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février 16, 2025

Vers une société sans État

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Ouvrage de David Friedman (1971), traduit en français sous le titre Vers une société sans Etat (1992), son titre original est The Machinery of Freedom.
 
 



 
 
Ce livre milite pour une privatisation de toutes les fonctions gouvernementales, à l'aide de nombreux exemples, et explore ainsi les conséquences de la pensée libertarienne, telles que l'histoire de l'Islande, et explique les raisons personnelles de l'auteur visant à défendre la pensée libertarienne. Friedman reconnaît que ce livre lui a été inspiré par le roman Révolte sur la Lune d'Heinlein, qui décrit une société où toutes les fonctions gouvernementales sont privées.
Des chapitres portent sur la privatisation de la loi et de la police, et sur la fourniture de biens publics (tels que la défense nationale ou les routes) en société libertarienne. L'approche de Friedman est typiquement anarcho-capitaliste.
 
Alors que la plupart des libertariens adoptent un point de vue déontologique en termes de droit naturel, Friedman est utilitariste et s'attache à montrer les conséquences bénéfiques de l'anarcho-capitalisme pour tout le monde, y compris les pauvres. Sa vision du passage à une société anarcho-capitaliste est pragmatique et graduelle : par exemple, il préconise les bons scolaires (education vouchers) comme un prélude à la privatisation du système éducatif, et la décentralisation de la police comme une étape vers une défense totalement privée.
Des chapitres sont accessibles en lecture sur le site de David Friedman.
 
 

 
 
La loi de Friedman
Dans cet ouvrage, Friedman énonce une loi selon laquelle tout ce que fait le gouvernement coûte au moins deux fois plus cher que ce que coûterait l'équivalent dans le privé. Il illustre cette loi par plusieurs exemples, tels que le service des Postes. Voir aussi loi de Savas.
Extrait : Police, justice et lois fournis par le marché
(traduction Dilbert à partir de Police, Courts, and Laws - on the market - copyright 1973 et 1978 David Friedman, 1989 Open Court Publishing Company)
Comment, sans gouvernement, pourrions-nous régler les conflits actuellement réglés dans les tribunaux ? Comment pourrions-nous alors nous protéger contre les criminels ?
 
Considérons d'abord le cas le plus facile, la résolution des conflits impliquant des contrats entre des sociétés bien établies. Une grande partie de tels litiges est maintenant réglée, non pas par des tribunaux d'État mais par l'arbitrage privé (comme décrit au chapitre 18). Quand elles élaborent un contrat, les sociétés indiquent la procédure d'arbitrage pour n'importe quel conflit pouvant surgir. Ainsi elles évitent les dépenses et les délais de la justice.
 
L'arbitre n'a aucune force de police. Sa fonction est de rendre des décisions, pas de les faire respecter. Actuellement, les décisions arbitrées sont habituellement exécutoires, mais c'est un développement récent ; historiquement, l'exécution venait du désir d'une entreprise de maintenir sa réputation. Si on refuse le jugement d'un arbitre, il est difficile de persuader quelqu'un de signer un contrat qui indique un arbitrage ; personne ne veut jouer au jeu de « pile tu gagnes, face je perds ».
 
Les arrangements d'arbitrage sont déjà répandus. Tant que les tribunaux continueront à se détériorer, l'arbitrage continuera à se développer. Mais il prévoit seulement la résolution de conflits sur des contrats préexistants. L'arbitrage par lui-même ne fournit aucune solution pour la personne dont la voiture est détériorée par un conducteur négligent, encore moins pour la victime d'un vol ; dans les deux cas, le plaignant et le défendeur (defendant), ayant des intérêts différents et aucun accord préalable, sont peu susceptibles de trouver un arbitre qui leur convienne mutuellement. En effet, le défendeur n'a aucune raison d'accepter un arbitrage quel qu'il soit ; il a tout à y perdre - ce qui nous amène au problème d'empêcher la coercition.
 
La protection contre la coercition est un bien économique. Elle est actuellement vendue dans une variété de formes - gardiennage, serrures, alarmes. Pendant que l'efficacité de la police étatique diminue, le marché fournit des produits de remplacement pour la police, comme pour les tribunaux.
Supposez qu'un jour il n'y ait plus aucune police étatique, mais des agences privées de protection. Ces agences vendent un service qui consiste à protéger leurs clients contre le crime. Peut-être vont-elles jusqu'à offrir une garantie de résultats en assurant leurs clients contre des pertes résultant d'actes criminels ?
Comment de telles agences de protection pourraient-elles vous protéger ? Ce serait sur la base d'une décision économique, selon les coûts et l'efficacité des différentes solutions possibles. À une extrémité, elles pourraient se limiter à la défense passive, installant des serrures et des alarmes sophistiquées. Ou bien elles ne prendraient aucune mesure préventive mais feraient de grands efforts pour retrouver les criminels coupables de délits contre leurs clients. Elles pourraient maintenir des patrouilles ou les voitures en faction, comme la police étatique actuelle, ou elles pourraient se reposer sur des substituts électroniques. De toute façon, elles vendraient un service à leurs clients et auraient une incitation véritable à fournir une qualité de service aussi élevée que possible, au coût le plus bas. Il est raisonnable de supposer que la qualité de service serait plus élevée et le coût plus bas qu'avec le système étatique actuel.
Inévitablement, des conflits surgiraient entre les agences de protection. Comment pourraient-ils être résolus ?
 
Je reviens chez moi un soir et je m'aperçois que mon téléviseur a disparu. J'appelle immédiatement mon agence de protection, Tannahelp Inc., pour signaler le vol. Elle envoie un agent qui vérifie la caméra automatique que Tannahelp, en tant qu'élément de son service, a installée dans mon séjour et découvre la photo de Joe Bock passant la porte avec mon téléviseur. L'agent de Tannahelp contacte Joe, l'informe que Tannahelp a des raisons de le croire en possession de mon téléviseur, et suggère qu'il le rende, avec dix dollars supplémentaires pour le temps et l'effort que Tannahelp a consacrés à le localiser. Joe répond qu'il n'a jamais vu mon téléviseur de sa vie et dit à l'agent de Tannahelp d'aller au diable.
L'agent lui indique que jusqu'à ce que Tannahelp soit convaincu qu'il y a eu une erreur, il doit procéder sur la présomption que le téléviseur est ma propriété. Six employés de Tannahelp viendront donc chez Joe demain matin pour récupérer l'objet. Joe répond qu'il a également une agence de protection, Dawn Defense, et que son contrat leur impose de le protéger si six crétins essayent de pénétrer par effraction dans sa maison et de voler son téléviseur.
 
À ce stade, il semblerait que nous sommes partis pour une aimable petite guerre entre Tannahelp et Dawn Defense. C'est précisément une telle possibilité qui a conduit quelques libertariens non anarchistes, notamment Ayn Rand, à rejeter la possibilité d'agences de protection en concurrence sur un marché libre.
Mais les guerres sont très chères, et Tannahelp et Dawn Defense sont deux sociétés à la recherche de profits, davantage intéressées à économiser de l'argent qu'à jouer les bravaches. Je pense que la suite de l'histoire sera moins violente que ce que Rand a pu supposer.
 
L'agent de Tannahelp appelle son correspondant chez Dawn Defense. « Nous avons un problème. … » ; après avoir expliqué la situation, il précise que si Tannahelp envoie six hommes et Dawn Defense huit, il y aura combat. Quelqu'un pourrait même être blessé. Quel que soit le gagnant, au bout du compte le conflit coûtera cher des deux côtés, qui pourraient même devoir augmenter les salaires de leurs employés pour compenser le risque. Alors, les deux sociétés seront forcées d'augmenter leurs prix. S'ils le font, Murbard Ltd, une nouvelle société commercialement agressive qui essaie de s'établir dans le secteur, baissera ses tarifs et leur volera de la clientèle. Il doit y avoir une meilleure solution.
 
L'homme de Tannahelp présente l'arbitrage comme la meilleure solution possible. Ils porteront le conflit au sujet de mon téléviseur à une société locale d'arbitrage honorablement connue. Si l'arbitre décide que Joe est innocent, Tannahelp accepte de payer à Joe et à Dawn Defense une indemnité pour compenser le dérangement. S'il est estimé coupable, Dawn Defense acceptera le verdict ; puisque le téléviseur n'est pas à Joe, ils n'ont aucune obligation de le protéger quand les hommes de Tannahelp viendront pour le reprendre.
 
