L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre.
Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
Sommaire:
A) Pourquoi François Hollande n’a pas apporté grand chose de constructif à l’Europe le week-end dernier - Nathalie Krikorian-Duronsoy - Atlantico
B) L'UE, un empire à bout de souffle - John Kay - Financial Times
C) Grexit: vers une rupture du système ? - Françoise Compoint - Sputniknews - Russie
D) Consigny - La Grèce est l'avenir de la France - Charles Consigny - Le Point
E) Naufrage grec, le grand révélateur - Claude Robert - Le site de l'auteur via Contrepoints
F) Faux-semblants, chiffres truqués, mensonges et impostures : la méthode Hollande se répand en Europe - Serge Federbusch - Atlantico
G) La Grèce est mise sous la tutelle des Etats-Unis - Valérie Smakhtina - Sputniknews - Russie
H) Grèce: la politique de la canonnière - Jacques Sapir - Sputniknews - Russie
I) Pour réformer la France, l'Allemagne préconise la manière forte - Thomas Morel - Métronews
J) Non, l’accord du 12 juillet avec la Grèce n’est pas un diktat même s’il ne résout rien - Gaspard Koenig - Atlantico
K) Un Grexit, et alors? Aux Grecs de se sortir de la panade dans laquelle ils se sont mis - Guillaume Nicoulaud - Causeur
A) Pourquoi François Hollande n’a pas apporté grand chose de constructif à l’Europe le week-end dernier
Alors que le président a exprimé lors de
la traditionnelle interview du 14 juillet une certaine satisfaction sur
son action dans le traitement du dossier grec, Alexis Tsipras reconnait
le manque de lucidité du plan d'aide accordé.
Heureux qui comme
François Hollande, après un long voyage à Bruxelles, de retour dans sa
patrie, se sentait porté par la gloire. Lundi soir, anticipant les
résultats des négociations de l’Euro groupe réuni à Bruxelles pour
trouver une sortie à la crise grecque, le premier ministre Manuel Valls
annonçait aux Français le retour d’"un grand président de la République"
auquel l’Europe devrait, à l’avenir, le "respect de la souveraineté" de
la Grèce. Hier, lors de son traditionnel discours-interview du 14
juillet, le président de la République, mettant en avant son rôle sur la
scène internationale, pronostiquait ce que seront les deux prochaines
années de son mandat en s’auto-estimant être un président "audacieux".
De
l’audace en effet, il n’en a pas manqué, se couvrant de lauriers, via
son Premier ministre, pour une gloire dont on est pourtant en droit de
douter qu’elle soit tout à fait sienne, ou qu’elle ait jamais existé.
Car en échange de ce troisième plan d’aide européenne, atteignant 81
milliards d’euros, ouvrant sur un possible rééchelonnement de la dette
grecque mais rien n’est acté, c’est sa souveraineté économique et
politique que la Grèce a du céder à l’Europe (1).
Le Premier ministre Alexis Tsipras, le reconnait
d’ailleurs lui-même lorsqu’il affirme lundi matin dès la signature de
son accord avec les représentants de la zone euro : "la Grèce continuera
à lutter afin de pouvoir renouer avec sa croissance et regagner notre
souveraineté perdue". Le 15 février dernier il avait pourtant annoncé,
comme but de ses négociations avec l’Union Européenne, "un nouveau
programme" dont Athènes aurait eut la maîtrise. Alexis Tsipras n’aura
tenu aucune de ses promesses de campagne et déçu les Grecs lui ayant
donné leurs voix pour lutter contre l’austérité. C’est pourquoi il a
perdu beaucoup plus qu’il n’avait misé, et donc espéré, lorsqu’il se
jetait avec force, au début des négociations, dans un bras de fer contre
ses créanciers européens, soutenu par le Président français.
François Hollande pour sa part, a tout de suite vu qu’il tenait, dans la période qui s’ouvrait, l’occasion de vivre un
grand moment diplomatique. Le moyen de se placer dans l’orbite idéale
des chefs d’Etats français l’ayant précédé et qui, depuis Charles de
Gaulle, sont tenus de briller en politique extérieure.
Mais dans cette crise
européenne majeure, le président français a aussi saisi sa chance de
montrer à ses électeurs et à son propre parti, qu’il était capable de se
hisser, dans la pratique, à la hauteur des promesses qu’il avait faites
sur l’Europe pendant la campagne présidentielle de 2012.
C’est que François Hollande est dans l’urgence d’une
échéance que le quinquennat et l’échec de sa politique rendent brulante :
sa popularité est au plus bas, et les derniers sondages du mois de
juillet le confirment, le chef de l’Etat entraine avec lui des records
historiques de défiance. Ainsi le 2 juillet, alors que la CGT manifeste
son "soutien au peuple grec", 72% des Français portent un jugement
"défavorable" sur l’action du président (2). Pire, le 7 juillet, au plus
fort de l’angoisse internationale d’un Grexit, seulement 24 % des
Français se disent prêts à lui accorder leur confiance à pour "sortir de
la crise actuelle entre la Grèce et les autres pays européens" alors
même que 44 % d’entre eux sont plus confiants à l'égard d'Angela Merkel.
Un résultat catastrophique pour le chef de l’Etat, dont le directeur du
département opinion de l'Ifop disait : "On observe de manière cruelle
et cinglante qu'aux yeux des opinions publiques françaises et
allemandes, ce n'est pas François Hollande qui incarne le leadership
européen mais Angela Merkel" (3).
Or, qu’on se souvienne
du discours du Bourget, le seul qui fasse encore l’unanimité sur la
personne du président de la République au sein de son propre parti et
chez son ancien électorat. François Hollande y professait : "La France
doit retrouver l’ambition de changer l’orientation de l’Europe. Elle
imposera de savoir convaincre et entraîner nos partenaires, précisant,
ce qui va changer, c’est le vote des Français, qui sera notre levier
pour convaincre. Les destins de l’Europe et de la France sont liés, la
grandeur de la France ne peut pas être séparée de la force de l’Europe.
Nous
avons besoin d’Europe, elle doit nous aider à sortir de la crise mais
pas imposer une austérité sans fin qui peut nous entraîner dans la
spirale de la dépression. (...) C’est pourquoi je proposerai à nos
partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance.
Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre pour
lui apporter la dimension qui lui manque". Faute de n’avoir jamais
renégocié quoi que ce soit, il est indéniable que le président de la
République a très habillement joué sa carte personnelle dans la crise
grecque.
Avec l’affirmation mainte fois réitérée de son
soutien à la Grèce il a même quelque peu profité du chantage au Grexit
instrumentalisé par Alexis Tsipras qui annonçait, par surprise, dans la
nuit du 26 juin le référendum du 5 juillet, brandissant ainsi, comme son
ainé François Hollande en son temps, la carte d’un populisme de gauche,
destinée à déstabiliser une Europe dont le talon d’Achille demeure
l’absence de politique commune entre les Etats qui la composent. Car
Alexis Tsipras n’a pas seulement consulté son peuple, il l’a appelé à
voter non.
Mais François Hollande a su, aussi, profiter pour
lui-même et pour l’image de son pays par ricochet, du fait que la France
et l’Allemagne selon des raisons historiques qui tiennent à la grandeur
politique de l’une et à la puissance économique de l’autre, sont "les
moteurs de l’Europe". De sorte qu’avec l’habileté négociatrice qu’il
convient de lui reconnaitre, le Président français a, dans la crise
grecque, élevé à la hauteur d’un art son sens aigu du double jeu auquel
il doit le sobriquet de culbuto dont l’affuble volontiers, en privé, la
présidente du Front National, Marine Le Pen.
La crise grecque posait au président des
problèmes de politique intérieure, coincé qu’il était entre l’union des
extrêmes souverainistes, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, d’un
côté, et Nicolas Sarkozy, de l’autre. L’ancien chef de l’Etat présent à
Bruxelles s’est d’ailleurs invité dimanche dans le timing de la
négociation pour le sermonner : "Il faut que Monsieur Hollande se
ressaisisse et reconstitue une unité avec la chancelière Merckel ... ce
fut une erreur, de laisser à penser comme l’a fait monsieur Hollande
depuis sept mois, à monsieur Tsipras, qu’il pouvait avoir un chèque en
blanc de la part de ses partenaires de la zone euro". L’objectif était
de faire passer l’idée qu’en soutenant ostensiblement le jeune premier
ministre grec qu’il coachait, François Hollande risquait un coup de
poker dangereux pour la France sur la scène internationale.
En jouant sur les deux
tableaux, Grèce et Allemagne, le président français, voulait se
construire une image de leader, mais c’est la position allemande qui l’a
emporté. Car la force politique de François Hollande tient toute
entière au fait de n’avoir aucune position originale, de ne faire aucun
vrai choix et d’avoir, in fine, ménagé la chèvre allemande, pour manger
avec elle le chou grec, après l’avoir arrosé. L’histoire dira quel rôle
fut celui de la France dans la construction européenne sous la
Présidence de monsieur Hollande, mais le temps présent laisse à craindre
qu’à l’issue des négociations entre les dix neufs chefs d’Etat et de
gouvernement de la zone euro opposés à la Grèce de monsieur Tsipras,
l’Europe ne soit perdante.
Aucun pays européen n’avait intérêt, si ce n’est d’un
point de vue économique, à la sortie de la Grèce qui est membre de
l’OTAN et dont la position géopolitique en tant que frontière avec la
Turquie est déterminante pour l’avenir, non seulement de l’Europe, mais
du monde occidental, face à l’offensive idéologique et militaire de
l’islamisme. En revanche, tous les pays ont intérêt à construire une
Europe politique en lieu et place de celle qui punit les Etats et
asphyxie les nations de réglementations idiotes, au lieu d’enrichir le
projet européen de toutes ses particularités nationales et d’y puiser la
force d’une unité supérieure. Or cette unité ne viendra jamais de
règles économiques, si nécessaires soient-elles. Elle est à trouver dans
la richesse d’une culture commune, qui doit prendre forme. Qu’on
l’appelle "fédération" ou "coalition" comme monsieur Guaino, peu
importe. Mais pour cela, il faut déplacer la charrue économique et la
mettre derrière les boeufs, politiques et culturels, qui ne sont pas
encore trouvés. Sans quoi, l’Europe demeurera un bel idéal, toujours
trop lointain, faute d’avancer dans le coeur des peuples qui la
composent.
Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
(1) Le compromis signé par A.Tsipras engage la
Grèce "à consulter et se mettre d'accord" avec la BCE, le FMI et la
Commission européenne, "sur tout projet de loi sur les domaines
pertinents avec un délai pertinent avant de le soumettre à la
consultation publique ou au Parlement". Et à adopter, d’ici le 22
juillet "une réforme majeure de la justice civile et transposer la
directive européenne sur la mise en faillite des banques."
(2) D’après une étude pour le Huffington Post et iTELE, LCPassemblée nationale, 2 juillet 2015
(3) "Crise grecque : les Français font davantage confiance à Merkel qu'à Hollande", Le Figaro, 7 juillet 2015
L'Union
européenne est devenue trop grande pour être gouvernée de manière
efficace sur l'ensemble de son territoire, estime John Kay, économiste
et contributeur du quotidien Financial Times.
