incluaient l'esclavage des Noirs, la sujétion des femmes et l'expropriation des terres indiennes.
 
Déclarer son indépendance vis-à-vis de la droite exigerait des changements profonds. La coopération avec la droite sur les questions de libre marché devrait s'accompagner d'une coopération équivalente avec la gauche sur les libertés individuelles, les libertés civiles et les questions de politique étrangère. Le financement des candidats politiques devrait être réservé aux personnalités dont l'engagement envers les libertés individuelles dépasse le cadre des seules questions économiques. Par les ressources qu'ils déploient, les causes qu'ils soutiennent, le langage qu'ils emploient et les personnalités politiques qu'ils appuient, les libertariens devraient affirmer que leurs divergences avec la droite sont tout aussi importantes que leurs divergences avec la gauche. 
 
La première étape, cependant, est de reconnaître le problème. À l'heure actuelle, qu'on le veuille ou non, le mouvement libertarien fait partie de la vaste conspiration de droite – une partie distincte et dissidente, certes, mais une partie tout de même. De ce fait, nos idéaux sont entachés et sapés par association. Il est temps pour les libertariens de rompre les rangs et de s'affirmer. 
 
Brink Lindsey (blindsey@cato.org), rédacteur collaborateur, est vice-président de la recherche à l'Institut Cato. 
 
 Le Centre inexistant 
Dénigrer les conservateurs ne saurait remplacer la reconnaissance du fait que seule la droite prend au sérieux le libéralisme économique. 
Par Jonah Goldberg 
 
 

Brink Lindsey est à la fois brillant et sensé. C'est en partie pour cela que j'admire tant son travail. Mais je dois dire que ces qualités font largement défaut dans son plaidoyer pour un libéralisme 2.0.
 
Dans le cadre de son projet de libéralisme 1.0, Lindsey s'efforçait de forger une nouvelle fusion entre libéraux et libertariens. L'ancienne alliance entre conservateurs et libertariens était soit mal conçue dès le départ, soit avait atteint ses limites. « Un examen honnête du dernier demi-siècle montre une bien meilleure adéquation entre les moyens libertariens et les fins progressistes », écrivait-il en décembre 2006 dans The New Republic (le magazine à qui l'on doit le terme peu harmonieux de « libéral-aristocrate », qui, hélas, est resté). Lindsey proposait « un libéralisme repensé qui intègre les principales préoccupations et idées libertariennes » et « rende possible à nouveau une politique véritablement progressiste ». 
 
 Malgré les imperfections de ce projet, je souhaitais à Lindsey bonne chance dans au moins certaines de ses entreprises. Bien que je pense que rompre le lien fusionniste avec le conservatisme serait néfaste pour les libertariens, les conservateurs et le pays, je souhaite ardemment que les libertariens parviennent à convaincre les libéraux d'être moins étatistes et moins dominateurs sur le plan culturel. De plus, son argument principal était pertinent : la richesse et la liberté engendrées par les politiques libertariennes constituent le meilleur moyen d'atteindre des objectifs « progressistes » (du moins dans son acception bienveillante du terme). 
 
Mais tout cela est désormais caduc, car dans le cadre du Libéralisme 2.0, Lindsey n'appelle pas tant à un nouveau fusionnisme « libéral-libéral » qu'à un mouvement dissident libertarien où le libertarianisme se positionne comme le « nouveau centre ». Cette nouvelle orientation est apparemment nécessaire car Lindsey a pris conscience de l'inaccessibilité du terreau progressiste à l'épanouissement du libertarianisme. Imprégné de déférence envers les planificateurs, de vénération pour l'État et d'une propension à contrôler la vie d'autrui, le libéralisme contemporain n'est, pour la plupart (mais pas entièrement), libéral que de nom. 
 
Lindsey le concède maladroitement lorsqu'il écrit : « Je crois que les idées libertariennes s'accordent mieux avec le langage du libéralisme qu'avec celui du conservatisme.» Autrement dit, les libéraux parlent beaucoup de liberté, mais leurs politiques n'ont rien à voir avec elle. Par ailleurs, Lindsey a peut-être raison de dire que le langage du conservatisme a besoin d'être revigoré par le libéralisme, mais il me semble que c'est précisément ce à quoi s'attellent les membres du Tea Party qu'il méprise tant. 
 