Ce que j'ai décrit ici était un arrangement très improvisé. Dans la pratique, une fois que les établissements anarcho-capitalistes seront bien établis, les agences de protection prévoiront de telles difficultés et arrangeront des contrats à l'avance, avant que les conflits spécifiques se soient produits, en indiquant l'arbitre qui les règlera.
Dans une telle société anarchiste, qui ferait les lois ? Sur quelle base l'arbitre privé déciderait-il quels actes sont criminels et comment ils devraient être punis ? La réponse est que des systèmes juridiques seraient produits dans le commerce sur le marché libre, exactement comme des livres et des soutiens-gorge sont produits aujourd'hui. Il pourrait y avoir concurrence parmi différentes marques juridiques, juste comme il y a concurrence entre différentes marques de voitures.





Dans une telle société il pourrait y avoir beaucoup de tribunaux et même beaucoup de systèmes légaux. Chaque paire d'agences de protection convient à l'avance quel tribunal elle invoquera en cas de conflit. Ainsi, les lois en vertu desquelles sera traité un cas particulier seront déterminées implicitement par l'accord anticipé entre les agences de protection des clients concernés. En principe, il pourrait y avoir un tribunal différent et un système de lois différent pour chaque paire d'agences de protection. Dans la pratique, beaucoup d'agences trouveront probablement commode de traiter avec les mêmes tribunaux, et beaucoup de tribunaux pourraient trouver commode d'adopter des législations identiques ou presque identiques, afin de simplifier les affaires avec leurs clients.
Avant de qualifier d'injuste ou de chaotique une société dans laquelle différentes personnes sont régies par différentes lois, rappelez-vous que dans notre société la loi en vertu de laquelle vous êtes jugés dépend du pays, de l'État, et même de la ville dans laquelle vous vous trouvez. Dans le cadre des arrangements que je décris, elle dépend de votre agence de protection et de l'agence de la personne que vous accusez ou qui vous accuse.
 
Dans une société anarcho-capitaliste, la loi est un produit du marché. Un tribunal vit de la facturation des services d'arbitrage qu'il rend. Son succès dépendra de la réputation qu'il obtiendra du point de vue de l'honnêteté, de la fiabilité, de la promptitude et de l'attrait auprès des clients potentiels de l'ensemble des lois qu'il applique. Les clients immédiats sont les agences de protection. Mais une agence de protection elle-même vend un produit à ses clients. Dans ce produit entrera le ou les systèmes juridiques des tribunaux dont elle est cliente, et sous lesquels ses clients seront par conséquent jugés. Chaque agence de protection essayera d'entrer en affaires avec les tribunaux dont le système juridique plaira le plus à ses clients.
 
Considérez, par exemple, la question de la peine capitale. Certains pourraient estimer que le risque d'être eux-mêmes condamnés, à tort ou à raison, et exécutés pour un crime, serait supérieur à tous les avantages de la peine capitale. Ils préféreraient, dans la mesure du possible, faire affaire avec des agences de protection elles-mêmes en affaire avec des tribunaux n'appliquant pas la peine capitale. D'autres citoyens pourraient estimer qu'ils seraient mieux protégés de meurtriers potentiels si on savait que leur assassin potentiel finirait sur la chaise électrique. Ils pourraient considérer cette sécurité comme plus importante que le risque de finir eux-mêmes sur la chaise électrique ou d'être responsables de la mort d'un innocent accusé de meurtre. Ils feraient affaire, si possible, avec des agences liées à des tribunaux appliquant la peine capitale.
 
Si une position ou l'autre est prédominante, il est payant pour toutes les agences de protection d'utiliser les tribunaux de l'une ou de l'autre sorte. Si certaines personnes pensent dans un sens et d'autres dans un autre sens, et si leurs convictions sont assez fortes pour affecter leur choix d'une agence de protection, il est payant pour quelques agences de garantir, autant que possible, de n'utiliser que des tribunaux qui n'adoptent pas la peine capitale. Elles peuvent alors attirer des clients qui sont contre la peine capitale. D'autres agences feront le raisonnement inverse.
 
Les conflits entre deux agences anti-peine capitale, naturellement, iront devant une cour anti-peine capitale ; les conflits entre deux agences en faveur de la peine capitale iront devant une cour en faveur de la peine capitale. 
Que se produirait-il lors d'un conflit entre une agence anti-peine capitale et une agence en faveur de la peine capitale ? 
Évidemment il est impossible que si je vous tue le cas aille devant un tribunal, mais que si vous êtes tué par moi il aille devant un autre. Nous ne pouvons pas tous les deux obtenir exactement la loi qui nous arrange.
 
Nos préférences se reflètent dans les prétentions de nos agences respectives. Si les adversaires de la peine capitale sont plus déterminés que les partisans, les agences seront d'accord pour n'appliquer aucune peine capitale ; les agences qui veulent la peine capitale obtiendront autre chose en contrepartie. Peut-être conviendra-t-on qu'elles ne payeront pas les coûts du procès ou qu'on ira dans leur sens sur un autre point contesté.
 
On peut imaginer un processus de négociation idéalisé, pour ce conflit et pour tout autre. Deux agences négocient le fait de reconnaître un tribunal pro- ou anti-peine capitale. L'agence favorable calcule qu'adhérer à un tribunal en faveur de la peine capitale lui apporte un chiffre d'affaires de 20 000 dollars par an ; c'est la somme additionnelle qu'elle peut obtenir en échange de ses services s'ils incluent une garantie de peine capitale en cas de conflits avec l'autre agence. De la même façon, l'agence anti-peine capitale calcule un chiffre correspondant de 40 000 dollars. Elle offre à l'agence pro peine de mort 30 000 dollars par an en échange de l'acceptation d'un tribunal anti-peine capitale. L'agence pro accepte. Maintenant, l'agence anti-peine capitale peut relever ses tarifs suffisamment pour engranger 35 000 dollars supplémentaires. Ses clients sont satisfaits, puisque la garantie de n'avoir pas de peine capitale vaut plus que cela. L'agence est satisfaite, elle obtient 5000 dollars de bénéfice supplémentaire par année. L'agence pro peine capitale baisse ses tarifs d'un montant qui représente 25 000 dollars par an. Ceci lui permet de garder ses clients et d'obtenir même davantage, puisque l'économie est plus que suffisante pour compenser le fait qu'ils ne puissent obtenir le tribunal de leur choix. Elle gagne donc aussi 5000 dollars par an sur cette transaction. Comme dans tout bon commerce, chacun y gagne.
Si vous trouvez cela un peu confus, cela peut valoir la peine d'y revenir à nouveau ; le principe de base d'une telle négociation deviendra important plus loin quand je discuterai quelle sorte de loi une société anarcho-capitaliste est susceptible d'avoir.
 
S'il advient que les clients des deux agences sont aussi acharnés les uns que les autres, peut-être deux tribunaux seront choisis, un de chaque sorte, et les procès assignés aléatoirement entre eux. De toute façon, la préférence juridique du client, son avis quant au type de loi auquel il entend se soumettre, aura été un facteur important pour déterminer le type de loi qui le régit. Cela ne peut complètement contribuer à le déterminer, puisque accusé et accusateur doivent avoir la même loi.
 
Dans le cas de la peine capitale, les deux positions sont directement opposées. Une autre possibilité est que certains clients veuillent des lois spécifiques, adaptées à des circonstances spéciales. Les habitants de zones désertiques pourraient vouloir un système juridique qui définit très précisément des droits de propriété pour l'eau. Ceux qui vivent ailleurs trouveraient un tel traitement de la question au mieux superflu. Au pire, ce pourrait être une source de procès ennuyeux. Ainsi, les personnes vivant dans le désert pourraient adhérer à une agence de protection qui aurait comme politique d'aller toujours devant un tribunal pourvu d'une loi sur l'eau bien développée. D'autres agences agréeraient l'utilisation de ce tribunal dans les conflits avec cette agence, mais emploieraient d'autres tribunaux entre elles.
 
Les différences entre les tribunaux seraient probablement plus subtiles. Les gens constateraient que les décisions d'un tribunal sont plus promptes ou plus prévisibles que celles des autres, ou que les clients d'une agence de protection sont mieux protégés que ceux des autres. Les agences de protection, essayant d'établir leur propre réputation, rechercheraient les « meilleurs » tribunaux.
 
