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juillet 17, 2015

Hollande en " maître guignol " de l'Europe quand la Grèce paie son socialisme

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Sommaire:

A) Pourquoi François Hollande n’a pas apporté grand chose de constructif à l’Europe le week-end dernier - Nathalie Krikorian-Duronsoy - Atlantico

B) L'UE, un empire à bout de souffle - John Kay - Financial Times

C) Grexit: vers une rupture du système ? - Françoise Compoint - Sputniknews - Russie

D) Consigny - La Grèce est l'avenir de la France - Charles Consigny - Le Point

E) Naufrage grec, le grand révélateur - Claude Robert - Le site de l'auteur via Contrepoints

F) Faux-semblants, chiffres truqués, mensonges et impostures : la méthode Hollande se répand en Europe - Serge Federbusch  - Atlantico

G) La Grèce est mise sous la tutelle des Etats-Unis - Valérie Smakhtina - Sputniknews - Russie

H) Grèce: la politique de la canonnière - Jacques Sapir - Sputniknews - Russie

I) Pour réformer la France, l'Allemagne préconise la manière forte - Thomas Morel - Métronews

J) Non, l’accord du 12 juillet avec la Grèce n’est pas un diktat même s’il ne résout rien - Gaspard Koenig - Atlantico

K) Un Grexit, et alors? Aux Grecs de se sortir de la panade dans laquelle ils se sont mis - Guillaume Nicoulaud - Causeur




A) Pourquoi François Hollande n’a pas apporté grand chose de constructif à l’Europe le week-end dernier  

Alors que le président a exprimé lors de la traditionnelle interview du 14 juillet une certaine satisfaction sur son action dans le traitement du dossier grec, Alexis Tsipras reconnait le manque de lucidité du plan d'aide accordé.

Heureux qui comme François Hollande, après un long voyage à Bruxelles, de retour dans sa patrie, se sentait porté par la gloire. Lundi soir, anticipant les résultats des négociations de l’Euro groupe réuni à Bruxelles pour trouver une sortie à la crise grecque, le premier ministre Manuel Valls annonçait aux Français le retour d’"un grand président de la République" auquel l’Europe devrait, à l’avenir, le "respect de la souveraineté" de la Grèce. Hier, lors de son traditionnel discours-interview du 14 juillet, le président de la République, mettant en avant son rôle sur la scène internationale, pronostiquait ce que seront les deux prochaines années de son mandat en s’auto-estimant être un président "audacieux".

De l’audace en effet, il n’en a pas manqué, se couvrant de lauriers, via son Premier ministre, pour une gloire dont on est pourtant en droit de douter qu’elle soit tout à fait sienne, ou qu’elle ait jamais existé. Car en échange de ce troisième plan d’aide européenne, atteignant 81 milliards d’euros, ouvrant sur un possible rééchelonnement de la dette grecque mais rien n’est acté, c’est sa souveraineté économique et politique que la Grèce a du céder à l’Europe (1).

Le Premier ministre Alexis Tsipras, le reconnait d’ailleurs lui-même lorsqu’il affirme lundi matin dès la signature de son accord avec les représentants de la zone euro : "la Grèce continuera à lutter afin de pouvoir renouer avec sa croissance et regagner notre souveraineté perdue". Le 15 février dernier il avait pourtant annoncé, comme but de ses négociations avec l’Union Européenne, "un nouveau programme" dont Athènes aurait eut la maîtrise. Alexis Tsipras n’aura tenu aucune de ses promesses de campagne et déçu les Grecs lui ayant donné leurs voix pour lutter contre l’austérité. C’est pourquoi il a perdu beaucoup plus qu’il n’avait misé, et donc espéré, lorsqu’il se jetait avec force, au début des négociations, dans un bras de fer contre ses créanciers européens, soutenu par le Président français.

François Hollande pour sa part, a tout de suite vu qu’il tenait, dans la période qui s’ouvrait, l’occasion de vivre un grand moment diplomatique. Le moyen de se placer dans l’orbite idéale des chefs d’Etats français l’ayant précédé et qui, depuis Charles de Gaulle, sont tenus de briller en politique extérieure.

Mais dans cette crise européenne majeure, le président français a aussi saisi sa chance de montrer à ses électeurs et à son propre parti, qu’il était capable de se hisser, dans la pratique, à la hauteur des promesses qu’il avait faites sur l’Europe pendant la campagne présidentielle de 2012.

C’est que François Hollande est dans l’urgence d’une échéance que le quinquennat et l’échec de sa politique rendent brulante : sa popularité est au plus bas, et les derniers sondages du mois de juillet le confirment, le chef de l’Etat entraine avec lui des records historiques de défiance. Ainsi le 2 juillet, alors que la CGT manifeste son "soutien au peuple grec", 72% des Français portent un jugement "défavorable" sur l’action du président (2). Pire, le 7 juillet, au plus fort de l’angoisse internationale d’un Grexit, seulement 24 % des Français se disent prêts à lui accorder leur confiance à pour "sortir de la crise actuelle entre la Grèce et les autres pays européens" alors même que 44 % d’entre eux sont plus confiants à l'égard d'Angela Merkel. Un résultat catastrophique pour le chef de l’Etat, dont le directeur du département opinion de l'Ifop disait : "On observe de manière cruelle et cinglante qu'aux yeux des opinions publiques françaises et allemandes, ce n'est pas François Hollande qui incarne le leadership européen mais Angela Merkel" (3).

Or, qu’on se souvienne du discours du Bourget, le seul qui fasse encore l’unanimité sur la personne du président de la République au sein de son propre parti et chez son ancien électorat. François Hollande y professait : "La France doit retrouver l’ambition de changer l’orientation de l’Europe. Elle imposera de savoir convaincre et entraîner nos partenaires, précisant, ce qui va changer, c’est le vote des Français, qui sera notre levier pour convaincre. Les destins de l’Europe et de la France sont liés, la grandeur de la France ne peut pas être séparée de la force de l’Europe.

Nous avons besoin d’Europe, elle doit nous aider à sortir de la crise mais pas imposer une austérité sans fin qui peut nous entraîner dans la spirale de la dépression. (...) C’est pourquoi je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance. Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre pour lui apporter la dimension qui lui manque". Faute de n’avoir jamais renégocié quoi que ce soit, il est indéniable que le président de la République a très habillement joué sa carte personnelle dans la crise grecque.

Avec l’affirmation mainte fois réitérée de son soutien à la Grèce il a même quelque peu profité du chantage au Grexit instrumentalisé par Alexis Tsipras qui annonçait, par surprise, dans la nuit du 26 juin le référendum du 5 juillet, brandissant ainsi, comme son ainé François Hollande en son temps, la carte d’un populisme de gauche, destinée à déstabiliser une Europe dont le talon d’Achille demeure l’absence de politique commune entre les Etats qui la composent. Car Alexis Tsipras n’a pas seulement consulté son peuple, il l’a appelé à voter non.

Mais François Hollande a su, aussi, profiter pour lui-même et pour l’image de son pays par ricochet, du fait que la France et l’Allemagne selon des raisons historiques qui tiennent à la grandeur politique de l’une et à la puissance économique de l’autre, sont "les moteurs de l’Europe". De sorte qu’avec l’habileté négociatrice qu’il convient de lui reconnaitre, le Président français a, dans la crise grecque, élevé à la hauteur d’un art son sens aigu du double jeu auquel il doit le sobriquet de culbuto dont l’affuble volontiers, en privé, la présidente du Front National, Marine Le Pen.

