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juillet 08, 2015

ÉGALITARISME la pensée unique qui tient tête en socialie Vs ÉGALITÉ

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) Le délire égalitaire - par Jacques Garello - Aleps

B) Les "faites ce que je dis, pas ce que je fais" de l’État - Bertrand Nouel - IFRAP

C) Égalité de Wikiberal

D) 1984 d'Orwell n'était pas censé être un manuel de philosophie - Par Damien Theillier - la tribune.fr

 
 
A) Le délire égalitaire
 
Après le « rapport » Picketty, voici maintenant l’OCDE qui propose un classement sur les inégalités sociales, qui place la France en mauvaise position : le pays où les pauvres s’appauvrissent parce que les riches s’enrichissent.

Il est indispensable de voir de l’inégalité partout, les médias et la classe politique s’en régalent. En voici dans l’école, et c’est pourquoi il faut faire la réforme des collèges : « les fils d’ouvriers sont aujourd’hui pénalisés », a-t-on argumenté. En voilà dans le pouvoir d’achat : au lieu d’imposer l’austérité, dont seuls souffrent les ménages déshérités, il faut revenir à une redistribution plus généreuse et faire supporter les sacrifices à ceux qui ont les moyens. En voilà encore dans les relations entre hommes et femmes : pourquoi des écarts de salaires de cette importance, pourquoi des discriminations suivant le « genre », alors que le mariage et l’enfant doivent être pour tous ? En fait, l’égalitarisme est une excellente façon de lutter contre le système économique et contre la société injuste qu’il engendre. C’est aussi un prétexte pour procéder à des réformes de nature à déstructurer le pays, à détruire la famille, la justice, la propriété, l’enseignement.

Finalement, on comprend bien le savant équilibre que recherche le gouvernement : d’un côté, pour calmer les classes moyennes et Bruxelles, quelques réformes économiques de façade – la loi Macron est présentée comme une inflexion spectaculaire de la politique ; d’un autre côté, pour apaiser la gauche et les frondeurs, le sale travail de déstructuration. C’est Taubira et Vallaud Belkacem plus Macron et Valls.


Or l’égalitarisme est une fable tragique. C’est une fable puisque la mesure des inégalités est faite d’artifices. Picketty lui-même a battu sa coulpe et a reconnu les erreurs de sa magistrale démonstration. Les chiffres de l’OCDE ne sont pas significatifs quand ils comparent des choses qui ne sont pas comparables : ignorance du « coin fiscal » (écart entre nominal et net), des aides en nature (accès au logement, allocations diverses, etc.), de la structure des familles. Enfin, le projecteur braqué sur les inégalités oublie deux choses fondamentales.

La première est que ce n’est pas l’inégalité qui importe, mais la promotion. Il y aura toujours des riches et des pauvres, mais l’essentiel est de savoir quelles chances ont les pauvres de devenir riches ; que l’ascenseur social soit bloqué en France et que des millions de Français aient perdu l’espoir de vivre mieux, c’est plus important que de savoir s’il y a aujourd’hui des riches et des pauvres. Il n’y a plus chez nous l’équivalent du « rêve américain », cette puissante impulsion qui a poussé des millions d’étrangers (comme mes grands parents italiens) à émigrer vers la France. Une éducation qui travaille au nivellement par le bas, une fiscalité qui ruine ceux qui réussissent et épargnent, une redistribution qui subventionne l’absentéisme, la tricherie, et qui enracine le peuple dans l’assistanat : voilà de quoi créer de nouveaux pauvres. L’inégalité ne peut se déduire de mesures statiques.

La deuxième chose est que l’inégalité n’est pas a priori une tare. Hayek l’a fortement souligné (Le mirage de la justice sociale) : les riches sont souvent porteurs d’innovation, parce qu’ils peuvent se permettre d’explorer des voies hors de portée de la plupart des gens, Aux Etats Unis, les gens qui se sont enrichis sont des entrepreneurs, des créateurs : leur promotion vient des services rendus à la communauté. C’est ainsi que le capitalisme permet d’engendrer le progrès social : le profit prend son sens et sa légitimité parce qu’il crée de la richesse pour tous.

Mais il s’agit du vrai capitalisme, fondé sur la libre entreprise et le libre échange. Or en France c’est souvent l’argent public qui enrichit, chez nous règne le capitalisme de connivence, né de l’alliance du monde des affaires et de la classe politique, qui assure des rentes et privilèges injustifiés. Bastiat le disait : « Je ne crois pas que le monde ait tort d’honorer le riche ; son tort est d’honorer indistinctement le riche honnête homme et le riche fripon. » Chez nous les fripons sont nombreux, comme dans tout régime étatisé. L’égalitarisme se nourrit de cette tare. Ainsi naît l’idée que l’économie est un jeu à somme nulle, les uns ne gagnant qu’aux dépens de ceux qui perdent – une idée en phase avec la propagande marxiste qui sème la haine contre les possédants, les patrons et les actionnaires.
Notre devoir est de lutter contre cette propagande, de faire connaître la vérité sur les vraies et les fausses inégalités, d’éviter l’affrontement généralisé, d’arracher l’envie du cœur d’un peuple qui ne cesse de regarder dans « le jardin du voisin » (Fourastié en écho de Tocqueville). Je salue comme une première étape de cette croisade l’initiative de Bernard Zimmern et de son Institut qui tiendra à Paris prochainement un colloque sur « L’imposture Picketty : les riches sont-ils le problème ou la solution ? ». Politiquement corrects s’abstenir.

par Jacques Garello - Aleps

B) Les "faites ce que je dis, pas ce que je fais" de l’État

Dans la série « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », l’État et la sphère publique en général ne sont jamais à court de nouveautés. Pourquoi se font-ils prendre la main dans le sac, si l’on ose dire, si régulièrement ? Parce que, particulièrement dans la règlementation du travail, ils ne se considèrent pas comme des employeurs ordinaires, à l’abri d’un statut spécifique, survivance d’un passé qui n’a pas de raison d’être. En tout cas, cette situation n’est alternativement ni du goût des salariés du secteur privé, ni de celui des salariés du secteur public. Une disparité de statut que rien ne justifie plus. Nous passons en revue les cas du CDD, des dividendes, du smic, de la pénibilité, du temps de travail, des 35 heures et de la gestion des RTT. Bien sûr, il y a d’autres exemples, que nos lecteurs pourront à loisir signaler.

Les CDD

D’utilisation sévèrement limitée pour le secteur privé, les CDD vont pouvoir être renouvelés deux fois en application de la future loi Macron. Mais attention ! la durée totale ne pourra toujours pas excéder les 18 mois déjà applicables. Le cadeau, si cadeau il y a, est donc fort limité. Mais chez les fonctionnaires, le CDD peut être conclu pour trois ans, renouvelable une fois. Six ans contre 18 mois…Et lorsque La Poste emploie des salariés dans les termes du droit commun, on ne compte pas les condamnations qui pleuvent sur l’établissement pour requalification des CDD en CDI.

Les distributions de dividendes

Le CICE, on le sait, doit être exclusivement utilisé par les entreprises pour certains objets délimités et surtout pas permettre de distribution de dividendes, encore moins lorsque l’entreprise supprime des postes. Nous avons souvent eu l’occasion de mentionner que l‘État fait tout le contraire dans les entreprises qu’il contrôle. Récemment, Michel Sapin a fait très fort. Interrogé par un média sur l’éventuelle remise en cause du CICE dans sa forme actuelle, et sur le fait notamment qu’en accorder le bénéfice à La Poste – encore elle – ne paraissait pas conforme à l’objectif que se proposait le gouvernement, le ministre s’est exclamé pour dire en substance que les suppressions de postes qu’a connus l’établissement auraient été bien plus importantes si La Poste n’avait pas bénéficié de ce crédit d’impôt. Les journalistes n’ont pas eu la présence d’esprit de lui rétorquer que depuis deux ans…le montant du CICE sert à distribuer des dividendes à l’État. Il fallait avoir le toupet (euphémisme) du ministre pour le dire !

Le smic et les rémunérations des fonctionnaires

Une fois de plus, les augmentations du smic mettent l’État dans l’embarras, car les rémunérations des fonctionnaires ne suivent pas, et ceux de ces fonctionnaires qui sont en catégorie C et B sont payés en-dessous du smic. Le smic ne leur est pas directement applicable, mais le statut des fonctionnaires prend soin de prévoir que les rémunérations publiques ne peuvent pas être inférieures à ce smic. Le secteur public verse donc aux fonctionnaires concernés une « indemnité différentielle » permettant d’atteindre la valeur du smic.

Mais l’État ne se conduit pas comme le secteur privé, qui fait évoluer les rémunérations supérieures au smic en conservant une échelle de salaires relativement progressive. 

L’écrasement des salaires publics est devenu un véritable scandale, relevé par exemple dès 2011 par l’Humanité : «  On peut donc parler d’une véritable « smicardisation » de la fonction publique. Avec le gel du point d’indice trois années de suite et la reprise de la hausse des prix, cette tendance risque de s’accélérer. Elle est déjà très spectaculaire. Les chiffres officiels montrent (voir le tableau) qu’un agent des services hospitaliers, par exemple, (catégorie C sans concours) qui débutait sa carrière à 115% du Smic en 1983, la commence aujourd’hui à 98% du Smic (avant l’octroi de l’indemnité différentielle). Une secrétaire dans une administration d’État (catégorie C, entrée sur concours) débutait en 1983 avec 123% du Smic. Elle commencerait au Smic aujourd’hui. Un technicien d’une collectivité territoriale (catégorie B) débutait à 133% du Smic en 1983. Sa rémunération de départ équivaudra aujourd’hui à 103% du Smic. Pour la catégorie A, celle des cadres ou des enseignants, la rémunération de départ de carrière, qui représentait 175% du Smic en 1983, n’en représente plus que 116% ».

