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juillet 21, 2022

Pensées et Marché en toute Liberté !

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Marché libre

Dans les théories économiques, un marché libre est un modèle économique idéal dans lequel les échanges sont libérés de toute mesure coercitive, y compris les interventions gouvernementales comme les tarifs, les taxes, et les régulations, à l'exception de celles qui autorisent la propriété privée des terres, des ressources naturelles 1) et du spectre de radiodiffusion, ainsi que la propriété intellectuelle, les entreprises et autres fictions légales.

La philosophie du laissez-faire économique en politique épouse approximativement ces conditions dans le monde réel en éliminant les tarifs, en minimisant et en simplifiant la taxation et en minimisant ou éliminant les règlementations étatiques et les restrictions telles que celles relevant du droit du travail (salaire minimum et conditions de travail, mais pas les lois qui restreignent l'organisation des travailleurs) ainsi que le monopole légal et les lois antitrust. Dans le domaine de l'économie politique, le « marché libre » est simplement le contraire conceptuel d'une économie dirigiste, dans laquelle tous les biens et services sont produits, tarifés et distribués sous la maîtrise de l'État.

1) Jerry Taylor, 1993, "The growing abundance of natural resources", In: David Boaz, Edward H. Crane, dir., "Market Liberalism: A Paradigm for the 21st Century", Washington, D.C.: Cato Institute, pp363-378

 

 


 

Pour un libre marché des idées

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Soucieux de santé publique, de justice sociale et de fraternité, les politiques croient devoir résoudre les problèmes de société, comme le racisme sur Twitter ou les discours de haine, par des interventions dans la vie privée et des réglementations de plus en plus contraignantes.

Les diverses tentatives de réduire Dieudonné au silence illustrent assez bien ce double discours de la société française. D’un côté, on protège par tous les moyens le droit d’un magazine satirique de se moquer de l’Islam, mais, de l’autre, les Musulmans n’ont pas le droit d’exprimer des opinions que d’autres peuvent considérer comme blessantes.

Bien sûr, le cas de Charlie Hebdo et celui de Dieudonné ne sont pas tout à fait comparables sur le plan moral. On a d’une part des caricatures qui se moquent de la foi religieuse et, de l’autre, des propos qui semblent soutenir le terroriste qui a tué des Juifs simplement parce qu’ils sont juifs. Néanmoins, l’arrestation de Dieudonné nous montre que les autorités françaises ne comprennent toujours pas ce que signifie vraiment la liberté d’expression, ni ce qu’elle implique.
Plus grave encore, les principales menaces contre la liberté d’expression proviennent non des fanatiques proclamés mais des autorités publiques elles-mêmes.

La loi devrait s’appliquer aux actions, non aux paroles


En effet, la France a fait voter certaines des lois les plus restrictives et les plus sévères dans l’Union européenne, concernant les discours de haine et la négation de l’Holocauste. La loi Pleven par exemple (1972) a introduit le délit de provocation à la haine et à la discrimination. La loi Gayssot (1990) a créé un délit d’opinion sur la Shoah, ce qui est contradictoire avec le concept même de science, car la science remet en cause par nature les certitudes précédemment acquises.

Or, ces lois françaises ont en commun de sanctionner des paroles et non des actes criminels. Mais alors, comment prouver que des personnes ont bien subi un tort ? Qu’est-ce que la haine ? Il s’agit d’un sentiment flou, comme l’amour, la joie ou la tristesse. Un sentiment est subjectif, il ne se voit pas et, par conséquent, il est un délit impossible à prouver.
Des règles générales de droit commun sont bien sûr nécessaires pour protéger et renforcer l’exercice de la liberté individuelle. Sans cette infrastructure juridique qui rend possible la coexistence pacifique des libertés, la société ouverte demeure sans consistance. Et c’est bien pourquoi la perversion de la loi, soulignait déjà Frédéric Bastiat en 1850, est la source de la plupart des maux sociaux dont nous souffrons. C’est toujours aussi vrai aujourd’hui. Rappelons le rôle de la Loi. Frédéric Bastiat énonçait que :

« La Loi, c’est l’organisation du Droit naturel de légitime défense ; c’est la substitution de la force collective aux forces individuelles […] pour garantir les Personnes, les Libertés, les Propriétés, pour maintenir chacun dans son Droit, pour faire régner entre tous la Justice. (La Loi, 1850).

Le libéralisme est une philosophie politique qui détermine quand l’usage de la contrainte juridique est justifié ou pas. La prémisse fondamentale de cette philosophie est le principe de non-agression : il n’est pas légitime de se livrer à une agression contre des non-agresseurs. Le terme agression est entendu ici au sens fort d’un usage de la violence physique (et non verbale) contre la personne ou les biens, telle que celle qui s’exerce dans le meurtre, le viol, le vol ou le kidnapping. Aucune parole, aucun discours ni aucune insulte ne peut être assimilé à une agression physique. Les mots ne tuent pas, même s’ils sont stupides, méchants, haineux ou vulgaires. La parole n’engage jamais définitivement celui qui l’émet. À l’inverse, le passage à l’acte est irréversible, il ferme la discussion. Mais, dans l’échange des opinions, tout reste ouvert, tout peut changer. De plus, le préjudice subi par des paroles n’est pas objectivement constatable ni mesurable, comme un préjudice matériel. Aucun lien causal entre une parole et un acte ne peut être démontré. Aucun caractère intrinsèquement nuisible ne peut être attribué à un propos.
C’est pourquoi, une distinction doit clairement être établie entre la parole et l’action. Dire quelque chose n’est pas la même chose qu’agir.

En brouillant cette distinction, on accrédite l’idée que les individus réagissent comme des automates à des mots. Pourtant, ils ne sont pas des robots. Ils pensent et peuvent agir sur leurs pensées et leurs raisonnements. Les mots ont certainement un impact sur le monde réel, mais cet impact n’est pas mécanique. Les mêmes idées sur différents individus auront des conséquences différentes.

Bien sûr, la parole peut appeler l’action et il peut exister des circonstances dans lesquelles il y a un lien direct entre la parole et l’action, par exemple lorsque les mots d’un individu conduisent immédiatement d’autres individus à commettre des violences. Encore faut-il qu’une telle incitation soit bien définie comme un appel à l’agression physique. En effet, la menace d’agression et l’appel à l’agression sont assimilables à des agressions, ce ne sont plus des opinions. C’est là que les institutions doivent être fortes et que la loi doit jouer son rôle de défense des personnes et de leurs droits. Mais aucune pensée en elle-même, y compris des pensées racistes, ne devrait être interdite par la loi. Oui, le racisme est un mal social pernicieux qui doit être combattu. Mais non, on ne lutte pas contre le racisme en interdisant aux opinions racistes de s’exprimer. On les combat par la parole. On ne répond à des opinions que par des opinions. Et on réprime les actes.
Mais la justice n’est fondée à se prononcer que sur un acte extérieur et sur son lien de causalité avec un dommage. Si on sort de ce cadre juridique, on entre dans la police de la pensée et le contrôle des esprits. Comme l’écrit John Stuart Mill :

« Les seules mesures que la société est justifiée à prendre pour exprimer sa répulsion ou sa désapprobation pour un tel comportement sont les conseils, l’instruction, la persuasion, et la cessation de la fréquentation de l’individu par ceux qui l’estimeraient nécessaire pour leur propre bien (De la liberté)

Une société ouverte implique un libre marché des idées


Le concept de libre marché des idées est un concept philosophique ancien. On le trouve déjà dans la défense de la liberté d’imprimer formulée par John Milton dans son Areopagitica en 1644, puis chez Turgot, dans ses Lettres sur la tolérance civile (1754), chez Benjamin Constant dans ses Réfexions sur les Constitutions et les Garanties (1814), dans le plaidoyer de John Stuart Mill en faveur de la liberté de pensée et de discussion dans De la liberté (1859), et enfin dans le concept popperien de « discussion critique » au sein de l’espace public, dans La société ouverte et ses ennemis (1945).

Le principe est le suivant : la mise en œuvre d’une politique de « laissez-faire », fondée sur la protection de la liberté d’expression, est non seulement plus conforme à la dignité humaine, mais conduit également, par le jeu de la concurrence, à un résultat optimal pour tous, la sélection des opinions les plus justes.

Ce libre marché des idées est justifié pour au moins trois raisons que nous allons développer successivement. 

1° Une raison morale d’abord, c’est la plus fondamentale. 

2° Une raison épistémologique ensuite. 

3° Une raison de prudence politique enfin. Puis nous répondrons à la question des limites de la liberté d’expression.

 
De l’impératif moral du libre marché des idées

Il serait faux de prendre la liberté pour une valeur comme une autre. C’est la condition de possibilité de toute valeur. Il ne saurait y avoir de responsabilité morale, de vice ou de vertu sans liberté de choisir et de penser par soi-même. Aucun acte contraint n’est moral. Aristote et Thomas d’Aquin à sa suite l’ont posé comme un principe fondamental de leur éthique : « un acte accompli sous la contrainte ne peut entraîner aucun mérite ni aucun blâme. » Un agent ne peut être vertueux qu’à la condition de savoir ce qu’il fait et d’agir sans contrainte.

Selon Benjamin Constant, le premier intérêt et le premier droit de l’individu, c’est de pouvoir librement développer ses facultés propres. Et le moyen le plus conforme à sa dignité, pour assurer ce développement, c’est de permettre à l’individu de se gouverner lui-même, à ses risques et périls, tant qu’il n’empiète pas sur le droit égal d’autrui. Or, assurer ce libre développement, c’est justement le but des diverses libertés qui constituent les droits individuels : en ne les respectant pas, la société politique manque à sa mission essentielle, et l’État perd sa première et principale raison d’être.
John Stuart Mill a écrit avec justesse que nos idées, sans la possibilité de se confronter à d’autres ou d’être publiquement contestées, deviennent des dogmes morts. Le prix de cette censure est « le sacrifice de tout le courage moral de l’esprit humain ». Mill insiste sur le fait que les « facultés humaines de la perception, du jugement, du discernement, de l’activité intellectuelle, et même la préférence morale, ne s’exercent qu’en faisant un choix. Celui qui n’agit que suivant la coutume ne fait pas de choix. Il n’apprend nullement à discerner ou à désirer ce qui vaut mieux ».

Si la vérité constitue un bien pour tous les hommes, la liberté constitue une condition nécessaire à la réalisation de cette fin. La liberté d’expression en particulier est un principe politique qui permet d’assurer les conditions individuelles nécessaires à la recherche de la vérité et de la perfection morale. Le souci moral de la vérité si souvent invoqué par les interventions étatiques en matière d’expression publique ne s’oppose pas en réalité au droit individuel de libre expression, mais le fonde au contraire.

De l’utilité du libre marché des idées

L’argument que je voudrais développer ensuite est celui de l’efficacité épistémologique : le libre échange des idées est le meilleur moyen de faire émerger la vérité.

Mais il y a une grande différence entre la tolérance, qui consiste à ne pas faire usage de la coercition à l’encontre des autres religions, et le libre marché des idées, qui consiste à reconnaître que le pluralisme intellectuel, religieux et politique est le facteur agissant d’un ordre social supérieur. La compréhension libérale de la liberté consiste à affirmer que celle-ci est créatrice d’un ordre supérieur. Il s’agit d’un ordre spontané ou auto-organisé.

La compréhension ancienne de la liberté consistait à opposer la liberté à l’ordre. Il fallait donc subordonner la liberté individuelle à un principe hiérarchique et directif. Au contraire, la libre interaction des penseurs, des chercheurs et des agents économiques, indépendante d’une autorité centrale discrétionnaire, agissant par-delà les communautés religieuses, les corporations, les pays, a été la raison principale de la croissance de l’Occident depuis l’ère des révolutions.