La crise grecque posait au président des problèmes de politique intérieure, coincé qu’il était entre l’union des extrêmes souverainistes, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, d’un côté, et Nicolas Sarkozy, de l’autre. L’ancien chef de l’Etat présent à Bruxelles s’est d’ailleurs invité dimanche dans le timing de la négociation pour le sermonner : "Il faut que Monsieur Hollande se ressaisisse et reconstitue une unité avec la chancelière Merckel ... ce fut une erreur, de laisser à penser  comme l’a fait monsieur Hollande depuis sept mois, à monsieur Tsipras, qu’il pouvait avoir un chèque en blanc de la part de ses partenaires de la zone euro". L’objectif était de faire passer l’idée qu’en soutenant ostensiblement le jeune premier ministre grec qu’il coachait, François Hollande risquait un coup de poker dangereux pour la France sur la scène internationale.
En jouant sur les deux tableaux, Grèce et Allemagne, le président français, voulait se construire une image de leader, mais c’est la position allemande qui l’a emporté. Car la force politique de François Hollande tient toute entière au fait de n’avoir aucune position originale, de ne faire aucun vrai choix et d’avoir, in fine, ménagé la chèvre allemande, pour manger avec elle le chou grec, après l’avoir arrosé. L’histoire dira quel rôle fut celui de la France dans la construction européenne sous la Présidence de monsieur Hollande, mais le temps présent laisse à craindre qu’à l’issue des négociations entre les dix neufs chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro opposés à la Grèce de monsieur Tsipras, l’Europe ne soit perdante.

Aucun pays européen n’avait intérêt, si ce n’est d’un point de vue économique, à la sortie de la Grèce qui est membre de l’OTAN et dont la position géopolitique en tant que frontière avec la Turquie est déterminante pour l’avenir, non seulement de l’Europe, mais du monde occidental, face à l’offensive idéologique et militaire de l’islamisme. En revanche, tous les pays ont intérêt à construire une Europe politique en lieu et place de celle qui punit les Etats et asphyxie les nations de réglementations idiotes, au lieu d’enrichir le projet européen de toutes ses particularités nationales et d’y puiser la force d’une unité supérieure. Or cette unité ne viendra jamais de règles économiques, si nécessaires soient-elles. Elle est à trouver dans la richesse d’une culture commune, qui doit prendre forme. Qu’on l’appelle "fédération" ou "coalition" comme monsieur Guaino, peu importe. Mais pour cela, il faut déplacer la charrue économique et la mettre derrière les boeufs, politiques et culturels, qui ne sont pas encore trouvés. Sans quoi, l’Europe demeurera un bel idéal, toujours trop lointain, faute d’avancer dans le coeur des peuples qui la composent.

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.

(1) Le compromis signé par A.Tsipras engage la Grèce "à consulter et se mettre d'accord" avec la BCE, le FMI et la Commission européenne, "sur tout projet de loi sur les domaines pertinents avec un délai pertinent avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement". Et à adopter, d’ici le 22 juillet "une réforme majeure de la justice civile et transposer la directive européenne sur la mise en faillite des banques."
(2) D’après une étude pour le Huffington Post et iTELE,  LCPassemblée nationale, 2 juillet 2015
(3) "Crise grecque : les Français font davantage confiance à Merkel qu'à Hollande", Le Figaro, 7 juillet 2015



B) L'UE, un empire à bout de souffle

L'Union européenne est devenue trop grande pour être gouvernée de manière efficace sur l'ensemble de son territoire, estime John Kay, économiste et contributeur du quotidien Financial Times.

L'UE avec ses idées intarissables de renforcement de l'intégration et d'élargissement rappelle les grands empires du passé, a fait remarquer John Kay dans son article publié dans le Financial Times. Pourtant, l'organisation est incapable d'exercer une gouvernance de manière efficace sur l'ensemble de son territoire, car certains de ses membres sont très en retard au niveau du développement économique. C'est dans ce genre de circonstances que les grands empires ont fini par péricliter dans le passé, a-t-il rajouté.
Selon l'expert, l'Europe parle beaucoup et avec fierté de ses valeurs, de sa culture et des avantages des institutions européennes, en déclarant assez souvent son envie de propager tous ces acquis dans les autres pays et en leur proposant d'intégrer l'organisation. Des déclarations qui auraient pu être faites par les "personnages les plus désagréables de l'histoire du monde", car dans le fond, ce genre de discours a toujours été l'apanage des impérialistes. 
Ainsi, les paroles d'un chant nationaliste britannique — "Larges et toujours plus larges, tes frontières seront fixées. Puisse dieu, qui t'a fait puissante, te rendre encore plus puissante" — rappellent les idées d'élargissement de l'UE, affirme l'auteur de l'article.
Effectivement, en général, l'UE accepte l'adhésion des pays qui annoncent leur souhait de l'intégrer, même si leur niveau de démocratie et de développement économique ne correspond pas forcément aux normes établies par l'organisation.
Il est vrai que l'UE n'a envahi personne, contrairement aux empires des XIXe et XXe siècles, qui s'accaparaient de nouveaux territoires en ignorant l'opinion des peuples soumis et en réprimant toute liberté démocratique. Néanmoins, aujourd'hui, le territoire de l'UE dépasse les frontières dans le cadre desquelles l'organisation pourrait exister sans problèmes, amenant ainsi à la confrontation géopolitique avec la Russie et compliquant les relations entre la zone euro et les économies périphériques.
"La chute des empires a été en grande partie provoquée par leur taille démesurée, quand la périphérie commençait à protester et que le centre se posait des questions sur la pertinence de l'existence d'un tel projet", a fait remarquer John Kay.
Selon l'auteur, tous ces symptômes sont propres à l'Europe d'aujourd'hui. L'UE a perduré grâce à un élargissement permanent dont le rythme était trop rapide pour que les nouveaux membres puissent coller aux standards établis par l'organisation.

"Cette stratégie ambitieuse est probablement allée trop loin", a conclu M.Kay.

Ministre belge: un Grexit risque de déstabiliser les Balkans




C) Grexit: vers une rupture du système ?

C’est un fait: l’invulnérabilité de la zone euro relève du mythe pur et simple.
Le Grexit, s'est-il avéré, a semé la panique dans les rangs, démontrant, d'une part, que l'invulnérabilité de la zone euro relevait du mythe pur et simple, de l'autre, que la démocratie, lorsqu'elle s'exerçait comme elle se doit — clin d'oeil à la démocratie directe ou à l'initiative populaire suisse — rendait flagrant le caractère incompatible des intérêts du peuple et d'un groupuscule hyper-élitaire de créanciers vivant aux dépens des dettes accumulées par les Etats.
Le référendum grec dont personne ne met en doute le résultat — 61,31% de non à la zone contre 38,69% de oui — a cela de dramatique pour Washington et Bruxelles qu'il risque d'être contagieux. Encore faut-il cependant que la Grèce s'en sorte, ce qui lui vaudra bien des pressions d'ici là. La Grèce n'est pas l'Islande. Cette dernière qui s'en est joliment sortie reste un pays minuscule de 329.000 habitants dont le défaut ne représenterait qu'une goutte d'eau dans l'océan financier mondial. Partant de là, que penser d'une situation similaire en France ou en Espagne? Consciente du danger, la presse occidentale a bien veillé à ce que tout discours constructif sur la sortie de la zone euro et/ou de l'UE soit occulté. Néanmoins, il existe en France des partis souverainistes qui appellent au référendum. François Asselineau, Président de l'Union Populaire Républicaine (UPR) représente cette tendance.
Voici le constat qu'il fait.
Dans l'état actuel des choses, les Français ont le choix entre deux options:
— Se résigner à vivre dans la zone euro telle qu'elle est et dans l'Europe unie telle qu'on la leur impose.
— Voter pour une nouvelle Europe, une « autre » Europe.

