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décembre 04, 2025

L'anarcho-capitalisme et ses ennemis avec Andrew Melnyk

L'anarcho-capitalisme et ses ennemis 
 
Certains pensent que l'ordre public est un bien commun et ne peut donc être garanti dans une société anarcho-capitaliste. Mais cela me semble non seulement faux, mais aussi fondé sur une simple confusion entre « sécurité » (un concept abstrait) et « maintien de l'ordre public » (une description des faits). En termes de non-rivalité en matière de consommation, la « sécurité » est clairement un bien public : la jouissance par une personne de la liberté face à une invasion violente ne porte en aucun cas atteinte à la jouissance par autrui de la même liberté. Mais le « maintien de l'ordre public », c'est-à-dire les patrouilles, les alarmes antivol, les gardes du corps, etc., est hautement rival en matière de consommation : si l'on dépense plus d'argent pour l'application des lois anti-pornographie, il en faudra moins pour le maintien de l'ordre public. Si une grande partie des richesses est consacrée à la protection de la famille royale, il en reste moins pour embaucher des gardes du corps lorsque je fais mes courses. Ainsi, les moyens d' maintenir l'ordre public, par opposition au bien idéal que nous espérons atteindre par ces moyens, sont en réalité un bien très privé. « Trois minutes de réflexion », remarquait un jour Housman, « suffiraient à le comprendre ; mais réfléchir est ravissant et trois minutes, c'est long. » 
 
 
Les opposants libertariens à l'anarcho-capitalisme (par opposition à ceux issus des rangs des étatistes obscurantistes !) déploient généralement un argument plus subtil. S'inspirant de Robert Nozick (Anarchie, État et Utopie), ils affirment que l'anarcho-capitalisme ne fonctionnerait jamais car une « association protectrice dominante » (APD) émergerait.  
 
Bien que les raisons de ce résultat ne soient pas clairement expliquées, nombreux sont ceux qui pensent, et pas seulement les professeurs de philosophie de Harvard. 
 
James Buchanan (Freedom in Constitutional Contract) apporte cependant quelques éléments à l'appui de la thèse de la DPA (p. 52) : 
 
« Des conflits peuvent survenir, et une instance l'emportera. Les personnes qui ont été précédemment les clients des agences perdantes les abandonneront et commenceront à souscrire leur assurance auprès des agences gagnantes. De cette manière, une seule association de protection finira par dominer le marché des services de police sur un territoire. »
 
TROIS RAISONS 
 
 Cet argument satisfera beaucoup de gens. Mais il ne devrait pas, car il est erroné sur presque tous les points. Examinons-le attentivement, en commençant par la conclusion. 
 
 Le premier point est si évident qu'il suffit de le rappeler. Une APD n'est pas en soi une mauvaise chose : elle ne sera nuisible que si elle agit de manière antilibertaire. Mais y a-t-il une raison de penser qu'elle agirait de cette manière ? 
 
 Il y a trois raisons pour lesquelles nous pouvons penser qu'elle ne le ferait pas. 
 
Premièrement, une APD n'inspirerait pas la allégeance qu'inspire un État. Aujourd'hui, si un gouvernement dépasse les bornes, peu de gens sont prêts à prendre les armes contre lui. Comparez cela à l'attitude réservée aux entreprises, même lorsqu'elles exercent une activité légitime : elles sont perçues, au mieux, avec suspicion. Au pire, avec mépris. Mais une autorité de protection des données (APD) serait une organisation commerciale. Elle ne prétendrait pas que les règles qu'elle applique sont sanctifiées par le droit divin des rois, des majorités ou qui que ce soit. Si elle commençait donc à harceler les gens, elle ne pourrait espérer aucune de la tolérance dont bénéficient actuellement les États non libertariens. 
 
Deuxièmement, si la population d'un territoire susceptible de devenir victime d'une APD non libertarienne était aussi celle qui la finançait, elle ne perdrait évidemment pas de temps à refuser tout paiement supplémentaire s'il devenait clair que l'APD était sur le point de lui nuire. De toute évidence, cette sanction ne paralyserait pas instantanément les progrès de l'APD. Mais cela signifierait qu'elle devrait piller avec une vengeance (et non, par exemple, en augmentant progressivement les « paiements volontaires »), ce qu'elle pourrait craindre de faire par peur de provoquer une réaction. mini- révolution. Supposons qu'une DPA ait lancé une « exploitation modérée » des populations de sa zone d'influence. Nombre d'entre elles pourraient alors cesser de payer quoi que ce soit. Mais l'autorité de la concurrence (AC) doit alors choisir entre deux alternatives, si elle veut obtenir des fonds suffisants pour survivre plus d'une courte période : soit elle renonce à sa tentative de domination, soit elle se met à exploiter de manière excessive. Si elle choisit la seconde option, elle risque de provoquer une hostilité manifeste. 
 
 POUVOIR DE MARCHÉ LIBRE 
 
La troisième raison pour laquelle une AC ne deviendrait pas débridée est la plus importante. L'analyse libertarienne du « problème » du monopole est bien connue. L'idée est que pour qu'un comportement concurrentiel se manifeste, il n'est pas nécessaire qu'il y ait plus d'une entreprise en activité, en raison de la menace d'une concurrence potentielle. En fin de compte, l'hypothèse de l'AC se résume à la croyance que si une seule entreprise existe, elle peut se comporter exactement comme bon lui semble. Mais ce n'est pas possible.  
 
La concurrence potentielle dans le secteur de la protection rapprochée risque d'être féroce. Tout d'abord, n'importe qui pourrait posséder une arme à feu et apprendre à s'en servir. De plus, des groupes de victimes potentielles d'une agence de protection rapprochée pourraient très facilement s'unir pour protéger leur rue ou leur quartier. Ils ne gagneraient probablement pas un combat contre cette agence. Mais ils pourraient donner l'impression de pouvoir causer suffisamment de dégâts pour compliquer le recrutement d'agents prêts à se faire tuer par un client en colère. Cependant, la principale source de concurrence potentielle proviendrait d'autres agences de protection, d'autres territoires. Dès que l'agence deviendrait incontrôlable, ou même semblerait sur le point de le devenir, nombre de personnes menacées feraient simplement appel à une agence extérieure pour les protéger. La seule situation où cela serait impossible serait si l'agence étendait son contrôle au monde entier. Mais formuler une hypothèse de cette nature revient à supposer que l'autorité de protection des données aurait été en mesure de réaliser ce qu'aucun État n'a jamais réalisé et qu'il semble même peu probable de réaliser. 
 
Autrement dit, une autorité de protection des données opérant, par exemple, dans le Grand Londres, serait soumise à la concurrence potentielle d'autres agences, par exemple, dans le Surrey. (Ces autres agences pourraient (même si elles-mêmes pourraient être des agences de protection des données). Les transports étant aussi faciles qu'ils le sont actuellement, il serait judicieux qu'une telle agence se précipite pour venir en aide aux Londoniens inquiets. 
 
Des organismes extérieurs pourraient potentiellement créer une concurrence d'une autre manière. Les détracteurs de la fourniture d'eau par le marché libre, par exemple, commettent souvent l'erreur de croire que les entreprises concurrentes doivent être géographiquement proches les unes des autres pour que la concurrence soit efficace. C'est faux. La concurrence se manifestera si les clients peuvent déménager dans des zones desservies par des fournisseurs plus avantageux. Il suffit que très peu de personnes déménagent pour que l'effet se fasse sentir par le fournisseur. Ainsi, les habitants d'une zone menacée par une agence de protection des données pourraient, au premier signe de difficulté, se déplacer, ou simplement transférer leurs ressources, vers une nouvelle zone. Mais cela ne serait probablement pas nécessaire.  
 
La dernière forme de concurrence potentielle, qui diffère sensiblement des associations informelles déjà mentionnées, serait la possibilité de nouvelles associations de protection, professionnelles, bien organisées et équipées, qui pourraient surgir très facilement. Imaginez un instant comment vous mettriez en place une agence de protection. Ce serait certainement l'une des entreprises les moins difficiles, bien moins difficile en effet que la création, par exemple, d'une usine de production d'aluminium. 
 
ARBITRAGE 
 
Jusqu'à présent, nous avons supposé l'existence d'accords de poursuite différée (APD) sur certains territoires. Mais à première vue, rien ne justifie cette hypothèse. Après tout, nous ne pensons pas que la libéralisation du marché de l'héroïne entraînera, comme par magie, des monopoles de producteurs d'héroïne sur certains territoires, l'équivalent, pour la drogue, des APD. Il faudrait une raison particulière. Buchanan pense en connaître une. Il suppose que les clients des agences perdantes se tourneraient vers les agences gagnantes et deviendraient clients de celles-ci. 
 
Supposons pour l'instant que les agences s'affronteraient fréquemment. (Cette hypothèse sera examinée ultérieurement). Les agences se disputeraient lorsque leurs désaccords seraient trop graves pour que l'arbitrage soit utile.
 