Comme le note le professeur Philippe Nemo dans Histoire du Libéralisme en Europe, « jusqu’à ce développement majeur, on pensait la Liberté comme le principe directement antinomique de l’ordre. La Liberté individuelle était censée nuire à l’autorité hiérarchique dont elle désorganisait les plans ou au groupe naturel qu’elle désagrégeait. Les penseurs des temps modernes ont donc compris qu’il existe un autre type d’ordre, au-delà des ordres ‘naturel’ et ‘artificiel’ identifiés depuis les Grecs : l’ordre spontané, un ordre qui vit de Liberté au lieu d’être détruit par elle. »
L’optimisme de Mill sur la liberté d’opinion, non réglementée, a parfois été qualifié de déraisonnable ou de naïf. Certains ont objecté, s’appuyant sur une version relativiste ou contextualiste, que la vérité n’est pas une réalité objective préexistante qu’il suffirait de découvrir. D’autres ont dit que les individus n’étaient pas assez rationnels pour être à même de discuter ouvertement et pacifiquement avec les autres.

Mais même en admettant ces hypothèses, le libre échange des idées apparaît encore largement comme le moins inefficace des moyens disponibles pour se prémunir contre l’erreur. En effet, aucun homme, aussi savant soit-il, n’est infaillible, a fortiori un homme politique. Karl Popper écrivait que les gouvernants « ne sont pas toujours capables et sages […] l’histoire a montré que ce sont rarement des hommes supérieurs ». Et il ajoutait : « aucune autorité humaine ne saurait instituer la vérité par décret […] car celle-ci transcende l’autorité humaine. » (Des sources de la connaissance et de l’ignorance)

La seule bonne méthode consiste donc à partir de l’idée que nous pouvons commettre des erreurs et les corriger nous-mêmes ou permettre aux autres de les corriger en acceptant leurs critiques. Elle suppose que nul ne peut se juger lui-même, et que croire en la raison n’est pas seulement croire en la nôtre, mais aussi et peut-être surtout en celle d’autrui. Elle est ainsi consciente de la faillibilité de toutes nos théories et essaie de les remplacer par de meilleures.
Cette conception de la vérité repose sur l’idée qu’on ne progresse vers la vérité qu’en renonçant à la certitude selon une démarche négative de réfutation des hypothèses. C’est par la critique de nos erreurs et de nos fausses certitudes que l’on s’approche de la vérité.

« Nos tentatives pour saisir et découvrir la vérité ne présentent pas un caractère définitif mais sont susceptibles de perfectionnement, notre savoir, notre corps de doctrine sont de nature conjecturale, ils sont faits de suppositions, d’hypothèses, et non de vérités certaines et dernières. Les seuls moyens dont nous disposons pour approcher la vérité sont la critique et la discussion. » (Karl Popper, Conjectures et Réfutations. Retour aux présocratiques, Payot, 2006).

 

Des effets pervers de la censure


La troisième raison de préférer le libre échange des opinions à la censure est une raison politique ou prudentielle. Il convient de souligner les risques de conflits et de violences associés à toute forme de censure. En effet, rendre certaines idées immorales sans se soucier de les contester philosophiquement et politiquement peut s’avérer très dangereux. Car en interdisant les propos haineux, on ne supprime pas la haine raciale ou religieuse. Au contraire, on l’exacerbe en la rendant plus souterraine, plus insidieuse et donc plus difficile encore à combattre.
Par ailleurs, la tendance actuelle à restreindre la liberté d’expression, au nom de l’intérêt général, risque fort de se transformer en outil politique pour réduire au silence toute forme d’opposition ou de dissidence. Les États peuvent facilement tirer parti de ces évolutions juridiques comme d’un prétexte pour combattre l’expression de critiques contre leurs gouvernements.

Prenons l’exemple américain : le Patriot Act, voté suite aux attentats du 11 septembre 2001. De la même manière que notre loi de programmation militaire, la liberté des Américains a été restreinte. Le plus de sécurité s’est soldé par moins de liberté… et c’est tout.

Preuve horrible s’il en est, les attentats de Boston n’ont pu être empêchés malgré la surveillance généralisée par les agences gouvernementales. Pire, le gouvernement américain s’est octroyé le droit d’utiliser la loi hors du cadre du terrorisme. En 2013, sur les 11.129 demandes de perquisitions sur la base du Patriot Act, seules 51 visaient des suspects d’actes terroristes. John Stuart Mill faisait remarquer qu’il est très facile d’utiliser une réglementation, a priori inoffensive, pour réduire au silence un adversaire politique. En effet, il est impossible de tracer une frontière a priori entre ce qui est jugé modéré et ce qui ne l’est pas : « Il convient de se tourner un instant vers ceux qui disent qu’on peut permettre d’exprimer librement toute opinion, pourvu qu’on le fasse avec mesure, et qu’on ne dépasse pas les bornes de la discussion loyale. On pourrait en dire long sur l’impossibilité de fixer avec certitude ces bornes supposées ; car si le critère est le degré d’offense éprouvé par ceux dont les opinions sont attaquées, l’expérience me paraît démontrer que l’offense existe dès que l’attaque est éloquente et puissante : ils accuseront donc de manquer de modération tout adversaire qui les mettra dans l’embarras. » Encore une fois, l’enfer est pavé de bonnes intentions…
Des limites de la liberté d’expression

1° – L’État ne doit-il pas moraliser la vie publique ?

La moralisation de la vie publique n’est souvent envisagée que par le biais de la loi. Mais n’oublions pas que la loi, c’est l’usage de la force. Le rôle de la loi est simplement de réprimer les agressions, les violences, pas de décider qui, ni quand, ni comment on a le droit de s’exprimer.

En revanche, il y a des règles de civilité qui émergent des pratiques et des coutumes. Ceux qui ne les respectent pas s’exposent au jugement et au blâme du public. C’est de cette manière que Benjamin Constant envisageait la régulation du débat public dans ses Réflexions sur les constitutions et les Garanties :

« Les principes qui doivent diriger un gouvernement juste sur cette question importante sont simples et clairs : que les auteurs soient responsables de leurs écrits, quand ils sont publiés, comme tout homme l’est de ses paroles, quand elles sont prononcées ; de ses actions, quand elles sont commises. L’orateur qui prêcherait le viol, le meurtre ou le pillage, serait puni de ses discours ; mais vous n’imagineriez pas de défendre à tous les citoyens de parler, de peur que l’un d’entre eux ne prêchât le vol ou le meurtre. L’homme qui abuserait de la faculté de marcher pour forcer la porte de ses voisins, se serait pas admis à réclamer la liberté de la promenade ; mais vous ne feriez pas de loi pour que personne n’allât dans les rues, de peur qu’on entrât dans les maisons. » (De la liberté de la presse)

 

2° – Le droit de propriété, seule limite intrinsèque légitime


En fait, la liberté d’expression est intrinsèquement limitée par le respect du droit de propriété. Cela signifie par exemple que j’ai le droit d’empêcher un homme de coller une affiche sur le mur de ma maison. J’ai le droit de proclamer les opinions qui me tiennent à cœur dans mon journal, sur mon blog, dans mon espace privé. J’exerce mon droit de propriété. Un éditeur ou un groupe de presse est maître de ses choix éditoriaux et de ses publications. Un chef d’entreprise ou un directeur d’école est maître du règlement intérieur de son établissement. Quand on y entre, on accepte ce règlement, sous peine de sanctions. Même chose sur un blog ou un site internet. Chacun peut édicter un règlement en vertu duquel il s’engage à censurer tel ou tel propos jugé déplacé. Autrement dit, dans une société libre, on a le droit de tout dire dans la limite des engagements contractuels que l’on a pris et du respect du droit de propriété. Bien entendu, encore faut-il que l’espace public n’envahisse pas la sphère privée. Lorsque l’État s’approprie tout l’espace, au nom de l’intérêt général, il devient difficile, voire impossible d’exercer un quelconque droit de propriété et, par suite, une liberté d’expression.

Conclusion
Il existe de bonnes raisons de croire qu’un environnement libre de toute censure permet non seulement de meilleurs jugements, mais aussi de meilleures personnes, c’est-à-dire des personnes capables d’une plus grande responsabilité morale. Si la libre compétition entre idées concurrentes constitue, d’un point de vue à la fois moral, épistémologique et prudentiel, le meilleur moyen de découvrir la vérité, alors il faut rejeter toutes les interférences étatiques dans le débat public et la communication des idées. L’une des leçons à retenir de la lecture des grands textes libéraux de Tocqueville, de John Stuart Mill, de Benjamin Constant, c’est que les excès de la liberté se combattent par la liberté. Des personnes font certainement un mauvais usage de leur liberté. Mais la réponse à ces abus, c’est toujours d’ouvrir l’espace public de la discussion afin de laisser émerger des critiques, des arguments, des raisons.

Dans l’introduction et le chapitre 10 de La Société ouverte et ses ennemis, Popper indique que la société ouverte se caractérise par un nouveau principe d’organisation sociale basé sur « le primat de la responsabilité individuelle, du libre examen rationnel et critique, qui exige des efforts sur soi-même pour vivre en libre individu dans des rapports pacifiés et détribalisés aux autres. » Une condition de la société ouverte est donc l’institutionnalisation de la critique, qui exige une extension maximale de la liberté d’expression dans la sphère publique.


Chapitre extrait du livre : Libéralisme et liberté d’expression, sous la direction d’Henri Lepage, éditions Texquis, 2015.

octobre 19, 2015

JACQUES RUEFF sa vision "libérale" et la critique

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

 
Sommaire:

A) REGARDS SUR LE LIBÉRALISME MODERNE par Jacques RUEFF

B) Jacques Rueff de Wikiberal

C) JACQUES RUEFF :UN LIBÉRAL PERDU CHEZ LES PLANISTES Par Georges LANE - Euro 92
 



 A) REGARDS SUR LE LIBÉRALISME MODERNE

 Le libéralisme économique est, partout, triomphant dans les faits, mais décrié dans les cœurs .

Par un étrange paradoxe, ceux qui le combattent sont ceux-là mêmes qui exigent tout ce que, chaque jour, sous nos yeux, il procure : expansion rapide de la production, progrès continu du niveau de vie des humbles, élargissement des institutions de protection individuelle et familiale, promotion sociale, sauvegarde de toutes les libertés.

Pour qui voit dans l'adhésion populaire la condition de la durée et de l'efficacité des institutions, il n'est pas de plus grave problème que celui du refus, par de larges secteurs de l'opinion - et notamment par ceux qui se réclament des doctrines socialistes ou chrétiennes - du régime propre à leur fournir les satisfactions auxquelles ils attachent le plus de prix.

Leur grief est fondé sur le caractère en quelque sorte spontané des structures qu'engendrent les mécanismes de marché. La société libérale serait, pour eux, le produit de forces aveugles ou égoïstes, alors qu'ils voudraient trouver dans les structures sociales la réalisation de leurs vues généreuses et des plans élaborés en vue du développement qu'ils estiment le meilleur.

C'est dans cette prise de position, respectable entre toutes, que gît une grande part du problème politique de notre époque.

Toute la question est de savoir si la société libérale est vraiment l'état inorganisé ou mal organisé qu'y voient ses contempteurs, alors que la société socialiste serait l'état conforme aux exigences morales et sociales de tous ceux qui ressentent et refusent le malheur des hommes.

Première critique : la société libérale est inorganisée.
Tous ceux qui connaissent les vertus des civilisations de marché savent qu'il n'en est pas ainsi. La société libérale est organisée, d'une façon précise et efficace, par le mécanisme des prix. Celui-ci, pourvu qu'on le laisse fonctionner, établit les équilibres économiques, qui sont la condition de la durée, et impose les structures de production propres à satisfaire au mieux les demandes formulées sur le marché.