Les choses ne se sont pas améliorées depuis 2011, au contraire. Et voici Marylise Lebranchu, la ministre de la Fonction publique, contrainte de relever le salaire en début de carrière… au prix d’accentuer encore l’écrasement des salaires en milieu de carrière (mais pas en fin de carrière puisqu'une revalorisation expresse vient de leur être accordée). Il est vrai que Jean-Claude Mailly (le patron de FO), plaide en ce moment pour que le smic atteigne 80% du salaire médian. Ses vœux sont donc en passe d’être exaucés. Sûrement pas ceux des fonctionnaires, ni de l’Humanité semble-t-il. Allons bon, c’est curieux, il y aurait des divergences de vue chez ceux qui se réclament d’un marxisme égalitaire ?

La pénibilité

On vient comme chacun sait d’instituer le « C3P », autrement dit le compte personnel de prévention de la pénibilité, que les entreprises dénoncent comme une coûteuse usine à gaz. Ici non plus la C3P n’est pas applicable chez les fonctionnaires, qui disposent déjà de dispositions concernant la retraite anticipée. Sauf que jamais la liste des métiers censée être établie par décret en Conseil d’État n’a été établie. Résultat, la règlementation est antédiluvienne et ne correspond pas aux métiers actuels. C’est un peu comme la prime d’escarbille chez les cheminots. En particulier, rien pour les agents hospitaliers. Aïe, ce n’est pas le sujet du moment à aborder à l’hôpital. Si l’on comprend bien, la question sera abordée pour les fonctionnaires par la ministre de la Fonction publique, cependant que pour le secteur privé le même sujet relève du ministre du Travail. Logique, non ?

Le temps de travail

Dans le secteur privé, les 35 heures ont fait l’objet d’intenses négociations au moment de leur mise en œuvre. Au moins les accords sont-ils respectés, et des négociations peuvent-elles être menées à bien en vue de leur amélioration comme on l’a vu chez Renault. Dans le secteur public, rappelons qu’à l’origine Lionel Jospin n’avait pas prévu d’appliquer les 35 heures, faute d’argent. Position qui n’a évidemment tenu que quelques semaines mais qui en dit long. L’État les a donc appliquées, mais il a fait n’importe quoi, sous la pression des syndicats dont la gauche au pouvoir se devait d’accepter les revendications. Dans la fonction hospitalière, les salariés ont en effet obtenu jusqu’à 28 jours de RTT. Le résultat, longtemps mis sous le boisseau comme la poussière sous le tapis, se fait jour actuellement avec une désorganisation complète et un impossible redressement dont le désaveu apporté par la ministre de la Santé aux efforts tentés par Martin Hirsch en est la lamentable traduction. Des RTT qui s’accumulent sans pouvoir être utilisés ni payés. S’y ajoute encore un absentéisme record. La situation est encore pire dans les collectivités locales, où les 35 heures elles-mêmes ne sont qu’un rêve, avec une durée de travail ridicule, à laquelle s’ajoute un absentéisme record : laxisme généralisé et aucune surveillance de la part des employeurs publics.


Conclusion

Il y a quand même dans cette histoire une morale qui n’est pas difficile à deviner. L’État se conduit en ignorant les règles qu’il demande au secteur privé d’appliquer ; c’est désastreux pour sa crédibilité et son autorité. Et cette mauvaise conduite est souvent masquée par la spécificité du statut qu’il s’applique. C’est contre cette spécificité qu’il faut lutter. Dans chacun des exemples que nous avons pris, quelle justification y a-t-il d’établir des règles différentes pour le secteur public et le secteur privé ? Aucune.

Commençons par unifier le statut des salariés du public et ceux du privé – en clair, supprimer le statut de la fonction publique -, et nous aurons déjà une base plus solide pour que l’État respecte une règlementation devenue unique. Plus fondamentalement, entre les entreprises et les établissements tant publics que privés, il peut y avoir des différences tenant à l’existence éventuelle d’une mission de service public, étant entendu qu’une entreprise privée peut être investie d’une telle mission et que c’est d’ailleurs le cas bien souvent en vertu d’un droit administratif qui a plusieurs siècles d’existence en France. Mais il n’y a plus, depuis longtemps, aucune raison pour que de cette mission découle un statut spécifique applicable aux agents et salariés qui sont amenés à la remplir, qu’il s’agisse d’entreprises, d’établissements de l’État ou d’entreprises du secteur privé investies de délégations de service public.

Bertrand Nouel
IFRAP


C) Égalité

L'égalité du point de vue du libéralisme est l'affirmation que tous les individus sont égaux en droit (principe d’isonomie). Le droit dont il est question ici est le droit naturel, et non l'ensemble des « faux droits » octroyés par l'État, qui précisément favorisent les uns aux dépens des autres, et donc accroissent les inégalités. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits (article premier de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789). Pour un libéral, toute distinction fondée sur la naissance (Ancien régime, société de castes, société raciste), le présumé « intérêt général » (collectivisme), l'intérêt de quelques-uns (oligarchie), ou la « tyrannie de la majorité » (démocratie) aboutit à l'injustice et au mépris des droits de l'individu. On obtient donc une définition négative de l'égalité : chaque individu a un droit égal à ne pas être agressé dans sa liberté ni dans sa propriété.
La définition de l'égalité rejoint celle de la justice : rendre à chacun ce qui lui est dû (suum cuique tribuere, selon le vieux principe du droit romain). C'est ce qui distingue l'égalité de l'égalitarisme : l'égalité tient compte de la nature de chacun, c'est aussi un « droit à la différence » et un respect de l'autre, alors que l'égalitarisme tend à nier toute différence (physique, intellectuelle, économique). Comme Friedrich Hayek l'a bien expliqué:
Alors que l'égalité des droits dans un gouvernement limité est possible en même temps qu'elle est la condition de la liberté individuelle, la revendication d'une égalité matérielle des situations ne peut être satisfaite que par un système politique à pouvoirs totalitaires.
Ainsi, ce que le collectivisme ou la social-démocratie entendent par « égalité » sociale, c'est une « justice » distributive, l'égalité économique, l'égalitarisme, sous divers prétextes (partage des fruits du travail, solidarité, cohésion sociale, etc.). L'idéal visé, plus ou moins avoué, est celui de l'égalité économique parfaite, selon le principe communiste apparemment généreux de « à chacun selon ses besoins », principe qui, outre son caractère immoral et coercitif, fait totalement fi de la réalité de la vie humaine, qui est celle d'un monde de rareté, dans lequel seuls le travail, l'épargne, l'investissement, l'action, peuvent créer des biens.

Égalité des chances

Cette expression, typiquement française (même si elle rappelle l'equal opportunity anglo-saxonne), est pernicieuse. Désigne-t-elle l'égalité en droit, exigence libérale, ou bien un droit à bénéficier des bienfaits de l'État-providence redistributeur ? Dans cette dernière acception, on tend à développer l'assistanat et à récuser la liberté et la responsabilité des individus :
De fil en aiguille, on en est finalement venu à l'égalité des conditions, à l'égalité des résultats, quelles que soient les actions individuelles, quels que soient les mérites ou les vices de chacun. La chance porte un nom nouveau : l'État Providence. L'égalité des chances, c'est l'égalité devant les bienfaits de la société. Dans cette logique, l'échec n'est pas admissible, l'inégalité est scandaleuse. Aujourd'hui l'égalité des chances est une forme d'envie (avoir tout ce qu'ont les autres), une forme d'incurie (avoir tout sans rien devoir à personne, faire n'importe quoi), une forme de folie vengeresse (« les ratés ne vous rateront pas », disait Céline). (Jacques Garello)
La plupart des libéraux rejettent la notion d'égalité des chances, car elle est intrusive et coercitive. Certains libéraux de gauche, tels John Rawls, soutiennent cependant que "personne ne mérite ses capacités naturelles supérieures ni un point de départ plus favorable dans la société" et voient comme injuste la répartition inégale des talents. Les structures d'une société juste devraient faire en sorte d'atténuer au maximum les différences. Ainsi Rawls ajoute au principe d'égale liberté pour tous ("chaque personne doit avoir un droit égal à la plus grande liberté fondamentale avec une liberté semblable pour tous") un second principe ainsi défini :
Les inégalités sociales et économiques doivent être arrangées de telles sortes qu'elles soient :
- liées à des emplois et à des postes, accessibles à tous, dans des conditions d'égalité impartiale des chances (principe d'égalité des chances) ;
- pour le plus grand profit des plus désavantagés (principe de différence).
Pour la plupart des libéraux (tel Nozick qui critique les conceptions de Rawls) le "droit" à l'égalité des chances n'en est pas un, puisqu'il doit respecter le droit de propriété avant de s'appliquer. Le "principe de différence" de Rawls permet de justifier les mesures les plus coercitives : revenu maximum (Rawls affirme qu'il y a "un gain maximum autorisé pour les plus favorisés"), redistribution par l'impôt (possible théoriquement jusqu’à ce qu’elle ait tellement d’effets désincitatifs que les plus favorisés produiraient beaucoup moins, et ce aux dépens des individus les plus désavantagés), etc. Bien que Rawls se défende d'être utilitariste, sa théorie a un défaut majeur, qui est l’hypothèse de comparabilité des préférences individuelles. L'idée que la répartition inégale des talents puisse être injuste et doive être "corrigée" mène directement à l'égalitarisme et au totalitarisme