Le problème, selon lui, c'est que ce n'est pas aux peuples qu'il revient de choisir cette « autre » Europe qui serait, nous assure-t-on, la meilleure des solutions. Les négociations se feront de toute façon à huis-clos et les principes édificateurs de ladite nouvelle construction seront votés par le même groupuscule très peu médiatique qui est à l'origine de la version numéro 1. La France est particulièrement réticente à tout débat en la matière, pourtant, l'une des clauses du Traité sur l'UE prévoie une éventuelle sortie de l'UE. La majeure partie des grands maux de l'Europe « unie » sont déclinés à travers les impératifs du Traité, tel l'article 63 qui interdit le contrôle du mouvement des capitaux ou l'article 106 qui cautionne la privatisation des services publics. La solution se trouve donc à la surface.

M. Asselineau dénonce par ailleurs l'assujettissement du budget de la République française à l' « approbation et à la correction » de technocrates non-français qui en outre ne représentent aucun peuple parce qu'ils ne sont pas élus. C'est en vertu de leurs pleins pouvoirs, précise-t-il, qu'ils ont plié la politique étrangère des pays concernés aux besoins de l'OTAN — une Alliance militaire pilotée par les Américains — qui aujourd'hui est à l'origine d'un double choc des civilisations — et avec le monde arabo-musulman et, d'une autre manière, avec le monde slave.

François Asselineau: Le débat en France sur la sor

Françoise Compoint Journaliste. Diplômée de l’Université Lomonossov de Moscou, master de philosophie, professeur agrégée. Journaliste depuis 2012, a fait ses premières armes au sein de la « Voix de la Russie ». Sujets de prédilection : relations internationales, géostratégie, sociologie. Français et russe – langues maternelles, anglais – couramment.


D) Consigny - La Grèce est l'avenir de la France

La presse tresse des lauriers à François Hollande sans réaliser que la situation de notre pays n'a pas grand-chose à envier à celle de la Grèce !

Et François Hollande pavoisa. Le président des câlins et des bisous, comme il s'est lui-même baptisé, a pris Alexis Tsipras dans ses bras avant de quitter Bruxelles. Un communiste consolé par un socialiste, voilà qui avait de quoi ravir les journalistes français, et ça n'a pas manqué. Toute la presse est au diapason pour dire que, n'en déplaise à la méchante droite ronchonne, ce président-là est formidable. Les cent plumes qui ont sacrifié leur indépendance sur l'autel des SMS élyséens guettaient ce qui pourrait enfin justifier leur clémence : ils ont sauté sur l'accord européen les yeux fermés.

La France défend l'Europe alors que l'Allemagne défend l'Allemagne. C'est notre honneur que de faire cela, et il faut certes reconnaître à M. Hollande que dans sa volonté de rapprocher les points de vue plutôt que de punir un pays –, et cela pour que la construction européenne puisse se poursuivre –, il a fait un choix conforme à la ligne de notre pays. Toutefois, lorsqu'on négocie jusqu'à l'aube, c'est qu'au fond personne autour de la table n'a intérêt à partir fâché. Nul ne pouvait en effet prévoir les conséquences, aussi bien financières que géopolitiques, d'une sortie de la Grèce de la zone euro : cela aurait été d'abord un coup d'arrêt à l'édification de l'Europe politique ; ensuite un affaiblissement considérable, sur le plan symbolique, de tout le continent et de sa monnaie ; enfin, le chaos en Grèce, qui aurait pu rapidement devenir, à nos portes, la terre d'accueil des malfrats du monde entier qui n'aiment rien tant que les États qui s'effondrent, et celle de milliers de migrants – or, la Grèce aurait quitté l'euro, mais pas l'espace Schengen. À part les partis nationalistes, personne ne souhaitait le Grexit.

Les Allemands ont l'impression d'être les dindons de la farce

M. Tsipras est un politicien remarquable : en ne demandant pas à ses concitoyens s'ils souhaitaient ou non quitter l'euro, mais s'ils souhaitaient ou non accepter une version particulière d'un plan de soutien financier, il s'est réservé le droit d'en accepter un autre, fût-il assez semblable, et il a permis à son peuple de crier sa colère, sans pour autant courir le risque d'une catastrophe. À quoi il faut aussi ajouter que M. Tsipras s'est personnellement renforcé par ce plébiscite, aussi bien à l'intérieur de son pays qu'à l'extérieur dans les négociations. Les Allemands, fourmis qui payent pour des cigales, doivent tout de même avoir vaguement l'impression d'être les dindons de la farce, et n'ont plus qu'à espérer qu'il y aura du changement et que leurs milliards ne sont pas tombés dans le tonneau de Danaïdes.
Pendant ce temps-là, la France poursuit imperturbablement sa promenade dans une voie condamnée. La dette a dépassé depuis longtemps les 2 000 milliards d'euros, la croissance ne repart pas, le chômage continue d'augmenter et aucune réforme importante n'est mise en chantier par le gouvernement. Nous ne touchons pas à notre administration cégétiste, à notre fiscalité délirante, à nos entreprises publiques endormies, à nos collectivités locales pléthoriques : on laisse tout en l'état, même si ça finira par nous être fatal. Peut-être pourrait-on tirer les leçons du naufrage de nos voisins, et faire chez nous ce que nous leur demandons de faire chez eux.

Consigny - La Grèce paie son socialisme

L'extrême gauche se réjouit de la victoire du non, oubliant que c'est sa politique qui a précipité la Grèce dans l'abîme, juge Charles Consigny.

Que les États-Unis, la Chine et la Russie se soient félicités du référendum grec devrait nous inquiéter, car ces trois pays se sont félicités de l'étiolement de l'Europe en tant que première puissance mondiale. Les Grecs sont au milieu de l'océan, à bord d'un navire qui prend l'eau, et ils refusent les canots de sauvetage qu'on leur envoie : ils veulent des canots plus grands, d'une autre couleur, en plus grand nombre, etc. Partout sur le continent, les partis d'extrême gauche essaient de surfer sur le succès du mouvement. Jean-Luc Mélenchon parlait ridiculement hier sur RTL de « notre gouvernement » à propos de celui d'Alexis Tsipras. Toutes sortes d'autres commentateurs se croient très subversifs en expliquant qu'il y a là une victoire de la démocratie contre les technocrates, des opprimés contre leurs oppresseurs, « oppresseurs » qui soutiennent pourtant à fonds perdus depuis des années les « opprimés ». Comme d'habitude, on ne sait pas bien ce que M. Hollande pense de tout cela – il semblerait qu'il ait perdu toute faculté de s'exprimer sans maintenir une ambigüité sur le sens de ses propos. C'est pourtant lui qui, en 2012, accréditait l'idée selon laquelle l'Union européenne serait engagée dans une voie ultra-libérale qu'il convenait de « réorienter » : il n'a rien réorienté du tout et c'est tout juste si la pauvre Union européenne a pu maintenir dans l'économie de marché une France aux mains d'un socialisme délirant, tandis qu'elle ne pourra probablement pas le faire pour la Grèce.

Une crise qui naît d'un excès de dépenses publiques

Il ne faut pas se raconter d'histoires : la Grèce est morte de ses dépenses publiques. Pas de ses créanciers, par des banquiers de Goldman Sachs ni de l'intransigeance d'Angela Merkel. Ils se sont mis eux-mêmes en faillite parce que leurs administrations sont trop coûteuses, faute d'être réformées. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui sont programmés idéologiquement pour mener le « berceau de la démocratie » à sa perte. Le parti frère de Syriza en Espagne, Podemos, ne propose rien d'autre qu'un renforcement du contrôle public de l'économie, le retrait du pays de certaines zones de libre-échange et toutes sortes de gadgets bobos qui plairont sans doute aux hipsters fonctionnarisés du centre de Paris, mais qui n'ont aucune chance d'aboutir à un quelconque résultat positif pour le peuple espagnol. La crise que traverse l'Europe depuis 2008 est une crise des dettes souveraines : c'est donc une crise qui naît d'un excès de dépenses publiques. Dire que trop baisser celles-ci revient à achever le malade, comme on l'entend beaucoup à propos de la Grèce, revient à reconnaître la trop grande dépendance des économies européennes à la dépense publique. Nous ne souffrons certainement pas d'un excès de libéralisme dans les politiques menées par Bruxelles : nous souffrons de l'omniprésence des administrations publiques dans tous les secteurs de sociétés qui en étouffent.