L'UE
avec ses idées intarissables de renforcement de l'intégration et
d'élargissement rappelle les grands empires du passé, a fait remarquer
John Kay dans son article publié dans le Financial Times. Pourtant,
l'organisation est incapable d'exercer une gouvernance de manière
efficace sur l'ensemble de son territoire, car certains de ses membres
sont très en retard au niveau du développement économique. C'est dans ce
genre de circonstances que les grands empires ont fini par péricliter
dans le passé, a-t-il rajouté.
Selon l'expert, l'Europe parle beaucoup et avec fierté de ses valeurs,
de sa culture et des avantages des institutions européennes, en
déclarant assez souvent son envie de propager tous ces acquis dans les
autres pays et en leur proposant d'intégrer l'organisation.
Des déclarations qui auraient pu être faites par les "personnages les
plus désagréables de l'histoire du monde", car dans le fond, ce genre
de discours a toujours été l'apanage des impérialistes.
Ainsi,
les paroles d'un chant nationaliste britannique — "Larges et toujours
plus larges, tes frontières seront fixées. Puisse dieu, qui t'a fait
puissante, te rendre encore plus puissante" — rappellent les idées
d'élargissement de l'UE, affirme l'auteur de l'article.
Effectivement, en général, l'UE accepte l'adhésion des pays qui annoncent leur souhait de l'intégrer, même si leur niveau de démocratie et de développement économique ne correspond pas forcément aux normes établies par l'organisation.
Effectivement, en général, l'UE accepte l'adhésion des pays qui annoncent leur souhait de l'intégrer, même si leur niveau de démocratie et de développement économique ne correspond pas forcément aux normes établies par l'organisation.
Il est vrai que l'UE n'a envahi personne, contrairement aux empires des
XIXe et XXe siècles, qui s'accaparaient de nouveaux territoires en
ignorant l'opinion des peuples soumis et en réprimant toute liberté
démocratique. Néanmoins, aujourd'hui, le territoire de l'UE dépasse les
frontières dans le cadre desquelles l'organisation pourrait exister sans
problèmes, amenant ainsi à la confrontation géopolitique avec la Russie
et compliquant les relations entre la zone euro et les économies
périphériques.
"La chute des empires a été en grande partie provoquée par leur
taille démesurée, quand la périphérie commençait à protester et que le
centre se posait des questions sur la pertinence de l'existence d'un tel
projet", a fait remarquer John Kay.
Selon l'auteur, tous ces symptômes sont propres à l'Europe d'aujourd'hui. L'UE a perduré grâce à un élargissement permanent dont le rythme était trop rapide pour que les nouveaux membres puissent coller aux standards établis par l'organisation.
Selon l'auteur, tous ces symptômes sont propres à l'Europe d'aujourd'hui. L'UE a perduré grâce à un élargissement permanent dont le rythme était trop rapide pour que les nouveaux membres puissent coller aux standards établis par l'organisation.
"Cette stratégie ambitieuse est probablement allée trop loin", a conclu M.Kay.
Ministre belge: un Grexit risque de déstabiliser les Balkans
La dette publique de la Grèce doit être annulée, selon un expert crétois
La Grèce manque un nouveau remboursement au FMI
Marine Le Pen aurait engagé la Grèce vers la sortie de l'euro
Prodi: annuler la dette grecque comme cela avait été fait pour l'Allemagne
Grèce: vers la démission d'Alexis Tsipras?
Gaspard Koenig dirige le think-tank Generation Libre. Dernier ouvrage paru : Le révolutionnaire, l’expert et le geek (Plon).
K) Un Grexit, et alors? Aux Grecs de se sortir de la panade dans laquelle ils se sont mis
Le problème, au fond, n’est pas vraiment économique. La Grèce pourrait, pour peu qu’elle remette de l’ordre dans ses finances publiques et réforme enfin son économie, se sortir de cette mauvaise passe sans souffrances excessives et ce, d’autant plus que les conditions auxquelles la Troïka lui fait crédit sont particulièrement avantageuses. En effet, et contrairement à ce qu’affirment les suspects habituels, on a déjà vu des pays se sortir d’une crise grave avec des politiques d’austérité — sans aller chercher bien loin, c’est précisément ce qu’a fait le président de Gaulle : excédents budgétaires, réduction de la dette publique, modernisation de l’économie et le tout, sans dévaluation 1 ni subsides européens.
Le problème est surtout politique. Il a fallu un de Gaulle pour nous sortir de l’ornière de la fin des années 1950 ; un homme qui comprenait qu’un pays ne pouvait pas se prétendre indépendant s’il croulait sous les dettes ; un homme qui ne comprenait que trop bien les ravages de l’inflation et des dévaluations ; un homme qui, enfin, jouissait de l’aura nécessaire pour convaincre un peuple tout entier de renoncer aux solutions de facilité. Or voilà, Tsipras n’a sans doute ni les convictions ni l’étoffe d’un de Gaulle. Il n’est pas, pour paraphraser le commentaire d’un observateur grec, le leader dont la Grèce a besoin ; il est juste celui qu’elle a.
Mais le pire n’est pas là : quand bien même le premier ministre grec, ou un autre, aurait de telles capacités, ça ne changerait rien. Ça ne changerait rien parce que la Grèce est de facto sous tutelle et ses tuteurs, pour l’essentiel, sont bien mal placés pour donner des leçons en matière de sérieux budgétaire, de dynamisme économique et de respect de leurs engagements. Quelle que soit la forme que prendra ce troisième plan de sauvetage, il se traduira par le même genre de relation qui unit le Mezzogiorno au nord de l’Italie : une relation de dépendance dont on ne sort jamais.
On n’y arrivera jamais comme ça. Ce troisième plan, c’est de l’acharnement thérapeutique sur un patient qui, fondamentalement, refuse les potions qu’on lui impose ; une thérapie ruineuse qui, au mieux, maintiendra le malade dans le coma jusqu’à ce qu’on décide de lui administrer une nouvelle dose. C’est peine perdue. Il faut couper la perfusion et il faut la couper maintenant ; c’est aux Grecs et aux Grecs seuls de se sortir de la panade dans laquelle ils se sont mis. La seule solution viable à long terme, c’est de laisser l’État grec faire faillite et assumer seul, sans contraintes ni aides extérieures, les conséquences de ses choix.
Notre erreur fondamentale, dans cette affaire grecque, c’est que nous n’avons pas respecté la clause de non-renflouement 2 que nous avions pourtant tous signée. Athènes aurait fait défaut, ses créanciers y auraient laissé quelques plumes et les gouvernements grecs auraient dû apprendre à fonctionner quelques années sans emprunter le moindre centime. Au moins, ça aurait réglé le problème rapidement tout en dispensant au passage quelques bonnes leçons. Mais non. Les technocrates qui nous gouvernent en ont décidé autrement : « Un État membre, nous disent-ils en substance, ne peut pas faire défaut parce que ça signifierait une sortie de la zone euro. »
D’une part, et alors ? Ce n’est pas parce que la Grèce ou un autre pays décide de quitter l’union monétaire que nous sommes tous obligés de faire de même. D’autre part, pardon mais je ne vois aucune raison qui fasse qu’un État membre en défaut de paiement soit obligé d’abandonner l’euro contre son grè. Jusqu’à preuve du contraire, c’est un non sequitur : l’argument selon lequel la BCE serait obligée de couper les vivres des banques grecques en cas de défaut ne repose que sur une volonté politique. En pratique, après recapitalisation 3, il est tout à fait possible de remettre le système bancaire grec en ordre, même si l’État est en faillite.
Mais pourquoi diable s’obstinent-ils à ce point ? Vous pouvez, bien sûr, souscrire à la thèse qui voudrait que si la Grèce ne rembourse pas le monde cessera de tourner ou, dans un autre genre, à celle de la méchante Allemagne qui cherche à humilier les gentils grecs, mais je crains fort que ni l’une ni l’autre ne passe le sniff test le plus élémentaire. La réalité, à mon humble avis, est beaucoup plus simple : de Tsipras à Merkel en passant par Hollande et les autres, tous sont absolument convaincus que si la Grèce ne paie pas ou sort de la zone euro, ils le paieront aux prochaines élections.
Guillaume Nicoulaud est un blogueur et économiste français
C) Grexit: vers une rupture du système ?
C’est un fait: l’invulnérabilité de la zone euro relève du mythe pur et simple.
Le Grexit, s'est-il avéré, a semé la panique dans les rangs, démontrant,
d'une part, que l'invulnérabilité de la zone euro relevait du mythe pur
et simple, de l'autre, que la démocratie, lorsqu'elle s'exerçait comme
elle se doit — clin d'oeil à la démocratie directe ou à l'initiative
populaire suisse — rendait flagrant le caractère incompatible des
intérêts du peuple et d'un groupuscule hyper-élitaire de créanciers
vivant aux dépens des dettes accumulées par les Etats.
Le référendum grec dont personne ne met en doute le résultat — 61,31% de
non à la zone contre 38,69% de oui — a cela de dramatique pour
Washington et Bruxelles qu'il risque d'être contagieux. Encore faut-il
cependant que la Grèce s'en sorte, ce qui lui vaudra bien des pressions
d'ici là. La Grèce n'est pas l'Islande. Cette dernière qui s'en est
joliment sortie reste un pays minuscule de 329.000 habitants dont le
défaut ne représenterait qu'une goutte d'eau dans l'océan financier
mondial. Partant de là, que penser d'une situation similaire en France
ou en Espagne? Consciente du danger, la presse occidentale a bien veillé
à ce que tout discours constructif sur la sortie de la zone euro et/ou
de l'UE soit occulté. Néanmoins, il existe en France des partis
souverainistes qui appellent au référendum. François Asselineau,
Président de l'Union Populaire Républicaine (UPR) représente cette
tendance.
Voici le constat qu'il fait.
Dans l'état actuel des choses, les Français ont le choix entre deux options:
— Se résigner à vivre dans la zone euro telle qu'elle est et dans l'Europe unie telle qu'on la leur impose.
— Voter pour une nouvelle Europe, une « autre » Europe.
Le problème, selon lui, c'est que ce n'est pas aux peuples qu'il
revient de choisir cette « autre » Europe qui serait, nous assure-t-on,
la meilleure des solutions. Les négociations se feront de toute façon à
huis-clos et les principes édificateurs de ladite nouvelle construction
seront votés par le même groupuscule très peu médiatique qui est à
l'origine de la version numéro 1. La France est particulièrement
réticente à tout débat en la matière, pourtant, l'une des clauses du
Traité sur l'UE prévoie une éventuelle sortie de l'UE. La majeure partie
des grands maux de l'Europe « unie » sont déclinés à travers les
impératifs du Traité, tel l'article 63 qui interdit le contrôle du
mouvement des capitaux ou l'article 106 qui cautionne la privatisation
des services publics. La solution se trouve donc à la surface.