Ils pourraient être en désaccord sur un ou deux points. Premièrement, il pourrait y avoir des divergences d'opinion légitimes concernant les actions à considérer comme des crimes. Deuxièmement, il pourrait y avoir un désaccord quant à savoir si, dans un cas particulier, une action reconnue comme un crime par toutes les parties concernées a effectivement été perpétrée. Cette seconde source de désaccord se résume à l'idée que les deux organismes participants n'auraient pas été en mesure de trouver une procédure épistémologique mutuellement acceptable pour établir la culpabilité ou l'innocence. 
 
 Là encore, deux possibilités se présentent. Soit les deux organismes ont conclu un accord, avant la commission du crime, prévoyant qu'en cas de litige, ils le régleraient par l'intermédiaire d'un organisme d'arbitrage spécifique, mais l'un d'eux a refusé, le moment venu, d'accepter la sentence de cet organisme. Soit ils n'ont jamais conclu un tel accord et, maintenant qu'un litige survenait, ils n'arrivaient toujours pas à s'entendre sur le choix de l'organisme d'arbitrage. Le problème avec ces deux sources de désaccord potentiel, c'est qu'elles représentent des politiques réellement différentes de différentes agences de protection, dont les clients des agences seraient informés à l'avance avant de faire leur choix. Si donc l'agence d'un client perdait systématiquement ses combats (et il est tout à fait concevable qu'il n'y ait pas de séries de victoires ou de défaites consécutives entre agences rivales, et qu'elles gagnent ou perdent un nombre à peu près égal de combats), alors ce client ne se tournerait pas vers l'agence gagnante, car la politique de l'agence gagnante serait celle à laquelle il s'opposerait. 
 
Donc, si je ne pensais pas qu'insulter quelqu'un devait être considéré comme un crime, je ferais appel à une agence qui partageait ce point de vue. Mais si, par la suite, l'agence continuait à perdre des procès sur cette question, je ne rejoindrais pas l'agence qui l'emporterait, car cette dernière serait que jurer sur les gens était un crime, ce qui est précisément l'opinion que j'avais pour éviter en fréquentant la première agence. 
 
 De même, si j'achetais une protection auprès d'une agence qui garantissait l'utilisation du système des « douze hommes de bien », et qu'elle était sensément battue par une agence qui n'approuvait pas ce type de jury, je ne rejoindrais certainement pas cette dernière agence.
 
COÛTS ET AVANTAGES 
 
Que se passerait-il alors si une agence se retrouvait fréquemment en difficulté sur un point quelconque ? Eh bien, ce qui ne se passerait pas, c’est qu’elle continuerait à se battre jusqu’à la mort de tous ses agents. Se battre serait une entreprise coûteuse. Les employés devraient être mieux payés s’ils risquaient d’être blessés ou tués. L’indemnisation due aux propriétaires de biens endommagés pourrait être considérable. Ce qui se passerait si une agence continuait à perdre, c’est qu’elle modifierait sa politique dans les domaines concernés, afin de ne plus être en conflit avec une agence qui risquerait de lui prendre une mauvaise passe. Certains de ses clients seraient sans doute mécontents, peut-être au point de déménager dans une autre région où la législation est différente. Pour d’autres, la baisse des primes, rendue possible par la réduction des coûts de l’agence, constituerait une compensation adéquate. D’autres encore pourraient tenter leur chance en tant qu’indépendants. Bien sûr, rien n'empêcherait quiconque de rejoindre l'agence gagnante. Mais il n'y aurait aucune raison particulière de le faire, même si, ce qui est en soi une hypothèse assez absurde, il n'y avait que deux agences, l'agence gagnante et l'agence perdante. 
 
Il s'avère donc que la raison particulière invoquée par Buchanan pour l'émergence d'un monopole sur le marché de la protection n'est pas si particulière. En fait, ce n'est même pas une raison ; le mécanisme qu'il prétend voir fonctionner ne fonctionnerait tout simplement pas. 
 
 Le moment est venu d'examiner l'hypothèse selon laquelle les agences de protection seraient en conflit fréquent. Une brève réflexion montre que ce ne serait pas le cas. 
 
Les deux sources potentielles de désaccord ont été décrites ci-dessus. Or, de nombreuses agences seraient parfaitement capables de s'entendre à l'avance sur la société ou le système d'arbitrage qu'elles utiliseraient en cas de désaccord. Ces agences n'auraient donc aucune difficulté, à moins que l'une d'entre elles ne revienne sur sa parole par la suite. Bien sûr, ils pourraient le faire, mais leurs clients pourraient très bien voir cette pratique d'un mauvais œil, tout comme les autres organismes. De nombreuses entreprises ont aujourd'hui recours à l'arbitrage, dont les sentences ne sont pas exécutoires. La grande majorité s'y conforme.
 
ENSEMBLES DE LOIS 
 
Mais qu'en est-il des organismes qui ne pouvaient pas s'entendre à l'avance ? La réponse est qu'un processus de négociation aurait très probablement lieu, par lequel les organismes parviendraient à des accords, mais au prix de ne pas être prêts à appliquer toutes les lois que leurs clients potentiels souhaiteraient. Certains critiques de l' anarcho-capitalisme semblent croire que les organismes appliqueraient n'importe quelle loi imaginable que quiconque le souhaiterait. Ce ne serait pas le cas. Nombreux seraient ceux qui ne pourraient pas acheter exactement l'ensemble de lois qu'ils auraient choisi, s'ils avaient pu en choisir un à leur guise. David Friedman explique bien ce processus de négociation aux pages 161-162 de son excellent ouvrage *The Machinery of Freedom* (Arlington, New York, 1978). Je renvoie le lecteur à cet ouvrage. 
 
Mais les organismes prendraient-ils la peine de conclure des accords ou de négocier au préalable ? Oui, ils le feraient, et pour de bonnes raisons.  
 
S'ils échouaient, ils pourraient s'attendre à de sérieux problèmes. Ce serait, comme je l'ai suggéré plus haut, extrêmement coûteux et très dangereux. De plus, les clients pourraient refuser de faire appel à des agences qui n'auraient pas conclu d'accords préalables. Personnellement, je n'envisagerais pas avec enthousiasme la perspective de voir mon jardin transformé en champ de bataille. Par ailleurs, les directeurs de l'agence pourraient avoir une aversion subjective pour la violence inutile. La raison la plus importante est peut-être que l'agence n'aurait pas de chances de gagner les batailles. 
 
Bien sûr, rien n'empêcherait une « agence » de s'auto-créer sans la plus petite intention de conclure des accords préalables ni de faire respecter des lois justes. Mais elle devrait affronter le reste de la société, contre laquelle elle n'aurait aucune chance. 
 
 En résumé, il y a de fortes chances que l'anarchie du libre marché soit bien plus paisible que la plupart des gens l'imaginent. Mais si les agences n'étaient pas constamment en conflit violent, alors les arguments de Nozick et de Buchanan s'effondrent totalement

L'objection de la DPA à l'anarcho-capitalisme est simplement une version plus sophistiquée de la vieille réponse à l'anarchiste : selon laquelle, en cas d'anarchie, les forts domineraient les faibles. Cette réponse est peut-être vraie pour les sociétés primitives, tant sur le plan technologique que culturel. Mais elle n'a aucune pertinence face à la situation actuelle, ni, plus précisément, face à celle de l'avenir espéré.
 


http://www.la-articles.org.uk/FL-3-2-4.pdf… »

Andrew Melnyk est un philosophe britannique né à Londres. Il a fait ses études à l'école St. Paul, à Londres et à l'université d'Oxford. Il est actuellement professeur de philosophie et directeur du département de l'université de Missouri-Columbia. En compagnie de Chandran Kukathas et Hannes Gissurarson, il fut le cofondateur de la Hayek Society at Oxford, alors qu'il était encore étudiant. Cette organisation invitait des célébrités, pour la plupart des universitaires, afin de discuter de thèmes sur le libéralisme. Les trois fondateurs ont eut l'heureuse surprise de recevoir Friedrich Hayek en personne, en 1983.

Il est intéressé par de nombreux aspects de la philosophie des sciences, et par tous les aspects de la philosophie de l'esprit. Il a publié la plupart du temps sur le sujet de la métaphysique de l'esprit. Son travail est publié dans des revues prestigieuses comme le Journal of Philosophy, Noos, The Australasia Journal of Philosophy. Son livre, Un Manifeste physicaliste : un matérialisme moderne complet est paru en 2003 au Cambridge University Press. 

https://www.wikiberal.org/wiki/Andrew_Melnyk

 

novembre 26, 2025

Le féminisme individualiste avec Wendy McElroy

L’Individualisme : une nouvelle vision du féminisme par Wendy McElroy

Les femmes sont les égales des hommes et doivent être traitées de même.Pour la plupart des gens la déclaration ci-dessus est le principe de base du féminisme. Mais que signifie égal ? Comment définissons-nous l’égalité ? Par exemple, est-ce que cela signifie l’égalité devant les lois existantes et la parité dans les institutions existantes ? Ou est-ce que cela comprend l’égalité socio-économique – une redistribution des richesses et du pouvoir – qui, à son tour, requiert de nouvelles lois et un renversement des institutions existantes.


 

Cela pourrait aussi impliquer l’égalité culturelle par laquelle on accorderait aux femmes le même degré de respect qu’aux hommes en ce qui concerne les lois sur le harcèlement sexuel, par exemple, en imposant ce respect.