Qu'on abandonne les Grecs à leurs fantasmes, et ils verront comme on est heureux à Cuba. Que les Espagnols leur emboîtent le pas si ça leur chante, et ils goûteront aux joies des tickets de rationnement et des magasins vides. Que les journaleux, les faux artistes et autres guignols de l'info qui soutiennent M. Tsipras depuis leurs transats des Cyclades y restent : le collectivisme n'est pas un horizon pour l'Europe, c'est l'un de ses pires souvenirs.

Consigny - Le Grexit, occasion de rouvrir le chantier européen

Les difficultés de la Grèce peuvent marquer le début d'une nouvelle séquence : nous débarrasser des systèmes publics, et des responsables à bout de souffle !

Comme beaucoup de bourgeois, j'aime beaucoup les îles grecques, ces paradis blancs et bleus où le vent souffle sur une végétation sèche. J'aime l'antipathie des Grecs, qui marque leur fierté. J'aime leur nourriture simple, saine et répétitive, leur petit vin frais servi en carafe avec des verres de cantine, les chaises en paille et les nappes en papier de leurs restaurants. J'aime même la saleté d'Athènes, son laisser-aller et son atmosphère de violence. Du Pirée, cauchemar portuaire, je ne garde que des souvenirs heureux. La noblesse de la Grèce est dans les mémoires, dans la littérature mythologique, dans les livres d'histoire et sur les vases exposés sous verre dans les musées du monde entier. Elle est sur les rivages des Cyclades, sur la mer, sur l'or du soleil qui s'y reflète, au calme lointain et spartiate de maisons identiques qui forment ces paysages que tout le monde connaît. Voilà ma perception de touriste.

Il a manqué à l'Europe la volonté de s'assumer comme une puissance

Des tas de gens se bornent à répéter que "la Grèce est le berceau de la démocratie" et qu'à ce titre elle devrait rester membre de la zone euro, quoi qu'il en coûte. Comme si la zone euro avait réellement quelque chose à voir avec la démocratie, elle qui, comme l'Union européenne, a été bâtie par-dessus les peuples par une classe dirigeante qui croyait en son rêve. Les gouvernants européens savaient que l'État grec collectait difficilement l'impôt et qu'il truquait ses comptes, mais ils ont pensé que l'intégration continentale allait produire une sorte d'effet d'entraînement, apportant par magie la rigueur administrative, la responsabilité politique, le civisme, enfin tout ce qu'il faut pour faire un pays comme le Danemark. Les Grecs n'ont pas fait les réformes qu'ils n'avaient de toute façon que vaguement promises, mais se sont servis de la solidarité et de la solidité européennes pour emprunter au-dessus de leurs moyens. Les voilà aujourd'hui en faillite. Encore une fois, il a manqué à l'Europe la volonté de s'assumer comme une puissance : limitée à un agrégat de nations liées par quelques traités, actionnée par des institutions inutilement lourdes, opaques et sans légitimité forte, circonscrite à quelques domaines très techniques, l'Union européenne est en train de se désagréger.

Recentrer l'UE sur ses pays forts

On peut objecter qu'il en va de l'UE comme naguère de l'URSS dont on disait que si ça ne marchait pas, c'est qu'il en fallait plus et que ça finirait bien par marcher un jour à force d'en rajouter, raisonnement, il est vrai, un peu fou. Il ne faut pas plus d'Union européenne telle qu'elle meurt, il faut en faire une nouvelle et, de ce point de vue, le Grexit peut marquer le début d'une nouvelle séquence. Cela fait des siècles que l'Europe enfante des génies et des merveilles. Nous sommes la plus grande civilisation du monde. Or, aujourd'hui, nous dormons debout et l'élite de notre jeunesse émigre vers des terres plus prometteuses. Tout montre qu'il faut une Europe forte : pour gérer les flux migratoires, par exemple. Le moment est venu de recentrer l'UE sur ses pays forts, d'en affirmer clairement les valeurs et l'enracinement, et de les doter d'un gouvernement élu au suffrage universel direct. Les systèmes publics, et leurs responsables, sont à bout de souffle dans la plupart de nos pays : l'occasion de nous en débarrasser pour faire du neuf est entre nos mains. Nous avons un projet politique entre les mains, un vrai but pour les nouvelles générations, autre chose que leur petit bien-être capturé sur Instagram, autre chose que la burqa, autre chose que des manifs contre les homosexuels et autre chose que des luttes contre des fascismes imaginaires, qui ne deviendront réels que par notre inaction.

 
E) Naufrage grec, le grand révélateur  





Comme le disait Jean Baudrillard, c’est à travers ses saillies que l’on en apprend le plus sur une société. Et sans surprise, la crise grecque nous fournit un exemple inespérément riche des courants qui tiraillent nos sociétés européennes et des impostures qui tentent de s’y incruster à tout prix. Par sa gravité et son aspect caricatural, la négociation-marathon autour des plans de sauvetage successifs a même échauffé certains esprits qui se sont empressés, par leurs dérapages verbeux, d’aller bien au delà du point Godwin.

De fait, cette crise nous sert sur un plateau une typologie comportementale très intéressante. Il faut dire aussi que l’occasion était belle de voir un pays en prise avec le réel, c’est-à-dire le « monde de la finance » pour ceux qui l’exècrent, après avoir abusé de lui pendant des décennies. Oui un pays peut faire faillite, oui ses banques peuvent fermer, oui le niveau de vie peut y sombrer très rapidement jusqu’au chaos. Ce choc, cette collision entre un monde honni dont de nombreux médias et politiques consacrent leur vie à tenter de nier la suprématie, et un pays qui a fait croire si longtemps que cette négation était possible, ce télescopage, donc, ne pouvait être aussi provocant et aussi désagréable aux illusionnistes de tous bords. Il n’est absolument pas étonnant qu’un tel accident ait déclenché une aussi claire partition des attitudes, à l’instar d’une bombe à fragmentation d’une violence inouïe. Alors profitons de la chance qui nous est donnée. Car rares sont les occasions de voir, en temps réel, une idéologie se briser contre le mur dont elle ne cesse de dénigrer la primauté.
 
Les méchants Allemands
Si ce n’était pas aussi triste, on pourrait en rire. Hélas, cette caricature véhiculée dans de nombreux médias européens, et dans la plupart des médias français d’ailleurs (au premier rang desquels les médias d’État mais pas seulement) est dramatiquement trompeuse. Vu de notre pays, cancre européen, future Grèce à la puissance dix, c’était même affligeant de deviner notre Président tenter de minimiser les exigences faites à ce pays par les bons élèves européens. Mieux vaut ne pas imaginer la motivation profonde de Hollande dans ce geste aussi perfide que dangereux. Car ce n’est pas faire un cadeau à la Grèce que de lui redonner une fois de plus du temps. Trente ans de déchéances et de procrastination ne suffisent donc pas ? Qui donc a pu déjà guérir un drogué tout en n’osant jamais le sevrer ? Peut-on prescrire de la méthadone indéfiniment ?

