Affichage des articles dont le libellé est Anarchisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Anarchisme. Afficher tous les articles

février 16, 2025

Anarchisme libertarien : réponses à dix objections

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), 

 

Anarchisme libertarien : réponses à dix objections

par Roderick T. Long

 


 

Merci à Revi N. Nair pour avoir retranscrit cette conférence de l'Université Mises de 2004. Je voudrais parler de certaines des principales objections qui ont été formulées à l'encontre de l'anarchisme libertarien et de mes tentatives pour y répondre. Mais avant de commencer à formuler des objections et d'essayer d'y répondre, il ne sert à rien d'essayer de répondre aux objections à une opinion à moins que vous n'ayez donné une raison positive de soutenir cette opinion en premier lieu. Je voudrais donc simplement dire brièvement ce que je pense être les arguments positifs en sa faveur avant de continuer à la défendre contre les objections. 

Problèmes liés au monopole forcé 

Pensez-y de cette façon. Quel mal y a-t-il à avoir un monopole sur les chaussures ? Supposons que moi et ma bande soyons les seuls légalement autorisés à fabriquer et à vendre des chaussures – ma bande et toute autre personne que j’autorise, mais personne d’autre. Quel mal y a-t-il à cela ? Eh bien, tout d’abord, d’un point de vue moral, la question est : pourquoi nous ? Qu’avons-nous de si spécial ? Maintenant, dans ce cas, parce que je me suis choisi, il est plus plausible que je doive avoir ce genre de monopole, alors peut-être que je devrais choisir un autre exemple ! Mais vous vous demandez peut-être : comment moi et ma bande pouvons-nous prétendre avoir le droit de fabriquer et de vendre quelque chose que personne d’autre n’a le droit de fabriquer et de vendre, de fournir un bien ou un service que personne d’autre n’a le droit de fournir. Au moins, pour autant que vous le sachiez, je ne suis qu’un autre mortel, un autre humain comme vous (plus ou moins). Donc, d’un point de vue moral, je n’ai pas plus le droit de le faire que quiconque.

Ensuite, bien sûr, d’un point de vue pragmatique et conséquentialiste, eh bien, tout d’abord, quel est le résultat probable du fait que moi et ma bande aurions un monopole sur les chaussures ? Eh bien, tout d’abord, il y a des problèmes d’incitation. Si je suis la seule personne qui a le droit de fabriquer et de vendre des chaussures, vous n’allez probablement pas les obtenir à très bas prix chez moi. Je peux demander autant que je veux, tant que je ne demande pas trop cher pour que vous ne puissiez pas vous les permettre du tout ou que vous décidiez que vous êtes plus heureux de ne pas avoir les chaussures. Mais tant que vous le voulez et que vous le pouvez, je vous demanderai le prix le plus élevé que je puisse obtenir de vous, car vous n’avez pas de concurrence, nulle part où aller. Vous ne devriez probablement pas non plus vous attendre à ce que les chaussures soient de très haute qualité, car, après tout, tant qu’elles sont à peine utilisables et que vous préférez toujours les porter à pieds nus, alors vous devez me les acheter. Outre le fait que les chaussures seront probablement chères et de mauvaise qualité, il y a aussi le fait que ma capacité à être la seule personne à fabriquer et à vendre des chaussures me donne un certain pouvoir sur vous. Supposons que je ne vous aime pas. Supposons que vous m’ayez offensé d’une manière ou d’une autre. Eh bien, peut-être que vous n’aurez tout simplement pas de chaussures pendant un certain temps. Il y a donc aussi des problèmes d’abus de pouvoir.  

Mais ce n’est pas seulement le problème de l’incitation, car, après tout, supposons que je sois un parfait saint et que je fabrique les meilleures chaussures possibles pour vous, que je demande le prix le plus bas possible et que je n’abuse pas de mon pouvoir. Supposons que je sois totalement digne de confiance. Je suis un prince parmi les hommes (pas au sens de Machiavel). Il reste un problème : comment puis-je savoir exactement que je fais le meilleur travail possible avec ces chaussures ? Après tout, il n’y a pas de concurrence. Je suppose que je pourrais interroger les gens pour essayer de savoir quel genre de chaussures ils semblent vouloir. Mais il existe de nombreuses façons différentes de fabriquer des chaussures. Certaines sont plus chères, d’autres moins chères. Comment puis-je le savoir, étant donné qu’il n’y a pas de marché et que je ne peux pas vraiment faire grand-chose en termes de comptabilité des profits et des pertes ? Je dois juste faire des suppositions. Donc, même si je fais de mon mieux, la quantité et la qualité que je produis ne sont peut-être pas les mieux adaptées pour satisfaire les préférences des gens, et j’ai du mal à trouver ces choses. 

Le gouvernement est un monopole forcé 

Voilà donc toutes les raisons pour lesquelles il ne faut pas avoir le monopole de la fabrication et de la vente de chaussures. A première vue, il semble que ce soient toutes de bonnes raisons pour ne pas avoir le monopole de la prestation de services de règlement des litiges, de protection des droits et de tout ce qui est impliqué dans ce que l’on pourrait appeler, au sens large, l’entreprise juridique. Tout d’abord, il y a la question morale : pourquoi un groupe de personnes obtient-il le droit d’être le seul sur un territoire donné à pouvoir offrir certains types de services juridiques ou à faire respecter certains types de règles ? Ensuite, il y a ces questions économiques : quelles seront les incitations ? Une fois de plus, il s’agit d’un monopole. Il semble probable qu’avec une clientèle captive, ils vont facturer des prix plus élevés qu’ils ne le feraient autrement et offrir une qualité inférieure. Il pourrait même y avoir des abus de pouvoir occasionnels. Et puis, même si vous parvenez à éviter tous ces problèmes et à faire entrer tous ces saints dans le gouvernement, il reste toujours le problème de savoir comment ils savent que la manière particulière dont ils fournissent des services juridiques, la combinaison particulière de services juridiques qu’ils offrent, les façons particulières dont ils le font sont vraiment les meilleures ? Ils essaient simplement de comprendre ce qui fonctionnera. Comme il n’y a pas de concurrence, ils n’ont pas beaucoup de moyens de savoir si ce qu’ils font est la chose la plus efficace qu’ils pourraient faire. L’objectif de ces considérations est donc de faire peser la charge de la preuve sur l’adversaire. C’est donc à ce stade que l’adversaire de la concurrence dans les services juridiques doit soulever des objections.

 


 

DIX OBJECTIONS À L’ANARCHISME LIBERTARIEN

(1) Le gouvernement n’est pas un monopole coercitif 

L’une des objections qui est parfois soulevée n’est pas tant une objection à l’anarchisme qu’une objection à l’argument moral en faveur de l’anarchisme : eh bien, écoutez, ce n’est pas vraiment un monopole coercitif. Ce n’est pas comme si les gens n’avaient pas consenti à cela, car dans un certain sens, les gens ont consenti au système existant – en vivant dans les frontières d’un territoire particulier, en acceptant les avantages offerts par le gouvernement, etc., ils ont, en effet, consenti. Tout comme si vous entrez dans un restaurant et que vous vous asseyez et dites : « Je prendrai un steak », vous n’avez pas à mentionner explicitement que vous acceptez de le payer ; c’est juste en quelque sorte compris. En vous asseyant au restaurant et en demandant le steak, vous acceptez de le payer. De la même manière, si vous vous installez sur le territoire d’un État donné et que vous acceptez de bénéficier de la protection de la police ou d’autres services, vous acceptez implicitement de vous conformer à ses exigences. Or, même si cet argument fonctionne, il ne règle pas la question pragmatique de savoir s’il s’agit du meilleur système possible.  

Mais je pense qu’il y a quelque chose de douteux dans cet argument. Il est certainement vrai que si je vais sur la propriété de quelqu’un d’autre, alors il semble que l’on s’attende à ce que tant que je suis sur sa propriété, je doive faire ce qu’il dit. Je dois suivre ses règles. Si je ne veux pas suivre ses règles, alors je dois partir. Alors, je vous invite chez moi, et quand vous entrez, je dis : « Vous devez porter le chapeau rigolo. » Et vous dites : « Qu’est-ce que c’est ? » Et je réponds : « Eh bien, c’est comme ça que ça fonctionne chez moi. Tout le monde doit porter le chapeau rigolo. Ce sont mes règles. » Eh bien, vous ne pouvez pas dire : « Je ne porterai pas le chapeau mais je reste quand même. » Ce sont mes règles – elles sont peut-être stupides, mais je peux le faire. Supposons maintenant que vous êtes chez vous en train de dîner, que je suis votre voisin d’à côté et que je vienne frapper à votre porte. Vous ouvrez la porte, j’entre et je dis : « Vous devez porter ce drôle de chapeau. » Et vous demandez : « Pourquoi est-ce que c’est comme ça ? » Et je réponds : « Eh bien, vous avez emménagé à côté de chez moi, n’est-ce pas ? En faisant ça, vous avez en quelque sorte accepté. » Et vous dites : « Attendez une seconde ! Quand ai-je accepté cela ? » Je pense que la personne qui avance cet argument suppose déjà que le gouvernement a une certaine compétence légitime sur ce territoire. Et ensuite, elle dit : « Eh bien, maintenant, toute personne qui se trouve sur le territoire accepte donc les règles en vigueur. » Mais elle suppose exactement ce qu’elle essaie de prouver, à savoir que cette compétence sur le territoire est légitime. Si ce n’est pas le cas, alors le gouvernement n’est qu’un groupe de personnes de plus vivant sur ce vaste territoire géographique général. Mais j’ai ma propriété, et je ne sais pas exactement quelles sont leurs dispositions, mais je suis là, dans ma propriété, et ils n’en sont pas propriétaires – du moins, ils ne m’ont pas donné d’arguments pour le prouver – et donc, le fait que je vive dans « ce pays » signifie que je vis dans une certaine région géographique sur laquelle ils ont certaines prétentions – mais la question est de savoir si ces prétentions sont légitimes. Vous ne pouvez pas supposer cela comme un moyen de le prouver.

Un autre problème avec ces arguments de contrat social implicite est qu’il n’est pas clair en quoi consiste le contrat. Dans le cas d’une commande de nourriture dans un restaurant, tout le monde sait à peu près en quoi consiste le contrat. On pourrait donc invoquer le consentement implicite. Mais personne ne suggérerait qu’on puisse acheter une maison de la même manière. Il y a toutes ces règles et ce genre de choses. Quand il s’agit de quelque chose de compliqué, personne ne dit : « Vous avez simplement accepté en hochant la tête à un moment donné », ou quelque chose comme ça. Vous devez découvrir ce qui est réellement dans le contrat ; à quoi acceptez-vous ? Ce n’est pas clair si personne ne connaît exactement les détails du contrat. Ce n’est pas si convaincant. Bon, eh bien, la plupart des arguments dont je vais parler sont pragmatiques, ou un mélange de moral et de pragmatisme. 

 (2) Hobbes : Le gouvernement est nécessaire à la coopération 

 L’argument le plus célèbre contre l’anarchie est probablement celui de Hobbes. L’argument de Hobbes est le suivant : « eh bien, écoutez, la coopération humaine, la coopération sociale, nécessite une structure de droit en arrière-plan. La raison pour laquelle nous pouvons nous faire confiance pour coopérer est que nous savons qu’il existe des forces juridiques qui nous puniront si nous violons les droits des autres. Je sais qu’elles me puniront si je viole vos droits, mais elles vous puniront également si vous violez les miens. Je peux donc vous faire confiance parce que je n’ai pas à me fier à votre personnalité. Je dois juste me fier au fait que vous serez intimidé par la loi. Ainsi, la coopération sociale nécessite ce cadre juridique soutenu par la force de l’État. » Eh bien, Hobbes suppose plusieurs choses à la fois ici. Tout d’abord, il suppose qu’il ne peut y avoir de coopération sociale sans loi. Deuxièmement, il suppose qu’il ne peut y avoir de loi à moins qu’elle ne soit appliquée par la force physique. Et troisièmement, il suppose qu’une loi ne peut être appliquée par la force physique à moins que ce ne soit par un État monopoliste.  

Mais toutes ces hypothèses sont fausses. Il est vrai que la coopération peut émerger et émerge, peut-être pas aussi efficacement qu’elle le ferait avec la loi, mais sans loi. Dans son livre Order Without Law, Robert Ellickson parle de la façon dont les voisins parviennent à résoudre leurs conflits. Il donne de nombreux exemples de ce qui se passe si la vache d’un agriculteur erre sur le territoire d’un autre agriculteur et que les deux parties règlent le problème par le biais d’accords coutumiers mutuels, etc., sans qu’il existe de cadre juridique pour résoudre le problème. Ce n’est peut-être pas suffisant pour une économie complexe, mais cela montre certainement qu’il est possible d’avoir une certaine forme de coopération sans cadre juridique réel. Deuxièmement, il est possible d’avoir un cadre juridique qui ne soit pas soutenu par la force. Un exemple serait le Law Merchant à la fin du Moyen Âge : un système de droit commercial qui était soutenu par des menaces de boycott. Le boycott n’est pas un acte de force. Mais il y a toujours des marchands qui concluent tous ces contrats, et si vous ne respectez pas le contrat, alors le tribunal le dit à tout le monde : « cette personne n’a pas respecté le contrat ; tenez-en compte si vous voulez conclure un autre contrat avec elle. » Et troisièmement, vous pouvez avoir des systèmes juridiques formels qui utilisent la force sans être monopolistiques. Puisque Hobbes n’envisage même pas cette possibilité, il ne donne pas vraiment d’argument contre elle. Mais vous pouvez certainement en voir des exemples dans l’histoire. L’histoire de l’Islande médiévale, par exemple, où il n’y avait pas de centre unique d’application. Bien qu’il y ait eu ce que l’on pourrait peut-être appeler un gouvernement, il n’avait aucun bras exécutif du tout. Il n’y avait pas de police, pas de soldats, rien. Il y avait une sorte de système judiciaire compétitif. Mais l’application de la loi était à la discrétion de qui que ce soit. Et des systèmes ont évolué pour s’en occuper. 

