décembre 10, 2015

Peur, désinformation et courage !!

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


 
Notre pays vit une période singulière et sordide de paranoïa aigue. Quand nous ne sommes pas angoissés par tous les maux de la planète véhiculés par nos médias, nous sommes harcelés par les cours de morale assénés par nos politiques. Le niveau de peur distillé et le lavage de cerveau ambiant sont devenus tout simplement ahurissants au regard de la réalité et insupportables pour une démocratie comme la nôtre. Pourtant, nous ne manquons pas de moyens d’information, mais il faut admettre que les niveaux de prise de recul sur l’actualité et de discernement sur la nature des risques que nous avons à assumer sont devenus consternants. Nous sommes de plus en plus dans le commentaire sur les plateaux TV, le suivisme dans les couloirs des décideurs et le fatalisme au sein de la population1

Nous avons l’impression d’être entrés dans le temps des calamités et surtout dans un modèle de société où il n’y a plus de raison d’espérer quoi que ce soit du présent et encore moins de l’avenir... Étonnante atmosphère dans laquelle nos clercs, affublés d’une meute d’imposteurs et de petits communicants, distillent au quotidien ces doses médicamenteuses de peurs et de désinformations qui inhibent inexorablement toute capacité de jugement et tout esprit critique. Cela leur permet de pouvoir gouverner en toute impunité et de maintenir les populations dans des biais de représentation qui s’avèrent malsains et de plus en plus mortifères. Certes, le monde se transforme à très grande vitesse et ne nous attend pas. Nous pourrions même préciser qu’il ne nous attend plus depuis longtemps! C’est regrettable, mais c’est ainsi et il serait temps de l’admettre plutôt que de le craindre inconsidérablement. Il se pourrait même qu’il soit un peu tard... Comme l’écrit Cocteau : « L’avenir n’appartient à personne, il n’y a pas de précurseurs, il n’y a que des retardataires ». En ce qui nous concerne, nous pourrions ajouter qu’il y a aussi « des agités et des perdants ». 

Il est convenu désormais de parler d’un « monde chaotique », sans trop savoir ce que l’on met derrière cette assertion. Cela permet à de nombreux experts, aux tonalités plus ou moins apocalyptiques, d’occuper la scène médiatique sur tout et n’importe quoi : de l’Ebola à l’Islamisme en passant bien entendu sur le plan géopolitique par les deux figures incontournables que sont devenus les deux pestes russes et syriennes... « Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage... ». Cela évite de traiter nos véritables pathologies et ces cancers qui rongent de l’intérieur nos sociétés avec l’endettement et la faillite de l’Etat, le niveau du chômage et la perte réelle de compétitivité de nos économies, les radicalisations identitaires et religieuses, le désenchantement et la désespérance qui frappent nos populations... « Divide ut regnes2 » s’accorde très bien en termes de gouvernance avec peur et désinformation. 

Si nous nous référons à sa racine grecque, le terme chaos signifie « béance ». Dans la mythologie grecque, il s’agit de l’état initial qui précède l’origine du monde et l’arrivée des dieux3. Sans cette cause première, ou principe premier selon les écoles philosophiques, la matière ne peut pas se mettre en mouvement ni se transformer. Si nous restons fidèles à cette approche, il est clair que le monde vit depuis un demi-siècle une transformation considérable, voire radicale, des rapports de force et de puissance. Ces derniers en s’exprimant de plus en plus en dehors de notre rationalité et malgré nous, génèrent dans nos perceptions cette sensation de chaos. Mais ce que nous ressentons dans nos sanctuaires de riches comme l’émergence d’un désordre démoniaque n’est pas perçu de la même façon dans le reste du monde. Au contraire le reste de la planète considère cette phase de transition de l’Histoire comme une formidable opportunité pour s’imposer de nouveau dans les jeux d’acteurs. Avoir peur de la « béance » générée dans l’ordre du monde par ces transformations, ces changements de paradigmes, dont nous avons souvent été et paradoxalement à l’origine, ne changera strictement rien aux risques que nous devons anticiper et assumer si nous voulons espérer être dans les nouveaux jeux de demain. 

Au lieu d’essayer de transformer le présent et d’anticiper l’avenir, tout est désormais prétexte pour haranguer nos populations sur ces crises fatales qui nous submergent, ces acquis historiques qu’il faut défendre de façon suicidaire, ces méchants dirigeants à nos frontières qui n’obtempèrent pas à nos ultimatums et qui nous veulent forcément du mal. Ces peurs nous maintiennent en état de sidération et nous enferment petit à petit dans des formes de schizophrénie collective inquiétante qui expliquent les types d’implosion que nous constatons dans nos sociétés. Tout ceci nous maintient dans un infantilisme préoccupant et surtout dans un niveau de confusion et de soumission qui est assez inédit. Il est plus que temps de nous réveiller et de nous ressaisir pour aborder avec un peu plus de lucidité et de robustesse les rendez-vous qui sont devant nous. Il est également temps d’arrêter de nous saturer avec de fausses peurs et de nous prendre en permanence quotidiennement pour des imbéciles avec de faux problèmes. 

Nous savons que le monde que nous avons connu, celui qui a été façonné par le traité de Westphalie, redessiné par le traité de Versailles et sanctuarisé par Yalta est définitivement mort depuis plusieurs décennies. Certes, depuis 20 ans nous essayons de freiner la déconstruction de la matrice qui nous a assuré plusieurs siècles de maîtrise de l’Histoire. Les choses s’accélèrent ou du moins deviennent plus explicites. Mais nous refusons de les voir telles qu’elles sont. Nous pratiquons le déni. Les évènements en Ukraine, en Syrie, au Sahel, sans oublier ce qui se joue en mer de Chine, sont normaux. Ils ne font que s’inscrire dans ce lent processus de redécoupages identitaires et territoriaux que nous constatons sur toutes les lignes de tension civilisationnelle depuis les évènements du Liban, puis de l’ex-Yougoslavie, bien au-delà la chute du mur de Berlin et la désanctuarisation de l’Europe centrale. Cela commence toujours par des guerres civiles autour de questions identitaires, se poursuit avec des logiques séparatistes pour déboucher sur de nouvelles frontières. C’est la fin de tous les avenants du traité de Versailles4 notamment ceux de Sèvres5 et de Lausanne6 dans les Balkans et sur les marges orientales de l’Europe, c’est aussi la fin des accords Sykes-Picot7 au Levant et au Moyen-Orient, la fin de Balfour8 sur Israël avec l’inévitable reconnaissance de l’Etat palestinien, voire de façon sous-jacente la fin du pacte du Quincy9 avec la remise en cause de la donne énergétique au niveau mondial. Mais c’est aussi le retour des grands « empires centraux »10 avec la Turquie d’Erdogan, la Sainte Russie du tsar Poutine, la grande Perse, les deux puissances nationalistes que sont l’Inde sur l’Océan indien et le Japon sur le Pacifique nord, sans oublier la Chine qui a l’intention de redevenir dans les dix à vingt ans la première puissance mondiale, ce qu’elle fut déjà pendant des siècles! L’Histoire ne fait que reprendre ses droits et sa marche en avant. 