Deuxième grief : si l'on admet que, conformément à l'argument précédent, le mécanisme des prix est efficace, c'est seulement en fonction des demandes solvables qu'il organise la production, et c'est seulement en fonction de la valeur donnée par le marché aux services fournis par chaque producteur qu'il organise la répartition. Dans les deux cas, seraient omises et négligées les exigences qui ne se traduisent pas par une demande exprimée en argent, parce qu'elles répondent à des fins immatérielles ou désintéressées, cependant que seraient sacrifiés les faibles, les malades, les infirmes, sujets économiques qui, pourtant, ont droit à une part de la production supérieure à la valeur des concours qu'ils lui fournissent.

La société libérale ne connaîtrait ainsi que deux influences : le règne de l'argent et la loi de la jungle.
Ces critiques étaient probablement fondées à l'époque où le libéralisme - voyant, avec Adam Smith, dans la " main invisible " du mécanisme des prix l'instrument de la divine providence - s'identifiait lui-même à un régime de non-intervention.

Mais cette époque est révolue. Le libéralisme moderne, s'il est toujours un régime de "laisser-passer ", n'est plus, en fait, un régime de " laisser-faire ". Sa doctrine l'a convaincu qu'une civilisation de marché comporte de très larges possibilités d'intervention : intervention par action sur les causes et sur les effets des prix, intervention par voie légale ou réglementaire, intervention, enfin et surtout, par les redistributions de revenus que permet l'exercice de la souveraineté fiscale.

A titre d'exemple, je marquerai que la limitation de la durée du travail, la réglementation du travail des femmes ou des enfants, l'imposition de droits de douane aux frontières, l'établissement d'un impôt sur le revenu ou sur le chiffre d'affaires affectent certes profondément le niveau de certains prix, mais n'empêchent pas le mécanisme des prix, dans les conditions où il fonctionne, d'établir les équilibres économiques et de dessiner les structures sociales.

On a qualifié de néo-libéralisme ce libéralisme interventionniste. Peut-être n'est-il pas aussi nouveau que pareil vocable le laisserait supposer, car je ne sache pas qu'aucun régime, si manchestérien qu'il ait été, ait admis de se désintéresser du sort des faibles et des exigences de l'intérêt général. Il est vrai, cependant, que c'est seulement à une époque récente que le libéralisme économique a pleinement mesuré le pouvoir dont l'investissaient les facultés d'intervention compatibles avec le libre jeu du mécanisme des prix.

Je voudrais ici marquer ma conviction qu'il n'est que de faibles différences entre les fins susceptibles d'être atteintes par intervention libérale et celles que permet de poursuivre l'intervention autoritaire. Croit-on - pour prendre l'exemple le plus provocant - que, pour un volume donné de la production, il existe une différence sensible entre les niveaux de vie susceptibles d'être attribués dans le cadre d'une répartition autoritaire, et ceux qu'établit le mécanisme des prix, complété par toutes les procédures de redistribution en vigueur dans les sociétés libérales que nous connaissons. S'il existe une différence, elle apparaît nettement en faveur des civilisations de marché.

La vérité, c'est qu'actuellement les régimes libéraux ne se désintéressent pas plus que les régimes socialistes de la formation des structures sociales. Les uns et les autres ont été profondément marqués par le grand courant normatif, à fins morales et sociales, caractéristique de notre époque. Mais si tous deux interviennent et veulent intervenir, ils le font par des méthodes très différentes.
Les civilisations de marché laissent les hommes libres de se décider librement, notamment au vu des niveaux de prix qui déterminent pour eux, sur le plan économique, les conséquences de tous les actes qu'ils sont susceptibles d'accomplir. Mais ces civilisations agissent sur les influences qui affectent la formation des prix, afin que le comportement des hommes soit ce que l'intérêt général veut qu'il soit.

Au contraire, les régimes autoritaires négligent, dans une large mesure, les volitions individuelles et imposent aux sujets économiques, par voie d'autorité, le comportement que le plan prévoit pour eux.

Les uns et les autres sont soumis, par exemple, à la nécessité d'assurer à chaque secteur de production la force de travail qu'il requiert. Mais le régime libéral, dans les cas où il fonctionne, porte le salaire au niveau nécessaire, pour que, compte tenu de tous les caractères du travail à accomplir et de tous ceux des emplois concurrents, le nombre de travailleurs qui décident librement de se consacrer à une production déterminée, réponde à la demande dont cette production est l'objet sous l'effet du mécanisme des prix, lui-même affecté de toutes les interventions correctrices sus-évoquées.
Dans les mêmes conditions, le régime autoritaire pourra négliger toute différenciation de salaire en fonction du travail à accomplir, donc fixer a priori les rémunérations individuelles, mais devra répartir par voie d'autorité la main-d'oeuvre disponible, en choisissant, pour chaque travailleur, la nature et le lieu de son travail.

Ainsi il apparaît que libéralisme et autoritarisme ne se distinguent pas par la nature des structures qu'ils établissent, mais par les méthodes par lesquelles ils les établissent. Le premier incite les sujets économiques à vouloir ce qu'il faut qu'ils veuillent pour que la société soit ce que l'ensemble des pouvoirs qui concourent à la déterminer, y compris l'État, exigent qu'elle soit ; le second oblige directement ces mêmes sujets économiques à vouloir le comportement que le plan attend d'eux.

Libéralisme et autoritarisme ne préjugent en rien la structure de la société qu'ils engendrent. Ils ne sont, l'un et l'autre, que des techniques d'organisation sociale.
La différence de principe qui les oppose explique la différence des méthodes qu'ils doivent mettre en oeuvre et aussi leur très inégale efficacité.

Les décisions du Gouvernement libéral seront efficaces dans la mesure où il réussira à donner efficacité aux dispositions légales ou réglementaires par lesquelles il affecte les causes ou les effets des prix. Au contraire, celles du Gouvernement autoritaire ne le seront que dans la mesure où il aura réussi à diriger directement tous les comportements individuels.

Il va de soi que l'opposition qui vient d’être dessinée est théorique et schématique. Elle n'a été présentée dans sa rigueur qu'aux fins d'explication. En fait, aucun régime n'est jamais ni complètement libéral, ni complètement autoritaire. Le Gouvernement communiste, par exemple, ne renonce pas à préparer et faciliter son action autoritaire, en incitant les hommes, par une hiérarchie appropriée des prix, à adopter le comportement qu'en tous cas il leur imposera. C'est donc essentiellement une différence de degré dans le recours à l'une ou l'autre des deux procédures d'intervention qui distingue les deux régimes.

Libéraux et socialistes ne sont pas les frères ennemis que les amateurs d'images d'Épinal se plaisent trop souvent à opposer. Ils sont, le plus souvent, des hommes de bonne volonté, qui poursuivent en commun certaines fins, mais sont conduits, par un inégal attachement à la liberté individuelle, à des choix différents quant aux voies propres à les conduire là où, tous deux, ils veulent aller.
Entre eux, la controverse n'est pas, pour sa plus grande part, sur les buts, mais sur les moyens. Comme telle, elle ressortit à une confrontation systématique et à une discussion consciente. 

Jacques RUEFF 



B) Jacques Rueff de Wikiberal

Jacques Rueff né et mort à Paris (23 août 1896 - 23 avril 1978) est un économiste libéral et un haut fonctionnaire français.
Ancien élève de l'école Polytechnique, il fut chargé de mission en 1926 - 1928 auprès de Raymond Poincaré, Président du Conseil et ministre des Finances. Il fut nommé sous-gouverneur de la Banque de France en 1939 après avoir été attaché financier à l'ambassade de France à Londres puis directeur du Mouvement général des fonds. Après la guerre de 1939-45, il préside en 1945 la conférence des réparations à Paris. On notera en passant qu'il est un des fondateurs de la Société du Mont-Pèlerin (1947).
Dans la décennie 1950, il occupe un poste de juge dans les instances européennes (Cour de justice de la CECA, Cour de Justice des Communautés européennes).
En 1958, il préside le Comité d'experts chargé d'étudier comment assainir les finances publiques "pour lancer la Ve République sur de bonnes bases". Cela conduit au « plan Rueff», mis en œuvre par Antoine Pinay, alors ministre des Finances, De Gaulle étant Président du Conseil. Le franc va redevenir convertible, le contrôle des changes s'assouplir. Pour sa part, préfigure le Marché commun, alors en formation, l'ouverture à la concurrence que Rueff recommande dans un second travail qu'il effectue en collaboration avec Louis Armand, à la tête d'un Comité d'experts ad hoc, le comité Rueff-Armand. À sa publication en 1960, les journalistes vont dénommer « plan Rueff Armand» le document quoique l'intitulé officiel soit "rapport du Comité pour la suppression des obstacles à l'expansion économique".
Jacques Rueff a été élu à l'Académie française en 1964.
Jacques Rueff s'est toujours opposé aux idées de lord Keynes : d'abord, dans The Economic Journal, sur le problème des transferts - en relation avec les réparations allemandes - à la fin de la décennie 1930, et ensuite, en 1947, telles qu'elles étaient développées dans la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie. S'ensuivra une passe d'arme avec James Tobin en 1948 dans The Quarterly Journal of Economics. Près de trente années plus tard, il enfoncera le clou une bonne fois pour toutes avec son article "La fin de l'ère keynésienne" qu'il publie dans le quotidien Le Monde.

Citations

« Toutes les turpitudes de notre régime, j'en ai toujours trouvé la source dans des interventions de l'État. Les systèmes malthusiens donnent à leurs auteurs toutes les apparences de l'action généreuse, alors qu'ils organisent la misère et la ruine. »
    — Jacques Rueff, Pourquoi, malgré tout, je reste libéral, 8 mai 1934 [1]
« Les hymnes à l'exportation ne sont que stupidité et mensonge. [Ils supposent de n'avoir pas conscience de l'] inanité de toute distinction entre commerce intérieur et international. »
    — Jacques Rueff, L'Ordre Social, 1981, p. 377 et p.376)
« Soyez libéraux, soyez socialistes, mais ne soyez pas menteurs »
    — Jacques Rueff, L'ordre social, 1945
« L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas. »
    — Jacques Rueff (1949)
« L'inflation, c'est de subventionner des dépenses qui ne rapportent rien avec de l'argent qui n'existe pas. »
« (Ce n'est pas) surestimer l'entreprise keynésienne que d'y voir une véritable mutation de la pensée politique dans tous les États qui échappent encore à l'emprise totalitaire. En donnant indûment aux gouvernements le sentiment que, par l'investissement, ils avaient le moyen de procurer l'expansion désirée et de bannir le chômage honni, la doctrine du plein-emploi a ouvert toutes grandes les vannes de l'inflation et du chômage. »
    — Jacques Rueff, La fin de l'ère keynésienne », Le Monde, 19 février 1976
« Que chacun s'interroge ici et qu'il dise, en conscience, si l'efficacité de la planification est concevable sans camps de concentration et sans Gestapo. »
    — Jacques Rueff, Épître aux dirigistes
« Ainsi, la floraison présente des régime de dictature ne peut être tenue pour fortuite. Elle est seulement l'aspect politique du mouvement qui a eu pour effet de remplacer le mécanisme des prix, instrument d'expression et de réalisation de toutes les volontés individuelles, si humbles soient-elles, par le choix autoritaire de l'homme ou du parti au pouvoir. »
    — Jacques Rueff, La crise du capitalisme, Editions de la Revue Bleu, Paris, 1936, p. 9





C) JACQUES RUEFF :UN LIBERAL PERDU CHEZ LES PLANISTES
Jacques Rueff est en accord avec les libéraux sur la nécessité de laisser libre la formation des prix, ou sur la monnaie qui doit échapper à l’emprise des hommes de l’Etat. Il apparaît en revanche en désaccord sur deux points avec les libéraux pour qui l’ordre de marché et l’ordre social sont spontanés et l’Etat ne saurait intervenir dans l’économie. On aurait pourtant tort d’en conclure que Rueff est d’accord avec les planistes à cet égard. Il n’est ni ambigu, ni paradoxal. L’auteur nous explique pourquoi.
(Mars 1996)

Introduction : Jacques Rueff, les libéraux et les planistes
Il y a cent ans naissait Jacques Rueff. En toute rigueur, il y a cent ans Jacques Rueff était conçu puisqu'il naîtra seulement en août 1896. Mais permettez-moi de me placer directement 38 ans plus tard. 