(3) Locke : Trois « inconvénients » de l’anarchie 

Bon, bon, les arguments les plus intéressants viennent de Locke. Locke soutient que l’anarchie implique trois choses qu’il appelle des « inconvénients ». Et « inconvénient » a un son un peu plus lourd dans l’anglais du XVIIe siècle que dans l’anglais moderne, mais son argument en l’appelant « inconvénients », qui est toujours un peu plus faible, était que Locke pensait que la coopération sociale pouvait exister dans une certaine mesure sous l’anarchie. Il était plus optimiste que Hobbes. Il pensait que, sur la base des sympathies morales d’une part et de l’intérêt personnel d’autre part, la coopération pouvait émerger. Il pensait qu’il y avait trois problèmes. L’un d’eux, disait-il, était qu’il n’y aurait pas de corpus général de lois qui seraient généralement connues, acceptées et comprises. Les gens pourraient saisir certains principes fondamentaux de la loi de la nature. Mais leurs applications et leurs détails précis seraient toujours controversés. Même les libertariens ne sont pas d’accord. Ils peuvent être d’accord sur des choses générales, mais nous sommes toujours en train de discuter entre nous sur divers points de détail. Ainsi, même dans une société de libertariens pacifiques et coopératifs, il y aura toujours des désaccords sur les détails. Et donc, à moins qu’il n’y ait un corpus général de lois que tout le monde connaisse et qui permette à chacun de savoir ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire, cela ne fonctionnera pas. C’était donc le premier argument de Locke. Il doit y avoir un corpus de lois universel connu de tous, applicable à tous et que chacun connaisse à l’avance. Deuxièmement, il y a un problème de pouvoir d’application. Il pensait que sans gouvernement, on n’a pas un pouvoir suffisamment unifié pour faire respecter les lois. On a juste des individus qui font respecter les lois de leur propre chef, et ils sont tout simplement trop faibles, ils ne sont pas assez organisés, ils pourraient être envahis par une bande de bandits ou quelque chose comme ça.

Troisièmement, Locke a dit que le problème est que l’on ne peut pas faire confiance aux gens pour être juges de leur propre cause. Si deux personnes sont en désaccord et que l’une d’elles dit : « Je sais ce qu’est la loi de la nature et je vais vous l’imposer », eh bien, les gens ont tendance à être partiaux et vont trouver plus plausible l’interprétation de la loi de la nature qui favorise leur propre cause. Il pensait donc qu’on ne peut pas faire confiance aux gens pour être juges de leur propre cause ; par conséquent, ils devraient être moralement tenus de soumettre leurs différends à un arbitre. Peut-être qu’en cas d’urgence, ils peuvent toujours se défendre sur place, mais dans d’autres cas où il ne s’agit pas d’une question de légitime défense immédiate, ils doivent déléguer cette tâche à un arbitre, à une tierce partie – et c’est l’État. Locke pense donc que ce sont là trois problèmes que l’on rencontre en anarchie, et que l’on ne les rencontrerait pas sous un gouvernement ou du moins sous un gouvernement approprié. Mais je pense que c’est exactement l’inverse. Je pense que l’anarchie peut résoudre ces trois problèmes, et que l’État, de par sa nature même, ne peut pas les résoudre. Prenons d’abord le cas de l’universalité, ou de l’existence d’un corpus de lois universellement connu, que les gens peuvent connaître à l’avance et sur lequel ils peuvent compter. Maintenant, est-ce que cela peut émerger dans un système non étatique ? En fait, cela est apparu dans le droit marchand précisément parce que les États ne le fournissaient pas. L’une des choses qui a contribué à l’émergence du droit marchand est que les États européens avaient chacun des ensembles de lois différents régissant les commerçants. Ils étaient tous différents. Et un tribunal en France ne pouvait pas confirmer un contrat conclu en Angleterre en vertu des lois anglaises, et vice versa. Ainsi, la capacité des commerçants à s’engager dans le commerce international était entravée par le fait qu’il n’existait pas de système uniforme de droit commercial pour toute l’Europe. Les commerçants se sont donc réunis et ont dit : « Bon, créons-en quelques-uns de nos propres. Les tribunaux édictent des règles farfelues, toutes différentes, qui ne respectent pas les décisions des autres. Nous allons donc les ignorer et créer notre propre système. » Il s’agit donc d’un cas où l’uniformité et la prévisibilité ont été produites par le marché et non par l’État. Et vous pouvez comprendre pourquoi cela n’est pas surprenant. Il est dans l’intérêt de ceux qui fournissent un système privé de le rendre uniforme et prévisible si c’est ce dont les clients ont besoin.

C’est pour la même raison que vous ne trouvez pas de cartes de retrait triangulaires. Autant que je sache, aucune loi n’interdit d’avoir des cartes de retrait triangulaires, mais si quelqu’un essayait de les commercialiser, elles ne seraient pas très populaires parce qu’elles ne s’adapteraient pas aux machines existantes. Lorsque les gens ont besoin de diversité, lorsque les gens ont besoin de systèmes différents pour différentes personnes, le marché les fournit. Mais il y a des choses où l’uniformité est meilleure. Votre carte de retrait a plus de valeur pour vous si tout le monde utilise le même type de carte ou un type compatible avec elle, de sorte que vous pouvez tous utiliser les machines où que vous alliez ; et donc, les commerçants, s’ils veulent faire du profit, vont offrir de l’uniformité. Le marché a donc intérêt à offrir de l’uniformité d’une manière que le gouvernement ne fait pas nécessairement. En ce qui concerne la question d’avoir suffisamment de pouvoir pour s’organiser pour la défense – eh bien, il n’y a aucune raison pour que vous ne puissiez pas avoir d’organisation dans l’anarchie. L’anarchie ne signifie pas que chacun fabrique ses propres chaussures. L’alternative à ce que le gouvernement fournisse toutes les chaussures n’est pas que chaque personne fabrique ses propres chaussures. De même, l’alternative au fait que le gouvernement fournisse tous les services juridiques n’est pas que chaque personne doive être son propre gendarme indépendant. Il n’y a aucune raison pour que les gens ne puissent pas s’organiser de diverses manières. En fait, si vous craignez de ne pas avoir suffisamment de force pour résister à un agresseur, eh bien, un gouvernement monopoliste est un agresseur bien plus dangereux qu’une simple bande de bandits ou autre, car il a unifié tout ce pouvoir en un seul point de la société entière. Mais je pense que, ce qui est le plus intéressant, c’est que l’argument selon lequel il faut être juge dans sa propre affaire se retourne contre l’argument de Locke ici. Car tout d’abord, ce n’est pas un bon argument en faveur du monopole, car c’est une erreur de prétendre que tout le monde devrait soumettre ses différends à un tiers, alors qu’il devrait y avoir un tiers à qui tout le monde soumet ses différends. C’est comme prétendre que tout le monde aime au moins une émission de télévision, alors qu’il y a au moins une émission de télévision que tout le monde aime. Cela ne va pas de soi. Vous pouvez demander à tout le monde de soumettre ses litiges à des tiers sans qu’il y ait un tiers auquel chacun soumette ses litiges. Supposons que vous ayez trois personnes sur une île. A et B peuvent soumettre leurs litiges à C, et A et C peuvent soumettre leurs litiges à B, et B et C peuvent soumettre leurs litiges à A. Vous n’avez donc pas besoin d’un monopole pour incarner ce principe selon lequel les gens doivent soumettre leurs litiges à un tiers.

Mais en plus, non seulement vous n’avez pas besoin d’un gouvernement, mais un gouvernement est précisément ce qui ne satisfait pas à ce principe. Car si vous avez un différend avec le gouvernement, le gouvernement ne le soumet pas à un tiers. Si vous avez un différend avec le gouvernement, il sera réglé par un tribunal gouvernemental (si vous avez de la chance – si vous n’avez pas de chance, si vous vivez sous l’un des gouvernements les plus rudes et les plus rétifs, vous n’arriverez même pas jusqu’à un tribunal). Bien sûr, il est préférable que le gouvernement lui-même soit divisé, qu’il y ait des freins et des contrepoids, etc. C’est un peu mieux, cela se rapproche de l’existence de tiers, mais ils font toujours partie du même système ; les juges sont payés par l’argent des impôts, etc. Ce n’est donc pas comme si vous ne pouviez pas avoir des approximations meilleures ou pires de ce principe parmi différents types de gouvernements. Néanmoins, tant qu’il s’agit d’un système de monopole, par sa nature, il est dans un certain sens sans loi. Elle ne soumet jamais ses différends à un tiers. 

(4) Ayn Rand : Les agences de protection privées se battront 

L’argument le plus populaire contre l’anarchie libertaire est probablement : que se passe-t-il si (et c’est le célèbre argument d’Ayn Rand) je pense que vous avez violé mes droits et que vous pensez que non, alors j’appelle mon agence de protection et vous appelez votre agence de protection – pourquoi ne veulent-ils pas simplement se battre ? Qu’est-ce qui garantit qu’ils ne se battront pas ? À quoi, bien sûr, la réponse est : eh bien, rien ne garantit qu’ils ne se battront pas. Les êtres humains ont le libre arbitre. Ils peuvent faire toutes sortes de choses folles. Ils pourraient aller au combat. De même, George Bush pourrait décider d’appuyer sur le bouton nucléaire demain. Ils pourraient faire toutes sortes de choses.  

La question est la suivante : qu’est-ce qui est le plus susceptible de régler ses différends par la violence : un gouvernement ou une agence de protection privée ? La différence est que les agences de protection privées doivent supporter les coûts de leur propre décision d’entrer en guerre. Partir en guerre coûte cher. Si vous avez le choix entre deux agences de protection et que l’une règle ses différends par la violence la plupart du temps, et l’autre par l’arbitrage la plupart du temps, vous pourriez penser : « Je veux celle qui règle ses différends par la violence, ça a l’air vraiment cool ! » Mais ensuite, vous regardez vos primes mensuelles. Et vous vous demandez : « Dans quelle mesure êtes-vous attaché à cette mentalité viking ? » Vous êtes peut-être tellement attaché à la mentalité viking que vous êtes prêt à payer pour cela, mais cela reste plus cher. Beaucoup de clients diront : « Je veux aller chez une qui ne facture pas tout ce supplément pour la violence. » Alors que les gouvernements – tout d’abord, ils ont des clients captifs, ils ne peuvent pas aller ailleurs – mais comme ils taxent les clients de toute façon, et donc les clients n’ont pas la possibilité de changer d’agence. Et donc, les gouvernements peuvent externaliser les coûts de leur participation à la guerre beaucoup plus efficacement que les agences privées. 

(5) Robert Bidinotto : Pas d’arbitre final des conflits 

Une objection courante – c’est celle que l’on trouve, par exemple, chez Robert Bidinotto, qui est un Randien qui a écrit un certain nombre d’articles contre l’anarchie (lui et moi avons eu une sorte de débat en ligne à ce sujet) – sa principale objection à l’anarchie est que dans l’anarchie, il n’y a pas d’arbitre final dans les conflits. Sous le gouvernement, un arbitre final arrive à un moment donné et résout le conflit d’une manière ou d’une autre. Eh bien, dans un régime d’anarchie, comme il n’existe pas d’organisme unique qui ait le droit de régler les choses une fois pour toutes, il n’y a pas d’arbitre final, et donc les conflits, dans un certain sens, ne finissent jamais, ne sont jamais résolus, restent toujours ouverts.  

Alors, quelle est la réponse à cette question ? Je pense qu’il y a une ambiguïté dans le concept d’arbitre final. Par « arbitre final », on pourrait entendre l’arbitre final dans ce que j’appelle le sens platonicien. C’est-à-dire quelqu’un ou quelque chose ou une institution qui garantit absolument que le conflit est résolu pour toujours ; qui garantit absolument la résolution. Ou, au contraire, par « arbitre final », on pourrait simplement entendre une personne ou un processus ou une institution ou quelque chose qui garantit de manière plus ou moins fiable la plupart du temps que ces problèmes seront résolus. Il est vrai que dans le sens platonicien d’une garantie absolue d’un arbitre final – dans ce sens, l’anarchie n’en fournit pas. Mais aucun autre système n’en fournit non plus. Prenez une république constitutionnelle minarchiste du type de celle que favorise Bidinotto. Y a-t-il un arbitre final dans ce système, au sens de quelque chose qui garantit absolument la fin du processus de conflit pour toujours ? Eh bien, je vous poursuis en justice, ou j’ai été poursuivi, ou je suis accusé de quelque chose, peu importe – je suis dans une sorte de procès. Je perds. Je fais appel. Je fais appel à la Cour suprême. Ils vont contre moi. Je fais pression sur le Congrès pour qu’il modifie les lois en ma faveur. Ils ne le font pas. Alors j’essaie de lancer un mouvement pour un amendement constitutionnel. Cela échoue, alors j’essaie de rassembler les gens pour élire de nouveaux membres du Congrès qui voteront pour. Dans un certain sens, cela peut durer éternellement. Le conflit n’est pas terminé. Mais, en fait, la plupart du temps, la plupart des conflits juridiques finissent par se terminer. Quelqu’un trouve trop coûteux de continuer à se battre. De même, dans l’anarchie – bien sûr, rien ne garantit que le conflit ne durera pas éternellement. Il y a très peu de garanties de ce genre. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’attendre à ce qu’il fonctionne. 

