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novembre 23, 2025

Les entretiens avec Stéphane Geyres...!

Ce prophète de la liberté a un message à vous faire passer. (Entretien avec Stéphane Geyres)

Dans un paysage politique dominé par les variantes d'étatismes, je suis allé à la rencontre d'une personne qui a étudié un système alternatif nécessitant la sortie de la démocratie.


Bonjour Stéphane Geyres,
Vous avez un point de vue libertarien, vous estimez que l’on doit sortir de la démocratie, supprimer l’État au profit d’une société de contrats, d’entreprises et de propriété privée et avec un rapport aux autres qui fonctionne sur le “consentement libre” et la “non-agression”. Vous cherchez à diffuser ces idées depuis plusieurs années.
1. Est-ce bien résumé ?


Bonjour à Vous, et merci pour cette proposition d’entretien. Je suis heureux qu’un média s’affichant “L’humain” trouve un intérêt humain au libertarianisme, qui selon moi en est la meilleure expression philosophique. Oui, c’est assez bien résumé, merci et bravo pour la synthèse. En effet, Libéralie est une société où absolument toute l’organisation sociale repose sur le libre consentement de chacun, matérialisé par des contrats et des entreprises en pleine concurrence.

Il y a cependant trois mots dans votre résumé que je souhaite reprendre. «Point de vue» : Les libertariens font une différence nette entre théorie et opinion, ou ‘point de vue’. La doctrine libertarienne ne repose en rien sur une opinion, mais sur des certitudes fondamentales. Le Droit naturel est prouvé – je dis bien prouvé, comme en maths – la théorie économique autrichienne l’est tout autant. Ces certitudes, mises en musique sociale, permettent alors la pleine libre expression des opinions ou préférences sociales de chacun.

Aucune autre doctrine politique ne permet cette articulation. «l’on doit» : Je n’impose rien à personne. Mais en effet, quiconque souhaite vraiment la Liberté n’a pas d’autre choix logique que de se débarrasser de tout monopole, donc de l’état. «supprimer» : Et pour compléter, je n’impose pas aux autres de supprimer leur cher état, mais j’exige, je revendique qu’on me laisse, qu’on nous laisse choisir de le quitter, totalement. C’est strictement légitime.

2. Aviez-vous des prédispositions sociales qui vous ont mené vers une vision libertarienne ?

Pas spécialement. Deux facteurs familiaux ont cependant pu jouer : Je suis d’une famille d’entrepreneurs et d’artisans, et j’ai grandi à l’étranger, donc loin de la propagande de l’Éducation nationale. Aussi, un événement brutal – vivre en direct et sur place l’explosion de la crise des subprimes en 2008 – m’a déclenché un besoin immense de comprendre comment on avait pu en arriver là.

Pour mieux vous répondre, je pense que nous sommes tous, absolument tous, des libertariens naturels. On naît libertarien. Être libertarien, c’est être humain, tout simplement. Et inversement. Par contre, c’est l’endoctrinement massif subi par chacun durant ses jeunes années qui finit par faire de nous des zombies étatistes – de droite comme de gauche, peu importe, la différence entre les deux est infime.

3. Dans les pays européens sociaux-démocrates, nous cherchons souvent où placer la limite à la liberté et d’ailleurs rarement, voire jamais, celle de l’égalité. De même, nous entendons les termes “ultralibéralisme” mais jamais “ultracommunisme”, “ultraétatisme”, “ultrasocialisme”,…
Est-ce à dire que les médias sous perfusion étatique jouent un rôle majeur dans notre imaginaire ?

C’est une observation très juste. Je la généraliserai : personne ou presque n’ose – car il s’agit bien d’oser – remettre en cause le socialisme, le communisme, encore moins les versions politiques du communisme issues des diverses religions, telle la sharia ou les kolkhozes. Le «Bien» serait définitivement de leur côté. Donc plus on s’en éloignerait – comme le préfixe «ultra» le suggère – plus on tendrait vers le «Mal» absolu. Il n’y a rien de naturel à cette croyance. Sauf déficients psychiques, les parents, sous toutes les latitudes, enseignent à leurs enfants des valeurs qui sont à l’inverse du communisme.

Les enfants ont un sens instinctif de la propriété privée et du développement personnel. Le rôle intemporel de tout parent est de se transformer en une route de son enfant vers la prospérité, dans la civilité et le respect d’autrui. Il faut donc bien que ce soit des acteurs sociaux, disons, qui tordent cet ordre des choses en cet imaginaire que vous évoquez à juste titre. Et ce qui importe à voir, c’est que l’état ne peut agir autrement, car sans cela, il n’aurait aucune place légitime aux yeux de l’Enfant sur son chemin vers l’Homme.

 

4. L’égalité, selon-vous, est-ce une valeur qui compte ? Est-ce seulement une conviction d’ordre privée, qui serait secondaire ou du même ordre qu’une conviction confessionnelle par exemple ?

Je vous répondrai par une pirouette que je crois significative. Dans un article sur Libéralie, et dans mon Liberté Manifeste, je propose d’adopter la «devise nationale» suivante : Liberté, Inégalité, Concurrence. C’est vous dire combien je vois une valeur dans l’égalité ! La Gauche – et la pseudo Droite ne fait que la suivre – commet, volontairement, une erreur profonde dans sa confusion entre égalité et Justice.

La Révolution est née de la volonté de détruire les privilèges, donc d’aller vers «l’égalité devant la loi». Mais l’égalité devant la loi, cela ne permettait pas de faire des lois contre les «riches» et les «exploiteurs» que Marx est venu fantasmer depuis. Il leur a donc fallu faire glisser l’égalité de la loi vers celle de la richesse, ou plutôt vers la pauvreté égale pour tous. L’égalité rime depuis avec légalité, mais c’est l’inégalité seule qui est restée légitime. Pourquoi ? Juste un exemple : si nous étions tous en situation d’égalité, pourquoi faire des échanges entre nous ? Pourquoi commercer ? Tout échange vient de l’inégalité de ses acteurs et en crée une autre. Comme valeur, l’égalité est donc celle d’un monde à la Matrix, où nous sommes tous uniformes – sauf bien sûr les élus plus égaux que les autres.

5. La liberté, vous dites, c’est elle qui a façonné la civilisation et qu’elle n’est “guère à la mode aujourd’hui”. En Europe, ou en Occident plus largement, on constate sous certains aspects un effondrement civilisationnel. Et donc on a tout un tas leaders d’opinion qui commencent à surfer sur la vague. Chacun tente d’expliquer le déclin et on en a de toutes les couleurs ! Et vous, vous dites que c’est lié à la liberté.
Quand est-ce qu’on a eu assez de liberté pour pouvoir bâtir cette civilisation ?

C’est une bonne question, merci. Dans une vidéo récente (#100) sur la chaîne «Pour ainsi dire» de mon ami Laurent, je conclus que la civilisation se fait «malgré la démocratie». Et je maintiens cette position ici. La civilisation n’est pas, n’est jamais et n’a jamais été faite par le pouvoir politique – ou religieux, qui n’en est qu’une variante – mais par les gens, par les individus. Le pouvoir, bâti sur la force arbitraire, la coercition, est le parfait contraire de la civilisation. Ce n’est pas le roi qui imposa aux gens de se respecter et de préférer le commerce à la guerre. Le roi dut respecter le commerce pour se faire accepter des gens.

Ce n’est pas un dieu quelconque qui inventa et imposa au monde les diverses formes du «Tu ne tueras point». (C. S. Lewis vous expliquerait que l’adoption du Tao est un fait universel.) Ce sont les «sages» des religions anciennes qui surent intégrer le fait universel du Droit naturel dans leurs textes – pour, ce faisant, en devenir les premiers transmetteurs. (Allez chercher par exemple chez Hermann Hesse, ‘le Jeu des Perles de Verre’, pour sa vision du transmetteur.) Les gens vivent et font donc la civilisation au jour le jour. Leur capacité à la faire positivement exploser est déterminée par le plus ou le moins d’oppression qu’ils subissent du pouvoir politique et religieux.