La manière, selon laquelle le mot "égalité" se retrouve défini, est un test révélateur qui permet de différencier les mouvements féministes les uns des autres.

Au cours du 19ème siècle, le courant principal du féminisme définissait l’ « égalité » comme un traitement et une représentation égale des deux sexes au regard des lois et des institutions.
Les féministes les plus radicales protestèrent que les lois et institutions existantes étaient source d’injustices et, comme telles, ne pouvaient pas être réformées. Le système dans son entier devait être balayé pour que les droits des femmes puissent enfin être obtenus.

En bref, les deux traditions les plus révolutionnaires appartenaient au féminisme socialiste, duquel l’actuel radical féminisme s’inspire énormément, et le féminisme individualiste, qui est quelquefois appelé féminisme libertaire. Ces deux traditions diffèrent totalement dans leur approche de l’égalité.

Pour le féminisme socialiste, l’égalité devenait une issue socio-économique. Les femmes ne pouvant l’obtenir qu’à la condition que la propriété privée et les échanges économiques qu’elle engendrait – c'est-à-dire le capitalisme – ne disparaissent. L’égalité était aussi un objectif culturel. Un parallèle peut être tracé entre le 19ème et le 20ème s. dans la rébellion contre la culture masculine blanche – contre la pornographie par exemple – que l’on trouvera au 19ème s. sous forme de croisades puritaines pour la tempérance, modération. Ces croisades ou campagnes tentaient d’imposer la « vertu » – c'est-à-dire, imposer un comportement moral vertueux à la société au travers des forces légales – de manière très similaire au politiquement correct du féminisme actuel.

Pour le féminisme individualiste, la recherche égalitaire s’achevait quand les droits individuels des femmes étaient pleinement reconnus par les lois protégeant identiquement la propriété et la personne des hommes aussi bien que des femmes. Aucune référence à l’égalité économique ou sociale, seulement à une justice - traitant également femmes et hommes - gouvernant la société en protégeant les personnes et la propriété.

Dans une société idéale, le système légal ne ferait aucune distinction reposant sur des ca- ractéristiques secondaires, tel que le sexe, mais protègerait également les droits de chaque individu. Les femmes ne seraient ni opprimées, ni privilégiées, au regard de la loi. Cette société n’existe pas.

Aussi longtemps que les lois feront une distinction entre les sexes, les femmes devront se lever et réclamer leurs droits entiers et égaux. Rien de plus, rien de moins. Cette revendication est le fer de lance ( ou le point crucial NDT ) du féminisme individualiste.

Ce présent article converge sur deux formes de féminisme révolutionnaire qui sont radicalement opposés idéologiquement et définit les deux extrêmes du féminisme : le radical et l’individualiste.

Aujourd’hui, comment définissent-ils l’égalité ? Pour le Féminisme radical, l’égalité est socio-économique et culturelle . Ce qui veut dire que les distinctions de positions entre les genres doivent être éliminées afin qu’hommes et femmes puissent jouir d’une parité sociale, économique, politique et sexuelle. Obtenir cela signifie qu’il est nécessaire de balayer le patriarcat qui est une combinaison de la culture blanche masculine et du capitalisme.

Pour le Féminisme individualiste, l’égalité signifie aussi même traitement des deux sexes au regard des lois qui protègent individus et propriétés. Mais, Le Féminisme individualiste, ne dit rien au sujet de la richesse engrangée et de sa répartition égale entre les sexes. Ce genre de partage ne peut être achevé qu’à travers les lois, par intervention de l’Etat dans la vie des personnes et de leurs biens. C’est précisément le point d’opposition du Féminisme individualiste : le recours à l’Autorité dans la société.

Laissez-moi vous donner un exemple de pourquoi cet argument est aussi révolutionnaire. Considérons le mariage. Le courant principal du Féminisme dit : « Réformez les lois sur le divorce pour les rendre plus justes ». Le Féminisme individualiste dit : « la simple existence des lois sur le mariage/divorce est une injustice parce que l’Etat n’a pas autorité naturelle pour intervenir dans ce qui doit rester un contrat privé entre individus. »

Le mot "juste" entre en lice. Brièvement, je voudrais considérer comment ces deux formes de féminismes entendent le concept de justice.

Le Féminisme radical comprend la justice comme un but ; j’entends par là, qu’il apporte une image particulière de comment serait une société juste. Une société juste serait celle qui n’a ni patriarcat ou capitalisme, dans laquelle l’égalité socio-économique et culturelle des femmes s’exprimerait pleinement. En d’autres mots, la justice devient un objectif en soi dans lequel la société incarne une économie, une politique et des aménagements culturels, tous spécifiques. Cela signifie que les employeurs devront payer hommes et femmes à égalité, personne ne devra éditer de la pornographie et les commentaires sexistes seront interdits sur les lieux de travail.

Au contraire, l’approche de la justice par le Féminisme individualiste s’oriente sur les moyens : c'est-à-dire qu’il se réfère en premier à la méthodologie. Cette méthodologie est « quoique ce soit qui soit pacifique ». Le seul objectif envisagé par le Féminisme individualiste est la protections des personnes et des propriétés : ce qui signifie l’éradication de la contrainte et de la fraude dans la société.
Autrement dit, le concept de justice ne s’incarne pas dans un objectif particulier : quoique devienne la société, puisqu’elle est le choix de la volonté libre et paisible des individus qui la composent, elle sera, politiquement parlant, une société juste. Les aspects de cette société ne seront peut-être pas moraux et, les Féministes individualistes pourraient avoir à utiliser l’éducation, la revendication, le boycott et la conscientisation – l’éventail entier des stratégies convaincantes – pour tenter de modifier cela. Mais ce qu’elles ne feront pas, c’est utiliser la coercition légale afin de restreindre les choix sereins.

Les opinions contradictoires sur la justice entre Féminisme radical et Féminisme individualiste mettent en lumière une des majeures différences dans leurs approches des problèmes sociaux : à savoir, la volonté du Féminisme socialiste ou radical d’en appeler à l’Etat. Cette différence n’est pas surprenante quand vous réalisez que l’idéal de justice du Féminisme radical * peut * être établi par la contrainte de l’Etat. Vous pouvez, par exemple, imposer un arrangement économique spécial à la société. Vous pouvez sanctionnez des personnes pour dépassement de tarifs ou pour une infraction à l’embauche. Mais vous ne pourrez pas contraindre une société à naître authentiquement libre de ses options : ce serait contradictoire dans les termes.
*

Quittant la théorie, je désire apporter un aperçu de l’histoire unique du Féminisme individualiste en Amérique.

En tant que force organisée, le féminisme remonte au mouvement abolitionniste qui vit le jour au début de l’année 1830. Et les deux influences idéologiques dominantes sur le Féminisme qui débutait étaient le Quakerisme et l’individualisme. Bien des femmes courageuses améliorèrent le statut des femmes avant cette date. Citons, au 17ème s., Anne Hutchinson qui conduisit la première attaque organisée contre les Puritains orthodoxes du Massachussetts Bay Colony. Mais ces femmes-ci se faisaient entendre personnellement plutôt que comme militantes d’un mouvement qui serait consciemment voué à la défense des droits des femmes.

L’abolitionnisme était le mouvement radical anti-esclavage qui réclamait l’arrêt immédiat de l’esclavage arguant que chaque être humain s’appartenait à lui-même : chaque humain ayant la compétence morale sur sa personne.

Progressivement, les femmes abolitionnistes commencèrent à appliquer le principe de propriété de sa personne à elles-mêmes. Abbie Kelley, féministe abolitionniste remarquât : « Soyons reconnaissantes à l’esclave dont nous avons embrassé la juste cause pour les bénéfices obtenus par nous-mêmes, en travaillant pour lui. En luttant pour lui ôter les chaînes, nous avons découvert que nous étions également menottées. »

Dans le milieu abolitionniste, les droits des femmes activaient de brûlants débats. Il se peut que l’avocat des droits des femmes le plus déterminé fut le libertaire William Lloyd Garrison, éditeur du Liberator, insistant sur le fait que l’abolition de l’esclavage était une bataille pour les droits humains, pas seulement les droits masculins.

C’est alors que se produisit un évènement décisif : la Conférence mondiale de 1840 sur l’anti- esclavage à Londres en Angleterre. La féministe abolitionniste Elizabeth Cady Stanton, qui participait à cette Conférence, fut mortifiée par le rejet hautain que les femmes durent essuyer de la part d’hommes Anglais moins progressistes. Garrison, présent lui aussi, fut si courroucé qu’il quittât la salle principale pour l’alcôve fermée de rideaux où l’on avait reléguée les femmes.

Plus tard, avec la Quaker Lucretia Mott, Stanton conçut la Convention Seneca Falls de 1848 débattant des droits des femmes. C’est là que la question pour le vote des femmes fut introduite : « Considérant, qu’il est du devoir des femmes de ce pays d’obtenir pour elles-mêmes le droit inviolable et exclusif d’accéder aux urnes ». La proposition rencontrat une sévère résistance de la part de Mott et autres membres de la vieille garde des féministes abolitionnistes qui étaient profondément opposées à ce que l’on fasse usage du gouvernement pour résoudre des problématiques sociales. Mais la résolution passât.