Ecoutons Jacques Rueff : 

« On raconte qu'aux Etats-Unis, dans certains Etats du Sud, il existe des sectes nègres, qui pratiquent la confession publique.Lorsqu'un membre de la communauté a commis un grand péché, les anciens lui imposent l'aveu de ses fautes devant le peuple assemblé. Eh bien, mes chers camarades, je me sens un peu comme le pauvre nègre. 

Depuis que votre groupe existe, j'en ai observé la croissance avec le plus vif intérêt et je crois bien ne pas me tromper en affirmant qu'elle ne s'est pas effectuée dans un sens purement libéral. 

Si telle elle était, elle serait d'ailleurs une exception dans notre pays comme dans tous les pays du monde. Je me sens donc parmi vous en état de singularité, et je vous prie de croire que je n'en éprouve nul plaisir, car ce n'est pas un mol oreiller que le non-conformisme. » 

C'est en ces termes que le 8 mai 1934, Jacques Rueff commença un exposé à ses camarades de l'Ecole polytechnique à l'occasion d'une réunion à l’Ecole organisée par le bureau des anciens élèves. 

Une parenthèse d'éclaircissement : à quel «groupe» Jacques Rueff fait-il référence ? Tout simplement au groupe «X Crise» qui venait d'être créé (1931) et qui deviendra fameux pour diverses raisons. 

En 1981, aux éditions Economica, paraîtra le livre X Crise :son cinquantenaire 1931-1981. Ce livre raconte l'histoire du groupe, «la plus remarquable société de pensée, de confrontation, d'élaboration jamais rassemblée», selon Gérard Brun. 

«X Crise» est né en 1931 d'une réaction à la crise. L'équipe du début comprend Gérard Bardet, André Loisillon, John Nicolétis, Jean Coutrot, Roland Boris, frère ainé de Georges Boris ami et conseiller de Mendès-France, Louis Vallon, Jules Moch. «X Crise» se fait connaître par des réunions publiques, deux conférences par mois. «X Crise» avait en vérité plusieurs objectifs : 

- trouver une voie entre le libéralisme dont l'échec était total en Occident et une économie bureaucratique et centralisée dont l'échec était évident en URSS
- à partir de 36-37, appeler inlassablement l'attention sur la guerre qui venait et sur la nécessité de renforcer d'urgence l'économie française pour s'y préparer;
- developper les sciences humaines comme un contrepoids aux progrès de la technique qui risquaient de devenir écrasants pour l'homme. 

Avec la guerre de 1939-45, les membres se disperseront dans les camps les plus opposés : Pucheu, Gibrat, Barnaud gagnent Vichy, Soulès dit Abellio la collaboration parisicinie la plus engagée, G. Boris et Vallon rejoignent Londres, Mochtane crée un réseau auquel appartiendra Nias sé. Et Coutrot sera accusé d'avoir été au centre d'une synarchie qui noyautait Vichy. Mais Alfred Sauvy le lavera de l'accusation. 

1 - Jacques Rueff signale sa singularité et son non-conformisme
Jacques Rueff tenait beaucoup à cette conférence, il me l'a dit personnellement. Autre preuve : si mon souvenir vous indiffère : elle constitue l'un des rares textes économiques qu'il a joints en annexe de l’Autobiographie qu'il a écrite quelques mois avant sa mort en avril 1978. Enfin, il l'avait fait publier, en 1975, sans changement, dans la Nouvelle Revue des Deux Mondes sous le titre initial « Pourquoi malgré tout je reste libéral «. 

S'il m’a paru bon de donner d'emblée cette citation, c'est qu'elle illustre très exactement le sujet que m'a proposé de traiter aujourd'hui devant vous Henri Lepage : « Jacques Rueff : un libéral perdu parmi les planistes ». 

Permettez-moi de répeter les mots de Rueff : 

« Je me sens donc parmi vous en état de singularité, et je vous prie de croire que je n'en éprouve nul plaisir. Car ce n'est pas un mol oreiller que le non- conformisme. » 

2 - Une protection contre des idées reçues dévastatrices
Mais il y a d'autres raisons qui m'ont amené à mettre l'accent sur cette conférence de 1934 de Jacques Rueff et que je youdrais citer maintenant. Jacques Rueff de cette époque est méconnu et la conférence nous le restitue intact, ainsi que l'époque. Autrement dit, et en particulier, je vois dans le texte une protection contre certaines idées toute faites qui circulent à son sujet aujourd'hui et que je considère dévastatrices. 

Deux idees devastatrices par excellence méritent d’être citées : 

* «Plan de 1958» et «plan de 1959-60»
La première s'articule à la période 58-60. Quiconque parle - en bons termes - de Jacques Rueff ces derniers temps, fait référence soit aux résultats de ses travaux de 1958 sur l'assainissement financier de la France, connus sous le libellé «plan Pinay- Rueff », soit aux résuitats de ces travaux de 1959-60 sur les obstacles à l'expansion économique, connu sous le libellé «plan Armand-Rueff ». Cela dans le meilleur des cas. Dans le pire, il est question du plan Pinay-Rueff de 1960 ou du plan Armand- Rueff de 1958... 

*L'étalon-or et le rôle des Etats-Unis dans le monde
La seconde idée est moins d'actualité, quoique... comme dirait Raymond Devos. Il y a quelques années, en effet, le registre était différent. On voyait en Jacques Rueff «l’'homme de l'étalon-or» et le grand pourfendeur du système monétaire international et du rôle des Américains dans le monde. Ses articles dans le journal Le Monde dans la décennie 1960 sont célèbres et que ce journal lui ait ouvert ses colonnes n'est pas innocent. Ils ont d'ailleurs été rasssemblés dans un livre intituié Le péché monétaire de l'Occiden, qui a été traduit aujourd'hui dans la plupart des langues nationales. 
 
Que les uns et les autres me pardonnent, ils sont sensibles, dans le meilleur des cas, à ce qui brille et, dans le pire, à ce qu'il leur plaît de croire et qu'ils imputent à Jacques Rueff. Ces idees sont devastatrices par les conséquences qui en sont abusivement tirées et qui sont de véritables perversions. 

* Une première perversion : plan et planisme
Tout d'abord il y a une perversion coupable de l'esprit - à laquelle les commentateurs favorables à Rueff ne prennent pas garde - à parler couramment de «plan» pour résumer les résultats des travaux respectivement de 1958 et de 1959-60. Rueff parle de recommandations, voire de politiques, ajoutant qu'il y a deux moyens de deconsiderer la politique recommandee : l'une est de la qualifier de libérale, l'autre de dirigiste, alors qu'elle est simplement raisonnable. 

Certes, me direz-vous, n'attachons pas trop d'importance aux mots, c'est une façon de parler et Jacques Rueff lui-même utilise le cas échéant le mot, bref il y a «plan» et «plan». Je vous l'accorde. Le plan n'est pas le planisme, et bien plus : « Le Planisme importe plus que le Plan ! ». Mais c'est justement ce que Marcel Déat écrit dans la décennie 1930 dans la préface du livre intitulé le Plan français. 

Qu'est-ce que le planisme alors dans cette décennie ? C'est l’étoile montante. Le planisme est une des modalités de l'économie dirigée.Il a pris, au lendemain de la guerre de 14-18, la forme d'un système que certains considèrent scientifique et doctrinal Auparavant, il n’était pour tous qu’un amalgame de mots et d'idées «incohérents» (cf. Marlio). 

D'origine belge et né sous l'inspiration de M. de Man, [le planisme] a émigré en France où il est soutenu par des esprits brillants, tels que M. Emile Roche et M. Marcel Déat ou les membres du «groupe X crise». Il s'étend rapidement. En 1938, il aura dejà été question en France du Plan du Travail, du Plan de la C.G.T., du Rassemblement pour le Plan, et du Plan français auquel je viens de faire allusion. Puis ce sera le plan du CNR (Comité national de la résistance), puis le plan de la Sécurité sociale (Laroque) et les plans quinquennaux français (le premier sera celui de J. Monnet), nous en sommes aujourd'hui au XIème, je crois ! 

Les formes du planisme sont variées. Elles correspondent en fait à des conceptions différentes. Ici, c'est la suppression du profit et, permettez-moi de dire très grave, la notion d'entreprise est remplacée par celle de service.Là, on maintient le profit en supprimant ou en réduisant la concurrence, par l'intermédiaire de la corporation.Là, enfin, on a pour but, sans dire comment, d'agir sur les prix (d'abaisser le prix de revient ou d'augmenter le prix de vente). 

En vérité, tous ces systèmes se proposent de concilier des contraires, autorité et liberté, Etat et individu. M. Marcel Déat en convient lui-même : 

« Peu importe, dit-il, que la Plan se fasse à partir d'une philosophie nationale ou d'une philosophie marxiste. Si on veut le faire sur la base d'une seule philosophie, il devient en effet impossible». 

Au surplus, les auteurs du Plan paraissent avoir, eux-mêmes, quelque scepticisme sur l'efficacité des mesures qu'ils préconisent. D'où la declaration de M. Marcel Déat que je viens de souligner au terme de laquelle le planisme importe plus que le Plan ... 

* Le pervertissement de l'esprit libéral.
Mais il y a une perversion dont la gravité me semble incommensurable comparée à celle du langage et à l'emploi du mot plan pour designer les travaux de Jacques Rueff de 58 et de 59-60, c'est celle qui consiste à braquer les projecteurs sur les résultats auxquels il parvient et non sur les principes qui l'ont conduit à ces résultats. Autrement dit, c'est la démarche qui pervertit l'esprit libéral de Jacques Rueff. 

C'est le cas avec les propos tenus sur les travaux de 1958 et 1959-60. L'accent n'est pas mis sur le principe des libéraux selon lequel l'inflation est destructrice ou sur celui selon lequel la croissance en France est entravée par des obstacles. Il est mis sur des aspects des propositions de réformes qui touchent des intérêts personnels ou collectifs et, par conséquent, soulèvent des oppositions. 

Je retiendrai, à titre d'illustration d'actualité de cette démarche perverse, ce qui est écrit et dit ces dernières années sur le libéralisme dont auraient fait preuve les socialistes après être sortis de leurs errements de 1981-1983. Son actualité est brûlante : le dernier numéro de L’Esprit libre de Guy Sorman ne présente-t-il pas comme libéraux (politiques ou non) MM. Badinter, Strauss-Kahn, ou encore Kessler. La terre est ronde mais on peut toujours affirmer qu'elle est plate ! Cette demarche perverse se retrouve dans les conceptions que certains ont de ce que Jacques Rueff a écrit sur le rôle des Américains et sur le système monétaire international dans les decennies 1960 et 70. 

L'accent est mis sur des effets que dénonçe Jacques Rueff (comme, par exemple, le déficit de la balance des paiements des Etats-Unis ou le fonctionnement de l’étalon de change-or résultat des accords de Bretton-Woods en 1944. L'accent n'est pas mis sur certains principes des libéraux qu'il a toujours fait valoir en matière monétaire et qu'il s'efforçait de faire comprendre avec des titres parfois pédagogiques du genre «des plans d'irrigation pendant le déluge», «les DTS, du néant habillé en monnaie» pour ne pas parler du «Péché monétaire de l'Occident». L'explication qui le conduit à affirmer que le non respect de ces principes sera catastrophique ne pouvait qu'être laissée de côté ... 