Nombre des hypothèses fondamentales de Lindsey concernant la relation entre conservatisme et libéralisme sont tout simplement erronées. D'abord, pourquoi le libéralisme serait-il si hostile aux valeurs culturellement conservatrices ? Le libéralisme n'est-il pas question de liberté, y compris la liberté de vivre de manière conservatrice si tel est le choix de chacun ? La laïcité en politique est une valeur parfaitement admirable et libertaire, mais l'imposition de la laïcité par l'État à la société ne l'est pas. On a l'impression, à la lecture de l'essai de Lindsey, que la plus grande menace pour la liberté dans ce pays vient des conservateurs qui imposent leur vision religieuse « obscurantiste » aux citoyens, plutôt que de l'État qui purge la société de toute religion tout en imposant des conceptions étroites de la « diversité » à chaque institution et village. Quelle vision du monde bénéficie du plus grand pouvoir étatique et corporatif en Amérique aujourd'hui : le christianisme ou – faute de mieux – le politiquement correct ? Lindsey est censé défendre la liberté, et pourtant, une grande partie de son essai, d'une virulence inhabituelle, donne l'impression qu'il a pris parti dans la guerre culturelle et qu'il estime qu'une multitude de questions politiques et de politiques publiques devraient donc être tranchées.
 
Toutes les critiques de Lindsey à l'égard de la droite et du Parti républicain ne sont pas dénuées de fondement, mais son analyse de la réalité politique est tellement empreinte de tendancielle et d'attaques ad hominem malveillantes qu'il est difficile de ne pas conclure qu'il se laisse emporter par ses émotions. Inlassablement, Lindsey s'empare des interprétations les plus commodes, négatives et souvent clichés des Tea Parties, des « birthers », de la paranoïa de droite et du défilé habituel de figures abominables (pardon : de « gargouilles ») pour étayer son argument selon lequel les libertariens doivent se désolidariser des conservateurs. Pire encore, il stigmatise la droite comme si elle n'était pas aussi coupable à gauche – et même chez les libertariens. (J'ajouterais que la répartition des « théories du complot extravagantes » est assez uniforme sur tout le spectre idéologique.) 
 
Par exemple, j'ai été particulièrement navré de le voir adhérer à cette absurdité de « clôture épistémique ». Je soutiendrais fermement qu'il se trompe tout simplement sur les faits concernant le départ de David Frum de l'American Enterprise Institute. Mais même s'il avait raison, doit-on vraiment croire que le Cato Institute est plus tolérant envers les idées hétérodoxes dans le cadre de la pensée libertarienne ? Je serais curieux de savoir combien de temps un chercheur du Cato Institute pourrait y rester après s'être prononcé en faveur, par exemple, de la médecine socialisée. Et dites-moi, lorsque ce chercheur a été limogé, Lindsey a-t-il dénoncé la « pensée de groupe intolérante » qui a conduit à cette décision ? Je n'appellerais pas cela une « fermeture épistémique », mais je ne comprends pas pourquoi Lindsey ne l'a pas fait. Quant au sort largement exagéré de Bruce Bartlett, il est au moins utile de noter que le think tank dont il a été licencié pourrait tout aussi bien être qualifié de libertarien que de conservateur. On peut difficilement considérer le National Center for Policy Analysis, partisan du libre marché, comme un bastion du conservatisme social. 
 
 L'insinuation révélatrice de Lindsey selon laquelle la position libertarienne serait de facto favorable au droit à l'avortement susciterait des objections de la part de ceux qui se définissent comme libertariens pro-vie. Plus concrètement, je pense que Lindsey se méprend sur le « libertarianisme » des électeurs américains. Même si la majorité de ceux qui se disent (à juste titre) libertariens sont favorables à la légalisation de l'avortement, il est clair que la plupart ne se soucient guère de cette question. En revanche, un grand nombre de conservateurs prêts à voter pour des libertariens y attachent une grande importance. J'ignore ce que Brink Lindsey pense de Ron et Rand Paul, mais il est évident que leur carrière politique serait au point mort s'ils n'étaient pas pro-vie. Soit leur popularité auprès des républicains conservateurs suggère que la droite n'est pas aussi hostile au libertarianisme que Lindsey le croit, soit cela signifie que les Paul ont vendu leur âme au parti de l'illibéralisme comstockien.
 