Pour conserver l’illusion d’un semblant de puissance et tenter de verrouiller nos facteurs de bien-être, nous nous sommes résignés à ne devenir qu’une petite pièce de l’incontestable surpuissance américaine, dont l’omnipotence sécuritaire repose sur une dette gigantesque et sur cette arme de destruction massive qu’est le dollar. Cet alignement nous oblige désormais à fondre nos intérêts dans la redéfinition de nouveaux jeux d’alliances et dans des traités de libre-échange qui ne sont pas soumis aux peuples. Pour cela, il nous faut accepter de nommer des adversaires, d’affirmer des menaces et d’accepter les standards anglo-saxons comme modèle absolu de vie et de pensée. Pour conserver notre statut et surtout notre niveau de vie, il nous faut obtempérer aux consignes des lobbies de Washington et nous soumettre à une lecture du bien et du mal assez simpliste. Il est évident que dans ce contexte des dirigeants comme Vladimir Poutine ou Bachar el Assad, voire des concepts comme l’islamisme, deviennent des boucs émissaires faciles à diaboliser pour tétaniser et conditionner les populations. Il est également clair qu’un contrôle total des systèmes d’information et de communication11 est devenu indispensable afin que la matrice puisse tenir face aux remises en cause des jeux de puissance, aux masses critiques en mouvement sur les plans démographiques, financiers et économiques ainsi qu’aux risques de fractalisation qui s’affirment de façon inexorable aux marges de l’Occident. 

C’est de bonne guerre ! Nos adversaires ne s’y prendraient pas autrement pour nous dominer, mais peut-être que dans le passé nous fumes un peu plus subtils et furtifs dans la manœuvre et moins pressés... Maintenant, il faut le reconnaître, les « castings » politiques n’étaient pas non plus du même niveau... Pour arriver à cette finalité, tout est bon, de l’instrumentalisation permanente des peurs ordinaires, en passant par l’Ebola, jusqu’à la réanimation des concepts de la « guerre froide » pour donner un second souffle à cette guerre contre le terrorisme qui a sous-tendu les « guerres justes » de ces dernières décennies. Personne n’a peur du ridicule, à commencer par les médias qui en abusent pour fabriquer de l’audience à forte rentabilité ! L’objectif est de maintenir l’opinion en état de sidération et de l’enfermer dans des logiques de persuasion, qui valent les bonnes méthodes de propagande du siècle dernier, mais en beaucoup plus subtil et virtuel avec la performance actuelle des vecteurs médiatiques. 

Dans ce contexte, les scénarios terrifiants pour 2015 ne manquent pas et la plupart sont vraisemblables. Comme d’habitude, il est probable que nous ayons d’autres réalités à assumer, les jeux d’acteurs n’étant pas figés dans le marbre. Le scénario qui nous concerne le plus est bien entendu l’hypothèse qui remonte à la surface d’une fin plus ou moins programmée de l’Euro. Tous les ingrédients sont là avec la panne de croissance et la vague de déflation qui s’installe sur la zone, les difficultés de Mario Draghi face à la banque centrale allemande pour lancer sa stratégie de rachat des dettes souveraines, l’instabilité politique grecque, voire italienne si Renzi n’arrive pas à faire passer ses réformes, et surtout le risque bancaire français qui est lié au risque pays italien. En plus de ces plaques à vent, la tentation pour Cameron de tenter une sortie par le haut du système européen est désormais très forte. Tout se joue avec en arrière plan une remontée des taux américains et du dollar sur un fond de guerre des monnaies et de l’énergie. Quant à l’Allemagne, le recentrage de ses intérêts sur son Mitteleuropa et de sa stratégie sur ses frontières orientales avec la Russie, la Turquie et l‘Eurasie ne laisse plus de place aux pas de clerc de nos petits énarques au pouvoir en quête de compromis pour essayer de gagner du temps. Ces mouvements de fond peuvent se traduire par une scission entre les 1812. Sans aller sur une fractalisation totale de l’Europe, comme certains l’imaginent ou la souhaitent, un système à deux vitesses entre germaniques et latins n’est pas inconcevable dans un premier temps. Cela ne se fera pas sans un peu de casse, c’est évident. 

Pour nous, Français, un tel scénario se traduirait instantanément par une perte de richesse globale de -20% à -30%. Et alors ! En tout état de cause, il faudra bien à un moment donné revenir à la vie réelle et arrêter de penser que nous pouvons continuer à financer notre indolence et notre nostalgie d’un passé révolu à coup d’endettement public comme nous le faisons de façon dispendieuse depuis 30 ans pour acheter la paix sociale et civile. Ce pourrait être la meilleure chose qui puisse nous arriver, puisque nous avons refusé collectivement de prendre les problèmes par le bon bout. Ce serait aussi la meilleure façon de sortir le plus vite possible de ces virtualités bureaucratiques et financières qui nous bercent avec de fausses assurances, anesthésient nos capacités de jugement, contraignent nos possibilités d’innovation et neutralisent toute prise de risque. Il est évident qu’aucun politique actuel, quel que soit le bord, ne peut porter un tel discours. Mais un -30% n’est pas la fin du monde, même si c’est la fin d’un monde. Il s’agit juste d’un peu moins de confort et d’un recalage que d’autres ont assumé avec courage et détermination, et pas seulement avec abdication. L’exemple espagnol, qui est à nos portes, est dans ce domaine assez éloquent13. De toute façon, quel que soit le scénario, ce sera à un moment donné le prix à payer pour revenir à des bases saines et nous obliger à sortir une fois pour toute de toutes ces prises d’otage sociales, fiscales, juridiques, institutionnelles que nous subissons et qui tuent lentement, mais sûrement, notre pays depuis 30 ans. 

A nouveau, arrêtons de dire aux français que la crise de l’Euro s’arrêtera à la frontière, que « l’Allemagne paiera », que nous sommes les plus vertueux et le seul modèle viable et durable de la zone européenne. Tout cela est faux ! La crise de l’Euro est devant nous, l’Allemagne n’a plus envie de payer et notre sort est désormais intimement lié au sort de l’Italie et non plus à l’inoxydable traité
de l’Elysée14. Le dernier déclassement de l’agence Fitch15, qui n’est en rien surprenant, n’est qu’une énième alerte du glissement du pays dont la résistance est quasiment nulle, notamment à cet effet de ciseau mortel que constituent la déflation et la hausse des taux d’intérêt sur les marchés. Il faut arrêter de nous dire tous les jours que « les courbes vont s’inverser » ! Toujours ce même « bourrage de crane16 » dérisoire pour tenter de gagner du temps. 