M. Asselineau dénonce par ailleurs l'assujettissement du budget de la
République française à l' « approbation et à la correction » de
technocrates non-français qui en outre ne représentent aucun peuple
parce qu'ils ne sont pas élus. C'est en vertu de leurs pleins pouvoirs,
précise-t-il, qu'ils ont plié la politique étrangère des pays concernés
aux besoins de l'OTAN — une Alliance militaire pilotée par les
Américains — qui aujourd'hui est à l'origine d'un double choc des
civilisations — et avec le monde arabo-musulman et, d'une autre manière,
avec le monde slave.
François Asselineau: Le débat en France sur la sor
François Asselineau: Le débat en France sur la sor
Françoise Compoint Journaliste. Diplômée de l’Université Lomonossov de Moscou, master de philosophie, professeur agrégée. Journaliste depuis 2012, a fait ses premières armes au sein de la « Voix de la Russie ». Sujets de prédilection : relations internationales, géostratégie, sociologie. Français et russe – langues maternelles, anglais – couramment.
D) Consigny - La Grèce est l'avenir de la France
La presse tresse des lauriers à François Hollande sans réaliser que la situation de notre pays n'a pas grand-chose à envier à celle de la Grèce !
Et François Hollande pavoisa. Le président des câlins et des bisous, comme il s'est lui-même baptisé, a pris Alexis Tsipras
dans ses bras avant de quitter Bruxelles. Un communiste consolé par un
socialiste, voilà qui avait de quoi ravir les journalistes français, et
ça n'a pas manqué. Toute la presse est au diapason pour dire que, n'en
déplaise à la méchante droite ronchonne, ce président-là est formidable.
Les cent plumes qui ont sacrifié leur indépendance sur l'autel des SMS
élyséens guettaient ce qui pourrait enfin justifier leur clémence : ils
ont sauté sur l'accord européen les yeux fermés.
La France
défend l'Europe alors que l'Allemagne défend l'Allemagne. C'est notre
honneur que de faire cela, et il faut certes reconnaître à M. Hollande
que dans sa volonté de rapprocher les points de vue plutôt que de punir
un pays –, et cela pour que la construction européenne puisse se
poursuivre –, il a fait un choix conforme à la ligne de notre pays.
Toutefois, lorsqu'on négocie jusqu'à l'aube, c'est qu'au fond personne
autour de la table n'a intérêt à partir fâché. Nul ne pouvait en effet
prévoir les conséquences, aussi bien financières que géopolitiques,
d'une sortie de la Grèce de la zone euro : cela aurait été d'abord un
coup d'arrêt à l'édification de l'Europe politique ; ensuite un
affaiblissement considérable, sur le plan symbolique, de tout le
continent et de sa monnaie ; enfin, le chaos en Grèce, qui aurait pu
rapidement devenir, à nos portes, la terre d'accueil des malfrats du
monde entier qui n'aiment rien tant que les États qui s'effondrent, et
celle de milliers de migrants – or, la Grèce aurait quitté l'euro, mais
pas l'espace Schengen. À part les partis nationalistes, personne ne
souhaitait le Grexit.
Les Allemands ont l'impression d'être les dindons de la farce
M. Tsipras est un politicien remarquable : en ne demandant pas à ses
concitoyens s'ils souhaitaient ou non quitter l'euro, mais s'ils
souhaitaient ou non accepter une version particulière d'un plan de
soutien financier, il s'est réservé le droit d'en accepter un autre,
fût-il assez semblable, et il a permis à son peuple de crier sa colère,
sans pour autant courir le risque d'une catastrophe. À quoi il faut
aussi ajouter que M. Tsipras s'est personnellement renforcé par ce
plébiscite, aussi bien à l'intérieur de son pays qu'à l'extérieur dans
les négociations. Les Allemands, fourmis qui payent pour des cigales,
doivent tout de même avoir vaguement l'impression d'être les dindons de
la farce, et n'ont plus qu'à espérer qu'il y aura du changement et que
leurs milliards ne sont pas tombés dans le tonneau de Danaïdes.
Pendant ce temps-là, la France poursuit imperturbablement sa
promenade dans une voie condamnée. La dette a dépassé depuis longtemps
les 2 000 milliards d'euros, la croissance ne repart pas, le chômage
continue d'augmenter et aucune réforme importante n'est mise en chantier
par le gouvernement. Nous ne touchons pas à notre administration
cégétiste, à notre fiscalité délirante, à nos entreprises publiques
endormies, à nos collectivités locales pléthoriques : on laisse tout en
l'état, même si ça finira par nous être fatal. Peut-être pourrait-on
tirer les leçons du naufrage de nos voisins, et faire chez nous ce que
nous leur demandons de faire chez eux.
Consigny - La Grèce paie son socialisme
L'extrême gauche se réjouit de la victoire du non, oubliant que c'est sa politique qui a précipité la Grèce dans l'abîme, juge Charles Consigny.
Que les États-Unis, la Chine et la Russie
se soient félicités du référendum grec devrait nous inquiéter, car ces
trois pays se sont félicités de l'étiolement de l'Europe en tant que
première puissance mondiale. Les Grecs sont au milieu de l'océan, à bord
d'un navire qui prend l'eau, et ils refusent les canots de sauvetage
qu'on leur envoie : ils veulent des canots plus grands, d'une autre
couleur, en plus grand nombre, etc. Partout sur le continent, les partis
d'extrême gauche essaient de surfer sur le succès du mouvement.
Jean-Luc Mélenchon parlait ridiculement hier sur RTL de « notre
gouvernement » à propos de celui d'Alexis Tsipras. Toutes sortes
d'autres commentateurs se croient très subversifs en expliquant qu'il y a
là une victoire de la démocratie contre les technocrates, des opprimés
contre leurs oppresseurs, « oppresseurs » qui soutiennent pourtant à
fonds perdus depuis des années les « opprimés ». Comme d'habitude, on ne
sait pas bien ce que M. Hollande pense de tout cela – il semblerait
qu'il ait perdu toute faculté de s'exprimer sans maintenir une ambigüité
sur le sens de ses propos. C'est pourtant lui qui, en 2012, accréditait
l'idée selon laquelle l'Union européenne serait engagée dans une voie
ultra-libérale qu'il convenait de « réorienter » : il n'a rien réorienté
du tout et c'est tout juste si la pauvre Union européenne a pu
maintenir dans l'économie de marché une France aux mains d'un socialisme
délirant, tandis qu'elle ne pourra probablement pas le faire pour la
Grèce.
Une crise qui naît d'un excès de dépenses publiques
Il ne faut pas se raconter d'histoires : la Grèce est morte de ses
dépenses publiques. Pas de ses créanciers, par des banquiers de Goldman
Sachs ni de l'intransigeance d'Angela Merkel. Ils se sont mis eux-mêmes
en faillite parce que leurs administrations sont trop coûteuses, faute
d'être réformées. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui sont programmés
idéologiquement pour mener le « berceau de la démocratie » à sa perte.
Le parti frère de Syriza en Espagne, Podemos, ne propose rien d'autre
qu'un renforcement du contrôle public de l'économie, le retrait du pays
de certaines zones de libre-échange et toutes sortes de gadgets bobos
qui plairont sans doute aux hipsters fonctionnarisés du centre de Paris,
mais qui n'ont aucune chance d'aboutir à un quelconque résultat positif
pour le peuple espagnol. La crise que traverse l'Europe depuis 2008 est
une crise des dettes souveraines : c'est donc une crise qui naît d'un
excès de dépenses publiques. Dire que trop baisser celles-ci revient à
achever le malade, comme on l'entend beaucoup à propos de la Grèce,
revient à reconnaître la trop grande dépendance des économies
européennes à la dépense publique. Nous ne souffrons certainement pas
d'un excès de libéralisme dans les politiques menées par Bruxelles :
nous souffrons de l'omniprésence des administrations publiques dans tous
les secteurs de sociétés qui en étouffent.
Qu'on abandonne les Grecs à leurs fantasmes, et ils verront comme on
est heureux à Cuba. Que les Espagnols leur emboîtent le pas si ça leur
chante, et ils goûteront aux joies des tickets de rationnement et des
magasins vides. Que les journaleux, les faux artistes et autres guignols
de l'info qui soutiennent M. Tsipras depuis leurs transats des Cyclades
y restent : le collectivisme n'est pas un horizon pour l'Europe, c'est
l'un de ses pires souvenirs.
Consigny - Le Grexit, occasion de rouvrir le chantier européen
Les difficultés de la Grèce peuvent marquer le début d'une nouvelle séquence : nous débarrasser des systèmes publics, et des responsables à bout de souffle !
Comme beaucoup de bourgeois, j'aime beaucoup les îles grecques, ces
paradis blancs et bleus où le vent souffle sur une végétation sèche.
J'aime l'antipathie des Grecs, qui marque leur fierté. J'aime leur
nourriture simple, saine et répétitive, leur petit vin frais servi en
carafe avec des verres de cantine, les chaises en paille et les nappes
en papier de leurs restaurants. J'aime même la saleté d'Athènes, son
laisser-aller et son atmosphère de violence. Du Pirée, cauchemar
portuaire, je ne garde que des souvenirs heureux. La noblesse de la Grèce
est dans les mémoires, dans la littérature mythologique, dans les
livres d'histoire et sur les vases exposés sous verre dans les musées du
monde entier. Elle est sur les rivages des Cyclades, sur la mer, sur
l'or du soleil qui s'y reflète, au calme lointain et spartiate de
maisons identiques qui forment ces paysages que tout le monde connaît.
Voilà ma perception de touriste.
Il a manqué à l'Europe la volonté de s'assumer comme une puissance
Des tas de gens se bornent à répéter que "la Grèce est le berceau de
la démocratie" et qu'à ce titre elle devrait rester membre de la zone
euro, quoi qu'il en coûte. Comme si la zone euro avait réellement
quelque chose à voir avec la démocratie, elle qui, comme l'Union
européenne, a été bâtie par-dessus les peuples par une classe dirigeante
qui croyait en son rêve. Les gouvernants européens savaient que l'État
grec collectait difficilement l'impôt et qu'il truquait ses comptes,
mais ils ont pensé que l'intégration continentale allait produire une
sorte d'effet d'entraînement, apportant par magie la rigueur
administrative, la responsabilité politique, le civisme, enfin tout ce
qu'il faut pour faire un pays comme le Danemark.
Les Grecs n'ont pas fait les réformes qu'ils n'avaient de toute façon
que vaguement promises, mais se sont servis de la solidarité et de la
solidité européennes pour emprunter au-dessus de leurs moyens. Les voilà
aujourd'hui en faillite. Encore une fois, il a manqué à l'Europe la
volonté de s'assumer comme une puissance : limitée à un agrégat de
nations liées par quelques traités, actionnée par des institutions
inutilement lourdes, opaques et sans légitimité forte, circonscrite à
quelques domaines très techniques, l'Union européenne est en train de se
désagréger.