Plusieurs objections peuvent être formulées contre un tel marché libre de la justice. La première est que les tribunaux rendraient la justice en étant favorable à celui qui paie le plus. Ce serait suicidaire car sans une réputation d'honnêteté, ils n'auraient aucun client - à la différence de nos tribunaux actuels.
Une autre objection est que c'est aux tribunaux et à la législation de découvrir les lois, pas de les créer ; il ne peut pas y avoir en concurrence deux lois de la pesanteur, aussi pourquoi devrait-il y avoir en concurrence deux lois sur la propriété ? Mais il peut y avoir deux théories en concurrence au sujet de la loi de la pesanteur ou de la définition des droits de propriété. La découverte est une activité aussi productive que la création. S'il est évident de déterminer une législation correcte, ou quelles règles sociales découlent de la nature de l'homme, alors tous les tribunaux s'entendront, de même que tous les architectes s'accordent quant aux lois de la physique. Si ce n'est pas évident, le marché engendrera la recherche destinée à découvrir des législations correctes.
 

 
 
Une autre objection est que dans une société avec beaucoup de systèmes juridiques on ne s'y retrouverait plus. Si cela se révèle être un problème sérieux, les tribunaux auront une incitation économique à adopter une législation uniforme, exactement comme les papeteries ont une incitation à produire du papier aux tailles normalisées. Une nouvelle législation sera présentée seulement quand l'innovateur croira que ses avantages sont supérieurs à ceux de l'uniformité.
 
L'objection la plus sérieuse à la législation de libre marché est que le plaignant et le défendeur peuvent ne pas se mettre d'accord sur un tribunal commun. Évidemment, un meurtrier préférera un juge clément. Si le tribunal était choisi réellement par les parties après que le crime s'est produit, cela pourrait constituer une difficulté insurmontable. Dans le cadre des arrangements que j'ai décrits, le tribunal est choisi à l'avance par les agences de protection. On aurait du mal à trouver à un instant donné un nombre de meurtriers suffisant pour faire vivre leur propre agence de protection, une qui serait affiliée à des tribunaux qui ne considéreraient pas le meurtre comme un crime. Et même si c’était le cas, aucune autre agence n'accepterait de tels tribunaux. L'agence des meurtriers accepterait un tribunal raisonnable ou bien serait engagée dans une guerre désespérée contre le reste de la société.
 
Jusqu'à ce qu'il soit réellement accusé d'un crime, chacun veut des lois qui le protègent contre le crime et le laissent interagir paisiblement et productivement avec autrui. Même les criminels sont ainsi. Peu de meurtriers souhaiteraient vivre sous une législation qui leur permettrait de tuer - et aussi d’être tué.

janvier 10, 2016

La taxe sur la valeur ajoutée, un mur de plus en plus haut !!

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.




 Sommaire:

A) Prélèvements obligatoires TVA - Cour des comptes

B) Impôt de Wikiberal




A) Prélèvements obligatoires TVA
 
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) rend public un rapport sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La TVA est le premier impôt en termes de rendement, avec un produit attendu de 156 Md€ en 2016). Elle concerne l’ensemble des agents économiques et représente l’une des principales réalisations de l’harmonisation fiscale européenne. Elle a constitué une innovation fiscale majeure : aujourd’hui, 153 des 193 pays du monde ont adopté une taxe inspirée de la TVA française. Le CPO s’est attaché à analyser dans quelle mesure la TVA est restée ou non conforme à ses objectifs fondamentaux : la neutralité économique et fiscale, la simplicité administrative et le rendement budgétaire. À l’issue de ses travaux, il réaffirme que la couverture des dépenses publiques doit demeurer l’objectif prioritaire de la TVA, a fortiori dans un contexte de crise des finances publiques. La nécessaire amélioration de son rendement invite à un réexamen de la pertinence des dispositifs dérogatoires en termes d’assiette et de taux réduits, et à un renforcement de la lutte contre la fraude.


Un impôt toujours dynamique mais éloigné de ses objectifs initiaux

Créée en 1954, la TVA a été conçue comme un impôt à assiette large destiné à alimenter le budget de l’État sans pénaliser l’activité économique.
Malgré certaines avancées récentes, la directive européenne « TVA » semble aujourd’hui figée, alors que des points en suspens, comme l’assujettissement de certaines activités des personnes publiques à la TVA, méritent d’être tranchés par les États membres.
La TVA représente plus de la moitié des recettes de l’État, mais connaît une situation atypique en France : sa part dans le PIB (6,9 % en 2014) et dans les prélèvements obligatoires (15,3 %) s’est dégradée au cours des dernières années, et les taux en vigueur y sont désormais inférieurs à la moyenne européenne. Cette situation s’explique par l’existence de près de 150 mesures dérogatoires, représentant un coût annuel d’environ 48 Md€. En outre, la fraude à la TVA constitue un manque à gagner non négligeable pour le budget de l’État, estimé à au moins 10 Md€ par an.
Simple dans son principe, la TVA est devenue complexe dans son application, ce qui peut entraîner une insécurité juridique pour les entreprises qui la collectent.


Un instrument d’incitation économique et de redistribution peu efficace


La TVA n’apparaît pas adaptée à la poursuite d’objectifs de politique économique ou de redistribution.
D’une part, son effet de lissage du cycle conjoncturel s’avère faible.
D’autre part, ses taux réduits ne sont pas l’instrument le plus pertinent pour subventionner un secteur particulier. Ils constituent en outre des instruments coûteux et peu efficaces de la politique de l’emploi. Ainsi, dans la restauration, l’introduction du taux réduit a coûté, par emploi créé, deux à trois fois plus cher que les dispositifs de soutien direct à l’emploi.
Enfin, ses effets distributifs en font un impôt régressif, c’est-à-dire que les taux réduits procurent toujours un avantage supérieur aux ménages les plus aisés.


Le nécessaire recentrage de la TVA sur sa finalité budgétaire


Faute d’être un instrument d’incitation économique et de redistribution efficace, la TVA doit être recentrée sur sa vocation budgétaire, d’autant plus que son potentiel de rendement reste insuffisamment exploité.
Le CPO a examiné différentes options possibles pour dynamiser les recettes de TVA, à l’exclusion d’une augmentation générale du taux normal ou des taux réduits. La plupart de ces pistes relève de la compétence du législateur national.
Un axe de progrès concerne la sécurisation des recettes dues. L’administration fiscale dispose de moyens nouveaux pour prévenir, détecter et lutter contre les différents types de fraude ; elle doit les utiliser complètement, en liaison étroite avec l’autorité judiciaire.
Une réflexion plus approfondie doit également être conduite sur les activités de commerce en ligne, qui bouleversent le cadre traditionnel de calcul et de collecte de l’impôt. Le cadre juridique applicable aux ventes à distance, aux petits envois et aux prestations de services fournies par voie électronique est à cet égard très insuffisant.
Le CPO recommande notamment l’élargissement de l’assiette de la TVA et la suppression des taux réduits inefficaces. Parmi ceux-ci figurent deux dispositifs représentant un montant total de 6,3 Md€ : celui pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des logements, et celui bénéficiant aux hôtels-cafés-restaurants.



Synthèse décembre 2015
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt général sur la consommation directement facturée aux clients sur les biens qu’ils consomment et les services qu’ils utilisent.
Plus de soixante ans après sa mise en œuvre en France, la TVA occupe toujours une place à part dans le système des prélèvements obligatoires français en raison de plusieurs de ses singularités :
- avec un produit net attendu de 156 Md€ en 2016, elle constitue le premier impôt en termes de rendement et le deuxième prélèvement obligatoire, après les cotisations sociales ;
- elle concerne l’ensemble des agents économiques, qu’ils soient redevables ou contribuables, même si la charge fiscale est essentiellement supportée, d’un point de vue comptable, par les ménages ;
- elle représente, avec les accises, l’une des principales réalisations de l’harmonisation fiscale européenne, les règles applicables étant largement définies à l’échelle de l’Union.
Compte tenu de ces enjeux, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a décidé de consacrer une étude à la TVA dans toutes ses dimensions – juridique, économique et budgétaire –, en articulant ses travaux autour de la problématique suivante : dans un contexte de crise économique et de fortes tensions budgétaires, quelle peut être la place de la TVA dans le système des prélèvements obligatoires français ?
Pour répondre à cette interrogation, le CPO s’est attaché à analyser dans quelle mesure la TVA était restée ou non conforme à ses objectifs fonda- teurs : la neutralité, entendue au sens économique et fiscal, la simplicité administrative et le rendement budgétaire.
À l’issue de ses travaux qui ont donné lieu à six rapports particuliers théma- tiques également consultables en ligne, le CPO, ayant constaté que la TVA s’était éloignée de ces objectifs fondateurs, formule des orientations pour l’en rapprocher davantage. 