Illustration d'actualité encore de la perversité de la démarche, elle-aussi brûlante : un commentaire de Philippe Seguin, l’actuel président de l'Assemblée nationale, à propos d'un livre d'un dénommé Georges Valance sur la Légende du Franc (Flammarion). Ce commentaire paru dans Le Figaro du 7 février 1996 a pour conclusion : 

«Jacques Rueff écrivit que l'Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas. Ajoutons que cette monnaie sera politique ou ne sera pas. » 

Cette conclusion témoigne d'une ignorance absolue ou d'une incompréhension totale de son auteur de la pensée de Jacques Rueff, ou encore d'une volonté de mentir impunément - certains diront aujourd'hui «de bonne foi» ! - et de conditionner le bon public de lecteurs du Figaro. 

S'il y a quelque chose que Jacques Rueff a toujours condamné, sur quoi il n'a jamais été nuancé, c'est bien la gestion de la monnaie par les hommes politiques, je dirai pour ma part, les «hommes de l'Etat». Et tous ses efforts ont tendu à ce qu'ils retrouvent la raison et renoncent à leurs méfaits dans le domaine monétaire, qu'ils renoncent à manipuler la monnaie. Selon Jacques Rueff, le seul moyen d'y parvenir, en pratique, sans longue transition, était le retour à l'étalon-or. 

*Quels sont les principes de Jacques Rueff ?
Quels sont les principes de Jacques Rueff dont je parle, me direz-vous ? Je vais y venir dans un moment, ce sera la première partie de mon exposé. Je dirai seulement pour l'instant que ce sont en vérité des principes qu'expose Jacques Rueff, en particulier, dans la conférence de 1934. Ce sont aussi les principes des libéraux de l'époque - par opposition aux principes des planistes. 

3 - Jacques Rueff et 1'Academie des sciences morales et politiques
Troisième raison pour laquelle la conférence de 1934 de Jacques Rueff est importante. Il se trouve que quelques mois plus tard (huit exactement), son auteur est invité par l'Academie des sciences morales et politiques à faire une communication sur le même thème : le titre retenu cette fois est la «Crise du capitalisme ». Autrement dit, la pièce est la même, mais Jacques Rueff change l'éclairage. 

Mais l'éclairage du monde a aussi changé : les pouvoirs de Hitler et Staline se sont affirmés dans l'intervalle et l'un et l'autre sont desormais sur une pente ascendante. Fait exceptionnel qu'il convient de signaler, l'Academie consacrera plusieurs séances à la discussion du texte de la conférence bien que Jacques Rueff n'en fût pas membre (il en sera élu membre en decembre 1944). Il est alors directeur- adjoint du mouvement général des fonds depuis avril 1934. 

4 - La double singularité de Jacques Rueff
Quatrième et dernière raison, très terre à terre celle-là, pour laquelle je soutiendrai que la conférence de 1934 est essentielle et pour laquelle je m'y suis référé d'entrée de jeu, elle donne la clé du sujet d’aujourd'hui. J'y vois en ce qui me concerne la raison pour laquelle Jacques Rueff occupe une position pour le moins originale dans la pensée économique. 

Que dit Rueff, en effet, encore en introduction de la conférence ? [Soulignons en passant qu'ils s'adressent à des polytechniciens, inspecteur des finances comme lui ou ayant choisi d'autre spécialités.] 

«A vous tous qui avez la même formation que moi, donc qui jugez de la même iaçon que moi, je viens avouer mon péché qui est d'être resté libéral dans un monde qui cessait de l'être.Je viens vous en dire les raisons et vous demander de les apprécier, et tout à l'heure, vous me direz, je l'espère, si je suis fou ou si c'est le reste du monde qui a perdu l'esprit»
(Autobiographie, 1977, p. 4) 

Mais, quand Rueff fait cette entrée en matière qu'on peut qualifier, sans excès, de fracassante, nous sommes donc en 1934. Autant Jacques Rueff que les principes des libéraux, bref les connaissances de chacun, vont évoluer. 

Jacques Rueff n'a pas été encore sous-gouverneur de la Banque de France, ni conseiller économique du Maréchal de Lattre de Tassigny, ni Président de l'Agence interalliée des réparations allemandes (IARA), ni juge à la Cour de justice de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), puis de la Communauté économique européenne (CEE), il affiche seulement la préoccupation d'écrire le second volet de sa Théorie des phénomènes monétaires, livre publié en 1927, le volet dynamique ce sera l'Ordre social publié en 1945 

La société du Mont Pèlerin n'existe pas et n'est même pas à l'état de projet. Peut-être Hayek songe-t-il à écrire la Route de la servitude (1944), Mises l'Action humaine (1949), Milton Friedman les Essais e'i économie positive (1953), je n'en sais rien. 

Pourquoi ces remarques, me direz-vous, qui nous écartent du sujet ? Parce qu'elles ne nous en écartent pas. Parce que va se tenir, en France, quelques années plus tard, en août 1938, un colloque, le colloque Walter Lippman, qui réunira les libéraux du monde entier, en particulier Ludwig von Mises, Friedrich von Hayek et Jacques Rueff (Milton Friedman est alors étudiant et n'a pas obtenu encore son Ph. D.). Le propos du colloque est de def'inir le libéralisme, sa doctrine, les conditions de réalisation et les taches nouvelles. Il est aussi de créer une association. Ce sera le Centre international pour la rénovation du libéralisme, dont la première session se tiendra à Paris en mars 1939. 

Pourquoi donc ces remarques ? Parce que je ne puis m'empêcher de voir dans ce Centre la répétition de la pièce dont la générale sera la Société du Mont Pèlerin, après la guerre de 39-45, même s'il donnera naissance directement en 1956 à une organisation belge, le Centre Paul Hymans, dont le premier colloque aura lieu à Ostende en 1957 et auquel participeront Jacques Rueff et Ludwig von Mises (mais aussi entre autres Maurice Allais, F.A. Harper, Bruno Leoni ou encore D. Villey et L. Rougier). A ce colloque, Jacques Rueff fera d'ailleurs un exposé sur «l'évolution des idees depuis le colloque Walter Lippman». 

Revenons justement à un des produits de ce colloque Walter Lippmm tenu à Paris : le Centre international pour la rénovation du libéralisme créé à Paris. A l'occasion de sa première session en 1939, Jacques Rueff écrit un texte intitulé «les formes d'intervention des pouvoirs publics compatibles avec le mécanisme des prix» qui sera discuté. Force est de reconnaître que son contenu tranche à certains égards, avec celui du texte de 1934. 

Dans le texte de 1934, il expliquait que le mécanisme des prix, son libre jeu, était providentiel pour les hommes. Dans le texte de 1939, il fait apparaître que le mécanisme des prix n'est pas la panacée, il y a d'une certaine façon une autre marque de la Providence: l'intervention des pouvoirs publics. En cela, il est en desaccord avec Ludwig von Mises pour qui - et Mises le redira à la conférence d'Ostende - : 

«L’interventionnisme n'est qu'une étape à la communication de la société». 

Mais prenons garde, néanmoins. Jacques Rueff ne préconise pas l'intervention aveugle et arbitraire de l'Etat, disons pour fixer les idees, il ne préconise pas l'intervention du type préconisé alors par Keynes. Il a dejà eu l’occasion de s’opposer à lui à deux reprises : 

- d'une part à la fin de la décennie 20 sur la question des transferts en relation avec les réparations allemandes de la guerre de 14-18, et
- d'autre part au debut de la decennie 30 sur la question du chômage en Angleterre. 

Et ce n'est que partie remise : puisqu'en 1947 il écrit une critique destructrice, mais justifiée, de la Théorie générale de l'emploi, de l’intérêt et de la monnaie, à laquelle répondra James Tobin (Keynes étant mort entretemps). Pour Jacques Rueff il y a des formes d'intervention, ponctuelles et éclairées qui échoient à la puissance publique : ce sont celles qui sont compatibles avec le libre jeu du mécanisme des prix. Bien plus, il considère que ces interventions sont nécessaires et souhaitables. Une des raisons qu'il donne est qu’il postule que l'ordre social n'est jamais spontané. Je ne pense pas faire un contresens en disant qu'en cela, il est aussi en désaccord avec Friedrich von Hayek. Il prendra la peine par la suite de développer les raisons de ce postulat dans maints écrits, à commencer par le plus épais d'entre eux, je viens d'en parler, L'Ordre social, (1945), mais surtout trois autres, plus récents, mais méconnus, à savoir Les Dieux et les Rois (1967), La montée de l'ordre dans l’univers (1968) et La Création du Monde, une comédie-ballet (1974). 

Je ferai remarquer en passant que, dans ces ouvrages, Jacques Rueff a comme cible non les idées d'absolutisme libéral. L’expression est de Mises à Ostende, on ne parlait pas alors d'ultralibéralisme), mais celles de Jacques Monod, le biologiste prix Nobel, que celui-ci fera connaître au grand public par son livre Le hasard et la nécessité. Autrement dit, Jacques Rueff apparaît en désaccord sur certains points avec les libéraux dignes de ce mot (Mises ou Hayek) et, a contrario, en accord sur quelques points avec les planistes ... 

Pour autant que l'on prend pour critère de classement cette dénomination «libéral», on peut classer Jacques Rueff dans leur nombre avec l'étiquette «interventionniste» (à l'époque, on parlait de «néo-libéral» et Jacques Rueff n'attachait aucune espèce d'importance à ce mot). A contrario, si l’on prend pour critère du classement non plus la dénomination «libéral», mais la dénomination «planiste», on peut classer Jacques Rueff parmi les planistes avec l'étiquette «libéral perdu» (au sens de l'expression des «soldats perdus» de l'Algérie française). 

La seconde partie de mon exposé développera cette façon de voir en Jacques Rueff un «libéral perdu» parmi les planistes. Bref, Jacques Rueff a une double singularité, parmi les planistes et parmi les libéraux. Et, en pratique, si on est peu regardant, voire ignorant de ce qu'a écrit Jacques Rueff, mais familier des commentaires, cette caractéristique devient une ambiguïté ou un paradoxe. 

Je vais donc tenter maintenant de vous exposer schématiquement le contenu de cette singularité en évoquant dans une première partie «Jacques Rueff, libéral perdu parmi les planistes» et dans une seconde «Jacques Rueff, ‘libéral perdu' parmi les planistes ». Je conclurai sur l'interprétation pour le moins hative qui concerne son ambiguïté ou ses paradoxes que, je l'espère, j'aurais alors levé avec les éléments que j'aurais présentés. 

I - Jacques Rueff, un libéral perdu parmi les planistes
Dans cette première partie, je vais m'efforcer de montrer le plus fidèlement possible, bien que schématiquement, ce que signifie, selon J R, «être libéral». Selon J R, être libéral, c'est un état d'âme, mais c'est surtout un état de raison. 

Il convient de reconnaître les trois faits que sont l'équilibre économique, le mécanisme des prix et le rôle du mécanisme des prix dans le déplacement de l'équilibre : 

«Je me déclare simplement libéral, c'est-à-dire je pense que c'est au mécanisme des prix qu'il faut demander le maintien de l'équilibre économique, qu'il faut confier le soin d'établir, de présenter et de réformer l'équilibre économique. Aux libéraux, s'opposent les planistes de diverses obédiences. Ils pensent que c'est à une construction consciente qu'il faut demander l'établissement de l'équilibre économique» 

Mais qu'est-ce que l'équilibre économique ? Qu'est ce que le mécanisme des prix? Comment le mécanisme des prix maintient-il l'équilibre économique ? C'est ce que je vais decrire dans un premier temps. 

Jacques Rueff n’a jamais évolué sur ces points qui sont des conséquences de sa méthode. C'est un aspect incontestable de sa position libérale. Pour l'évoquer, on peut aussi bien faire référence à ses travaux du milieu de la décennie 1930, qui est aussi le milieu de la vie de Jacques Rueff, qu'à ceux de la decennie 1970. J'ai fait le choix de faire référence aux premiers. 