6. La Liberté, est-ce le seul sacré à sanctifier et dont on ne peut blasphémer ?

Je ne vois pas la Liberté comme un sacré d’ordre religieux – même si les diverses Écritures l’ont absorbée dans leurs propres sacrés. La Liberté est plutôt un sacré d’ordre logique et d’ordre naturel. Encore une fois, la Liberté est vécue spontanément par les hommes, chaque homme, tous les hommes, si «on» (les loups parmi les hommes) les laisse faire.

La Liberté est pour moi plutôt une valeur, sinon La Valeur, l’autre face de la Justice, sa sœur jumelle. Une Valeur vitale et profonde de et pour l’Humanité, qu’il s’agit d’affirmer, entretenir et transmettre, sauf à voir l’Espèce finir comme dans Matrix et ses champs d’élevage...

7. Historiquement, les révolutionnaires puis les républicains au pouvoir ont eu peur du retour à l’Ancien Régime. Aujourd’hui, les royalistes ne représentent globalement pas une menace. L’Action Française par exemple ne fait que quasiment que donner des cours d’Histoire de France.

Ensuite, il y a eu les nationaux/conservateurs/populistes. Eux ne menacent pas forcément de danger de mort, mais comme ils veulent orienter l’État, il est facile de jouer le “théâtre antifasciste”.

Par contre, j’ai l’impression que l’État français a très peur des libertariens. Il commence à les surveiller sur les réseaux sociaux. C’est très compliqué de bâillonner ceux qui prônent la liberté maximale. Le contraste est tellement visible que le récit ne fonctionnerait pas. La liberté, c’est une idée qui se vend assez bien.

C’est tout ce qu’il y a de logique que l’état nous surveille. Car il n’y a dans l’espace politique que les libertariens (j’entends par là les anarcho-capitalistes, les minarchistes ne sont pas des libertariens) pour remettre totalement en cause sa légitimité et le prétendu besoin de son existence. Toutes les autres lignes politiques ne sont que des variantes de l’étatisme, selon l’une des couleurs de l’arc-en-ciel. Même les anarchistes historiques, issus en France de la révolution de 1848, conçoivent en fait une société qui reproduit une forme d’état collectiviste, parce qu’ils ne font pas confiance au libre marché pour remplacer l’état.

L’état sait très bien qu’Etienne de la Boétie avait raison il y a déjà 500 ans, quand il le qualifiait de «colosse aux pieds d’argile». Que les gens sortent de leur hypnose, celle calquée par la propagande en continu, et la question de l’état saura aussitôt réglée. Quant à savoir si la Liberté se vend bien, je ne demande qu’à le croire. C’est bien parce que j’en suis convaincu que j’avance chaque jour. Cependant, la foule des étatistes de tous bords montre qu’il y a encore beaucoup à faire pour que la vente se fasse en masse.


PARTIE II : Allons en profondeur de la théorie libertarienne

La liberté, c’est de pouvoir faire ce que l’on désire avec notre propriété privée. Ce droit se négocie entre les Hommes.
Stéphane Geyres

1. Si l’on veut situer le libertarianisme dans un temps long. Peut-on dire qu’il est issue d’autres courants de pensée ou tradition ? Aussi, pourquoi le libertarianisme est-il plus répandu aux États-Unis plutôt qu’en France ?

Je souhaite d’emblée faire référence à un livre sorti récemment aux Editions John Galt, consacré précisément à ‘Une Histoire du Libertarianisme’, par Romain Jégouic. Ce livre montre justement que les origines sont lointaines, remontant jusqu’en Chine, même si l’accélération est depuis venue de la période des Lumières – dont il ne faut pas oublier la branche germanique, l’Aufklärung.

Les thèses libertariennes sont vives en Amérique, tout simplement parce que, par tradition depuis la découverte du Continent, la Liberté demeure dans l’esprit de pionnier qui a fait son histoire et sa population. Tout à l’opposé de la France, dont le centralisme, le colbertisme, le jacobinisme, le bonapartisme marquent les esprits depuis les Bourbons, voire plus tôt. Cinq siècles de centralisme, qui ont en plus empreint le pays de mépris envers l’initiative personnelle et l’entreprise, avant même l’arrivée de Marx.

2. Le consentement, qu’apporte-t-il, pourquoi est-il si important ?
Pourquoi on devrait baser nos relations économiques et politiques sur cette notion ?

La réalité humaine fait que pour vivre, il faut se nourrir. Pour se nourrir, il faut avoir produit, ou tout au moins cueillir. La survie de l’Espèce repose sur sa capacité à produire. Le développement de l’Espèce repose sur sa capacité à surproduire, afin de pouvoir capitaliser et disposer de temps pour inventer et créer du loisir, de l’art ou des outils pour… mieux et plus produire. Il y a deux façons de produire : l’autarcie ou la division du travail. Nous sommes depuis toujours ou presque dans un monde de division du travail, qui repose sur une forme ou une autre de répartition des fruits de ce travail.

Il y a deux formes de répartition de ces fruits : l’échange libre ou la répartition par la force, càd le vol ou l’expropriation. La première forme est celle du libre consentement. Elle est aussi culturellement, profondément, intrinsèquement à l’Homme, celle de la Justice. La seconde est celle de l’esclavage et de l’injustice. Toute démarche politique qui sortirait de la stricte logique de l’échange libre – la base des relations économiques naturelles – tombe donc aussitôt dans le champ de l’esclavage. Or depuis les Lumières, si ce n’est bien avant, «on» prétend être sortis de l’esclavage...

3. Comment distingue-t-on un consentement libre d’un consentement manipulé, ou énormément manipulé (ex : secte) ? Je précise ma question, la vie quotidienne est déjà pleine de petites manipulations (ex : le papier toilette se situe souvent au fond d’un supermarché et les chips vers l’entrée et la sortie.). Étant donné que la notion de manipulation est très difficile à prouver, et que s’il y a manipulation, la personne peut être endoctrinée à croire qu’elle a été libre de son choix. Ne pourrait-il pas y avoir une création massive de la part de personnes (physiques ou morales) malintentionnées pour créer du consentement non-libre ?

C’est une question classique, mais qui en fait ne se pose pas vraiment, du moins pas en ces termes. Je suggère de visionner la vidéo chez «Pour ainsi dire», ou celle de la série AuCoeurDeLaLiberte.fr pour approfondir le sujet, qui est celui du libre arbitre. En substance, la confusion vient du manque de distinction entre ‘influence’ – un synonyme plus neutre de ‘manipulation’ – et ‘décision’. À moins de vivre en ermite isolé, il n’y a pas de vie sociale sans influence permanente des uns envers les autres, sur tous les sujets de la vie. C’est une bonne chose, car c’est ainsi que la vie économique, et donc la survie, s’organise. C’est aussi une mauvaise chose lorsque l’influence devient manipulation et propagande, bien évidemment. Mais ces considérations font partie de la vie, tout homme responsable et adulte doit avoir appris à vivre avec elles, à faire le tri entre le côté clair et le côté obscur de l’influence.

Dans tous les cas, quelles que soient les influences qui l’ont affecté, il demeure factuel, objectif, incontestablement observable qu’il finit par décider de son action. Il ne peut pas ne pas agir et il est incontestable que cette prise de décision nous semble, nous paraît libre – la seule exception, c’est lorsqu’il subit objectivement une coercition de la part d’autrui. Pourquoi est-ce incontestable ? Parce que prétendre le contester, c’est décider d’agir soi-même : on ne peut pas contester ce que l’on fait soi-même. En synthèse, l’individu est toujours, objectivement, libre de son action, donc de son consentement, sauf lorsque l’état lui impose son oppression, sa coercition.