Un impôt toujours dynamique mais éloigné de ses objectifs initiaux
La TVA a été conçue comme un impôt à assiette large destiné à alimenter le budget de l’État sans pénaliser excessivement l’activité économique. Créée en 1954, elle s’est substituée à une multitude de taxes sur la production qui, sans possibilité de déduction, pesaient sur la compétitivité des entreprises et sur les exportations. 

Un impôt harmonisé à l’échelle européenne
La mise en œuvre du marché commun à partir de la fin des années 1960 a rendu nécessaires la généralisation et l’harmonisation de la TVA à l’échelle de la Communauté économique euro- péenne. Si elle est aujourd’hui très encadrée par le droit de l’Union, les États membres n’en disposent pas moins de marges de manœuvre importantes, notamment sur le champ d’application de la taxe, les taux et les droits à déduction. Sources de complexité pour les entreprises, celles-ci sont de nature à engendrer des situations de distorsion de concurrence qui nuisent au bon fonctionnement du marché intérieur. Ainsi, selon la Commission européenne, les coûts de conformité à la législation pour les entreprises représenteraient entre 2 % et 8 % des montants de TVA perçus.
Malgré certaines avancées récentes, concernant en particulier le lieu d’imposition des prestations de services électroniques, la « directive TVA » semble aujourd’hui figée alors que certains points en suspens méritent d’être tranchés par les États membres, comme l’assujettissement de certaines activités des personnes publiques à la TVA, et que les règles sont encore insuffisamment harmonisées.
Cette situation de blocage favorise l’autonomie et la créativité de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle contribue à entretenir une forme d’insécurité juridique pour les redevables dans un contexte où, par ailleurs, l’hétérogénéité des systèmes de TVA s’est accrue au sein de l’Union.
La Commission européenne a engagé depuis 2010 un mouvement de réforme pour « un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace » mais les avancées sont faibles en raison de la règle de l’unanimité qui prévaut en matière fiscale au sein du Conseil de l’Union européenne. 

Une ressource dynamique mais fragile
Avec un produit attendu de près de 156 Md€ en 2016, la TVA représente plus de la moitié des recettes de l’État, et de ce fait, apporte une contribution essentielle au finance- ment des dépenses publiques. Elle est moins sensible à la conjoncture que d’autres impôts, notamment l’impôt sur les sociétés, et donc plus aisément prévisible. Ses coûts de gestion, estimés à environ 700 M€, sont inférieurs à ceux des autres grands impôts, en raison de leur externalisation partielle aux entreprises qui en supportent la collecte et le reversement au Trésor public.
Malgré un triplement de la recette entre 1971 et 2014, le potentiel de rendement de la TVA reste insuffisamment exploité. La France se trouve aujourd’hui dans une situation atypique par rapport à la moyenne des autres pays européens et industrialisés : la part de la TVA dans le PIB (6,9 % en 2014) et dans les prélèvements obligatoires (15,3 %) s’est dégradée au cours des dernières années et les taux en vigueur sont désormais inférieurs à la moyenne européenne. Ainsi, par exemple, le taux nominal normal s’établit à 20 % en France contre 21,8 % en moyenne dans l’Union. Le taux moyen pondéré (15,4 %) est parmi les plus faibles en Europe et le taux réduit moyen pondéré (5,7 %) est inférieur de plus de deux points à celui de la moyenne des états européens.
 
Part de la TVA dans les prélèvements obligatoires (1965-2013) 


Source : CPO (données : OCDE). 

Cette situation s’explique par l’existence de près de 150 mesures dérogatoires – exonérations ou taux réduits bénéficiant à un secteur ou à une zone géogra- phique –, représentant un coût total annuel d’environ 48 Md. Ces mesures, auxquelles il conviendrait d’ajouter les franchises, érodent le rendement potentiel total brut de la TVA. Ce dernier qui est estimé pour la France par la Commission européenne et l’OCDE entre 297 et 323 Md, corres- pond à la taxation à taux normal de l’ensemble de l’assiette potentiellement taxable (incluant les services financiers et les prestations réalisées par les administrations publiques par exemple). 

Taux de TVA applicables en France en 2015 


Note : les cases bleutées correspondent aux taux réduits. Source : Code général des impôts. 

En outre, la fraude à la TVA, qui peut revêtir de nombreuses formes, constitue un manque à gagner non négligeable pour le budget de l’État, estimé au moins à 10 Md par an. Le CPO n’a pas été en mesure de fournir une évaluation plus précise en raison des limites méthodo- logiques et de l’absence de données publiques disponibles. À cet égard, il est regrettable que l’administration française ne publie pas, sur une base régulière, d’estimation officielle de la fraude à la TVA. Des marges de progrès existent pour mieux lutter contre la fraude si l’on considère les résultats décevants du contrôle fiscal au cours des dernières années, notamment en ce qui concerne la programmation des contrôles. 
 
Un impôt simple dans son principe mais en pratique de plus en plus complexe
Simple dans son principe, la TVA est devenue plus complexe dans son appli- cation. Or l’exigence de simplicité est supérieure pour la TVA à ce qu’elle est pour les impôts directs, dès lors qu’elle frappe toutes les transactions et que sa collecte est assurée par les opérateurs économiques.Au regard de cette exigence particulière, le système de TVA est devenu plus complexe malgré des mesures de simplification récemment adoptées. 

La complexité des règles applicables, en matière de taux comme de droits à déduction, peut engendrer une insécurité pour les assujettis et introduire une certaine subjectivité dans le traitement des biens et des services, selon leur mode de production ou de distribution. Dans un souci de simplification et d’objectivation de l’impôt, une revue générale des taux réduits pourrait être effectuée pour limiter les situations dans lesquelles un même produit peut être taxé à plusieurs taux différents. 

Compte tenu du fait que la TVA est collectée pour le compte de l’État par ses assujettis, l’administration fiscale doit veiller avec une diligence particulière à répondre aux demandes de rescrits qu’ils formulent à son attention. Au-delà de la qualité et de la fluidité des échanges entre l’administration et les redevables, ce sont les règles elles-mêmes qui doivent être simplifiées. Le CPO en a identifié quelques-unes à titre d’illustrations. 
 
La complexité de la TVA se retrouve également dans les formalités déclaratives, parfois inutilement complexes, auxquelles les entreprises sont soumises. Pouvant constituer une charge importante pour les opérateurs économiques, elles devraient être aussi simples que possible, tout en tenant compte des impératifs légitimes de lutte contre la fraude. 

Un impôt visant à préserver l’efficacité productive
Sur le plan économique, l’assiette de la TVA, contrairement à ce que la dénomination de cet impôt laisse penser, est plus proche de la consommation que de la valeur ajoutée. Les principes fondateurs de la TVA, posés par la loi du 10 décembre 1954, visaient à taxer la consommation des ménages, tout en s’affranchissant des inconvénients inhérents aux différentes taxes en cascade sur la consommation. Chaque fraction de la chaîne de production n’est en effet taxée qu’une seule fois et l’impôt est collecté par portions à chaque étape de la création de valeur. En pratique, ce ne sont pas les contribuables qui reversent la taxe au Trésor public, mais les assujettis (les vendeurs de biens et prestataires de services), via le mécanisme des paiements fractionnés1

(1) Cette dissociation entre les redevables et les contribuables existe également pour les cotisations sociales salariales par exemple. Elles sont dues par les salariés mais étant prélevées à la source, ces derniers ne sont pas chargés de les verser à l’État ou aux administrations de sécurité sociale. 

L’assiette économique réelle de la TVA se compose de la consommation des ménages, des dépenses publiques et d’un reliquat d’achats des entreprises. Les exportations ne sont pas exonérées de TVA, alors que les importations y sont assujetties au moment de leur entrée sur le territoire. Cette assiette est proche, sans être strictement équivalente, de celle des cotisations sociales employeurs. Elle est différente de celle de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), impôt local qui a remplacé la taxe professionnelle. En effet, cette dernière s’applique à la valeur ajoutée brute de la dépréciation du capital. À la différence de la TVA, la CVAE pèse sur les exportations et sur l’investissement. Le mécanisme des paiements fractionnés ou le droit à déduction distinguent également la TVA d’une taxe sur le chiffre d’affaires, comme par exemple la contribution sociale de solidarité des sociétés, ou d’une taxe sur les ventes (sales tax), comme celle appliquée par exemple aux États-Unis. À long terme, la TVA pèse ainsi peu sur le capital productif. 