Erreur courante : égalité et égalitarisme

La critique la plus courante, venant le plus souvent de la gauche (encore qu'elle existe aussi à droite), est que le libéralisme aurait une notion restrictive de l'égalité : en effet, il n'envisage que l'égalité en droit et non l'égalité matérielle. Les inégalités économiques que l'on peut constater entre les individus ne le touchent pas : loin de les condamner, il les conforterait. Il mènerait donc au conservatisme le plus rétrograde.
La réponse à cette objection est que l'égalité en droit a un sens, alors que l'égalité matérielle ou économique n'en a absolument aucun, à moins que tous les hommes soient absolument identiques, interchangeables et "bâtis" sur le même modèle, ce qui n'est pas le cas. Dès lors que les hommes sont différents, il est impossible de réaliser l'égalité matérielle ou économique, car les capacités de chacun, les aspirations, les besoins, sont différents. L'égalitarisme n'est pas autre chose qu'une révolte contre la nature : il est "injuste" qu'un autre soit plus beau, plus grand, plus jeune, plus intelligent ou plus riche que moi. Le droit à la différence est vu comme un faux droit. C'est la nature qui est jugée injuste, et la société des hommes devrait réparer toute "injustice", si besoin (et il est impossible que ce soit autrement) par la coercition et la violence. [1]
Une société égalitariste se détruirait elle-même par sa recherche pathologique du nivellement par le bas. L'expérience historique montre qu'en réalité elle réintroduit des inégalités non pas sur la base des capacités, aspirations et mérites différents (comme c'est le cas dans la société libérale idéale) mais sur des bases politiques d'allégeance à un leader ou au parti au pouvoir, illustration de l'anomie conduisant à la loi du plus fort.
Ceux qui croient aux vertus de l'égalitarisme, plutôt que de chercher à asservir ceux qui n'y croient pas, devraient faire la preuve par l'exemple, en créant des communautés pratiquant l'égalité matérielle la plus complète (la famille n'est-elle pas une communauté de ce type ?). Comme le dit Christian Michel :
Le communisme est un bel idéal. Que les communistes s'organisent dans leurs communes et phalanstères, qu'ils affichent leur bonheur d'y vivre, et ils seront rejoints par des millions et des milliards de gens. (...) Ce qu'il faut combattre n'est pas le communisme, ni aucune autre idéologie, mais la traduction politique de cette idéologie.
Malheureusement, l'égalitarisme n'est le plus souvent pas autre chose qu'une traduction idéologique de la jalousie sociale : l'égalitariste, qu'il soit libertaire, communiste ou socialiste, veut seulement prendre aux plus riches que lui. Il n'est pas question pour lui de partager avec ceux qui sont plus pauvres que lui : c'est de la solidarité à sens unique.
Quant au prétendu conservatisme que le libéralisme entérinerait en ne remettant pas en cause les positions sociales, il n'existe pas, en réalité. Le libéralisme dénie toute légitimité à toute position sociale qui serait contraire aux droits des individus. Loin d'être conservateur, le libéralisme (plus particulièrement le libertarisme) est révolutionnaire car il entend souligner les injustices et y porter remède. Il reconnaît qu'il existe bel et bien une lutte des classes entre les dominants et les opprimés, entre ceux, étatistes, politiciens, qui violent perpétuellement le principe de non-agression en imposant l'arbitraire étatique par l'impôt et la loi, et ceux qui sont victimes de cette forme d'esclavage. Les inégalités existent bien : l'ennemi n'est pas le riche ou le capitaliste (du moins, tant qu'ils se limitent à pratiquer l'échange libre dans le respect du droit d'autrui), c'est celui qui me vole (qui prend ma propriété sans mon consentement) ou qui m'impose injustement sa volonté (qui attente à ma liberté). On retrouve l'exigence d'égalité libérale : l'obligation de respecter le droit de chacun, sa liberté et sa propriété. 


Citations

  • « Je pense que les peuples démocratiques ont un goût naturel pour la liberté ; livrés à eux-mêmes, ils la cherchent, ils l’aiment, et ils ne voient qu’avec douleur qu’on les en écarte. Mais ils ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable, éternelle, invincible ; ils veulent l’égalité dans la liberté, et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage. Ils souffriront la pauvreté, l’asservissement, la barbarie, mais ils ne souffriront pas l’aristocratie. »
(Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique)[2]
  • « Il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude. »
(Friedrich August von Hayek, Vrai et faux individualisme)
  • « L’égalité proclamée dans la déclaration des droits de l’homme de 1789, est une égalité de condition sociale qui rend possible une justice équitable. La loi est la même pour tous, c’est ce que ça veut dire. L'État idéologique a transformé cette égalité de droit en égalité de moyen, ce sont les clauses de moyens introduites dans la déclaration des droits de l’homme des constitutions de 1946 et 1958. L’Egalité n’est plus seulement la promesse que la justice ne tiendra pas compte du statut social des personnes comme sous la monarchie, mais qu’elle devient aussi une égalité matérielle des conditions. C’est mettre à mort l’équité dont le premier principe est " à chacun selon ses mérites " pour produire un principe contraire, le principe égalitaire qui est " ce qui est juste, c’est ce qui est égal ".  »
(Claude Lamirand – 7 Décembre 2004)
  • « La justice s’applique à la conduite des individus, pas aux conséquences économiques de leurs actions. Elle est affaire de règles, pas de résultat. Dans une société libre, c’est seulement les décisions des acteurs que nous avons le droit de juger. Si un avantage est acquis par la tromperie ou la violation d’une loi justement applicable à tous, nous le déclarons injuste. Mais si quelqu’un n’a bénéficié d’aucune entorse pour obtenir le même avantage, il n’y a aucune raison d’être critique à son égard. Lorsque tu participes à un jeu, tu ne demandes pas à l’arbitre de déclarer vainqueur le joueur le plus méritant. Il importe seulement que la partie soit jouée loyalement, que les règles soient respectées. »
(Christian Michel)
  • « L'inégalité des revenus et des fortunes est un caractère inhérent de l'économie de marché. Son élimination détruirait complètement l'économie de marché. Les gens qui réclament l'égalité ont toujours à l'esprit un accroissement de leur propre pouvoir de consommation. Personne, en adoptant le principe d'égalité comme postulat politique, ne souhaite partager son propre revenu avec ceux qui en ont moins. Lorsque le salarié américain parle d'égalité, il veut dire que les dividendes des actionnaires devraient lui être attribués. Il ne suggère pas une réduction de son propre revenu au profit des 95 % de la population mondiale qui gagnent moins que lui. »
(Ludwig von Mises, l'Action humaine)
  • « L'inégalité [véritable] consiste à s'enrichir par ses relations, à gagner sans rendre service, à extorquer sous la menace, à créer une classe privilégiée de décideurs non responsables sur leurs biens mais sur celui des autres. »
(Prégentil)
  • « À partir du moment où quelqu’un s’enrichit plus vite que vous, une inégalité surgit. Sauf à contrôler la vie de tout le monde, l’inégalité est le résultat, à un instant donné, d’un processus de développement qui est par nature dynamique. Comme la croissance repose sur la libération des énergies et des potentiels de chacun, il en découlera nécessairement des trajectoires de revenus différentes. »
(Jean-Louis Caccomo)
  • « Le libéral combat les inégalités vraiment injustes, c'est-à-dire celles qui profitent aux hommes politiques et aux fonctionnaires, et les inégalités qui résultent du vol ou de la coercition, qui sont souvent le fait de l'État, ou le fait que l'État ne fait pas son travail. Le socialiste, lui, recherche l'égalité de résultat, et c'est ainsi que dans ce pays tout est fait pour encourager celui qui ne veut rien faire, et tout est fait pour mettre des bâtons dans les roues à celui qui entreprend. C'est ainsi que l'Éducation Nationale, n'ayant pas réussi à uniformiser les résultats des élèves par le haut, s'est résigné à les uniformiser par le bas. »
(Jacques de Guenin)
  • « L'égalité la plus fondamentale entre les hommes est sans doute liée au fait qu'ils sont des êtres humains, et que par nature ils ont une dignité et une vocation que ne possède aucune autre espèce. (...) Cette égalité fondamentale et personnelle prend corps avec l'égalité des droits. Ce qui sépare une société barbare d'une société civilisée, c'est que des règles sociales sont établies et respectées pour garantir les droits individuels qui permettent à l'homme de vivre dignement. »
(Jacques Garello)
  • « L’égalité est un état artificiel qui demande à être constamment entretenu d’une manière artificielle. Les hommes ne sont pas égaux par définition. »
(Vladimir Boukovski)
  • « Les hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont libres, ils ne seront pas égaux, et s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont pas libres. »
(Alexandre Soljenitsyne)
  • « La France a toujours cru que l’égalité consistait à trancher ce qui dépasse. »
(Jean Cocteau, Discours de réception à l’Académie française, 1955)
  • « Tous les êtres de toutes les Galaxies sont égaux devant la Grande Matrice, indépendamment de leur forme, du nombre de leurs écailles ou de leurs bras, et indépendamment même de l'état physique (solide, liquide ou gazeux) dans lequel il se trouve qu'ils vivent. » (humour)
(Umberto Eco)



D) 1984 d'Orwell n'était pas censé être un manuel de philosophie



Le libéralisme classique ne se confond ni avec l'hédonisme, ni avec une indifférence à l'égard du bien ou du mal et encore moins avec le socialisme. Par Damien Theillier, professeur de philosophie et président de l'Institut Coppet 
 
Rappelez-vous les trois slogans qui régissent la dictature orwellienne :

La guerre, c'est la paix.
La liberté, c'est l'esclavage.
L'ignorance, c'est la force.
Guillaume Bernard, maître de conférences à l'ICES, vient d'en inventer un quatrième :
« Le libéralisme, c'est le socialisme » !
Comment peut-on arriver à confondre la liberté et la folle idéologie qui réglemente nos vies jusqu'aux plus petits détails ? 