Malheureusement pour la tradition individualiste américaine – dans toutes ces manifestations – la Guerre Civile surgit. Si « la guerre est la richesse de l’état » comme le clamait Randolph Bourne, il n’en reste pas moins que c’est la mort de l’individualisme. Il y a plusieurs raisons à cela ; l’une d’elles étant que l’individualisme est, par ses racines, une idéologie anti-étatique, et que la guerre implique, elle, l’accroissement du pouvoir de l’Etat, lequel pouvoir ne semble jamais revenir à son niveau d’avant-guerre lorsque la paix est déclarée.

Après la guerre, le point clé du féminisme devint la Constitution ; les femmes souhaitaient prendre part dans la formulation des 14ème et 15ème amendements ayant pour but d’assurer la liberté des Noirs. Le 14ème amendement introduisait le mot "mâle" dans la Constitution des Etats-Unis. Le 15ème amendement certifiait que le droit de vote ne pourrait être abrogé pour des raisons de « race, couleur, ou la précédente condition de servage ». Il ne faisait aucune référence au sexe. Les femmes abolitionnistes se sentir trahies. Susan B. Antony écrivit, « Nous bannissons la consultation masculine à jamais ». Cette occasion devint le pivot à partir duquel le courant principal du féminisme se détachât définitivement des hommes.

A ce point critique, le mouvement féministe se diversifiât, le principal courant concentrant ses efforts sur le droit de vote. Les autres féministes restant sceptiques sur les solutions politiques applicables aux problèmes sociaux.

Le Féminisme individualiste trouvât son expression dans une variété de mouvements sociaux, particulièrement l’amour libre, la libre pensée, et l’anarchie. Là, les féministes fonctionnaient comme segment radical où elles représentaient et poursuivaient les intérêts des femmes.

Le vecteur le plus important était le mouvement de l’Amour Libre qui cherchait à séparer l’Etat des questions sexuelles comme le mariage, l’adultère, le divorce et le contrôle des naissances. L’amour Libre réclamait que ces affaires soient laissées à la responsabilité des concernées. Considérons l’amour libre, très brièvement…

En 1889, une femme qui venait de risquer sa vie dans une fausse-couche qu’elle avait provoquée écrivît au périodique libertaire, Lucifer le Porteur de Lumière, s’excusant : « Je sais que je suis terriblement perverse, mais je suis certaine d’avoir été obligée de risquer ma vie pour être libre, et je ne peux le supporter. Connaissez-vous n’importe quel dispositif qui m’évitera de concevoir à nouveau ? S’il existe une telle chose fiable, vous sauverez ma vie en me le disant. »

Cette femme écrivit à Lucifer – publié et édité par Moses Harman – car, à la fin de l’année 1800, c’était l’un des peu nombreux forums qui encourageaient ouvertement le contrôle des naissances. Moses Harman affirmait qu’une femme s’appartenant à elle-même le faisait en totale connaissance de cause et dans toutes les mesures sexuelles.

Coup du sort, Harman vînt à se heurter à la loi Comstock (1873), qui interdisait les courriers contenant des questions jugées obscènes, mais sans définir en quoi consistait l’obscénité. Quoique ce fût, cela incluait précisément l’information sur les contraceptifs et le contrôle des naissances. Une chasse aux sorcières commençât.

C’est sur cet arrière-plan, qu’Harman commençât sa politique de la « parole libre » par laquelle il se refusait à ne pas publier les courriers qui contenaient un langage explicite. Harman soutenait : « Les mots ne sont pas les faits, et ce n’est pas du ressort de la loi civile d’entreprendre des mesures préventives contre de lointaines ou possibles conséquences de ces écrits, quelque soit leur violence ou leur subversivité ». Et continuât à débattre ouvertement de la contraception.

En 1887, l’équipe du Lucifer fut arrêtée pour la publication de trois lettres et inculpée sur la base de 270 chefs d’obscénité. Une des lettres décrivait la condition d’une femme dont le mari l’obligeait à avoir des rapports malgré le déchirement des coutures suite d’une récente opération. C’est un des tout premiers cas de sexe par contrainte reconnu comme un viol.

Les combats légaux d’Harman contre les lois Comstock se poursuivirent de 1887 à 1906. Lors de son dernier emprisonnement, pendant lequel il passât un an aux travaux forcés, cassant souvent des pierres huit heures par jour dans la neige de l’Illinois, il était âgé de 75 ans.

Curieusement, quand les autorités vinrent arrêter Harman en 1887, sa fille de 16 ans n’était pas présente. Elle était elle-même en prison, ayant été interpellée parce que s'étant mariée clandestinement, c'est-à-dire un mariage privé où ni l’Eglise, ni l’Etat n’avait de rôle à jouer. A cette même cérémonie, Moses avait refusé l’usage commun de donner sa fille en mariage, précisant qu’elle était la propriétaire de sa propre personne.

L’épisode Harman n’est pas devenu un récit du F individualiste parce qu’il s’était fait l’avocat du contrôle des naissances. Nombre de traditions l’ont fait. Harman était un F individualiste à cause de l’idéologie et de la méthodologie qu’il utilisait. Ses arguments étaient basés sur l’appropriation par les femmes de leurs corps et de ses fonctions, sexuelles et économiques. Il refusait toute ingérence de l’Etat dans les relations personnelles parce qu’il considérait cela comme l’institutionnalisation de la contrainte légale dans la société.

Moses Harman – tout comme Voltairine de Cleyre – sont les figures proéminentes du 19ème s. Dans leur propre époque, des personnes comme Harman étaient accrédités par leurs radicaux contemporains. Emma Goldman, dans son autobiographie « Vivre ma vie » le reconnaissait comme un pionnier qui lui permit de réaliser librement son travail sur le contrôle des naissances.

En 1907, quand on demandât à Georges Bernard Shaw pourquoi il ne visitait pas l’ Amérique, répliquât que si les « brigands » pouvaient emprisonner Moses Harman pour l’expression de ce qui était après tout la même vision qu’il portait sur scène, dans sa pièce, « Man et Superman » il ne ressentait aucun enthousiasme à y aller tester sa chance. C’est peut-être la raison pour laquelle il est oublié aujourd’hui. (cette dernière phrase est très approximative dans sa traduc. NDT )


Maintenant, après ce petit intermède historique, retournons à la théorie.


Indubitablement, le plus important des concepts du féminisme d’aujourd’hui est la position sociétale. Il y a des hommes, il y a des femmes, ils sont dans des positions différentes…c’est ainsi que la théorie l’établit.

Ce dernier point de vue est différent de la traditionnelle « guerre des sexes ». Cette guerre se réfère au fait que, dans les mêmes circonstances, les hommes et les femmes désirent des choses différentes et, ainsi, entrent en conflit. Par exemple, lors d’un rendez-vous, il est couramment admis que les hommes sont branchés sexe alors que les femmes recherchent plutôt une relation plus complice, dialectique. Ce n’est pas à ce différend que je me réfère. Je parle de la guerre des genres.

Une position sociétale n’est rien de plus que le groupement arbitraire d’entités qui partagent les mêmes caractéristiques, comme déterminé d’un point de vue épistémologique soit disant infaillible. En clair, ce qui constitue une position ou classe de gens est défini par les intentions, les objectifs du dit définisseur. Par exemple, un chercheur qui étudie l’accoutumance aux drogues pourrait classer la société en utilisateurs et non-utilisateurs des drogues. Les positions peuvent être ainsi définis par n’importe quel facteur prépondérant au yeux du définisseur.

Pour les féministes radicales, le genre est le facteur prépondérant. Bien des tentatives d’investigation se servent de la biologie comme d’une ligne séparatrice. Par exemple, la médecine sépare souvent les sexes en vue de leur trouver des traitements et techniques différentes. Chez les femmes on recherche le cancer du sein et chez les hommes les problèmes de prostate. La différence est que la médecine ne proclame pas que les intérêts de base des deux sexes sont en conflit ou même divergent. Les deux sexes partagent une base biologique qui requiert la même approche en ce qui concerne la nutrition, les pratiques, et les choix de vie raisonnables. En résumé, bien que la biologie des sexes ne soit pas identique, ils partagent les mêmes objectifs de bonne santé, qui peuvent être envisagés et pratiqués approximativement de la même manière.

Par contre, le Féminisme radical défend la théorie de conflits fondamentaux de classes reposant sur le genre. Elle proclame que les hommes ne partagent pas seulement l’identité biologique, mais aussi l’identité politique et sociale. Les intérêts politiques des hommes sont donc nécessairement en conflit avec ceux des femmes.

La conception du conflit des classes est largement associée avec Karl Marx, qui la popularisat comme outil de prévision des comportements sociaux et des intérêts politiques des individus. Une fois que l’on connaissait la classe à laquelle l’individu appartenait, son comportement devenait prévisible. Pour Marx, le point prépondérant pour définir l’appartenance d’un individu à une classe était l’interaction qu’elle entretenait avec les moyens de production : était-ce un capitaliste ou un ouvrier ? Voici une forme d’analyse de la relation de classes en termes d’inter-activité avec l’institution.