De la même manière, la communication sur les ravages de l’islamisme, la barbarie de Daesh, les menaces des terroristes qui écument la bande sahélienne sont exaspérantes. Tout est mis au même niveau, entretenant dans les modes inconscients de représentation collective l’idée que nous sommes à l’aube de la fin des temps. Même s’il est indéniable qu’il y a des vraies questions sécuritaires à traiter, tant sur notre territoire qu’à l’international, sur ces radicalisations religieuses et identitaires liées à des crises profondes au sein de l’Islam, il faut les proportionner à leur juste valeur. L’instrumentalisation de la menace a toujours été un biais de gouvernance pour donner au politique une apparence de légitimité martiale et pouvoir entretenir au niveau de la population un minimum de vigilance et d’adhésion en matière de sécurité collective (surtout lorsque l’on est membre du conseil de sécurité de l’ONU et que l’on détient l’arme nucléaire). Mais la crédibilité d’une posture repose sur une évaluation pondérée et sur une mobilisation de moyens adaptés aux enjeux. La sur-réaction ou le sous-dimensionnement se terminent toujours mal sur ces registres sécuritaires. Les affirmations péremptoires que nous avons connues sur le Mali, opération qui ne devait durer que trois mois, et sur la Syrie avec une éviction du pouvoir de Bachar el Assad qui devait se faire en trois semaines, laissent pantois sur l’arrogance politique de nos responsables... 

Pour ne prendre que la réalité du Sahel, nous avons un dispositif de l’ordre de 3 000 hommes et quelques avions pour faire de la guerre de raid sur une zone aussi grande que la Méditerranée. C’est tout à fait adapté au niveau de la menace et nos unités sur le terrain font très bien leur travail de chasse aux djhadistes qui sont, ne l’oublions pas, d’abord et avant tout des bandes bien connues de criminels, maffieux et trafiquants en tout genre. Ce qui change la nature du contexte, ce sont les appellations islamistes plus ou moins contrôlées qu’ils ont adoptées afin de faire monter les enchères, notamment médiatiques, sur la zone depuis l’effondrement de la Lybie. 3 000 soldats, c’est l’équivalent d’une demi-brigade ou de trois régiments. C’est à peu près ce que nous avons toujours eu depuis 30 ans pour gérer les pulsions de ce 35ème parallèle stratégique pour les intérêts de la France. Ce sont toujours les mêmes types d’unités, toujours aussi professionnelles et performantes qui arpentent ces régions désertiques avec les armées africaines. Il en est de même au Levant avec nos dispositifs au Liban, en Méditerranée orientale ou dans le golfe d’Oman. Ce sont les mêmes que nous retrouvons dans le dispositif de lutte anti Daesh qui vient d’être mis en place aux côtés des américains pour traiter les bandes de criminels d’Abou Bakr al-Baghdadi17, certes mieux organisées et armées, mais qui n’ont rien à voir avec des armées constituées. Bien entendu, on opposera à ce mode de raisonnement que les dérivées de l’influence de tous ces réseaux avec leurs émules dans nos banlieues ou actuellement dans les contrées du Liban, pour ne prendre que ce laboratoire18, sont considérables. Elle ne le sont pas plus que ne le fut le communisme pendant un siècle avec ses réseaux clandestins et ses millions d’adhérents qui ont tous rêvé du « grand soir19 » et milité pour la révolution au prix d’une bonne centaine de millions de morts dans le monde20... Aurions-nous oublié ce que fut réellement cette menace, avec des ogives nucléaires, sur nos libertés et nos démocraties, pour avoir peur de quelques « barbus » confus et maffieux avec leur pick-up et leurs fatwas d’un autre siècle21

Sans vouloir enlever la moindre valeur aux soldats qui sont sur le terrain ou parcelles de gloire qu’ils méritent, arrêtons de penser que ce qu’ils font est de l’ordre de l’inédit et de l’exceptionnel et de donner ainsi à nos politiques en perte d’adhésion populaire un semblant d’audience fugitive et dérisoire. Ils font ce pourquoi ils ont été formés et entraînés et le font très bien, avec des résultats éloquents, au même titre que nos services de sécurité sur le territoire national22! Ils le font même de mieux en mieux, quel que soit le pays allié, mais avec des dispositifs très pointus dotés de forces spéciales aguerries et de technologies très performantes23. Mais arrêtons de nous raconter des histoires, sur tous ces théâtres : Nous sommes loin des 940 000 hommes engagés en 1991 par les Américains en Irak24avec une coalition de 34 pays, des 50 à 60 000 hommes engagés en Ex-Yougoslavie (dont 6 000 à 7 000 français) ou des 60 000 à 100 000 hommes sur l’Afghanistan (dont 3 000 français) pendant plus de dix ans. La vraie question est de savoir si nous serions en mesure de faire face à d’autres types de menaces qui supposeraient un autre niveau d’engagement sur le plan militaire et d’adhésion de notre population25. Malheureusement, il est devenu interdit de parler de ces questions de défense avec une certaine liberté de ton, tout relevant de l’ordre du « domaine réservé », le choix des opérations comme les arbitrages sur le budget étant de l’ordre du « non discutable 26». Il est clair que l’on ne construit pas une défense sérieuse et durable avec de tels biais de gouvernance, surtout lorsque l’on sait dans quel état sont actuellement les budgets des armées et la réalité des opérations sur le terrain en termes de disponibilités des moyens, qu’ils soient humains ou techniques. Fermer le ban et respect aux soldats ! 

Certes, la propagande fait partie des outils de gouvernance mais quand cela devient une fin en soi il faut se poser des questions sur la vacuité du pouvoir. Le summum a été atteint au cours de l’été 2014 avec l’affaire ukrainienne et notre alignement inconditionnel et surréaliste sur Washington. Il n’est pas évident qu’Obama et Kerry nous aient demandé de faire autant de zèle... mais puisque nous nous sommes prêtés à ce jeu, pourquoi n’en profiteraient-ils pas pour nous sous- traiter quelques jeux tactiques de second ordre (au prix de deux BPC immobilisés à Saint-Nazaire...). Certes, Vladimir Poutine, comme Bachar el Assad, ne sont pas des enfants de chœur et la réalité de leurs contextes géostratégiques n’en font pas des démocrates, comme nous ne cessons de leur reprocher un peu naïvement, alors que nous sommes très éloignés de la realpolitik qu’ils ont à assumer sur le terrain. Mais pourquoi ne parle-t-on pas des méthodes mises en place par les occidentaux, et qui n’ont rien de démocratiques, pour essayer de maîtriser la confusion politique et la corruption qui règnent à Kiev. Pourquoi passe-t-on sous silence cette nomination étonnante le 2 décembre, d’une Américaine, d’un Géorgien et d’un Lituanien (tous naturalisés ukrainiens dans la matinée et directement liés aux lobbies américains, voire à la CIA) à des postes clés, et pas des moindres27, dans le nouveau gouvernement ukrainien ? Imaginons une telle décision chez nous ? Pourquoi ne dit-on pas sur un autre registre la vérité sur les financements réels des mouvements Daesh et Al Nosra qui égorgent musulmans et chrétiens d’Orient en Irak et en Syrie ? Là encore, nos compromis financiers avec les monarchies du Golfe, s’ils peuvent s’expliquer, ou se justifier selon les cénacles, pour assurer la couverture de nos dettes et du train de vie de l’Etat, ne sont pas des plus démocratiques... La vie internationale est cynique et impitoyable pour les faibles et les lâches. 