Sa neutralité économique en termes d’efficacité productive confère à la TVA un caractère relativement peu « distorsif » de la TVA : elle est théoriquement neutre pour les producteurs qui ont la possibilité de la déduire de leurs intrants. Elle ne perturbe donc pas les choix de production. Cette neutralité est en réalité imparfaite en raison des rémanences, c’est-à-dire des dépenses de TVA non récupérables, auxquelles font face les entreprises, notamment financières ainsi que les administrations publiques. Ces rémanences peuvent avoir des effets « distorsifs » selon la capacité des assujettis à les répercuter plus ou moins sur les prix de consommation. 

Un instrument d’incitation économique et de redistribution peu efficace
La multiplication des taux réduits sectoriels, les mesures de dévaluation fiscale – auxquelles s’apparente la « TVA sociale » – ou encore les débats relatifs aux effets redistributifs de la TVA, témoignent de son utilisation comme outil de politique économique. Pourtant, la TVA n’apparaît pas comme un impôt adapté à la poursuite d’objectifs de politique économique tels que la régulation du cycle économique, le soutien à des secteurs spécifiques ou encore comme un outil de redistribution. 

Un impôt dont l’effet de régulation du cycle économique est limité
L’efficacité de la TVA en termes de régulation « passive » du cycle écono- mique - c’est-à-dire en l’absence de mesures nouvelles sur l’assiette ou les taux - paraît d’abord limitée : elle n’exerce en effet qu’un faible effet de stabilisateur automatique, l’élasticité de ses recettes au PIB étant quasi unitaire. L’effet de lissage du cycle conjoncturel par la TVA s’avère ainsi faible compara- tivement, par exemple, à l’impôt sur les sociétés. 

Au-delà de sa fonction de stabilisateur automatique, la TVA peut potentiellement être employée comme un instrument de régulation « active » du cycle économique, en modifiant les taux ou l’assiette selon la conjoncture. En bas de cycle, l’effet contra-cyclique théorique d’une baisse de taux pourrait être significatif, mais elle n’est pas fréquemment utilisée à cet effet. En outre, une utilisation expansionniste de la TVA en phase de conjoncture basse présente des risques déflationnistes. Symétriquement, elle ne semble pas non plus être utilisée comme un instrument de régulation de la conjoncture en haut de cycle. La TVA est au contraire plus communé- ment utilisée comme instrument de consolidation budgétaire. Son taux normal a ainsi augmenté de deux points en moyenne entre 2008 et 2014 dans l’ensemble des pays de l’Union européenne (pour s’établir à 21,4 % en 2014). 

Un instrument d’incitation économique peu efficace
Les taux réduits de TVA sont utilisés comme un instrument de politique économique dans une grande variété de secteurs et pour des objectifs multiples : soutien à l’emploi, au pouvoir d’achat des consommateurs ou aux entreprises, lutte contre l’activité non déclarée, etc.
D’un point de vue théorique, les cas dans lesquels ils sont pertinents paraissent limités, d’autres instruments comme les accises ou la fiscalité directe apparaissant plus efficaces pour atteindre certains objectifs comme la correction d’externalités. 
 
D’un point de vue empirique, l’utilisation de taux réduits sectoriels constitue fréquemment une réponse face à l’impossibilité de recourir, pour des motifs juridiques, à des baisses de charges ciblées sur un domaine d’activité spécifique. Le taux réduit de TVA n’apparaît pourtant pas comme l’instrument le plus pertinent pour subventionner un secteur en particulier. Le partage de l’effet de la baisse de TVA entre le producteur et le consommateur est en effet difficile à prévoir ex ante. Il n’est le plus souvent pas mesuré non plus ex post. Les taux réduits liés à des considérations d’efficacité économique restent très insuffisamment évalués. 

En outre, plusieurs taux réduits fixés pour des considérations d’efficacité économique, comme le taux réduit dans la restauration et les hôtels ou celui pour les travaux de rénovation et d’entretien des logements, constituent des instruments peu efficaces de la politique de l’emploi. Dans la restauration,l’abaissement du taux de TVA a été répercuté à hauteur de 20 % sur les prix TTC à moyen terme (entre juillet 2009 et décembre 2011) et un peu moins de 30 % de l’effet aurait conduit à des revalorisations salariales. La répercussion sur les marges des entreprises aurait ainsi été forte, alors que le nombre d’emplois créés serait de l’ordre de 6 000 à 9 000 emplois supplémentaires par an. Le coût par emploi créé par le taux réduit dans la restauration (175 000 à 262 000 ) dépasse ainsi largement celui estimé pour les dispositifs de soutien direct à l’emploi auxquels il s’est substitué (86 000 par emploi pour la prime forfaitaire à l’emploi sectorielle) ou avec lesquels il coexiste (entre 34000 et 42000 par emploi pour les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires en évaluation exante). 
 
La TVA2 applicable aux travaux de rénovation et d’entretien des logements correspond à la création ou à la sauvegarde de 32 000 emplois, dont 14 000 dans le bâtiment. Le coût brut ex post pour les finances publiques par emploi créé ou maintenu s’élève- rait à 160 000 , soit nettement plus que par le biais d’une baisse de cotisations sociales. 

Indépendamment de toute appréciation portée sur l’opportunité de soutenir ces secteurs spécifiques, le recours à la TVA se révèle peu efficace. Une baisse ciblée du taux, dont les effets ne se font sentir que de manière indirecte, conduit les assujettis à arbitrer entre plusieurs objectifs - amélioration des marges, baisse des prix à la consommation, soutien au salaire ou à l’emploi -, rendant d’autant plus incertaine la réalisation de l’objectif poursuivi. 

(2) Taux réduit et, depuis 2012, taux intermédiaire. 

Un outil de redistribution peu pertinent
La TVA n’apparaît pas non plus être un outil de redistribution pertinent. Ses effets distributifs, c’est-à-dire la mesure par laquelle son assujettissement ou non modifie la répartition des revenus des ménages, concluent que la TVA est régressive. Le taux d’effort3 s’élève à 12,5 % pour le premier décile de niveau de vie, diminue jusqu’à 4,7 % environ pour le décile le plus élevé. 

La régressivité de la TVA par rapport au revenu s’explique essentiellement par la très forte augmentation du taux d’épargne selon le décile de niveau de vie. Le poids de la TVA dans la consommation des ménages est d’abord croissant avec le niveau de vie. Le taux de taxation apparent4 fait ainsi apparaître une légère progressivité de la TVA. Il varie en effet très peu selon le décile de niveau de vie : de 12,6 % pour le premier décile de niveau de vie à 13,4 % pour le dernier décile. 

Ensuite, l’effet régressif de la TVA serait atténué en prenant en compte une perspective de cycle de vie, c’est-à-dire une mesure à un moment donné. L’approche par le cycle de vie permet de neutraliser les effets de l’épargne « transitoire », qui n’échappe à la TVA que de façon temporaire puisqu’elle sera consommée par la suite. Enfin, l’effet distributif d’une hausse de la TVA ne se limite pas à l’impact sur les prix de consommation. Du fait de mécanismes d’indexation différenciés et plus ou moins automatiques des différents types de revenus (SMIC, prestations sociales, etc.), les ménages seraient impactés à des degrés divers par une variation des taux de TVA entraînant une variation des prix à la consommation. 
 
En l’état actuel, les exonérations et les taux réduits de TVA présentent un faible impact redistributif car l’effet plutôt régressif du taux intermédiaire à 10 % tend à compenser partiellement le faible effet progressif du taux réduit à 5,5 %. Pour autant, même avec un meilleur ciblage des exonérations et des taux réduits, la TVA ne constituerait pas un puissant instrument de redistribution, notamment en raison de la faible différenciation des structures de consommation. 

(3) Le taux d’effort rapporte à leur revenu disponible le montant de TVA payé par les ménages une année donnée.
(4) Le taux de taxation apparent rapporte le montant de TVA payé par les ménages une année donnée à leur consommation totale hors loyers. 