L'affirmation de Lindsey selon laquelle « l'esprit de liberté est cosmopolite » n'est pas dénuée de fondement. Cependant, les champions actuels du cosmopolitisme sont loin d'être des défenseurs de la liberté et des adeptes du libertarien cosmopolite par excellence qu'était Albert J. Nock. Il s'agit plutôt des technocrates progressistes transnationaux de Davos et de l'ONU qui, de plus en plus souvent, expriment leur mépris pour la souveraineté démocratique, car ils estiment que le peuple est incapable de gérer des problèmes tels que le changement climatique. 
 
Lindsey fait une observation tout à fait pertinente et juste : les libertariens – du moins les plus fervents – sont politiquement déracinés. Mais il convient de souligner que ce n'est pas le cas là où cela compte vraiment : en économie. 
 
 Je suis tout à fait disposé à admettre que le bilan du Parti républicain en matière de libre marché a été semé d'embûches et ponctué de déceptions et de trahisons. Mais sur le plan intellectuel, même parmi ceux que Lindsey qualifie de « gargouilles », le libéralisme économique reste largement synonyme de conservatisme économique. Le panthéon de l'économie libérale – Hayek, Friedman, Mises, Hazlitt, etc. – est tout simplement celui de l'économie conservatrice. Les préceptes économiques de Cato ne sont respectés que par un seul des grands partis politiques, et ce n'est pas le Parti démocrate. 
 
Pourtant, en pratique, Lindsey voudrait que les porte-parole et les défenseurs du libéralisme s'aliènent les conservateurs dans l'espoir de gagner ainsi en crédibilité auprès des progressistes. Il semble bien plus probable que ces derniers se contentent de relayer les attaques des libéraux contre la droite – telles qu'on les trouve dans l'essai de Lindsey – tout en continuant d'ignorer les arguments libéralistes en matière d'économie et dans d'autres domaines clés des politiques publiques. Les écologistes de gauche ne se rallieront pas soudainement au droit de propriété parce que les libéraux vilipendent la droite chrétienne. Mais la droite chrétienne risque fort de cesser d'écouter les libertariens si tous se mettaient à parler comme Lindsey le fait ici. 
 

Jonah Goldberg, l'un des commentateurs politiques les plus influents des États-Unis, est le cofondateur et rédacteur en chef de The Dispatch et ancien rédacteur en chef adjoint de National Review. En tant que conférencier, il aide son public à appréhender l'essence même de la politique en analysant les fondements des idéologies libérales et conservatrices, les politiques économiques et l'évolution du rôle des médias contemporains. Il s'entretiendra avec Nancy Gibbs, directrice du Centre Shorenstein sur les médias, la politique et les politiques publiques de l'Université Harvard, lors de la huitième semaine d'un cycle de conférences consacré à la définition et à l'exercice du courage dans la complexité du monde polarisé d'aujourd'hui. Membre du National Review Institute et de l'American Enterprise Institute, Jonah Goldberg est l'auteur de trois best-sellers du New York Times : *Liberal Fascism: The Secret History of the American Left from Mussolini to the Politics of Meaning* ; *The Tyranny of Clichés: How Liberals Cheat in the War of Ideas* ; et, plus récemment, « Le suicide de l’Occident : comment la renaissance du tribalisme, du populisme, du nationalisme et des politiques identitaires détruit la démocratie américaine ». Chroniqueur diffusé à l’échelle nationale, Jonah Goldberg est également chroniqueur hebdomadaire pour le Los Angeles Times et anime le podcast populaire « The Remnant with Jonah Goldberg ». Nancy Gibbs est directrice du Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy et professeure titulaire de la chaire Edward R. Murrow de presse, politique et politiques publiques à l’université Harvard ; elle a également été rédactrice en chef du magazine Time.