4. Où met-on la limite entre “influence normale” et “manipulation qui rend un consentement invalide” ?

Pour voir où se trouve la frontière, il faut revenir à ce qui caractérise socialement la Liberté : On vient de le voir, il y a Liberté lorsqu’il y a libre choix. Le libre choix se matérialise dans la concurrence, réelle ou possible (légale), en toutes choses – ce qui renvoie à la devise «Liberté, Inégalité, Concurrence», plus haut. Ainsi, une entreprise, en concurrence sur son marché, peut tenter de me séduire, càd de m’influencer à acheter ses produits. Tant que la concurrence me permet de lui dire «non, merci», le libre consentement est préservé. Mais lorsque le message vient de Bercy, par exemple, ou d’un prétendu «service public» sans concurrence, tel Radio France et la foule des monopoles, où sont la Liberté de choix et le consentement ? Car ne nous y trompons pas, si un service public est en monopole, quel besoin aurait-il de nous influencer, nous séduire, puisque ses produits sont sans concurrence ? Autrement dit, la différence est facile à faire : s’il y a concurrence, on est dans la séduction, tout va bien ; s’il y a monopole, on est dans la propagande et rien ne va plus.

5. Peut-on dire que faire Sécession, c’est une façon moderne et non-barbare de faire une révolution ?

D’une certaine façon, oui, c’est une façon de le voir. Mais je pense que ce n’est pas prendre la pleine mesure du concept. Faire la révolution, c’est souvent une manifestation, une protestation comme disent les anglophones, qui tourne mal, qui passe à la violence. Mais manifester, ce n’est pas une démarche de sécession : celui qui manifeste n’agit pas dans son coin, il agit envers «les autres» et en particulier envers le pouvoir. Il fait jouer sa force politique pour obtenir quelque chose – un privilège ou la fin d’une contrainte. Il s’adresse au pouvoir en place pour obtenir plus de lui. Donc il se met implicitement en position de reconnaissance et de soumission envers le pouvoir en place. La révolution n’est donc pas une remise en cause du pouvoir politique, elle n’est qu’une secousse qui prétend lui donner une autre forme, ou d’autres oligarques. Mais ce n’est pas une rupture d’avec le système politique, encore moins une rupture pacifique. La sécession est une rupture pacifique ; sa seule revendication, c’est la reconnaissance du droit difficilement contestable à l’autodétermination. Faites comme vous voulez, mais acceptez de me laisser faire comme je veux. Faites, mais sans moi.

6. Qui veut faire sécession à part les libertariens ? Une alliance négociée avec des séparatistes est-elle possible ?

Bonne question. En effet, personne, aucun parti, que je sache, aucune ligne politique ne propose la sécession, pas même les séparatistes. Pas même le «Parti Libertarien»… Les séparatistes – ces dernières années, on pense à la Catalogne, aux Basques de l’ETA, aux Savoyards – ne vont jamais plus loin que d’ambitionner de reconstruire une démocratie – ou autre forme de dictature – sur le territoire cher à leurs cœurs. Ils n’ambitionnent que de passer d’un grand état à un état réduit en proportion de leur territoire. Ils n’ambitionnent que le pouvoir, pas la Liberté de leur «peuple». Les sécessionnistes catalans étaient mêmes de véritables rouges, aspirant à une Catalogne digne de l’héritage espagnol de la guerre civile de 1936. Pourtant, oui, je pense qu’il peut y avoir des synergies à trouver avec ces mouvements, de même que j’étais, à l’époque, un plein soutien au Brexit. Pourquoi ? Parce la sécession sera de toute manière un lent processus, dont il faut soutenir chaque étape, même les étapes laborieuses. Et parce que toute réduction du territoire d’un état contribue à deux facteurs positifs : un état plus petit en surface, c’est forcément des politiciens moins éloignés de la population, donc moins libres de prendre les décisions les plus délirantes – comme on l’observe actuellement à la lointaine Union Européenne ; et un état qui se fragmente, un pays qui en devient deux, c’est une concurrence plus forte entre les pays, c’est un contre-pouvoir plus fort contre la dictature de l’un comme de l’autre.

7. Est-ce que chaque libéralie peut définir sa propre vision du consentement libre ou de non-agression ?

Non, prise au premier degré, cette question n’a aucun sens : le consentement et la non-agression ne se définissent pas en fonction de préférences personnelles, locales ou culturelles. Un individu, quel qu’il soit, où qu’il soit, quelle que soit son époque, sa religion ou sa culture, consent, ou ne consent pas. C’est l’individu qui fait le consentement, ce n’est pas son contexte social, Ce n’est pas la société qui fait le consentement, c’est le consentement qui fait la société. Par contre, et je suppose que c’est plutôt le sens de la question, chaque Libéralie (chaque territoire libre) pourra calquer des préférences locales, culturelles et autres par-dessus le ‘NAP’ – Non-Aggression Principle, Principe de Non-Agression. Le propre du libre consentement individuel, c’est de permettre à toutes les formes de société, d’organisation sociale, de voir librement le jour.


PARTIE III : Parlons un peu de stratégie politique

Pour contextualiser pour les lecteurs, il existe plusieurs approches stratégiques qui peuvent causer des désaccords chez les libertariens.

Certains veulent faire du “rentre-dedans" en “s’infiltrant” dans les institutions démocratiques. Le but est de promouvoir le libertarianisme, de tenter de rapetisser l’État avec le pouvoir obtenu et enfin de faire autant que ce peut pour décentraliser les centres de pouvoirs en petits morceaux, par exemple territoriaux. Ce faisant, la concurrence et surtout la propriété privée pourra retrouver plus de place et les gens auront tendance à défendre la leur et l'e collectivisme/socialisme perdra de son ampleur. Dans ce contexte, les gens seront plus aptes à aller vers une société libertarienne et faire Sécession.

Après avoir essayé la politique, votre point de vue a changé. Pour une question d’efficacité, vous souhaitez plutôt changer l’opinion des gens par le biais de centres de réflexions et les médias. Vous ne voulez pas rentrer dans les règles politiques des institutions. Votre but étant de faire d’un coup seul la Sécession. Vous craignez qu’avec la stratégie du “rentre-dedans” la société reste seulement avec un État minimal, et qu’il redevienne un jour maximal.

Votre approche semble plus puritaine, ne serait-il pas plus judicieux de laisser les différentes stratégies opérer et de voir quelle est la plus efficace dans le temps long ? Peut-être que les deux stratégies vont coopérer.

Précisons que la société libertarienne n’a jamais été expérimentée à grande échelle, dans les sociétés modernes et complexes et dans un temps long. Et donc sur le papier, ça peut être séduisant, mais en pratique — dans le réel — on peut rencontrer des difficultés inattendues. Pensons notamment au ravage de la révolution communiste russe qui a plongé la tête première de la théorie à la pratique. Les marxistes avaient prévu de supprimer l’État une fois la dictature du Prolétariat établie, et d’avoir une société sans pauvre. Le réel a été autre.


1. Que diriez-vous aux sceptiques qui veulent y aller petit à petit ?

J’ai fait de nombreux écrits, des heures de vidéo sur cette question, à nouveau je renvoie donc à Liberté Manifeste ou à AuCoeurDeLaLiberte.fr pour développer ma réponse qui sera forcément trop brève. Mais en substance, en écho à votre préambule, les arguments sont de quatre ordres :

1) Entrisme (jouer le jeu politique de l’intérieur) : L’entrisme est voué à l’échec, on le sait à l’avance, et l’histoire des Thatcher de ce monde nous l’illustre. L’échec est certain pour deux raisons. L’ambition réductionniste (celle de Javier Milei, celle qui imagine réduire l’état à un «état minimal» bien inoffensif), c’est une ambition qui buttera sur la démocratie elle-même : quel est le mécanisme qui permet à une démocratie minimale de s’auto-saborder en une Libéralie ? Il n’y en a aucun, ce serait anticonstitutionnel. Libéralie est donc inaccessible via l’entrisme, seule la sécession y conduit. La seconde raison nous vient de Hans-Hermann Hoppe et son célèbre livre ‘Démocratie, le dieu qui a échoué’. Ce livre explique – je précise : il démontre, comme en maths – que la démocratie, sur le long terme, ne peut pas converger vers l’état minimal, car elle converge vers le communisme. Toujours. Le meilleur des Javier Milei pourra bien crier tous les «Afuera !» de la Terre, ses successeurs – sinon lui-même avant eux – seront politiquement obligés de suivre la demande de la masse, et la masse n’a pas d’incitation à renoncer à la redistribution de l’état-providence.