Où se situent le bien et le mal ? Qui est dépositaire de la vertu ? Arrêtons par ailleurs de nous faire peur avec un soi-disant retour de la « guerre froide » sous prétexte que quelques milliers de miliciens cagoulés dans le Donbass seraient sur le point de provoquer une guerre nucléaire dont personne ne veut, à commencer par les russes... Tout cela afin de permettre à l’OTAN d’imposer un nouveau cahier des charges aux lendemains de son retour d’Afghanistan et de maintenir ainsi l’alliance dans un niveau de dépenses élevées face au retour d’une « menace russe ». Cela a permis de relancer de nombreux contrats d’armements en souffrance, comme le bouclier anti missile, et d’équiper des pays frontaliers de la Russie qui sont ravis de cette manne du complexe militaro industriel américain28. On oublie de dire que cette posture tactique a permis à Poutine de relancer sa propre politique de défense et d’initier de nouveaux accords stratégiques avec la Chine, l’Inde, l’Iran et même la Turquie qui marginalisent l’Europe dans un certain nombres de nouveaux jeux émergents. Soyons sérieux, les quelques exactions de nos djhadistes sur le Sahel n’ont rien à voir avec les 500 000 morts des années noires en Algérie entre le FIS, le GIA et l’armée. Cela n’a rien à voir avec les millions de morts provoqués par la famine, la malnutrition, l’eau, les guerres tribales qui ont et continuent à meurtrir le Soudan, la corne de l’Afrique et la région des grands lacs en Afrique. L’hystérie sur l’Ebola29 et ses 4 000 victimes masque les vrais enjeux que nous avons sur d’autres fronts épidémiologiques avec le paludisme, la dingue, le Sida et ses millions de personnes concernées. Et arrêtons de penser que l’Ukraine est l’équivalent des 100 millions de morts qui ont été générés par le communisme. Soyons un peu plus décents dans nos évaluations. 

Les sujets ne manquent pas pour 2015. Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan, le maréchal Sissi, Narendra Modi, Shinzo Abe, Benyamin Netanyahou... n’ont pas fini de nous surprendre. Obama, de son côté, va également vouloir, malgré un Congrès très remonté contre lui (avec notamment John Mac Cain à la présidence de la commission des forces armées), affirmer sa stratégie de repositionnement du leadership américain sur le pacifique nord en se retirant du Moyen-Orient et du glacis eurasien laissant à l’Iran et aux puissances centrales le soin de réguler la région30 .Xi Jinping pourrait de même être au devant de la scène avec l’éclatement des bulles spéculatives qui minent l’économie chinoise et mettent en danger une grande partie de la classe moyenne. Et que dire des BRICS31 qui veulent remettre en question la domination du dollar... 

Tous les jeux sont ouverts et la realpolitik s’impose partout. Le monde n’est ni bipolaire, ni multipolaire, il devient « apolaire »32 pour reprendre cette terminologie qui fait désormais recette dans les couloirs de nos chancelleries. Face à cet état des lieux, l’imposture n’est plus de mise. Il faut arrêter de nous saturer avec de fausses peurs et de nous laver le cerveau avec des effets de manche permanents. Il est urgent de dire aux Français la vérité et toute la vérité sur le niveau réel de notre endettement, de la faillite de l’Etat, de la vulnérabilité de notre système bancaire et de nos véritables forces et faiblesses. Il est plus que temps d’arrêter ce spectacle consternant qui nous est servi quotidiennement. Finalement, comme l’écrivait si bien Fénelon, « Il n’y a pas de plus dangereuse illusion que la notion par laquelle les gens s’imaginent éviter l’illusion »...


1Lire les autres articles écrits par l’auteur sur cette question des « peurs » et de l’évaluation des risques :
http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/pages/publi-articles- 42?OpenDocument&ticket=329DF6
2 « Divide ut regnes » : Diviser pour régner : stratégie visant à semer la discorde et à opposer les éléments d'un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer.
3 Définition du Chaos par les grecs: . http://www.mythologiegrecque.fr/13.html
4 Le traité de Versailles : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Versailles#Les_trait.C3.A9s_annexes 5 Le traité de Sèvres : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_S%C3%A8vres
6 Le traité de Lausanne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Lausanne_(1923)

7Les accords Sykes-Picot: http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102 article de Henry Laurens dans le Monde diplomatique
8 La déclaration Balfour : http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_Balfour_de_1917
9 Le pacte de Quincy et l’histoire diplomatique du pétrole : http://www.geopolintel.fr/IMG/pdf/petrole_histoire.pdf

10 Les « empires centraux » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Empires_centraux
11 Cf. « l’affaire Snowden – comment les Etats-Unis espionnent le monde » - Antoine Lefebure – La découverte 20 fev 2014

12Voir « L’UE-28 et la zone euro à 18 » Par Charlotte Bezamat-Mantes : http://www.diploweb.com/L-UE-28-et- la-zone-euro-a-18.html
13 Lire «Courage et discipline : le modèle espagnol pour surmonter la crise » de Michel Pébereaux dans Enjeux les Echos du 11 décembre 2014: http://m.lesechos.fr/enjeux/courage-et-discipline-le-modele-espagnol-pour- surmonter-la-crise-0203968198763.htm
14 http://www.france-allemagne.fr/Traite-de-l-Elysee-22-janvier-1963,0029.html
15 L'agence de notation Fitch Ratings a dégradé la note de la dette de la France vendredi 12 décembre dans la soirée. La dette française est désormais notée AA, trois crans au-dessous de la note maximale, quand elle était jusqu'à présent de AA +. L'agence de notation avait prévenu la France le 14 octobre qu'elle plaçait sa dette sous surveillance négative, en raison de son incapacité à réduire son déficit. Les analystes de Fitch comme de Moody’s et de Standard and Poors sont assez convergents n’étant pas convaincu par les mesures du gouvernement en matière de réduction des déficits et surtout par la faible croissance du pays qui passe en dessous de la moyenne de la zone euro.
16 Lire d’Albert Londres « Contre le bourrage de crâne, recueil de reportages de 1917-1918 », Arléa Paris 1998. 17http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/30/qui-est-al-baghdadi-nouveau-calife- djihadiste_4447612_3218.html

18 Voir à ce propos le remarquable reportage de la réalisatrice canado-libanaise Katia Jarjoura : « Le Liban de fractureenfracture» http://www.arte.tv/guide/fr/053414-000/liban-de-fracture-en-fracture
19 Le « Grand Soir » est une notion communiste et téléologique qui correspond à un bouleversement social visant principalement au renversement du capitalisme mais également à celui de la société devant être remplacée par une société nouvelle. Pour Sarthe, il s’agit du dernier grand « mythe poétique » révolutionnaire en France...