Jacques Rueff est alors : 

* Ancien attaché financier à l'ambassade de France à Londres qui a démissionne (démélés avec le ministre de l'agriculture du moment, Queuille)
* et critique de Keynes tant sur la question des transferts que sur celle du chômage anglais ;
* Depuis avril 1934, directeur adjoint du mouvement général des fonds
Jacques Rueff n'a jamais évolué non plus sur la régulation monétaire, autre aspect incontestable de sa raison libérale. Je decrirai dans un second temps ce processus qui à la fois complète le mécanisme des prix et encadre celui-ci. 

1.1. Le mécanisme des prix et le déplacement de l'équilibre économique
Selon Jacques Rueff, l'équilibre économique est l'équilibre du système économique. Le système économique est un ensemble de marchés : marche des richesses non monétaires et marché des titres financiers (créances ou richesses monétaires). Qu'est-ce qui caractérise le marché ? C'est l'existence d'un prix qui varie jusqu'au moment où la demande est égale à la valeur globale des offres. 

Quels sont les facteurs (et non les forces ...) de l'équilibre du marché ? L'offre ou la demande de richesses. L'équilibre du marché est un état du marché. Toute égalité entre la demande et l'offre, à un prix donné, exprime un équilibre du marché. Sur un marché en état d'équilibre et toutes conditions égales, les rapports des prix (prix des créances ou non) restent immuables, quelle que soit la valeur absolue des prix.Tout écart entre la demande et l'offre, à un prix donné, exprime un déséquilibre du marché. 

L'équilibre du système économique est caractérisé par l'égalité, en une certaine séance de marché, de la demande globale libellée en unités monétaires et de la valeur globale des richesses offertes, calculée au prix du marché. Il est aussi caractérisé par les (le niveau des) prix (salaires - taux d'intérêt - taux de change, qui sont des phénomènes naturels, inclus), par l'absence de chômage, par l'absence de surproduction. Soulignons que les prix forment une échelle, une structure à laquelle on peut juxtaposer le taux d'intérêt. Le taux d'intérêt sanctionne une parité du prix au comptant et du prix à terme. 

Un système économique a deux grands types de condition : le droit et la monnaie.Les prix peuvent être immobilisés par les pouvoirs publics (point de vue du droit). Quand un prix est immobilisé, son marché n'a plus, de fait, d'équilibre. En régime de monnaie convertible (point de vue de la monnaie), l’immobilisation d'un prix quelconque entraîne l'immobilisation de toute l'échelle des prix. 

Qu'est-ce que le mécanisme des prix ? Le mécanisme des prix est d'abord un fait incontournable. D'un point de vue méthodologique, il est le chaînon qui assure la transition entre sciences physiques et sciences morales. Il est un avatar de la loi naturelle du déplacement de l'équilibre. Cette loi régente la société comme elle régente la nature physique. Quel est le principe de cette loi? Il est connu sous le nom de «principe de modération» en physique-chimie. Des particularisations en sont les lois de Le Châpelier et de Van’t Hoff. Elles énoncent principalement que : 

« dans tout système en équilibre stable, toute variation de l'un des facteurs de l'équilibre provoque un déplacement de cet équilibre dans un sens tel que l'effet produit par la résolution s'impose au changement initial et entraine ainsi une variation en sens inverse du facteur en cause » 

Selon J. Rueff, Bichat, le professeur de médecine bien connu dont un hôpital parisien en particulier porte le nom, la qualifiait la loi de « l’emmerdement maximum ». 

* Le libre jeu du mécanisme des prix permet le déplacement de l'équilibre économique.  
Le mécanisme des prix est donc l'expression sociale de la loi du déplacement de l'équilibre. En quoi consiste son libre jeu ? 

Etant donné l'équilibre initial d'un marché stable, toute variation de la demande - facteur de l'équilibre - provoque une variation du prix - un deplacement de l'équilibre du marché - dans un sens tel que l'effet produit par la réaction - la variation de prix - s'oppose à la variation initiale de la demande et entraîne ainsi une variation en sens inverse de la demande. 

** Application à l'augmentation de la demande
Etant donné l'équilibre initial d'un marché stable, toute augmentation de la demande provoque une variation du prix - c'est-à-dire une déplacement de l'équilibre du marché qui, s'il avait lieu seul, produirait par ses effets une diminution de la demande. Qu'est-ce qui est entrainé par une augmentation de la demande et, pris tout seul, entraîne une diminution de la demande ? L'augmentation de prix. Toute augmentation de la demande est en fait une augmentation de la demande par rapport à l'offre.Il s'ensuit un écart entre la demande et l'offre que le libre jeu du mécanisme des prix résorbe

En pratique, tout écart entre la demande et l'offre, un prix donné, exprime certes un deséquilibre du marché, mais il peut être interprété comme une variation de la demande ou une variation de l'offre ou une variation de l'offre et de la demande. S'il est interprété comme une variation de la demande dans un sens, d'après le principe de moderation, il y aura une variation de la demande dans l'autre sens et, pour qu'il y ait variation, il faut qu'il y ait variation du prix ou du taux d'intérêt (ce qui suppose que ni l'un ni l'autre ne soit immobilisé). 

Le déplacement de l'échelle des prix entraîne, toutes autres conditions restant égales, déplacement temporaire en sens inverse du taux d'intérêt. Inversement, toute variation du taux de l'intérêt, en rompant la parité prix du comptant et prix du terme, provoquera mouvement de sens inverse ni niveau général des prix. La caractéristique des déplacements simultanés en question dépend du système monétaire institutionnel. 

*Autres rôles du mécanisme des prix
Le mécanisme des prix est donc un mécanisme de régulation sociale, mais il a d'autres rôles. Il fait sortir l'ordre collectif du désordre des initiatives individuelles. Plus généralement, il est un processus parmi d'autres d'un ensemble de processus générateur de structures dans les sociétés qui ne sont pas entièrement planifiés par voie d'autorité. 

Le mécanisme des prix a le soin d'inspirer aux producteurs et aux consommateurs les actes qu'il faut qu'ils accomplissent pour les besoins soient servis et l'équilibre économique assuré. Pour ces raisons, personne ne saurait libérer l'économie du mécanisme des prix. L'économie libérée du mécanisme des prix est la négation même de l'économie libérale. Dire qu'on peut se libérer du mécanisme des prix et pratiquer la politique du juste prix sans la definîr, c'est croire qu'on peut rai sonner sans raison 

On n'intervient pas non plus sur le mécanisme des prix. Les interventions detruisent le régulateur. Si on intervient, se developpe une économie en folie aux conséquences desastreuses. Malheureusement, le fait est que les gouvernements sont intervenus et, de façon croissante, depuis la fin de la guerre de 1914-18, et, étant donné les conséquences desastreuses, a pris naissance la conception de réconomie consciente où la volonté des hommes doit remplacer le libre jeu du mécanisme des prix: 

Mais Jacques Rueff de remarquer qu'alors (nous sommes en 1934 rappelons-le), la Russie elle-même est en train de restreindre le régime des équilibres conscients et de restaurer dans des domaines toujours plus étendus le mécanisme des prix. Ainsi les réalités se défendent, la crise endémique, résultat de l'économie organisée, a imposé le rétablissement du mécanisme des prix
 
 
«Toutes les turpitudes de notre régime, j'en ai toujours trouvé la source dans des interventions de 1'Etat. Les systèmes malthusiens donnent à leurs auteurs toutes les apparences de l'action généreuse, alors qu'ils organisent la misère et la ruine». 

1.2 La régulation monétaire
Si le mécanisme des prix est un processus de régulation sociale automatique, il n'est pas le seul processus de régulation sociale que discerne Jacques Rueff. Il faut juxtaposer à son libre jeu la régulation monétaire. 

* Définitions
Qu'est-ce que la régulation monétaire? 

* Hypothèse préliminaire fondamentale de Jacques Rueff
Jacques Rueff considère que les utilisateurs de monnaie sont souverains, libres de fixer la quantité de monnaie au niveau qu'ils désirent ... Rien ne peut les en empêcher. Il n'y a pas d'offre de monnaie qui limite la demande. 

«J'ai connu comme directeur du mouvement général des fonds, des périodes d'égal déficit où la circulation augmentait, d’autres où elle diminuait, sans que les autorités monétaires, et malgré tout ce qu'elles pouvaient tenter pour les
contrecarrer.»
«J'ai passé mon temps comme sous-gouverneur de la Banque de France à

assister aux vains efforts de la Banque centrale, pour résister à l'augmentation de l’émission.... » 

La quantité de monnaie est strictement déterminée par la volonté des hommes. Soulignons en passant que les notions de fonctions d'offre et de demande de monnaie, ainsi que le concept de marché de la monnaie sont en définitive récentes ... 

** Le déséquilibre monétaire
Mais la volonté des utilisateurs de monnaie peut changer et causer un deséquilibre sur le marché des richesses non monétaires. C'est en vérité la théorie des variations du niveau général des prix de Jacques Rueff : tout écart entre la variation des encaisses desirées et celle des encaisses effectives provoque la variation du niveau général des prix. 

En vérité, si la variation de la volonté des utilisateurs de monnaie cause un deséquilibre sur le marché des richesses non monétaires, il y a inflation ou déflation.
Selon Jacques Rueff : 

«Il y a inflation lorsque, en une certaine séance de marché, la demande globale libellée en unités monétaires dépasse la valeur globale des richesses offertes, calculée au prix du marché.
Pareille situation ne peut exister que si la demande globale est alimentée, pendant la séance de niarché considerée, non seulement par la contrepartie de l'offre globale, mais par la création de pouvoirs d'achat résultant soit d'une diminution des encaisses desirées, soit d'une augmentation des encaisses effectives, autrement dit de l'apparition d'encaisses desirées.
MM. Hayek et Friedman m'ont dit jadis voir dans cette affirmation l'effet d'une réaction de comportement .J'accept leur interprétation. Elle ne diminue pas la portée de la liaison à laquelle elle s'applique». 

** Définition de la régulation monétaire.
La régulation monétaire est le processus qui tend à assurer la stabilité des prix en monnaie en maintenant dans d'étroites limites les oscillations de l'activité économique. Cela dans le cadre national, d'une économie fermée ou presque. Dans le cadre international, d'une économie ouverte, elle est le processus qui tend à assurer l'équilibre des paiements à l'étranger en maintenant dans d'étroites limites les oscillations de l'activité économique. 

Propriétés :
Le processus de régulation monétaire a des caractéristiques. Elles sont fonction du système monétaire existant : 

«C'est l'objet de tous les systèmes monétaires que d'assurer, par des procédures diverses et diversement efficaces, l'adaptation constante des encaisses
effectives aux encaisses desirées et de réduire par là au minimum les variations du niveau général des prix.
Ils exercent ainsi une fonction essentielle, la régulation monétaire, d'où dépend la stabilité de la collectivité qui utilise la monnaie .» (1981, p.221) 

Par système monétaire il faut entendre l'ensemble des règles juridiques données aux autorités monétaires ou que celles-ci s'engagent à respecter. Un système monétaire ne saurait être confondue avec le marché de la monnaie au sens du concept théorique. 

Dans certains systèmes monétaires, la régulation monétaire est automatique. Dans ces systèmes, est adaptée constamment, à chaque instant, la quantité de monnaie effective à la quantité de monnaie desirée. Dans ces systèmes, les variations du niveau général des prix sont réduites au minimum. Dans d'autres systèmes monétaires, la régulation monétaire n'est pas automatique. Dans ce cas, sauf à changer de système, elle doit être administrée par les autorités monétaires. 