2) Sécession ou pas : De toute évidence, je n’ai pas et n’aurai jamais les moyens de réaligner tous ceux qui se disent libertariens sur la ligne sécessionniste. Ce qui ne m’empêche pas de le tenter. Il est donc évident que certains tentent et tenteront encore la voie de l’entrisme, bien malheureusement. Ce n’est pas bien grave ; dans l’absolu : ils sont autant de freins à la chute dans le trou noir communiste. En vision positive, ces gens finiront par entendre raison et rejoindre les réalistes que nous sommes. En vision négative par contre, à défendre de facto la démocratie, chacun devient le pire adversaire de la Liberté.

3) Temps long & Expérimenter : La pensée libertarienne a un gros avantage sur les autres. Son raisonnement aprioriste lui permet de décrire les phénomènes avant qu’ils se produisent. Ce n’est pas de l’arrogance, ni du fantasme, mais de la pure logique. Ainsi, les auteurs libertariens ont déjà largement écrit et décrit le mécanisme de la conservation ou de la perte de la Liberté à long terme. Et à cet égard, ce n’est certainement pas un Robert Nozick qui décrit le véritable processus. Il vaut mieux lire Frank Chodorov, ‘Essor et Chute de la Société’. En substance, il dit une chose simple : pour perdre la Liberté à terme, il faut ni plus ni moins qu’y renoncer. Sinon, rien ne peut la mettre à sa loi, et certainement pas les lois de l’économie.

4) Communisme : La comparaison avec le communisme témoigne d’une autre de ces confusions quant à la source de la doctrine libertarienne. Les communistes se trompent, parce qu’ils partent d’une fausse description du monde, d’une fausse théorie économique. Ils ne décrivent pas la réalité, donc leurs projets ne peuvent s’inscrire dans la réalité. C’est exactement le contraire s’agissant de la doctrine libertarienne. Aucune – I repeat, aucune – doctrine n’est plus solidement ancrée dans le réel de l’Homme. De ce fait, il est très rare que ce que décrivent ou annoncent les libertariens soit du pur fantasme...

2. Si une entreprise devient gigantesque… Il peut commencer à y avoir les défauts d’un État ? Si oui, à partir de quand ?

Non, comment cela serait-il possible ? Le raisonnement est simple. Dans ma Libéralie, le régalien est apporté par tout un complexe d’entreprises. Une en particulier, une compagnie d’assurance, possède une dimension internationale qui en fait un mastodonte à notre petite échelle. Bien sûr, sa tentation pourrait être grande d’en abuser. Mais la concurrence veille. Il n’y a pas de pouvoir politique pour lui accorder privilèges ou monopoles. Ainsi, quiconque se sentirait menacé par cette puissance apparente peut à tout moment simplement aller voir ailleurs et à la fois ne plus en dépendre et réduire d’autant sa puissance. Tant qu’il y a concurrence, et tant qu’il n’y a pas d’état pour forcer, imposer un monopole, la menace posée par mon assureur ne demeure qu’une hypothèse de salon... Ou un choix des clients.

PARTIE IV : Questions simples/réponses simples

1. Vous achetez du BTC ?

Non, je préfère acheter des «assets» ayant une valeur commerciale.

2. Qu’est-ce qui vous motive au quotidien ?

La curiosité, le besoin de comprendre, mes enfants, mes petits-enfants, les jeunes de ce pays, l’espoir d’une vague utilité sociale...

3. Une passion insoupçonnée ?

J’en ai deux. La première est un peu connue : le risque dans le domaine informatique et la théorie mathématique de l’informatique en général.
L’autre, ce sont les traces géologiques universelles de très anciennes civilisations, dont je suis convaincu qu’elles nous ont transmis le Droit.

4. Un livre ou une musique ?

Gödel, Escher et Bach, de Douglas Hofstadter.

„Invisible Limits“, Stratosfear, par Tangerine Dream.

 


 

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EXPRESSION: La Main Invisible/Stéphane GEYRES et le livre Libres !! 

Stéphane GEYRES et le libertarianisme 

Stéphane Geyres: Y a-t-il des obligations chez les libertariens ?

Libertariens contre Libéraux par Stéphane GEYRES 

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Voter, pourquoi donc !! (A) Pourquoi voter - un dossier de 2012 Books - Stéphane GEYRES)

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octobre 27, 2025

Les Libertariens en images



























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Stéphane Geyres: Y a-t-il des obligations chez les libertariens ?

Qu'est-ce que la Liberté, où en sont les limites, comment peut-elle nous permettre de vivre mieux ? Libres ! ! "opus 2" est sorti, osez la Liberté. 

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Les mouvements libertariens pour 2017 dans le monde !!

Philosophie libertarienne, les critiques et la réponse !! 

Le Libertarianisme comme Lemennicier

L'anarcho-capitalisme serait-il un idéal de socièté ? La France des "Lumières" serait-elle toujours aussi innovante ?

Droits naturels ou DROIT NATUREL ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 


septembre 09, 2025

Pourquoi le décentralisme ? Au-delà de la gauche et de la droite par David S. D’Amato

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L'accent mis sur la décentralisation unit les radicaux de gauche et de droite dans la politique américaine, tandis que les modérés soutiennent le pouvoir central.

Comme j'ai tenté de le montrer dans les deux précédents articles, le décentralisme défie les conceptions populaires tant de la droite que de la gauche politiques. La droite s'identifiera à la résistance décentraliste contre le gouvernement centralisé et la croissance et le pouvoir des bureaucraties de l'exécutif, ainsi qu'à l'importance accordée par le décentralisme au respect de la souveraineté des petites entités politiques. La gauche appréciera également l'accent mis par les décentralisateurs sur les mérites du localisme, en particulier en matière de durabilité économique et environnementale, et leur opposition de principe à la domination des grandes entreprises sur la politique et la culture. Les aspects les plus destructeurs et les plus néfastes de la politique américaine actuelle sont le fait des « modérés », qui sont non seulement centristes, mais aussi centralistes. Les décentralisateurs, en revanche, se trouvent principalement aux extrémités droite et gauche, même s'ils ont plus de similitudes que de différences.


En 1996, lors de la Conférence internationale sur la décentralisation organisée par la E.F. Schumacher Society, les cofondateurs de la société, Kirkpatrick Sale et John McClaughry, ont observé la manière dont le décentralisme transcende le spectre traditionnel gauche-droite. Dans son discours, McClaughry a fait remarquer qu'à première vue, un ancien rédacteur de discours pour, entre autres, George Romney et Ronald Reagan 1 pouvait sembler n'avoir pas grand-chose en commun avec un ancien « pilier des Étudiants pour une société démocratique », pour qui le qualificatif « anarchiste de gauche » était probablement tout à fait acceptable. De même, la conférence de Sale a confronté « l'illusion politique de la terre plate », proposant à la place l'idée qu'il n'y a en réalité pas beaucoup de différence entre « les anarcho-communautaristes, les communautaristes, les communards et les anarchistes de gauche, et les libertariens, les jeffersoniens et les individualistes de droite ».Et tout comme les principes décentralisateurs sont capables de transcender les clivages politiques et les divisions partisanes, les principes opposés ont également transformé la politique américaine et pris le dessus sur les deux grands partis au XXe siècle. Dans son histoire de la période allant de 1877 à 1920, Robert Wiebe retrace « l'émergence d'un nouveau système » en Amérique, la transition d'une « société de communautés insulaires » décentralisée vers un système « dérivé des besoins réglementaires et hiérarchiques de la vie urbaine et industrielle ». L'ère progressiste a entraîné de profonds changements dans la vie sociale, politique et économique. De plus en plus centralisé, le pouvoir gouvernemental a intégré « une variété de dispositifs administratifs flexibles » qui étaient auparavant inconnus de la Constitution américaine, tant en théorie qu'en pratique.