20 Cf. « Le livre noir du communisme crimes, terreur et répression », éd Robert Laffont 1997 21Cf.http://fr.radiovaticana.va/storico/2013/09/26/a_damas%2C_une_fatwa_contre_les_chr%C3%A9tiens%2C _les_druzes_et_les_alaouites/fr1-732012
22 Voir émission de radio avec l’auteur http://www.youtube.com/watch?v=ZNgLj1mQTI8

23 Cf. http://www.lefigaro.fr/international/2014/11/24/01003-20141124ARTFIG00302-des-sas-britanniques- combattraient-l-etat-islamique-en-irak.php
24 Pour la France (Opération Daguet): 19 000 hommes (terre : 12 000, air : 1 160, mer: 2 400, réserves à Djibouti : 3400), 15 navires, 60 avions, 120 hélicoptères, 40 chars d'assaut, 100 chars légers, 600 blindés, 18 pièces d'artillerie.

25 « Esprit de défense : es-tu là ? », Xavier Guilhou revue Défense nationale septembre 2011 http://www.xavierguilhou.com/clients/guilhou/site_xavier.nsf/005546776102f9f0c1256d09002800c8/ff9cf89c 59f84c0dc125718000319cfe/$FILE/EspritDefenseEstuLa.pdf 26http://www.opex360.com/2014/10/30/depute-deplore-hemicycle-vide-pour-le-debat-portant-sur-le-budget- de-la-defense
27 Natalie Jaresko, une Américaine d'origine ukrainienne qui a travaillé pour le Département d'Etat américain et pour un fonds d'investissement ukrainien financé par le Congrès américain, se retrouve ainsi ministre des Finances. Le Lituanien Aivaras Abromavicius, co-dirigeant d'un fonds d'investissement suédois, devient ministre de l'Economie, et le Géorgien Alexander Kvitachvili, ex-ministre de la Santé en Géorgie, hérite du ministère de la Santé. Bien entendu interrogée sur cette nomination, la porte-parole du département d'Etat à Washington a assuré que les Etats-Unis «n'avaient rien à faire du tout avec cela». «C'est le choix du peuple ukrainien et de leurs représentants élus», a affirmé Marie Harf.
28 La Pologne vient de signer un contrat d’achat de 40 missiles de croisière américains pour ses avions de combat F16, pour quelque 250 millions de dollars. La crise en Ukraine lui a permis d’accélérer sa politique d’armement qui va bénéficier d’un budget de 33,5 milliards d’euros au cours des prochaines années. Comme la Pologne les pays baltes voisins ont déclaré leur intention de faire remonter leurs dépenses militaires à 2% du PIB.
29 « L’OMS et ses défaillances sur la gestion de l’alerte Ebola » : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8aa71d00-822a-11e4-93e1-673e9b09404c
30La stratégie d’Obama ne va pas dans le sens des lobbies du complexe militaro industriels républicains et encore moins dans celui des monarchies du Golfe qui lui font d’ores et déjà payer le prix avec la chute des cours en-dessous des 60$ le baril afin de bloquer sa stratégie d’autonomie énergétique avec notamment les schistes bitumineux. Cette chute des cours est aussi destinée à Poutine pour casser sa stratégie de contrôle de la sécurité énergétique mondiale sur le nœud eurasien au dépend de la péninsule arabique. Ces réseaux proches des néoconservateurs mettent tout en œuvre pour neutraliser l’élection d’un nouveau démocrate à la Maison Blanche en 2016 et réaffirmer leur leadership sur ce verrou eurasien et moyen-oriental. Voir les analyses de l’auteur sur la Syrie et l’Ukraine et le rôle de ces réseaux dans ces conflits:
http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/pages/publi-diploweb?OpenDocument
31 Les BRICS créent leur propre banque de développement Le Figaro 16 juillet 2014 :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/07/16/20002-20140716ARTFIG00001-les-cinq-grands-pays- emergents-defient-l-hegemonie-occidentale.php
32 Article de Laure Mandeville dans le Figaro : http://blog.lefigaro.fr/lettres-de-washington/2012/02/vers-un- monde-apolaire.html



L'histoire, qui est toujours tragique, montre que l'effondrement des civilisations n'est pas que l'affaire des politiques, elle est en premier lieu le résultat d’une lâcheté collective qui a permis à des imposteurs de gouverner et à des barbares de ramasser le pouvoir. Est-ce bien cela que nous voulons pour les générations futures ? Pourtant, c’est bien cette question qui nous est posée derrière ces attentats qui endeuillent la France ! La situation que nous devons désormais assumer est bien de l’ordre de la responsabilité globale, quels que soient les acteurs au sein de notre société, et pas uniquement de la simple responsabilité des boîtes à outils sécuritaires, judiciaires et administratives qui sont systématiquement instrumentalisées sur le plan médiatique. Même s’il faut le faire pour rassurer les populations, ne nous trompons pas ni dans le de quoi s’agit-il, ni dans l’identification des enjeux et encore moins dans la perception des conséquences pour notre pays1.
 
 Dans ce contexte, est-il vraiment judicieux de tenter de s'approprier des pouvoirs exceptionnels au niveau de l'exécutif parce qu’une dizaine de kamikazes a réussi à passer entre les mailles du filet sécuritaire avec le bilan que nous connaissons (et qui aurait pu être beaucoup plus sordide si les cibles programmées du stade de France avaient été atteintes) ? L'état d'urgence qui a été mis en œuvre pour permettre au monde sécuritaire de faire enfin son travail n’a finalement rien d’exceptionnel. C’est une décision qui s’impose d’elle- même pour palier à des années de laxisme et de non décision ! Avec l’adoption des lois sur le terrorisme et sur le renseignement n’avons-nous pas des bases suffisantes pour démanteler, neutraliser et éradiquer ces formes de radicalisme islamique qui instrumentalisent la haine et prônent la destruction de nos référentiels et de nos logiques de vie ? Faut-il vraiment aller plus loin sur la limitation des libertés individuelles ? 