Dans cette histoire, d’une matière tout à fait symbolique, les Allemands représentent le principe de réalité. Pour paraphraser Freud dans son très intéressant « Malaise dans la culture », ils représentent même le « surmoi » de l’Europe, c’est-à-dire une espèce de promesse de bonheur différé mais légitime, car basé sur la responsabilisation et l’abnégation. Plus symbolique encore, cette promesse serait pour ainsi dire construite sur l’expiation de ses propres fautes, expiation derrière laquelle on pourrait déceler des traces d’une certaine rigueur protestante. Actuellement, il est bien sûr interdit de stigmatiser. Mais ne pas le faire est ridicule et parfaitement contreproductif. Car de toute évidence, le gouvernement grec semble nettement plus énergique pour soutirer de nouveaux aménagements à la troïka que pour tenir le langage de vérité à son peuple. Certes, il est tellement plus facile d’aller quémander devant l’Eurogroupe et les télévisions du monde entier, que d’expliquer à la population grecque qu’il va falloir d’urgence qu’elle se ressaisisse, qu’elle réorganise ses services publics, qu’elle diminue considérablement son train de vie, qu’elle travaille beaucoup plus et qu’elle restructure son économie afin de trouver de nouvelles sources de revenus ! Que fait un ménage lorsqu’il est déclaré en faillite ?

La troïka de la décroissance
Quand on considère les sommes prêtées à la Grèce, et le peu de réformes effectuées par ce pays, on comprend mieux pourquoi la troïka se trouve critiquée de la sorte. La grande faute de l’Europe aura été d’attendre qu’il soit trop tard, alors qu’elle avait la possibilité de prendre des mesures très tôt. Mais que l’on ne l’accuse pas d’avoir mis au tapis son économie. Dans quel état serait ce pays s’il n’avait pas profité de ses aides ? Cette haine qui déferle à l’encontre des puissants (l’Europe, le FMI, les Banques) et de leurs représentants est aussi irraisonnée que l’empathie qui entoure ce pays incapable de se reprendre en main, tout juste bon pour voter de nouveau pour des illusionnistes. Soyons francs : mettre son destin entre les mains d’ex-communistes qui ont fait miroiter « la fin de la rigueur » et le « rejet du plan exigé par les créanciers » n’était pas très malin. Déclamer une semaine après le référendum « Tsipras nous a trompés » n’est pas brillant non plus. Dans le politiquement correct actuel, il ne faut jamais stigmatiser. Mais tirer à boulets rouges sur les riches et les dominants est particulièrement recommandé. C’est pourtant la Grèce qui a failli, sa population et son élite. Faudrait-il la récompenser ?

Plus intéressant encore est le fait que ce clivage qui apparaît entre ce que l’on pourrait appeler d’un côté les « pro-méthadone » et de l’autre côté les « pro-sevrage » recoupe assez parfaitement la partition française entre étatistes et libéraux. Ainsi en est-il des économistes comme Stiglitz par exemple, qui tonnent quotidiennement contre le sadisme de la troïka. Ainsi en est-il également de l’opinion publique, comme le montre très clairement un récent sondage effectué pour Atlantico. Celui-ci fait apparaître que les pro-sevrage sont les plus nombreux chez les sympathisants républicains, tandis qu’ils sont nettement partagés chez les sympathisants socialistes, avec parmi ces derniers, le même clivage entre les tenants du tout-État et ceux plus favorables à la libre-entreprise. Au final, il est tout de même surprenant de découvrir qu’une majorité de Français se dessine en faveur de la position allemande. Ce que ne laissait absolument pas augurer la façon dont les médias français ont couvert le sujet.

Un long chemin attend le libéralisme
Tous ces éléments apparus à l’aune de la crise grecque appellent les commentaires suivants :
  • L’Europe est accommodante, elle a choisi de conserver la Grèce en son sein, ce qui est une décision avant tout politique qui ne manque certes pas de noblesse. La raison économique aurait peut-être prôné une mise à l’écart provisoire de l’Europe, afin de donner de l’air à court terme à la Grèce du point de vue de sa monnaie. Elle aurait sans doute également prôné une mise sous tutelle de certaines activités qui déterminent directement la bonne réalisation des plans de restauration de la compétitivité. Sans doute que la tradition européenne n’est pas encore mûre pour de telles audaces. Mais l’Europe apprend. Et ne se laisse pas faire. Elle semble même en mesure de muscler son dispositif de gouvernance.
  • Le libéralisme n’a pas la cote. La rigueur, le principe de réalité, la résilience, la responsabilité, toutes ces notions n’ont pas le vent en poupe. Le politiquement correct actuel, qui pousse à détester les riches et les puissants, et à ne jamais accabler les « losers » et les tricheurs, n’est pas vraiment un allié. Il ne faut pas compter sur lui pour accélérer la mise en place de ce qui justement pourrait garantir une véritable gouvernance démocratique et transparente des pays européens.
Aucune entreprise ne peut survivre sans maîtriser ses risques, sans contrôler ses activités, sans implémenter des mesures correctrices. Il est impossible qu’il n’en soit pas de même pour une communauté de pays.

Naufrage grec, démocratie parodique et… mollesse européenne

Face aux comportements immatures et provocateurs de Tsipras et des Grecs, l’Europe a fait montre d’une évidente patience.
Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, a réussi son pari : le « non » aux créanciers, défendu par son gouvernement, l’a emporté très largement lors du référendum de dimanche, avec plus de 61% des votes.

Le naufrage
Il est toujours affligeant de voir des citoyens voter contre leurs propres intérêts, puis de reproduire le même geste sans broncher lorsque cela va encore plus mal, suite aux conséquences de leur premier vote. Pourquoi de tels entêtements ? Par attirance pour le chaos ? Par rejet du système de valeur mondial basé sur la réussite économique et la compétition ? Par désir de suicide collectif ? Absolument pas. Les seules raisons de telles méprises coûteuses et dramatiques sont à rechercher du côté de l’incompréhension voire de l’ignorance de l’Histoire immédiate. Ce qui se déroule sous leurs yeux de citoyens, dans le gouvernement qu’ils ont eux-mêmes élu, sur le front de l’économie et du social de leur vie quotidienne, tout cela leur échappe. Ils n’en comprennent ni le détail, ni la signification profonde, ni même les conséquences prévisibles. L’Histoire qui se déroule de leur vivant, chaque jour qui passe, ne leur parle pas. Elle leur apparaît absconse, codée, inaccessible, hermétique.

Ainsi en était-il de cette électrice grecque d’une soixantaine d’années interviewée la semaine dernière sur France 24, qui, sans la moindre honte, déclarait devant la caméra : « J’ai voté pour Alexis Tsipras. Il faut qu’il tienne ses promesses, j’ai voté pour lui. » Faut-il le rappeler, la promesse consistait à éviter au peuple grecque de se serrer la ceinture malgré sa ruine, ce qui était magnifique en effet. Celle-ci a tout naturellement trouvé un écho favorable chez cette femme qui, maintenant, pense effectivement qu’il ne tient plus qu’au Premier ministre qu’elle a élu de la réaliser.

Cet angélisme est à la fois triste et affligeant. Car dans ce cas précis, le système logique [promesse > adhésion à la promesse > exigence de résultat] ressemble à s’y méprendre au caprice d’un enfant immature. Ce système ne tient compte en aucune façon du contexte et de son aspect éventuellement irréaliste. Il est littéralement déconnecté, en apesanteur des contingences financières et sociales. À l’image des exigences d’un nouveau-né en plein stade syncrétique, qui ne fait pas encore la différence entre soi et le reste du monde, et qui pense que tout est là autour de lui pour servir ses seuls intérêts, son « plaisir sexuel » dirait Freud : BCE, FMI, créanciers…

La parodie de démocratie
Quand bien même est-il politiquement incorrect de le dire, il faut avoir le courage de l’admettre : cette électrice grecque, comme des millions de ses compatriotes, a fait la preuve de son incompétence. Comme beaucoup d’électeurs, elle s’est prononcée d’un point de vue primaire, au premier degré. Elle n’a pas été capable de décrypter ce qui était mensonger de ce qui ne l’était pas. Elle n’avait pas non plus les moyens de mesurer les risques que son propre choix pouvait infliger à l’ensemble de son pays. Elle a voté à la hauteur de sa méconnaissance totale des enjeux, c’est-à-dire en aveugle. Enfin, elle fournit par la même occasion la possibilité aux menteurs et aux inconscients d’être élus sur de simples promesses de ce genre. Elle participe en effet pleinement à l’épanouissement de cette « relation circulaire réflexive » (pour citer Edgar Morin) entre le « peuple manipulable » d’un côté et une « classe politique manipulatrice et menteuse » de l’autre.