 
 
Enfin, ce discours visant à transformer le libertarianisme en centrisme est certes intrigant, mais non moins absurde. En clair, les centristes ne sont pas libertariens et les libertariens ne sont pas centristes. Mettre fin à la guerre contre la drogue est au cœur du libertarianisme contemporain (et constitue depuis longtemps la position officielle de la « négligente » National Review, soit dit en passant). Mais comment Lindsey compte-t-il rendre cette position centriste ? Comment peut-il rendre centriste une politique d'immigration prônant l'ouverture des frontières ? La privatisation de la sécurité sociale ? Un système de santé basé sur le libre marché ? Je sais que Cato a beaucoup investi pour défendre une position contraire, mais la réalité est que les centristes, comme presque tout le monde, ont des opinions libertariennes sur certains sujets et pas sur d'autres. Et nombre d'opinions libertariennes ne sont tout simplement pas centristes. Qu’on le veuille ou non, aux États-Unis, plus on est libertarien sur la plupart des questions économiques, plus on est considéré comme « de droite ». Point final. (Mais il n’est pas toujours vrai qu’être libertarien sur les questions sociales vous classe à gauche. Les progressistes soutiennent les codes de conduite en matière de liberté d’expression, les quotas raciaux, l’ingérence de l’État dans la liberté d’association, etc.)
 
Si l'on remplace tous les propos de Lindsey sur le « centrisme » par « popularité », son argument devient beaucoup plus clair. En clair, Lindsey souhaite que le libéralisme pur et dur devienne populaire. Moi aussi ! Mais aucune manipulation des sondages, aucun jeu de mots, aucune rupture des relations ne rendra cette philosophie véritablement populaire, et encore moins le nouveau pivot de notre système bipartite. Ce n'est pas un argument, c'est un vœu pieux. 
 
Son affirmation selon laquelle la droite est en déclin relève également du vœu pieux. Non seulement c'est faux du point de vue de l'opinion publique (à l'heure où j'écris ces lignes, les sondages montrent que les femmes, les indépendants, etc., se tournent à nouveau vers le Parti républicain), mais c'est également faux du point de vue politique. Si les conservateurs ont insisté sur leurs politiques « illibérales » concernant des questions telles que la sécurité nationale et l'avortement, c'est notamment parce qu'elles sont populaires (voire, oserais-je dire, centristes). Lindsey ne fournit nulle part la preuve que le soutien aux tribunaux militaires, par exemple, est impopulaire, car il en est incapable. L'administration Obama l'a appris à ses dépens. De fait, les deux partis ont mis l'accent sur leurs positions les plus intolérantes ces dernières années. Néanmoins, je conteste toujours que le Parti républicain soit moins libertarien aujourd'hui qu'il ne l'était, par exemple, au début du premier mandat de Bush, lorsque le « conservatisme compassionnel », qui dénigrait les libertariens, était en vogue. 
 
 J'aurais souhaité que Lindsey consacre moins de temps à dénigrer les conservateurs et à imiter les commentateurs du New York Times, et davantage à l'argument philosophique qui sous-tend le libéralisme 2.0. C'est un sujet passionnant, source de nombreux points d'accord et de désaccord. Personnellement, je pense qu'il se trompe dans son approche de la religion et du conservatisme social. Dès la fondation des États-Unis, la religion a été un puissant moteur de liberté. Notre ordre constitutionnel repose sur la conviction que notre Créateur nous a conféré certains droits. Les mouvements abolitionniste et de défense des droits civiques étaient tous deux de nature religieuse. 
 
Quant au conservatisme social, je pense que la meilleure façon de répondre au mépris que Lindsey lui porte est de rechercher une solution plus plausible et fondée sur des principes aux problèmes qui affectent à la fois le libéralisme et le pays : le fédéralisme. Comme le savait Thomas Jefferson, les grandes villes seront toujours cosmopolites. Mais rien ne justifie d’imposer une définition restrictive du cosmopolitisme à l’ensemble du pays. Les conservateurs sociaux et les libéraux libertariens – ainsi que certains progressistes pragmatiques – devraient pouvoir trouver un terrain d’entente dans une campagne qui permette aux gens de vivre comme ils l’entendent, au sein de communautés qui reflètent leurs valeurs. Mais ceci est un sujet pour un autre jour, et, espérons-le, pour le libéralisme 3.0.
 