Notre maître de conférence a réussi ce tour de force dans un article paru dans Valeurs Actuelles fin mai 2015, intitulé Malentendus courants sur le libéralisme. Tout part d'une équation par amalgame: le libéralisme serait une philosophie libertaire hédoniste et relativiste... ce que serait également le socialisme.
De là, le libéralisme, c'est le socialisme.

Un malentendu sur le libéralisme

L'auteur entretient un malentendu sur le libéralisme, habituellement entendu à gauche : celui-ci postulerait ou fonderait ses arguments sur l'hypothèse d'individus égoïstes, matérialistes et auto suffisants, affranchis de toute norme morale, de toute espèce d'ancrage dans une réalité morale naturelle. Cette idée répandue dans le clergé, y compris au plus haut sommet de sa hiérarchie (comme le montre encore une fois la dernière encyclique du Pape François), est une idée fausse.

À l'encontre de cette caricature, le libéralisme classique ne se confond ni avec l'hédonisme, ni avec une indifférence à l'égard du bien ou du mal et encore moins avec le socialisme.


Une philosophie du pouvoir limité

La plupart des libéraux s'accordent avec la tradition occidentale issue de la philosophie grecque pour dire qu'il existe une rationalité morale et que le bien et le mal ne sont pas des notions arbitraires, relatives à l'opinion ou à l'époque. Ainsi le vol détruit le principe de la propriété, fondée sur le travail c'est-à-dire sur le libre exercice de nos facultés. 

Pour les libéraux, à la différence des socialistes, il existe donc un droit antérieur à la formation de l'État, un ensemble de principes généraux que la raison peut énoncer en étudiant la nature de l'homme.

Ce droit s'impose au pouvoir, qui doit dès lors le respecter. Les lois édictées par l'autorité politique n'ont force obligatoire que selon leur conformité au droit naturel. Et si les citoyens possèdent par nature certains droits fondamentaux, ces droits ne peuvent être ni octroyés, ni supprimés par la loi.

Le libéralisme, pas une théorie morale complète

Mais le libéralisme, contrairement au socialisme, n'a jamais eu la prétention d'être une théorie morale complète, ni une philosophie de la vie ou du bonheur. Guillaume Bernard se trompe en affirmant que « le libéralisme est un tout », c'est-à-dire une sagesse globale. Il est seulement une théorie politique, incluant une morale politique, qui traite du rôle de la violence et des limites du pouvoir. Puisque les hommes ont des penchants criminels (ce qui rejoint l'idée chrétienne de péché), il faut les empêcher de nuire. Mais il est également nécessaire de limiter le pouvoir et d'empêcher la tyrannie. Si tous les hommes étaient bons, l'État serait superflu. Mais si, à l'inverse, comme le reconnaissent les libéraux et les conservateurs, les hommes sont souvent malveillants, alors on doit supposer que les agents de l'État eux-mêmes, qui détiennent le monopole de la violence, constituent une menace potentielle. C'est Locke contre Hobbes, Constant contre Rousseau.

Par conséquent, ce qu'un individu n'a pas le droit de faire : voler, menacer, tuer, un État n'a pas le droit non plus de le faire. Si le fait de spolier autrui est immoral pour un individu, cela vaut également pour ceux qui exercent l'autorité politique. Les libéraux pensent que le commandement biblique « Tu ne voleras pas » s'applique à tous sans exception. Il s'agit d'une éthique universelle qui s'applique également aux institutions sociales. Un vol reste un vol, même s'il est légal.

L'individu, seul agent moral

Il faut également entendre la défense libérale de l'individu en ce sens que celui-ci est le seul agent moral. Les notions de bien et de mal moral, de droits et de devoirs n'ont de sens que pour des personnes singulières, non pour des collectivités abstraites. Seul l'individu humain agit, pense, choisit, seul il est sujet de droit. Ainsi parler de « droits des homosexuels » n'a pas de sens, pas plus que de parler de « droits des catholiques ». L'égalité des droits ne peut être fondée que sur l'appartenance à l'espèce humaine et non sur l'appartenance à une communauté ou à un groupe collectif.

Enfin et surtout, il n'est pas possible de comprendre l'essence de la philosophie politique libérale, si on ne comprend pas qu'elle a toujours été historiquement définie par une rébellion authentique contre l'immoralité de la violence étatique, contre l'injustice de la spoliation légale et du monopole éducatif ou culturel.

Une anthropologie réaliste
Mais ce qui différencie les libéraux des utopistes c'est qu'ils n'ont pas pour but de remodeler la nature humaine. Le libéralisme est une philosophie politique qui affirme que, en vertu de la nature humaine, un système politique à la fois moral et efficace ne peut être fondé que sur la liberté et la responsabilité. Une société libre, ne mettant pas de moyens légaux à disposition des hommes pour commettre des exactions, décourage les tendances criminelles de la nature humaine et encourage les échanges pacifiques et volontaires. La liberté et l'économie de marché découragent le racket et encourage les bénéfices mutuels des échanges volontaires, qu'ils soient économiques, sociaux ou culturels.

Quiconque a lu un peu les libéraux, anciens ou modernes, Turgot, Say, Bastiat, Mises ou Hayek, sait en effet, que pour eux 1° l'intérêt personnel ne peut se déployer librement que dans les limites de la justice naturelle et 2° le droit ne se décide pas en vertu d'un contrat, mais se découvre dans la nature même de l'homme, animal social, doué de raison et de volonté. On est alors très loin de la caricature donnée par l'article de Guillaume Bernard.

Les entrepreneurs anticipent les besoins des consommateurs

Les libéraux, il est vrai, accordent à l'intérêt une large place dans le développement de ce monde. Mais ils voient en lui le plus puissant et le plus efficace des stimulants lorsqu'il est contenu par la justice et la responsabilité personnelle. Le fait que les entrepreneurs soient avant tout guidés par leur intérêt, loin de conduire à l'anarchie, permet de canaliser les intérêts. Cela les oblige à prendre en compte et à anticiper les besoins des consommateurs. Pour réussir il faut être à l'écoute des besoins de la société. 

En revanche, l'un des objectifs principaux des socialistes est de créer (en pratique par des méthodes violentes) un homme nouveau acquis au socialisme, un individu soumis dont la fin ultime serait de travailler au service du collectif. Pour les socialistes, en effet, les hommes ne sont que des matériaux inertes qui ne portent en eux ni principe d'action, ni moyen de discernement.

Partant de là, il y aura entre le législateur et l'humanité le même rapport qu'entre le potier et l'argile. La loi devra façonner les hommes en fonction d'une idéologie imposée d'en haut. Comme le dit bien Jean-Paul II, « Là où l'intérêt individuel est supprimé par la violence, il est remplacé par un système écrasant de contrôle bureaucratique qui tarit les sources de l'initiative et de la créativité. » (Jean-Paul II, Centesimus Annus, 1991).

De fait il y a beaucoup plus d'avidité et de cupidité dans le socialisme que dans le libéralisme. Dans une économie socialiste, il n'y a que deux moyens d'obtenir ce qu'on désire : le marché noir, ou la combine politique. Dans une économie de marché libre, la façon la plus efficace pour les personnes de poursuivre leur amour de la richesse est de servir les autres en proposant des biens utiles et à bon prix.


La propriété privée c'est la protection des plus faibles

La propriété est d'abord une condition nécessaire à ce que le philosophe Robert Nozick appelle « l'espace moral » de la personne. La nature morale de l'être humain exige que la liberté de choix soit protégée pour que chacun puisse exercer pleinement son jugement et ses responsabilités. Et cet objectif de protéger cet espace moral de choix individuel, est mieux servi par une société de libre marché, qui respecte la propriété. Notre tâche principale est d'agir de façon optimale, c'est-à-dire à réaliser notre nature humaine, aussi complètement que possible dans les circonstances de notre vie. Et seule une société libre, qui protège le droit de propriété, peut permettre d'atteindre cet objectif. 

La propriété est aussi ce qui permet un comportement « prudent » (au sens de la vertu morale) vis-à-vis du monde naturel et social. Enfin et surtout, elle bénéficie aux pauvres car elle leur permet d'utiliser leurs dons et leurs compétences dans un marché ouvert à la concurrence. 

Dans le christianisme, l'homme est appelé à servir les autres, spécialement les plus faibles. Or la meilleure façon, la plus productive et la plus juste, d'aider les pauvres est précisément la liberté pour chacun d'exercer la profession ou l'activité de son choix. Une société libre est une société dans laquelle chacun est libre d'utiliser les informations, même imparfaites, dont il dispose sur son environnement pour poursuivre ses propres fins.

Des possibilités très grandes de sortir de la pauvreté

Certes, dans une société libre, les revenus sont inégaux, mais les possibilités qu'ont les gens de se sortir de la pauvreté extrême sont très grandes parce qu'on peut gagner en servant les intérêts d'autrui et que la richesse des uns bénéficie, à terme, aux autres. Le libre marché est un formidable mécanisme naturel de redistribution des richesses car c'est un jeu à somme positive, l'échange est gagnant-gagnant quand il est consenti. 