De plus, l’avantage moyen procuré par chaque taux réduit est toujours supérieur pour le dixième décile par rapport au premier décile de niveau de vie, même pour les biens et les services pour lesquels le taux réduit est redistributif. 

Ces écarts sont particulièrement importants pour les postes restauration et hôtellerie où ils sont de l’ordre de 1 à 10. L’avantage procuré par le taux de TVA à 10 % sur les services de restauration est de 11 en moyenne par ménage pour le premier décile de revenus, il va jusqu’à 121 pour le dernier décile. Sur l’ensemble des biens et des services imposés à taux réduits, l’avantage total s’élève en moyenne à 720 pour un ménage du premier décile contre 2 015 pour un ménage du dixième décile. Ces éléments doivent conduire à préférer la fiscalité directe plutôt que la TVA comme instrument de redistribution. Ils confortent le constat du Conseil des impôts sur la TVA dans son rapport de 2001 invitant à « garder à l’esprit qu’elle n’est pas adaptée à la poursuite d’objectifs redistributifs »
 
Ces constats conduisent ainsi à remettre en question un certain nombre de taux réduits. 

Avantage absolu procuré à chaque décile de niveau de vie par le taux à 5,5 % et le taux à 10 % (en Md


Lecture : par rapport à une imposition au taux normal, le taux réduit à 5,5 % procure un avantage de 1,2 Mdau premier décile de niveau de vie, à comportements inchangés.
Source : CPO, à partir du module « taxes indirectes » du modèle Ines (Insee-DREES), enquête Budget de famille 2011. 


Une utilisation possible de la TVA comme un instrument de dévaluation fiscale qui renvoie plus largement aux politiques de compétitivité et d’emploi
La TVA est fréquemment présentée comme pouvant être le support d’une politique de dévaluation fiscale alternative à la dévaluation monétaire dans un régime de changes fixes tel que la zone euro. Les effets attendus d’une telle politique dépendent en premier lieu de la modification du système fiscal choisi qui peut prendre différentes formes (diminution de l’impôt sur les sociétés ou des cotisations sociales employeurs en contrepartie d’une imposition accrue des revenus ou de la consommation voire d’une baisse des dépenses publiques). Les exportations en étant exonérées, une hausse de TVA concomitante à une baisse de la fiscalité pesant sur les facteurs de production doit permettre d’améliorer la compétitivité-prix à l’exportation. Les mesures de type « TVA sociale » constituent l’une des modalités de la dévaluation fiscale. 

À long terme, un basculement du financement de la protection sociale sur la TVA aurait des effets d’autant plus importants que la baisse des cotisations sociales employeurs combinée à une hausse de la TVA (« TVA sociale ») induirait d’abord une baisse du taux de prélèvements obligatoires pesant sur le facteur travail, et se traduirait ensuite par une hausse de l’emploi et non par une hausse du pouvoir d’achat des travailleurs. L’impact d’une dévaluation fiscale via la TVA dépend également de l’effet sur le commerce extérieur et de la réaction des partenaires économiques. Empiriquement, une dévaluation fiscale s’appuyant sur la TVA pourrait avoir des effets significatifs à court terme, qui toutefois s’estomperaient à moyen-long terme. 
 
Du fait de son caractère non coopératif, la dévaluation fiscale est porteuse d’un effet de contagion : les pays qui connaissent une baisse de leur volume d’exportation en raison de la dévaluation fiscale pratiquée par d’autres pays, sont incités à adopter cette mesure à leur tour pour rétablir leur compétitivité-prix. Depuis 2006, quinze États membres de l’Union européenne ont mis en œuvre une politique de dévaluation fiscale en basculant une part de leur assiette fiscale des facteurs de production vers la consommation : l’Allemagne, le Nord de l’Europe, la Grèce, le Royaume-Uni, et la plupart des pays d’Europe centrale et orientale.

Dans le contexte de dévaluation fiscale multilatérale qui caractérise l’Union européenne au cours des dernières années, une politique de dévaluation fiscale en France aurait pu se justifier dans une logique de rattrapage et de compensation de la perte de compéti- tivité liée aux politiques de dévaluation fiscale opérées ces dernières années par ses partenaires européens. Le crédit d’impôt compétitivité-emploi et les mesures décidées dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité ont désormais réduit l’acuité du débat sur la dévaluation fiscale en France. 

Le nécessaire recentrage de la TVA sur sa finalité budgétaire
La TVA ne constitue pas un instrument d’incitation économique et de redistribution efficace. Elle doit par conséquent être recentrée sur vocation budgétaire, d’autant plus que son potentiel de rendement reste insuffisamment exploité. 

Plutôt que de procéder à une aug- mentation générale du taux normal ou des taux réduits, susceptible de nuire, au moins à court terme, à l’activité économique, le potentiel de la TVA peut être relevé « à taux constants » en renforçant l’efficacité de cet impôt. 

Le CPO a examiné les différentes options possibles pour dynamiser les recettes de TVA sans se prononcer toutefois sur l’affectation des ressources ainsi dégagées. 

La plupart des pistes d’amélioration du rendement de la TVA suggérées par le Conseil relève de la compétence du législateur national et non des institutions de l’Union européenne. 

La sécurisation de la recette légalement due
Le renforcement de l’efficacité de la TVA passe tout d’abord par une sécurisation de la recette légalement due, c’est-à-dire celle qui devrait en tout état de cause être collectée compte tenu du droit en vigueur. L’administration fiscale dispose de moyens nouveaux pour prévenir, détecter et lutter contre les différents types de fraude ; elle doit les utiliser complètement en liaison étroite avec l’autorité judiciaire, qui dispose également d’instruments efficaces, et avec les administrations fiscales des autres États membres. Certaines propositions innovantes mises en place dans d’autres pays européens, comme la déclaration électronique d’achats, devraient faire l’objet d’un examen attentif. 
 
Une réflexion plus approfondie doit également être conduite à l’échelle européenne mais aussi nationale sur les conditions dans lesquelles la TVA due doit être prélevée sur les activités de commerce en ligne qui bouleversent le cadre traditionnel de calcul et de collecte de l’impôt. Le cadre juridique applicable aux ventes à distance, aux petits envois et aux prestations de services fournies par la voie électronique est à cet égard très insuffisant. La récente proposition formulée par la commission des finances du Sénat d’un « prélèvement à la source » mériterait d’être étudiée plus avant, même si elle présente a priori des difficultés, notamment d’ordre technique. 

L’élargissement de l’assiette
La TVA a été conçue pour s’appliquer à l’assiette la plus large possible afin de garantir sa neutralité. Demeurent pourtant de nombreuses exonérations dont le bien-fondé est insuffisamment évalué à l’instar de celle, coûteuse pour le budget de l’État (de l’ordre de 400 M), bénéficiant aux services à la personne. De plus, même si une remise en cause d’une telle disposition serait neutre pour le solde des administrations publiques, la question de l’assujettisse- ment de certaines activités publiques concurrentielles peut être posée. Une baisse du plafond de la franchise en base, actuellement fixé à 82 000 de chiffre d’affaires, au niveau de la moyenne européenne (32 000 ), sans pénaliser excessivement les entreprises concernées, dégagerait un surplus de recettes non négligeable pour le budget de l’État (au moins 2 Md). 

La suppression des taux réduits inefficaces
Les mesures dérogatoires portant sur les taux de TVA applicables à certains biens ou services méritent une attention toute particulière compte tenu du coût important qu’elles représentent pour les finances publiques (au moins 48 Md). Chacune d’entre elles doit faire l’objet d’un examen à l’aune de quatre critères portant sur leur coût budgétaire, leur efficacité économique, leur finalité et leur caractère plus ou moins redistributif. 
 
Au moins deux dispositifs, étudiés de façon approfondie par le CPO et représentant un montant total de 6,3 Md, n’ont pas démontré leur efficacité d’un point de vue écono- mique, ne répondent à aucun objectif tutélaire légitime et présentent un profil clairement anti-redistributif : le taux de 10 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des logements et le taux de 10 % bénéficiant aux hôtels-cafés-restaurants. 

Les dix principales dépenses fiscales de TVA (taux réduits) en PLF pour 2016 


Source : CPO. Projet de loi de finances pour 2016, tome II du rapport relatif à l’évaluation des voies et moyens. 

CONCLUSION
La TVA occupe une place majeure dans le système des prélèvements obligatoires en France et constitue l’une des principales réalisations de l’Union européenne en matière d’harmonisation fiscale. Plus de soixante ans après sa création, elle affiche un bilan contrasté. Le principe d’un impôt sur la consommation à paiement fractionné et donnant lieu à un droit à déduction pour les opérateurs économiques a été adopté par la quasi- totalité des pays, à l’excepion toutefois des État-unis d’Amérique. 