Jonah Goldberg (JonahNRO@gmail.com) est rédacteur en chef de National Review Online et chercheur invité à l'American Enterprise Institute. Il est l'auteur de *Liberal Fascism: The Secret History of the American Left from Mussolini to the Politics of Meaning* (Doubleday). 
 
Prenez votre thé ! 
 
Comment ne pas se réjouir de l'émergence spontanée d'un mouvement décentralisé visant à réduire l'influence de l'État ? 
 Par Matt Kibbe 
 

 
Je me demande bien sur quelle planète Brink Lindsey a vécu ces 18 derniers mois. Ses diatribes contre les hommes et les femmes de bonne volonté qui composent le mouvement Tea Party – méprisant totalement leur travail essentiel contre un système politique bien ancré – semblent totalement déconnectées de la réalité. Cette révolte populaire massive contre l'État est la plus grande opportunité que les partisans d'un État limité aient connue depuis des générations, et pourtant, des intellectuels libertariens comme Lindsey semblent se contenter de rester à l'écart et de critiquer. Pendant que le Tea Party met en place une infrastructure flambant neuve pour accueillir une vaste communauté organisée pour défendre la liberté individuelle et un gouvernement aux pouvoirs constitutionnels limités, Lindsey préfère chipoter sur la palette de couleurs des carreaux des toilettes des invités. 
 
 Son attitude est, hélas, bien trop banale. Lindsey observe le monde depuis le point de vue privilégié de quelqu'un perché dans une tour d'ivoire parfaitement calibrée et climatisée. De là-haut, il lui est impossible de voir ce qui se passe réellement sur le terrain.
 
Confondant allègrement les termes « conservateur », « républicain » et « Tea Party », Lindsey s'inspire largement de la caricature gauchiste des extrémistes pour s'attaquer à un homme de paille après l'autre. Il a complètement raté son coup, mais je me permets quelques observations du point de vue de quelqu'un qui, au sein de FreedomWorks, collabore avec le mouvement Tea Party depuis ses débuts. 
 
Lindsey reconnaît une certaine valeur à notre opposition à un système de santé public, admettant qu'« au moins certains conservateurs n'ont pas oublié leur stratégie phare » : l'opposition loyale à l'expansion débridée de l'État par les démocrates. Mais où était-il lorsque ce mouvement est né d'un profond dégoût pour les dépenses républicaines, pour la corruption des crédits affectés au financement des campagnes électorales, et surtout pour l'opposition au plan de sauvetage TARP ? Ce qu'on appelle aujourd'hui le Tea Party s'est forgé lors du premier plan de sauvetage, lorsque des citoyens en colère ont fait capoter la première proposition de TARP à la Chambre des représentants en s'opposant farouchement à un président républicain. Nous aurions tous eu besoin de plus de soutien à l'époque, avant que la loi ne devienne loi, pour nous opposer à l'expansion la plus scandaleuse du pouvoir gouvernemental de mon vivant. Ce mal est fait. Au moment crucial, nombre d'intellectuels des think tanks sont restés quasiment muets. 
 
Lindsey affirme que le véritable libertarianisme est bien plus « cosmopolite » que les agitateurs qu'il croise dans la rue. Cela ressemble étrangement à un certain président que je pourrais nommer, un homme qui souhaite que l'Amérique ressemble davantage à l'Europe. Lindsey ridiculise même ceux d'entre nous qui vénèrent « la sagesse intemporelle des principes fondateurs de l'Amérique ». Pour ma part, j'espère que nous maintiendrons notre différence avec l'Europe en continuant de vivre selon les principes radicaux des droits individuels et des limites du pouvoir collectif. Est-ce un lieu commun ? Si c'est le cas, je tiens cette banalité d'un certain Howard Roark : « Notre pays, le plus noble de toute l'histoire de l'humanité, était fondé sur le principe de l'individualisme, le principe des droits inaliénables de l'homme. C'était un pays où l'homme était libre de rechercher son propre bonheur, de gagner et de produire, de ne pas renoncer à ses droits ; de prospérer, de ne pas mourir de faim ; de réussir, de ne pas piller ; de considérer comme son bien le plus précieux, la conscience de sa propre valeur, et comme sa plus haute vertu, le respect de soi.» 
 