(6) Le droit de la propriété ne peut pas émerger du marché  

Un autre argument populaire, souvent utilisé par les Randiens, est que les échanges sur le marché présupposent un contexte de droit de la propriété. Vous et moi ne pouvons pas faire d’échanges de biens contre des services, ou d’argent contre des services, ou quoi que ce soit d’autre, à moins qu’il n’existe déjà un contexte stable de droit de la propriété qui nous assure les titres de propriété que nous avons. Et comme le marché, pour fonctionner, présuppose l’existence d’un contexte de droit de la propriété, ce droit de la propriété ne peut pas lui-même être le produit du marché. Le droit de la propriété doit émerger – ils doivent vraiment penser qu’il doit émerger d’un robot infaillible ou quelque chose comme ça – mais je ne sais pas exactement de quoi il émerge, mais d’une certaine manière, il ne peut pas émerger du marché. Mais leur raisonnement est un peu comme : d’abord, il y a ce droit de la propriété, et tout est mis en place, et aucune transaction sur le marché n’a lieu – tout le monde attend juste que toute la structure juridique soit mise en place. Et puis, c’est en place – et maintenant, nous pouvons enfin commencer à échanger dans les deux sens. Il est certainement vrai qu’il ne peut pas y avoir de marchés fonctionnels sans un système juridique fonctionnel ; c’est vrai. Mais ce n’est pas comme si le système juridique était d’abord en place, puis le dernier jour, il était enfin terminé – et que les gens commençaient à commercer. Ces choses naissent ensemble. Les institutions juridiques et le commerce économique naissent ensemble au même endroit, au même moment. Le système juridique n’est pas quelque chose d’indépendant de l’activité qu’il contraint. Après tout, un système juridique n’est pas un robot, ni un dieu, ni quelque chose de séparé de nous. L’existence d’un système juridique consiste dans le fait que les gens lui obéissent. Si tout le monde ignorait le système juridique, il n’aurait aucun pouvoir. C’est donc seulement parce que les gens l’acceptent en général qu’il survit. Le système juridique dépend aussi du soutien volontaire. Je pense que beaucoup de gens – une des raisons pour lesquelles ils ont peur de l’anarchie est qu’ils pensent que sous l’autorité du gouvernement, c’est comme si une sorte de garantie leur était retirée sous l’anarchie. Qu’il existe en quelque sorte ce fondement solide sur lequel nous pouvons toujours nous appuyer et qui, sous l’anarchie, disparaît. Mais ce fondement solide n’est que le produit de l’interaction des gens avec les incitations qu’ils ont. De même, quand les anarchistes disent que les gens sous l’anarchie seraient probablement incités à faire ceci ou cela, les gens disent : « Eh bien, ce n’est pas suffisant ! Je ne veux pas seulement qu’il soit probable qu’ils soient incités à faire ceci. Je veux que le gouvernement garantisse absolument qu’ils le feront ! » Mais le gouvernement, ce sont juste des gens. Et selon la structure constitutionnelle de ce gouvernement, il est probable qu’ils feront ceci ou cela. Vous ne pouvez pas concevoir une constitution qui garantira que les gens au gouvernement se comporteront d’une manière particulière. Vous pouvez la structurer de telle manière qu’ils soient plus susceptibles de faire ceci ou cela. Et vous pouvez considérer l’anarchie comme une simple extension du système de freins et contrepoids à un niveau plus large.

Par exemple, les gens se demandent : « Qu’est-ce qui garantit que les différentes agences résoudront les problèmes d’une manière particulière ? » Eh bien, la Constitution américaine ne dit rien sur ce qui se passe si les différentes branches du gouvernement ne s’entendent pas sur la manière de résoudre les problèmes. Elle ne dit pas ce qui se passe si la Cour suprême estime qu’une chose est inconstitutionnelle mais que le Congrès pense le contraire et veut aller de l’avant et agir quand même. Il est bien connu qu’elle ne dit pas ce qui se passe en cas de conflit entre les États et le gouvernement fédéral. Le système actuel, où une fois que la Cour suprême déclare quelque chose inconstitutionnel, le Congrès et le président n’essaient plus de le faire (ou du moins pas autant), n’a pas toujours existé. Souvenez-vous que lorsque la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle la décision d’Andrew Jackson, lorsqu’il était président, il a simplement dit : « Eh bien, ils ont pris leur décision, qu’ils la fassent appliquer. » La Constitution ne dit pas si la façon dont Jackson a procédé était la bonne. La façon dont nous procédons aujourd’hui est celle qui a émergé de la coutume. Peut-être êtes-vous pour, peut-être êtes-vous contre – quoi qu’il en soit, cela n’a jamais été codifié dans la loi. 

 (7) Le crime organisé prendra le dessus 

Une objection est que dans l’anarchie, le crime organisé prendra le dessus. Eh bien, c’est possible. Mais est-ce probable ? Le crime organisé tire son pouvoir de sa spécialisation dans des choses illégales – des choses comme la drogue et la prostitution, etc. Pendant les années où l’alcool était interdit, le crime organisé se spécialisait dans le commerce de l’alcool. Aujourd’hui, il n’est plus aussi important dans le commerce de l’alcool. Le pouvoir du crime organisé dépend donc dans une large mesure du pouvoir du gouvernement. C’est en quelque sorte un parasite des activités du gouvernement. Les gouvernements, en interdisant certaines choses, créent des marchés noirs. Les marchés noirs sont dangereux car il faut se soucier à la fois du gouvernement et des autres personnes douteuses qui se lancent dans le marché noir. Le crime organisé se spécialise dans cela. Je pense donc que le crime organisé serait plus faible, et non plus fort, dans un système libertaire. 

(8) Les riches domineront  

Une autre crainte est que les riches règnent. Après tout, la justice ne va-t-elle pas être rendue au plus offrant dans ce cas, si l’on transforme les services juridiques en biens économiques ? C’est une objection courante. Curieusement, c’est une objection particulièrement courante chez les Randiens, qui deviennent soudainement très préoccupés par les masses pauvres et démunies. Mais dans quel système les riches sont-ils plus puissants ? Dans le système actuel ou dans l’anarchie ? Bien sûr, on a toujours un certain avantage si l’on est riche. C’est bien d’être riche. On est toujours mieux placé pour corrompre les gens si l’on est riche que si l’on ne l’est pas ; c’est vrai. Mais, dans le système actuel, le pouvoir des riches est amplifié. Supposons que je sois un riche malfaisant et que je veuille que le gouvernement fasse telle ou telle chose qui coûte un million de dollars. Dois-je soudoyer un million de dollars un bureaucrate pour y parvenir ? Non, parce que je ne lui demande pas de le faire avec son propre argent. Bien sûr, si je lui demandais de le faire avec son propre argent, je ne pourrais pas le convaincre de dépenser un million de dollars en le soudoyant moins d’un million. Il faudrait au moins un million de dollars et un centime. Mais les gens qui contrôlent l’argent des impôts qu’ils ne possèdent pas personnellement et qui ne peuvent donc pas en faire ce qu’ils veulent, le bureaucrate ne peut pas simplement empocher le million et rentrer chez lui (même si cela peut s’en rapprocher étonnamment). Tout ce que j’ai à faire, c’est de le soudoyer de quelques milliers de dollars, et il peut consacrer ce million de dollars d’argent des impôts à mon projet préféré ou autre, et ainsi le pouvoir de mon pot-de-vin est multiplié. Alors que, si vous étiez le chef d’une agence de protection privée et que j’essayais de vous convaincre de faire quelque chose qui coûte un million de dollars, je devrais vous soudoyer plus d’un million. Donc, le pouvoir des riches est en fait moindre dans ce système. Et bien sûr, tout tribunal qui aurait la réputation de discriminer les millionnaires au détriment des pauvres aurait aussi probablement la réputation de discriminer les milliardaires au détriment des millionnaires. Les millionnaires ne voudraient donc pas avoir affaire à ce genre de choses tout le temps. Ils ne voudraient y être confrontés que lorsqu’ils ont affaire à des personnes plus pauvres, pas à des personnes plus riches. Les effets sur la réputation – je ne pense pas que ce serait une pratique très populaire.

Les victimes pauvres qui ne peuvent pas se permettre de recourir à des services juridiques ou qui meurent sans héritiers (là encore, les Randiens sont très inquiets de voir des victimes mourir sans héritiers) peuvent faire ce qu’ils faisaient dans l’Islande médiévale. Vous êtes trop pauvre pour payer des services juridiques, mais si quelqu’un vous a fait du mal, vous avez droit à une indemnisation de la part de cette personne. Vous pouvez vendre cette réclamation, une partie ou la totalité de la réclamation, à quelqu’un d’autre. En fait, c’est un peu comme engager un avocat sur la base d’honoraires conditionnels. Vous pouvez vendre à quelqu’un qui est en mesure de faire valoir votre réclamation. Ou, si vous mourez sans héritiers, en un sens, l’un des biens que vous avez laissés derrière vous était votre demande d’indemnisation, et vous pouvez la conserver. 

 (9) Robert Bidinotto : Les masses exigeront de mauvaises lois 

Une autre inquiétude de Bidinotto – et c’est en quelque sorte l’opposé de l’inquiétude de voir les riches gouverner – est la suivante : « eh bien, écoutez, Mises n’a-t-il pas raison de dire que le marché est comme une grande démocratie, où il y a la souveraineté du consommateur, et où les masses obtiennent tout ce qu’elles veulent ? C’est formidable quand il s’agit de réfrigérateurs, de voitures, etc. Mais ce n’est sûrement pas une bonne chose quand il s’agit de lois. Car, après tout, les masses sont une bande d’idiots ignorants et intolérants, et si elles obtiennent simplement les lois qu’elles veulent, qui sait quelles horreurs elles vont créer. » Bien sûr, la différence entre la démocratie économique du type de Mises et la démocratie politique est la suivante : eh bien, oui, elles obtiennent tout ce qu’elles veulent, mais elles vont devoir payer pour cela. Maintenant, il est parfaitement vrai que si vous avez des gens qui sont suffisamment fanatiques pour vouloir imposer quelque chose de misérable à d’autres personnes, si vous avez un groupe suffisamment large de personnes qui sont suffisamment fanatiques à ce sujet, alors l’anarchie pourrait ne pas conduire à des résultats libertariens.  

Si vous vivez en Californie, vous avez suffisamment de gens qui sont absolument fanatiques de l’interdiction du tabac, ou peut-être si vous êtes en Alabama et que c’est l’homosexualité plutôt que le tabac qu’ils veulent interdire (aucun des deux ne l’interdirait, je pense) – dans ce cas, il se pourrait qu’ils soient tellement fanatiques qu’ils l’interdisent. Mais n’oubliez pas qu’ils vont devoir payer pour cela. Donc, lorsque vous recevez votre prime mensuelle, vous voyez : eh bien, voici votre service de base – vous protéger contre les agressions ; oh, et puis voici également votre service étendu, et le supplément pour cela – regarder par la fenêtre de vos voisins pour s’assurer qu’ils ne sont pas – soit à cause du tabac, soit à cause de l’homosexualité ou de quoi que ce soit qui vous inquiète. Maintenant, les gens vraiment fanatiques diront : « Oui, je vais débourser de l’argent supplémentaire pour cela. » (Bien sûr, s’ils sont aussi fanatiques, ils vont probablement aussi causer des problèmes sous la junte.) Mais s’ils ne sont pas aussi fanatiques, ils diront : « Eh bien, si tout ce que j’ai à faire est d’aller voter pour ces lois qui restreignent la liberté des autres, eh bien, j’irais, c’est assez facile d’aller voter pour cela. » Mais s’ils doivent réellement payer pour cela – « Eh bien, je ne sais pas. Peut-être que je peux me résigner à cela. » 

(10) Robert Nozick et Tyler Cowen : Les agences de protection privées deviendront un gouvernement de facto 

Bon, une dernière considération dont je veux parler. C’est une question qui a été soulevée à l’origine par Robert Nozick et qui a depuis été poussée plus loin par Tyler Cowen. Nozick a dit : Supposons que vous ayez l’anarchie. Une des trois choses se produira. Soit les agences se battront – et il donne deux scénarios différents de ce qui se passera si elles se battent. Mais j’ai déjà parlé de ce qui se passe s’ils se battent, alors je vais parler de la troisième option. Et s’ils ne se battent pas ? Ensuite, il dit que s’ils acceptent ces contrats d’arbitrage mutuel et ainsi de suite, alors fondamentalement, tout cela se transforme en un gouvernement. Et puis Tyler Cowen a poussé cet argument plus loin. Il a dit que ce qui se passe, c’est que cela se transforme en fait en un cartel, et il sera dans l’intérêt de ce cartel de se transformer en quelque sorte en un gouvernement. Et toute nouvelle agence qui apparaît, ils peuvent simplement la boycotter. 