Toutefois, l’évolution du droit, concomitant au bouleversement de la nature des échanges économiques, et l’utilisation de cet impôt à des fins de politique économique, l’ont en partie éloignée de ses objectifs fondateurs : la neutralité, la simplicité et le rendement. 
Dans la continuité du rapport du Conseil des impôts de 2001, le CPO souhaite en particulier réaffirmer que, a fortiori, dans un contexte de crise des finances publiques, la couverture des dépenses publiques doit demeurer l’objectif prioritaire de la TVA. La nécessaire amélioration de son rende- ment invite à un réexamen de la pertinence des dispositifs dérogatoires à la fois en termes d’assiette et de taux réduits et à un renforcement de la lutte contre la fraude.

Détails ici en lien:





B) Impôt de Wikiberal

L'impôt est un prélèvement autoritaire et sans contrepartie directe en vue de couvrir les charges publiques (celles de l'État ou d'une collectivité publique).

L'Impôt strictement encadré (position libérale)

Qu'est-ce que la justice fiscale ?

Adam Smith établit quatre règles fiscales immuables dans son Essai sur la richesse des nations (1776), conditions minimales pour ne pas tomber dans l’arbitraire fiscal :
  • égalité : chaque sujet contribue en proportion de ses facultés, c’est-à-dire en proportion de son revenu ;
  • certitude : la portion d’impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine, et non arbitraire (quand et comment s'effectue le paiement, pour quelle quantité) ;
  • commodité : tout impôt doit être perçu à l’époque et selon le mode qui convient le mieux au contribuable ;
  • économie : tout impôt doit être conçu de manière qu’il fasse sortir des mains du peuple le moins d’argent possible au-delà de ce qui entre dans le Trésor d'État.

Taxation et représentation

Un des principes libéraux concernant la fiscalité est "pas de taxation sans représentation" : celui qui subit la fiscalité a le droit de prendre part aux affaires publiques (au moins indirectement, par la démocratie représentative). C'est la Révolution américaine qui a consacré ce principe déjà énoncé dans le Bill of Rights anglais, les colons américains s'insurgeant contre de nouvelles taxes lors de la Boston Tea Party.

Contre la progressivité de l'impôt 

Les libéraux non libertariens sont en général en faveur d'un impôt proportionnel (du type flat tax), qui laisse intacts les rapports entre les différents revenus nets. En revanche, ils sont opposés à l'impôt progressif, qu'ils jugent confiscatoire et illégitime. La taxation est considérée comme une charge pour couvrir les frais de la production des services offerts par l'État. Au demeurant, l'impôt progressif avait été préconisé par Marx et Engels comme une des premières mesures brutales que devrait prendre le gouvernement révolutionnaire en vue de centraliser les décisions économiques et de renverser in fine la « société capitaliste ».
Dans L'Action humaine, Ludwig von Mises explicite admirablement l'une des raisons de l'opposition libérale à la progressivité de l'impôt, en montrant qu'elle ferme l'accès à la constitution de nouvelles fortunes et profite en fait aux fortunes établies :
« Mais aujourd'hui, les impôts absorbent la plus grande part des profits « excessifs » du nouveau venu. Il ne peut accumuler du capital ; il ne peut étendre sa propre affaire ; il ne deviendra jamais une grande affaire et le rival des situations établies. Les firmes anciennes n'ont pas à redouter sa concurrence, elles sont abritées par le percepteur. Elles peuvent sans danger rester dans la routine, se moquer des désirs du public et refuser le changement. Il est vrai que le percepteur les empêche, elles aussi, d'accumuler du capital neuf. Mais le plus important pour elles est que le dangereux nouveau venu ne puisse pas accumuler de capitaux. Elles sont virtuellement privilégiées par le régime fiscal. En ce sens, la fiscalité progressive entrave le progrès économique et favorise la rigidité sociale. Alors que dans l'économie de marché non entravée la possession d'un capital est une source d'obligation forçant le possesseur à servir les consommateurs, les méthodes modernes de fiscalité la transforment en privilège. »
    — Ludwig von Mises, L'Action humaine, 1949
Pour Friedrich Hayek, la progressivité est "une invitation à la discrimination et le prétexte à un pur arbitraire" (The Constitution of Liberty, 1960). Hayek donnait une autre conséquence provoquée par l'instauration de l'impôt progressif : la déspécialisation. Quelqu'un sachant qu'il sera beaucoup plus imposé en travaillant plus sera désincité à fournir des efforts supplémentaires et préfèrera donc occuper autrement ses heures qu'il aurait normalement consacrées à son labeur. Il optera pour des loisirs ou pour des travaux qu'il exécutera lui-même, évitant ainsi de devoir payer un homme du métier qu'il aurait dû rétribuer normalement avec le salaire récompensant ses propres heures de travail spécialisé.
De plus, Hayek fait un sort à la croyance selon laquelle l'impôt progressif serait bénéfique aux pauvres. Il invoque trois arguments à l'appui de sa thèse :
  1. Les recettes obtenues par l'imposition des tranches élevées des revenus sont plutôt négligeables en comparaison des autres sources fiscales. Elles pourraient tout aussi bien être obtenues en instituant une légère hausse de la proportionnalité.
  2. Les vrais bénéficiaires de l'impôt progressif sont les classes moyennes, et non les indigents.
  3. Par sa propagande laissant croire aux classes moyennes que l'essentiel de la charge fiscale reposait sur les plus fortunés, l'État a réussi à rendre plus tolérable aux contribuables l'augmentation générale de la fiscalité en légitimant ainsi le sentiment d'envie.
Pour Pascal Salin (L'arbitraire fiscal), l'impôt proportionnel ne représente rien d'autre qu'un cas de discrimination sociale, et la progressivité renforce encore ce caractère arbitraire et inégalitaire. Les arguments avancés pour justifier la progressivité de l'impôt sont généralement les suivants :
  • égalisation des sacrifices ("il est normal de demander plus à ceux qui ont plus") ;
  • l'État doit assumer une fonction de "redistribution" et de "solidarité" des "riches" envers les "moins riches".
Le premier argument invoque la loi de l'utilité marginale décroissante, mal comprise et appliquée avec une vision mécaniciste de la société, car l'utilité est un jugement de valeur personnel et il est impossible de comparer l'utilité entre individus différents ; de plus on ne peut parler de "sacrifices", car il n'y a pas de consentement. Le second argument impose une solidarité obligatoire, sans valeur morale ; il n'y a par ailleurs aucune preuve qu'il y ait une redistribution effective vers ceux qui ont réellement besoin d'être aidés.
Maurice Allais, quant à lui, souligne le côté rétrograde de l'impôt progressif :
« L'impôt progressif sur le revenu pénalise les plus capables et favorise indûment les moins capables en les affranchissant de l'impôt. Il constitue un obstacle à la promotion sociale. C'est un impôt conservateur et réactionnaire qui protège la fortune acquise et compromet la constitution de patrimoines pour tous ceux qui ne disposent d'autres ressources que celles de leur travail. »
    — Maurice Allais, Le Figaro du 23 novembre 1975

L'impôt, c'est le vol (position libertarienne)

