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novembre 30, 2025

L' anarcho-individualiste de Ralph Waldo Emerson

Emersonian Individualism

Ralph Waldo Emerson (1803–1882) 
 
Ralph Waldo Emerson est une figure politique insaisissable. À tel point que des penseurs de divers courants et aux agendas variés se sont approprié ses idées pour justifier diverses actions. Harold Bloom a écrit : « Aux États-Unis, on trouve encore des Emersoniens de gauche (le post-pragmatiste Richard Rorty) et de droite (une nuée de républicains libertariens qui vénèrent le président Bush fils). »[1] Passons sur l’ignorance de Bloom quant aux mouvements et symboles politiques – des libertariens qui vénèrent le président Bush, vraiment ? – et concentrons-nous plutôt sur son observation : l’influence d’Emerson est manifeste chez de nombreux penseurs et dans de nombreuses causes contemporaines. 
 

 
 Bloom a raison d'affirmer que « ce qui importe le plus chez Emerson, c'est qu'il est le théologien de la religion américaine de l'autonomie »[2]. De fait, l'essai « Self-Reliance » demeure l'œuvre la plus citée d'Emerson, et les hommes politiques et intellectuels américains recyclent sélectivement les idées d'autonomie au service d'objectifs souvent divergents. 
 
Emerson n'emploie pas le terme « individualisme » dans « Self-Reliance », publié en 1841, alors que ce terme commençait tout juste à se répandre. Tocqueville a involontairement popularisé le concept d'« individualisme » avec la publication de De la démocratie en Amérique. Il utilisait un terme français sans équivalent en anglais. Les traducteurs de Tocqueville ont eu beaucoup de mal à comprendre ce terme français, car sa signification n'était pas présente dans le lexique anglais. La première mention de l’« individualisme » par Emerson ne date que de 1843. 
 
Il est toutefois clair que sa conception de l’autonomie était liée à ce qui sera plus tard appelé « individualisme ». Cet individualisme était si radical chez Emerson qu’il frôlait l’autodéification. Seule la volonté personnelle permettait, selon lui, de réaliser la majesté de Dieu. La nature était pour Emerson l’écriture divine, et seuls ceux qui possédaient une sensibilité poétique – ceux qui avaient le désir et la capacité de « lire » la nature – pouvaient en comprendre les enseignements universels et divins.
 
Lacs, ruisseaux, prairies, forêts – ces phénomènes, parmi d'autres, étaient, selon Emerson, sources de plaisir et d'unité mentale et spirituelle. Ils permettaient de ne faire qu'un avec Dieu, pourvu que l'on possède ou puisse acquérir une « vision transparente ». « Au final, rien n'est sacré », disait Emerson, « si ce n'est l'intégrité de son propre esprit. » Car l'intellect transforme les formes et les apparences en intuitions spirituelles. 
 
On ne peut juger Emerson uniquement sur la base de ses actes. Il n'a pas toujours semblé autonome ni individualiste. Ses opinions politiques, dans la mesure où elles sont connues, ne sauraient être qualifiées de libertariennes. Il est préférable de le juger sur la base de ses écrits, que l'on pourrait qualifier de libertariens, même s'ils confèrent à l'individualisme une religiosité susceptible de déranger. 
 
 
 
Dans « Self-Reliance », Emerson suggère que l’expression spontanée de la pensée ou du sentiment est plus conforme à la volonté personnelle, et donc au monde naturel tel qu’il est constitué par les facultés humaines, que ce qui est passivement admis ou accepté comme juste ou bon, ou que ce qui se conforme aux normes sociales. L’individualisme ou l’autonomie d’Emerson exaltait l’intuition humaine, qui précède la réflexion, et privilégiait la volonté sur l’intellect. Le sentiment et la sensation sont antérieurs à la raison, et Emerson croyait qu’ils recelaient des vérités morales plus importantes que tout ce que la cognition pouvait produire. 
 
Le transcendantalisme d’Emerson était, comme le soulignait George Santayana en 1911, une méthode propice à la mentalité américaine du XIXe siècle.[3] En tant que nation relativement jeune cherchant à se définir, l’Amérique était partagée entre deux mentalités, ou deux sources de ce que Santayana appelait la « tradition distinguée » : le calvinisme et le transcendantalisme. 
 
La tradition philosophique américaine est parvenue, d'une certaine manière, à concilier ces apparentes dualités. D'un côté, le calvinisme enseignait que le moi était mauvais, que l'homme était dépravé par nature et sauvé uniquement par la grâce de Dieu. De l'autre, le transcendantalisme enseignait que le moi était bon, que l'homme était doté de facultés créatrices capables de discerner la présence divine dans le monde. Le calviniste se méfiait des impulsions et des désirs, les considérant comme issus d'un mal intérieur. Le transcendantaliste, quant à lui, y voyait une intuition morale qui précédait les jugements infondés de la société et les conventions établies. 
 
Ces deux philosophies partageaient une conscience aiguë de la sensation et de la perception : la conviction que l'esprit humain enregistre les données extérieures de manière significative et potentiellement spirituelle. La notion calviniste de révélation limitée – selon laquelle Dieu révèle sa gloire à travers le monde naturel – alimentait la conviction des transcendantalistes que le monde naturel fournissait les instruments nécessaires à la compréhension du divin.
 
Pour Santayana, le problème était que le transcendantalisme n'était qu'une méthode, un moyen d'accéder à sa sensibilité poétique. La suite restait floue. Santayana considérait le transcendantalisme comme la bonne méthode, mais il estimait qu'Emerson ne l'utilisait pas pour nous enseigner des principes de vie pratique. Le transcendantalisme était un moyen, et non une fin en soi. 
 
Selon Santayana, Emerson « n'avait pas de système » car il se contentait d'« ouvrir les yeux sur le monde chaque matin avec une sincérité nouvelle, observant comment les choses lui apparaissaient alors, ou ce qu'elles suggéraient à son imagination spontanée »[4]. Emerson ne cherchait pas à regrouper toutes les sensations et impressions en un tout synthétique. Il ne proposait pas non plus de politique vers laquelle les sensations et les impressions devaient mener. Santayana s'abstient d'accuser Emerson de promouvoir une métaphysique du « tout est permis ». Mais il suggère néanmoins qu'Emerson n'a pas réussi à formuler un ensemble de principes. Emerson nous a plutôt légué une méthode pour parvenir à un ensemble de principes. Il nous a fourni un moyen d'y parvenir, mais pas de direction. Cette lacune – si tant est qu'il s'agisse d'une lacune – pourrait expliquer pourquoi Bloom parle du « paradoxe de l'influence d'Emerson », à savoir que « les partisans des Marches pour la Paix et les Bushiens sont tous deux les héritiers d'Emerson dans sa dialectique du pouvoir »[5]. 
 
Pour Emerson, la volonté humaine est primordiale. Elle met l'intellect en mouvement pour créer. Elle est immédiate, non médiatisée. Autrement dit, elle relève du ressenti ou de la subjectivité non encore traitée par l'esprit humain. Nous devons faire confiance à l'intégrité de la volonté et de l'intuition et nous soustraire aux diktats et aux conventions sociales. 
 