De la même manière que vous avez intérêt à ce que votre nouvelle carte bancaire soit compatible avec les machines de tous les autres, si vous créez une nouvelle agence de protection, vous avez intérêt à faire partie de ce système de contrats et d’arbitrage, etc., qui existe déjà. Les consommateurs ne s’adresseront pas à vous s’ils découvrent que vous n’avez pas conclu d’accord sur ce qui se passera en cas de conflit avec ces autres agences. Ce cartel pourra donc exclure tout le monde. Est-ce que cela pourrait arriver ? Bien sûr. Toutes sortes de choses pourraient se produire. La moitié du pays pourrait se suicider demain. Mais est-ce probable ? Ce cartel pourrait-il abuser de son pouvoir de cette façon ? Le problème est que les cartels sont instables pour toutes les raisons habituelles. Cela ne veut pas dire qu’il est impossible qu’un cartel réussisse. Après tout, les gens ont le libre arbitre. Mais c’est peu probable, car les motivations mêmes qui vous poussent à former un cartel vous poussent aussi à le trahir, car il est toujours dans l’intérêt de quiconque de conclure des accords en dehors du cartel une fois qu’il en fait partie. Bryan Caplan fait une distinction entre les boycotts auto-exécutoires et les boycotts non auto-exécutoires. Les boycotts auto-exécutoires sont ceux où le boycott est assez stable, car il s’agit d’un boycott contre, par exemple, le fait de faire des affaires avec des personnes qui trompent leurs partenaires commerciaux. Maintenant, vous n’avez pas besoin d’avoir une résolution d’engagement moral de fer pour éviter de faire des affaires avec des personnes qui trompent leurs partenaires commerciaux. Vous avez une raison parfaitement intéressée de ne pas faire affaire avec ces personnes. Mais pensez plutôt à un engagement à ne pas faire affaire avec quelqu’un parce que vous n’aimez pas sa religion ou quelque chose de ce genre, ou parce qu’il est membre de la mauvaise agence de protection, une agence avec laquelle vos collègues vous ont dit de ne pas traiter – eh bien, le boycott pourrait fonctionner. Peut-être que suffisamment de personnes (et peut-être tout le monde) au sein du cartel sont tellement déterminées à soutenir le cartel qu’elles ne veulent tout simplement pas traiter avec la personne. Est-ce possible ? Oui. Mais, si nous supposons qu’ils ont formé le cartel pour leur propre intérêt économique, alors c’est précisément cet intérêt économique qui conduit à la déstabilisation, car il est dans leur intérêt de traiter avec la personne, tout comme il est toujours dans votre intérêt de vous engager dans des échanges mutuellement bénéfiques. 

 PÉRIODE DE QUESTIONS 

Quoi qu’il en soit, voilà quelques-unes des objections et quelques-unes de mes réponses, et je vais les aborder. 

Q1 : Ma principale préoccupation concernant l’anarchisme est la suivante : pourquoi ne peut-on pas dire que le gouvernement n’est qu’une autre division du travail ? Parce qu’il se pourrait que certaines personnes soient meilleures ou possèdent des capacités naturelles qui les rendent plus aptes à gouverner les autres. Je ne dis pas que l’anarchie ne peut pas fonctionner, mais uniquement à partir de preuves empiriques, le fait qu’aucune des régions industrialisées du monde ne soit en état d’anarchie, et qu’elles n’aient jamais été longtemps en état d’anarchie, en dit long sur la stabilité ou la viabilité des sociétés humaines complexes dans l’état actuel. Et aussi, pour revenir à ce que j’ai dit plus tôt, on peut concevoir la relation entre le dirigeant et les dirigés comme une autre division du travail courante. Certaines personnes possèdent des capacités de leadership qui leur permettent de mieux organiser les gens que d’autres. Certaines personnes n’en ont pas. 

 RL : Sur le point de la division du travail, dans la mesure où la division du travail est volontaire – si vous êtes meilleur que moi dans tel ou tel domaine, et donc vous le faites, et ensuite j’achète vos services – tant que c’est volontaire, c’est bien. Mais quand nous parlons de division du travail et que certaines personnes sont meilleures que d’autres pour gouverner – eh bien, si je consens à ce que vous me dirigiez – peut-être que je vous engage comme conseiller parce que je pense que vous êtes meilleur que moi pour prendre des décisions, alors je prends une dernière décision qui est de vous embaucher comme conseiller, et à partir de là je fais ce que vous dites – ce n’est pas du gouvernement ; vous êtes mon employé, vous êtes un employé que je suis très religieusement. Mais gouverner implique de gouverner les gens sans leur consentement. Le fait que la division du travail soit bénéfique pour toutes les personnes concernées ne semble pas s’appliquer dans les cas où un groupe force l’autre à accepter ses services. 

Et pour ce qui est de savoir pourquoi nous ne voyons aucun pays industrialisé qui connaît l’anarchie – bien sûr, nous ne voyons pas non plus de pays industrialisés qui connaissent la monarchie. Mais les pays industrialisés n’existent pas depuis si longtemps. Il fut un temps où les gens disaient que tous les pays civilisés (ou presque tous les pays civilisés) étaient des monarchies. On trouve des gens aux XVIIe et XVIIIe siècles qui disaient : regardez, tous les pays civilisés sont des monarchies ; la démocratie ne fonctionnerait jamais. Et en disant que la démocratie ne fonctionnerait jamais, ils ne voulaient pas seulement dire qu’elle aurait divers effets négatifs à long terme ; ils pensaient simplement qu’elle s’effondrerait complètement dans le chaos en quelques mois. Quoi que vous puissiez penser de la démocratie, elle était plus viable que ce qu’ils avaient prévu. Elle pourrait durer plus longtemps, en tout cas, que ce qu’ils avaient prévu. Les choses sont donc en constante évolution. Il fut un temps où il n’y avait que des monarchies. Aujourd’hui, ce sont toutes des démocraties semi-oligarchiques. La nuit ne fait que commencer. 

Q2 : Roderick, nous apprécions tous le travail formidable que vous faites ici à l’Institut Mises, mais Ludwig von Mises n’était pas un anarchiste. Je me demandais donc si vous pouviez nous en dire plus sur votre institut et l’Institut Molinari. 

RL : Mises n’était pas vraiment un misésien ! [rires] Eh bien, j’ai mon propre groupe de réflexion. Il est un peu plus petit que celui-ci. Je ne sais pas s’il a une taille physique. Il est composé de plus d’une personne. Le conseil d’administration est composé de trois personnes. Donc, c’est trois personnes plus un site Web. Un jour, il dominera la Terre – de manière anarchique. Pour l’instant, ce qu’il fait principalement, c’est publier divers classiques libertaires et anarchistes sur son site Web. Il existe une ramification de celui-ci – la Société Molinari, qui est composée des mêmes trois personnes plus une de plus. Dans la mesure où, comme l’a dit Hayek, les faits sociaux consistent en l’attitude des gens à leur égard, plus les gens pensent qu’ils existent, plus ils existent. Tout cela existe un peu plus parce que nous nous sommes affiliés à l’American Philosophical Association. La Molinari Society organise une session lors des réunions de l’American Philosophical Association en décembre. Il s’agira donc en fait d’un événement Molinari en décembre impliquant les trois personnes plus une autre. Voilà donc le grand et glorieux progrès. Sa mission est de renverser le gouvernement. Nous avons demandé au gouvernement un statut d’exonération fiscale. (Nous verrons à quel point ils sont stupides ! Nous avons formulé la description un peu différemment lorsque nous avons envoyé les formulaires.) 

Q3 : J’allais appuyer votre argument concernant l’objection de Rand selon laquelle les transactions sur le marché nécessitent une certaine base juridique. Le fait qu’il existe des marchés noirs contredit cette affirmation. Si vous êtes un trafiquant de cocaïne et que vous vous faites arnaquer par votre intermédiaire, vous ne pouvez certainement pas aller devant un tribunal et dire « Allez l’arrêter, il ne m’a pas donné la cocaïne qu’il était censé me donner »…

 RL : Je suis sûr que quelqu’un a essayé… 

Q3 : …Maintenant, bien sûr, cela peut très facilement conduire à la violence, mais n’oubliez pas qu’il y a des gens qui essaient activement de vous arrêter, non seulement qu’ils ne vous laissent pas arbitrer, mais qu’ils vous empêchent activement de le faire. 

 RL : David Friedman avance l’argument selon lequel l’une des principales fonctions de la mafia est de servir en quelque sorte de système judiciaire pour les criminels. Ce n’est pas tout, mais la Mafia s’intéresse aux activités criminelles qui se déroulent sur son territoire, car elle veut sa part, mais elle ne veut pas non plus que des gangs se tirent dessus sur son territoire. Si vous avez un conflit, que vous avez conclu un accord criminel avec quelqu’un et qu’il vous a trompé, et que cela s’est produit dans la juridiction d’un groupe mafieux particulier, ils s’y intéresseront tant que vous lui versez votre part. S’ils ne coopèrent pas, la Mafia agira comme un tribunal et une police. Ce sont en quelque sorte des flics pour les criminels. 

Q4 : Qu’est-ce qui empêchera les sociétés de protection de devenir un racket de protection ? 

 RL : Eh bien, d’autres sociétés de protection. Si elles y parviennent, alors elles deviennent un gouvernement. Mais pendant la période où il essaie de le faire, il n’est pas encore devenu un gouvernement, donc nous supposons qu’il existe encore d’autres agences, et il est dans l’intérêt de ces autres agences de s’assurer que cela n’arrive pas. Est-ce que cela pourrait devenir un racket de protection ? En principe, les agences de protection pourraient-elles évoluer vers un gouvernement ? Certaines le pourraient. Je pense que c’est probablement le cas historiquement. Mais la question est : est-ce un résultat probable ou inévitable ? Je ne le pense pas, car il existe un système de freins et contrepoids. Les freins et contrepoids peuvent échouer dans l’anarchie, tout comme ils peuvent échouer dans le cadre des constitutions. Mais il existe un système de freins et contrepoids qui consiste en la possibilité de faire appel à d’autres agences de protection ou de créer une autre agence de protection avant que cette chose n’ait eu la chance d’acquérir ce genre de pouvoir. 

Q5 : Qui explique le mieux l’origine de l’État ? 

RL : Il existe une théorie populaire du XIXe siècle sur l’origine de l’État, que l’on retrouve sous différentes formes. On la trouve chez Herbert Spencer, chez Oppenheimer, et chez certains libéraux français comme Comte et Dunoyer, et chez Molinari, qui n’était pas vraiment français, mais belge (« Je ne suis pas un Français, je suis un Belge ! »). Cette théorie – ils en ont eu différentes versions, mais elles sont toutes assez similaires – était qu’un groupe en conquiert un autre. Souvent, la théorie était qu’une sorte de groupe de chasseurs-maraudeurs conquiert un groupe d’agriculteurs. Dans la version de Molinari, ce qui se passe est le suivant : d’abord, ils vont tuer des gens et s’emparent de leurs biens. Puis, petit à petit, ils se rendent compte qu’il vaut mieux peut-être attendre et ne pas les tuer parce que nous voulons qu’ils cultivent davantage la prochaine fois que nous reviendrons. Alors, au lieu de ça, on viendra et on prendra leurs affaires sans les tuer, puis ils cultiveront encore plus et l’année prochaine on reviendra. Et puis ils se disent, eh bien, si on prend toutes leurs affaires, alors ils n’auront pas assez de semences pour les cultiver, ou ils n’auront aucune raison de les cultiver – ils s’enfuiront ou quelque chose comme ça – donc on ne prendra pas tout. Et finalement, ils se disent : on n’a pas besoin de partir et de revenir sans cesse. On peut simplement s’installer. Et puis petit à petit, au fil du temps, on obtient une classe dirigeante et une classe dirigée. Au début, la classe dirigeante et la classe dirigée peuvent être ethniquement différentes parce qu’elles étaient des tribus différentes. Mais même si, au fil du temps, les tribus se marient entre elles et qu’il n’y a plus de différence dans leurs compositions, elles ont toujours la même structure, celle d’un groupe dirigeant et celle d’un groupe dirigé. C’était donc une théorie populaire sur l’origine de l’État, ou du moins sur l’origine de nombreux États. Je pense qu’une autre origine que l’on peut voir dans certains États ou entités apparentées est celle de situations similaires, mais dans les cas où ils réussissent à repousser les envahisseurs. Un groupe local au sein du groupe envahi dit : nous allons nous spécialiser dans la défense – nous allons nous spécialiser dans la défense du reste d’entre vous contre ces envahisseurs. Et ils y parviennent. Si vous regardez l’histoire de l’Angleterre, je pense que c’est ce qui se passe avec la monarchie anglaise. Avant la conquête normande, les premiers monarques anglais étaient des chefs de guerre dont la tâche principale était la défense nationale. Ils avaient très peu à faire à l’intérieur du pays. Ils étaient principalement dirigés contre les envahisseurs étrangers. Mais c’était un monopole. (Maintenant, la question est de savoir comment ils ont obtenu ce monopole. Je n’en suis pas si sûr.) Mais une fois qu’ils l’ont obtenu, ils ont progressivement commencé à s’impliquer de plus en plus dans le contrôle intérieur également. 

Q6 : Hector, l’histoire de Murray sur Hector ? Elle ressemble beaucoup à cette histoire et elle est sur le Web, et c’est une histoire magnifique. 

 RL : De quelle histoire sur Hector s’agit-il ? 

Q6 : La première, pourquoi devons-nous partir, restons-y… 

RL : Oh, oui. 

Q6 : Murray a fait un très bon travail là-dessus, et je le recommande. 

RL : Dans quoi ça se trouve ? 

Q6 : C’est sur LewRockwell.com. 

RL : C’est l’un des articles de Rothbard qui s’y trouvent ? D’accord. 

Q6 : Je voulais étayer votre thèse de plusieurs manières. Un autre argument en faveur de l’anarchie est que si vous êtes vraiment en faveur du gouvernement, vous devez être en faveur du gouvernement mondial, car en ce moment, il y a l’anarchie entre les gouvernements, et nous ne pouvons pas avoir cela si vous voulez un gouvernement. Très peu de gens sont en faveur d’un gouvernement mondial, et c’est incompatible avec la thèse contre l’anarchie. 

 RL : Il faut qu’il y ait un arbitre final. 

 Q6 : Un autre argument en faveur de cette idée est la question des négociations. Les fuseaux horaires et l’écartement standard des voies ferrées ont été déterminés par des négociations entre les compagnies ferroviaires. 