Dans son ouvrage intitulé Is Administrative Law Unlawful? (Le droit administratif est-il illégal ?), le juriste Philip Hamburger soutient que les pouvoirs actuellement dévolus à l'État administratif constituent une dangereuse déviation par rapport aux principes juridiques et constitutionnels traditionnels, et que les agences administratives du gouvernement fédéral exercent désormais des fonctions législatives et judiciaires qui devraient être réservées respectivement au Congrès et au pouvoir judiciaire. Le problème identifié par Hamburger est fondamentalement celui de la centralisation. Des rôles qui devraient être clairement répartis et exercés par des organes spécialisés ont convergé vers le pouvoir exécutif. Décrivant le problème « en termes de conduite hors route », Hamburger montre que le pouvoir exécutif, chargé d'exécuter et d'appliquer la loi, s'est depuis longtemps arrogé le pouvoir illégal de lier les sujets sur le plan législatif et judiciaire. Explorant la généalogie du droit administratif contemporain, Hamburger trouve ses origines dans le pouvoir « prérogatif absolu » dont jouissait la Couronne en Angleterre, « un pouvoir hors-la-loi », essentiellement libre de toute contrainte juridique traditionnelle. Aux États-Unis, la résurgence de ce type de pouvoir arbitraire est une conséquence directe de la subversion, par l'ère progressiste, du concept de l'État de droit et de la séparation des pouvoirs prévue par la Constitution. Les progressistes ont résolument rejeté les idées des Lumières sur les droits naturels et inaliénables. Ils estimaient que la prise de décision politique pouvait être comprise comme une science exacte, qui devait être maîtrisée et administrée par des experts au sein d'organismes gouvernementaux centraux dédiés à des domaines politiques spécifiques (par exemple, les ministères de l'Éducation, de l'Agriculture et du Travail).

Les bureaucrates formés, voués à des études spécialisées et empiriques, devaient exercer un pouvoir politique beaucoup plus important, la séparation traditionnelle des trois pouvoirs étant de plus en plus considérée comme une limitation dépassée et inutile au progrès véritable. Comme le souligne Hamburger, les réformateurs progressistes craignaient que les législateurs élus et le processus législatif n'avancent trop lentement et ne se révèlent insuffisamment progressistes, incapables de réaliser les changements radicaux qu'ils envisageaient. Des universitaires tels que Frank Goodnow, expert en droit administratif de l'ère progressiste, voulaient isoler les questions politiques importantes de la foule de la politique populaire et « préconisaient la consolidation du gouvernement comme moyen de parvenir à la consolidation de la société ». Pour les progressistes, la centralisation du pouvoir était la voie vers la réforme et le véritable progrès social-à la fois la centralisation à Washington, qui prive les gouvernements des États de leur pouvoir et de leur autonomie, et la centralisation au sein du pouvoir exécutif, qui usurpe les fonctions constitutionnelles des pouvoirs législatif et judiciaire. Pour atteindre les objectifs souhaités, les progressistes estimaient qu'il fallait un gouvernement qui ne soit pas freiné par des principes juridiques dépassés, datant d'une époque révolue, avant la découverte de la véritable compréhension scientifique du rôle approprié de l'État-nation dans le façonnement de la société. Alors que la Constitution avait été conçue pour ralentir et rendre plus délibératif le processus législatif, l'adhésion des progressistes au pouvoir prérogatif du droit administratif permettrait au gouvernement de contourner ces obstacles qui freinaient la transformation de la politique et, par conséquent, de la société.

S'opposant aux attitudes progressistes qui caractérisent aujourd'hui tant la gauche que la droite politiques, les décentralisateurs considèrent que les hiérarchies rigides et les contrôles gouvernementaux entravent les processus d'expérimentation et de découverte qui mènent à une société saine et prospère. Plutôt qu'un système statique d'uniformité, le décentralisme préconise, avec John Stuart Mill, « que toutes les expériences économiques, entreprises volontairement, devraient bénéficier de la plus grande liberté », et que seules la force et la fraude devraient être interdites. Il faut éviter le contrôle centralisé et l'homogénéité sociale et politique qui en résulte, et encourager le pluralisme dynamique. Les idées de Friedrich Hayek s'avèrent ici éclairantes. En tant qu'approche philosophique, le décentralisme ne nie ni la nécessité pour les sociétés humaines de planifier, ni celle pour les individus de s'associer et d'agir ensemble afin de mener à bien ces plans bénéfiques. Comme l'écrit Hayek dans The Use of Knowledge in Society, « il ne s'agit pas de savoir s'il faut planifier », mais plutôt « qui doit planifier ». Centralisée au sein d'un petit groupe de bureaucrates, la planification est susceptible de rencontrer les difficultés qui accompagnent naturellement à la fois l'information limitée et l'incapacité à trier correctement même les informations disponibles. Comme l'enseigne Hayek, « la concurrence, en revanche, signifie une planification décentralisée par de nombreuses personnes distinctes ». La centralisation politique et économique sont des phénomènes naturellement concomitants. Limiter le pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire le pouvoir prérogatif, des décideurs économiques limite nécessairement les types de favoritisme et de privilèges spéciaux qui conduisent à des conditions de monopole ou d'oligopole. En l'absence de tels privilèges, une entreprise participant au marché ne peut atteindre une taille importante qu'en maintenant une valeur et un service exceptionnels pour les consommateurs. 2

Dans Organizing Locally: How the New Decentralists Improve Education, Health Care, and Trade (S'organiser localement : comment les nouveaux décentralisateurs améliorent l'éducation, les soins de santé et le commerce), Bruce Fuller, professeur en éducation et politiques publiques, décrit comment « les entreprises plombées par leur lourdeur administrative et les institutions publiques inefficaces se sont retrouvées au pied du mur, en proie à des performances médiocres et à une légitimité déclinante, désormais considérées comme uniquement capables d'éroder l'esprit humain ». La dynamique idéologique du modernisme, qui privilégie les grandes institutions intégrées, semble ralentir au profit d'un retour à des modes de production et d'organisation axés sur la communauté et ancrés localement. Face à cette tendance vers des structures plus petites et plus autonomes, imprégnée d'une méfiance éclairée à l'égard des géants maladroits des idéologies modernistes du XXe siècle, les idées de Pierre-Joseph Proudhon sur la fédération et la structure politique suisse viennent à l'esprit. L'anarchisme de Proudhon recommandait des « engagements réciproques et égaux » entre les instances locales. L'idée de Proudhon sur le contrat politique veut que les organisations décisionnaires « restent dans des limites raisonnables et deviennent rentables et pratiques pour tous », les petites unités « se réservant plus de droits, plus de liberté, plus d'autorité, plus de propriété qu'elles n'en abandonnent ».De même, dans le système cantonal suisse, la diversité de la population et la décentralisation du pouvoir n'ont pas entraîné de désorganisation, mais au contraire une stabilité et un ordre remarquables. Dans Organizing Locally, Fuller observe qu'il ne s'agit plus de savoir « s'il faut décentraliser les grandes entreprises et les institutions publiques, mais comment » le faire efficacement. La théorie politique et les exemples pratiques tels que celui de la Suisse devraient jouer un rôle dans l'élaboration de solutions viables. Soucieux de créer une distance entre ses « nouveaux décentralisateurs » et le libertarianisme, Fuller oppose leurs organisations à la fois aux bureaucraties gouvernementales et aux institutions du marché. Il assure tout au long de son ouvrage que les décentralisateurs dont il parle « n'ont guère confiance dans les marchés seuls » et se méfient des « notions théoriques de marchés purs peuplés d'entreprises non réglementées ». Fuller tombe ainsi fréquemment dans un schéma familier, confondant le corporatisme américain, profondément marqué par l'intervention gouvernementale, avec un système de libre marché fondé sur des principes. Il présente « l'implosion corrompue d'Enron » et « la cupidité massive de Wall Street » comme des preuves à charge contre les « marchés purs ». Organizing Locally révèle souvent une incapacité frustrante, mais appliquée de manière sélective, à faire la distinction entre un marché libre décentralisé et une économie politique existante caractérisée par des subventions clientélistes et des barrières réglementaires à l'entrée. Dans le même temps, Fuller semble parfois parfaitement conscient du fait qu'un véritable marché libre décentralisé, tel que le prônent les libertariens, n'a jamais existé dans la réalité. Au contraire, la relation entre les institutions politiques et économiques nous laisse avec un système hybride désordonné, résultat de la politique et de l'interaction des intérêts plus que d'un système idéologique bien défini. En outre, il note que des contributions décentralisatrices précieuses sont venues tant de la gauche que de la droite, et reconnaît que des « marchés moins contraints » ont souvent « suscité de nouvelles idées ». Même au sein d'une entreprise ou d'une organisation donnée, nous constatons qu'une approche « réglementaire allégée », qui prend au sérieux les formes horizontales d'interaction et d'organisation, présente plusieurs avantages, notamment une circulation plus fluide des ressources et des informations. Comme tant d'autres penseurs décentralisateurs, Fuller dépeint délibérément et de manière séduisante « la tendance à la décentralisation » comme une alternative novatrice à laquelle on se tourne « après que les hiérarchies et les marchés ont déçu ». Et malgré les perceptions confuses et incohérentes des marchés qui parsèment le livre, nous pourrions pardonner aux non-libertaires d'associer à tort les marchés en eux-mêmes aux abus des monopoles des grandes entreprises. Discerner les différences nécessite souvent un œil averti, formé à la théorie du choix public et familiarisé avec les conséquences imprévues des réglementations intrusives. Si l'on veut comprendre correctement les marchés comme des incarnations des principes décentralistes plutôt que comme des écarts par rapport à ceux-ci, les libertariens doivent veiller à éviter le piège des faux choix qui sont si souvent au centre du dialogue politique (par exemple, l'individu contre la communauté et, dans l'exemple de Hayek ci-dessus, la planification contre la non-planification).