Enfin, l'économie de marché libre est un système qui permet de ce fait à la philanthropie de s'exercer mieux que dans tout autre système. Chaque être humain a une obligation morale d'assistance à l'égard de ceux qui sont atteints par le malheur. Mais on ne donne que ce qui est à soi. C'est le respect du droit de propriété qui rend possible la charité.

L'égoïsme dans la nature humaine

En conclusion, l'égoïsme n'est pas dans le libéralisme, comme semble le croire Guillaume Bernard, il est dans la nature humaine. Le libéralisme explique seulement que l'intérêt personnel, canalisé par le droit, peut servir le bien commun de façon plus efficace et plus juste que la contrainte de la loi.

En effet, le principe qui a été découvert progressivement au cours de l'histoire occidentale et qui a été mis en lumière par les penseurs libéraux classiques, c'est que la liberté individuelle est créatrice d'ordre, mieux que n'importe quelle solution bureaucratique imposée d'en haut par la coercition. Et cela est vrai, non seulement sur le plan politique mais aussi sur le plan économique. L'allocation des ressources par le libre jeu de l'offre et la demande est la réponse la plus productive et la plus efficace aux besoins humains. Mais c'est aussi le seul système économique compatible avec une vision morale et religieuse de l'homme, fondée sur le droit naturel, c'est-à-dire sur l'idée que les gens ont, par définition, du fait même de leur présence sur terre, des droits qu'il est immoral et injuste pour quiconque de violer.

L'État moderne, grand prédateur

Libre à chacun bien sûr de renvoyer dos-à-dos libéralisme et socialisme, comme le fait Guillaume Bernard. Mais encore faudrait-il ne pas tomber dans la vision caricaturale et fausse qu'il fait du libéralisme. Car il est trop facile de fabriquer un homme de paille pour mieux le rejeter ensuite comme quelque chose de vulgaire et d'immoral. 

L'État moderne, qu'il soit de droite ou de gauche, est devenu « le grand prédateur », le grand confiscateur des libertés et des moyens financiers, promoteur d'un moralisme sans fondement, le tout au profit d'une mafia de rentiers de la politique. Or seuls les libéraux ont pu, dans le passé récent s'opposer à cette croissance apocalyptique. Et ce ne sont pas les chrétiens sociaux, ni les réactionnaires, tous tentés par la forme moderne de socialisme qu'est l'étatisme, qui ont pu s'opposer à cette croissance.



 

juin 16, 2015

Penser autrement pendant qu'il est encore temps; libéraux réveillez-vous !!

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


Sommaire:

A) Les carottes digitales sont-elles cuites ? Jean-Alain Jutteau - Le Nouvel Economiste

B) Comment l’intelligence artificielle va remplacer des millions d’emplois - Ariane Beky - Silicon

C) Penser autrement est-il encore autorisé ? - le Comité Orwell* - Marianne

D) - Croissance américaine : on sous-estime l’apport de l’innovation technologique - La Tribune


E) La France cultive sa compétitivité dans l’aéronautique - La Tribune


F) L’Europe en 2020 : toujours plus d’abandons de souveraineté ? - Régis Soubrouillard - Marianne






A) Les carottes digitales sont-elles cuites ?

Sans une mutation rapide des modes de pensée et des principes d’organisation, la viabilité économique de bien des entreprises est compromise à un horizon qui ne saurait excéder une génération. 




Les GAFA, premiers maîtres du continent digital
L’entrée dans le nouveau millénaire coïncide avec la fin de quelque chose, d’un système, d’un âge d’or, d’une grande illusion selon les commentateurs. La répétition des crises, financières, énergétiques et sociales a dissuadé les plus optimistes d’entre eux de d’envisager des scénarios positifs. Le discrédit généralisé dont souffrent les élites politiques et économiques exprime le désarroi des habitants du vieux monde. L’émergence du continent digital est accueillie avec des sentiments mêlés, pour ne pas dire contradictoires. Cataclysme fatal qui précipite la chute pour les uns, qui logiquement font tout pour en retarder l’irruption dans un vieux système branlant certes, mais familier ; terre promise qui accueillera les survivants, pour les autres, prêts à renier la civilisation qui les a portés. L’avenir sera entre ces deux extrêmes, dont le côté caricatural révèle la perplexité des élites intellectuelles de l’ancien monde. Le plus inquiétant dans la situation actuelle, c’est que nous ne savons plus la penser efficacement ; alors on bavarde, on anecdotise à longueur de colonne ou de grilles de programmes, pour donner le change, tant le doute est scandaleux pour les pouvoirs en place. Le porteur de la moindre parcelle de lumière est accueilli comme un messie providentiel, avant de sombrer dans les oubliettes déjà bien occupées des illusions perdues. 
“Cataclysme fatal qui précipite la chute pour les uns, qui logiquement font tout pour en retarder l’irruption dans un vieux système branlant certes, mais familier ; terre promise qui accueillera les survivants, pour les autres, prêts à renier la civilisation qui les a portés.” 

Le futur des vieilles sociétés se jouera sur le continent digital, c’est une évidence à laquelle les plus passéistes finissent par se résigner. La question qui hante les esprits est : Comment vivre sur cette « terra incognita » ? Se multiplient les appels à un changement de paradigme, par les pédants, à une nouvelle conscience individuelle et collective, plus ou moins explicitement formulée par beaucoup. Ce n’est pas hasard si les comparaisons se multiplient avec l’empire romain finissant, entre le second et le quatrième siècle de notre ère ; et l’on redécouvre que s’y enracinent la culture et l’idéologie des sociétés européennes et américaines. Ses empereurs divinisés, son patriarcat despotique, l’esclavage et la corruption généralisés trouvent des échos troublants dans nos sociétés actuelles. Les barbares ont fini par saccager Rome... et Constantinople a fini par tomber aux mains des Turcs. Une semblable appréhension sourd de bien des voix qui font autorité dans les médias du vieux monde. Premiers maîtres du continent digital, les GAFA déstabilisent plus les modèles intellectuels que les modèles économiques, et ce de deux façons différentes: La première est de créer de la valeur selon des principes différents de celles de l’économie classique. Ils ont ainsi découvert et exploité avec le succès que l’on connait les relations particulières qui se nouent entre les gens sur le continent digital. Pour capturer d’une seule expression cette première différence, GAFA pense horizontal, là où l’économie classique, idéologie des féodalités agricoles et industrielles, pense vertical. La rétention basée sur la dépendance subie laisse place à la relation durable avec des acteurs libres. La verticalité qui aliène les personnes dans nos sociétés est d’abord culturelle. C’est hélas dans ce registre que les inerties et les résistances à l’évolution sont les plus lourdes. Le passage chaotique d’une génération à une autre est souvent nécessaire pour qu’elle s’accomplisse. Sous nos yeux, des fractures culturelles apparaissent entre les « boomers », les « X » et les « milleniums », qui ne trouvent aucun équivalent dans l’histoire récente. Pourra-t- on attendre que ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui partent en retraite pour qu’enfin ceux qui sont nés avec internet puissent réaliser les mutations sociales et économiques nécessaires ? Rien n’est moins sur, tant les choses vont vite sur le continent digital, car c’est maintenant que les meilleures places se prennent. On risque non seulement de faire perdre un temps précieux aux générations futures, mais surtout d’aggraver leur handicap dans la compétition mondiale, tant les décideurs actuels persistent à penser le digital dans vieux système de pensée. Un avatar de la pensée verticale est le nationalisme, version modernisée par la Révolution Française de l’allégeance féodale. Il a été un fléau idéologique du XXème siècle, à l’origine de la plupart de ses épisodes les plus dramatiques ; il est inquiétant de le voir ressurgir en arrière plan de plusieurs commentaires dans la presse : la situation quasi hégémonique de Google dans la plupart des marchés occidentaux conduit les Cassandre à agiter le spectre d’une dépendance définitive de la vieille Europe inerte par une Amérique impérialiste...et de pronostiquer la catastrophe quand les leaders chinois envahiront à leur tour nos écrans. 

“La situation quasi hégémonique de Google dans la plupart des marchés occidentaux conduit les Cassandre à agiter le spectre d’une dépendance définitive de la vieille Europe inerte par une Amérique impérialiste...et de pronostiquer la catastrophe quand les leaders chinois envahiront à leur tour nos écrans” 