« La société », dit Emerson, « conspire partout contre la virilité de chacun de ses membres. » La société corrompt la pureté de la volonté en obligeant les individus à remettre en question leurs impulsions et à chercher un guide moral auprès d'autrui. Contre cette socialisation, Emerson déclare : « Qui veut être un homme doit être anticonformiste. » 
 
L’éthique anticonformiste d’Emerson s’opposait aux modes de pensée influencés par la société, mais non déterminés par elle. Emerson affirmait, comme chacun sait, qu’une cohérence absurde est le fléau des esprits étroits. Ce qu’il voulait dire, je crois, c’est que les êtres humains devraient s’améliorer en puisant dans leurs vérités intuitives. La nature, avec ses figures, ses formes et ses contours, offre des images que l’individu peut exploiter pour créer la beauté et s’épanouir. La beauté n’existe donc pas dans le monde ; c’est l’esprit humain qui la crée à partir des éléments extérieurs qu’il a intériorisés. La beauté réside ainsi en nous, mais seulement après que nous l’ayons créée. 
 
On retrouve ici une conception proche de l’objectivisme d’Ayn Rand, dépouillé de ses références au divin. Rand croyait que la réalité existait indépendamment du sujet pensant, que le sujet pensant utilise la raison et la logique pour donner un sens à l'expérience et à la perception, et que le soi ou la volonté joue un rôle déterminant dans la génération de sens à partir du monde phénoménal.
 
À l'instar d'Emerson, qui refusait de renier le moi en le sacrifiant aux critères sociaux de rectitude morale ou de bienséance, Rand considérait le moi comme le fondement de l'éthique. Pour elle, la finalité morale de l'individu impliquait la recherche rationnelle de l'intérêt personnel et du bonheur. Cette recherche n'est possible que dans certains systèmes d'organisation humaine, et celui que Rand jugeait le plus propice à l'épanouissement humain était le capitalisme (qui, à proprement parler, n'est pas un système, mais le fruit d'ordres spontanés ou d'un cadre favorisant ces ordres spontanés). Dans le capitalisme, l'art prospère car la créativité humaine prospère ; le capitalisme permet l'émergence de la beauté, des images et des formes qui nous aident à affiner notre métaphysique et à représenter le « réel ». 
 
Ludwig von Mises lui-même semble avoir été influencé, sinon directement par Emerson, du moins par ceux qui furent influencés par lui. Mises critique les « doctrines de l’universalisme, du réalisme conceptuel, de l’holisme, du collectivisme et de certains représentants de la psychologie de la forme » pour avoir soutenu que « la société est une entité vivant sa propre vie, indépendante et séparée de la vie des différents individus ».[6] Lorsque Mises critique l’universalisme et le collectivisme comme « systèmes de gouvernement théocratique »,[7] il se tourne vers William James, lui-même un emersonien et qui a influencé Henry Hazlitt.[8] James fournit à Mises un argument pour distinguer la religion de la théocratie, et Mises semble soutenir la conception de la religion chez James, qu'il définit comme « une relation purement personnelle et individuelle entre l'homme et une Réalité divine sainte, mystérieuse et impressionnante »[9]. Bien que Mises ne cite jamais Emerson dans <i>Human Action</i>, il fait référence à Emerson en évoquant le « Génie Créateur », l'homme « dont les actes et les idées ouvrent de nouvelles voies à l'humanité »[10]. 
 
L'art et la beauté ont le pouvoir de stimuler les sensations et les émotions ; ils peuvent confirmer les extraordinaires capacités de l'intellect humain. De même que Rand croyait en l'héroïsme de l'individu, Emerson pensait qu'un esprit autonome doté d'un sens poétique pouvait non seulement se fier à ses impressions sur le monde extérieur, mais aussi agir en conséquence. Cela ne signifie pas que l'individu est nécessairement sans limites, mais seulement qu'il établit ses propres limites et définit ses propres priorités. 
 
Emerson et Rand célèbrent la capacité de l'esprit humain à créer la beauté, à générer du sens, à concrétiser l'intangible et à construire des réalités qui nous préparent à agir. Cette fonction de l'imagination – peut-on l'appeler génie ? – n'est pas accessible à tous. Certains traversent la vie sans introspection, sans questionner leur environnement ni envisager de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités, de nouvelles façons de penser. Ces individus manquent d'imagination et de créativité, ou les répriment. Même des écrivains comme Walt Whitman ne démontrent jamais la puissance de leur individualité, la force brute de la volonté humaine. 
 
Whitman a entravé sa volonté de s'ouvrir à tout et à tous. Il l'a enfouie sous une montagne d'abstractions et d'expériences aléatoires. Santayana explique que chez Whitman, « la démocratie est intégrée à la psychologie et à la morale » dans la mesure où « les différentes visions, humeurs et émotions se voient attribuer chacune une voix ; elles sont déclarées toutes libres et égales, et les innombrables moments ordinaires de la vie sont autorisés à parler comme les autres. »[11] Le maître d’esclaves fait autant partie de Whitman que l’esclave.
 
 

 
 
Whitman ne fait jamais de distinction entre le bien et le mal, le juste et l'injuste, le pratique et l'irréalisable, la réalité et l'imaginaire. Il ne discrimine jamais. Il devient, selon les termes de Santayana, un panthéiste « inintellectuel », « paresseux » et « acceptable » car il intériorise tout, lui accorde une importance égale, refuse d'en remettre en question la validité ou la viabilité et exprime ainsi une poésie présentiste et dénuée de valeurs, à tel point qu'elle dégénère en élans de sentiments arbitraires.[12] 
 
L'individualisme emersonien n'est pas arbitraire en ce sens. Il est intentionnel. Il différencie et distingue les personnes et les groupes, le bien et le mal, les référents propices à la poésie et ceux qui ne le sont pas. Whitman se délectait de la popularité. Emerson se délectait de se démarquer. « Il est facile, dans le monde, de vivre selon l’opinion générale », disait Emerson, ajoutant : « Il est facile, dans la solitude, de vivre selon la sienne ; mais le grand homme est celui qui, au milieu de la foule, conserve avec une parfaite sérénité l’indépendance de la solitude. » 
 
 Si l’on en croit Emerson, il ne semble pas se soucier d’être incompris. Il affirme d’ailleurs que Pythagore, Copernic, Galilée et Newton ont été incompris. « Est-ce si grave, alors, d’être incompris ? » demandait-il, avant de répondre : « Être grand, c’est être incompris. » 
 
Emerson est encore incompris aujourd’hui, mais son influence sur la pensée américaine est indéniable. Il refusait d’accepter tacitement les orthodoxies héritées et importées, tout en s’attachant à valider les notions traditionnelles de vérité par des méthodes nouvelles. Ceux qui s’en prennent à Emerson interprètent ou dénaturent trop souvent la subtilité de sa philosophie. 
 