La conclusion la plus importante tirée par Organizing Locally est l'affirmation générale selon laquelle des « forces implacables » rendront la survie des « grandes organisations bureaucratiques » de plus en plus difficile. Dans tous les domaines de la vie politique et économique, on observe un éloignement croissant de ce que Fuller appelle les « hiérarchies gigantesques ». Après avoir assisté à une succession d'échecs dans ces deux domaines, de nombreux Américains ne veulent plus avoir affaire aux grandes entreprises ni au gouvernement. Le cynisme et l'ennui sont des réactions naturelles et, il faut le noter, rationnelles à la politique, à l'éloignement du pouvoir et au fait inéluctable que le citoyen ordinaire n'a que peu ou pas d'influence réelle sur les politiques et le processus politique en général. Les nouvelles technologies, en particulier dans les domaines de l'information et de l'internet, ont rendu les petits concurrents plus viables et plus dangereux pour l'économie établie. En matière de gouvernement et de politique publique, les gens veulent plus de choix et moins de directives non négociables venant d'en haut-plus d'influence sur leur mode de vie et les règles qui les régissent. Peut-être sans en avoir conscience, ces personnes, qui font davantage confiance à leurs amis et voisins qu'à la politique, sont des décentralisateurs naturels, créant des communautés et des projets pour eux-mêmes, sans autorisation ni hésitation. Dans l'esprit de Kirkpatrick Sale et John McClaughry, de Murray Rothbard à l'époque où il était de gauche et de droite, les décentralisateurs et les libertaires de toutes sortes devraient se rechercher et entamer des discussions sur la refonte de notre politique et de notre culture autour de communautés authentiques, à taille humaine. La politique terne du modernisme et du progressisme a fait son temps. L'hétérogénéité passionnante de la culture en réseau nous a mis sur la voie d'un système dynamique et tolérant, composé de personnes libres et d'organisations indépendantes, décentralisé et libertaire dans son principe.

David S. D'Amato est avocat, chroniqueur régulier pour The Hill et conseiller politique expert auprès de la Future of Freedom Foundation et du Heartland Institute. Ses articles ont été publiés dans Forbes, Newsweek, The American Spectator, le Washington Examiner, Investor's Business Daily, The Daily Caller, RealClearPolicy, Townhall, CounterPunch et bien d'autres, ainsi que dans des organisations politiques non partisanes telles que l'American Institute for Economic Research, le Centre for Policy Studies, l'Institute for Economic Affairs, la Foundation for Economic Education et l'Institute for Ethics and Emerging Technologies, entre autres. Il est titulaire d'un doctorat en droit de la New England School of Law et d'un master en droit international et technologie de la Suffolk University Law School. Il vit et écrit à Chicago.

février 16, 2025

Vers une société sans État

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Ouvrage de David Friedman (1971), traduit en français sous le titre Vers une société sans Etat (1992), son titre original est The Machinery of Freedom.
 
 



 
 
Ce livre milite pour une privatisation de toutes les fonctions gouvernementales, à l'aide de nombreux exemples, et explore ainsi les conséquences de la pensée libertarienne, telles que l'histoire de l'Islande, et explique les raisons personnelles de l'auteur visant à défendre la pensée libertarienne. Friedman reconnaît que ce livre lui a été inspiré par le roman Révolte sur la Lune d'Heinlein, qui décrit une société où toutes les fonctions gouvernementales sont privées.
Des chapitres portent sur la privatisation de la loi et de la police, et sur la fourniture de biens publics (tels que la défense nationale ou les routes) en société libertarienne. L'approche de Friedman est typiquement anarcho-capitaliste.
 
Alors que la plupart des libertariens adoptent un point de vue déontologique en termes de droit naturel, Friedman est utilitariste et s'attache à montrer les conséquences bénéfiques de l'anarcho-capitalisme pour tout le monde, y compris les pauvres. Sa vision du passage à une société anarcho-capitaliste est pragmatique et graduelle : par exemple, il préconise les bons scolaires (education vouchers) comme un prélude à la privatisation du système éducatif, et la décentralisation de la police comme une étape vers une défense totalement privée.
Des chapitres sont accessibles en lecture sur le site de David Friedman.
 
 

 
 
La loi de Friedman
Dans cet ouvrage, Friedman énonce une loi selon laquelle tout ce que fait le gouvernement coûte au moins deux fois plus cher que ce que coûterait l'équivalent dans le privé. Il illustre cette loi par plusieurs exemples, tels que le service des Postes. Voir aussi loi de Savas.
Extrait : Police, justice et lois fournis par le marché
(traduction Dilbert à partir de Police, Courts, and Laws - on the market - copyright 1973 et 1978 David Friedman, 1989 Open Court Publishing Company)
Comment, sans gouvernement, pourrions-nous régler les conflits actuellement réglés dans les tribunaux ? Comment pourrions-nous alors nous protéger contre les criminels ?
 
Considérons d'abord le cas le plus facile, la résolution des conflits impliquant des contrats entre des sociétés bien établies. Une grande partie de tels litiges est maintenant réglée, non pas par des tribunaux d'État mais par l'arbitrage privé (comme décrit au chapitre 18). Quand elles élaborent un contrat, les sociétés indiquent la procédure d'arbitrage pour n'importe quel conflit pouvant surgir. Ainsi elles évitent les dépenses et les délais de la justice.
 
L'arbitre n'a aucune force de police. Sa fonction est de rendre des décisions, pas de les faire respecter. Actuellement, les décisions arbitrées sont habituellement exécutoires, mais c'est un développement récent ; historiquement, l'exécution venait du désir d'une entreprise de maintenir sa réputation. Si on refuse le jugement d'un arbitre, il est difficile de persuader quelqu'un de signer un contrat qui indique un arbitrage ; personne ne veut jouer au jeu de « pile tu gagnes, face je perds ».
 