Recentrer l'UE sur ses pays forts
On peut objecter qu'il en va de l'UE comme naguère de l'URSS dont on
disait que si ça ne marchait pas, c'est qu'il en fallait plus et que ça
finirait bien par marcher un jour à force d'en rajouter, raisonnement,
il est vrai, un peu fou. Il ne faut pas plus d'Union européenne telle
qu'elle meurt, il faut en faire une nouvelle et, de ce point de vue, le
Grexit peut marquer le début d'une nouvelle séquence. Cela fait des
siècles que l'Europe enfante des génies et des merveilles. Nous sommes
la plus grande civilisation du monde. Or, aujourd'hui, nous dormons
debout et l'élite de notre jeunesse émigre vers des terres plus
prometteuses. Tout montre qu'il faut une Europe forte : pour gérer les
flux migratoires, par exemple. Le moment est venu de recentrer l'UE sur
ses pays forts, d'en affirmer clairement les valeurs et l'enracinement,
et de les doter d'un gouvernement élu au suffrage universel direct. Les
systèmes publics, et leurs responsables, sont à bout de souffle dans la
plupart de nos pays : l'occasion de nous en débarrasser pour faire du
neuf est entre nos mains. Nous avons un projet politique entre les
mains, un vrai but pour les nouvelles générations, autre chose que leur
petit bien-être capturé sur Instagram, autre chose que la burqa, autre
chose que des manifs contre les homosexuels et autre chose que des
luttes contre des fascismes imaginaires, qui ne deviendront réels que
par notre inaction.
E) Naufrage grec, le grand révélateur
Comme le disait Jean Baudrillard,
c’est à travers ses saillies que l’on en apprend le plus sur une
société. Et sans surprise, la crise grecque nous fournit un exemple
inespérément riche des courants qui tiraillent nos sociétés européennes
et des impostures qui tentent de s’y incruster à tout prix. Par sa
gravité et son aspect caricatural, la négociation-marathon autour des
plans de sauvetage successifs a même échauffé certains esprits qui se
sont empressés, par leurs dérapages verbeux, d’aller bien au delà du
point Godwin.
De fait, cette crise nous sert sur un plateau une typologie
comportementale très intéressante. Il faut dire aussi que l’occasion
était belle de voir un pays en prise avec le réel, c’est-à-dire le «
monde de la finance » pour ceux qui l’exècrent, après avoir abusé de lui
pendant des décennies. Oui un pays peut faire faillite, oui ses banques
peuvent fermer, oui le niveau de vie peut y sombrer très rapidement
jusqu’au chaos. Ce choc, cette collision entre un monde honni dont de
nombreux médias et politiques consacrent leur vie à tenter de nier la
suprématie, et un pays qui a fait croire si longtemps que cette négation
était possible, ce télescopage, donc, ne pouvait être aussi provocant
et aussi désagréable aux illusionnistes de tous bords. Il n’est
absolument pas étonnant qu’un tel accident ait déclenché une aussi
claire partition des attitudes, à l’instar d’une bombe à fragmentation
d’une violence inouïe. Alors profitons de la chance qui nous est donnée.
Car rares sont les occasions de voir, en temps réel, une idéologie se
briser contre le mur dont elle ne cesse de dénigrer la primauté.
Les méchants Allemands
Si ce n’était pas aussi triste, on pourrait en rire. Hélas, cette
caricature véhiculée dans de nombreux médias européens, et dans la
plupart des médias français d’ailleurs (au premier rang desquels les
médias d’État mais pas seulement) est dramatiquement trompeuse. Vu de
notre pays, cancre européen, future Grèce à la puissance dix, c’était
même affligeant de deviner notre Président tenter de minimiser les
exigences faites à ce pays par les bons élèves européens. Mieux vaut ne
pas imaginer la motivation profonde de Hollande dans ce geste aussi
perfide que dangereux. Car ce n’est pas faire un cadeau à la Grèce que
de lui redonner une fois de plus du temps. Trente ans de déchéances et
de procrastination ne suffisent donc pas ? Qui donc a pu déjà guérir un
drogué tout en n’osant jamais le sevrer ? Peut-on prescrire de la
méthadone indéfiniment ?
Dans cette histoire, d’une matière tout à fait symbolique, les
Allemands représentent le principe de réalité. Pour paraphraser Freud
dans son très intéressant « Malaise dans la culture », ils
représentent même le « surmoi » de l’Europe, c’est-à-dire une espèce de
promesse de bonheur différé mais légitime, car basé sur la
responsabilisation et l’abnégation. Plus symbolique encore, cette
promesse serait pour ainsi dire construite sur l’expiation de ses
propres fautes, expiation derrière laquelle on pourrait déceler des
traces d’une certaine rigueur protestante. Actuellement, il est bien sûr
interdit de stigmatiser. Mais ne pas le faire est ridicule et
parfaitement contreproductif. Car de toute évidence, le gouvernement
grec semble nettement plus énergique pour soutirer de nouveaux
aménagements à la troïka que pour tenir le langage de vérité à son
peuple. Certes, il est tellement plus facile d’aller quémander devant
l’Eurogroupe et les télévisions du monde entier, que d’expliquer à la
population grecque qu’il va falloir d’urgence qu’elle se ressaisisse,
qu’elle réorganise ses services publics, qu’elle diminue
considérablement son train de vie, qu’elle travaille beaucoup plus et
qu’elle restructure son économie afin de trouver de nouvelles sources de
revenus ! Que fait un ménage lorsqu’il est déclaré en faillite ?
La troïka de la décroissance
Quand on considère les sommes prêtées à la Grèce, et le peu de
réformes effectuées par ce pays, on comprend mieux pourquoi la troïka se
trouve critiquée de la sorte. La grande faute de l’Europe aura été
d’attendre qu’il soit trop tard, alors qu’elle avait la possibilité de
prendre des mesures très tôt. Mais que l’on ne l’accuse pas d’avoir mis
au tapis son économie. Dans quel état serait ce pays s’il n’avait pas
profité de ses aides ? Cette haine qui déferle à l’encontre des
puissants (l’Europe, le FMI, les Banques) et de leurs représentants est
aussi irraisonnée que l’empathie qui entoure ce pays incapable de se
reprendre en main, tout juste bon pour voter de nouveau pour des
illusionnistes. Soyons francs : mettre son destin entre les mains
d’ex-communistes qui ont fait miroiter « la fin de la rigueur » et le «
rejet du plan exigé par les créanciers » n’était pas très malin.
Déclamer une semaine après le référendum « Tsipras nous a trompés »
n’est pas brillant non plus. Dans le politiquement correct actuel, il ne
faut jamais stigmatiser. Mais tirer à boulets rouges sur les riches et
les dominants est particulièrement recommandé. C’est pourtant la Grèce
qui a failli, sa population et son élite. Faudrait-il la récompenser ?
Plus intéressant encore est le fait que ce clivage qui apparaît entre
ce que l’on pourrait appeler d’un côté les « pro-méthadone » et de
l’autre côté les « pro-sevrage » recoupe assez parfaitement la partition
française entre étatistes et libéraux. Ainsi en est-il des économistes
comme Stiglitz par exemple, qui tonnent quotidiennement contre le
sadisme de la troïka. Ainsi en est-il également de l’opinion publique,
comme le montre très clairement un récent sondage effectué pour
Atlantico. Celui-ci fait apparaître que les pro-sevrage sont les plus
nombreux chez les sympathisants républicains, tandis qu’ils sont
nettement partagés chez les sympathisants socialistes, avec parmi ces
derniers, le même clivage entre les tenants du tout-État et ceux plus
favorables à la libre-entreprise. Au final, il est tout de même
surprenant de découvrir qu’une majorité de Français se dessine en faveur
de la position allemande. Ce que ne laissait absolument pas augurer la
façon dont les médias français ont couvert le sujet.
Un long chemin attend le libéralisme
Tous ces éléments apparus à l’aune de la crise grecque appellent les commentaires suivants :
- L’Europe est accommodante, elle a choisi de conserver la Grèce en son sein, ce qui est une décision avant tout politique qui ne manque certes pas de noblesse. La raison économique aurait peut-être prôné une mise à l’écart provisoire de l’Europe, afin de donner de l’air à court terme à la Grèce du point de vue de sa monnaie. Elle aurait sans doute également prôné une mise sous tutelle de certaines activités qui déterminent directement la bonne réalisation des plans de restauration de la compétitivité. Sans doute que la tradition européenne n’est pas encore mûre pour de telles audaces. Mais l’Europe apprend. Et ne se laisse pas faire. Elle semble même en mesure de muscler son dispositif de gouvernance.
- Le libéralisme n’a pas la cote. La rigueur, le principe de réalité, la résilience, la responsabilité, toutes ces notions n’ont pas le vent en poupe. Le politiquement correct actuel, qui pousse à détester les riches et les puissants, et à ne jamais accabler les « losers » et les tricheurs, n’est pas vraiment un allié. Il ne faut pas compter sur lui pour accélérer la mise en place de ce qui justement pourrait garantir une véritable gouvernance démocratique et transparente des pays européens.
Aucune entreprise ne peut survivre sans maîtriser ses risques, sans
contrôler ses activités, sans implémenter des mesures correctrices. Il
est impossible qu’il n’en soit pas de même pour une communauté de pays.
Naufrage grec, démocratie parodique et… mollesse européenne
Face aux comportements immatures et provocateurs de Tsipras et des Grecs, l’Europe a fait montre d’une évidente patience.
Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, a réussi son pari : le
« non » aux créanciers, défendu par son gouvernement, l’a emporté très
largement lors du référendum de dimanche, avec plus de 61% des votes.
Le naufrage
Il est toujours affligeant de voir des citoyens voter contre leurs
propres intérêts, puis de reproduire le même geste sans broncher lorsque
cela va encore plus mal, suite aux conséquences de leur premier vote.
Pourquoi de tels entêtements ? Par attirance pour le chaos ? Par rejet
du système de valeur mondial basé sur la réussite économique et la
compétition ? Par désir de suicide collectif ? Absolument pas. Les
seules raisons de telles méprises coûteuses et dramatiques sont à
rechercher du côté de l’incompréhension voire de l’ignorance de
l’Histoire immédiate. Ce qui se déroule sous leurs yeux de citoyens,
dans le gouvernement qu’ils ont eux-mêmes élu, sur le front de
l’économie et du social de leur vie quotidienne, tout cela leur échappe.
Ils n’en comprennent ni le détail, ni la signification profonde, ni
même les conséquences prévisibles. L’Histoire qui se déroule de leur
vivant, chaque jour qui passe, ne leur parle pas. Elle leur apparaît
absconse, codée, inaccessible, hermétique.
Ainsi en était-il de cette électrice grecque d’une soixantaine
d’années interviewée la semaine dernière sur France 24, qui, sans la
moindre honte, déclarait devant la caméra : « J’ai voté pour Alexis Tsipras. Il faut qu’il tienne ses promesses, j’ai voté pour lui. »
Faut-il le rappeler, la promesse consistait à éviter au peuple grecque
de se serrer la ceinture malgré sa ruine, ce qui était magnifique en
effet. Celle-ci a tout naturellement trouvé un écho favorable chez cette
femme qui, maintenant, pense effectivement qu’il ne tient plus qu’au
Premier ministre qu’elle a élu de la réaliser.