Emerson n'est pas chose aisée. Ses textes exigent de nombreuses relectures. Ses essais explorent de nouvelles techniques pour clarifier des idées anciennes, auxquelles il donne une expression exaltante à travers le prisme de l'individualisme et de l'autonomie. L'héritage le plus révélateur de ce philosophe attachant réside peut-être dans le fait que tant de personnes affirment qu'« Emerson était l'un des nôtres ». Ce « nous » suggère qu'il y a encore beaucoup à apprendre d'Emerson, que l'éthique de l'autonomie continue de lutter contre les préjugés et les habitudes de pensée. Dire qu'Emerson est « l'un des nôtres », c'est passer à côté de l'essentiel de son propos. On devrait lire Emerson non par obligation, mais par choix personnel.
 

 
Allen Mendenhall est chercheur associé à l'Institut Mises, doyen associé et professeur Grady Rosier à la Sorrell School of Business... 
 

Notes

[1] Harold Bloom. Where Shall Wisdom Be Found? (Riverhead Books, 2004), p. 190.

[2] Bloom at 190.

[3] See George Santayana, “The Genteel Tradition,” in The Genteel Tradition in American Philosophy and Character and Opinion in the United States,” edited by James Seaton (Yale University Press, 2009), p. 9.

[4] Santayana at 9.

[5] Bloom at 198.

[6] Ludwig Von Mises. Human Action. The Scholar’s Edition. Auburn, AL: Ludwig Vone Mises Institute, 1998) at 145.

[7] Mises at 150-51.

[8] See Allen Mendenhall. “Henry Hazlitt, Literary Critic.” Mises Daily. June 6, 2011.

[9] Mises at 156.

[10] Mises at 138.

[11] Santayana at 12.

[12] Santayana at 12-13.

 


Ralph Waldo Emerson

Ralph Waldo Emerson, né le 25 mai 1803 à Boston, Massachusetts, aux États-Unis, décédé en 1882, était un écrivain, philosophe et leader intellectuel américain du XIXe siècle. Il est surtout connu pour son rôle central dans le mouvement transcendantaliste, qui prône l'importance de l'individualisme, de l'intuition et de la connexion avec la nature. Ses essais, tels que Self-Reliance et The American Scholar, expriment son engagement en faveur de l'autonomie intellectuelle et spirituelle, ainsi que sa critique des conventions sociales et religieuses. Emerson était également un conférencier renommé et un influenceur majeur de la pensée américaine de son époque.  

Chronologie de la vie d'Emerson

  • . Jeunesse et formation. Ralph Waldo Emerson était le fils de William Emerson, pasteur unitarien, et de Ruth Haskins. Il a grandi dans un environnement intellectuel stimulant et a montré des talents précoces pour l'étude et la réflexion. Il a fréquenté la Boston Latin School et a ensuite étudié à l'université Harvard, où il a commencé à développer ses idées philosophiques et littéraires.
  • . Carrière d'enseignant et de ministre. Après avoir obtenu son diplôme à Harvard en 1821, Emerson a enseigné dans plusieurs écoles, notamment à Boston. En 1826, il est ordonné pasteur unitarien, et commence à prêcher dans diverses églises de la Nouvelle-Angleterre. Cependant, il devient de plus en plus insatisfait des doctrines et des pratiques de l'Église et finit par démissionner de son poste de pasteur en 1832.
  • . Voyages en Europe et début de carrière de conférencier et d'écrivain. En 1832, Emerson entreprend un voyage en Europe, où il rencontre des intellectuels et des écrivains influents tels que Thomas Carlyle et William Wordsworth. Ce voyage a eu un impact profond sur sa pensée et a contribué à façonner ses idées philosophiques. À son retour aux États-Unis, Emerson commence une carrière de conférencier et d'écrivain, présentant des idées novatrices sur la philosophie, la littérature et la spiritualité dans ses discours et ses essais.
  • Activisme social et politique. Emerson était un ardent abolitionniste et un partisan des réformes sociales. Il a prononcé de nombreux discours contre l'esclavage et a soutenu des causes telles que l'éducation des femmes et la réforme de la justice pénale. Il était également actif dans le mouvement de la tempérance et dans la promotion de la paix.
  • . Dernières années et décès. Emerson a continué à écrire et à donner des conférences jusqu'à la fin de sa vie. Il est décédé le 27 avril 1882 à Concord, Massachusetts, laissant un héritage durable en tant que l'un des penseurs et écrivains les plus influents de l'histoire américaine.

Les principes fondamentaux de l'individualisme emersonien

  • . Individualisme et autonomie de l'individu. Ralph Waldo Emerson prônait un individualisme profondément enraciné dans la conviction que chaque personne possède une essence unique et précieuse. Il croyait en l'autonomie de l'individu, encourageant chacun à suivre son propre chemin et à écouter sa propre voix intérieure plutôt que de se conformer aux attentes de la société ou des institutions.
  • . Confiance dans le potentiel humain. Emerson avait une foi inébranlable dans le potentiel humain. Il croyait que chaque individu possédait en lui-même les ressources nécessaires pour atteindre la grandeur et la réalisation personnelle. Cette confiance dans le pouvoir de l'homme était au cœur de son message, encourageant les gens à cultiver leurs talents uniques et à poursuivre leurs aspirations les plus élevées.
  • . Critique des institutions sociales et religieuses. L'individualisme d'Emerson s'accompagnait d'une critique audacieuse des institutions sociales et religieuses de son époque. Il remettait en question l'autorité et les dogmes établis, soulignant leur tendance à restreindre la liberté individuelle et à étouffer la créativité. Emerson appelait à une réforme radicale de ces institutions pour permettre l'épanouissement de l'individu.
  • . Importance de la nature et de l'expérience personnelle. Pour Emerson, la nature est un catalyseur essentiel de la croissance personnelle et de la compréhension de soi. Il encourageait les individus à se connecter avec la nature et à tirer des leçons de ses cycles et de sa beauté. De même, il valorisait l'expérience personnelle comme source de sagesse et d'inspiration, encourageant les gens à explorer leur propre conscience et à apprendre par l'expérience directe.

Analyse des essais clés d'Emerson

  • . Self-Reliance : l'importance de l'indépendance et de la confiance en soi. Dans cet essai emblématique, Emerson souligne l'importance vitale de l'indépendance et de la confiance en soi. Il exhorte les individus à puiser dans leurs propres ressources intérieures plutôt que de s'appuyer sur des conventions sociales ou des autorités extérieures. Pour Emerson, la vraie grandeur réside dans la capacité de suivre son propre chemin et de cultiver son individualité, même si cela signifie aller à contre-courant de la société.
  • . The American Scholar : l'éducation comme moyen de libération. Dans cet essai, Emerson présente son idéal du chercheur américain, encouragé à rejeter la dépendance envers l'Europe et à se tourner vers la nature et l'expérience personnelle pour trouver la vérité. Il plaide pour une éducation qui libère l'individu de la tradition et de l'imitation, favorisant ainsi la créativité et l'originalité.
  • . Nature : la nature comme source d'inspiration et de vérité. Emerson explore dans cet essai la connexion profonde entre l'homme et la nature. Il célèbre la beauté et la grandeur de la nature, affirmant que c'est en se tournant vers elle que l'homme peut trouver l'inspiration, la guérison et la vérité. Pour Emerson, la contemplation de la nature permet à l'homme de se connecter avec son moi le plus profond et de découvrir les mystères de l'univers.
  • . Experience : la confrontation avec l'existence humaine et les contraintes extérieures. Dans cet essai introspectif, Emerson aborde les défis et les limitations de l'existence humaine. Il reconnaît la réalité de la souffrance, de la perte et de la contingence, mais insiste sur l'importance de les affronter avec courage et résilience. Pour Emerson, c'est dans l'expérience même de la vie, avec toutes ses vicissitudes, que l'homme trouve l'occasion de croître et de s'élever vers sa véritable nature.