Le F radical a adapté cette théorie. Catherine se réfère à cette adaptation comme « post-Marxist ». Elle entend par cela que le F radical comprend beaucoup d’aspects du Marxisme mais rejette son insistance à ce que le statut économique, et non le genre, soit le facteur politique prédominant qui détermine une classe. Ainsi, le Féminisme radical se constitue avec des idées Marxiste/socialiste comme le « travail excédentaire » au travers duquel une classe est sous-entendue utiliser la mondialisation pour commettre un vol économique sur une autre. (Un exemple de travail excédentaire en Féminisme radical est le travail ménager non rétribué). La classification « homme » devient si signifiante qu’elle prédit et détermine comment les individus de cette classe se comporteront. C'est pourquoi, les Féministes radicales se permettent de traiter des hommes non-violents de « violeurs » car ils bénéficient de la « culture du viol » établit par le patriarcat.

Afin de prévenir l’oppression des femmes, il se révèle nécessaire de déconstruire les institutions qui contrôlent les femmes au travers des hommes – des institutions comme l’ouverture des marchés ( mondialisation sous réserve, NDT ).

Cette analyse de la relation de classes n’a pas de signification dans le cadre du Féminisme individualiste qui proclame lui que tous les humains ont des intérêts politiques communs.

L’individualisme a une longue et divergente tradition d’analyse des relations de classes à son actif. Le facteur prédominant par lequel elle catégorise les personnes est l’usage qui est fait ou non de l’exploitation sur les individus vivant en société. Obtiennent-ils leurs ressources ou pouvoir grâce au mérite et à leur propre productivité ou utilisent-ils l’agression, sous forme légale, pour s’approprier les ressources et le pouvoir des autres ? Exprimer simplement, le Féminisme individualiste demande : « faites-vous partie des dirigeants ou des dirigés » ? Ceci est également une forme d’analyse des relations de classe parce que la question qui se pose est : « Quel est votre interaction, votre relation à l’Etat » ?

L’analyse des relations de classe du Féminisme individualiste n’a pas pour objectif de prévoir les comportements des individus. Les femmes comme les hommes peuvent utiliser les voies politiques. Un individu peut changer de classe à volonté, rejetant l’exploitation de ses semblables pour utiliser d’autres formes de rentabilité. En bref, les positions de classe dans le Féminisme individualiste sont mouvantes. Ce n’est pas le cas dans l’analyse du Féminisme radical qui est fondée sur la biologie. Dans le féminisme radical, les classes sont figées.

Cette différence suppose plusieurs conséquences. L’une d’entre elles est que l’analyse de classe du Féminisme individualiste n’offre aucune valeur de prévision. Le fait qu’un individu aura été membre d’une classe politique dans le passé n’offre aucune garantie de ce qu’il ou elle continuera à y adhérer dans le futur.

Cette malléabilité possède une autre conséquence. A savoir : il n’y a pas nécessairement de conflit de genres. Le fait que les hommes aient opprimé les femmes dans le passé ne veut pas dire qu’ils le feront obligatoirement dans le futur. Savoir si un individu masculin est oppresseur ou ami dépend de savoir comment il se situe lui politiquement, choix dont il a la responsabilité consciente. Les hommes ne sont pas l’ennemi.


Conclusion

Les féminismes radical et individualiste sont les deux extrêmes du mouvement féministe. L’un défend le contrôle par l’Etat ; l’autre, le contrôle par soi-même. L’un considère les hommes comme l’ennemi, l’autre les considère comme des partenaires estimables.

Mais la marque la plus importante de l’idéologie divergente est l’insistance du Féminisme individualiste qui applique le principe personnel fondamental « corps de femme, droit de femme » contre vents et marées, dans toutes les circonstances.

Wendy

http://zetetics.com/mac/articles/ihsif.html


Wendy McElroy, née en 1951, est une disciple canadienne de Murray Rothbard. Elle est reconnue pour avoir fait avancer la cause des femmes dans le cadre de la pensée libertarienne. Elle a puisé dans les auteurs de l'anarcho-individualiste comme Benjamin Tucker, les réflexions nécessaires pour comprendre la position des femmes dans un contexte anarcho-féministe. Elle affirme que l'anarcho-capitalisme est le digne et unique héritier de l'anarcho-individualisme du XIXe siècle. Les femmes n'ont donc pas à souffrir du progrès du capitalisme pour faire avancer leurs causes. Elle a écrit et édité plusieurs ouvrages concernant le féminisme dont une biographie sur la féministe et anarchiste d'extrême-gauche, Queen Silver. Les deux femmes avec leurs grandes différences politiques ont su tout de même marquer leur respect mutuel avec une grande intelligence. Wendy McElroy est également intégrée au réseau de la faculté FEE (Foundation for Economic Education) où elle fait profiter les étudiants de sa grande culture libertarienne. 

L'histoire du féminisme remonte aux racines de l'anarchisme individualiste

Dès l'âge de cinq ans, Wendy McElroy a commencé à prendre un stylo et à écrire ses pensées sur son cahier du jour. Sa précocité philosophique a tout de fois attendu le début des années 1980 pour être exposée au grand public. Elle s'est d'abord intéressée au mouvement de l'anarchisme individualiste du XIXe siècle sur le sujet de la propriété intellectuelle. Elle a continué ses recherches sur Benjamin Tucker et a rassemblé les différents numéros de sa revue Liberty dans un ouvrage d'index utile pour les chercheurs en histoire des idées politiques de l'anarchisme individualiste. Puis elle s'est penchée sérieusement sur le sujet du féminisme dont les activistes d'extrême gauche avaient monopolisé la revendication.

Le livre que Wendy McElroy dirige en 1982, Liberté, féminisme et l'État : un aperçu du féminisme individualiste, retrace le féminisme individualiste depuis ses premières racines jusqu'à nos jours. Il reprend certains textes d'autrices féministes et libertariennes défuntes (dont celui d'Angelina Grimké, de Voltairine de Cleyre, Rose Wilder Lane ou de Sarah Grimké). Et le reste du groupe de contributeurs et de contributrices (dont Lynn Kinsky, Sharon Presley) lance un appel retentissant aux femmes pour qu'elles retrouvent leur héritage individualiste. Il démontre que l'État est le véritable obstacle empêchant les femmes d'accéder à la liberté personnelle et à l'égalité des droits pour quasiment toutes les questions quotidiennes et vitales qui vont de l'activité sexuelle, du contrôle des naissances, de l'entrepreneuriat et jusqu'à la science. Le socialisme, déclame Wendy McElroy, a envahi les idées du féminisme dans les médias au point de faire oublier le rôle des femmes dans la liberté économique. De nombreuses féministes croient que l'État est l'allié naturel du mouvement des femmes. Cependant, ce livre démontre le contraire. L'État a longtemps été un oppresseur majeur des femmes et de leurs droits. Par conséquent, tel qu'il est présenté sur les plateaux télé, le féminisme n'est pas une nouvelle force politique. Ses origines remontent au mouvement abolitionniste avant la guerre civile américaine. En luttant pour mettre fin à l'esclavage, les femmes ont pris conscience de leurs propres handicaps juridiques. À partir de ces racines anti-étatistes, le mouvement des femmes s'est finalement divisé sur des questions telles que le sexe, la famille et la guerre. 

Citations

  • « Le vote n'est pas un acte de liberté politique. C'est un acte de conformité politique. Ceux qui refusent de voter n'expriment pas leur silence, mais crient dans l'oreille des politiciens : "vous ne me représentez pas ! Ma voix n'est pas prise en compte dans ce système. Je ne vous fais pas confiance !" »

Informations complémentaires

Publications

Pour une liste détaillée des œuvres de Wendy McElroy, voir Wendy McElroy (bibliographie)

Littérature secondaire

Liens externes

 


 

octobre 26, 2025

À propos de l'ordre naturel et de son renversement, voire extinction - Hans-Hermann Hoppe

J'ai abordé de nombreux sujets différents dans mon travail intellectuel, mais le sujet central autour duquel tout mon travail s'est finalement articulé est celui de la propriété privée. Mon objectif a été de démontrer – non pas simplement d'affirmer, de proposer ou de suggérer – mais de prouver strictement et logiquement que l'institution de la propriété privée est (et a toujours et partout été) le fondement, ou l'exigence nécessaire et indispensable de la paix (des relations pacifiques) entre les hommes (y compris les femmes, bien sûr, et tous ceux qui se situent entre les deux) et, avec la paix, de la prospérité et, en un mot, de la civilisation humaine.
 

 
Parce que toute action requiert l'emploi de moyens physiques spécifiques – un corps, un espace, des objets extérieurs –, un conflit entre différents acteurs doit surgir dès que deux acteurs tentent d'utiliser les mêmes moyens physiques pour atteindre des objectifs différents. La source des conflits est toujours et invariablement la même : la rareté ou la rivalité des moyens physiques. Deux acteurs ne peuvent utiliser simultanément les mêmes moyens physiques – les mêmes corps, espaces et objets – à des fins différentes. S'ils tentent de le faire, ils doivent entrer en conflit. Par conséquent, afin d'éviter un conflit ou de le résoudre s'il survient, un principe et un critère de justice ou de droit applicables sont nécessaires, c'est-à-dire un principe régissant l'utilisation et le contrôle (la propriété) justes, licites ou « appropriés » par rapport à l'utilisation et au contrôle (la propriété) injustes, illicites ou « inappropriés » de moyens physiques rares.