Traitez-moi de provincial, mais j'ai toujours adoré ce discours. J'imagine que les personnages de fiction ne sont pas de véritables chefs intellectuels.
 
Mais qui sont-ils, au juste ? Pratiquant un conservatisme au sens le plus extrême du terme, Lindsey regrette l'époque d'avant Internet et les radios d'opinion, où les oligarques des médias et la télévision financée par les contribuables contraignaient la droite à s'appuyer sur une poignée de « champions intellectuels » à la « brillance exceptionnelle », masquant ainsi l'indécence des masses populaires. 
 
Aujourd'hui, s'inquiète Lindsey, les intellectuels sérieux « n'ont plus le pouvoir de décision ». Les meilleurs d'entre eux, comme ses amis Bruce Bartlett et David Frum, ont été écartés par les tenants d'une « pensée unique intolérante ». Bartlett, ancien membre de l'administration Reagan, jouit d'une grande popularité ces temps-ci à la Maison-Blanche et à gauche grâce à son soutien affirmé à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qu'il justifie par le fait que « les États-Unis ont besoin d'une machine à cash » pour financer les dépenses d'un État tentaculaire. Frum, ancien rédacteur de discours du président George W. Bush, était particulièrement indigné par la récente défaite du sénateur conservateur Robert Bennett (R-Utah), pourtant « parfaitement intègre », face aux hordes du Tea Party. Anticipant la défaite de Bennett, les délégués républicains de l'État, pour la plupart novices en politique, scandaient « TARP, TARP, TARP ! » depuis l'hémicycle. Le sénateur, désormais en fin de mandat, avait voté sans ambages pour le sauvetage de Wall Street, défendu avec véhémence la pratique des crédits affectés au Sénat et présenté une réforme de la santé obligeant tous les Américains à souscrire une assurance maladie agréée par l'État. 
 
Il est peut-être intolérant de le dire, mais ce sont là des idées politiques intolérables, et le mouvement Tea Party ne les tolère pas. 
 
 Ici, sur la terre ferme, la situation est bien différente de ce que Lindsey déteste tant. À mon sens, le mouvement Tea Party est un magnifique chaos, ou, comme dirait F.A. Hayek, un ordre spontané. Notre mouvement est un mouvement citoyen décentralisé et sans chef, composé de personnes qui croient en la liberté, en la responsabilité de l'État dans ses dépenses et en la spécificité de notre république constitutionnelle. Partis de leurs foyers et de leurs tables de cuisine, ils se sont auto-organisés pour former une force de contrepoids puissante à la collusion complaisante entre opportunisme politique, État omniprésent et intérêts particuliers. 
 

 
Dans cet épisode, Sal, Adam et Justin s'entretiennent avec Matt Kibbe. Matt est le président et principal organisateur communautaire de Free the People, une organisation à but non lucratif qui promeut les idéaux libertariens. La conversation aborde des sujets variés tels que le CrossFit, l'économie des petits boulots, les inégalités salariales, les cryptomonnaies, la liberté et bien plus encore. Attention, cet épisode n'est PAS consacré au fitness ! lol
 
 L'un des avantages de ce monde décentralisé est que les citoyens ne dépendent plus des institutions traditionnelles comme le Congrès, les chaînes de télévision, ni même les groupes de réflexion pour s'informer et trouver des idées pertinentes. À l'instar du mouvement Tea Party, l'accès à l'information est totalement décentralisé grâce à l'infinité de sources en ligne. Comme le processus de découverte qui détermine les prix sur les marchés libres, ces réseaux informels exploitent ce que le philosophe Michael Polanyi appelait la « connaissance personnelle ». Blogueurs et militants citoyens sur Internet rassemblent désormais ces bribes de savoir et servent de plateforme d'échange pour vérifier la véracité des faits et la pertinence des idées.
 
Les membres du Tea Party lisent-ils ? Absolument, et avec une rigueur et une discipline à la hauteur du changement de paradigme qui s'opère au sein de la population, la détournant d'un conservatisme partisan d'un État omniprésent. Le 12 septembre 2009, une femme qui manifestait à Washington avait déployé une immense banderole blanche, presque aussi grande qu'elle, par-dessus les barrières de sécurité. On pouvait y lire, en quelques mots : « Lisez Thomas Sowell ». Ils écoutent Glenn Beck et étudient Saul Alinsky. Ils lisent aussi Rand, Friedman et Mises. Ils lisent même la Constitution des États-Unis, aussi intemporelle soit-elle, au risque de s'attirer les foudres de leurs supérieurs cosmopolites. 
 