Faut-il par ailleurs se contenter d’un discours budgétaire pour montrer que nous répondons à une menace globale par l'amélioration de la boîte à outils en jouant sur la seule augmentation des capacités ? Est-ce que ces décisions « cosmétiques » vont permettre une meilleure efficacité sur le terrain et contribuer réellement à mettre de l’intelligence dans la résolution des problèmes que nous avons à résoudre ? « Le pacte de sécurité contre le pacte de stabilité » est à cet égard un très bel effet de manche politico médiatique... C'est beau mais ce n'est pas la question que nous avons à traiter. 

Désormais, il faut que notre pays non seulement se ressaisisse mais encore s'organise à tous les niveaux pour faire face. Cela suppose dans un premier temps que le système judiciaire puisse véritablement fonctionner avec la fermeté, l’indépendance et l'autorité attendues dans une démocratie menacée d'intentions apocalyptiques (cf. "Le flot de tempête" annoncé dans la dernière revendication de Daesh). Or, tout le monde s’accorde sur l'échec de la politique judiciaire qui est menée depuis des années laissant à ces réseaux des capacités de gesticulation et de contamination inacceptables et dangereuses. Tant que le système judiciaire ne fonctionnera pas, et quel que soit notre environnement législatif, la lutte anti terroriste ne pourra pas fonctionner de façon optimale. 

Dans un second temps, il faut permettre au sécuritaire d'assumer ses missions de prévention, d'intervention, voire de neutralisation, et si besoin de destruction sans attendre une nouvelle catastrophe collective. Pour cela, il faut juste appliquer la loi, que la loi, rien que la loi mais avec des ordres clairs ! Ce qui ne fut pas le cas ces dernières années ! Nous en avons l'illustration depuis la tragédie de la nuit du 13 novembre, en l'espace de quelques jours ce sont des centaines de filières sensibles qui sont démantelées avec la saisie de stocks d’armes considérables et l’interpellation de djihadistes très dangereux. Pourquoi a-t-il fallu attendre 130 morts et 350 blessés pour prendre ces décisions de perquisitions et d’anticipation sur des risques identifiés et avérés ? Cela signifie aussi que nous avions des renseignements mais qu’ils ne pouvaient pas être exploités correctement... 

Par ailleurs, il faut monter sans attendre un dispositif complémentaire de sécurité intérieure mobilisable immédiatement dans le continuum de nos opérations extérieures, avec une véritable réserve militaire2 (garde nationale pour certains) qui soit en mesure de fournir des capacités d’intervention adaptées à ces nouvelles formes de risques terroristes. Seul un dispositif fortement militarisé et semi professionnalisé, de surcroit assis sur du volontariat,
permettra de traiter au plus près de la population cette exportation des formes de guerre que nous connaissons en Afghanistan, au Moyen orient ou au Sahel avec les EID, les voitures piégées, les kamikazes etc. Il faut arrêter de penser que ces menaces sont de l’ordre des séries virtuelles type « homeland » où tout se règle en 45 minutes sur un écran plat. Là, la moindre faiblesse se traduit par des vies abîmées ou déchiquetées. 

Enfin, il faut permettre à notre société d’être plus lucide à tous les niveaux et arrêter de se complaire dans une fausse neutralité multiculturelle. Ces réseaux, qui ne représentent rien en valeur absolue mais qui sont absolument déterminés pour nous détruire par tous les moyens, ne nous respectent pas. Ils nous méprisent et nous haïssent. Il n’y a rien à négocier avec eux. Est-ce que nous avons bien compris que ces réseaux vont tout utiliser pour nous égarer (cf. la Taqiya) et nous diviser (cf. la Fitna) ? 

Il nous faut en être conscients et être plus robustes au sein de nos organisations et plus résilients tant au niveau individuel que collectif3. Ce n’est pas une question de guerre, juste une absolue nécessité de survie. Pour cela, il faut admettre notre mortalité, la fragilité de notre humanité et les limites de notre universalité. Il faudra aller bien au-delà puisqu’ils nous interpellent sur nos convictions et nos valeurs profondes. Certes, chanter timidement la Marseillaise et allumer des cierges nous rassure, mais quels sont nos véritables antidotes pour éradiquer ces formes de barbarie dans une société déchristianisée et matérialiste qui ne croit plus en rien ? Avons-nous envie de nous soumettre à ces forces ténébreuses et apocalyptiques ? 

Notre pays est blessé profondément dans sa chair. Pour certains il y a une effroyable souffrance, pour d’autres il y a la tentation du renoncement, pour beaucoup il y a de la colère (pas forcément de la haine), mais cette fois-ci, à la différence du mois de janvier, les Français exigent une réponse claire et nette de la part des responsables du pays. La France a besoin de se redresser, elle veut résister, elle souhaite vivre ! Qu’attendons-nous pour réagir4? D’avoir notre jeunesse engagée malgré elle dans une guerre que Daesh veut nous imposer alors que nous avons encore les moyens et les capacités d’enrayer ce processus ? La guerre est la marque impitoyable d’un échec stratégique, elle signifie que nous n’avons pas su mettre de l’intelligence et de la fermeté quand et là où il le fallait. Mais pour cela, il faut un certain courage historique. Voilà ce que les Français réclament désormais en mémoire de leurs enfants tombés innocemment en ce funeste vendredi 13 novembre : du courage ! 

Xavier Guilhou
Novembre 2015 

1 Cf. qualification des attentats du 13 novembre. https://www.apm.fr/rencontres/actualite/2633/afficher.htm
2 Cf. « Surtout ne supprimez pas la réserve » Xavier Guilhou - Revue Défense Nationale n 340 mars 2013 http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/005546776102f9f0c1256d09002800c8/ff9cf89c 59f84c0dc125718000319cfe/$FILE/Surtout,%20ne%20supprimez%20pas%20la%20R%C3%A9serve.pdf
Cf. « La réserve: faut-il la supprimer ou la réinventer? » Xavier Guilhou - Revue Agir n°13 Février 2003 http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/005546776102f9f0c1256d09002800c8/ff9cf89c 59f84c0dc125718000319cfe/$FILE/la%20r%C3%A9serve%20%C3%A0%20supprimer%20ou%20%C3%A0%20r% C3%A9inventer.pdf
3 cf. « Admettre, résister et revivre » tribune du 20 novembre de Xavier Guilhou sur Jobsferic http://www.jobsferic.fr/Admettre-resister-et-revivre-.html
4 cf. « Quand la France réagira... » Xavier Guilhou - Eyrolles 2007



décembre 03, 2015

Une Sirhen qui Louvois ! Le scandale d'un État-gestionnaire inéfficace...