 RL : Et Internet. Certains aspects sont légaux, mais d’autres sont simplement coutumiers. 

 Q6 : Un autre argument en faveur de cette idée est la question du cartel. À une époque, la National Basketball Association comptait huit équipes et ne permettait à personne d’y participer, alors ils ont créé l’ABA (l’American Basketball Association, avec le ballon rouge-blanc-bleu). Donc si vous aviez un cartel qui ne laissait pas entrer d’autres personnes, ils pouvaient en créer un autre. 

RL : Que leur est-il arrivé ? 

Q6 : Ils ont fini par fusionner. Aujourd’hui, il y a une trentaine d’équipes dans la NBA. Et si ce n’est pas assez, une autre ligue peut encore voir le jour. 

RL : Le point crucial est que dans la définition autrichienne de la concurrence, ce n’est pas le nombre d’entreprises concurrentes qui compte, mais la libre entrée. Tant qu’il est possible d’en créer un autre, cela peut avoir le même effet que de le faire réellement. 

Q6 : En plus de la dissolution d’un cartel, d’autres cartels peuvent entrer en concurrence avec le premier cartel. 

RL : La XFL a-t-elle eu un effet positif ? [rires] 

 Q6 : Je voulais poser une question. Dans votre réponse à la première question, où vous avez dit que vous le nommiez comme guide, cela signifie-t-il que vous êtes de mon côté ? 

 RL : Non. 

 Q6 : — sur l’aliénabilité ? 

RL : Non, non. C’est pourquoi j’ai dit qu’il était l’employé plutôt que le propriétaire. Je crois aux droits inaliénables. 

Q6 : C’est un employé, mais vous ne pouvez pas le licencier… 

 RL : Non, je peux le licencier. C'est mon conseiller, je le suivrai toujours, mais je n'ai pas renoncé à mon droit de le licencier. 

 Le meilleur de Roderick T. Long 

Anarchisme libertarien

Par Roderick T. Long 19 août 2004 

https://www.lewrockwell.com/2004/08/roderick-t-long/libertarian-anarchism/ 

avril 19, 2019

Black blocs, qui sont-ils donc ?

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes ( notamment ou j'en étais l'administrateur), comme sur vos propres murs respectifs. D'avance merci. 

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses. Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 

N'omettez de lire par ailleurs un journal libéral complet tel que Contrepoints: https://www.contrepoints.org/ Al, 

PS: N'hésitez pas à m'envoyer vos articles (voir être administrateur du site) afin d'être lu par environ 3000 lecteurs jour sur l'Université Liberté (genestine.alain@orange.fr). Il est dommageable d'effectuer des recherches comme des CC. Merci



Sommaire:

A) L'article à lire pour comprendre ce qu'est vraiment un black bloc - Kocila Makdeche - France Télévisions

B) Anarcho-communisme - Wikiberal

C) Anticapitalisme - Wikiberal

D) Dossier : black blocs, la vérité - MTV (La Montagne Verte ) Strasbourg







A) L'article à lire pour comprendre ce qu'est vraiment un black bloc

Ils sont la bête noire du gouvernement. Le 16 mars, lors du 18e samedi de manifestation des "gilets jaunes", des centaines de militants de la gauche radicale et insurrectionnelle ont mis à sac des boutiques de luxe sur Champs-Elysées et ont caillassé les forces de l'ordre. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a immédiatement pointé du doigt "les black blocs", des manifestants tous vêtus de noir de façon à rester anonymes.
Manifestations contre la loi Travail, 1er-Mai… Depuis quelques années, les cortèges voient régulièrement se former des black blocs, qui occasionnent à chaque fois d'importants dégâts. Que réclament-ils en s'attaquant aux banques et aux forces de l'ordre ? Qui sont ces militants d'ultragauche qui se cachent sous des masques ? France info lève le voile.

Bon, c'est quoi un black bloc ?

S'il suscite beaucoup de fantasmes, le terme "black bloc" ne désigne en réalité qu'une méthode de manifestation mise au point par des militants de la gauche radicale et insurrectionnelle. Pendant les défilés auxquels ils participent, ces individus – d'abord dispersés dans le cortège – se vêtent de noir, se masquent le visage, puis se réunissent pour créer "une sorte d'énorme drapeau noir, tissé d'êtres humains", explique le politologue Francis Dupuis-Déri, auteur d'un livre remarqué sur le sujet, Les Black blocs : la liberté et l'égalité se manifestent (Lux, 2019). "Ils forment ainsi un bloc compact permettant à chacun de préserver son anonymat."

Il n'y a pas un seul black bloc, mais des black blocs, qui se forment à un instant T dans des manifestations puis qui se dissolvent avec elles. 
Francis Dupuis-Déri, politologue

Les participants défilent alors derrière des banderoles aux slogans anticapitalistes ou anti-Etat. "Certains renforcent leurs banderoles avec des plaques de bois, ce qui nous permet de nous protéger des tirs de LBD et des coups de matraque", explique à France info Isidore*, un militant anarcho-communiste de l'ouest de la France. Cette configuration permet aussi "d'éviter la fragmentation du bloc", indique une note du Centre de recherche de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN), ajoutant que, dans ce contexte, "l'interpellation d'un individu est rendue difficile voire impossible". 

D'où vient ce type de manifestation ?

Sortons les livres d'histoire. Ce type de manifestation est né en Allemagne, au tout début des années 1980. Le Mur est toujours debout et, à Berlin-Ouest, des militants autonomes ont investi des squats. Quand les autorités tentent d'évacuer ces lieux, certains occupants creusent des tranchées, volent des bulldozers pour dresser des barricades et n'hésitent pas à en découdre avec la police. Pour ne pas être identifiés, les squatteurs manifestent en groupe, vêtus de noir et le visage dissimulé par un masque. Lors des procès, les juges parlent de "Schwarzer Block", "black bloc" en allemand. 
Cette "tactique" se diffuse au sein du milieu anarcho-punk, via la musique et les fanzines. De petits black blocs apparaissent alors ponctuellement aux Etats-Unis et au Canada, jusqu'à un sommet de l'OMC à Seattle, en 1999. Les militants altermondialistes, qui tentent de bloquer le centre des congrès où se tient l'évènement, sont aspergés de gaz lacrymogène par la police. En réponse, un black bloc constitué de plusieurs centaines de manifestants affronte les forces de l'ordre et fracasse les vitrines des banques et des multinationales de la ville. Les images, spectaculaires, font le tour du monde. Les chaînes de télévision baptisent l'évènement "la bataille de Seattle" et évoquent des "saccages anarchistes".



"Paradoxalement, c'est cette couverture médiatique inédite qui a participé à l'exportation du phénomène, explique Francis Dupuis-Déri. A chaque fois qu'il y a un sommet international, les militants anticapitalistes locaux décident d'imiter cette tactique." Réunions du FMI à Prague ou à Washington en 2000sommet du G8 à Gênes en 2001… On retrouve des black blocs lors de tous ces événements.
 

Et en France, c'est arrivé quand ?

Un black bloc se forme à l'occasion d'un sommet de l'Union européenne à Nice, en 2000, mais la première mobilisation d'ampleur a lieu en 2009 à Strasbourg, en marge d'un sommet de l'Otan. D'après les chiffres de la préfecture, 2 000 manifestants attaquent un ancien poste de douane, l'office du tourisme et des distributeurs de billets.


Logiquement, on retrouve ces formations dans les ZAD, notamment à Notre-Dame-des-Landes ou lors de la mobilisation contre le barrage de Sivens, au cours de laquelle Rémi Fraisse a été tué par une grenade lancée par les gendarmes. Les black blocs prennent une ampleur inédite en 2016, pendant les manifestations contre la loi Travail"C'est lors de ce mouvement qu'est apparu ce qu'on appelle maintenant le 'cortège de tête'", explique Francis Dupuis-Déri.

Contrairement aux autres mobilisations, où les black blocs se constituaient habituellement au milieu des manifestations derrière les cortèges plus traditionnels de syndicats, ils ont réussi à s'imposer au premier rang. C'est une vraie particularité française qui donne au black bloc une grande visibilité.
Francis Dupuis-Déri, politologue

Depuis, des black blocs se forment régulièrement lors de manifestations. Cela a été le cas le 1er mai 2018 ou le 16 mars dernier, quand "gilets jaunes" et black blocs ont attaqué de nombreuses enseignes des Champs-Elysées, dont le célèbre restaurant Fouquet's. Des événements qui ont causé le limogeage du préfet de police de ParisMichel Delpuech. 

Mais pourquoi ils cassent tout ?

Manifestations des "gilets jaunes", mobilisations d'agriculteurs, blocages de lycées… En France, il n'est pas rare que les mouvements sociaux occasionnent de la "casse". Mais les participants aux black blocs ont la particularité de revendiquer la violence et de la placer au centre de leur action. "Ils se mettent en scène et essaient d'adopter l'image que les médias et les autorités donnent d'eux : celle de l'ennemi public numéro 1, analyse Francis Dupuis-Déri. Avec le black bloc, la cible est le message."  
"On s'en prend à ce que l'on considère comme des outils de l'oppression capitaliste : les banques, les assurances, les panneaux de publicité, les enseignes de multinationales", nous énumère Isidore*. "Nous attaquons des emblèmes, des entités matérielles et non des individus (…) Ces actions replacent l'humain comme valeur fondamentale face aux objets tant adulés par le capitalisme", peut-on lire sur un texte de revendication retrouvé sur le McDonald's saccagé lors du 1er-Mai. 
"La tradition, chez les participants au black bloc, c'est 'on attaque le matériel, on ne fait pas de victimes'", explique Sylvain Boulouque, historien spécialiste de l'anarchisme. Pourtant, deux épisodes récents semblent déroger à cette règle : les vitres brisées de l'hôpital Necker pour enfants pendant les manifestations contre la loi Travail à Paris et l'incendie d'une banque située dans un immeuble d'habitation, le 16 mars dernier, toujours à Paris. "C'est quelque chose que l'on ne voyait pas avant, remarque l'historien. Peut-être le fait de jeunes manifestants encore peu aguerris aux pratiques du black bloc. Cela montre en tout cas que le mouvement n'est pas uniforme." 

Ce ne sont pas tous des anarchistes ?

Ce n'est pas aussi simple, d'après les spécialistes. "On retrouve dans le black bloc toutes les composantes de la gauche révolutionnaire anticapitaliste", décrypte Sylvain Boulouque, citant pêle-mêle "des anarchistes, des marxistes révolutionnaires, des écologistes radicaux ou des autonomes". 
Ce dernier terme renvoie à un courant d'ultragauche prônant la lutte, parfois violente, pour vivre en autonomie vis-à-vis de l'Etat et de l'économie capitaliste. Par extension, l'expression "mouvance anarcho-autonome" est utilisée par les autorités – de façon souvent imprécise, comme le souligne L'Humanité pour qualifier toute cette galaxie d'ultragauche, des zadistes de Notre-Dame-des-Landes au  "groupe de Tarnac" en passant par les participants aux black blocs.  
"On retrouve aussi des féministes et des militants queer radicaux dans le black bloc, ajoute Francis Dupuis-Déri. On pense souvent le black bloc en termes masculins, mais il regroupe de plus en plus de femmes, ce qu'on ne remarque pas forcément à cause des vêtements noirs." 

Quel est le profil des manifestants du black bloc ?

C'est la grande question. Interrogé sur ce point, Isidore répond du tac au tac : "Les médias sont obsédés par l'idée de dresser un profil sociologique type des participants aux black blocs. La réalité, c'est qu'on retrouve sous les cagoules tous ceux qui subissent ou constatent la violence étatique : des prolétaires, des étudiants, des intellectuels, des personnes racisées des quartiers populaires, des femmes…" Une mystique de la révolte anonyme et populaire que l'on retrouve régulièrement dans les publications liées aux black blocs. Ainsi, un communiqué de militants italiens affirmait : "Voulez-vous voir les visages sous les foulards, les casques, les cagoules ? Ce sont les mêmes qui vous versent un loyer pour des logements décrépits."

Ce sont les visages qui préparent votre cappuccino, ce sont les visages de celles et ceux dont le sang est drainé par la précarité, dont la vie est de la merde, et qui n'en peuvent plus. 
Un communiqué de militants italiens

Cette description tranche avec les profils que l'on retrouve à la barre, lorsque des procès de black blocs sont médiatisés. Comme le note le chercheur Olivier Cahn, ces personnes sont souvent très éduquées et exercent des professions intellectuelles supérieures. C'était notamment le cas après le 1er-Mai où un homme de 29 ans, diplômé de la prestigieuse Ecole centrale et occupant un emploi de consultant rémunéré 4 200 euros par mois, figurait sur le banc des prévenus
Faut-il, pour autant, faire de ces cas une généralité ? "Quand ils parviennent à interroger des black blocs, les journalistes ont logiquement tendance à tendre le micro à des personnes qui leur ressemblent sociologiquement. C'est la même chose pour moi qui suis chercheur. C'est une loupe déformante à laquelle il faut être attentif", alerte Francis Dupuis-Déri. Même mise en garde du côté de Sylvain Boulouque : "Il est faux de dire que le black bloc est uniquement constitué de fils de profs. Quand on observe les cortèges à Paris, on se rend compte que les profils sont assez bigarrés." 

Qu'est-ce qu'ils font dans les manifestations de "gilets jaunes" ?

Historiquement, on retrouve régulièrement des black blocs dans les mouvements sociaux dont les revendications correspondent aux combats de la gauche radicale.  