Cette relation circulaire enfonce le peuple grec depuis des décennies, aux dépens de ce dernier bien sûr, et sans qu’il soit conscient de ce qu’il devrait faire pour l’interrompre. Trois questions épistémologiques d’importance viennent donc à l’esprit :
  • À quoi les élections, principal outil de la panoplie des démocraties, servent-elles si les électeurs ne savent pas s’en servir ?
  • Peut-on vraiment soutenir que la démocratie grecque fonctionne ?
  • Que faire pour casser ce cercle vicieux ?
Le conflit dissymétrique
Dans la tragédie grecque actuelle, le meilleur n’est pas forcément le plus sûr. Lorsque le gouvernement d’Alexis Tsipras a claqué la porte des négociations européennes puis, au nez et à la barbe des créanciers, a décidé d’organiser un référendum sur la rigueur (question digne d’un caprice d’enfant qui refuse le réel), force est de constater que l’immaturité de la classe politique au pouvoir semble tout aussi robuste que celle de la majorité de ses électeurs. Face à des créanciers qui ont fait de multiples efforts et qui ne sont de toute façon pas responsables de la fuite en avant et de la mauvaise gestion grecques, il est peu probable qu’une telle pirouette ait la moindre chance de succès. Un débiteur ne peut pas embobiner des créanciers avec de tels arguments. Ce serait même le monde à l’envers…

Sauf que l’immaturité et l’irréalisme de la classe politique grecque n’expliquent pas à elles seules un tel affront. Il y avait en effet un déséquilibre si grand entre le David grec et le Goliath européen que les apprentis négociateurs (ex-communistes par ailleurs) grecs ont tenté leur chance en profitant de la faille qui leur était offerte. Il est démontré que dans les guerres ou les conflits dits « dissymétriques » , les challengers ont toujours une carte à jouer, et ce n’est pas forcément le plus puissant qui sort victorieux. Il semble qu’il en soit de même dans les négociations. Dont acte…

La mollesse européenne
Face à ce comportement immature, et provocateur, l’Europe a fait montre d’une évidente dignité tout au long de ces négociations. Elle aurait pu toutefois soulever des sarcasmes dans les médias du monde entier voire des réactions sur les marchés financiers car sa patience et son abnégation sont apparues interminables face à une Grèce qui s’est ruinée de sa propre faute et qui s’est malgré tout permise le luxe de jouer la victime de « l’austérité européenne » et de menacer ses créanciers. Il est même surprenant que l’image de l’Europe n’ait pas été écornée à cette occasion. Sans doute incarne-t-elle un idéal de générosité qui lui colle à la peau et qui fait rêver un peu partout, ce qui la protège de ce genre de critique ? Quoi qu’il en soit, l’Europe s’est montrée faible. Elle l’est d’ailleurs depuis le début de l’euro et continue de l’être d’un point de vue politique et économique :
  • Elle a créé une monnaie unique mais sans politique de convergence économique.
  • Elle n’est pas intervenue en amont dans le problème grec lorsqu’il fallait arrêter la tricherie des comptes de l’État grec et prendre des sanctions contre lui afin qu’il évite le naufrage du pays.
  • Elle n’a toujours pas mis en place une politique économique basée sur la convergence des grands ratios économiques et le respect des règles de base de la gouvernance.
Le « non » grec, le naufrage du pays et la parodie de démocratie sont déjà parfaitement avant-coureurs des difficultés de la France. Gérer, c’est prévenir ! L’Europe a une opportunité historique de se montrer enfin intraitable avec les mauvais gestionnaires et les pourvoyeurs d’illusions. Qu’elle le devienne avec la Grèce, car son exemple est une caricature du pire de ce qui peut arriver à un pays de la communauté. Et qu’elle le soit avec la France. Ce sera certes cuisant à court terme mais nous avons tous à y gagner. Et pas seulement la France, mais toutes les démocraties européennes.
Claude Robert - Le site de l'auteur



F) Faux-semblants, chiffres truqués, mensonges et impostures : la méthode Hollande se répand en Europe
Après d'âpres négociations, un accord a a finalement été trouvé entre la Grèce et l'EuroGroupe. Un bal de faux-semblants : les Grecs font semblant d'engager des réformes, l'Europe fait semblant d'y croire et l'Allemagne fait semblant de payer...
Quel magnifique accord que voilà ! En résumé, les Grecs font semblant d'engager des réformes, l'Europe fait semblant d'y croire et l'Allemagne fait semblant de payer. L'usage de termes contradictoires et d'adjectifs aussi imprécis que grandiloquents rythme l'accord conclu au sein de l'Eurogroupe. Des "mesures directes pour améliorer la viabilité à long terme du système des retraites (seront prises) dans le cadre d'un programme global de réforme des retraites". On appréciera la conjonction du direct, du long terme et du global sans autre forme de précision. Une "rationalisation" du régime de TVA sera "engagée" pour "un élargissement de l'assiette fiscale afin d'accroître les recettes". Bienheureux celui qui traduira cet engagement en termes précis tout comme celui qui définira la savoureuse "pleine mise en oeuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant la finalisation du protocole d'accord et en introduisant des réductions quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des objectifs ambitieux d'excédents primaires". Lire la suite
  
 Serge Federbusch
 
G) La Grèce est mise sous la tutelle des Etats-Unis
 Désillusion ? Malaise ? Une semaine après le NON au référendum qui a soulevé une vague d'enthousiasme en Grèce, l'accord trouvé dimanche tard dans la nuit a du mal à être digéré.
« Cette proposition comporte fondamentalement un nouveau programme d'austérité, de contre-réforme et de privatisation, elle n'aurait pas dû être votée au Parlement », expliquent 15 députés grecs dans une lettre ouverte au Comité central du pays.