L'importance de l'intégrité de soi et de l'individualisme

  • . Examen de l'insistance d'Emerson sur l'intégrité de son propre esprit et la poursuite de l'individualisme. Tout au long de ses œuvres, Emerson défend l'idée que chacun possède une perspective unique et une sagesse intérieure qui doivent être comprises et cultivées. Il encourage les gens à écouter leur voix intérieure, à faire confiance à leurs instincts et à avoir confiance en leurs propres pensées et croyances. Il estime que la vraie sagesse et perspicacité viennent de l'intérieur, et non de sources externes ou de normes sociétales. Le concept de confiance en soi d'Emerson, développé dans des essais comme Self-Reliance et Heroism, encourage les individus à se fier à eux-mêmes plutôt qu'à se conformer aux attentes de la société. Il soutient que la conformité étouffe la créativité et l'originalité, conduisant à une perte d'identité personnelle et de réalisation. Au lieu de cela, Emerson préconise la poursuite de l'individualisme, où les individus affirment leurs perspectives uniques et suivent leur propre chemin dans la vie.
  • . Discussion sur la valeur du courage et de la culture de la pensée indépendante. Tel qu'il est prôné par Emerson, le courage fait référence à la force nécessaire pour faire confiance à ses propres convictions et croyances, même face à l'opposition ou à l'adversité. Emerson estime que la vraie grandeur vient du fait d'être incompris et de rester ferme dans ses principes, plutôt que de chercher la validation des autres ou de se conformer aux attentes sociétales. Il encourage les individus à être audacieux dans leur quête de vérité et d'authenticité, même si cela signifie aller à contre-courant. Cultiver la pensée indépendante est essentiel pour la croissance personnelle et le développement intellectuel. En remettant en question la sagesse conventionnelle et en explorant de nouvelles idées, les individus élargissent leurs horizons et approfondissent leur compréhension d'eux-mêmes et du monde qui les entoure. La pensée indépendante favorise la créativité, l'innovation et les compétences en pensée critique, toutes essentielles pour naviguer dans des défis complexes et contribuer au progrès sociétal.
  • . Réflexion sur les avantages potentiels de l'adoption des idéaux émersoniens pour la croissance personnelle et le progrès sociétal. Adopter les idéaux d'intégrité et d'individualisme d'Emerson peut avoir des avantages profonds tant pour la croissance personnelle que pour le progrès sociétal. Au niveau individuel, faire confiance à son intuition et poursuivre ses passions peut conduire à une plus grande connaissance de soi, une plus grande satisfaction, et à davantage de succès. En cultivant le courage et la pensée indépendante, les individus deviennent plus résilients, plus adaptables et plus habilités à surmonter les obstacles et à atteindre leurs objectifs. L'adoption des idéaux émersoniens peut contribuer au progrès sociétal en favorisant une culture d'innovation, de diversité et de changement social. Lorsque les individus sont encouragés à exprimer leurs perspectives uniques et à remettre en question le statu quo, cela conduit à la génération de nouvelles idées et solutions aux problèmes complexes. La société bénéficie de la diversité de pensée et de la poursuite collective de la vérité et de la justice.

En conclusion, l'importance de l'intégrité et de l'individualisme, tel que prôné par Emerson, ne peut être surestimée. En faisant confiance à l'intégrité de son propre esprit et en cultivant la pensée indépendante, les individus peuvent libérer tout leur potentiel et apporter des contributions significatives tant à leur vie personnelle qu'au monde qui les entoure. L'adoption des idéaux émersoniens est non seulement essentielle pour la croissance personnelle, mais également vitale pour favoriser une société plus éclairée et progressive.

Le concept de perfectionnisme chez Ralph Waldo Emerson

Le perfectionnisme chez Emerson dépasse la simple quête de l'excellence individuelle. Il englobe une vision élargie de l'évolution de la société et de l'humanité vers des niveaux plus élevés de conscience et de réalisation.

  • . L'aspiration individuelle à la perfection. Emerson croit en la capacité de chaque individu à progresser vers une forme de perfection ou de réalisation maximale de son potentiel. Dans Self-Reliance, il encourage la confiance en soi et l'autonomie plutôt que la conformité sociale.
  • . L'évolution collective vers des formes de vie supérieures. Pour Emerson, le perfectionnisme concerne également le progrès de l'humanité dans son ensemble. Il envisage l'histoire comme un processus d'évolution vers des niveaux plus élevés de conscience et de compréhension.
  • . Lien avec la notion d'évolution. La vision du perfectionnisme d'Emerson est intimement liée à sa conception de l'évolution. Il croit en un progrès constant de l'humanité vers des idéaux plus élevés de liberté, de justice et de spiritualité.
  • . Engagement actif dans le processus d'évolution. Emerson encourage un engagement actif dans le processus de croissance et de transformation personnelle, ainsi que dans la promotion du bien-être collectif et de l'épanouissement de la société.

Le perfectionnisme selon Emerson incite à l'action et à l'engagement en vue d'un progrès constant vers des idéaux plus élevés de perfection et de réalisation, à la fois au niveau individuel et collectif.

Informations complémentaires

Publications

  • 1883, "Education", In: Edward Waldo Emerson, dir., "The Complete Works of Ralph Waldo Emerson", Boston: Houghton Mifflin, pp125–159

https://www.wikiberal.org/wiki/Ralph_Waldo_Emerson 

 

 


novembre 24, 2025

Anselme Bellegarrigue

Anselme Bellegarrigue

La plupart des révolutionnaires qui se sont tournés vers l'anarchisme après 1848 l'ont fait a posteriori, mais un homme au moins, indépendamment de Proudhon, a défendu l'attitude libertaire durant l'Année des Révolutions elle-même. « L'anarchie, c'est l'ordre ; le gouvernement, c'est la guerre civile. » C'est sous ce slogan, aussi volontairement paradoxal que ceux de Proudhon, qu'Anselme Bellegarrigue fit sa brève et obscure apparition dans l'histoire anarchiste. Bellegarrigue semble avoir reçu une certaine éducation, mais on sait peu de choses de sa vie avant la veille de 1848 ; il revint à Paris le 23 février d'un voyage aux États-Unis, où il avait rencontré le président Polk sur un bateau à vapeur du Mississippi et avait développé une admiration pour les aspects les plus individualistes de la démocratie américaine. Selon son propre témoignage, il fut aussi peu impressionné que Proudhon par la révolution qui éclata le matin de son retour à Paris. Un jeune garde national, posté devant l'Hôtel de Ville, se vanta auprès de Bellegarrigue que, cette fois, on ne volerait pas la victoire aux ouvriers. « On vous l'a déjà volée », répliqua Bellegarrigue. « N'avez-vous pas formé de gouvernement ? » 
 