Mais l'administration peut être efficace ou non. Quand l'administration n'est pas réussie, il y a désordre monétaire (par exemple inflation). Jacques Rueff souligne que dans ce cas il ne faut pas rendre la monnaie cause de la situation. 

«Mettre dans la monnaie la cause des désordres monétaires, c'est chercher à s'excuser en accusant» (1979a, p.292

Selon Jacques Rueff, il y a plusieurs systèmes monétaires théoriques qui permettent la régulation monétaire automatique. Mais, on peut reduire leur nombre à deux grands types, à deux grands régimes de monnaie: le régime de la monnaie convertible et le régime de la monnaie incovertible. Remarquons en passant que, dans un univers sans résistances ni frottements, c'est-à-dire un univers théorique, le niveau général des prix : 

- reste sensiblement invariable en régime de com'ertibilité.
- ne subit que des variations limitées en régime de monnaie inconvertible
Mais cette univers est théorique, irréel. Dans la réalité, il en est différemment. 

** Système à monnaie convertible à taux fixe
La monnaie est convertible quand la valeur de son unité est définie par son égalité avec celle d'une quantité determinée d'une richesse choisie une fois pour toutes, une égalité non proclamée, mais effective sur le marché de la richesse en question. Par richesse, Jacques Rueff entend les richesses non monétaires (biens et services) et les titres financiers (créances ou richesses monétaires). Par valeur, il entend la valeur d'échange, le prix ou le taux d'intérêt du marché de la richesse. 

Jacques Rueff distingue les systèmes de monnaie convertible selon la contrepartie de la monnaie. 

** Une richesse non monétaire (richesse proprement dite de conversion).  
La monnaie est convertible en or (à taux Fixe) quand la valeur (le son unité est définie par son égalité avec celle d'une quantité déterminée d'or choisie une fois pour toutes, une égalité non proclainée mais effective sur le marché de l'or. Le régime de convertibilité le plus fréquent est celui qui definit la valeur de l'unité monétaire comme celle d'un poids d'or déterminé. Il est qualifié de monométallisme-or. 

La régulation monétaire a donc comme pièces principales le taux fixe, i.e. le prix auquel est échangé l'or par l'institution d'émission de la monnaie et sa position par rapport à celle du prix sur le marché de l'or. La tendance des prix sera stable s'il y a assez d'or. Il n'y aura ni conversion de monnaie en or, ni conversion d'or en monnaie. S'il n'y a pas assez d'or, il y aura un prix sur le marché de l'or supèrieur à ce qu'il devrait être, et au taux de conversion, une tendance à convertir de la monnaie en or auprès de l'institution d'émission. Il y aura une tendance des autres prix orientée à la baisse qui stimulera la production d'or (la production d'or est beaucoup plus élastique qu'on le croit). 

S'il y en a trop, il y aura un prix sur le marché de l'or inférieur à ce qu'il devrait être, et au taux de conversion, une tendance à convertir de l'or en monnaie. Il y aura une tendance des autres prix orientée à la hausse qui démotivera la production d'or. Le monométallisme-or permet la régulation monétaire automatique dans le cadre national comme dans le cadre international. 

S'il y a trop de paiements à effectuer à l'étranger, il y a utilisation des réserves en or, réduction du stock d'or et tout se passe comme s'il n'y avait pas assez d'or (dans le cas national). il y aura une tendance des prix orientée à la baisse qui stimulera les paiements à recevoir de l'étranger, l'accumulation de réserves en or et l'augmentation du stock d'or. 

Mais, peu importe en définitive la référence à l'or, l'important est que la chose de référence ne soit pas librement créée, mais produite. Jacques Rueff est clair sur ce point : 

« Je suis convaincu que la seule voie efficace pour restaurer l'équilibre des paiements à l'étranger c’est la convertibilité en quelque chose qui ne soit pas librement créée par l’institution émettrice, comme c'est le cas de tous les types de monnaie fiduciaire, mais gagnée par la production.» 

L'après-guerre (1914-18) a étendu à la monnaie les doctrines d'économie dirigée. Tout s'est passé comme si les autorités monétaires avait supposé qu'elles pouvaient faire abstraction des systèmes monétaires. Jacques Rueff aura l'occasion d'écrire que l'institution de Bretton Woods (à partir de 1945) permet de jouer à la convertibilité monétaire, non d'en recueillir les bienfaits. 

*** Un titre financier (une créance, une richesse monétaire)
La monnaie est convertible en une créance (à taux fixe) quand la valeur de son unité est définie par son égalité avec celle d'une quantité determinée de la créance choisie une fois pour toutes, une égalité non proelamée, mais effective sur le marché de la créance : 

«Pour qu'une richesse autre que l'or, puisse être, sans risque pour l'institution émettrice, transformée, il faut que comme l'or en régime de convertibilité métallique à taux fixe, cette richesse ait une valeur fixe en monnaie. Or seules les créances libellées en monnaie présentent, au moment de l'échéance, ce caractère ». 

La régulation monétaire a comme pièces principales le taux d'escompte de l'institut d'émission de la monnaie et sa position par rapport à celle du taux d'intérét (sur le marché des créances). 

Jacques Rueff distingue les monnaies convertibles en titres de créance véritables et celles en titres de créance fausses. 

- créances véritables
Une créance est véritable quand sa valeur nominale sera égale à des richesses de même montant dans l'actif du debiteur. La régulation monétaire consiste pour la banque d'émission à fixer le taux d'escompte au niveau du taux d'intérêt du marché et à monétiser les créances éligibles à l'escompte qui lui sont présentées. 

S'il y a égalité entre le taux d'escompte (taux auquel l'institut d'émission échange les creances) et le taux d'intérêt du marché des créances, il y a stabilité du niveau des prix. 

S'il y a le «bon montant» de créances, il y a stabilité du niveau des prix. S'il y a trop de créances, le taux d'intérêt sur le marché des créances (resp. leur prix) est superieur (resp. inférieur) à ce qu'il devrait être et au taux d'escompte, il y aura une tendance a convertir en monnaie les créances par l'escompte, une tendance des prix orientée à la hausse jusqu'au moment du remboursement des creances en question. 

- créances fausses
Une créance est fausse quand sa valeur nominale sera supérieure au montant de richesses dans l'actif du debiteur. Seul l'Etat a le privilège de pouvoir injecter d'une façon continue une quantité appréciable de fausses créances par l'éligibilité à l'escompte (p.486). Le montant des fausses créances attribuées est alors, en chaque période, égal un montant du deficit de patrimoine. 

Tant que le titulaire s'en contente, tout se passe coimne si ses créances étaient vraies créances. A partir du moment où il reprend ses esprits, tout change. Il lui reste à les escompter auprès de l'institut d'émission. Par l'éligiblilité des fausses créances à l'escompte., la monnaie devient véritablement l'é~out collecteur des fausses creances indesirées (1981, p. 385)
Une telle situation de convertibilité est utopique et débouche sur l'inconvertîbilité. 

** Richesses de conversion ou créances
Les conclusions précédentes valent, mutatis mutandis, pour tout système de convertibilité, quelle que soit la richesse de conversion. 

** Régime de monnaie inconvertible
La monnaie est inconvertible quand la valeur de son unité est definie comme celle dont est dotée en fait et à l'instant consideré, l'unité de quantité de monnaie.
Jacques Rueff distingue les systèmes à monnaie inconvertible selon leur élasticite. 

*** régime élastique
La régulation monétaire consiste à fixer le taux d'escompte au niveau du taux d'intérêt. Mais le cours forcé de la monnaie est obligatoire. 

*** régime inélastique
La monnaie n'a pas de contrepartie. La monnaie n'ayant pas de contrepartie, les autorités monétaires n'ont aucun moyen de pratiquer la régulation monétaire... 

II - Jacques Rueff, un «libéral perdu» parmi les pIanistes.
Je retiendrai deux grands désaccords entre Rueff et les libéraux qui me font dire qu'on peut considerer que Jacques Rueff est un «libéral perdu» ... parmi les planistes. 

Le premier est que, selon Jacques Rueff, l'ordre n'est jamais spontané. En cela, il est en désaccord avec Friedrich von Hayek, grand libéral devant l'Eternel, pour lequel l'ordre de marché est un ordre spontané. Second grand désaccord, Jacques Rueff ne rejette pas l'intervention de l'Etat. Selon lui, il existe des formes d'intervention de lEtat qui sont non seulement nécessaires, mais encore souhaitables. En cela, il est en désaccord avec Hayek et Ludwig von Mises, autre grand libéral, pour qui l'Etat ne saurait intervenir dans l'économie.
Ces désaccords nous situent dans la seconde partie de sa vie. Jacques Rueff développe les idées qui les sous-tendent à partir de 1939 ... 

1 - L'ordre n'est jamais spontané (désaccord avec Hayek)
Selon Jacques Rueff, l'ordre de marché n'est pas spontané : 

«Avant toute chose, je voudrais faire observer que l'ordre n'est jamais spontané. Une société naturelle, une société laissée à elle-même, ne serait pas une société ordonnée. Je n'ai pas besoin d'insister sur les caractéristiques profondes de la nature humaine. Vous savez tous qu'une société d’hommes livrés à eux-mêmes, donc affranchiis de toute éducation religieuse ou morale et des contraintes civiques d'une société civilisée, serait une société sauvage où le fort s'approprierait le faible et où chacun déterminerait par la force le domaine de la souveraineté». 

En cela, Rueff est en désaccord avec Hayek. 

* Libéraux et néo-libéraux («libéraux perdus»)
Jacques Rueff le reconnaît : libéraux et néo-libéraux (ceux que j'appelle les «libéraux perdus ») ont une foi égale dans les bienfaits de la liberté. Mais les premiers attendent la liberté d'une génération spontanée qu'il faut seulement ne pas compromettre. Les seconds veulent la faire éclore, croître et se developper, en la rendant acceptable et en écartant d'elle les entreprises qui tendent constamment à l'annihiler. Et Jacques Rueff déclare faire partie des seconds... 

* L'ordre
Qu’est-ce que l'ordre ou, plus exactement, l'ordre social ? Pour Jacques Rueff, c'est une société à la fois pacifiée et gouvernée. Il est à souligner que l'ordre social ne doit pas être confondu avec l'équilibre économique. L'ordre social est certes aussi peu probable a priori que l'équilibre du marché, mais il n'est pas assuré par un mécanisme puissant de régulation comme l'est l'équilibre économique par le mécanisme des prix, voire par un processus du type de la réguiation monétaire. 

Quels sont les facteurs de l'ordre social ? L'imposition de la paix sociale et le gouvernement.

** L'imposition de la paix sociale
La paix sociale est imposée par deux actes. Le premier est l'établissement d'un système tendant à la pacification et excluant la guerre. Le fait est qu'on est arrivé à une structure juridique fondée essentiellement sur le droit de propriété. 

Sous cet angle, Rueff rejoint Hayek pour qui l'ordre de marché repose sur le droit. Mais Rueff ajoute que la première intervention économique est celle qui délimite les champs de souveraineté individuels pour créer une structure sociale dans laquelle chaque chose ne puisse être désirée que par une seule personne. 

Cette institution du droit de propriété, qui empêche l'appropriation par la violence, a pour conséquence immédiate et nécessaire l'établissement de marchés, car si on ne peut pas prendre par la violence, on ne peut acquérir qu'avec le consentement de celui qui detient, donc que par l'échange. Ainsi prend naissance, le second acte de l’imposition de la paix sociale, la deuxième institution fondamentale : le marché. En cela, Rueff se rapproche de Hayek qui en est arrivé à préférer le mot «catallaxie » au mot «marché» pour mettre l'accent sur l'échange.