En réalité, la pilule ne passe pas du côté de nombreux parlementaires européens. Georges Gastaud, professeur de philosophie, militant communiste, interrogé par radio Sputnik, s'oppose au soi-disant compromis: « C'est une terrible défaite pour le peuple grec et la mise en tutelle de la Grèce. L'Union européenne veut humilier la Grèce et ne lui faire aucune concession sérieuse. Le problème de tous les pays de l'Europe, sauf l'Allemagne, est qu'ils ont perdu leur indépendance. Je ne compte pas sur François Hollande, qui cède toujours à Angela Merkel au dernier moment, je compte sur les peuples qui doivent comprendre que, malheureusement, on ne peut pas traiter avec l'Union européenne. »
François Asselineau président et fondateur de l'Union Populaire Républicaine, ne mâche pas ses mots: « La grande leçon à tirer de cette affaire — il n'y a pas d'autre Europe possible. Soit on accepte les traités européens libéraux, c'est-à-dire, une politique libérale de démantèlement des services publics, de démantèlement des acquis sociaux, d'appauvrissement général du plus grand nombre, de précarisation générale des populations pour le profit d'une toute petite oligarchie, soit on sort de l'Europe, de l'euro, on reprend sa monnaie et sa souveraineté nationale. Il n'y a pas de possibilités entre les deux. » Georges Gastaud partage le même avis: « Il faut que la Grèce se souvienne qu'il n'y a pas que l'Occident mais aussi l'Orient avec ses traditions orthodoxes. Elle peut avoir d'autres secours que tout simplement se tourner éternellement vers les pays qui la pressent comme un citron. »
Le choix est, certes, difficile. D'une part, on a la zone euro et la monnaie unique censée rapprocher les peuples européens. Or, la crise grecque a montré qu'il n'en est rien. D'autre part, on a, par exemple, les pays des BRICS qui tendent la main à Athènes. Lors des sommets de BRICS et de l'OSC les 8-10 juillet à Oufa, les pays membres ont souligné qu'en cas d'adhésion, la Grèce pourrait compter sur l'aide de la Banque de développement qui sera prochainement créée. La Russie a, pour sa part, annoncé qu'elle envisageait de livrer directement des combustibles à la Grèce afin de l'aider à faire repartir son économie. Or, Alexis Tsipras, en visite à Saint-Pétersbourg où se déroulait, les 18-20 juin, le Forum économique international, n'a pas demandé d'aide à la Russie.
Qui vivra verra, mais on peut dire dès aujourd'hui que l'économie européenne gérée par les institutions financières internationales, comme la BCE ou le FMI, se présente comme un moyen de pression politique. On le voit aussi bien à travers le mécanisme de sanctions, imposée à l'Iran et à la Russie, qu'à travers la crise grecque. Car la BCE distribue la « monnaie des Européens » sur des critères qui ne tiennent pas compte du bien-être des populations.
François Asselineau pousse l'idée de politisation de la monnaie unique plus loin. Il pointe du doigt la vraie personne qui, à son avis, a réglé l'affaire grecque — le secrétaire au Trésor américain, Jacob Lew, qui est en contact permanent avec M. Tsipras, avec la Banque centrale européenne, avec Jean-Claude Juncker, avec Angela Merkel. « La monnaie européenne a été inventée par les Etats-Unis, ce que confirment les documents secrets défense déclassifiés par l'administration américaine, en l'été 1965. Ce sont les Etats-Unis qui, au moins depuis 50 ans, essayent d'avoir une monnaie européenne. C'est très important pour eux parce que si la Grèce était sortie de l'euro, c'est l'ensemble de l'échafaudage d'asservissement qu'ils ont mis en place depuis la fin de la Seconde guerre mondiale qui risquerait de s'effondrer. C'est un sujet de nature géopolitique américaine et non pas un sujet de nature financière. »

On en déduit que la Grèce d'Alexis Tsipras est un pion sacrifié sur l'autel du « grand échiquier » américain, ce que prouvent les fissures au sein du Syriza. Mais qu'est-ce qu'on voit au sein de l'Union européenne en général? D'une part — l'effet de domino avec l'Europexit (l'Italie, l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni). D'autre part — François Hollande a promis plus d'intégration dans la zone euro. Les experts craignent que cette promesse de l'Elysée n'aille dans le sens des erreurs passées.
Enivrés par leur victoire sur un peuple à genoux, les dirigeants de la zone euro risquent d'aggraver le bilan, aussi négatif pour les vainqueurs que pour les vaincus. Tandis qu'il n'y a qu'un seul acteur, le gagnant « suprême » de l'affaire, qui tirera son épingle du jeu…
  • La dette publique de la Grèce doit être annulée, selon un expert crétois
  • La Grèce manque un nouveau remboursement au FMI
  • Marine Le Pen aurait engagé la Grèce vers la sortie de l'euro
  • Prodi: annuler la dette grecque comme cela avait été fait pour l'Allemagne

     

    H) Grèce: la politique de la canonnière
  • Le premier ministre grec, M. Alexis Tsipras, a donc fini par capituler. L’accord entre la Grèce et les institutions de l’Union européenne (et l’Eurogroupe) n’a d’accord que de nom. C’est ce que les allemands appellent un « diktat ».
    Le 13 juillet, nous avons vécu un Traité de Versailles à l'envers, où la Grèce qui n'était coupable de nulle agression a été forcée d'accepter des conditions léonines par l'Allemagne. Tsipras a donc capitulé sous les pressions insensées de l'Allemagne, mais aussi de la France, et bien entendu de la Commission européenne et de l'Eurogroupe.

    Il faut entendre à cet égard la déclaration du président François Hollande en ce 14 juillet quand il dit qu'entre le peuple français et l'Europe il a toujours choisi l'Europe. C'est une déclaration qui ne peut que glacer le sang. Elle affirme donc que pour un représentant du peuple, légalement élu, un concept est plus important que ses mandants. Cela s'appelle, quel que soit le langage que l'on parle, une tyrannie. Cette tyrannie, nous l'avons vu à l'œuvre contre la Grèce. Nous la verrons aussi sur d'autres pays.
    Tsipras a donc capitulé. Il n'y a pas d'autres mots pour désigner l'accord qui lui a été imposé par l'Eurogroupe, puis par les différents dirigeants européens, le revolver — ou plus précisément la menace d'une expulsion de la Grèce hors de la zone Euro — sur la tempe. Cette capitulation va avoir des conséquences dramatiques, en Grèce en premier lieu, où l'austérité va continuer à se déployer, mais aussi au sein de l'Union européenne. Les conditions dans lesquelles cette capitulation a été arrachée ont fait voler en éclat le mythe d'une Europe unie, d'une Europe de la solidarité.
    L'Allemagne a obtenu de la Grèce ce que les anciens appelaient une paix carthaginoise, c'est à dire une paix payée du prix d'une soumission totale. C'est bien le signe de la transformation progressive des institutions européennes en tyrannie. On sait que telle était la position dès le départ de M. Dijsselbloem, le Président de l'Eurogroupe (1). On a vu, avec tristesse mais aussi avec colère, la France finir par se plier à la plupart des exigences allemandes et même parfois les devancer, quoi qu'en dise notre président.

    Ce 13 juillet est et restera dans l'histoire un jour de deuil, à la fois pour la démocratie et pour l'Europe.

    Un accord détestable
    Cet accord est un accord détestable, et ce pour de nombreuses raisons. Il l'est dans le domaine économique, comme le dénoncent aujourd'hui de nombreux économistes internationaux, de Paul Krugman à Joseph Stiglitz en passant par l'ancien ministre des Finances de la Grèce, M. Yannis Varoufakis. C'est un accord détestable car il saigne à nouveau l'économie grecque et ce sans lui offrir la nécessaire et réelle bouffée d'oxygène dont elle avait besoin. L'accroissement de la pression fiscale (essentiellement la hausse de la TVA) sans contreparties aura des conséquences désastreuses pour l'économie grecque. C'est la poursuite de l'austérité dont il est avéré et reconnu par des nombreuses autorités, au premier rang desquelles le Fond Monétaire International, qu'elle ne marche pas.

    La hausse de la pression fiscale qui est exigée, les nouvelles coupes dans les dépenses, ne s'accompagnent nullement du plan d'investissement massif qui aurait pu en compenser, au moins en partie, les effets. C'était pourtant l'une des demandes du gouvernement grec, demande qui a été balayée d'un revers de main par l'Eurogroupe. Notons aussi que le gouvernement grec est contraint de s'engager à: 
    "mener d'ambitieuses réformes des retraites et définir des politiques visant à compenser pleinement l'incidence budgétaire de l'arrêt de la cour constitutionnelle relatif à la réforme des pensions de 2012 et mettre en œuvre la clause de déficit zéro ou des mesures alternatives mutuellement acceptables d'ici octobre 2015"
    En d'autres termes, on demande au gouvernement grec de compenser l'arrêt de la cour constitutionnelle qui avait cassé la réforme des retraites de 2012. Bref, on demande au gouvernement d'un Etat souverain de prendre des lois qui sont contradictoires avec sa constitution. On marche véritablement sur la tête. La logique de l'austérité est ici proclamée plus importante que la souveraineté d'une Nation (2).
    Un accord qui ne résout rien
    Cet accord est aussi détestable dans le domaine financier. Il engage donc le Mécanisme Européen de Stabilité, ou MES, qui est un fond garanti par les Etats de la Zone Euro. Mais, cet engagement sera appelé à grandir régulièrement. L'économie grecque va, en effet, continuer à s'enfoncer dans la dépression. Les ressources fiscales vont au total stagner, voire diminuer et cela même si la pression fiscale augmente comme il est prévu dans l'accord.