 

 
Bellegarrigue semble avoir quitté Paris très peu de temps après, car, plus tard dans l'année, il publia à Toulouse la première de ses œuvres qui nous soit parvenue, une brochure intitulée Au Fait ! Au Fait ! Interprétation de l'Idée Démocratique ; l'épigraphe, en anglais, se lit comme suit : « Un peuple est toujours trop gouverné. » Durant l'année 1849, Bellegarrigue écrivait des articles attaquant la République dans le journal toulousain La Civilisation, mais, début 1850, il s'était installé dans le petit village de Mézy, près de Paris, où, avec quelques amis ayant formé une Association des Libres Penseurs, il tenta de fonder une communauté vouée à la propagande libertaire et au bio. Leurs activités, en apparence inoffensives, attirèrent bientôt l'attention de la police. L'un de leurs membres, Jules Cledat, fut arrêté, et la communauté se dispersa alors.
 
Bellegarrigue retourna à Paris, où il projeta de fonder une revue mensuelle consacrée à ses idées. Le premier numéro de L’Anarchie : Journal de l’Ordre parut en avril 1850 ; il s’agissait du premier périodique à adopter ouvertement l’étiquette anarchiste, et Bellegarrigue cumulait les fonctions de rédacteur en chef, de directeur et d’unique contributeur. Faute de moyens, L’Anarchie ne vit le jour que dans deux numéros, et bien que Bellegarrigue ait par la suite envisagé un Almanach de l’Anarchie, celui-ci ne semble pas avoir été publié. Peu après, cet insaisissable pionnier de la liberté disparut au fin fond de l’Amérique latine, où il aurait été enseignant au Honduras et même – brièvement – ​​fonctionnaire au Salvador, avant de mourir – comme il était né – à une date et un lieu inconnus. 
 

 
Bellegarrigue se situait, aux côtés de Stirner, à l’aile individualiste du courant anarchiste. Il se dissocia de tous les révolutionnaires politiques de 1848, et même de Proudhon, auquel il ressemblait par nombre de ses idées et dont il s'inspirait plus qu'il ne voulait l'admettre, il le traita avec peu de respect, concédant seulement qu'« il sort parfois de sa routine pour éclairer d'un jour nouveau les intérêts généraux ». 
 
 Parfois, Bellegarrigue s'exprimait en des termes d'égoïsme solipsiste. « Je nie tout ; je n'affirme que moi-même… Je suis, c'est un fait positif. Tout le reste est abstrait et relève du X mathématique, de l'inconnu… Il ne peut y avoir sur terre d'intérêt supérieur au mien, d'intérêt auquel je doive même le sacrifice partiel des miens. » Pourtant, en apparente contradiction, Bellegarrigue adhérait à la tradition anarchiste centrale dans son idée d'une société nécessaire et naturelle, dotée d'une « existence primordiale qui résiste à toutes les destructions et à toutes les désorganisations ». Bellegarrigue trouve l’expression de la société dans la commune, qui n’est pas une contrainte artificielle, mais un « organisme fondamental » et qui, pourvu que les dirigeants n’interviennent pas, est capable de concilier les intérêts des individus qui la composent. Il est dans l’intérêt de tous les hommes d’observer « les règles de l’harmonie providentielle », et c’est pourquoi tous les gouvernements, armées et bureaucraties doivent être supprimés. Cette tâche ne doit être accomplie ni par les partis politiques, qui chercheront toujours à dominer, ni par la révolution violente, qui a besoin de chefs comme toute autre opération militaire. Le peuple, une fois éclairé, doit agir par lui-même.
 
Elle fera sa propre révolution, par la seule force du droit, la force de l'inertie, le refus de coopérer. De ce refus découle l'abrogation des lois qui légalisent le meurtre et la proclamation de l'équité. 
 
Cette conception de la révolution par la désobéissance civile suggère qu'en Amérique, Bellegarrigue a pu entrer en contact avec au moins les idées de Thoreau*, et l'on retrouve chez lui, à travers l'accent mis sur la possession comme garantie de liberté, une conception qu'il partageait bien sûr avec Proudhon, une anticipation de l'anarchisme individualiste américain. Sa vision de la progression de l'individu libre le place clairement en marge du courant collectiviste ou communiste de l'anarchisme. 
 
 Il travaille et donc il spécule ; il spécule et donc il gagne ; il gagne et donc il possède ; il possède et donc il est libre. Par la possession, il s'oppose par principe à l'État, car la logique de ce dernier exclut rigoureusement la possession individuelle. 

George Woodcock (1912-1995) 
 

 Extrait de George Woodcock, Anarchisme : Histoire des idées et mouvements libertaires (New York : The World Publishing Company, 1962), p. 276-278. © 1962 par The World Publishing Company

 
 

 


 

Anselme Bellegarrigue

Anselme Bellegarrigue est né le 23 mars 1813 à Monfort, dans le Gers, et il est mort le 31 janvier 1869 à San Salvador, au Salvador. Ces dates encadrent la vie d'un homme qui allait devenir une figure marquante de l'anarchisme individualiste au cours du XIXe siècle, prenant même des positions proches de l'anarcho-capitalisme. En 1850, il publie en quelques exemplaires, L'Anarchie, journal de l'ordre, premier périodique explicitement anarchiste et y publie le premier manifeste anarchiste. Il est quelquefois identifié comme un anarchiste fédéraliste. Ce courant de pensée prône la décentralisation politique et économique, favorisant la création de petites communautés autonomes. L'anarchisme fédéraliste s'oppose aux structures hiérarchiques et centralisées, préconisant plutôt une organisation sociale basée sur la coopération volontaire et la solidarité. 