** Le gouvernement
Selon Jacques Rueff, le monde qui ne sera que pacifié sera un monde d'homicide, de luxure et de mensonge. De plus, quid de l'avenir ? Il fait remarquer que le christianisme abandonne à César le soin d'imposer les actes qui détermineront l'évolution collective de la société ?
C'est ainsi que Jacques Rueff distingue la société pacifiée et la société gouvernée. La société pacifiée est une société dans laquelle chaque chose est assujettie à la volonté d'une seule personne, en d'autres termes, dans laquelle le droit de propriété existe, a été institué. L'institution du droit de propriété soumet toute chose à un maître et un seul. Pour l'individu, il divise l'univers en deux parts : le domaine possédé où il est souverain, le reste du monde où, sauf consentement du propriétaire, il est sans action. 

La société gouvemée est la société dans laquelle le gouvernement modifie la valeur globale des droits de propriété et partant la répartition des richesses entre les individus puisque cette valeur et elle seule fixe la répartition (p. 531). 

Qu'est-ce que le gouvernement ?
Jacques Rueff definit le gouvernement (qu'il soit théocratique, moral ou civil) comme cette action qui tend à faire que les sociétés soient autres que les feraient les seules volontés des personnes qui, dans leur sein, ont été élevées à la «dignité de cause», par l'exercice d'une faculté de disposition sur les choses. C'est l'art de modifier, par voie de contrainte, la destination donnée à certaines richesses, en substituant des fins collectives, sociales ou morales aux fins individuelles. 

** L'ordre libéral et l'ordre socialiste
Il s'ensuit que, selon Jacques Rueff, il y a non pas un mais deux types d'ordre social. L'ordre libéral est un ordre caractérisé par l'entière liberté du propriétaire à l'intérieur du domaine possédé. L'ordre socialiste dans sa forme extrême n'est qu'un ordre libéral où l'Etat est le seul propriétaire des instruments de production. 

2 - L'intervention de l'Etat (désaccord avec Mises et avec Hayek)
Il reste que Rueff considere que l'équilibre du marché peut ne pas plaire et qu'en conséquence, le gouvernement doit agir et le rendre plus plaisant. C'est là le grand désaccord entre, d'un côté, Rueff et, de l'autre, Mises ou Hayek. 

Selon Jacques Rueff, gouverner, c'est soustraire des richesses à la maîtrise de leurs propriétaires respectifs pour les consacrer aux emplois que les autorités gouvernementales venient pour elles. A cet égard, le libéralisme est une méthode de gouvernement, et non pas un degré de gouvernement, à laquelle s'oppose l'interventionnisme ou le socialisme. Le libéralisme porte sur les droits de propriété tandis que le socialisme tend à restreindre les volontés individuelles. 

Si l'équilibre du marché ne plaît pas, que peut-on faire? Peut-on chercher à améliorer l'équilibre du marché ? Rueff se pose donc la question et y répond par l'intervention de l'Etat. On sait que Hayek condamne la question (cf. par exemple son livre Droit, législation et liberté, tome 2), Mises la réponse (cf. ci-dessus introduction). 

Selon Jacques Rueff, on doit faire appel à l'Etat et il doit intervenir sans nuire au libre jeu du mécanisme des prix. Il y a des interventions institutionnelles ou nécessaires et des interventions souhaitables. 

*Les formes d'interventions nécessaires ou institutionnelles
L'équilibre du marché peut ne pas plaire au regard d'objectifs particuliers ou au regard des prooessus qui y conduisent ** Au regard d'objectifs particuliers. *** L'objectif de l'ordre
L'ordre n'est jamais spontané, il faut le réaliser. 

*** L'objectif de la liberté
Pour Jacques Rueff, la liberté n'est pas spontanée. Il fait partie de ceux qui veulent faire éclore, croître et se développer la liberté, en la rendant acceptable et en écartant d'elle les entreprises qui tendent constamment à l'annihiler. Jacques Rueff considère aussi que la liberté peut engendrer des abus. Les associations de toute espèce nuisent au marché. La liberté peut engendrer des abus contre lesquels non seulement le mécanisme des prix lui-méme ne peut rien, mais encore qui risquent de faire disparaître le mécanisme 

*** L'objectif du bien-être
Jacques Rueff definit le gouvernement (qu'il soit théocratique, moral ou civil) comme cette action qui tend à faire que les sociétés soient autres que les feraient les senies volontés des personnes qui, dans leur sein, ont été élevées à la «dignité de cause», par l'exercice d'une faculté de disposition sur les choses. C'est l'art de modifier, par voie de contrainte, la destination donnée à certaines richesses, en substituant des fins collectives, sociales ou morales aux fins individuelles. 

La simple existence de l'institution juridique qu'est le marché n'assure pas son efficacité. Le juriste peut la décréter, elle reste illusoire, si l'économiste ne l'établit pas. 

** Au regard des processus sociaux
*** Le libre jeu du mécanisme des prix
Le mécanisme des prix ne fonctionne pas sans conditions. Il fait sortir du desordre des initiatives individuelles Si... Il faut une structure juridique fondee sur le droit de propriété. 

*** La régulation monétaire
Dans certains systèmes monétaires, la régulation monétaire est automatique. Dans d'autres, la régulation monétaire n'est pas automatique. Dans ceux qu on connaît auj ourdhui nationalement et internationalement, il en est ainsi. Tant qu'on n'aura pas découvert le «bon système monétaire», c'est-à-dire le système monétaire automatique qui fasse l'unanimité, la régulation monétaire doit être administrée. 

La régulation monétaire tient ainsi dans la démarche des autorités monétaires pour faire en sorte d'adapter constamment, à chaque instant, la quantité de monnaie d'équilibre - effective - à la quantité de monnaie désirée. 

* Les formes d'intervention souhaitables
Pour atteindre les objectifs et étant donné les processus sociaux, il faut donc des interventions de l'Etat. Mais il ne faut pas des interventions qui portent atteinte au mécanisme des prix, à son libre jeu. Il faut des interventions qui établissent les conditions de son fonctionnement. 

** Les interventions incompatibles
Que faut-il entendre par interventions incompatibles avec le mécanisme des prix, avec son libre jeu? Elles designent toutes les interventions qui portent sur les prix eux-irêmes. à savoir les prix, taux de salaire, taux d'intérêt ou taux de change. L'immobilisation des prix ou la bonification d'intérêt en sont des exemples. Il en est de même de la fixation de plancher (salaire minimum) ou de plafond aux prix (taux de l'usure). Se rendre compte que le mécanisme des prix est puissant, ne veut pas dire qu'il n'est pas fragile, incassable au contraire. De telles interventions le cassent et créent ainsi des desordres et portent préjudice au bien-être des individus contrairement à ce qui peut leur être dit. 

** Les interventions compatibles 
Au nombre des interventions qui ne portent pas atteinte au mécanisme des prix, à son libre jeu, il y a les interventions sur le cadre juridique et sur le cadre monétaire.
Sur le cadre juridique, il y a par exemple :
- les interventions qui tendent à sauvegarder le mécanisme des prix lui-même contre les abus mêmes que la liberté peut y engendrer, donc à sauvegarder le marché contre les associations de toute espèce.
- les lois anti-cartel ou lois antitrust (entreprise contre le libre jeu du mécanisme) - les lois sur les sociétés (pour rendre impossible le mensonge) 

Il y a donc aussi la gestion monétaire qui tend à assurer la stabilité des prix dans un système monétaire non automatique. Mais attention ! Comme le souligne Jacques Rueff, parfois, c'est malheureusement le desordre monétaire lui-même qui est adininistré sans consideration du mécanisme de réguiation monétaire. Ce qui lui fait écrire à Rueff : 

«Vouloir lutter contre l'inflation, sans connaître le mécanisme de la régulation monétaire, c'est partir sans savoir où l'on veut aller et surtout en ignorant les moyens d'y parvenir.» 

Il y a enfIn les interventions ponctuelles qui affectent les causes du mécanisme des prix comme par exemple : 

la fixation de la durée de travail la fixation de droit de douane.
Toutes les formes d'interventions de l'Btat ne sont pas à mettre sur un même pied. Certaines sont nécessaires, d'autres preférables à des troisièmes. En vérité, pour Rueff, elles se ramènent à dire qu'il faut que le marché soit institutionnel. Le marché instiutionnel se distingue du marché manchestérien : il est une zone de laisser passer, non de laisser faire. 

Conclusion : Jacques Rueff - une double singularité sans ambiguïté ni paradoxe
Jacques Rueff est donc en accord avec les libéraux pour lesquels les prix ne doivent pas être manipulés, d'une façon ou d'une autre, par les bons esprits qui se veulent omniscients, je veux parler des hommes de l'Etat. Il est aussi en accord avec les libéraux pour lesquels la monnaie doit échapper à l'emprise des hoinmes de l’Etat au niveau international. De ce point de vue, et étant donné le haut fonctionnaire qu'a été Jacques Rueff et qui a combattu les idées de ceux qu'il dénomine « planistes » en 1939, il faut voir en lui un «libéral perdu parmi les planistes». 

Mais Jacques Rueff apparaît en désaccord sur deux points avec les libéraux pour lesquels l'ordre (l'ordre de marché ou l'ordre social) est spontané et l'Etat ne saurait intervenir dans l'économie, même si l'intervention ne porte pas sur le libre jeu du mécanisme des prix. 

Si l’on n'y prend garde, on peut lui imputer, a contrario, un accord avec les planistes. Une telle démarche serait hâtive et doit être dénoncée. Cela reviendrait à voir dans Jacques Rueff, un «planiste perdu parmi les libéraux». 

Etant donné les éléments que j'ai présentés, rien ne justifie un tel jugement. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de Jacques Rueff, en tant que «libéral perdu» parmi les pianistes, au sens où on a parlé, à une époque pas si lointaine, des «soldats perdus». Autrement dit, Jacques Rueff n'est ni ambigu, ni paradoxal. Il a une double singularité quand on prend pour référence soit les planistes, soit les libéraux. 

Et, en pratique, cette caractéristique devient une ambiguïté ou un paradoxe pour l'opinion en raison de la démarche qui conduit à porter attention à des résultats qu'il donne et non aux deux principes fondamentaux d'où il les tire : libre jeu du mécanisme des prix et monnaie hors de l'orbite des hommes de l’Etat. Soulignons en passant que cette démarche est en opposition avec la méthodologie de Jacques Rueff et des libéraux en général, elle leur fournit un autre point d'accord contre les planistes. 

La double singularité de Rueff me semble suffire pour comprendre son isolement dans la pensée économique tant en France que dans le reste du monde. Cela dans le meilleur des cas. Dans le pire, elle explique l'incompréhension, la déconsidération, voire l'ostracisme dont il a été et est encore aujourd'hui l'objet. J'en ai donné des illustrations en introduction. Permettez-moi de vous en donner deux autres pour conclure. 

Certains d'entre vous se souviennent, je pense, des propos de Raymond Aron dans la déceimie 1960 qui stigmatisait la pensée de Jacques Rueff sur le système monétaire international et sa publicité pour l'étalon-or en écrivant qu' «on était plus du temps de la lampe à huile et de la marine à voile». 
 La déconsideration est évidente, je n'y insiste pas. 

Plus proche de nous, il y a un articulet de Sciences et vie économie de decembre1986 qui prête à Jacques Rueff, comme solution au chômage, la proposition
«de diminuer le salaire réel et les allocations distribuées aux chômeurs pour permettre à la loi de l'offre et de la demande de fonctionner» (p. 46) 

Ce que je viens de vous dire sur le libre jeu du mécanisme des prix qui ne doit pas être entravé révèle l'ignorance, volontaire ou non, du journaliste. 

J'ai tenté de vous exposer très schématiquement le contenu de la singularité de la pensée économique de Jacques Rueff pour lever toute ambiguïté ou paradoxe à son sujet. Si vous avez le sentiment que je n'y suis pas parvenu, j'espère au moins y avoir contribué un peu et pourquoi pas vous avoir donné envie de lire ou relire Jacques Rueff.

Georges LANE



 
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