    La dette va donc, en proportion de la richesse produite, devenir de plus en plus lourde. Sur cette dette, le reprofilage — mot barbare qui désigne un allongement des délais de paiement du principal et un report des intérêts — ne résout rien. Les études qui ont été faites par divers organismes, du Fonds Monétaire International au Trésor des Etats-Unis, montrent que même si les intérêts sont ramenés à 1% et même si le principal de la dette est renvoyé à 2070 pour remboursement, le poids de la dette passera d'ici 18 mois de 177% du PIB à plus de 200% du PIB. Les mesures proposées dans cet accord sont au mieux inadéquates et, au pire, aggravent la situation.

    On sait, le Fonds Monétaire International l'a dit dans un rapport qui fut communiqué le lundi 6 juillet aux différentes autorités (le DSA ou Debt Stability Assessment), que la dette grecque n'est pas viable en l'etat. Il s'en déduit qu'il faut la restructurer, c'est-à-dire en annuler une partie. Le FMI a d'ailleurs calculé la partie qu'il faudrait annuler: il s'agit rien moins que de 30% de cette dette. Mais, l'Allemagne s'y refuse toujours avec obstination. Il faudra d'ici peu trouver à nouveau de l'argent pour la Grèce. L'une des raisons pour lesquelles ce plan est détestable est qu'il ne règle rien, ni économiquement, ni financièrement. Loin de donner à la Grèce un horizon de trois ans, comme on le prétend, nous reverrons le sinistre feuilleton des négociations, des affrontements, et pour finir des humiliations, se répéter encore et encore.

    Un accord de type néocolonial
    Enfin, ce plan est détestable pour une troisième raison. Politiquement, il aboutit à mettre la Grèce en tutelle, à l'assimiler dans les faits si ce n'est dans le droit, à une colonie désormais privée de tout pouvoir réel. Le parlement grec non seulement est sommé de voter au plus vite certaines réformes, avec deux dates butoirs, le 15 et le 22 juillet (3), mais il devra soumettre désormais les différentes mesures à prendre au contrôle et au bon vouloir des institutions européennes. En particulier, un paragraphe de l'accord est très significatif. Il dit ceci: "Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au Parlement" (4).

    C'est le rétablissement de ce que les grecs appellent le "régime de la Troïka". Or, ce régime, ils l'avaient répudié lors des élections du 25 janvier dernier. Il ne faut pas oublier que la victoire électorale de Syriza devait beaucoup à l'exaspération de la population devant les pertes régulières de sa souveraineté. Et c'est là sans doute le résultat le plus inouï, le plus monstrueux, de cet accord. Il équivaut à annuler une élection libre et démocratique, à affirmer que les règles édictées à Bruxelles ont plus de poids que le jeu démocratique. Cet accord, c'est le viol de la souveraineté de la Grèce. Mais un viol qui fut non pas perpétré par un quelconque sadique et obsédé sexuel. Non, c'est un viol en réunion, l'équivalent d'une tournante, qui s'est déroulé sous les lambris des bureaux des institutions européennes.
    Il faudra s'en souvenir car, de ce point de vue, cet accord ne concerne pas les seuls Grecs; il menace aussi tous les peuples de la zone Euro. C'est pourquoi le fait que le président François Hollande se soit prêté à ce crime, car il n'y a pas d'autre mot pour qualifier cet accord dans le domaine politique, doit nous emplir d'effroi. En acceptant de poser sa signature au bas de cet accord, en acceptant de la faire voter d'ici la fin de la semaine au parlement français, François Hollande est dès lors connivent à cet étranglement de la démocratie en Grèce, mais aussi dans l'ensemble de la zone Euro.

    Allant toujours plus loin, cet accord organise la spoliation de la population grecque dans le paragraphe léonin qui concerne les privatisations et qui date directement de ce que l'on appelait au XIXème siècle la "politique de la canonnière". Ce paragraphe stipule en effet que le gouvernement grec doit: "élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d'autres moyens. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d'euros, dont 25 milliards d'euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d'autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c'est-à-dire 50 % de 25 milliards d'euros) serviront à diminuer le ratio d'endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements" (5). Cela revient à dire que la Grèce ne pourra utiliser que 50% de 25 milliards, soit 12,5 milliards issus des privatisations pour des investissements. Or, ces sommes ne seront pas disponibles — si tant est qu'elles le soient un jour — avant deux à trois ans.

    Quand on entend François Hollande affirmer que la souveraineté de la Grèce a été préservée, on se dit que ce président a un goût douteux pour la plaisanterie. C'est ajouter l'insulte à la blessure. Car la souveraineté de la Grèce a bel et bien été piétinée par l'Eurogroupe et par l'Allemagne, avec l'aide et avec l'assentiment de la France. C'est pour cela que ce 13 juillet sera désormais un jour de deuil pour tous ceux qui défendent la démocratie, la souveraineté et la liberté des peuples.

    La question de l'Euro
    François Hollande affirme que son action a sauvé l'Euro. Il est clair que si l'Allemagne avait imposé l'expulsion de la Grèce hors de la zone Euro, cela aurait déclenché à relativement court terme le processus de dissolution de cette zone. Mais, le maintien de la Grèce dans la zone Euro ne sauve nullement la monnaie. D'une part, parce que les problèmes économiques et financiers de la Grèce ne sont pas résolus. D'autre part, parce que d'autres pays sont aujourd'hui en grandes difficultés, et en particulier l'un de nos voisins, l'Italie.

    L'Euro est, on en a eu la preuve aujourd'hui, indissolublement lié à la politique d'austérité. La politique économique menée dans la Zone Euro consolidée par le rôle des divers traités, et en particulier du dernier le TSCG ratifié en septembre 2012, ne peuvent que mener à l'austérité. Si on ne l'avait pas encore compris, c'est aujourd'hui parfaitement clair: l'Euro c'est l'austérité. Bien sûr, il peut y avoir des politiques d'austérité sans l'Euro. Mais l'Euro implique en réalité la politique d'austérité et toute politique menée dans le cadre de l'Euro conduit à l'austérité. Il faut comprendre le sens profond de cette affirmation. Aujourd'hui, tant que l'on restera dans la zone Euro, il sera impossible de mener une autre politique économique que l'austérité. Pour ne pas avoir compris cela, Alexis Tsipras s'est mis de lui-même la tête sur le billot.

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    2) Déclaration du sommet de la zone Euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 3.
    3) Le texte de l'accord précise que ce dernier ne sera valable que dans les conditions suivantes: "Ce n'est qu'après — et immédiatement après — que les quatre premières mesures susmentionnées auront fait l'objet d'une mise en oeuvre au plan juridique et que le Parlement grec aura approuvé tous les engagements figurant dans le présent document, avec vérification par les institutions et l'Eurogroupe, qu'une décision pourra être prise donnant mandat aux institutions de négocier un protocole d'accord ». Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 2."
    4) Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 5.
    5) Déclaration du sommet de la zone euro, Bruxelles, le 12 juillet 2015, page 4.
    Grèce: vers la démission d'Alexis Tsipras? 

    Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schauble, a estimé jeudi soir qu'il fallait forcer la France à mener les réformes.

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