Biographie

  • . Enfance et formation. Les détails sur l'enfance et l'éducation d'Anselme Bellegarrigue sont limités. Il est le fils de Jean Joseph Bellegarrigue, un négociant, et de Thérèse Goulard, mariés en 1796. Il a fréquenté le lycée d'Auch pendant un certain temps. Après ses études, il s'essaie à la poésie. Par la suite, il fonde à Toulouse La Mosaïque du Midi, une revue qui traite d'histoire avec plus de pittoresque que d'authenticité. Ce projet montre son intérêt pour la diffusion d'idées à travers la publication écrite, un thème qui se poursuivra tout au long de sa vie.
  • . Voyages et éducation autodidacte. Entre 1846 et 1848, Anselme Bellegarrigue entreprend un voyage en Amérique du Nord, visite New York, Boston, La Nouvelle-Orléans et les Antilles. Ce périple, bien que sans doute motivé par des intérêts personnels, ce périple contribue à fonder ses convictions démocratiques, comme en témoignent ses observations sur les bienfaits de la démocratie et de l'exercice des libertés individuelles. Ces expériences marquent son opposition à l'autorité excessive et au centralisme. Ces idées deviennent des éléments clés de sa pensée anarchiste.
  • . Retour en France et participation à la Révolution de 1848. Anselme Bellegarrigue revient en France le 21 février 1848, la veille des événements qui allaient déposer Louis-Philippe. Son retour coïncide avec une période cruciale de l'histoire française où les idées de changement et de réforme sociale étaient à leur apogée. Malgré sa participation à la révolte, il ne manque pas de critiquer la direction que prend le mouvement dès le lendemain du renversement de la Monarchie de Juillet. Sa position non conventionnelle et sa critique des partis politiques de la Seconde République reflètent sa vision radicale et antiautoritaire. Au cours de cette période, il fréquente la Société Républicaine Centrale, également connue sous le nom de Club Blanqui. Là, il accuse les partis politiques d'avoir détourné la révolte populaire vers plus d'autorité et de centralisme, exprimant ainsi son mécontentement envers la « vermine des nations ».
  • Révélation de sa pensée anarchiste. L'année 1848 marque un tournant dans la vie d'Anselme Bellegarrigue, alors qu'il participe activement à la Révolution française. Son engagement durant cette période tumultueuse le place au cœur des événements qui ont conduit au renversement de la Monarchie de Juillet. Cependant, ses positions critiques vis-à-vis de la direction prise par le mouvement révolutionnaire révèlent une perspective unique et non conformiste. En tant que penseur anarchiste, il est l'auteur de plusieurs écrits notables. Son journal, L'Anarchie, journal de l'ordre, est considéré comme le premier journal libertaire connu. Son pamphlet Au fait ! Au fait ! Interprétation de l'idée démocratique témoigne de ses réflexions profondes sur la démocratie et ses aspirations à un ordre social sans violence.

Idéologie et positions politiques anarchistes

  • . Défense de l'individu. Anselme Bellegarrigue se distingue par son ardente défense de l'individu. Sa vision anarchiste repose sur le principe fondamental de l'autonomie individuelle, considérant que l'émancipation de chaque personne est la clé de l'émancipation collective. Il rejette toute forme de coercition et d'autorité qui limiterait la liberté individuelle, affirmant que c'est dans l'autodétermination que l'individu trouve sa pleine réalisation.
  • . Promotion du municipalisme libertaire. Promoteur du municipalisme libertaire avant que Michael Brochkin ne théorise le concept, Anselme Bellegarrigue soutient la décentralisation politique et économique. Il prône la création de petites communautés autonomes, affirmant que la gouvernance locale permet une participation directe des citoyens aux décisions qui les concernent. Cette approche s'inscrit dans sa quête d'une société fondée sur la coopération volontaire et la solidarité, en opposition aux structures hiérarchiques centralisées.
  • . Opposition à la violence révolutionnaire. Contrairement à certaines tendances révolutionnaires de son époque, Anselme Bellegarrigue s'oppose fermement à la violence révolutionnaire. Il critique les mesures autoritaires prises pendant la Révolution de 1848, soulignant que toute mesure gouvernementale, même entreprise au nom du progrès social, conduit inévitablement à l'asservissement d'un groupe par un autre. Pour lui, l'anarchie représente l'ordre, tandis que l'État engendre la guerre civile.
  • . Critique des partis politiques de la Seconde République. Anselme Bellegarrigue manifeste une profonde méfiance à l'égard des partis politiques de la Seconde République. Il les accuse d'avoir détourné la révolte populaire vers plus d'autorité et de centralisme, les qualifiant de « vermine des nations ». Sa critique va au-delà de la simple opposition à un gouvernement en place, elle remet en question le concept même d'État, affirmant que toute révolution doit être la ruine, non pas d'un gouvernement particulier, mais de l'État en général.
  • . Concept d'anarchie comme ordre et rejet de l'État. Pour Anselme Bellegarrigue, l'anarchie n'est pas synonyme de chaos, mais plutôt d'ordre. Il voit dans l'autodétermination individuelle et la coopération volontaire la base d'une société harmonieuse. Son concept d'anarchie est profondément lié à la notion de refus de l'État, qu'il considère comme source de conflits et d'oppressions. Dans ses écrits, il exprime l'idée que là où personne n'obéit, personne ne commande, soulignant ainsi son rejet radical de l'autorité étatique.

L'ensemble de ces principes constitue la trame idéologique d'Anselme Bellegarrigue, caractérisée par un individualisme radical, un municipalisme libertaire décentralisateur, une aversion pour la violence révolutionnaire, une critique féroce des partis politiques conventionnels, et enfin, une conception particulière de l'anarchie en tant qu'ordre sans État. Ces convictions font de lui une figure emblématique du mouvement anarchiste du XIXe siècle.

Philosophie anarchiste d'Anselme Bellegarrigue

Ces éléments illustrent la singularité de la pensée anarchiste d'Anselme Bellegarrigue et sa contribution à l'évolution des idées individualistes au sein du mouvement anarchiste.

  • . Défense de l'individualisme et du subjectivisme moral. Anselme Bellegarrigue place l'individu au cœur de sa philosophie anarchiste, mettant en avant l'importance de l'autonomie et de la liberté individuelle. Son engagement en faveur de l'individualisme se traduit par une confiance profonde dans les capacités et les choix personnels de chacun. Contrairement à certaines figures majeures de l'anarchisme comme Proudhon et Stirner, Bellegarrigue s'aligne plutôt sur les idées de Gustave de Molinari. Son attachement à l'individualisme et son rejet des structures coercitives le rapprochent davantage de la pensée libérale classique de Molinari. Il se distingue en rejetant les idées de Pierre-Joseph Proudhon, notamment sur le sujet du droit de propriété.
  • . Parallèle avec Ayn Rand et son concept d'égoïsme vertueux. La pensée d'Anselme Bellegarrigue présente des similitudes avec le concept d'égoïsme vertueux d'Ayn Rand, une philosophe individualiste contemporaine. Il affirme l'égoïsme comme une vertu, position qui le place en marge des courants de pensée plus collectivistes au sein de l'anarchisme. L'idée selon laquelle l'égoïsme peut être une force positive, contribuant à la grandeur individuelle, émerge comme un point commun entre les deux penseurs.