"Les black blocs ont investi les contre-sommets internationaux orchestrés par les organisations altermondialistes, auxquelles ils ne s'identifient pourtant pas. Mais ils venaient parce qu'ils partageaient avec elles une colère et des intérêts. C'est sans doute la même chose avec les 'gilets jaunes'", analyse Francis Dupuis-Déri.

"C'est assez logique qu'ils participent à un mouvement populaire comme celui des 'gilets jaunes'", estime de son côté Sylvain Boulouque, rappelant que le même processus a été observé lors des manifestations contre la loi Travail.
Le discours du black bloc, c'est de dire que les manifestations traditionnelles n'apportent rien puisqu'elles ne font pas fléchir le pouvoir. On est exactement dans cette configuration avec les "gilets jaunes". 
Sylvain Boulouque, historien

Mais je croyais que les "gilets jaunes" rejetaient toutes les organisations politiques…

C'est en effet le mot d'ordre depuis le début du mouvement, le 17 novembre dernier. "Mais le black bloc n'est pas une organisation politique, rappelle Sylvain Boulouque. Ses participants rejettent d'ailleurs toutes les structures partisanes, c'est un point commun qu'ils ont avec les 'gilets jaunes'."
Les rapports entre les "gilets jaunes" et les militants du black bloc ont d'abord été compliqués, les premiers accusant les deuxièmes d'être responsables des violences survenues lors des premiers samedis de manifestation et de donner une mauvaise image du mouvement. Aujourd'hui, la situation semble s'être inversée : en observant les débats sur les groupes Facebook des "gilets jaunes", on constate une sympathie grandissante des manifestants à l'adresse du black bloc. "Au début, j'étais contre, mais au bout d'un moment, à force de voir des 'jaunes' pacifistes mutilés par les forces de l'ordre, j'ai compris que c'était eux qui avaient raison", estime Nicolas, un "gilet jaune" originaire de l'Oise. 
Ce rapprochement a atteint un sommet le 16 mars, quand des "gilets jaunes" et des militants du black bloc se sont retrouvés côte à côte sur les Champs-Elysées dans une brutale démonstration de force commune. Christophe Castaner a d'ailleurs dénoncé une "immense complaisance" des "gilets jaunes" vis-à-vis des "1 500 black blocs" présents dans le cortège.

J'ai eu la flemme de tout lire, vous me faites un résumé ?

Le black bloc n'est pas un courant politique mais une manière de manifester. En France, on a pu observer des black blocs pendant des manifestations de "gilets jaunes" à Paris, Bordeaux, Toulouse ou Nantes, donnant lieu à des scènes de guérilla urbaine. Chaque fois, une multitude de militants issus de la gauche radicale et insurrectionnelle, vêtus de noir pour rester anonymes, se réunissent derrière des banderoles aux slogans anticapitalistes et anti-Etat. Une tactique née en Allemagne dans les années 1980 et utilisée pour affronter la police, considérée comme le bras armé d'un Etat autoritaire, et détruire les vitrines des banques et les panneaux publicitaires, symboles à leurs yeux de l'oppression capitaliste.

Ces violences ont atteint un niveau inédit lors du 18e samedi de mobilisation des "gilets jaunes", le 16 mars, avec l'incendie d'une banque et du Fouquet's. Sur les réseaux sociaux, certains appellent à de nouveaux épisodes insurrectionnels, notamment le 1er-Mai. De quoi inquiéter le gouvernement, qui a fustigé "l'immense complaisance" des "gilets jaunes" vis-à-vis des black blocs.

Kocila Makdeche - France Télévisions






B) Anarcho-communisme

L'anarcho-communisme est une utopie dont les partisans se revendiquent anarchistes tout en défendant des idéaux collectivistes. Les anarcho-communistes se retrouvent dans des fédérations comme la fédération anarchiste ou des syndicats comme la confédération nationale des travailleurs. L'anarcho-communisme s'oppose à l'anarcho-capitalisme par son refus de la propriété privée et donc du capitalisme.  

Principes

Les anarcho-communistes mettent l'égalité matérielle au dessus de tout autre principe comme fondement de leur idéologie. Ils confondent la plupart du temps égalité et liberté. Pour un anarcho-communiste, être libre signifie avoir le même niveau de vie que tous ses voisins. La plupart des revendications anarcho-communistes ne concernent pas la liberté mais l'éradication du capitalisme.
  • Suppression de la monnaie
  • Suppression du salariat
  • Suppression de la propriété privée.
Leur discours est plutôt violent, basé sur la lutte des classes, il parle souvent d'éradication du capitalisme et de la bourgeoisie.

Propositions anarcho-communistes

  • Abolition de la propriété privée.
Les anarcho-communistes assimilent la propriété privée à l'État, et prétendent que supprimer l'État permettrait de supprimer la propriété privée. Du point de vue anarcho-capitaliste, ceci est une grave erreur, car l'État est au contraire la seule entité qui s'oppose et qui détruise la propriété privée. Le fait qu'il possède le territoire le rend automatiquement propriétaire de tout ce qu'il y a dessus y compris la population. Supprimer l'État reviendrait donc au contraire à maximiser la propriété privée.
La propriété privée donne le droit à chacun de faire ce qu'il veut de ce qu'il possède. Sans ce droit, il est impossible de déterminer qui peut utiliser telle chose ou profiter de tel bien. Pour en décider, parmi les critères qui se dégagent, figure la démocratie, directe ou indirecte mais cela ne peut déboucher que sur une nouvelle bureaucratie ou le contrôle tatillon et liberticide de la communauté sur les décisions de chaque individu. Au final, la suppression illusoire de la propriété privée nierait les droits fondamentaux de l'homme.
Certains anarcho-communistes précisent bien qu'ils ne sont pas pour la suppression de toute la propriété privée mais uniquement pour la suppression de la propriété privée des moyens de production. Le problème est qu'il faut déterminer ce qui est un moyen de production et ce qui ne l'est pas. Après tout, un être humain est un moyen de production. Donc si on supprime la propriété privée des moyens de production cela peut parfaitement aboutir à la suppression de la propriété individuelle : l'individu ne serait plus le propriétaire de son propre corps puisque son propre corps est un moyen de production. Les libéraux craignent que l'on ne puisse pas s'arrêter à un stade défini de collectivisme et qu'introduire le collectivisme dans l'économie finisse à un moment ou à un autre par aboutir au collectivisme des êtres humains eux-mêmes, de leur corps et de leur esprit. Pour limiter le collectivisme et définir ce qui doit être collectif et ce qui ne le doit pas, il faut nécessairement une institution (comme un État). En l'absence d'institution étatique, qui pourrait choisir ce qui doit rester privé, et ce qui doit être collectivisé ?
La suppression de la propriété privée des moyens de production est donc impossible dans une société réellement anarchiste et relève bien du communisme stalinien et non de l'anarchisme.
Elle est non seulement impossible dans une société anarchiste, mais également elle serait dangereuse car dans l'immédiat, elle devrait conduire à l'expropriation et donc à la révolution ou à la guerre civile. Et à long terme elle rendrait totalement impossible la survie économique du pays.
Tout d'abord la propriété privée des moyens de production assure la liberté de pouvoir librement utiliser ces moyens de production. Si ces moyens de production dépendent de la collectivité, alors la collectivité peut m'interdire de les utiliser. Par exemple, si la collectivité possède les terrains, les agriculteurs devront obtenir la permission de la collectivité pour utiliser ces terrains. Ce système, profondément anti-anarchiste, s'est toujours révélé être une catastrophe lorsqu'il a été mis en place, conduisant des peuples entiers à la famine.
Ensuite, sans la propriété privée des moyens de production, il n'y a plus aucune raison d'investir dans la construction de ces moyens de production. Les anarcho-communistes font l'erreur de croire que les moyens de production préexistent, et qu'il suffit de les collectiviser. Alors qu'en fait les moyens de production sont eux-mêmes des produits qu'il faut nécessairement fabriquer et qui ont besoin d'investisseurs. Or on préfère généralement investir dans quelque chose que l'on peut posséder, maîtriser soi-même, et dont on peut retirer un profit personnel. La suppression de la propriété privée des moyens de production risque tout simplement d'aboutir à la fin de la production, ce qui engendrerait la pénurie et la famine.
  • Abolition du salariat
Les anarcho-communistes visent également l'abolition du salariat, considérant que la division des fruits du travail entre travail et capital est injuste, que c'est le salarié qui doit bénéficier des fruits de son travail. C'est une position fausse à deux points de vue : le salarié touche une rémunération fixe, une avance sur le prix de la vente des biens qu'il a produit. L'investisseur pour sa part supporte le risque de ne pas bien vendre ou de ne pas vendre du tout. Comme le résume l'économiste Frédéric Bastiat :
«L'une des parties, le Capital, prendra la charge de tous les risques et la compensation de tous les profits extraordinaires, tandis que l'autre partie, le Travail, s'assurera les avantages de la fixité. Telle est l'origine du salaire. (...) Plus tard, les deux associés, sans rompre l'association, traitèrent à forfait du risque commun. Il fut convenu que l'une des parties donnerait à l'autre une rémunération fixe, et qu'elle assumerait sur elle-même tous les risques comme la direction de l'entreprise. Quand cette fixité échoit au travail antérieur, au capital, elle s'appelle Intérêt ; quand elle échoit au travail actuel, elle se nomme Salaire. »
    — Frédéric Bastiat, Harmonies économiques
En outre, il faut noter que le salariat apporte la protection d'un salaire fixe au travailleur et qu'un système dans lequel le salariat serait éradiqué mettrait dans la précarité les travailleurs. On peut également consulter l'article salaire.
Plusieurs systèmes, tels que la distribution centralisée des biens, ou les bons de consommation, ont été évoqués pour remplacer le salariat. Mais les bons de consommation existent déjà, ce sont les billets de banque. Quant à la centralisation de la distribution des biens, elle risque évidemment de porter atteinte à la liberté du consommateur de choisir ce qu'il consomme. Le salaire permet au consommateur d'avoir un pouvoir d'achat qui le rend consommacteur, c'est-à-dire qu'il peut utiliser son pouvoir d'achat pour choisir, et donc agir en fonction de sa conscience. Abolir les salaires, et donc le pouvoir d'achat, reviendrait à abolir le choix et obliger le consommateur à consommer ce que la collectivité veut bien lui donner.
On peut également soulever le problème de l’intérêt de travailler. Quel est l’intérêt de travailler si l'on est pas payé en contrepartie ? Qui effectuera une tâche difficile s'il ne reçoit rien en retour ? Hormis le bénévolat et l'esclavage, il n'existe pas d'autres formes de travail non rémunéré.
Donc en théorie, une suppression des salaires aurait de grandes chances d'aboutir au retour de l'esclavage. En pratique une suppression des salaires nécessite l'emploi d'une force coercitive (nécessairement celle d'un État), contraire au principe de l'anarchie. Elle aurait forcément pour conséquence immédiate une révolution car peu de personnes sont prêtes à perdre leur salaire et à travailler gratuitement.
  • Éradication du capitalisme
Les anarcho-communistes visent également la fin du capitalisme. Ceci serait contradictoire avec l'anarchie pour deux raisons.
La première est qu'il est impossible d'éradiquer le capitalisme sans l'intervention de la coercition étatiste. Or l'anarchie comprend dans ses principes la suppression de toute coercition à grande échelle et donc la suppression de l'État. Il est donc logiquement impossible d'être a la fois anarchiste et anticapitaliste.
La deuxième raison est que l'anarchie ne doit rien imposer à l'individu, aucun choix politique, aucun choix moral, aucun choix économique. Or en éradiquant le capitalisme on imposerait un non-choix obligatoire aux individus, ce qui serait profondément anti-anarchiste.
La seule proposition des anarcho-communistes qui semble compatible avec l'anarchie est le fédéralisme, proposition soutenue également par les anarcho-capitalistes.
  • Suppression de la monnaie
Les anarcho-communistes prônent aussi la suppression de la monnaie comme moyen d'échange. Or la monnaie est un moyen d'échange très ancien qui a fait la preuve de son efficacité depuis l'Antiquité. Supprimer la monnaie reviendrait automatiquement à instaurer le troc si la propriété privée était respectée, parce qu'on ne peut troquer que ce que l'on possède. Or les anarcho-communistes sont également contre la propriété privée. Ce qui revient à dire qu'ils sont tout bonnement pour la suppression des échanges. C'est-à-dire du commerce. Il s'agit donc d'une mesure qui aboutirait à la révolution, car il est fort peu probable que les commerçants acceptent volontairement de fermer boutique.
Encore une fois, cette mesure nécessiterait forcément la présence d'une force coercitive pour interdire aux individus et aux groupes d'individus de créer leur propre monnaie. Cette mesure est donc impossible à réaliser dans une société anarchiste où justement, puisque aucune autorité ne l'empêche, les individus, associations et entreprises pourront librement créer leur propre monnaie.
Pour remplacer le commerce, les anarcho-communistes envisagent la centralisation de la collecte et de la distribution des biens. Ce qui signifie que chaque producteur et chaque consommateur est entièrement dépendant de la collectivité et voit toutes ses libertés de choix disparaître.