Logiquement, les conditions requises pour éviter tout conflit sont claires : il suffit que chaque bien soit toujours et à tout moment une propriété privée, c’est-à-dire contrôlé exclusivement par un individu spécifique (ou une société ou association), et que l’on puisse toujours identifier quel bien est possédé et par qui, et lequel ne l’est pas ou appartient à quelqu’un d’autre. Les opinions, les projets et les objectifs de divers acteurs-entrepreneurs en quête de profit peuvent alors être extrêmement différents, et pourtant aucun conflit ne surviendra tant que leurs actions respectives impliqueront uniquement et exclusivement l’usage de leur propre propriété privée. 
 
Mais comment cet état de fait – la privatisation complète et sans ambiguïté de tous les biens – peut-il être concrètement réalisé ? Comment les biens matériels peuvent-ils devenir propriété privée ? Et comment éviter les conflits dès l’origine de l’humanité ?
 
Une solution unique – praxéologique – à ce problème existe et est connue de l'humanité depuis ses origines, même si elle n'a été élaborée et reconstruite logiquement que lentement et progressivement. Pour éviter tout conflit dès le départ, il est nécessaire que la propriété privée soit fondée sur des actes d'appropriation originelle. La propriété doit être établie par des actes (et non par de simples paroles, décrets ou déclarations), car seules des actions, se déroulant dans le temps et l'espace, permettent d'établir un lien objectif – intersubjectivement vérifiable – entre une personne et une chose. Et seul le premier possesseur d'une chose auparavant non appropriée peut acquérir cette chose comme sa propriété sans conflit. Car, par définition, en tant que premier possesseur, il ne peut entrer en conflit avec personne lors de l'appropriation du bien en question, puisque tous les autres n'apparaissent que plus tard.
 
Ceci implique de manière importante que, si chaque personne est propriétaire exclusive de son propre corps physique comme principal moyen d'action, nul ne peut jamais être propriétaire du corps d'autrui. Car nous ne pouvons utiliser le corps d'autrui qu'indirectement, c'est-à-dire en utilisant d'abord notre propre corps, que nous nous sommes approprié et contrôlé directement. Ainsi, l'appropriation directe précède temporellement et logiquement l'appropriation indirecte ; et par conséquent, toute utilisation non consensuelle du corps d'autrui constitue une appropriation abusive et injuste de quelque chose déjà approprié directement par quelqu'un d'autre. 
 
Toute propriété légitime (licite) revient donc, directement ou indirectement, par une chaîne de transferts de titres de propriété mutuellement bénéfiques – et donc également exempts de conflits – aux possesseurs et aux actes d'appropriation antérieurs et initiaux. Mutatis mutandis, toute revendication et tout usage de biens par une personne qui ne les a ni appropriés ni produits auparavant, ni acquis par un échange exempt de conflits avec un propriétaire antérieur, sont injustes (illicites). 
 
Permettez-moi de souligner que je considère ces idées élémentaires comme irréfutables sur le plan argumentatif et donc a priori vraies. Si vous souhaitez vivre en paix avec autrui – et vous le démontrez en argumentant avec lui ! –, une seule solution s'offre à vous : vous devez posséder la propriété privée (exclusive) de toutes choses rares et utilisables comme moyens (ou biens) pour la poursuite des fins humaines. Cette propriété privée doit être fondée sur des actes d'appropriation originelle – l'enclavement ou l'enclosement reconnaissable de ressources rares – ou encore sur le transfert volontaire de cette propriété d'un propriétaire antérieur à un propriétaire ultérieur. 
 
Nous pouvons donc dire que ces règles expriment et explicitent la « loi naturelle ». « Naturelle », étant donné l'objectif spécifiquement humain d'interaction pacifique ; et « naturelle », car ces lois sont « données » et simplement découvertes comme telles par l'homme. Autrement dit, il ne s'agit absolument pas de lois inventées, forgées de toutes pièces ou décrétées. En fait, toute loi créée par l’homme (plutôt que découverte ou trouvée), c’est-à-dire toute législation, n’est pas du tout une loi, mais une perversion de la loi : des ordres, des commandements ou des prescriptions qui ne conduisent pas à la paix mais au conflit et qui sont donc en contradiction avec le but même des lois. 
 
Cela ne signifie pas qu'avec la découverte des principes du droit naturel, tous les problèmes d'ordre social seront résolus et toutes les frictions disparaîtront. Des conflits peuvent survenir, et surviennent effectivement, même si chacun savait comment les éviter. Et dans tout cas de conflit entre deux ou plusieurs parties en conflit, le droit doit être appliqué – et pour cela, la jurisprudence, le jugement et l'arbitrage (par opposition à la juridiction) sont requis. Des différends peuvent surgir quant à savoir si vous ou moi avons mal appliqué les principes dans des cas précis concernant des moyens particuliers. Des désaccords peuvent surgir quant aux faits « réels » d'une affaire : qui était où et quand, et qui a pris possession de ceci ou cela à tels moments et lieux ? Et il peut être fastidieux et long d'établir et de clarifier ces faits. Divers litiges antérieurs et ultérieurs doivent être examinés. Les contrats peuvent devoir être examinés de près. Des difficultés peuvent surgir dans l'application des principes aux ressources souterraines, à l'eau et à l'air, et surtout aux flux d'eau et d'air. De plus, se pose toujours la question de l'adéquation d'une peine à un crime donné, c'est-à-dire de la mesure appropriée de restitution ou de rétribution que l'agresseur doit à sa victime, puis de l'application des décisions de justice. 
 
Aussi complexes que ces problèmes puissent parfois être, les principes directeurs à suivre pour trouver une solution sont toujours clairs et incontestables. 
 
Dans tout litige porté devant un tribunal en vue d'obtenir un jugement, la présomption est toujours en faveur du propriétaire actuel de la ressource en question et, mutatis mutandis, la charge de la preuve contraire incombe toujours à l'opposant d'un état de fait et de possessions actuels. L'opposant doit démontrer que, contrairement à ce qui semble à première vue, il détient un droit sur un bien spécifique plus ancien que celui du propriétaire actuel. Si, et seulement si, l'opposant parvient à le démontrer, la possession contestée doit lui être restituée. En revanche, si l'opposant échoue à faire valoir ses arguments, non seulement le bien reste la propriété de son propriétaire actuel, mais ce dernier acquiert à son tour un droit légitime à l'encontre de son adversaire. Car le corps et le temps du propriétaire actuel ont été détournés par l'opposant lors de son argumentation infructueuse et rejetée. Il aurait pu faire autre chose, à sa guise, de son corps et de son temps plutôt que de se défendre contre son adversaire.
 
Et surtout : la procédure à choisir pour rendre la justice selon les lignes qui viennent d’être indiquées est claire et implicite dans l’objectif même d’une résolution pacifique et argumentative des conflits. Puisque les deux parties en litige – Jean et Jim – avancent ou maintiennent des affirmations contradictoires – moi, Jean, suis le propriétaire légitime de telle ou telle ressource, et non, moi, Jim, suis le propriétaire légitime de cette même ressource – et donc, puisque tous deux, Jean et Jim, sont intéressés, partiaux ou biaisés en faveur d’une issue particulière du procès, seule une tierce partie neutre ou désintéressée peut être chargée de rendre la justice. Cette procédure ne garantit évidemment pas que justice sera toujours rendue. Mais elle garantit que le risque de verdicts injustes est minimisé et que les erreurs de jugement sont facilement et probablement corrigées. En bref, pour tout litige de propriété entre deux (ou plusieurs) parties en litige, la règle doit être la suivante : aucune partie ne peut siéger en jugement et agir en dernier ressort dans un litige la concernant. Au contraire, tout recours à la justice doit toujours être adressé à des « étrangers », c’est-à-dire à des juges tiers impartiaux. 
 
On peut qualifier l’ordre social issu de l’application de ces principes et procédures d’« ordre naturel », de « système de justice naturelle », de « société de droit privé » ou de « constitution de la liberté ».  
 
Il est intéressant de noter que, bien que les prescriptions et exigences d'un ordre naturel paraissent intuitivement plausibles et raisonnablement peu exigeantes pour ses composantes, c'est-à-dire pour nous en tant qu'acteurs individuels, nous vivons en réalité dans un monde qui s'écarte significativement de cet ordre. Certes, partout et à tout moment, des traces de droit naturel et de justice subsistent, que l'on retrouve dans la vie civile et la gestion des conflits civils. Aucune société rejetant le droit naturel dans son intégralité ne pourrait survivre. Mais le degré de préservation du droit naturel – ou le degré de déviation par rapport à celui-ci – est et a été significativement différent d'un lieu et d'une époque à l'autre ; et, par conséquent, certaines sociétés sont ou ont été plus prospères : plus civilisées, plus pacifiques et plus prospères que d'autres. 
 