Cette vision exprime la grande peur de l’an deux mille selon des modes de pensée proches de ceux qui ont prêché la grande peur de l’an mille. Ce biais induit une compréhension faussée des enjeux de la situation actuelle, et nous détourne des initiatives appropriées. On le retrouve dans un grand quotidien du soir, qui titre « les Etats-Unis de hyper puissance à cyber puissance » ; cette formule transpose directement du vieux monde sur le continent digital le pouvoir impérialiste que les Etats-Unis ont exercé sur le monde au lendemain de la seconde guerre mondiale ; elle méconnaît gravement les spécificités du monde digital. Les rapports de GAFA avec l’administration américaine sont au moins aussi complexes et conflictuelles que ceux qu’ils ont, ou qu’ils pourraient avoir s’ils y trouvaient un interlocuteur, avec les autorités européennes. Inquiéter l’opinion en brandissant des fantômes d’un autre âge n’est pas la meilleure façon de la préparer à l’inéluctable. La seconde particularité de GAFA réside dans leur découverte sur le continent digital de gisements inépuisables d’un nouveau pétrole, l’enregistrement automatique des relations que les gens établissent avec leur environnement, autrement dit le « Big Data ». Ils ont été les premiers à l’extraire et à le raffiner à l’échelle industrielle pour en tirer une nouvelle matière première, l’intelligence relationnelle. Leur domination de cette nouvelle filière de création de valeur peut légitimement inquiéter les acteurs de l’ancien monde à deux titres : Le premier, le plus visible à travers leurs parts de marché, n’est pas le plus préoccupant : en d’autres temps, d’autres sociétés nord américaines ont occupé pendant quelques décennies des positions mondiales quasi hégémoniques, IBM dans les pros ordinateurs, et Microsoft dans les systèmes d’exploitation des ordinateurs personnels ; le progrès des techniques et la vigilance des régulateurs ont gardé les marchés ouverts. Il est probable que l’intelligence relationnelle deviendra une « commodity » mondiale, comme les autres matières premières à l’origine des filières industrielles, et que sa part dans les coûts des services devienne marginale. Ses premiers producteurs, Google et Facebook et leurs émules, doivent leur santé financière à la vente de l’intelligence relationnelle qu’ils accumulent sur leurs plateformes. Beaucoup plus lourd de conséquence à terme est le second ; piégées dans leur hiérarchies et leur « penser vertical », la plupart des institutions publiques et privées de l’ancien monde ne savent pas, ne peuvent pas utiliser l’intelligence relationnelle dans le lacis de leurs jeux de pouvoir. Elles multiplient les initiatives de toute nature, car la menace ou l’opportunité ne leur ont pas échappé, mais les résultats restent décevants, partiels et parcellaires, étouffés par le milieu qui les a fait naître. Faites pour contraindre, pour détenir et retenir l’information qui les traverse, elles diffèrent radicalement du milieu « flat, transparent and free » du continent numérique. 

“Piégées dans leur hiérarchies et leur « penser vertical », la plupart des institutions publiques et privées de l’ancien monde ne savent pas, ne peuvent pas utiliser l’intelligence relationnelle dans le lacis de leurs jeux de pouvoir” 

L’intelligence relationnelle qui y apparait, ou qui réussit à y pénétrer, se trouve rapidement détruit par les anticorps du système. Il n’est pas rare de rencontrer sur le vieux continent de grandes banques, disposant de gisements considérables de données sur leurs clients, et qui achètent fort cher à Google les services d’intelligence relationnelle utiles à leurs stratégies commerciales. La situation des entreprises traditionnelles devient périlleuse quand les barrières techniques ou règlementaires qui protègent leurs rentes de situation tombent les unes après les autres sur le continent digital. Leurs nouveaux concurrents passent alors sous les lignes de leurs comptes d’exploitation, mettent durablement à mal leur modèle économique et capturent à leur profit des parts croissantes de leurs marchés traditionnels. Ils n’offrent rien de nouveau et se contentent d’exploiter leur inertie intellectuelle et organisationnelle. Les « succes stories » se multiplient à la mesure de l’accueil favorable des publics qui migrent massivement sur le continent digital. 


 Jean-Alain Jutteau



B) Comment l’intelligence artificielle va remplacer des millions d’emplois 

L’intelligence artificielle permet aux machines de réaliser des tâches multiples, physiques ou à caractère intellectuel. Demain, des millions d’emplois seront remplacés par des robots ou agents virtuels. L’édition 2015 de Futur en Seine a été l’occasion de débattre de ce (futur) sujet de société. Le cycle de conférences « humain et technologie »de Futur en Seine 2015, festival du numérique à Paris et dans sa région, a été l’occasion d’éclairer l’impact des avancées de l’intelligence artificielle (IA) sur l’emploi. L’intelligence artificielle permet aux robots et machines connectées d’assurer des tâches multiples. Et les capteurs donnent aux smart machines les moyens de « percevoir » le monde physique et de travailler de manière autonome. Mais à quel prix ? Selon Gartner, un tiers des emplois dans le monde seront remplacés par des algorithmes et applications d’intelligence artificielle d’ici 2025. Mais ils ne détruiront pas forcément plus d’emplois qu’ils n’en créent. 

Un continent virtuel dominé par les Gafa
Représenté lors de la conférence « robots et intelligence artificielle » du 12 juin 2015 au Cnam par Anne Dujin, de Roland Berger Strategy Consultants, Charles-Edouard Bouée, Pdg du cabinet de conseil, estime que le monde du travail de demain sera celui des continents virtuels. Internet ayant créé un 7e continent dominé par les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les Bat (Baidu, Alibaba et Tencent) chinois. Dans ce monde, les grands groupes du numérique auraient l’avantage sur les États... et sur les individus. Selon le cabinet de conseil en stratégie, 3 millions d’emplois pourraient être détruits en France d’ici 2025 par la numérisation de l’économie. Les bas salaires, associés aux faibles niveaux de qualification, sont les plus exposés, dans l’industrie notamment. Mais des emplois qualifiés, « intellectuels », sont également menacés, essentiellement les emplois intermédiaires, des fonctions administratives aux métiers juridiques.Bernard Stiegler, philosophe, fondateur d’Ars Industrialis et directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) du centre Georges- Pompidou rappelant que « l’automatisation n’est pas que le robot, c’est aussi la data économie. » 

Vers une intelligence « augmentée »
Nous ne devons pas être « stupidement pessimistes », explique toutefois Anne Dujin, « des emplois vont disparaître, certes, mais d’autres vont se créer».À ce jeu là, les mathématiciens, data scientists et statisticiens sont les mieux armés pour s’imposer. Pour d’autres profils, les tâches « qui requièrent de la créativité, du sens artistique, ou de l’intelligence sociale et du contact humain, qu’elles se rapportent à un métier manuel ou intellectuel, peu ou bien qualifiés » seront préservées, indique Roland Berger Strategy Consultants dans un rapport publié à l’automne 2014. Difficile toutefois d’imaginer que ces profils pointus fourniront 3 millions d’emplois à la France d’ici à 10 ans, compensant ainsi les postes détruits par l’automatisation... L’optimisme est de rigueur du côté de l’équipe d’Evernote, un éditeur de logiciel d’espace de travail. Cristina Riesen, directrice générale pour la région EMEA, préfère parler « d’intelligence augmentée » plutôt que « d’intelligence artificielle ». « La technologie ne va pas penser pour nous, a-t-elle expliqué, mais va proposer, enrichir notre expérience, faciliter le futur. Nous ne serons pas dans une opposition de type humains contre machines... Nous devons travailler ensemble pour inventer le futur du travail, il existe des opportunités. » On pense notamment aux sociétés coopératives dans lesquelles les associés détenant la majorité du capital sont les salariés. 

Propriété universelle, plutôt que salaire universel
Pour Elso Kilpi, spécialiste du management et directeur du cabinet de conseil portant son nom,« la clé d’un nouveau modèle économique » dans lequel l’intelligence artificielle prendra de plus en plus de place « n’est pas le salaire universel, mais la propriété universelle. »

Pour Stefana Broadbent, anthropologue numérique et directrice de recherche sur l’intelligence collective au sein de l’agence de l’innovation britannique Nesta (National Endowment for Science, Technology and the Arts), la gouvernance et les choix politiques détermineront les conditions du travail futur. « La créativité nous sauvera, l’éducation et les compétences aussi. Mais le côté Disney – ‘allons tous chercher la force en nous, et nous trouverons tous du boulot’ – ne se vérifie pas sur le terrain. La précarité est grandissante, y compris dans des nations qui semblaient l’ignorer », remarque-t-elle. 


Ariane Beky  



C) Penser autrement est-il encore autorisé ?