Applications

L'anarcho-communisme est foncièrement inapplicable au delà de communautés de tailles très réduites et basées sur le volontariat. Une tentative à été faite dans l'Espagne des années 30. Mais le "régime" est très vite devenu une forme de communisme qui n'avait rien a voir avec l'anarchie. Les carnets de consommation comme dans la dictature cubaine de Fidel Castro empêchaient les habitants de choisir les produits qu'ils pouvaient consommer. L'absence d'argent aboutissait à des situations absurdes comme la nécessité de demander la permission à la collectivité pour prendre le bus afin d'aller dans le village voisin.
Les anarcho-communistes revendiquent aussi d'autres "exemples" comme des campements de quelques jours organisés lors des contre-sommets du G8. Les anarcho-capitalistes argumentent que l'organisation d'un campement de quelques jours, n'est pas une preuve suffisante pour prouver la faisabilité d'une société sans propriété privée, sans salaire et sans argent. Si on y regarde de plus près, ces campements n'appliquent pas réellement les principes de l'anarcho-communisme. Les anarcho-communistes se servent aussi de réseaux alternatifs comme les systèmes d'échanges locaux et les associations de maintien de l'agriculture paysanne. Mais selon les libéraux ces alternatives ne sont que des reproductions à petite échelle du système libéral. Les SEL ne remettent pas en cause le système de la monnaie, bien au contraire, il s'agit en fait de créer sa propre monnaie ce qui est plutôt une idée libérale.

Positions

Les anarcho-communistes sont farouchement opposés aux religions mais pas à la morale, puisqu'ils défendent une morale égalitaire. Ils s'opposent également à la politique en refusant de créer des partis et de participer aux élections. Ce sont des abstentionnistes.
L'erreur fondamentale des anarcho-communistes est de croire qu'en supprimant l’État on supprime également tout ce dont l'État a le monopole. Puisque l'État est le seul à garantir la propriété privée, à fabriquer de la monnaie, à avoir une police et une armée, les anarcho-communistes pensent qu'en supprimant l'État, on supprime aussi la propriété privée, la monnaie, la police et l'armée. C'est faux. Ce n'est pas parce que l'État en a le monopole qu'il est seul capable de faire ces choses. En l'absence d'État rien n'empêcherait les individus et les entreprises de protéger eux-mêmes leur propriété, de fabriquer leur propre monnaie, d'avoir leur propre police et leur propre armée. Il existe déjà des armées et des agences de sécurité privées. Les bons d'achats, et autres systèmes d'échanges locaux, sont une forme limitée de monnaie privée. De la même manière qu'il existe des cliniques privées et des écoles privées, rien n'empêcherait en l'absence d'État qu'il y ait aussi des polices, des tribunaux, des armées, et des monnaies privées.
Il y a de nombreux sujets tels que la liberté d'expression, ou la liberté des mœurs, sur lesquels il est difficile de connaître l'opinion des anarcho-communistes car la majorité de leurs positions concerne le capitalisme qu'ils accusent d'être inégalitaire et contre la liberté. Il apparaît souvent que les anarcho-communistes confondent la liberté et l'égalité, et que pour eux être libre signifie avoir le même niveau de pouvoir que son voisin. On peut toutefois deviner que la tolérance des anarcho-communistes en matière de mœurs a des limites,leur idéologie étant basée sur l'égalité des individus, il est assez difficile de concevoir la liberté des mœurs sans les inégalités dans les niveaux de vie entre individus. Raymond Aron notait également dans L'Opium des intellectuels que bien souvent ceux qui aspirent à la révolution pure attendent des autres la même pureté, y compris dans le champ des mœurs.

Avis libéral

Les libéraux ont l'avis que les anarcho-communistes se trompent dans leurs concepts fondamentaux. Pour les libéraux il est primordial de faire la différence entre la liberté et la richesse. Être riche ne signifie pas être libre et être pauvre ne signifie pas être prisonnier des riches. Les libéraux pensent également qu'en accusant le libéralisme de tous les maux : guerres, génocides, pollution, dictature, catastrophes naturelles, inégalités, injustices, pauvreté..., les anarcho-communistes se trompent de coupable et développent une haine qui peut devenir dangereuse car elle reprend beaucoup de thèmes en commun avec les haines racistes et xénophobes.

Liens externes

Voir aussi






C) Anticapitalisme

L'anti-capitalisme désigne l'ensemble des idéologies qui rejettent le capitalisme et plus particulièrement le capitalisme libéral. Plus spécifiquement, elles peuvent rejeter le profit, le salariat, la spéculation, la concurrence, etc.
Il regroupe donc des courants divers comme le marxisme ou l'anarchisme, certains courants fascistes ou national-socialistes, une partie de l'extrême-droite et une frange du christianisme. Sa cohérence se retrouve dans l'apologie du constructivisme, si l'on excepte le mouvement anarchiste.
Les idées anticapitalistes se sont développées de pair avec l'essor du système capitaliste. Il est donc difficile de donner une date de naissance précise au mouvement. 

Courants anticapitalistes

Marxisme

Karl Marx consacre plusieurs décennies à étudier et expliquer le fonctionnement, l'histoire et le développement du capitalisme. Son plus célèbre ouvrage sur ce sujet est Le Capital. Il rejette viscéralement le système capitaliste, le jugeant inégalitaire et dénonçant ce qu'il nomme aliénation, qui ne peut être aboli que par le communisme. Ces idées ont débouché systématiquement sur la dictature et l'appauvrissement généralisé.
La théorie marxiste considère que le capitalisme va inexorablement vers sa perte et disparaitra inexorablement. Cette question et les erreurs de cette théorie sont abordées en détails dans des articles dédiés : marxisme, matérialisme historique, lutte des classes, Valeur-travail, exploitation, baisse tendancielle du taux de profit, etc.

Anarchisme

Les courants anarchistes s'opposent au capitalisme pour des raisons proches de celle des marxistes, même s'ils divergent sur la façon de parvenir au paradis des travailleurs que serait la société socialiste. Ils prônent une suppression immédiate de la propriété et refusent le recours à un État socialiste de même que toute autorité.
En supprimant la propriété et le droit, la société anarchiste ne peut être régie que par la loi du plus fort, conduisant à la réinstauration de l'État sous une autre forme (comme un "collectif" oppressif).

Chrétiens

Les liens entre christianisme et libéralisme sont complexes, de même que les liens avec le capitalisme. Si les mouvements chrétiens sont généralement réfractaires à l'idée de révolution, certaines traditions chrétiennes s'opposent au capitalisme.
En Amérique latine s'est développé à partir des années 1950 un courant chrétien communiste, qui défend une « théologie de la libération ». Née en particulier parmi les dominicains, cette théologie de la libération a de nombreux points communs avec le marxisme. L’action politique est présentée comme une exigence de l'engagement religieux dans la lutte contre la pauvreté, de même que l'engagement en faveur de la « libération des peuples ». La figure du Christ est embrigadée au service de combats politiques révolutionnaires.
Ce courant a été condamné par le Vatican sous le pontificat Jean-Paul II considérant qu'elle est incompatible avec le dogme de l'Église catholique romaine et déclarera ainsi : « cette conception du Christ comme une figure politique, un révolutionnaire [..] est incompatible avec les enseignements de l'Église ».
Dans la première moitié du XIXe siècle, Étienne Cabet est un autre représentant de l'anticapitalisme chrétien, qui rejoint le communisme sur de nombreux points, mais pas sur ses prémisses. Pour Cabet, supprimer la propriété et instaurer une société qui revienne à un supposé communisme primitif, c'est revenir au seul vrai christianisme, corrompu par l'Église catholique. Il propose un système fondé sur la propriété collective, la suppression de la monnaie et le principe « À chacun suivant ses besoins. De chacun suivant ses forces ». L'individualisme est combattu, comme la recherche de la liberté : « la passion aveugle pour la liberté est une erreur, un vice, un mal grave ». Ainsi, pour des raisons en apparence différentes des marxistes (revenir à la vraie foi), Cabet entend défendre le communisme : « Le communisme, c’est le Christianisme [...] c’est le Christianisme dans sa pureté, avant qu’il ait été dénaturé par le Catholicisme » (in Le vrai christianisme)[1]
Les premières communautés chrétiennes ont été en outre souvent interprétées comme les premières communautés communistes.

Fascisme et nazisme

Les mouvements fascistes et nazis montrent une forte aversion pour le capitalisme et le système de la grande entreprise[2],[3]. Selon Stanley Payne, spécialiste du fascisme et du franquisme, l'opposition au capitalisme fait partie de l'essence du mouvement fasciste. Les grandes entreprises doivent ainsi passer sous le contrôle du pays où disparaitre complètement, au profit d'un modèle corporatiste[4]. Le fascisme italien avec le manifeste de Vérone adopte ainsi une politique de « socialisation ».
Les nazis étaient quant à eux particulièrement critiques du « capitalisme financier », en particulier en raison de leur antisémitisme et de l'opposition à la « finance juive »[5] et plus généralement à la « finance internationale  » :
La lutte contre la finance internationale est devenue le point le plus important de la lutte de la nation pour son indépendance et sa liberté économique. (Adolf Hitler, Mein Kampf)
Nazisme et fascisme ont tous deux prétendu être une troisième voie entre capitalisme et communisme[6], défendant souvent un modèle corporatiste.
Le caractère anticapitaliste des régimes fascistes et nazis a également été démontré par l'économiste autrichien Ludwig von Mises, qui écrivait en 1947 dans Le Chaos du planisme : « Il est important de comprendre que le fascisme et le nazisme étaient des dictatures socialistes ». L'historien Gaetano Salvemini analysa également le fascisme comme un socialisme dès les années 1930[7].
Dans le cas français, les Ligues des années 1930 sont clairement anticapitalistes, en particulier sous l'influence de Georges Valois[8].

Conservatisme

Searchtool-80%.png Article connexe : conservatisme.
Une société fondée sur le capitalisme libéral est l'inverse d'une société figée et les hiérarchies sont perpétuellement remises en question. Certains conservateurs s'opposent à ce titre au capitalisme.
Notamment sous l'influence des traditions religieuses, certains conservateurs peuvent voir l'argent comme malsain, sale, corrupteur des vraies valeurs (travail, famille, patrie, ...). Pour Édouard Drumont, cette rhétorique s'accompagnait également d'un discours antisémite[9].
Dans une logique nationaliste, certains rejettent l'idée que des étrangers puissent avoir une influence, ou que des citoyens fassent passer leur intérêt financier avant les intérêts nationaux en faisant des affaires avec des étrangers ; par conséquent certains réclament un contrôle fort sur les financiers et les acteurs du commerce international, collectivement flétris comme « apatride », et sur les sociétés de capitaux caractéristiques du capitalisme, a fortiori lorsqu'il s'agit de multinationales. Leur idéal est plutôt la société de personnes, ou mieux encore le petit entrepreneur individuel tels que l'artisan, l'agriculteur ou le professionnel libéral (médecin, avocat...).

Analyses libérales

Le penseur ordolibéral allemand Wilhelm Röpke s'est intéressé à l'anticapitalisme lors de son étude de l'impérialisme. Il souligna dans Impérialisme et capitalisme (1934) que l'impérialisme était un phénomène lié à l'État et que pour le limiter, il fallait un État réduit. Demander un État fort comme le font la majorité des anticapitalistes a comme conséquence les conflits guerriers.
«Dans un capitalisme pur, qui se caractérise par la liberté économique, les frontières étatiques ont une importance quelconque. Mais comme la liberté économique se voit limitée par l’intervention étatique, le rôle économique des frontières et la possibilité d’un conflit entre États augmentent. »
    — Wilhelm Röpke, Impérialisme et capitalisme
En s'opposant au capitalisme libéral, les anticapitalistes créent un climat de bellicisme, opposant les individus les uns aux autres, prélude de l'opposition des nations les unes aux autres. selon les mots de Röpke :
«une politique impérialiste, guerrière, ne correspond pas aux intérêts du capitalisme ; au contraire. Un système économique qui repose sur la division du travail et l’échange a besoin de la paix s’il souhaite prospérer. L’intérêt objectif et raisonnable des parties prenantes à l’échange est d’exiger la paix. [..]Les porteurs de l’esprit guerrier sont toujours les catégories qui, sociologiquement, sont les plus éloignées du capitalisme. L’anticapitalisme, au sein de l’Europe actuelle, en tant que socialement non constructif, est en même temps le principal vecteur du bellicisme »
    — Wilhelm Röpke, Impérialisme et capitalisme

Les masques de l'anticapitalisme contemporain

Searchtool-80%.png Article connexe : Altermondialisme.
L'anticapitalisme n'est guère plus revendiqué ouvertement depuis que les différentes expérimentations anticapitalistes se sont effondrées les unes après les autres. L'idéologie se retrouve malgré tout dans certains courants. Ainsi, l'économiste Jagdish Bhagwati, professeur à l'université Columbia, de souligner la dimension anticapitaliste des mouvements antimondialisation. Si les anticapitalistes se retrouvent dans les mouvements altermondialistes, c'est parce que la mondialisation est perçue comme l'extension internationale du capitalisme[10]. Ce lien n'est pas nouveau, il avait été abordé par Lénine (Impérialisme, stade suprême du capitalisme) ou Immanuel Wallerstein plus récemment[11]. Suzanne Berger, s'intéressant au cas français reconnaît l'importance de l'anticapitalisme mais tend à la minorer. Selon elle, il y aussi une crainte de voir les spécificités de la démocratie française diluées, avec en particulier une diminution du rôle du politique. Mais pourrait-on répondre à Suzanne Berger, affirmer ainsi la primauté du politique, n'est-ce pas justement de l'anticapitalisme (au sens de capitalisme libéral)[12].
Au delà de cette analyse, l'opposition à la mondialisation vient aussi combler le manque de rêves d'un paradis socialiste : pour Bhagwati, « les communistes et les marxistes sont prisonniers d'une nostalgie pour leur rêves perdus », manque auquel l'opposition à la mondialisation permet de répondre[13].
D'autres penseurs voient une composante anticapitaliste dans l'écologisme actuel, nouveau paravent de ceux qui voudraient voir l'État disposer de toujours plus de pouvoirs. En témoignent les appels du pied de Nicolas Hulot en direction d'Olivier Besancenot. C'est par exemple ce que dénonce le cofondateur de Greenpeace Patrick Moore dans The Great Global Warming Swindle[14].