Cela soulève la question de la ou des causes de ces distorsions ou déviations par rapport au droit naturel – ou, pour ainsi dire, de la décivilisation.
 
L'erreur ultime responsable de ces déviations – le « péché originel », si l'on peut dire – est l'instauration d'un monopole sur l'usage de la force ou de la violence. Sans un tel monopole, sans un État comme on l'appelle communément – ​​et c'est ce qu'on nous dit généralement à l'école et à l'université, et ce que la plupart des gens croient réellement et habituellement –, il n'y aurait et ne pourrait y avoir de coopération sociale pacifique entre les hommes, mais l'« anarchie » éclaterait, autrement dit une guerre sans fin de tous contre tous. 
 
Mais cette croyance est non seulement empiriquement erronée ; il suffit d'observer autour de soi, c'est un mensonge grossier. Autrement dit, il ne s'agit pas d'une simple erreur innocente, mais d'une erreur délibérément propagée pour promouvoir des objectifs illicites (avec de mauvaises intentions). 
 
L'instauration d'un monopole sur l'usage de la violence implique l'abandon de la procédure de droit naturel et de la méthode de résolution des conflits par l'arbitrage d'un tiers indépendant, mentionnées précédemment, c'est-à-dire qu'aucune partie ne peut jamais siéger en jugement et agir en dernier ressort dans un litige la concernant. Le détenteur du monopole de la décision ultime (au-delà de laquelle aucun appel n’est autorisé) est précisément cela : un juge siégeant dans le jugement de conflits (différends) l’impliquant lui-même.  
 
 Cependant, une telle institution ne peut contribuer ni ne contribue à éliminer ni à minimiser les conflits – comme c'est le but et l'objectif du droit naturel – mais, au contraire, elle en accroîtra et en élargira l'étendue. Quiconque détient un monopole territorial sur l'usage de la violence peut, et le fera, de manière prévisible, non seulement être biaisé en sa faveur dans tout conflit avec une autre partie privée, mais un agent ou une agence monopolistique peut également provoquer, initier et provoquer des conflits avec d'autres personnes et leurs biens – et déclarer ensuite ces interférences et impositions sur d'autres personnes et leurs avoirs comme justifiées et légales. 
 
 On comprend donc aisément pourquoi le rôle ou la fonction d'un monopole de la violence peut intéresser certains. Il permet à un acteur ou à une agence de vivre et de s'enrichir aux dépens d'autrui. Il leur permet d'améliorer leur bien-être et leur statut social non pas en se donnant la peine de produire ou de vendre quelque chose, ou d'acquérir quelque chose auprès d'autrui par un échange mutuellement acceptable, mais, apparemment sans effort, par un simple décret, verdict ou autorisation unilatérale. 
 
Et à la lumière de cela, il est également aisé de comprendre pourquoi tout fondateur potentiel d'État et tout agent (principal) actuel de l'État voudraient promouvoir la croyance même en la nécessité de l'État pour l'établissement et le maintien de la paix et de la civilisation – même s'ils reconnaissaient eux-mêmes que cette croyance est fausse. Car cette croyance est un mensonge nécessaire si votre objectif, ou celui de votre organisme, est de vivre aux dépens d'autrui et de le dominer, c'est-à-dire d'exercer le pouvoir. 
 
 Le principal moyen d'exercer le pouvoir est donc la législation, c'est-à-dire l'élaboration des lois (plutôt que leur découverte). Le droit « naturel » est remplacé par le droit « positif » créé par l'homme, c'est-à-dire par des « lois » conçues pour modifier, déformer, contourner, pervertir ou remplacer les dispositions du droit « naturel » à son propre avantage (celui de l'État). 
 
De manière caractéristique, afin d'affirmer son statut de juge suprême, une législation exempte de toute responsabilité les agents de l'État en tant qu'agents de l'État. En effet, en se déclarant, ainsi que ses agents, exempts de toute responsabilité personnelle pour tout dommage ou dette causés ou contractés dans l'exercice de leurs fonctions, toute inhibition subsistante à l'exercice du pouvoir vis-à-vis d'autrui est apaisée. De plus en plus, et sans grande hésitation, des impositions de plus en plus coûteuses, frivoles et risquées, au détriment d'autrui et de ses biens – mais à l'avantage du monopoleur lui-même, en termes de ses propres possessions (ou avoirs) et de son contrôle sur les avoirs d'autrui – seront inscrites dans la loi (légitimes). 
 
En principe, en tant que juge suprême exempt de toute responsabilité, il peut décréter que toute chose et toute personne sur un territoire donné soit soumise à la législation. Par décret, il pourrait taxer, accabler, interdire ou punir qui et ce qu'il veut. Toute activité peut être réglementée – punie ou récompensée – par la loi. Rien n'échappe littéralement au champ d'application de la législation. 
 
Nous, ici et maintenant, dans ce que l'on appelle le monde occidental, n'avons pas encore atteint ce point de contrôle étatique total. Mais en légiférant partout aujourd'hui, même sur la parole et les mots, au moyen de codes de langage et de contrôles de la pensée officiellement sanctionnés, nous avons manifestement déjà fait un long chemin vers un régime totalitaire. 
 
Il a fallu beaucoup de temps à l'État occidental pour atteindre ce point dans sa quête de pouvoir (contrôle sur autrui, ses biens et ses possessions). Et permettez-moi de souligner ici, en passant, le rôle déterminant qu'a joué l'institution de la démocratie (élections populaires, règle de la majorité, libre accès au gouvernement) dans l'essor du pouvoir étatique. J'ai écrit un livre sur ce sujet [Democracy: The God That Failed (Transaction, 2001)]. Il suffit de dire ici que l'expansion du pouvoir étatique s'est faite progressivement, étape par étape, et ce, sur une très longue période. Chaque étape sur ce chemin, depuis l'établissement initial d'un monopole territorial de la violence jusqu'à aujourd'hui, a rencontré une certaine opposition ou résistance. Car, par définition, toute expansion du pouvoir de l'État implique un contrôle accru sur les autres et leurs biens et, inversement, une diminution correspondante du contrôle des autres sur leurs biens actuels. Chaque décret d'État, chaque nouvelle loi, engendre donc des victimes, des personnes dont le contrôle sur quelque chose est réduit ou supprimé en conséquence, et qui s'opposent de ce fait à cette législation. 
 
L'État, pour se développer et croître, doit donc apprendre à surmonter – à briser, à réduire, à réduire au silence ou à éliminer – toute opposition ou résistance de ce type. 
 
Comme le montre amplement le monde actuel, les États occidentaux ont accompli d'énormes progrès dans cette tentative d'étouffer toute opposition. Tous les citoyens actuels ont été élevés et socialisés dans l'environnement d'un État « mature » et ont appris à vivre avec et à le supporter. Les droits de propriété privée ont été érodés et réduits à leur plus simple expression. Des décrets réglementent dans les moindres détails ce que vous pouvez ou non faire de votre propriété privée : quoi et comment produire, quoi et comment consommer, quoi vendre et acheter (ou pas) ; comment construire, équiper, meubler, chauffer ou climatiser votre maison ou votre usine ; comment ou comment se déplacer à vélo, en voiture, en train et en avion ; quoi manger et boire, comment gérer vos affaires familiales et professionnelles et comment élever vos enfants ; Que dire et que ne pas dire, comment s’adresser à une autre personne et, enfin et surtout, que garder de sa propre propriété et que céder au monopoleur – et pourtant, il y a peu, voire aucune, opposition ou résistance à ces régimes de plus en plus invasifs.

Et si peu d'opposition existe, elle est principalement verbale et ne s'élève que rarement (voire jamais) au niveau de résistance active. La plupart des gens ont conclu un accord avec l'État. Certains travaillent comme fonctionnaires, d'autres bénéficient du favoritisme, des fonds et de l'argent de l'État. Ils ont tendance à ne pas faire grand cas afin de conserver leurs faveurs, leurs emplois ou leurs subventions. D'autres ont simplement abandonné (démissionné) et, par habitude, se soumettent plus ou moins discrètement aux ordres de l'État pour éviter les ennuis. Quant à l'opposition verbale, qui existe bel et bien, elle est presque invariablement dirigée contre la mauvaise cible et, par conséquent, inefficace et « inoffensive » du point de vue de l'État, monopole de la violence. 
 
Toutes les critiques visent des personnes spécifiques ou le fonctionnement d'un service (bureau) spécifique au sein de l'administration et de l'appareil d'État, et la solution proposée est toujours la même : un changement de personnel ou une modification de la structure organisationnelle du gouvernement. Que certaines fonctions, ou l'institution même d'un État, puissent être source de problèmes et, par conséquent, devoir être abolies (supprimées) plutôt que « réformées » paraît impensable. Même les critiques apparemment les plus virulentes du gouvernement d'État finissent par se révéler être ses apologistes. Ils ressemblent en effet à ces critiques du socialisme (à l'ancienne, à la soviétique) qui expliquaient – ​​et excusaient – ​​les échecs apparents du régime socialiste en désignant les « mauvais » responsables. Avec Trotski, Boukharine ou X, Y ou Z aux commandes plutôt que Staline, le socialisme aurait été une réussite.
 