Dix ans après le rejet du Traité constitutionnel européen par le peuple français, ces journalistes ont décidé de créer le comité Orwell qui a pour "ambition de faire entendre une voix différente dans un paysage médiatique trop uniforme". Car, écrivent-ils, "le monde qu'on nous construit commence à avoir quelques ressemblances avec celui d'Orwell. Avec des multinationales toujours plus puissantes. Et des Etats croupions qui ne servent plus qu'à encadrer la vie quotidienne d'un citoyen qui a de moins en moins voix au chapitre. » Le 29 mai 2005, la constitution européenne, plébiscitée par les élites, est rejetée par les Français au référendum. On se souvient du déferlement de mépris contre ce peuple « malvotant » et « malcomprenant », si peu sensible aux vertus de la pédagogie. Le sommet fut atteint par l'édito de Libération. Intitulé « Chef-d'œuvre masochiste », il constitue un classique de la bien- pensance européiste, dénonçant pêle-mêle le « populisme », la « xénophobie », le « gauchisme infantile » de tous ceux qui ne pensent pas comme eux, qui ne votent pas comme ils le souhaitent. Nous étions en 2005, mais on songeait à 1984, le célèbre roman d'anticipation de George Orwell. Il ne s'agit pas de refaire à l'infini la critique de la « pensée unique », qui fit les beaux jours de la presse des années 90. Mais de tirer enfin les enseignements d'un débat qui mérite que l'on s'interroge sur notre propre pratique journalistique. Dix ans ont passé, et le « politiquement correct » a volé en éclats, sous l'action conjointe des réseaux sociaux et de la montée du Front national. Si l'antienne de l'antifascisme ne passe plus, le « cercle de la raison » est toujours une réalité. Pourtant, la crise a démontré que les critiques des eurosceptiques n'avaient rien à voir avec un quelconque tropisme rouge-brun. lls s'interrogent tout simplement sur une perte de souveraineté bien réelle, qui, malgré le traité de Lisbonne, n'a pas été véritablement remplacée par un fédéralisme européen. Toujours moins de souveraineté. Pas de fédéralisme. Où donc est passé le pouvoir du peuple ? Interrogation légitime, pour le moins escamotée dans le débat médiatique. Dans sa célèbre dystopie, 1984, l'écrivain et journaliste décrit un monde totalitaire gouverné par un « Big Brother » qui s'insinue jusque dans les consciences. Le « crime de penser » est passible de mort et la réalité est dictée par la novlangue d'un parti unique et son ministère de la Vérité. Dans le monde d'Orwell, les nations ont été abolies, seuls restent trois blocs uniformes qui font mine de s'affronter en permanence : l'Océania, l'Eurasia et l'Estasia. La mise en scène de conflits imaginaires, voués à canaliser la violence née de l'oppression, a définitivement remplacé le débat fondé sur le common decency, pour reprendre l'expression du célèbre écrivain britannique. Il ne s'agit pas ici de refaire l'histoire, ou de se livrer à des comparaisons hasardeuses. Mais les choix de ces vingt dernières années sont loin d'être anodins. Le monde qu'on nous construit commence à avoir quelques ressemblances avec celui d'Orwell. Avec des multinationales toujours plus puissantes qui imposent leurs règles, tissent leurs réseaux et règnent sur la vie de l'Homo economicus. Et des Etats croupions qui ne servent plus qu'à encadrer la vie quotidienne d'un citoyen qui a de moins en moins voix au chapitre sur les grands sujets. Le tout avec la complicité d'un système médiatique où l'injure, la provocation, l'excommunication, le spectacle l'emportent sur la recherche patiente des faits. Où la recherche de coupables, érigés comme autant de boucs émissaires à une opinion déboussolée, s'est substituée à l'analyse des causes profondes de la crise que nous traversons. Où les « minutes de la haine » décrites par Orwell s'enchaînent, au rythme effrayant de l'information continue. Pour sortir de cette impasse, nous avons décidé de créer le comité Orwell. Il a comme ambition de faire entendre une voix différente dans un paysage médiatique trop uniforme. Plus encore que les autres citoyens, nous avons, en tant que journalistes, la responsabilité de défendre la liberté d'expression et le pluralisme des idées. 

Face à une idéologie dominante qui fait du primat de l'individu sur tout projet commun la condition de l'émancipation, l'association entend également défendre notre héritage social et politique fondé sur la souveraineté populaire. « En ces temps d'imposture universelle, prophétisait George Orwell, dire la vérité est un acte révolutionnaire... »

*Le comité Orwell a été cofondé par Eugénie Bastié, Franck Dedieu, Alexandre Devecchio, Emmanuel Lévy, Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint.



D) - Croissance américaine : on sous-estime l’apport de l’innovation technologique

Les chiffres de croissance économique aux Etats-Unis ont été décevants au premier trimestre. Nombreux sont les experts à y déceler les signes avant-coureurs d'une croissance à long terme plus faible que par le passé. Pourtant, la révolution numérique continue de prospérer. Les startups du High Tech fleurissent à la Silicon Valley et assurent un potentiel de croissance sous-estimé dans les modèles de prévisions. Par Stéphanie Villers, économiste, Humanis Les success story de startups du secteur du High Tech se ramassent à la pelle. Un des derniers exemples en date vient d'un français installé à San Francisco, Renaud Laplanche, fondateur de Lending Club. Cette plateforme de prêts entre particuliers créée en 2006, vient de faire son entrée au New York Stock Exchange et pèse aujourd'hui plus de 6 milliards de dollars. 

Un potentiel de croissance sous estimé
Reste que dans le domaine de l'innovation technologique, les Etats-Unis mènent la danse. L'avance considérable prise par les américains en matière de technologie leur assure un potentiel de croissance bien plus élevé que la zone euro et surtout plus important qu'il n'est actuellement estimé. Si les capacités de production de l'ère industrielle n'ont pas réussi à retrouver leurs niveaux d'antan, en revanche, les progrès technologiques issus de cette révolution numérique permettent d'envisager une dynamique économique soutenue à long terme. Des grappes d'innovation, que ce soit dans la chimie, les services financiers, la santé, la technologie, etc., assurent la poursuite de la phase de reprise américaine enclenchée en 2010. La Silicon Valley, ce terreau bouillonnant au service de l'innovation, permet notamment d'entrevoir un accroissement de la croissance potentielle américaine. Or, ce plus à gagner technologique est resté ignoré dans les modèles de prévisions ou minimisé dans le calcul de la croissance. 

Des modèles économiques à la traîne du progrès
Pourtant, le progrès technologique demeure un des principaux moteurs de croissance économique. Mais les modèles statistiques restent, pour la plupart, sur des références passées. La comptabilité nationale traditionnelle n'est pas en mesure d'évaluer la création de richesse de ces jeunes pousses du High Tech. Il semble, en effet, aujourd'hui compliqué d'évaluer l'apport en création de richesse de ce secteur. La nouvelle économie qui se concentre sur l'information et la communication génère des applications qui facilitent notre quotidien et nous rendent indirectement, plus productifs. Or, ces effets positifs indirects sont difficilement quantifiables dans les modèles macro-économiques. Un retour sur investissement qui ne se trouve pas dans les statistiques, mais devient palpable dans notre quotidien Pour autant, si le retour sur investissement n'est pas retranscrit dans les chiffres, il est, a contrario, palpable dans notre quotidien. Ainsi, utiliser une application qui permet d'éviter les embouteillages et utiliser le chemin le plus direct pour arriver au travail, a de toute évidence un impact sur notre bien-être, puisqu'il génère moins de stress et nous permet un gain de temps ainsi que d'éventuelles économies en carburant. Si ces effets restent difficilement mesurables, intuitivement, on peut admettre que ces services peuvent améliorer notre qualité de vie, et par effet ricochet, notre productivité au travail. Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie en 2001, rappelle néanmoins que toute innovation n'est pas bonne à prendre. Ainsi, la vague d'innovations financières qui a précédé la crise économique mondiale, a fait naître des produits financiers ultra sophistiqués aux effets dévastateurs pour l'économie. La prudence reste donc de mise. L'innovation technologique doit rester à la recherche d'un meilleur équilibre et de développement. Et c'est sans doute le chemin emprunté par la grande majorité des entreprises du secteur. Les projets actuels qui émergent des jeunes pousses de la Silicon Valley semblent davantage portés par un idéal de bien-être, d'amélioration de la qualité de vie et d'un allongement de l'espérance de vie. 

Generation Y : « Yes we can »
En effet, la génération Y, celle, qui est née entre le début des années 1980 et le début des années 2000, qui représente aujourd'hui près de 50% de la population active, semble portée par de nouvelles valeurs qui prennent davantage en considération l'épanouissement personnel. Les jeunes issus de cette génération ont grandi avec les nouvelles technologies et en ont acquis une maîtrise intuitive. Ils ont développé de nouveaux besoins et ont établi de nouveaux rapports au sein de l'entreprise. Cette génération est beaucoup plus créative et plus innovante que la précédente. A la recherche de bien-être et d'une meilleure qualité de vie, ces jeunes explorent des champs jusqu'à présent inexploités visant à faciliter leur quotidien et améliorer leur qualité de vie. Cette recherche du bien-être explique en partie le développement exponentiel d'applications sur smartphones. Enfin, cette génération trouve son plein épanouissement aux Etats-Unis, qui offrent la flexibilité, l'autonomie et surtout les financements nécessaires au développement de leurs projets. Le moteur de la croissance mondiale Cette génération créative est la source de la révolution numérique américaine et est à l'origine de l'accroissement du potentiel de croissance aux Etats-Unis. Pour l'instant, les curseurs des modèles économiques n'ont pas variés. Les effets de l'innovation technologique n'ont pas encore eu le temps de se diffuser dans les courbes de croissance. Au final, il faudra attendre pour que le progrès soit accessible à l'ensemble de la population pour avoir un impact global et palpable sur les chiffres macro-économiques. En dépit de cette lenteur, force est de constater que l'économie américaine recèle d'un potentiel de croissance qui lui permettra de rester, grâce à cette génération Y, le moteur de la croissance mondiale.





E) La France cultive sa compétitivité dans l’aéronautique

Les entreprises françaises du secteur aéronautique engagent des investissements colossaux, puisqu'ils s'élèvent à 7 milliards d'euros par an. C'est l'équivalent de 14% de leur chiffre d'affaires total - soit la proportion la plus élevée de toutes les industries françaises. Mieux que le vin ! L'aéronautique est en effet le premier secteur exportateur de l'Hexagone. Si les industriels, grandes entreprises comme PME, consentent des investissements colossaux pour soutenir l'innovation et la compétitivité, ils s'inquiètent du frein que représente le manque de main-d’œuvre de base. La France se désindustrialise ? C'est vrai, à une exception près : le secteur de l'aéronautique - "C'est le village gaulois!", s'exclame à ce propos Pierre-André Buigues, professeur de stratégie à la Toulouse Business School. De fait, il existe, au même titre que le vin, une vraie tradition française en matière d'aéronautique. Et, mieux que le vin, le secteur se classe premier en termes d'exportations. « Nous sommes le seul pays avec les Etats-Unis à savoir fabriquer un avion de A à Z », s'enorgueillit d'ailleurs Bertrand Lucereau, président du comité aéro-PME du Gifas, groupement d'industriels du secteur, à la table ronde intitulée « Y-a-t-il une 'French compétitivité' aéronautique ? », du Paris Air Forum, organisé par La Tribune en amont du salon du Bourget. D'ailleurs, l'américain Boeing reconnaît les compétences des entreprises françaises... en les faisant travailler! Le chiffre d'affaires de cette activité, baptisée la "French Team", s'élève ainsi à quelque 6 milliards de dollars par an. 