Les arrangements d'arbitrage sont déjà répandus. Tant que les tribunaux continueront à se détériorer, l'arbitrage continuera à se développer. Mais il prévoit seulement la résolution de conflits sur des contrats préexistants. L'arbitrage par lui-même ne fournit aucune solution pour la personne dont la voiture est détériorée par un conducteur négligent, encore moins pour la victime d'un vol ; dans les deux cas, le plaignant et le défendeur (defendant), ayant des intérêts différents et aucun accord préalable, sont peu susceptibles de trouver un arbitre qui leur convienne mutuellement. En effet, le défendeur n'a aucune raison d'accepter un arbitrage quel qu'il soit ; il a tout à y perdre - ce qui nous amène au problème d'empêcher la coercition.
 
La protection contre la coercition est un bien économique. Elle est actuellement vendue dans une variété de formes - gardiennage, serrures, alarmes. Pendant que l'efficacité de la police étatique diminue, le marché fournit des produits de remplacement pour la police, comme pour les tribunaux.
Supposez qu'un jour il n'y ait plus aucune police étatique, mais des agences privées de protection. Ces agences vendent un service qui consiste à protéger leurs clients contre le crime. Peut-être vont-elles jusqu'à offrir une garantie de résultats en assurant leurs clients contre des pertes résultant d'actes criminels ?
Comment de telles agences de protection pourraient-elles vous protéger ? Ce serait sur la base d'une décision économique, selon les coûts et l'efficacité des différentes solutions possibles. À une extrémité, elles pourraient se limiter à la défense passive, installant des serrures et des alarmes sophistiquées. Ou bien elles ne prendraient aucune mesure préventive mais feraient de grands efforts pour retrouver les criminels coupables de délits contre leurs clients. Elles pourraient maintenir des patrouilles ou les voitures en faction, comme la police étatique actuelle, ou elles pourraient se reposer sur des substituts électroniques. De toute façon, elles vendraient un service à leurs clients et auraient une incitation véritable à fournir une qualité de service aussi élevée que possible, au coût le plus bas. Il est raisonnable de supposer que la qualité de service serait plus élevée et le coût plus bas qu'avec le système étatique actuel.
Inévitablement, des conflits surgiraient entre les agences de protection. Comment pourraient-ils être résolus ?
 
Je reviens chez moi un soir et je m'aperçois que mon téléviseur a disparu. J'appelle immédiatement mon agence de protection, Tannahelp Inc., pour signaler le vol. Elle envoie un agent qui vérifie la caméra automatique que Tannahelp, en tant qu'élément de son service, a installée dans mon séjour et découvre la photo de Joe Bock passant la porte avec mon téléviseur. L'agent de Tannahelp contacte Joe, l'informe que Tannahelp a des raisons de le croire en possession de mon téléviseur, et suggère qu'il le rende, avec dix dollars supplémentaires pour le temps et l'effort que Tannahelp a consacrés à le localiser. Joe répond qu'il n'a jamais vu mon téléviseur de sa vie et dit à l'agent de Tannahelp d'aller au diable.
L'agent lui indique que jusqu'à ce que Tannahelp soit convaincu qu'il y a eu une erreur, il doit procéder sur la présomption que le téléviseur est ma propriété. Six employés de Tannahelp viendront donc chez Joe demain matin pour récupérer l'objet. Joe répond qu'il a également une agence de protection, Dawn Defense, et que son contrat leur impose de le protéger si six crétins essayent de pénétrer par effraction dans sa maison et de voler son téléviseur.
 
À ce stade, il semblerait que nous sommes partis pour une aimable petite guerre entre Tannahelp et Dawn Defense. C'est précisément une telle possibilité qui a conduit quelques libertariens non anarchistes, notamment Ayn Rand, à rejeter la possibilité d'agences de protection en concurrence sur un marché libre.
Mais les guerres sont très chères, et Tannahelp et Dawn Defense sont deux sociétés à la recherche de profits, davantage intéressées à économiser de l'argent qu'à jouer les bravaches. Je pense que la suite de l'histoire sera moins violente que ce que Rand a pu supposer.
 
L'agent de Tannahelp appelle son correspondant chez Dawn Defense. « Nous avons un problème. … » ; après avoir expliqué la situation, il précise que si Tannahelp envoie six hommes et Dawn Defense huit, il y aura combat. Quelqu'un pourrait même être blessé. Quel que soit le gagnant, au bout du compte le conflit coûtera cher des deux côtés, qui pourraient même devoir augmenter les salaires de leurs employés pour compenser le risque. Alors, les deux sociétés seront forcées d'augmenter leurs prix. S'ils le font, Murbard Ltd, une nouvelle société commercialement agressive qui essaie de s'établir dans le secteur, baissera ses tarifs et leur volera de la clientèle. Il doit y avoir une meilleure solution.
 
L'homme de Tannahelp présente l'arbitrage comme la meilleure solution possible. Ils porteront le conflit au sujet de mon téléviseur à une société locale d'arbitrage honorablement connue. Si l'arbitre décide que Joe est innocent, Tannahelp accepte de payer à Joe et à Dawn Defense une indemnité pour compenser le dérangement. S'il est estimé coupable, Dawn Defense acceptera le verdict ; puisque le téléviseur n'est pas à Joe, ils n'ont aucune obligation de le protéger quand les hommes de Tannahelp viendront pour le reprendre.
 
Ce que j'ai décrit ici était un arrangement très improvisé. Dans la pratique, une fois que les établissements anarcho-capitalistes seront bien établis, les agences de protection prévoiront de telles difficultés et arrangeront des contrats à l'avance, avant que les conflits spécifiques se soient produits, en indiquant l'arbitre qui les règlera.
Dans une telle société anarchiste, qui ferait les lois ? Sur quelle base l'arbitre privé déciderait-il quels actes sont criminels et comment ils devraient être punis ? La réponse est que des systèmes juridiques seraient produits dans le commerce sur le marché libre, exactement comme des livres et des soutiens-gorge sont produits aujourd'hui. Il pourrait y avoir concurrence parmi différentes marques juridiques, juste comme il y a concurrence entre différentes marques de voitures.





Dans une telle société il pourrait y avoir beaucoup de tribunaux et même beaucoup de systèmes légaux. Chaque paire d'agences de protection convient à l'avance quel tribunal elle invoquera en cas de conflit. Ainsi, les lois en vertu desquelles sera traité un cas particulier seront déterminées implicitement par l'accord anticipé entre les agences de protection des clients concernés. En principe, il pourrait y avoir un tribunal différent et un système de lois différent pour chaque paire d'agences de protection. Dans la pratique, beaucoup d'agences trouveront probablement commode de traiter avec les mêmes tribunaux, et beaucoup de tribunaux pourraient trouver commode d'adopter des législations identiques ou presque identiques, afin de simplifier les affaires avec leurs clients.
Avant de qualifier d'injuste ou de chaotique une société dans laquelle différentes personnes sont régies par différentes lois, rappelez-vous que dans notre société la loi en vertu de laquelle vous êtes jugés dépend du pays, de l'État, et même de la ville dans laquelle vous vous trouvez. Dans le cadre des arrangements que je décris, elle dépend de votre agence de protection et de l'agence de la personne que vous accusez ou qui vous accuse.
 
Dans une société anarcho-capitaliste, la loi est un produit du marché. Un tribunal vit de la facturation des services d'arbitrage qu'il rend. Son succès dépendra de la réputation qu'il obtiendra du point de vue de l'honnêteté, de la fiabilité, de la promptitude et de l'attrait auprès des clients potentiels de l'ensemble des lois qu'il applique. Les clients immédiats sont les agences de protection. Mais une agence de protection elle-même vend un produit à ses clients. Dans ce produit entrera le ou les systèmes juridiques des tribunaux dont elle est cliente, et sous lesquels ses clients seront par conséquent jugés. Chaque agence de protection essayera d'entrer en affaires avec les tribunaux dont le système juridique plaira le plus à ses clients.
 