Impôt et libéralisme

L’impôt n’est pas conforme au principe du libéralisme car il constitue une atteinte à la propriété privée et à la liberté individuelle (comme son nom l'indique, l'impôt est « imposé »[1]). Le prélèvement de l'impôt est fondé par la coercition. La propriété privée concerne à la fois ce qu’un individu possède à un instant donné, et les revenus qu’il retire de son travail ou des biens qu’il possède. Ainsi, l’impôt sur le revenu est une atteinte à la propriété de l’individu sur le fruit de son travail ; l’impôt sur les dividendes est une atteinte à la propriété sur les revenus de ce qu’il possède ; l’impôt sur la fortune est une atteinte à la propriété des biens eux-mêmes :
« L'impôt est contraire au principe de base [du libertarisme] parce qu'il implique une agression contre les citoyens non agressifs qui refusent de le payer. Que le gouvernement offre des biens et services en échange de l'argent des impôts n'y change absolument rien. Le point important est que le soi-disant "échange" (impôt contre services publics) est coercitif : l'individu n'est pas libre de le refuser. Qu'une majorité de citoyens soient d'accord pour la coercition fiscale n'y change rien non plus. L'initiation de l'agression, même supportée par la majorité des gens, est illégitime. »
    — Walter Block, Defending the Undefendable
Alors que beaucoup de personnes estiment que les impôts sont justifiés, soit parce qu'ils réaliseraient une redistribution plus « juste » des revenus (mais on se demande au nom de quel principe d'égalité, puisque le taux de prélèvement est toujours fixé arbitrairement), soit parce qu'ils seraient la contrepartie de services rendus par l'État (éducation, sécurité, voirie, etc.) selon la théorie des biens publics, les libertariens estiment qu'il s'agit d'une extorsion. L'individu ne paye pas en fait des services à un juste prix, il est transformé en payeur aveugle au nom d'un principe collectiviste : fiscalement, il n'y a pas d'affectation des ressources aux dépenses (le butin volé est partagé arbitrairement), et toutes les cours de justice précisent bien que l’impôt est dû « sans contrepartie ». Il n'y a plus pour le citoyen que le choix entre être un esclave (auquel on vole le fruit de son travail) ou un receleur (s'il est bénéficiaire net de l'argent volé).
En résumé, l'impôt est toujours immoral pour les raisons suivantes :
  • absence de consentement : il faudrait que celui qui paie l’impôt y consente librement, et ait la possibilité de refuser ;
  • absence d'affectation : l'impôt devrait être affecté à des dépenses approuvées par celui qui le paie, qui pourrait de plus en vérifier l'affectation (alors qu'en pratique le contribuable ne peut contester le montant de ses impôts en invoquant son désaccord avec l’affectation de tout ou partie des deniers publics)
  • absence d'efficacité : il faudrait que les biens ou les services fournis par l'impôt ne puissent être fournis à de meilleures conditions par le secteur privé, ce que les monopoles publics empêchent ;
  • absence de rétribution : l'impôt devrait être considéré comme un prêt volontaire fait par le contribuable à l'État, il conviendrait donc de le rétribuer par un intérêt conforme aux lois du marché.
Les discussions entre économistes quant à savoir si tel type d'impôt, direct ou indirect, proportionnel ou progressif, serait plus juste que tel autre type d'impôt, sont donc totalement absurdes.

Illusion fiscale

Nuvola apps colors.png Article principal : illusion fiscale.
L'illusion fiscale empêche le citoyen de remettre en question la pertinence de l'impôt qui est levé par le pouvoir et l'emploi qui en est fait.

Social-démocratie

La social-démocratie, tendant vers le socialisme, a tendance à admettre l'idée que l'État a par principe un droit de propriété sur tout ce que possède le citoyen. On parlera par exemple de « cadeau fiscal » lorsqu'il s'agit de baisser tel ou tel impôt. Derrière le mot « cadeau fiscal » il y a l'idée que la totalité des revenus du citoyen appartient en réalité à l'État : l'individu est apparemment censé être content que l'État lui laisse généreusement de quoi vivre, alors qu'avec la taxation il s'agit bien d'une réduction autoritaire et arbitraire de sa propriété en faveur de l'État ! L'État, qui est une cleptocratie, s'ingénie à forger des expressions pour brouiller les idées de ses sujets (un non-vol serait un « cadeau ») et ainsi éviter d'être mis en cause.
L'impôt volontaire, auquel le citoyen est présumé « consentir librement » (article 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen) est un mythe qui ne vise qu'à cacher l'oppression fiscale (essayez, pour voir, de « ne pas consentir » à payer l'impôt, voir Consentement à l'impôt).
Les impôts sont une continuation, avec certaines transformations purement formelles, de l'esclavage : c'est le tribut exigé par quiconque exerce le pouvoir sur les autres. Un esclave, au sens moderne, est celui qui remet la totalité de sa production à son "maitre-propriétaire". Le citoyen contemporain verse la moitié de sa production à l'État, il est donc un semi-esclave de l'État.

L'alternative à l'impôt

Il est évident que certaines fonctions de l’État sont utiles et qu'on ne peut les supprimer, la question est de savoir s'il est nécessaire de les financer par la coercition fiscale et s'il est nécessaire que ce soit la fonction publique (ou le parapublic) qui les prenne en charge. Les solutions libertariennes sont les suivantes :
  • privatisation du maximum d'activités étatiques (par exemple il n'y a aucune raison que l'enseignement, la santé, le réseau routier, la télévision et la radio, la banque, etc. soient pris en charge par l’État) ;
  • les secteurs peu justifiés économiquement (par exemple la culture, le sport, l'assistanat...) seraient pris en charge sur une base volontaire soit par le marché, soit par le milieu associatif (associations culturelles, sportives, caritatives...), soit disparaîtraient d'eux-mêmes (faisant ainsi la preuve de leur inutilité) ;
  • cessation de toute subvention aux associations, aux entreprises, aux syndicats, aux partis, aux églises, etc.
  • concernant les fonctions régaliennes (défense, police, justice), il n'y a pas d'unanimité ; Ayn Rand suggère un impôt volontaire, ce qui est jugé en général illusoire. Dans tous les cas, doivent être respectés :
    • le principe de neutralité de l'impôt : l’État doit laisser jouer les mécanismes du marché et rester en dehors de l'activité économique ;
    • le principe de l'égalité devant l'impôt : impôt égal à capacité contributive égale ;
    • des règles stables dans le temps [2].
Il a existé historiquement plusieurs cas d'États dépourvus de tout impôt et gérés comme des entreprises, comme l'État bernois jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, qui était « un État-entrepreneur domanial »[3] :
Berne était la plus grande république au nord des Alpes, s’étendant des portes de Genève aux portes de Zurich. Ses ressources financières étaient la propriété foncière, les émoluments des offices, les contributions aux routes et le commerce du sel et du blé. En plus, au XVIIIe siècle, les placements à l’étranger fournissaient un septième du budget. (Beat Kappeler, La fin de l’État idéal, Le Temps, 2 juillet 2011)

Courbe de Laffer

Article principal : Courbe de Laffer.

La courbe de Laffer montre qu'au-delà d'un certain seuil, plus la pression fiscale augmente, plus les recettes fiscales diminuent, en raison de l'effet désincitatif sur l'offre de travail (trop d'impôt tue l'impôt).

Synthèse

Dans une perspective libérale classique, un état minimal conduit nécessairement à un impôt minimal, qui n'entrave pas le développement économique (le taux d'imposition est plus proche de 0% que de 100%). En revanche, dans une social-démocratie, l'histoire montre qu'il n'y a pas de limite au taux d'imposition, si ce n'est la désincitation que traduit la courbe de Laffer.
Tel que le conçoivent les libertariens, l'axiome de non-agression aboutit à rejeter le principe même de l'impôt. Les partisans du contrat social, libéraux ou non, arguent que l'impôt fait partie d'un contrat libre passé entre le gouvernement et la population : quiconque n'est pas d'accord peut toujours se libérer du contrat en quittant le pays. En réponse à cette objection, certains libertariens (tendance anarcho-capitaliste) soulignent le caractère fictif du contrat social, qui n'est qu'une justification de l'agression étatique. D'autres (tendance minarchiste) comptent davantage sur la concurrence fiscale entre pays pour « limiter » cette agression.
Il est intéressant d’observer que les origines des droits de l'homme sont liées à la résistance à l'impôt : la Grande Charte (Magna Carta, 1215), la Déclaration d'Indépendance des États-Unis (4 juillet 1776) et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (20 Août 1789) ont leurs origines respectives dans la résistance fiscale, sans compter le plus ancien symbole de la liberté connu, le Ama-gi. Max Stirner l'explique ainsi :
«La propriété fut l'étincelle qui mit le feu à la Révolution. Le gouvernement avait besoin d'argent. Il devait dès lors, pour être logique, montrer qu'il était absolu, et par conséquent maître de toute propriété, en reprenant possession de son argent, dont les sujets avaient la jouissance, mais non la propriété. Au lieu de cela, il convoqua des états généraux, pour se faire accorder l'argent nécessaire. En n'osant pas être conséquent jusqu'au bout, on détruisit l'illusion du pouvoir absolu : le gouvernement qui doit se faire « accorder » quelque chose ne saurait plus passer pour absolu. Les sujets s'aperçurent que les véritables propriétaires étaient eux, et que c'était leur argent qu'on exigeait d'eux. »
    — Max Stirner, L’unique et sa propriété

 

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