Investir pour tenir la cadence
Pas question cependant de se reposer sur ses lauriers. Les entreprises françaises du secteur aéronautique investissent pour « tenir la cadence », comme l'indique Bertrand Lucereau. Des investissements colossaux, puisqu'ils s'élèvent à 7 milliards d'euros par an (l'équivalent de 14% de leur chiffre d'affaires total - ce qui constitue la proportion la plus élevée de toutes les industries françaises). Et ils sont même supérieurs à ceux réalisés par l'industrie aéronautique en Allemagne, pays de référence en matière de volontarisme dans ce domaine... Toutefois, préviennent les professionnels, l'Allemagne commence à remonter la pente. « Cela devient même préoccupant, remarque le professeur Pierre André Buigues, certains, en Allemagne, ont clairement le sentiment que les industriels français ont levé le pied »... Et "le crédit d'impôt recherche est indispensable, précise à cet égard Bertrand Lucereau, le représentant de l'industrie aéronautique. Il faut le sanctuariser pour nos PME, sinon certaines transféreront leur R&D dans des pays à bas coût, voire toutes leurs activités...", prévient-il. Le casse-tête de la formation Reste que les investissements, aussi essentiels soient-ils, ne peuvent pas tout. « Ce qui manque, ce ne sont pas les ingénieurs, qui constituent près de la moitié de nos salariés, ce sont les spécialistes des tâches de base, comme la chaudronnerie », se lamente Bertrand Lucereau. On le sait, les jeunes boudent les métiers manuels, tandis que les parents valorisent le diplôme universitaire... Résultat, alors que le secteur de l'aéronautique recrute - et offre des salaires compétitifs - les postes de chaudronniers et autres ont du mal à trouver preneur. Les professionnels n'ont pas de recette miracle : la réhabilitation des métiers manuels et l'apprentissage, stratégie initiée il y a plus de 20 ans par les pouvoirs publics, n'a toujours pas porté ses fruits.... Ils tirent en revanche la sonnette d'alarme : une telle désaffection de la part de la main-d’œuvre pourrait finir par émousser la compétitivité de l'un des plus beaux fleurons de l'économie française...





 F) L’Europe en 2020 : toujours plus d’abandons de souveraineté ? 

L'info est passée totalement inaperçu mais le quotidien "Le Monde" a révélé le contenu de la "lettre des quatre présidents", un rapport qui annonce ce que nous réserve la zone euro à l'horizon 2020. Toujours plus d'abandons de souveraineté, de la sueur, mais aussi un projet de réassurance pour les organismes nationaux de sécurité sociale qui connaitraient des difficultés. Globalement, la philosophie de Berlin continue d'inspirer largement les cerveaux des dirigeants de l'Union européenne. Le projet sera présenté fin juin aux dirigeants des Etats européens. A moins qu'un Grexit... Le document ne circule en ce moment qu’entre Bruxelles et Francfort et, accessoirement, dans les rédactions de quelques grands journaux européens qui en distillent des bribes qui passent inaperçues. Pourtant la « lettre des quatre présidents » annonce bel et bien ce que nous réserve la zone euro à horizon 2020. Ce projet de rapport rédigé par Mario Draghi pour la Banque centrale européenne, Donald Tusk pour le Conseil européen, Jean-Claude Juncker pour la Commission et Jeroen Dijsselbloem pour l’Eurogroupe, a très partiellement été dévoilé par Le Monde le 12 juin dernier. Et son contenu doit être présenté aux présidents des Etats européens les 25 et 26 juin prochains. Selon le quotidien, cette « lettre des quatre présidents » fait le constat que l’Union économique et monétaire (UEM), serait « comme une maison qui a été construite il y a des années mais qui n’est pas encore terminée. Quand la tempête est venue, ses murs et son toit ont dû être renforcés dans l’urgence. Mais il est aujourd’hui grand temps de consolider ses fondations ». D'autant que les présidents doivent faire face à des demandes très contradictoires : de la rigidité germanique aux menaces de plus en plus pressantes de Grexit, jusqu’aux demandes britanniques d’assouplissements de certaines règlements de l’Union européenne auxquels il faut également ajouter les revendications des jeunes entrants. "Entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019, l’Eurozone pousserait plus loin l’intégration, avec à la clé, s’il le faut, la nécessité de changer les traités"Globalement, l’approche générale de ce que le journal Le Monde révèle semble plus répondre à la « philosophie de Berlin » du serrage de boulons qu’à la souplesse londonienne. Aucune surprise en l’espèce. L’Union européenne est maintenant depuis des années du côté du manche de Merkel et la chancelière entend tout faire pour qu’elle le reste. C’est donc de la sueur et des larmes, toujours et encore, qui attend demain les Européens. L’argumentaire est sans surprises. Le cerveau de nos leaders européens est une mécanique parfaite qu’aucune crise d’ampleur ne viendra jamais enrayer. Le document rappelle que l’Union économique et monétaire « fondée sur un donnant-donnant : l’abandon partiel de souveraineté qu’implique l’adoption de l’euro, doit permettre, en retour, l’utilisation d’une monnaie stable, dans un marché unique puissant et compétitif ». Les abandons de souveraineté politique ont été effectivement consentis partout en Europe au fil des années, parfois contre la volonté des peuples, mais contrairement, au « donnant-donnant » formulé, jamais l’Union européenne n’a réussi à s’imposer comme un marché unique puissant et compétitif capable de garantir aux membres de l’Union une croissance durable et de protéger les Etats contre les crises internationales. D’ailleurs, ce serait là un des objectifs de ce nouveau renforcement de la zone euro que de se montrer capable de répondre aux chocs économiques. L’ébauche du rapport propose ainsi une démarche en deux temps avec, pour commencer, une entrée en douceur qui sonne comme un apaisement après des années pénibles durant lesquels les peuples européens ont globalement rejeté l’UE : « D’abord, entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2017, il s’agirait de tirer mieux parti des textes européens existants, pour davantage coordonner les politiques économiques et renforcer la compétitivité dans la zone euro ». Un fois passées ces deux années pleines de romantisme, nouveau tour de vis, l’Europe repart en campagne : « Ensuite, entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019, l’Eurozone pousserait plus loin l’intégration, avec à la clé, s’il le faut, la nécessité de changer les traités ». Comme un air de déjà-vu... Sur le modèle des si joyeux critères de Maastricht, les présidents envisagent alors la mise en place de nouveaux critères de convergence, qui sonne comme un embryon de budget européen, « dans le domaine de la compétitivité des marchés des biens, de l’environnement des affaires et de la cohésion sociale » et dont le respect serait la condition pour profiter des mécanismes de redistribution européens. On anticipe déjà l’usine à gaz. Mais selon le pré-rapport, ces mécanismes seraient destinés à « faciliter l’absorption des chocs de croissance pour les pays mais pas, cependant, à pallier leur absence de réformes structurelles ». Sur le plan social, de nouvelles mesures sont également évoquées face au constat de la multiplication des crises et de l’incapacité de l’Union à les enrayer. Le journal allemand Die Presse, qui a eu également la primeur du document, évoque de son côté un mécanisme de réassurance européen pour les institutions de sécurité sociale « nationales ». Des Etats européens pourraient se tourner vers cette institution en cas de hausse brutale du chômage qui menacerait la solvabilité d’une caisse de sécurité sociale. De nombreux critères de convergence sont également prévus avant toute mise en place pour éviter notamment que « l’Allemagne ne vienne à financer sur le long terme le système de sécurité sociale d’un autre pays » écrit le journal. 

L'UE envisage la création d'une autorité de surveillance de la compétitivité pour veiller à une évolution comparable de la productivité et des salaires dans tous les Etats 

Une autorité de surveillance de la compétitivité nouvellement créée devrait aussi veiller à une évolution comparable de la productivité et des salaires dans tous les Etats de l’Union. Un effort que l’on pourrait trouver louable mais notre expérience historique et sociale de l'Union européenne ne nous pousse guère à l'optimisme quant au « progressisme » de cette autorité de surveillance. Par ailleurs, la lettre évoque l’idée d’une présidence renforcée de l’Eurogroupe, et souhaite également donner une plus grande légitimité démocratique aux institutions de l’Union européenne. Noble ambition. Reste à savoir comment. Pas téméraires, les présidents ne donnent apparemment aucune précision quant aux moyens d’adoption de ces traités à horizon 2019. Plusieurs raisons à cela. Outre le risque référendaire que l’on a pu maintes fois apprécier, les Etats militent de moins en moins pour pousser plus avant les mécanismes d’intégration, après sept ans de crises éprouvantes politiquement et économiquement pour l’Union et ses populations, dont nous sommes loin d’être sûrs d’avoir trouvé la sortie malgré les affirmations très optimistes de nos politiques. Le plus dur reste désormais à faire, les « quatre présidents » devront trouver un accord final avant de présenter la dernière mouture du texte aux dirigeants européens. A moins que d’ici là, la Grèce, ne fasse défaut à ses créanciers. La question du Grexit se poserait alors véritablement pour la zone euro. Le coût économique en serait important, mais surtout les conséquences politiques considérables. Ce serait la fin de l’irréversibilité de l’euro et il y aurait, pour nos élites, de quoi s’interroger très sérieusement sur les vertus présumées de la monnaie unique. La « lettre des quatre des présidents » aura alors fait long feu. Ce sera la question de l’Union qu’il faudra poser... 


Régis Soubrouillard 



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