Cet angélisme est à la fois triste et affligeant. Car dans ce cas précis, le système logique [promesse > adhésion à la promesse > exigence de résultat]
ressemble à s’y méprendre au caprice d’un enfant immature. Ce système
ne tient compte en aucune façon du contexte et de son aspect
éventuellement irréaliste. Il est littéralement déconnecté, en
apesanteur des contingences financières et sociales. À l’image des
exigences d’un nouveau-né en plein stade syncrétique, qui ne fait pas
encore la différence entre soi et le reste du monde, et qui pense que
tout est là autour de lui pour servir ses seuls intérêts, son « plaisir
sexuel » dirait Freud : BCE, FMI, créanciers…
La parodie de démocratie
Quand bien même est-il politiquement incorrect de le dire, il faut
avoir le courage de l’admettre : cette électrice grecque, comme des
millions de ses compatriotes, a fait la preuve de son incompétence.
Comme beaucoup d’électeurs, elle s’est prononcée d’un point de vue
primaire, au premier degré. Elle n’a pas été capable de décrypter ce qui
était mensonger de ce qui ne l’était pas. Elle n’avait pas non plus les
moyens de mesurer les risques que son propre choix pouvait infliger à
l’ensemble de son pays. Elle a voté à la hauteur de sa méconnaissance
totale des enjeux, c’est-à-dire en aveugle. Enfin, elle fournit par la
même occasion la possibilité aux menteurs et aux inconscients d’être
élus sur de simples promesses de ce genre. Elle participe en effet
pleinement à l’épanouissement de cette « relation circulaire réflexive » (pour citer Edgar Morin) entre le « peuple manipulable » d’un côté et une « classe politique manipulatrice et menteuse » de l’autre.
Cette relation circulaire enfonce le peuple grec depuis des
décennies, aux dépens de ce dernier bien sûr, et sans qu’il soit
conscient de ce qu’il devrait faire pour l’interrompre. Trois questions
épistémologiques d’importance viennent donc à l’esprit :
- À quoi les élections, principal outil de la panoplie des démocraties, servent-elles si les électeurs ne savent pas s’en servir ?
- Peut-on vraiment soutenir que la démocratie grecque fonctionne ?
- Que faire pour casser ce cercle vicieux ?
Le conflit dissymétrique
Dans la tragédie grecque actuelle, le meilleur n’est pas forcément le
plus sûr. Lorsque le gouvernement d’Alexis Tsipras a claqué la porte
des négociations européennes puis, au nez et à la barbe des créanciers, a
décidé d’organiser un référendum sur la rigueur (question digne d’un
caprice d’enfant qui refuse le réel), force est de constater que
l’immaturité de la classe politique au pouvoir semble tout aussi robuste
que celle de la majorité de ses électeurs. Face à des créanciers qui
ont fait de multiples efforts et qui ne sont de toute façon pas
responsables de la fuite en avant et de la mauvaise gestion grecques, il
est peu probable qu’une telle pirouette ait la moindre chance de
succès. Un débiteur ne peut pas embobiner des créanciers avec de tels
arguments. Ce serait même le monde à l’envers…
Sauf que l’immaturité et l’irréalisme de la classe politique grecque
n’expliquent pas à elles seules un tel affront. Il y avait en effet un
déséquilibre si grand entre le David grec et le Goliath européen que les
apprentis négociateurs (ex-communistes par ailleurs) grecs ont tenté
leur chance en profitant de la faille qui leur était offerte. Il est
démontré que dans les guerres ou les conflits dits « dissymétriques » ,
les challengers ont toujours une carte à jouer, et ce n’est pas
forcément le plus puissant qui sort victorieux. Il semble qu’il en soit
de même dans les négociations. Dont acte…
La mollesse européenne
Face à ce comportement immature, et provocateur, l’Europe a fait
montre d’une évidente dignité tout au long de ces négociations. Elle
aurait pu toutefois soulever des sarcasmes dans les médias du monde
entier voire des réactions sur les marchés financiers car sa patience et
son abnégation sont apparues interminables face à une Grèce qui s’est
ruinée de sa propre faute et qui s’est malgré tout permise le luxe de
jouer la victime de « l’austérité européenne » et de menacer ses
créanciers. Il est même surprenant que l’image de l’Europe n’ait pas été
écornée à cette occasion. Sans doute incarne-t-elle un idéal de
générosité qui lui colle à la peau et qui fait rêver un peu partout, ce
qui la protège de ce genre de critique ? Quoi qu’il en soit, l’Europe
s’est montrée faible. Elle l’est d’ailleurs depuis le début de l’euro et
continue de l’être d’un point de vue politique et économique :
- Elle a créé une monnaie unique mais sans politique de convergence économique.
- Elle n’est pas intervenue en amont dans le problème grec lorsqu’il fallait arrêter la tricherie des comptes de l’État grec et prendre des sanctions contre lui afin qu’il évite le naufrage du pays.
- Elle n’a toujours pas mis en place une politique économique basée sur la convergence des grands ratios économiques et le respect des règles de base de la gouvernance.
Le « non » grec, le naufrage du pays et la parodie de démocratie sont
déjà parfaitement avant-coureurs des difficultés de la France. Gérer,
c’est prévenir ! L’Europe a une opportunité historique de se montrer
enfin intraitable avec les mauvais gestionnaires et les pourvoyeurs
d’illusions. Qu’elle le devienne avec la Grèce, car son exemple est une
caricature du pire de ce qui peut arriver à un pays de la communauté. Et
qu’elle le soit avec la France. Ce sera certes cuisant à court terme
mais nous avons tous à y gagner. Et pas seulement la France, mais toutes
les démocraties européennes.
Claude Robert - Le site de l'auteur
F) Faux-semblants, chiffres truqués, mensonges et impostures : la méthode Hollande se répand en Europe
Après d'âpres négociations, un accord a a
finalement été trouvé entre la Grèce et l'EuroGroupe. Un bal de
faux-semblants : les Grecs font semblant d'engager des réformes,
l'Europe fait semblant d'y croire et l'Allemagne fait semblant de
payer...
Quel magnifique accord que voilà ! En résumé,
les Grecs font semblant d'engager des réformes, l'Europe fait semblant
d'y croire et l'Allemagne fait semblant de payer. L'usage de termes
contradictoires et d'adjectifs aussi imprécis que grandiloquents rythme
l'accord conclu au sein de l'Eurogroupe. Des "mesures directes
pour améliorer la viabilité à long terme du système des retraites
(seront prises) dans le cadre d'un programme global de réforme des
retraites". On appréciera la conjonction du direct, du long terme et du
global sans autre forme de précision. Une "rationalisation" du régime de
TVA sera "engagée" pour "un élargissement de l'assiette fiscale afin
d'accroître les recettes". Bienheureux celui qui traduira cet engagement
en termes précis tout comme celui qui définira la savoureuse "pleine
mise en oeuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité,
la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et
monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant
la finalisation du protocole d'accord et en introduisant des réductions
quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des
objectifs ambitieux d'excédents primaires". Lire la suite
Serge Federbusch
G) La Grèce est mise sous la tutelle des Etats-Unis
Désillusion ?
Malaise ? Une semaine après le NON au référendum qui a soulevé une vague
d'enthousiasme en Grèce, l'accord trouvé dimanche tard dans la nuit a
du mal à être digéré.
«
Cette proposition comporte fondamentalement un nouveau programme
d'austérité, de contre-réforme et de privatisation, elle n'aurait pas dû
être votée au Parlement », expliquent 15 députés grecs dans une lettre
ouverte au Comité central du pays.
En réalité, la pilule ne passe pas du côté de nombreux parlementaires
européens. Georges Gastaud, professeur de philosophie, militant
communiste, interrogé par radio Sputnik, s'oppose au soi-disant
compromis: « C'est une terrible défaite pour le peuple grec et la mise
en tutelle de la Grèce. L'Union européenne veut humilier la Grèce et ne
lui faire aucune concession sérieuse. Le problème de tous les pays de
l'Europe, sauf l'Allemagne, est qu'ils ont perdu leur indépendance. Je
ne compte pas sur François Hollande, qui cède toujours à Angela Merkel
au dernier moment, je compte sur les peuples qui doivent comprendre que,
malheureusement, on ne peut pas traiter avec l'Union européenne. »
François Asselineau président et fondateur de l'Union Populaire
Républicaine, ne mâche pas ses mots: « La grande leçon à tirer de cette
affaire — il n'y a pas d'autre Europe possible. Soit on accepte les
traités européens libéraux, c'est-à-dire, une politique libérale de
démantèlement des services publics, de démantèlement des acquis sociaux,
d'appauvrissement général du plus grand nombre, de précarisation
générale des populations pour le profit d'une toute petite oligarchie,
soit on sort de l'Europe, de l'euro, on reprend sa monnaie et sa
souveraineté nationale. Il n'y a pas de possibilités entre les deux. »
Georges Gastaud partage le même avis: « Il faut que la Grèce se
souvienne qu'il n'y a pas que l'Occident mais aussi l'Orient avec ses
traditions orthodoxes. Elle peut avoir d'autres secours que tout
simplement se tourner éternellement vers les pays qui la pressent comme
un citron. »
Le choix est, certes, difficile. D'une part, on a la zone euro et la
monnaie unique censée rapprocher les peuples européens. Or, la crise
grecque a montré qu'il n'en est rien. D'autre part, on a, par exemple,
les pays des BRICS qui tendent la main à Athènes. Lors des sommets de
BRICS et de l'OSC les 8-10 juillet à Oufa,
les pays membres ont souligné qu'en cas d'adhésion, la Grèce pourrait
compter sur l'aide de la Banque de développement qui sera prochainement
créée. La Russie a, pour sa part, annoncé qu'elle envisageait de livrer
directement des combustibles à la Grèce afin de l'aider à faire repartir
son économie. Or, Alexis Tsipras, en visite à Saint-Pétersbourg où se
déroulait, les 18-20 juin, le Forum économique international, n'a pas
demandé d'aide à la Russie.
Qui vivra verra, mais on peut dire dès aujourd'hui que l'économie
européenne gérée par les institutions financières internationales, comme
la BCE ou le FMI, se présente comme un moyen de pression politique. On
le voit aussi bien à travers le mécanisme de sanctions, imposée à l'Iran
et à la Russie, qu'à travers la crise grecque. Car la BCE distribue la «
monnaie des Européens » sur des critères qui ne tiennent pas compte du
bien-être des populations.