Citation illustrant son rejet de l'abnégation et sa conception de l'individualisme. > « L'abnégation, c'est l'esclavage, l'avilissement, l'abjection ; c'est le roi, c'est le gouvernement, c'est la tyrannie, c'est la lutte, c'est la guerre civile. L'individualisme, au contraire, c'est l'affranchissement, la grandeur, la noblesse ; c'est l'homme, c'est le peuple, c'est la liberté, c'est la fraternité, c'est l'ordre. »

  • . Opposition à un État central et à toute autorité supérieure. Bellegarrigue se positionne résolument contre l'établissement d'un État centralisé et rejette toute forme d'autorité supérieure. Sa vision anarchiste prône une société où les individus jouissent d'une souveraineté maximale, libérés de l'entrave d'une autorité coercitive. Sa vision démocratique est singulière dans le sens où elle exclut tout gouvernement centralisé. Il imagine une démocratie où les individus participent de manière volontaire à l'administration locale, favorisant ainsi une souveraineté individuelle maximale.
  • . Concept d'intérêt général lié à la multiplication des intérêts individuels. Il développe l'idée que l'intérêt général ne peut être complet que si les intérêts individuels demeurent intacts. Pour lui, la société fonctionne de manière optimale lorsque chaque individu poursuit ses propres intérêts, créant ainsi une somme d'intérêts individuels contribuant à l'intérêt collectif.

Il emprunte sa conception de l'intérêt général à la pensée économique d'Adam Smith en soulignant que l'intérêt général est atteint lorsque les intérêts privés restent intacts. Cette conception se distingue des visions collectivistes qui considèrent souvent les intérêts individuels comme opposés à l'intérêt général. 

Activités militantes et associatives

  • . Fondation de l'Association des libres penseurs. En 1849, Anselme Bellegarrigue fonde l'Association des libres penseurs à Mézy, près de Meulan. Cette organisation témoigne de son engagement militant en faveur de la liberté de pensée et d'expression. Aux côtés d'amis de sa région, dont Ulysse Pic (également connu sous le nom de Pic Dugers) et Joseph Noulens, il établit ce groupe dans le but de publier des pamphlets anarchistes. L'Association des libres penseurs incarnait son désir de créer un espace où les idées non conventionnelles pouvaient être partagées et discutées. Les activités de ce groupe ont été freinées par les arrestations de plusieurs de ses membres, ce qui a finalement conduit à la cessation de leurs activités.
  • . Activités à Mézy près de Meulan. La localité de Mézy, près de Meulan, devient un centre d'activités pour Bellegarrigue et ses compagnons. Là, ils se réunissent, partagent leurs idées, et élaborent des pamphlets anarchistes. Cette période reflète l'effervescence intellectuelle et l'engagement actif de Bellegarrigue dans la diffusion de ses idées anti-autoritaires. Le choix de Mézy comme lieu d'activité militante souligne peut-être également la volonté de s'éloigner des centres urbains où la répression gouvernementale était potentiellement plus intense. Cependant, malgré cette précaution, les autorités finissent par intervenir, entravant ainsi les activités du groupe.
  • . Arrestations et cessation des activités anarchistes. Les arrestations de plusieurs membres de l'Association marquent un tournant dans les activités anarchistes de Bellegarrigue. Les membres sont emprisonnés, ce qui entraîne progressivement la cessation de leurs activités. Cette période de répression et d'arrestations met en lumière les défis auxquels étaient confrontés les anarchistes du XIXe siècle en France. La réaction des autorités a non seulement mis fin à l'effervescence militante de Bellegarrigue à Mézy, mais a également souligné les obstacles rencontrés par ceux qui prônaient des idées radicales et anti-autoritaires.

Bien que brève, l'histoire de l'Association des libres penseurs illustre le climat politique tendu de l'époque et les difficultés rencontrées par les militants anarchistes pour faire entendre leurs voix dans un contexte répressif. Malgré la cessation des activités du groupe, l'héritage de Bellegarrigue a perduré à travers ses écrits et son impact sur le mouvement anarchiste.

Départ définitif de la France et installation au Salvador

À l'époque de l'établissement du Second Empire en France, Anselme Bellegarrigue a décidé de partir en Amérique. Ses voyages l'ont conduit d'abord au Honduras, où, selon Max Nettlau, il aurait enseigné. Par la suite, il a occupé des fonctions de ministre plénipotentiaire représentant le Salvador à Paris. Le départ définitif en Amérique reflète sa mobilité géographique et sa participation à des activités variées, même en dehors de la sphère éditoriale.

  • . Motifs du départ incertains. Vers 1859, Anselme Bellegarrigue quitte définitivement la France. Les raisons précises de son départ ne sont pas clairement établies, mais il est possible que des pressions politiques et les conséquences de son engagement anarchiste aient joué un rôle. La répression gouvernementale, les arrestations, et les difficultés rencontrées par les militants anarchistes de l'époque peuvent avoir poussé Bellegarrigue à chercher refuge ailleurs.
  • . Accueil au Salvador. Anselme Bellegarrigue trouve refuge et accueil au Salvador. Il y bénéficie d'une certaine tolérance politique qui lui permet d'échapper aux persécutions qu'il aurait pu subir en France. Le Salvador offre un nouvel environnement propice à la poursuite de ses idées et à la liberté d'expression qu'il a toujours défendue.
  • . Fondation d'une Faculté de droit à l'université nationale. Au Salvador, Bellegarrigue s'implique activement dans le domaine de l'éducation. Il fonde une faculté de droit au sein de l'université nationale du Salvador. Cette initiative témoigne de son engagement en faveur de la diffusion des connaissances et de son désir de contribuer à la formation intellectuelle dans son nouveau lieu de résidence. La création d'une faculté de droit peut également être interprétée comme une expression de sa vision politique. En promouvant l'éducation juridique, Bellegarrigue cherchait à renforcer les connaissances et la compréhension des principes juridiques dans la société salvadorienne, contribuant ainsi à la promotion de la justice et de la liberté individuelle.

Publications anarchistes d'Anselme Bellegarrigue

Ses publications et engagements témoignent de la vie active et polyvalente d'Anselme Bellegarrigue en tant qu'éditeur, écrivain, et penseur anarchiste au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Anselme Bellegarrigue s'est impliqué dans divers projets éditoriaux, collaborant avec des figures telles que Ulysse Pic et Jean Mouton. Ensemble, ils ont édité des publications engagées, notamment Le Dieu des riches et le Dieu des pauvres ainsi que Jean Mouton et le percepteur. Sa participation à La Civilisation, un quotidien édité à partir de mars 1849, reflète ses premiers engagements dans la diffusion de ses idées anarchistes.