 Dans le même ordre d'idées, les critiques du modèle occidental actuel d'État-providence pointent toujours du doigt un membre du personnel ou une organisation interne spécifique pour expliquer tout problème ou échec apparent. Et de fait, la génération actuelle de politiciens aux commandes d'un appareil d'État – la classe dirigeante – offre un large champ de critiques. Où que l'on regarde, des États-Unis, premier et plus puissant prototype ou modèle de l'État occidental (démocratique), à ​​la Grande-Bretagne, en passant par l'Europe continentale, et en particulier l'Allemagne, et les anciennes colonies européennes du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, on observe partout le même tableau d'une incompétence générale et stupéfiante. Partout, la masse populaire, des millions et des millions, est gouvernée par un petit groupe, composé de quelques centaines ou milliers de personnes, composée d'échecs et de ratés professionnels, de faux-semblants, de mégalomanes, de narcissiques, de propagandistes, de flagorneurs, de menteurs, d'escrocs, de clowns, de pillards et d'assassins. Il n'est donc pas étonnant que les scandales se succèdent jour après jour, et donc qu'il y ait toujours une abondance de « choses » insensées à dénoncer, à critiquer et à dénoncer. Et il n'est pas étonnant que la classe dirigeante soit largement méprisée par un nombre considérable de personnes. Il est difficile d'accepter d'être dirigé et manipulé par une bande d'« ignorants » et d'« incapables », d'imbéciles et d'abrutis. Nombreux sont ceux qui se sentent simplement insultés (et irrités) par l'ampleur de l'incompétence, de l'ignorance et de l'arrogance rencontrées dans leurs relations avec le pouvoir d'État.
 
Mais croire, comme le font, consciemment ou non, la quasi-totalité des critiques actuels du système démocratique occidental, que ces scandales et ces désagréments incessants pourraient être évités si seulement le personnel actuel à la tête de l'appareil d'État était remplacé par d'autres personnes, plus « meilleures », est naïf et fondamentalement erroné. 
 
L'institution d'un État attire, nourrit et promeut certains caractères et traits de caractère. D'emblée, elle attire les avides de pouvoir, ceux qui veulent dominer les autres et dominer leur conduite, et d'autre part, en tant que complément psychologique, elle attire les serviles, ceux qui désirent s'accrocher, servir et se soumettre aux puissants en échange de sécurité, de protection et de privilèges personnels. Et ces traits de caractère (peu désirables) de soif de pouvoir et de servilité sont alors systématiquement nourris, renforcés, promus, stimulés, cultivés, affinés et diversifiés par l'entrée dans l'appareil d'État et le travail au sein de l'État. Voilà ce que signifie réellement « le pouvoir corrompt ». Cela rend les avides de pouvoir encore plus avides, et parallèlement à la croissance du pouvoir (de l'État), un espace toujours plus grand s'ouvre également à la croissance et au développement de parasites serviles. Il en résulte l'incompétence générale mentionnée ci-dessus, dans tous ses aspects et variantes désagréables.
 
Croire, alors, que le remplacement d'une personne ou d'un groupe de personnes exemptées de responsabilité par une autre personne ou un groupe de personnes équivalents puisse résoudre un quelconque « problème social » est une pure illusion. Le pouvoir corrompt et corrompt tout le monde, partout. Et tant que les critiques de l'État occidental actuel limiteront leurs critiques aux défaillances d'agents ou d'agences étatiques spécifiques et exigeront simplement leur remplacement ou leur réorganisation par d'autres agents ou agences similaires, nous sommes condamnés et la marche vers le contrôle totalitaire est vouée à se poursuivre. 
 
Que nous soyons gouvernés par des incompétents, des ignorants, des imbéciles, des crétins, des imbéciles et des racailles, et que cette situation scandaleuse et déplorable ne se soit pas améliorée, mais ait empiré au fil du temps, n'est pas un hasard. C'est la conséquence prévisible et logique de l'acceptation du mythe originel concernant la nécessité d'un État – un monopole de la violence, un juge suprême et définitif qui, contrairement à tout le monde, ne peut être convoqué par personne pour être jugé pour ses actes – pour le maintien de la paix.  
 
En réalité, et au contraire, il est scandaleux et moralement outrageant que quiconque puisse dominer quelqu'un. Qu'une personne puisse s'emparer de la « propriété naturelle » d'autrui (bien acquis légalement, selon la « loi naturelle ») et lui imposer ses ordres sans son consentement et même contre son gré. Et que cette personne soit alors à l'abri de toute accusation extérieure, demande reconventionnelle ou contestation « légale ». 
 
 Il s'agit d'une violation et d'une perversion flagrantes de la loi naturelle : une telle personne n'est pas un acteur respectueux des lois, mais plutôt un criminel, un hors-la-loi. 
 
Plus ahurissant encore, scandaleux et outrageant, qu'un homme ou un petit groupe de personnes (aussi « bons » ou bien intentionnés soient-ils) puissent régner sur des centaines, des milliers, voire des millions de personnes, leurs biens et possessions, sans que les dirigeants ne connaissent personnellement ni n'aient jamais rencontré aucun d'entre eux, et sans qu'aucun d'eux n'ait jamais consenti à un tel traitement. Ces dirigeants ne sont pas seulement des hors-la-loi, ce sont des bandes de hors-la-loi, de menteurs invétérés, d'escrocs, de tricheurs et d'escrocs, de criminels endurcis et de récidivistes. Convoqués devant un tribunal de droit naturel, ils seraient tous confrontés à d'innombrables accusations et condamnés à des restitutions, des indemnisations et des sanctions, les conduisant à la faillite personnelle et à la ruine économique. 
 
La marche actuelle, apparemment interminable, vers un régime de plus en plus totalitaire, menée par une petite classe dirigeante, observée dans tout le monde occidental, ne pourra être stoppée et inversée que si l'institution de l'État elle-même est critiquée et reconnue comme une puissante entreprise criminelle, dénuée de toute légitimité, et dirigée par des individus tout sauf « honorables » (comme ils aiment à se faire considérer), voire carrément méprisables. 
 
En s'inspirant du célèbre principe 20-80 de Pareto, on peut donc prédire (spéculer) quand – si jamais – ce spectre prendra fin et l'État commencera à s'effondrer. Parmi tous les critiques publics actuels et futurs de l'État, c'est-à-dire les intellectuels, les journalistes, les commentateurs, etc., environ 20 % doivent en venir à reconnaître et à dénoncer l'État comme une entreprise prédatrice et une monstruosité morale. À cette fin, il serait utile, par exemple, que parmi le nombre considérable de critiques actuels de l'État, qu'ils soient « constitutionnalistes » ou « étatistes minimalistes », une part substantielle se résout enfin à admettre l'incohérence logique et la faillite intellectuelle de leur propre doctrine et, par conséquent, à se convertir ouvertement à l'anarchisme de la propriété privée et au droit naturel. Aujourd'hui, aussi radicale que puisse paraître leur critique de l'État, ils se révèlent finalement d'inoffensifs défenseurs de l'État. Puis (par la suite), en tant que représentants d'une société de droit privé sans État, ils dénoncent et délégitiment l'État comme une institution illégitime et leur « ennemi » – ce qui, cependant, exige non seulement de la perspicacité, mais aussi du courage, car une telle position est perçue par l'État comme « dangereuse » et peut entraîner des répercussions ou des représailles.
 
Et cette minorité non négligeable d'intellectuels publics (au sens large du terme) doit alors amener environ 20 % de la population d'un territoire (étatique) donné à considérer l'État comme une puissante entreprise criminelle – à craindre, mais aussi à dénoncer, ridiculiser, railler et rire, en raison de l'incompétence, de l'arrogance et de la prétention omniprésentes de ses dirigeants, démontrées dans tous leurs actes et leurs paroles. 
 
Une fois cet objectif atteint – et seulement alors, si l'on en croit le principe de Pareto – la délégitimation de l'État aura suffisamment progressé pour qu'il puisse commencer à s'effriter, ou à dépérir, selon la terminologie marxiste, et se désintégrer ou se décomposer en ses composantes locales plus petites. 
 
Il va sans dire que nous sommes encore loin de cet objectif et qu'il nous reste encore beaucoup à faire.
 
Hans-Hermann Hoppe 
Hans-Hermann Hoppe, économiste de l'école autrichienne et philosophe libertarien/anarcho-capitaliste, est professeur émérite d'économie à l'UNLV, membre distingué de l'Institut Ludwig von Mises, fondateur et président de la Property and Freedom Society, ancien rédacteur en chef du Journal of Libertarian Studies et membre à vie de la Royal Horticultural Society. Il est marié à l'économiste Dr A. Gulcin Imre Hoppe et vit avec son épouse à Istanbul.

Vous trouverez ci-dessous une version éditée du discours prononcé lors de la réunion annuelle 2024 du PFS (22 septembre 2024) (podcast sur PFP288).
 Cette conférence est issue de la 18e réunion annuelle (2024) de la Property and Freedom Society, Bodrum, Turquie, du 19 au 24 septembre 2024.

 
 
 
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