François Asselineau pousse l'idée de politisation de la monnaie
unique plus loin. Il pointe du doigt la vraie personne qui, à son avis, a
réglé l'affaire grecque — le secrétaire au Trésor américain, Jacob Lew,
qui est en contact permanent avec M. Tsipras, avec la Banque centrale
européenne, avec Jean-Claude Juncker, avec Angela Merkel. « La monnaie
européenne a été inventée par les Etats-Unis, ce que confirment les
documents secrets défense déclassifiés par l'administration américaine,
en l'été 1965. Ce sont les Etats-Unis qui, au moins depuis 50 ans,
essayent d'avoir une monnaie européenne. C'est très important pour eux
parce que si la Grèce était sortie de l'euro, c'est l'ensemble de
l'échafaudage d'asservissement qu'ils ont mis en place depuis la fin de
la Seconde guerre mondiale qui risquerait de s'effondrer. C'est un sujet
de nature géopolitique américaine et non pas un sujet de nature
financière. »
On en déduit que la Grèce d'Alexis Tsipras est un pion sacrifié sur
l'autel du « grand échiquier » américain, ce que prouvent les fissures
au sein du Syriza. Mais qu'est-ce qu'on voit au sein de l'Union
européenne en général? D'une part — l'effet de domino avec l'Europexit
(l'Italie, l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni). D'autre part —
François Hollande a promis plus d'intégration dans la zone euro. Les
experts craignent que cette promesse de l'Elysée n'aille dans le sens
des erreurs passées.
Enivrés par leur victoire sur un peuple à genoux, les dirigeants de
la zone euro risquent d'aggraver le bilan, aussi négatif pour les
vainqueurs que pour les vaincus. Tandis qu'il n'y a qu'un seul acteur,
le gagnant « suprême » de l'affaire, qui tirera son épingle du jeu…
H) Grèce: la politique de la canonnière
Le premier
ministre grec, M. Alexis Tsipras, a donc fini par capituler. L’accord
entre la Grèce et les institutions de l’Union européenne (et
l’Eurogroupe) n’a d’accord que de nom. C’est ce que les allemands
appellent un « diktat ».
Le
13 juillet, nous avons vécu un Traité de Versailles à l'envers, où la
Grèce qui n'était coupable de nulle agression a été forcée d'accepter
des conditions léonines par l'Allemagne. Tsipras a donc capitulé sous
les pressions insensées de l'Allemagne, mais aussi de la France, et bien
entendu de la Commission européenne et de l'Eurogroupe.
Il faut entendre à cet égard la déclaration du président François Hollande en ce 14 juillet quand il dit qu'entre le peuple français et l'Europe il a toujours choisi l'Europe. C'est une déclaration qui ne peut que glacer le sang. Elle affirme donc que pour un représentant du peuple, légalement élu, un concept est plus important que ses mandants. Cela s'appelle, quel que soit le langage que l'on parle, une tyrannie. Cette tyrannie, nous l'avons vu à l'œuvre contre la Grèce. Nous la verrons aussi sur d'autres pays.
Il faut entendre à cet égard la déclaration du président François Hollande en ce 14 juillet quand il dit qu'entre le peuple français et l'Europe il a toujours choisi l'Europe. C'est une déclaration qui ne peut que glacer le sang. Elle affirme donc que pour un représentant du peuple, légalement élu, un concept est plus important que ses mandants. Cela s'appelle, quel que soit le langage que l'on parle, une tyrannie. Cette tyrannie, nous l'avons vu à l'œuvre contre la Grèce. Nous la verrons aussi sur d'autres pays.
Tsipras a donc capitulé. Il n'y a pas d'autres mots pour désigner
l'accord qui lui a été imposé par l'Eurogroupe, puis par les différents
dirigeants européens, le revolver — ou plus précisément la menace d'une
expulsion de la Grèce hors de la zone Euro — sur la tempe. Cette
capitulation va avoir des conséquences dramatiques, en Grèce en premier
lieu, où l'austérité va continuer à se déployer, mais aussi au sein de
l'Union européenne. Les conditions dans lesquelles cette capitulation a
été arrachée ont fait voler en éclat le mythe d'une Europe unie, d'une
Europe de la solidarité.
L'Allemagne a obtenu de la Grèce ce que les anciens appelaient une
paix carthaginoise, c'est à dire une paix payée du prix d'une soumission
totale. C'est bien le signe de la transformation progressive des
institutions européennes en tyrannie. On sait que telle était la
position dès le départ de M. Dijsselbloem, le Président de l'Eurogroupe
(1). On a vu, avec tristesse mais aussi avec colère, la France finir par
se plier à la plupart des exigences allemandes et même parfois les
devancer, quoi qu'en dise notre président.
Ce 13 juillet est et restera dans l'histoire un jour de deuil, à la fois pour la démocratie et pour l'Europe.
Un accord détestable
Cet accord est un accord détestable, et ce pour de nombreuses raisons. Il l'est dans le domaine économique, comme le dénoncent aujourd'hui de nombreux économistes internationaux, de Paul Krugman à Joseph Stiglitz en passant par l'ancien ministre des Finances de la Grèce, M. Yannis Varoufakis. C'est un accord détestable car il saigne à nouveau l'économie grecque et ce sans lui offrir la nécessaire et réelle bouffée d'oxygène dont elle avait besoin. L'accroissement de la pression fiscale (essentiellement la hausse de la TVA) sans contreparties aura des conséquences désastreuses pour l'économie grecque. C'est la poursuite de l'austérité dont il est avéré et reconnu par des nombreuses autorités, au premier rang desquelles le Fond Monétaire International, qu'elle ne marche pas.
Cet accord est un accord détestable, et ce pour de nombreuses raisons. Il l'est dans le domaine économique, comme le dénoncent aujourd'hui de nombreux économistes internationaux, de Paul Krugman à Joseph Stiglitz en passant par l'ancien ministre des Finances de la Grèce, M. Yannis Varoufakis. C'est un accord détestable car il saigne à nouveau l'économie grecque et ce sans lui offrir la nécessaire et réelle bouffée d'oxygène dont elle avait besoin. L'accroissement de la pression fiscale (essentiellement la hausse de la TVA) sans contreparties aura des conséquences désastreuses pour l'économie grecque. C'est la poursuite de l'austérité dont il est avéré et reconnu par des nombreuses autorités, au premier rang desquelles le Fond Monétaire International, qu'elle ne marche pas.
La hausse de la pression fiscale qui est exigée, les nouvelles coupes
dans les dépenses, ne s'accompagnent nullement du plan d'investissement
massif qui aurait pu en compenser, au moins en partie, les effets.
C'était pourtant l'une des demandes du gouvernement grec, demande qui a
été balayée d'un revers de main par l'Eurogroupe. Notons aussi que le
gouvernement grec est contraint de s'engager à:
"mener d'ambitieuses réformes des retraites et définir des politiques visant à compenser pleinement l'incidence budgétaire de l'arrêt de la cour constitutionnelle relatif à la réforme des pensions de 2012 et mettre en œuvre la clause de déficit zéro ou des mesures alternatives mutuellement acceptables d'ici octobre 2015".
En d'autres termes, on demande au gouvernement grec de compenser l'arrêt de la cour constitutionnelle qui
avait cassé la réforme des retraites de 2012. Bref, on demande au
gouvernement d'un Etat souverain de prendre des lois qui sont
contradictoires avec sa constitution. On marche véritablement sur la
tête. La logique de l'austérité est ici proclamée plus importante que la
souveraineté d'une Nation (2).
Un accord qui ne résout rien
Cet accord est aussi détestable dans le domaine financier. Il engage donc le Mécanisme Européen de Stabilité, ou MES, qui est un fond garanti par les Etats de la Zone Euro. Mais, cet engagement sera appelé à grandir régulièrement. L'économie grecque va, en effet, continuer à s'enfoncer dans la dépression. Les ressources fiscales vont au total stagner, voire diminuer et cela même si la pression fiscale augmente comme il est prévu dans l'accord.
Cet accord est aussi détestable dans le domaine financier. Il engage donc le Mécanisme Européen de Stabilité, ou MES, qui est un fond garanti par les Etats de la Zone Euro. Mais, cet engagement sera appelé à grandir régulièrement. L'économie grecque va, en effet, continuer à s'enfoncer dans la dépression. Les ressources fiscales vont au total stagner, voire diminuer et cela même si la pression fiscale augmente comme il est prévu dans l'accord.
La dette va donc, en proportion de la richesse produite,
devenir de plus en plus lourde. Sur cette dette, le reprofilage — mot
barbare qui désigne un allongement des délais de paiement du principal
et un report des intérêts — ne résout rien. Les études qui ont été
faites par divers organismes, du Fonds Monétaire International au Trésor
des Etats-Unis, montrent que même si les intérêts sont ramenés à 1% et
même si le principal de la dette est renvoyé à 2070 pour remboursement,
le poids de la dette passera d'ici 18 mois de 177% du PIB à plus de 200%
du PIB. Les mesures proposées dans cet accord sont au mieux inadéquates
et, au pire, aggravent la situation.
On sait, le Fonds Monétaire International l'a dit dans un rapport qui
fut communiqué le lundi 6 juillet aux différentes autorités (le DSA ou
Debt Stability Assessment), que la dette grecque n'est pas viable en
l'etat. Il s'en déduit qu'il faut la restructurer, c'est-à-dire en
annuler une partie. Le FMI a d'ailleurs calculé la partie qu'il faudrait
annuler: il s'agit rien moins que de 30% de cette dette. Mais,
l'Allemagne s'y refuse toujours avec obstination. Il faudra d'ici peu
trouver à nouveau de l'argent pour la Grèce. L'une des raisons pour
lesquelles ce plan est détestable est qu'il ne règle rien, ni
économiquement, ni financièrement. Loin de donner à la Grèce un horizon
de trois ans, comme on le prétend, nous reverrons le sinistre feuilleton
des négociations, des affrontements, et pour finir des humiliations, se
répéter encore et encore.
Un accord de type néocolonial
Enfin, ce plan est détestable pour une troisième raison. Politiquement, il aboutit à mettre la Grèce en tutelle, à l'assimiler dans les faits si ce n'est dans le droit, à une colonie désormais privée de tout pouvoir réel. Le parlement grec non seulement est sommé de voter au plus vite certaines réformes, avec deux dates butoirs, le 15 et le 22 juillet (3), mais il devra soumettre désormais les différentes mesures à prendre au contrôle et au bon vouloir des institutions européennes. En particulier, un paragraphe de l'accord est très significatif. Il dit ceci: "Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement" (4).
Enfin, ce plan est détestable pour une troisième raison. Politiquement, il aboutit à mettre la Grèce en tutelle, à l'assimiler dans les faits si ce n'est dans le droit, à une colonie désormais privée de tout pouvoir réel. Le parlement grec non seulement est sommé de voter au plus vite certaines réformes, avec deux dates butoirs, le 15 et le 22 juillet (3), mais il devra soumettre désormais les différentes mesures à prendre au contrôle et au bon vouloir des institutions européennes. En particulier, un paragraphe de l'accord est très significatif. Il dit ceci: "Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement" (4).
C'est le rétablissement de ce que les grecs appellent le "régime de la
Troïka". Or, ce régime, ils l'avaient répudié lors des élections du 25
janvier dernier. Il ne faut pas oublier que la victoire électorale de
Syriza devait beaucoup à l'exaspération de la population devant les
pertes régulières de sa souveraineté. Et c'est là sans doute le résultat
le plus inouï, le plus monstrueux, de cet accord. Il équivaut à annuler
une élection libre et démocratique, à affirmer que les règles édictées à
Bruxelles ont plus de poids que le jeu démocratique. Cet accord, c'est
le viol de la souveraineté de la Grèce. Mais un viol qui fut non pas
perpétré par un quelconque sadique et obsédé sexuel. Non, c'est un viol
en réunion, l'équivalent d'une tournante, qui s'est déroulé sous les
lambris des bureaux des institutions européennes.