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



SIRHEN : le Louvois bis que cache l'éducation nationale


Après les échecs de Louvois et de l’ONP, un autre grand projet informatique de l’Etat présente des dérives alarmantes. 
SIRHEN, le programme de rénovation des SIRH de l’Education Nationale, pourra-t-il être sauvé ? Le ministère a lancé un plan de la dernière chance. Notre enquête. Voir un projet informatique de l’Etat faire l’objet d’un amendement au Parlement n’est pour le moins pas banal. Surtout quand cet amendement vise tout bonnement à couper les vivres au dit projet, jugé trop dispendieux, trop incertain. Ce projet, c’est SIRHEN, qui vise à rénover les SIRH (système d’information ressources humaines) de l’Education Nationale. Lancé en 2007, le programme ne couvre actuellement qu’une toute petite partie de la population ciblée par la réforme : il assure la gestion administrative de 4 000 employés issus des personnels d’inspection et des administrateurs civils, alors que l’Education Nationale emploie plus d’un million de personnes, dont 855 000 enseignants. Le tout pour un coût qui a explosé : initialement évalué à 80 millions d’euros, SIRHEN devrait finalement coûter 321 millions, selon la dernière estimation en date remontant à 2014. A noter que ce total a déjà été plusieurs fois réévalué (200 M€ fin 2012 puis 290 M€ fin 2013) et qu’il n’intègre pas les coûts cachés, comme la poursuite de la maintenance des applications en place le temps que Sihren soit enfin prêt. Dans son rapport sur la Loi de finances 2016, le Sénat parle ainsi d’une « folle spirale de surcoût ». En matière de délais aussi, le dérapage est patent : alors qu’il devait initialement durer 7 ans, SIRHEN doit finalement s’étaler sur 13 années. Et probablement un peu plus, comme nous le verrons plus loin. 

« Aider le ministre face à son administration »
Faisant suite à plusieurs rapports du Sénat s’alarmant des dérives de coûts sur ce programme,l’amendement déposé par le sénateur Gérard Longuet vise à couper les crédits du programme en 2016, « compte tenu du surcoût envisagé et dans la mesure où il n’est pas prévu, à court terme, que ce logiciel permette la gestion des enseignants, qui représentent pourtant la majeure partie de effectifs relevant du ministère ». En Commission des Finances,Gérard Longuet, qui a vécu les affres de Louvois (le système de paie défectueux de l’armée) quand il était ministre de la Défense, s’est expliqué sur cet amendement : il « vise, si j’ose dire, à aider le ministre face à son administration. J’ai vécu ce genre de situation avec l’affaire Louvois. Un ministre est toujours bercé de l’illusion que les choses se règleront en trois mois. On connaît la suite... » Effectivement, concernant Louvois mais aussi l’ONP (Opérateur national de paie, autre échec retentissant de l’informatique de l’Etat), l’histoire est écrite. Pour SIRHEN, elle est d’en train de l’être. Certains estiment que les dés sont déjà jetés : « Oui, c’est notre Louvois à nous, soupire un bon connaisseur du dossier au sein de l’Education Nationale, qui, pour des raisons évidentes, a requis l’anonymat. Apparemment, le code et l’architecture de SIRHEN tiennent la route, mais on a écœuré tous les experts du sujet. Or, les générations qui ont conçu les applications Agora ou EPP (celles utilisées actuellement et que doit remplacer SIRHEN, NDLR) vont partir à la retraite. On va perdre cette connaissance-là parce qu’une bande de fous pensait pouvoir à elle seule refonder le SI de l’Education Nationale. » Une analyse au vitriol qui vise avant tout la première direction du programme, dont le fonctionnement en mode ‘tour d’ivoire’ aurait pesé lourd dans les errements du projet. 

Scénario de la dernière chance
Face à ces dérives multiples et à un dossier qui prend une tournure politique, le ministère a lancé une initiative qui apparaît, au mieux, comme le plan de la dernière chance. Pour ce faire, l’institution s’appuie sur un énième audit, une mission conduite par l’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche), le CGEIET (Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, dépendant de Bercy) avec l’appui de la Disic (la DSI de l’Etat). Rendu plus tôt dans l’année, ce rapport est resté secret, l’administration nous ayant refusé sa consultation. Selon nos informations, au sein même de l’administration, bien peu ont eu accès à ce document. 

« S’il y autant de secrets autour de SIRHEN, c’est que c’est un vrai scandale », reprend notre source au sein du ministère. 

Selon différentes sources et sur la base de documents internes que nous avons consulté, ce rapport propose 4 scénarios de sortie de crise. Le premier est un abandon pur et simple de SIRHEN et une rénovation application par application de l’existant. Le second, un abandon partiel du programme, s’appuie lui aussi sur une modernisation des applications en place, mais y greffe un objectif de décloisonnement des données, via la création d’une base de données synchronisant les quelques 900 silos d’informations actuels. Sans trop détailler le scénario 3 une voie intermédiaire entre les propositions 2 et 4 – c’est finalement le 4e scénario qui a eu les faveurs du ministère le 27 octobre dernier.
Deux scénarios du rapport ont été étudiés. C’est finalement le n°4 qui aura les faveurs du ministère. 

Une nouvelle trajectoire
« Un scénario 4 révisé, qu’on aurait pu aussi appeler 3 bis », précise une source officielle au sein du ministère. Cette voie de sortie se base sur un acquis : la qualité de l’architecture technique, qui aurait été démontrée lors de l’audit de code réalisée dans le cadre de la mission. « On peut donc poursuivre les déploiements, à commencer par celui des personnels de direction en décembre et janvier », se réjouit le ministère. En parallèle, le plan qui s’élabore prévoit quelques « éléments de révision technique » permettant de revenir sur des choix décrits comme contraignants (notamment dans l’architecture orientée services - SOA) et une redéfinition de la trajectoire fonctionnelle. « Sur ce terrain, on va travailler par analyse d’écart avec l’existant, alors qu’à l’origine, SIRHEN était basé sur des perspectives de transformation », résume-t-on au ministère qui ajoute que le plan passe aussi par une gouvernance rénovée du programme. « On a besoin de mieux faire cohabiter la maintenance des SIRH existants et le développement de la cible, car cette coexistence va durer un certain temps. Et cela permettra de rendre les bascules plus transparentes. » Enfin, le ministère prévoit de «réinternaliser une part substantielle des développements, pour faciliter l’intégration des évolutions réglementaires. Car, dans les conditions actuelles de sous- traitance, ce n’est effectivement pas simple ». Reste que ce plan de sauvetage n’est pour l’instant ni mis en œuvre, ni même validé par la ministre, Najat Vallaud-Belkacem. Cette dernière attend de premières orientations pour décembre (dont le recrutement d’un nouveau directeur de programme) ainsi qu’une trajectoire détaillée pour juin prochain, avant de valider – ou pas – l’avenir de SIRHEN (voir le planning ci-dessous, extrait du comité de pilotage du 29 octobre dernier). C’est Mathieu Jeandron, le directeur du numérique pour l’Education, qui a été chargé de piloter cette préparation du plan de la dernière chance, dans le strict respect de l’enveloppe budgétaire actuelle (soit 321 millions). Un plan dont le timing reste incertain. Au sein du ministère, une source officielle très proche du projet évalue toutefois l’achèvement de SIRHEN à 2022-2023. Autrement dit, dans 7 ou 8 ans : un laps de temps largement suffisant pour de nouveaux dérapages budgétaires... Selon une autre source, qui a requis l’anonymat, la Disic, qui a mené un audit du code de SIRHEN, estime que le système peut fonctionner, mais qu’il coûtera cher à finaliser et cher à maintenir. 