Considérez, par exemple, la question de la peine capitale. Certains pourraient estimer que le risque d'être eux-mêmes condamnés, à tort ou à raison, et exécutés pour un crime, serait supérieur à tous les avantages de la peine capitale. Ils préféreraient, dans la mesure du possible, faire affaire avec des agences de protection elles-mêmes en affaire avec des tribunaux n'appliquant pas la peine capitale. D'autres citoyens pourraient estimer qu'ils seraient mieux protégés de meurtriers potentiels si on savait que leur assassin potentiel finirait sur la chaise électrique. Ils pourraient considérer cette sécurité comme plus importante que le risque de finir eux-mêmes sur la chaise électrique ou d'être responsables de la mort d'un innocent accusé de meurtre. Ils feraient affaire, si possible, avec des agences liées à des tribunaux appliquant la peine capitale.
 
Si une position ou l'autre est prédominante, il est payant pour toutes les agences de protection d'utiliser les tribunaux de l'une ou de l'autre sorte. Si certaines personnes pensent dans un sens et d'autres dans un autre sens, et si leurs convictions sont assez fortes pour affecter leur choix d'une agence de protection, il est payant pour quelques agences de garantir, autant que possible, de n'utiliser que des tribunaux qui n'adoptent pas la peine capitale. Elles peuvent alors attirer des clients qui sont contre la peine capitale. D'autres agences feront le raisonnement inverse.
 
Les conflits entre deux agences anti-peine capitale, naturellement, iront devant une cour anti-peine capitale ; les conflits entre deux agences en faveur de la peine capitale iront devant une cour en faveur de la peine capitale. 
Que se produirait-il lors d'un conflit entre une agence anti-peine capitale et une agence en faveur de la peine capitale ? 
Évidemment il est impossible que si je vous tue le cas aille devant un tribunal, mais que si vous êtes tué par moi il aille devant un autre. Nous ne pouvons pas tous les deux obtenir exactement la loi qui nous arrange.
 
Nos préférences se reflètent dans les prétentions de nos agences respectives. Si les adversaires de la peine capitale sont plus déterminés que les partisans, les agences seront d'accord pour n'appliquer aucune peine capitale ; les agences qui veulent la peine capitale obtiendront autre chose en contrepartie. Peut-être conviendra-t-on qu'elles ne payeront pas les coûts du procès ou qu'on ira dans leur sens sur un autre point contesté.
 
On peut imaginer un processus de négociation idéalisé, pour ce conflit et pour tout autre. Deux agences négocient le fait de reconnaître un tribunal pro- ou anti-peine capitale. L'agence favorable calcule qu'adhérer à un tribunal en faveur de la peine capitale lui apporte un chiffre d'affaires de 20 000 dollars par an ; c'est la somme additionnelle qu'elle peut obtenir en échange de ses services s'ils incluent une garantie de peine capitale en cas de conflits avec l'autre agence. De la même façon, l'agence anti-peine capitale calcule un chiffre correspondant de 40 000 dollars. Elle offre à l'agence pro peine de mort 30 000 dollars par an en échange de l'acceptation d'un tribunal anti-peine capitale. L'agence pro accepte. Maintenant, l'agence anti-peine capitale peut relever ses tarifs suffisamment pour engranger 35 000 dollars supplémentaires. Ses clients sont satisfaits, puisque la garantie de n'avoir pas de peine capitale vaut plus que cela. L'agence est satisfaite, elle obtient 5000 dollars de bénéfice supplémentaire par année. L'agence pro peine capitale baisse ses tarifs d'un montant qui représente 25 000 dollars par an. Ceci lui permet de garder ses clients et d'obtenir même davantage, puisque l'économie est plus que suffisante pour compenser le fait qu'ils ne puissent obtenir le tribunal de leur choix. Elle gagne donc aussi 5000 dollars par an sur cette transaction. Comme dans tout bon commerce, chacun y gagne.
Si vous trouvez cela un peu confus, cela peut valoir la peine d'y revenir à nouveau ; le principe de base d'une telle négociation deviendra important plus loin quand je discuterai quelle sorte de loi une société anarcho-capitaliste est susceptible d'avoir.
 
S'il advient que les clients des deux agences sont aussi acharnés les uns que les autres, peut-être deux tribunaux seront choisis, un de chaque sorte, et les procès assignés aléatoirement entre eux. De toute façon, la préférence juridique du client, son avis quant au type de loi auquel il entend se soumettre, aura été un facteur important pour déterminer le type de loi qui le régit. Cela ne peut complètement contribuer à le déterminer, puisque accusé et accusateur doivent avoir la même loi.
 
Dans le cas de la peine capitale, les deux positions sont directement opposées. Une autre possibilité est que certains clients veuillent des lois spécifiques, adaptées à des circonstances spéciales. Les habitants de zones désertiques pourraient vouloir un système juridique qui définit très précisément des droits de propriété pour l'eau. Ceux qui vivent ailleurs trouveraient un tel traitement de la question au mieux superflu. Au pire, ce pourrait être une source de procès ennuyeux. Ainsi, les personnes vivant dans le désert pourraient adhérer à une agence de protection qui aurait comme politique d'aller toujours devant un tribunal pourvu d'une loi sur l'eau bien développée. D'autres agences agréeraient l'utilisation de ce tribunal dans les conflits avec cette agence, mais emploieraient d'autres tribunaux entre elles.
 
Les différences entre les tribunaux seraient probablement plus subtiles. Les gens constateraient que les décisions d'un tribunal sont plus promptes ou plus prévisibles que celles des autres, ou que les clients d'une agence de protection sont mieux protégés que ceux des autres. Les agences de protection, essayant d'établir leur propre réputation, rechercheraient les « meilleurs » tribunaux.
 
Plusieurs objections peuvent être formulées contre un tel marché libre de la justice. La première est que les tribunaux rendraient la justice en étant favorable à celui qui paie le plus. Ce serait suicidaire car sans une réputation d'honnêteté, ils n'auraient aucun client - à la différence de nos tribunaux actuels.
Une autre objection est que c'est aux tribunaux et à la législation de découvrir les lois, pas de les créer ; il ne peut pas y avoir en concurrence deux lois de la pesanteur, aussi pourquoi devrait-il y avoir en concurrence deux lois sur la propriété ? Mais il peut y avoir deux théories en concurrence au sujet de la loi de la pesanteur ou de la définition des droits de propriété. La découverte est une activité aussi productive que la création. S'il est évident de déterminer une législation correcte, ou quelles règles sociales découlent de la nature de l'homme, alors tous les tribunaux s'entendront, de même que tous les architectes s'accordent quant aux lois de la physique. Si ce n'est pas évident, le marché engendrera la recherche destinée à découvrir des législations correctes.
 

 
 
Une autre objection est que dans une société avec beaucoup de systèmes juridiques on ne s'y retrouverait plus. Si cela se révèle être un problème sérieux, les tribunaux auront une incitation économique à adopter une législation uniforme, exactement comme les papeteries ont une incitation à produire du papier aux tailles normalisées. Une nouvelle législation sera présentée seulement quand l'innovateur croira que ses avantages sont supérieurs à ceux de l'uniformité.
 
L'objection la plus sérieuse à la législation de libre marché est que le plaignant et le défendeur peuvent ne pas se mettre d'accord sur un tribunal commun. Évidemment, un meurtrier préférera un juge clément. Si le tribunal était choisi réellement par les parties après que le crime s'est produit, cela pourrait constituer une difficulté insurmontable. Dans le cadre des arrangements que j'ai décrits, le tribunal est choisi à l'avance par les agences de protection. On aurait du mal à trouver à un instant donné un nombre de meurtriers suffisant pour faire vivre leur propre agence de protection, une qui serait affiliée à des tribunaux qui ne considéreraient pas le meurtre comme un crime. Et même si c’était le cas, aucune autre agence n'accepterait de tels tribunaux. L'agence des meurtriers accepterait un tribunal raisonnable ou bien serait engagée dans une guerre désespérée contre le reste de la société.
 
Jusqu'à ce qu'il soit réellement accusé d'un crime, chacun veut des lois qui le protègent contre le crime et le laissent interagir paisiblement et productivement avec autrui. Même les criminels sont ainsi. Peu de meurtriers souhaiteraient vivre sous une législation qui leur permettrait de tuer - et aussi d’être tué.

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