  • . L'Anarchie, journal de l'ordre. En avril 1850, Anselme Bellegarrigue lance L'Anarchie, journal de l'ordre, un jalon important dans l'histoire du mouvement anarchiste. Le choix du titre, souvent perçu comme contradictoire à l'idée traditionnelle d'anarchie, reflète la vision particulière de Bellegarrigue, qui considère l'anarchie comme un ordre naturel et non comme le chaos. L'Anarchie est le premier journal libertaire et libertarien connu. Son objectif était de promouvoir les idées anarchistes, défendre la liberté individuelle et critiquer les structures gouvernementales. Sa ligne éditoriale était radicalement anti-autoritaire, s'opposant aux formes de coercition et d'oppression. Bellegarrigue y exprimait sa conviction que l'anarchie était l'ordre naturel de la société, rejetant ainsi les États et les institutions qui limitent la liberté individuelle. Au sein de l'Association des libres penseurs, Bellegarrigue a rédigé un article intitulé « L'anarchie, c'est l'ordre » pour le numéro du 3 avril 1850 de La Voix du Peuple. Malheureusement, cet exemplaire n'a pas été publié.
  • . Autres pamphlets anarchistes. Outre L'Anarchie, Anselme Bellegarrigue a contribué à d'autres publications. Ses écrits ont trouvé leur place dans des revues et journaux partageant des idées similaires, élargissant ainsi la portée de ses convictions anti-autoritaires. Les pamphlets et articles d'Anselme Bellegarrigue reflètent ses positions idéologiques profondes. Il y défendait la primauté de l'individu, prônait la décentralisation politique, critiquait la violence révolutionnaire et remettait en question la légitimité des États. Son langage incisif et sa rhétorique passionnée ont contribué à façonner le discours anarchiste de l'époque. La première œuvre notable d'Anselme Bellegarrigue,
  • . Au fait ! Au fait ! Interprétation de l'idée démocratique à Toulouse, a été publiée entre octobre et décembre 1848. Cette période coïncide avec les bouleversements politiques et sociaux qui ont marqué la Révolution de 1848 en France. Son ouvrage reflète les idées démocratiques de l'époque et établit les bases de sa pensée anarchiste émergente.
  • . Le Baron de Camebrac et Les Femmes d'Amérique. Dès 1851, Bellegarrigue a entrepris l'écriture de Le Baron de Camebrac, un roman publié sous forme d'extraits jusqu'en 1854. Parallèlement, il a rédigé Les Femmes d'Amérique, essai dans lequel il partage ses observations de la société américaine. Ces travaux témoignent de sa diversité littéraire et de son engagement à explorer des formes différentes pour communiquer ses idées.

En 1851, Bellegarrigue a contribué aussi à l'élaboration de 'L'Almanach de la Vile Multitude, démontrant son engagement continu dans la production intellectuelle et éditoriale. Malheureusement, son projet ultérieur, L'Almanach de l'Anarchisme pour 1852, n'a pas vu le jour en raison du coup d'État du 2 décembre 1851.

Anselme Bellegarrigue a abordé des notions avant-gardistes telles que la désobéissance civile et la servitude volontaire, jetant ainsi les bases de concepts qui allaient influencer d'autres penseurs anarchistes ultérieurs. Bien que parfois controversés, ses écrits ont laissé une empreinte sur le mouvement anarchiste du XIXe siècle, contribuant à la formulation et à la diffusion d'idées anti-autoritaires qui perdurent encore aujourd'hui. 

Informations complémentaires

Publications

  • 1853, "Les Femmes d’Amérique", Paris: Blanchard

Littérature secondaire

  • 2012, Michel Perraudeau, "Anselme Bellegarrigue - Le premier des libertaires", Éditions Libertaires

Citations

  • Vous avez cru jusqu’à ce jour qu’il y avait des tyrans ? Eh bien ! vous vous êtes trompés, il n’y a que des esclaves : là où nul n’obéit, personne ne commande.
  • Qui dit gouvernement, dit négation du peuple
Qui dit négation du peuple, dit affirmation de l'autorité politique
Qui dit affirmation de l'autorité politique, dit dépendance individuelle
Oui dit dépendance individuelle, dit suprématie de caste
Qui dit suprématie de caste, dit inégalité
Qui dit inégalité, dit antagonisme
Qui dit antagonisme, dit guerre civile
Donc qui dit gouvernement, dit guerre civile
[…] Oui, l'anarchie c'est l'ordre ; car le gouvernement, c'est la guerre civile.
  • Quand vous demandez la liberté au gouvernement, la niaiserie de votre demande lui apprend aussitôt que vous n'avez aucune notion de votre droit ; votre pétition est le fait d'un subalterne, vous avouez votre infériorité ; vous constatez sa suprématie et le gouvernement profite de votre ignorance et il se conduit à votre égard comme on doit se conduire à l'égard des aveugles, car vous êtes des aveugles.
  • Les partis sont la vermine des nations, et il importe de ne pas oublier que c'est aux prétentions diverses de ces religionnaires politiques que nous devons de marcher par saccades de révolutions en insurrections, et d'insurrections en état de siège, pour aboutir périodiquement à l'inhumation des morts, et au paiement des factures révolutionnaires qui sont les primes accordées par l'imbécillité de tous à l'audace de quelques-uns.
  • Convaincu comme nous le sommes et comme l’expérience et la succession des temps nous ont forcé de l’être, que la politique, théologie nouvelle, est une basse intrigue, un art de roués, une stratégie de caverne, une école de vol et d’assassinat ; persuadé que tout homme qui fait métier de politique, à titre offensif ou défensif, c’est-à-dire comme gouvernant ou opposant, en qualité de directeur ou de critique, n’a pour objet que de s’emparer du bien d’autrui par l’impôt ou la confiscation et se trouve prêt à descendre dans la rue, d’une part avec ses soldats, de l’autre avec ses fanatiques, pour assassiner quiconque voudra lui disputer le butin ; parvenu à savoir, par conséquent, que tout homme politique est, à son insu, sans doute, mais effectivement, un voleur et un assassin ; sûr comme du jour qui nous éclaire que toute question politique est une question abstraite, tout aussi insoluble et, partant, non moins oiseuse et non moins stupide qu’une question de théologie, nous nous séparons de la politique avec le même empressement que nous mettrions à nous affranchir de la solidarité d’un méfait.
  • Mais quand bien même tout le peuple français consentirait à vouloir être gouverné dans son instruction, dans son culte, dans son crédit, dans son industrie, dans son art, dans son travail, dans ses affections, dans ses goûts, dans ses habitudes, dans ses mouvements, et jusque dans son alimentation, je déclare qu’en droit, son esclavage volontaire n’engage pas plus ma responsabilité que sa bêtise ne compromet mon intelligence. Et si, en fait, sa servitude s’étend sur moi sans qu’il me soit possible de m’y soustraire, s’il est notoire, comme je n’en saurais douter, que la soumission de six, sept ou huit millions d’individus à un ou plusieurs hommes entraîne ma soumission propre à ce même ou à ces mêmes hommes, je défie qui que ce soit de trouver dans cet acte autre chose qu’un guet-apens, et j’affirme que, dans aucun temps, la barbarie d’aucun peuple n’a exercé sur la terre un brigandage mieux caractérisé. Voir, en effet, une coalition morale de huit millions de valets contre un homme libre est un spectacle de lâcheté contre la sauvagerie de laquelle on ne saurait invoquer la civilisation sans la ridiculiser ou la rendre odieuse aux yeux du monde.
  • Séparez-vous de la politique qui mange les peuples et appliquez votre activité aux affaires qui les nourrissent et les enrichissent. Souvenez-vous que la richesse et la liberté sont solidaires comme sont solidaires la servitude et l’indigence. Tournez le dos au gouvernement, le dédain tue les gouvernements, car la lutte seule les fait vivre.

Liens externes

https://www.wikiberal.org/wiki/Anselme_Bellegarrigue

 

 

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