Il faudra s'en souvenir car, de ce point de vue, cet accord ne
concerne pas les seuls Grecs; il menace aussi tous les peuples de la
zone Euro. C'est pourquoi le fait que le président François Hollande se
soit prêté à ce crime, car il n'y a pas d'autre mot pour qualifier cet
accord dans le domaine politique, doit nous emplir d'effroi. En
acceptant de poser sa signature au bas de cet accord, en acceptant de la
faire voter d'ici la fin de la semaine au parlement français, François
Hollande est dès lors connivent à cet étranglement de la démocratie en
Grèce, mais aussi dans l'ensemble de la zone Euro.
Allant toujours plus loin, cet accord organise la spoliation de la
population grecque dans le paragraphe léonin qui concerne les
privatisations et qui date directement de ce que l'on appelait au XIXème
siècle la "politique de la canonnière". Ce paragraphe stipule en effet
que le gouvernement grec doit: "élaborer un programme de
privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des
actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui
monétisera les actifs par des privatisations et d'autres moyens. La
monétisation des actifs constituera une source permettant le
remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée
du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d'euros, dont 25
milliards d'euros serviront au remboursement de la recapitalisation des
banques et d'autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c'est-à-dire
50 % de 25 milliards d'euros) serviront à diminuer le ratio
d'endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements"
(5). Cela revient à dire que la Grèce ne pourra utiliser que 50% de 25
milliards, soit 12,5 milliards issus des privatisations pour des
investissements. Or, ces sommes ne seront pas disponibles — si tant est
qu'elles le soient un jour — avant deux à trois ans.
Quand on entend François Hollande affirmer que la souveraineté de la
Grèce a été préservée, on se dit que ce président a un goût douteux pour
la plaisanterie. C'est ajouter l'insulte à la blessure. Car la
souveraineté de la Grèce a bel et bien été piétinée par l'Eurogroupe et
par l'Allemagne, avec l'aide et avec l'assentiment de la France. C'est
pour cela que ce 13 juillet sera désormais un jour de deuil pour tous
ceux qui défendent la démocratie, la souveraineté et la liberté des
peuples.
La question de l'Euro
François Hollande affirme que son action a sauvé l'Euro. Il est clair que si l'Allemagne avait imposé l'expulsion de la Grèce hors de la zone Euro, cela aurait déclenché à relativement court terme le processus de dissolution de cette zone. Mais, le maintien de la Grèce dans la zone Euro ne sauve nullement la monnaie. D'une part, parce que les problèmes économiques et financiers de la Grèce ne sont pas résolus. D'autre part, parce que d'autres pays sont aujourd'hui en grandes difficultés, et en particulier l'un de nos voisins, l'Italie.
François Hollande affirme que son action a sauvé l'Euro. Il est clair que si l'Allemagne avait imposé l'expulsion de la Grèce hors de la zone Euro, cela aurait déclenché à relativement court terme le processus de dissolution de cette zone. Mais, le maintien de la Grèce dans la zone Euro ne sauve nullement la monnaie. D'une part, parce que les problèmes économiques et financiers de la Grèce ne sont pas résolus. D'autre part, parce que d'autres pays sont aujourd'hui en grandes difficultés, et en particulier l'un de nos voisins, l'Italie.
L'Euro est, on en a eu la preuve aujourd'hui, indissolublement lié à la
politique d'austérité. La politique économique menée dans la Zone Euro
consolidée par le rôle des divers traités, et en particulier du dernier
le TSCG ratifié en septembre 2012, ne peuvent que mener à l'austérité.
Si on ne l'avait pas encore compris, c'est aujourd'hui parfaitement
clair: l'Euro c'est l'austérité. Bien sûr, il peut y avoir des
politiques d'austérité sans l'Euro. Mais l'Euro implique en réalité la
politique d'austérité et toute politique menée dans le cadre de l'Euro
conduit à l'austérité. Il faut comprendre le sens profond de cette
affirmation. Aujourd'hui, tant que l'on restera dans la zone Euro, il
sera impossible de mener une autre politique économique que l'austérité.
Pour ne pas avoir compris cela, Alexis Tsipras s'est mis de lui-même la
tête sur le billot.
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1) VAROUFAKIS: POURQUOI L'Allemagne REFUSE D'ALLÉGER LA DETTE DE LA GRÈCE
2) Déclaration du sommet de la zone Euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 3.
3) Le texte de l'accord précise que ce dernier ne sera valable que dans les conditions suivantes: "Ce
n'est qu'après — et immédiatement après — que les quatre premières
mesures susmentionnées auront fait l'objet d'une mise en oeuvre au plan
juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements
figurant dans le présent document, avec vérification par les
institutions et l'Eurogroupe, qu'une décision pourra être prise donnant
mandat aux institutions de négocier un protocole d'accord ». Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 2."
4) Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 5.
5) Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 4.
Marine Le Pen aurait engagé la Grèce vers la sortie de l'euro
I) Pour réformer la France, l'Allemagne préconise la manière forte
Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schauble, a estimé jeudi soir qu'il fallait forcer la France à mener les réformes.
Faut-il
mettre le gouvernement français sous tutelle de Bruxelles pour réformer
les finances du pays ? C'est ce que propose, à mots à peine couverts,
le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schauble. Invité jeudi soir à
Washington, il a assuré que "la France serait contente que quelqu'un
force le Parlement, mais c'est difficile, c'est la démocratie", avant
d'évoquer les réformes "très réussies" menées en Espagne sous le
contrôle de la Troïka Union Européenne-FMI-BCE.
Budget : pourquoi Bruxelles pourrait dire non à la France
Autant dire que la classe politique française n'a pas apprécié. C'est à gauche que les réactions ont été les plus virulentes. Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du Parti socialiste, a ainsi dénoncé sur Twitter la "francophobie" "insupportable, inacceptable et contre-productive" du ministre Allemand. De même, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la dernière présidentielle, a estimé que Schauble devait "présenter ses excuses au peuple français". Quant à Michel Sapin, il a rappelé à son homologue allemand que "la France déteste qu'on la force". Selon lui, c'est justement ce discours "de la punition, de la sanction, de la contrainte" qui fait grossir les rangs des eurosceptiques.
Un discours qui a peu de chances de trouver un écho chez le ministre des Finances allemand, qui défend depuis toujours une stricte discipline budgétaire. Jeudi soir, il avait d'ailleurs raillé l'incapacité du gouvernement Français à assainir les finances françaises : "Si vous en parlez avec mes amis français, que ce soit Michel Sapin ou Emmanuel Macron, ils ont de longues histoires à raconter sur la difficulté à convaincre l'opinion publique et le Parlement de la nécessité de réformes du marché du travail".
Thomas Morel
Métronews dossier grec
Comment la France va trouver 3,7 milliards d'euros d'économie pour Bruxelles
Passe d'arme entre Bruxelles et Paris sur le budget
J) Non, l’accord du 12 juillet avec la Grèce n’est pas un diktat même s’il ne résout rien
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Autant dire que la classe politique française n'a pas apprécié. C'est à gauche que les réactions ont été les plus virulentes. Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du Parti socialiste, a ainsi dénoncé sur Twitter la "francophobie" "insupportable, inacceptable et contre-productive" du ministre Allemand. De même, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la dernière présidentielle, a estimé que Schauble devait "présenter ses excuses au peuple français". Quant à Michel Sapin, il a rappelé à son homologue allemand que "la France déteste qu'on la force". Selon lui, c'est justement ce discours "de la punition, de la sanction, de la contrainte" qui fait grossir les rangs des eurosceptiques.
Un discours qui a peu de chances de trouver un écho chez le ministre des Finances allemand, qui défend depuis toujours une stricte discipline budgétaire. Jeudi soir, il avait d'ailleurs raillé l'incapacité du gouvernement Français à assainir les finances françaises : "Si vous en parlez avec mes amis français, que ce soit Michel Sapin ou Emmanuel Macron, ils ont de longues histoires à raconter sur la difficulté à convaincre l'opinion publique et le Parlement de la nécessité de réformes du marché du travail".
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Grèce : le silence assourdissant des Républicains
Plan d'aide à la Grèce : les points clés de l'accord
J) Non, l’accord du 12 juillet avec la Grèce n’est pas un diktat même s’il ne résout rien
L’accord du 12 juillet entre la Grèce et
ses créanciers n’est pas un "diktat", comme le titrait Marianne, mais
bien une triple erreur. Erreur de penser que l’on peut réformer un pays
contre sa propre volonté, exprimée clairement par le peuple dans un
référendum, erreur de penser qu’une dette de 170% peut être résorbée par
le miracle de la discipline budgétaire, erreur de penser qu’un pays ne
peut rester pleinement européen en sortant de l’eurozone.
Les Européens ont
assisté, durant tout le week-end dernier, à une négociation d’une rare
intensité et d’une rare violence. Pour la première fois dans l’histoire
de l’union monétaire, les ministres des Finances de la zone euro ont
proposé ouvertement aux chefs d’Etat et de gouvernement la sortie d’un
Etat membre comme une option possible. Cette explicitation du caractère
réversible de l’appartenance à l’euro est potentiellement très grave,
car elle met fin à la prétendue irréversibilité de l’union monétaire.
Comme l’ont souligné plusieurs commentateurs, elle transforme l’euro en un régime de taux de change fixe potentiellement révisable, ce qui affecte la nature même du projet de l’euro.
Cela dit, l’accord final scellé lundi matin préserve
l’appartenance de la Grèce à la zone euro, confirmant l’attachement
politique des Etats membres à l’intégrité de la zone euro. La
« provocation » du ministre Schaüble pourrait donc être oubliée. La
dette grecque ne sera pas partiellement annulée, mais elle pourra être
rééchelonnée au fil de la mise en œuvre du nouveau programme de réformes
économiques qui va être négocié avec les Grecs. La logique des
anciens programmes reste inchangée : de nouvelles mesures d’austérité
drastiques permettront de dégager des excédents primaires suffisants
pour rétablir la solvabilité du pays. La relance d’un programme
de privatisation de 50 milliards d’euro permettra d’accélérer le
désendettement et de garantir les nouveaux prêts consentis par les
créanciers (probablement de l’ordre de 82 à 86 milliards d’euros pour la
période 2015-2018).