 Le mouvement du Tea Party, s'il perdure, a le potentiel de libérer l'Amérique d'un système bien ancré, composé de dépensiers, de carriéristes politiques et d'entreprises rentières. Les valeurs qui nous animent tous – moins d'impôts, moins d'État et plus de liberté – constituent un vaste socle philosophique au cœur même de la vie politique américaine. 
 
Brink, venez donc nous rejoindre. Vous risquez de vous salir les mains, mais les sympathisants du Tea Party ont vraiment besoin de votre aide. 
 
Matt Kibbe (mkibbe@freedomworks.org) est président de FreedomWorks et co-auteur, avec Dick Armey, de « Donnez-nous la liberté : un manifeste du Tea Party », à paraître chez HarperCollins en août.
 

Fusionnisme

Le fusionnisme est un terme politique américain utilisé pour désigner la « fusion » entre conservateurs classiques et libertariens dans le mouvement conservateur. On parle parfois également de libertarianisme conservateur. C'est Frank S. Meyer, un auteur conservateur américain, qui en est le père.

C'est une notion qui fait débat chez les conservateurs et les libertariens, entre ceux qui considèrent que l'ancrage naturel des libertariens est avec les conservateurs, et ceux qui considèrent que les libertariens devraient en être totalement indépendants. Il est certain qu'il existe plusieurs points qui les distancient. Par exemple, les libertariens accordent la primauté à la liberté, tandis que les conservateurs se préoccupent d'abord de l'ordre social.

Le conservateur traditionnel Russell Kirk (1984)[1] était opposé à la fusion avec le libertarianisme. Il considérait que les conservateurs américains devaient se dissocier complètement du mouvement libertarien qu'il appelait, sans affection, « l'aigre résidu » ou « la petite secte couinante » (chirping sect). Pour lui, l'alliance avec l'égoïsme doctrinaire serait absurde et préjudiciable. Toute coopération serait politiquement sans valeur. Elle discréditerait les conservateurs et apporterait un soutien aux collectivistes adversaires de la liberté ordonnée. Il ne voit pas d'association ou de synthèse avant le jour dernier venu. Il déclare que le mouvement conservateur est l'art du possible et que ses membres s'en contentent au lieu de rechercher vainement l'utopie de la société prônée par les libertariens. Il invite donc tous les libertariens intelligents, non pas à fusionner mais à rejoindre leur rang. Il conclut son attaque sur Murray Rothbard, en insinuant sa faiblesse intellectuelle par la prédiction qu'il restera pour l'éternité isolé et le dernier des libertariens.

Russell Kirk prétend que les libertariens sont des marxistes déguisés car, selon lui, ils nieraient l'existence d'un ordre moral transcendant, ce qui les confinerait au matérialisme dialectique de Karl Marx. Il est aussi convaincu aussi que les libertariens estiment que le lien social ne peut s'effectuer que par des échanges économiques alors qu'il prétend que chez les conservateurs il existe une communauté d'âmes scellée par l'amitié et l'amour. 

Citations

  • La philosophie fusionniste de Meyer repose sur certains points cardinaux, le plus fondamental étant que la liberté est nécessaire à la vertu, et qu'un acte ou un comportement qui résulte de la contrainte, de la coercition ou de l'accoutumance ne peut être vertueux. En conséquence, il soutient que la liberté individuelle est « la finalité centrale et première de la société politique », dont la réalisation est, réciproquement, le critère qui permet de mesurer la justesse de l'ordre social et politique. (George W. Carey, FUSIONISM, The Encyclopedia of Libertarianism)

Notes et références

  1. Russell Kirk, 1984, "Libertarians as Chirping Sectaries", In: George Carey, dir., "Freedom and Virtue: The Conservative/Libertarian Debate", Lanham, MD: University Press of America, pp113-124

Publications

Voir aussi

 https://www.wikiberal.org/wiki/Fusionnisme

 

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