Les intellectuels et l'anticapitalisme

Pour Joseph Schumpeter, prenant le contre-pied de Marx, le capitalisme disparaîtra bien un jour mais pas en raison de lois historiques ou de la révolte des prolétaires. Dans Capitalisme, socialisme et démocratie (1942), livre dans lequel il fait l'éloge du capitalisme comme moyen d'apporter la prospérité aux masses, il développe l'idée que le capitalisme permet l'existence d'une large classe d'intellectuels, qui s'estime pourtant insuffisamment récompensée et abat progressivement le capitalisme.
Friedrich Hayek pense également que les intellectuels défendront plus facilement les idées anticapitalistes[15]. Selon le philosophe libertarien Robert Nozick, l'aversion des intellectuels pour le capitalisme s'explique par le sentiment que leurs années d'études ne sont pas récompensées à leur « juste » valeur. Le système capitaliste valorisant toutes les formes de réussite, y compris par exemple dans les affaires, le prestige des intellectuels en est relativement diminué. Selon l'auteur, il y a dès lors un comportement « quasi schizophrène » des intellectuels, qui préfèrent des systèmes dans lesquels ils seraient moins bien traités, mais dans lesquels ils jouiraient d'un prestige plus grand[16].

Le libéralisme est-il l'ennemi du capitalisme ?

Searchtool-80%.png Articles connexes : libéralisme, capitalisme et capitalisme libéral.
Alors que le discours ambiant assimile faussement libéralisme et capitalisme, les liens entre ces deux notions sont complexes. Certains auteurs vont jusqu'à considérer le capitalisme, dans certaines de ses formes, comme l'ennemi du libéralisme. Cela découle principalement de la polysémie du terme capitalisme. Pour désigner le système économique découlant du libéralisme, on parlera plutôt de capitalisme libéral. D'autres formes de capitalisme peuvent être à l'opposé du libéralisme, par exemple quand il repose sur la collusion entre grandes entreprises et État ou que l'État omniprésent fausse complètement les conséquences des actions des individus et nourrit le clientélisme.
Sheldon Richman est un de ceux qui ont analysé la question, dans un texte intitulé « What is the enemy ? »[17]. Il y écrit ainsi que « la principale menace qui pèse sur la liberté est celle du corporate state, connu autrement comme corporatisme, capitalisme d'État ou capitalisme politique ». Il entend par là un système fondé non sur la liberté mais sur la collusion entre grandes entreprises et dirigeants politiques, avec une influence de l'État dans le champ économique, au bénéfice de quelques privilégiés et au détriment de la majorité.
Si les libéraux s'opposent aux formes étatistes du capitalisme, cela n'en fait pas des anticapitalistes, qui rejette les fondements essentiels de ce système économique; les libéraux veulent revenir aux sources du capitalisme et non détruire le capitalisme comme le souhaite par exemple l'anarchisme. En cela, la démarche menée par Valérie Charolles dans Le libéralisme contre le capitalisme est clairement excessive et participe plutôt d'une tentative d'appropriation du terme de libéralisme pour le restreindre à sa signification politique.

Erreurs courantes

L'anticapitalisme est une doctrine uniquement de gauche

Searchtool-80%.png Articles connexes : constructivisme, droite et gauche.
Les concepts de droite et de gauche étant mouvants, il est impossible de classer une théorie politique relativement définie dans l'un ou l'autre des camps. Cependant, comme la présentation des différents courants anticapitalistes ci-dessus l'a montré, à une époque donnée, aucun camp n'a l'hégémonie de l'anticapitalisme ou de l'antilibéralisme.
Certaines raisons peuvent différer mais le rejet de l'ordre spontané du libéralisme est commun.

Le capitalisme libéral, c'est la défense des privilégiés

Searchtool-80%.png Articles connexes : privilège et ploutocratie.
Le libéralisme ne défend pas d'intérêts particuliers ou de privilèges pour qui que ce soit. Les médias associent libéralisme et grande entreprise à tort : comme l'écrit Sheldon Richman, « in terms of educating people about the virtues of the free market, nothing has been more damaging than the identification of free markets with particular business interests, particularly Big Business. »
On pourrait revenir sur l'exemple de la crise financière de 2007-2008 : le renflouage des banques à travers le monde constitue selon les anticapitalistes une illustration du vrai visage du libéralisme qui serait un socialisme pour les riches : « privatisation des gains et nationalisation des pertes ». La seconde partie de l'analyse est juste mais est l'exact opposé du libéralisme. C'est la conséquence d'un capitalisme étatique, un capitalisme de connivence, dans lequel l'État dépasse très largement le rôle qui serait le sien dans un système libéral.
Ainsi, le plan de 700 milliards prévu par Henry Paulson pour sauver le système bancaire a été critiqué par les libéraux et les libertariens et au contraire soutenu par les démocrates les plus interventionnistes. Les quelques libéraux qui l'ont soutenu comme le journal The Economist l'ont fait dans une logique utilitariste : laisser les banques faire faillite aurait été pire pour les plus faibles. Et le journal d'insister sur la dimension exceptionnelle de la mesure et le fait qu'il ne s'agit pas d'une mesure libérale[18] :
«The notion of any bail-out is deeply troubling to any self-respecting capitalist. Against that stand two overriding arguments. First this is a plan that could work. And, second, the potential costs of producing nothing, or too little too slowly, include a financial collapse and a deep recession spilling across the world: those far outweigh any plausible estimate of the bail-out’s cost. »
Il est important en outre de noter que les mesures défendues par les anticapitalistes auraient eu pour conséquence d'amplifier la crise : ainsi, le contrôle « démocratique » des banques centrales aurait, pareillement au Community Reinvestment Act, renforcé la création monétaire et nourri l'expansion du crédit qui a causé la crise.
Enfin, ceux qui accusent le libéralisme de défendre les privilégiés oublient que renforcer l'intervention de l'État, c'est justement renforcer l'arbitraire et les privilèges, qui ne peuvent être garantis ou établis que par l'État.

Citations

  • « The great threat to liberty is the corporate state, otherwise known as corporatism, state capitalism, and political capitalism. [..] In terms of educating people about the virtues of the free market, nothing has been more damaging than the identification of free markets with particular business interests, particularly Big Business. » (Sheldon Richman, What is the enemy ?[19])
  • « On notera que l'anti-communisme est toujours primaire, tandis que l'anticapitalisme est une exclusivité des esprits supérieurs. » (Jacques Gagliardi dans Combat en 1974[20])
  • « Nous ne combattons pas le capitalisme juif ou le capitalisme chrétien, nous combattons le capitalisme en tant que tel. » (Adolf Hitler, discours du 12 avril 1922 à Munich)
  • « Le capitalisme doit soutenir son procès devant des juges qui ont déjà en poche la sentence de mort. Ces juges se préparent à la prononcer, quels que soient les arguments invoqués par les avocats, le seul succès que puisse enregistrer une défense irréfutable consistant à faire modifier l'acte d'accusation. » (Joseph Schumpeter)





D) Dossier : black blocs, la vérité

Après les violentes émeutes qu'a connue Strasbourg en avril 2009 lors du sommet de l'OTAN, enquête sur le black bloc, considéré comme responsable de toutes les dégradations commises.



Les blacks blocs sont désignés par les médias et les autorités comme des anarchistes-casseurs ultraviolents. Les médias parlent de 2000 black blocs lors du sommet de l'OTAN. Qu'en est-il exactement ? Voulant en apprendre d'avantage sur ces personnes entièrement vêtues de noir, j'ai décidé de me pencher sur eux.



Black blocs : la vérité

Un black bloc, c'est quoi ?
Tout d'abord, le black bloc est une technique de manifestation qui consiste à manifester entièrement vêtu de noir et le visage masqué.
Un black bloc est un regroupement éphémère d'individus qui se définissent majoritairement comme anarchistes. On parle alors d'un black bloc réunissant (par exemple) 5000 personnes et non 5000 black blocs.
Un black bloc n'a pas de chef et n'a pas de membres. Chacun manifeste selon son envie, mais la solidarité entre les participants est très présente.
La première fonction d'un black bloc est d'exprimer une présence anarchiste et une critique radicale au cœur d'une manifestation. Il offre aussi la possibilité à des militants de mener des actions directes car cette masse dans laquelle ils se fondent leur assure une solidarité politique et protège leur anonymat, ce qui rend d'autant plus difficile pour les policiers de cibler et d'arrêter un individu en particulier.
Si le fait que les black blocs sont de sensibilité anarchiste, ce n'est pas en raison de leur potentiel violent, mais mais bien plutôt parce qu'ils fonctionnent de façon égalitaire et libertaire ; en d'autres mots, leur structure et leur processus de prise de décision sont non autoritaires et non hiérarchiques.
Les participants à un black bloc ne sont pas tous violents, certes certains affronteront la police, dégraderont le mobilier urbain et/ou des symboles du capitalisme, d'autres choisiront de former une équipe d'infirmiers au sein du black bloc, ou de reconnaître le terrain, feront de la liaison...
A l'inverse, bon nombre de manifestations antimondialisation ont dégénérées et ou les casseurs n'avaient aucune affiliation à un parti ou à un mouvement et n'étaient pas vêtus de noir.



Les origines des black blocs
Les black blocs sont apparus à Berlin Ouest pendant l'hiver de 1980 alors que les policiers vidaient brutalement des squats de militants du mouvement autonome. Décidés à défendre leur logement, ces militants formeront les premiers black blocs qui affronteront les policiers dans de violents combats de rue. A l'époque l'expression lancée par la police allemande était Schwarzer Block. Le terme black bloc apparait en 1991 aux Etats-Unis lors de manifestations de personnes vêtues de noir contre la guerre en Irak.
Le 30 novembre 1999, lors de la « Bataille de Seattle » (conférence de l'OMC), les black blocs font une entrée fracassante dans le mouvement « antimondialisation » en lançant des frappes contre des succursales de banques et des magasins Gap, Levi's, McDonald's. Ce recours à la force si spectaculaire a permis au mouvement d'obtenir une très grande visibilité médiatique.
Les 20 et 21 juillet 2001, lors du G8 à Gênes, des affrontements d'une extrême violence opposent le black bloc et autres manifestants à la police. Ces événements prendront une tournure dramatique du fait qu'un manifestant italien a été froidement abattu par un policier.
Le 4 avril 2009, lors de la « Bataille du Rhin » au sommet de l'OTAN à Strasbourg, des affrontements violents ont opposé le black bloc aux policiers, si la violence des affrontements n'est pas extrême, le montant des dégâts est le plus élevé de toute l'histoire des black blocs : les dégâts se chiffrent à hauteur de 100 millions d'euros.

Black bloc et anarchie
Un amalgame est fait entre les anarchistes et les participants à un black bloc. La majorité des anarchistes n'ont pas recours à la violence et un black bloc n'est pas toujours violent.
Le terme "anarchie" est par ailleurs utilisé par les médias et les gouvernements pour qualifier une émeute, un désordre social, or l'anarchie n'est pas une émeute, l'anarchie désigne une société où il n'existe aucune autorité, aucune loi, aucun chef : c'est une société autogérée. Le terme exact pour définir une situation sans autorité ni lois où les différends se règlent par la seule violence physique (armée ou non) est l'anomie.



Conclusion
Pour les médias, le phénomène Black Bloc serait l'expression d'un « anarchisme » réduit à une pulsion irrationnelle qui pousse des « jeunes casseurs » à la violence et au chaos. Cette charge critique contre les Black Blocs brouille la pensée et a elle-même des répercussions politiques négatives pour l'ensemble du mouvement.
Au travers des médias, la population a une vision complètement erronée du mouvement et de ce fait, celui-ci est dénoncé en masse.



Avec cette présentation des black blocs, que peut-on dire sur les évènements de Strasbourg ?
Un black bloc réunissant environ 2000 personnes s'est formé pour dénoncer les pratiques policières et autoritaires des gouvernements, de nombreuses destructions ont été causés par ce black bloc.
Alors que les médias parlaient de 2000 black blocs qui étaient des anarchistes-casseurs ultraviolents.




L'incendie de l'hôtel Ibis (ci-dessus) est controversé.
Selon la police, les black blocs ont saccagé le rez-de-chaussée de l'hôtel, ils auraient sorti le mobilier présent et l'aurait incendié au milieu de la route et aurait alors incendié l'hôtel en lui même.
Version contestée par plusieurs dizaines de témoins. Selon ces derniers, des personnes du black bloc ont bien saccagé le rez-de-chaussée, ont bien sorti et incendié le mobilier au milieu de la route, mais l'incendie de l'hôtel a été provoqué par le tir de grenades lacrymogènes dans l'hôtel depuis un hélicoptère de la police. On le voit très clairement sur les différentes vidéos circulant sur le web, la police tire des lacrymogènes, le feu n'a pas encore démarré. Il interviendra après les tirs.

Il semblerait donc que les participants au black bloc ne soit pas responsables de l'incendie de cet hôtel.


En espérant que ce dossier sur le black bloc vous a appris qui sont réellement ses manifestants vêtus de noir. En tout cas, il vous offre un point de vue impartial.

POUR APPROFONDIR LE SUJET
Un article sur les black blocs de Francis Dupuis-Deri paru en 2003
image: https://www.strasbourg-montagneverte.fr/medias/static/fileicon/pdf.png
Un article sur les black blocs de Francis Dupuis-Deri paru en 2004
image: https://www.strasbourg-montagneverte.fr/medias/static/fileicon/pdf.png
Un livre sur les black blocs de Francis Dupuis-Deri publié en 2003
"Les black blocs - la liberté et l'égalité se manifestent"

Source


















Powered By Blogger