D’un certain point de vue, les nouvelles conditions
mises par les créanciers à la poursuite de leur assistance financière à
la Grèce peuvent paraître légitimes. Si l’on considère que l’échec des
précédents programmes repose exclusivement sur la Grèce qui n’a pas su
mettre en œuvre les réformes structurelles suffisantes pour relancer
l’économie, il est logique de la part des créanciers de demander
des garanties fortes supplémentaires et de réaffirmer l’impossibilité
de toute réduction de la dette. Cette lecture de la crise,
portée par le Parlement allemand, fait le pari que la reprise de
l’économie grecque sera forte et suffira à repayer la dette entièrement
dès lors que les réformes nécessaires seront enfin appliquées, en
matière de fiscalité, de marché du travail, de dérégulation des marchés,
de privatisation, de lutte contre la corruption, de dépolitisation de
l’administration… Pour réussir, l’accord de lundi va jusqu’à prévoir une mise sous tutelle complète des autorités du pays :
retour des équipes d’experts de la « Troika » à Athènes, droit de veto
des « institutions » sur toute nouvelle loi, abandon des lois adoptées
depuis janvier par le gouvernement Syriza sans l’accord des créanciers,
« aide technique » de la Commission européenne signifiant de facto
l’implication des autorités européennes dans la gestion des affaires
publiques grecques… Si la modernisation de la Grèce est la seule
condition vraiment nécessaire à son maintien dans l’euro et au
remboursement des prêts des créanciers, alors pourquoi ne pas forcer la
cadence, au prix d’une suspension temporaire de la souveraineté du
peuple grec ?
Malheureusement, cette lecture n’est pas la bonne et ne peut réussir.
Il n’a suffi que de quelques heures pour qu’une
analyse bien différente émerge des résultats prévisibles de l’accord du
12 juillet et rejoigne les analyses que nous avions nous mêmes formulés
dès le mois de mars [1]. Elles restent parfaitement valables
aujourd’hui.
1/ L’austérité à perpétuité rend impossible toute vraie reprise de la croissance et tout désendettement.
La nouvelle cure d’austérité acceptée par A. Tsipras condamne la Grèce à
retomber rapidement en récession, alors que la reprise timide de la fin
2014 s’est inversée avec l’enlisement des négociations depuis février.
A
court terme, l’ajustement budgétaire à mettre en œuvre d’ici la fin de
l’année devra porter sur au moins 3% du PIB pour espérer atteindre
l’objectif d’excédent primaire de 1% fixé par les institutions. A
long-terme, l’objectif d’un excédent primaire durablement maintenu à
3,5% du PIB à partir de 2018 condamne la Grèce à maintenir durablement
une austérité budgétaire qui rendra impossible toute reprise vraiment
forte de la croissance. Le plan d’investissement de 35
milliards d’euros proposé par J.C. Juncker mettra du temps à se
concrétiser et les réformes structurelles promises, on le sait, n’ont
d’effets significatifs sur la croissance que dans le long-terme. Sans
forte reprise, la dette grecque restera non viable et la question de sa
restructuration se reposera forcément.
2/ La mise sous tutelle complète de la Grèce par
des autorités européennes contrôlée par l’Allemagne n’est une méthode ni
légitime ni efficace pour forcer le train de la modernisation.
Qu’au XXIe siècle, en Europe, la prise de contrôle par des instances
techniciennes étrangères d’un pays entier soit considéré comme un
instrument légitime laisse pantois. Au 19e, la France et la
Grande-Bretagne avaient utilisé de telles méthodes en désignant des
Commissions de contrôle en Grèce (déjà) ou en Egypte chargée de prendre
le contrôle des budgets publics afin d’assurer le remboursement
prioritaires des créanciers. Elles n’hésitaient pas non plus à
prendre directement le contrôle d’actifs publics (par exemple : le
transfert à la Grande Bretagne des actions de l’Etat égyptien dans le
canal de Suez à la fin du XIXe siècle au titre du remboursement des
créances anglaises), mais on parle de l’époque coloniale, et la tutelle
ne portait pas sur l’ensemble des administrations… Nos ancêtres avaient
au moins l’humilité d’admettre qu’on ne modernise pas toute une société à
marche forcée…
3/ La dette grecque ne sera jamais remboursée. Le FMI a clairement exposé les éléments du problème dans son rapport du 2 juillet (publiée à la demande des Etats-Unis).
Compte tenu du potentiel de croissance grec à long-terme, le retour de
la Grèce sur les marchés n’est pas réalisable sans une restructuration
de la dette publique impliquant, au moins, une annulation des prêts
bilatéraux consentis par les Européens en 2010 (53 milliards d’euros). A
défaut, la Grèce ne retournera pas sur les marchés et les Européens
devront refinancer à perpétuité une bonne part de leurs créances. Est-ce
là l’Europe que nous souhaitons ? Comment concevoir la mise sous
tutelle d’un Etat membre à perpétuité ?
L’accord du 12
juillet est donc un mauvais accord, conclu pour de mauvaises raisons. A.
Tsipras a refusé de considérer les propositions alternatives de son
ex-ministre des finances Y. Varoufakis (défaut, nationalisation de la
Banque de Grèce, monnaie parallèle) destinées à rééquilibrer la
négociation. Il a eu peur d’un « saut dans le vide » que son équipe
n’avait, visiblement, jamais sérieusement préparé. L’Allemagne et ses
alliés du « nord » souhaitaient fondamentalement la sortie de la Grèce
de la zone euro et ont donc proposé, comme seule alternative, une « paix
carthaginoise » qu’aucun gouvernement libre de ses mouvements n’aurait
dû accepter. Sans « Plan B » crédible et prêt à l’usage, ces termes
totalement déraisonnables ont été acceptés par les Grecs.
Ils
satisferont les parlements du « nord » et assurent, pour quelques mois,
la poursuite de « l’aide » européenne. Néanmoins, ils sont porteurs de
très grands dangers car ils renforceront les populistes du « sud »,
voire le parti nazi grec, dernier parti d’opposition…
L’accord du 12 juillet mène donc l’Europe et
la Grèce au désastre. Il viole frontalement les principes de liberté, de
responsabilité, de solidarité et de démocratie qui sont au fondement du
modèle européen. La mise sous tutelle d’un Etat européen n’est pas
acceptable. L’austérité aggravée ne peut être défendue d’aucune façon
par un raisonnement économique. Cet accord n’apporte en rien une réponse
soutenable et durable à la crise.
L’entrée de la Grèce dans la zone euro était une
erreur. Les deux premiers programmes d’aide ont échoué. La sortie de
crise impliquera nécessairement, pour les créanciers, de prendre leurs
pertes, et pour la Grèce de reprendre en main son destin, en toute
responsabilité.
Un tel scénario est difficilement concevable dans une Grèce qui resterait dans l’euro.
Gaspard Koenig dirige le think-tank Generation Libre. Dernier ouvrage paru : Le révolutionnaire, l’expert et le geek (Plon).
« Ce n’est jamais sans créer pour l’avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu’on soustrait l’individu aux conséquences de ses propres actes. »
— Frédéric Bastiat, Harmonies économiques.
Le problème, au fond, n’est pas vraiment économique. La Grèce pourrait, pour peu qu’elle remette de l’ordre dans ses finances publiques et réforme enfin son économie, se sortir de cette mauvaise passe sans souffrances excessives et ce, d’autant plus que les conditions auxquelles la Troïka lui fait crédit sont particulièrement avantageuses. En effet, et contrairement à ce qu’affirment les suspects habituels, on a déjà vu des pays se sortir d’une crise grave avec des politiques d’austérité — sans aller chercher bien loin, c’est précisément ce qu’a fait le président de Gaulle : excédents budgétaires, réduction de la dette publique, modernisation de l’économie et le tout, sans dévaluation 1 ni subsides européens.
Le problème est surtout politique. Il a fallu un de Gaulle pour nous sortir de l’ornière de la fin des années 1950 ; un homme qui comprenait qu’un pays ne pouvait pas se prétendre indépendant s’il croulait sous les dettes ; un homme qui ne comprenait que trop bien les ravages de l’inflation et des dévaluations ; un homme qui, enfin, jouissait de l’aura nécessaire pour convaincre un peuple tout entier de renoncer aux solutions de facilité. Or voilà, Tsipras n’a sans doute ni les convictions ni l’étoffe d’un de Gaulle. Il n’est pas, pour paraphraser le commentaire d’un observateur grec, le leader dont la Grèce a besoin ; il est juste celui qu’elle a.
Mais le pire n’est pas là : quand bien même le premier ministre grec, ou un autre, aurait de telles capacités, ça ne changerait rien. Ça ne changerait rien parce que la Grèce est de facto sous tutelle et ses tuteurs, pour l’essentiel, sont bien mal placés pour donner des leçons en matière de sérieux budgétaire, de dynamisme économique et de respect de leurs engagements. Quelle que soit la forme que prendra ce troisième plan de sauvetage, il se traduira par le même genre de relation qui unit le Mezzogiorno au nord de l’Italie : une relation de dépendance dont on ne sort jamais.
On n’y arrivera jamais comme ça. Ce troisième plan, c’est de l’acharnement thérapeutique sur un patient qui, fondamentalement, refuse les potions qu’on lui impose ; une thérapie ruineuse qui, au mieux, maintiendra le malade dans le coma jusqu’à ce qu’on décide de lui administrer une nouvelle dose. C’est peine perdue. Il faut couper la perfusion et il faut la couper maintenant ; c’est aux Grecs et aux Grecs seuls de se sortir de la panade dans laquelle ils se sont mis. La seule solution viable à long terme, c’est de laisser l’État grec faire faillite et assumer seul, sans contraintes ni aides extérieures, les conséquences de ses choix.
Notre erreur fondamentale, dans cette affaire grecque, c’est que nous n’avons pas respecté la clause de non-renflouement 2 que nous avions pourtant tous signée. Athènes aurait fait défaut, ses créanciers y auraient laissé quelques plumes et les gouvernements grecs auraient dû apprendre à fonctionner quelques années sans emprunter le moindre centime. Au moins, ça aurait réglé le problème rapidement tout en dispensant au passage quelques bonnes leçons. Mais non. Les technocrates qui nous gouvernent en ont décidé autrement : « Un État membre, nous disent-ils en substance, ne peut pas faire défaut parce que ça signifierait une sortie de la zone euro. »
D’une part, et alors ? Ce n’est pas parce que la Grèce ou un autre pays décide de quitter l’union monétaire que nous sommes tous obligés de faire de même. D’autre part, pardon mais je ne vois aucune raison qui fasse qu’un État membre en défaut de paiement soit obligé d’abandonner l’euro contre son grè. Jusqu’à preuve du contraire, c’est un non sequitur : l’argument selon lequel la BCE serait obligée de couper les vivres des banques grecques en cas de défaut ne repose que sur une volonté politique. En pratique, après recapitalisation 3, il est tout à fait possible de remettre le système bancaire grec en ordre, même si l’État est en faillite.
Mais pourquoi diable s’obstinent-ils à ce point ? Vous pouvez, bien sûr, souscrire à la thèse qui voudrait que si la Grèce ne rembourse pas le monde cessera de tourner ou, dans un autre genre, à celle de la méchante Allemagne qui cherche à humilier les gentils grecs, mais je crains fort que ni l’une ni l’autre ne passe le sniff test le plus élémentaire. La réalité, à mon humble avis, est beaucoup plus simple : de Tsipras à Merkel en passant par Hollande et les autres, tous sont absolument convaincus que si la Grèce ne paie pas ou sort de la zone euro, ils le paieront aux prochaines élections.
Guillaume Nicoulaud est un blogueur et économiste français