Un noyage de poisson ?
D’autres observateurs ont une lecture bien plus critique du plan ministériel. Et y voient surtout une façon de noyer le poisson. « Pour moi, le scénario retenu à l’issue de l’audit vise à continuer le programme, mais uniquement sur le personnel non enseignant, analyse notre source. Même si, officiellement, il n’y a pas aujourd’hui de réduction du périmètre de SIRHEN ». Une vision que conteste formellement le ministère, au moins pour l’instant : « La préparation de rentrée sera bien assurée dans SIRHEN. Sans les enseignants, SIRHEN n’a aucun sens. On s’approche du moment où on va les intégrer dans l’application. C’est une trajectoire de transformation : on ne rebat pas les cartes, on ne jette pas les développements déjà réalisés à la poubelle.» Pour l’institution, remplacer l’existant, vu comme fonctionnellement obsolète, apparaît toujours comme une priorité. 



«Le mode de fonctionnement d’il y a 20 ans n’est plus satisfaisant. Il existe 900 bases de données RH au niveau national, détaille-t-on au ministère. Pensez aux difficultés que cela crée par exemple pour la réforme territoriale. Il faut absolument que le système de préparation de rentrée évolue. » 

SIRHEN doit venir consolider une multitude de bases de données (diapositive extraite du site officiel du projet).
Lui-aussi très au fait des moindres évolutions de SIRHEN,Jean-Louis Brunel, co-secrétaire académique de la CGT Education de Marseille, voit dans le plan du ministère essentiellement un discours politique : « Cet audit ne fait que tirer les conclusions d’une situation connue de tous, une situation d’échec, dit-il. Mais, politiquement, c’était le seul scénario qui permettait de sauver la face, même s’il est difficilement atteignable. » Autrement dit, il s’agirait d’une façon pour le cabinet de la ministre de sortir le parapluie en réclamant un plan d’action et le strict respect de l’enveloppe budgétaire, soit 320 millions d’euros. « Cet objectif est difficilement atteignable car la phase de rétro-spécification (la méthode retenue pour redéfinir les aspects fonctionnels, NDLR) passe par la mobilisation des personnels compétents sur les SIRH et connaissant le contexte particulier de l’Education Nationale. Or, ces compétences sont déjà mobilisées sur la migration SIRHEN. Par ailleurs, le respect strict de l’enveloppe budgétaire était déjà réclamé par les rapports successifs du Sénat, en 2013, en 2014 et en 2015 ! Le scénario retenu signifie enfin qu’on va tenter de terminer SIRHEN, sur la base de rétro-spécification, alors que la cible est elle-même mouvante du fait des évolutions réglementaires et que ces évolutions vont devoir être intégrées en parallèle dans l’existant et dans la nouvelle application. Ca fait beaucoup dans un budget contraint », estime Jean-Louis Brunel. La CGT voit en fait le plan de sauvetage issu du rapport de l’IGAENR comme une annonce intermédiaire : « SIRHEN est encore appelé à évoluer, mais le ministère ne peut pas l’avouer tout de suite. » 

Rassurer les syndicats
« Pour les enseignants, SIRHEN va faire office d’application chapeau, en capacité de piocher dans les applications existantes. Et, petit à petit, ces dernières vont être renouvelées », estime de son côté Catherine Nave-Bekhti, la secrétaire nationale du SGEN CFDT, autre syndicat qui a émis des alertes sur les dérives du programme. « Mais, même une fois qu’on a dit ça, toutes les ambiguïtés ne sont pas levées. Personne ne connaît aujourd’hui la trajectoire pour les enseignants. Par contre, la démarche choisie permettra d’adopter une trajectoire plus adaptative et assurera l’évolution des SIRH actuels », reprend la syndicaliste. Car, malgré les incertitudes, les syndicats accueillent la réorientation du programme de façon positive. D’abord parce qu’elle permet de tirer un trait sur certains errements du passé. « Le nouveau scénario, qui se base sur les applications existantes pour redéfinir le cahier des charges et affiche la volonté de conserver la maintenance en interne, est une option qui nous convient, car elle permettra d’intégrer les éléments du dialogue social en plus des aspects réglementaires », dit par exemple Bruno Leveder, le secrétaire général du SNASUB (Syndicat national de l’administration scolaire universitaire et des bibliothèques). « La réorientation du projet mise sur une réinternalisation partielle du programme et prend acte du fait qu’on ne peut pas laisser les équipes RH travailler avec des outils dépassés », ajoute le SGEN CFDT, qui s’interroge toutefois sur les conditions de cette réinternalisation partielle. 

Les prestataires en roue libre ?
Car, comme Louvois, comme l’ONP, une partie des surcoûts de SIRHEN est à rechercher dans la relation entre le donneur d’ordre et la maîtrise d’oeuvre, ici Capgemini. « Le cycle infernal des surcoûts s’explique par le manque de suivi des prestataires. Tout ce qui est en dehors du cahier des charges est facturé au prix fort », analyse notre source anonyme qui parle d’ungrave déficit de management et de pilotage. «Les surcoûts importants sont notamment dus à la qualité de la conception, abonde le SGEN CFDT. Car le cahier des charges de départ n’était pas conforme aux besoins, conséquence du pilotage du projet en mode tour d’ivoire. » Une faute originelle qui, conjuguée à un recours massif à la sous- traitance et à la durée même du programme, a généré une multiplication des demandes de changement, dûment facturées par Capgemini. Selon les documents des syndicats, le projet mobilisait, début 2015, quelques 240 personnes issues de prestataires sur la partie réalisation (dont une partie offshore). Soit plus de 60 % des personnels mobilisés sur ce chantier. S’y ajoute une direction de programme ayant elle-même recours massivement aux prestataires (plus d’une compétence sur deux). Autre point commun avec feu l’ONP et le cauchemardesque Louvois : la lenteur des décisions face à des dérives pourtant patentes. « Dès 2011, tous les signaux étaient au rouge, estime la CGT qui, encore récemment, a publié un tract alarmiste sur le programme, intitulé Chronique d’un fiasco annoncé. La décision de
réorientation du programme aurait dû intervenir en 2012-2013. » Un avis que partage le SGEN CFDT qui note la période de flottement qui a suivi la fin de l’ONP, en mars 2014, SIRHEN devant à l’origine se raccorder à ce système de paie prévu pour accueillir toute la fonction publique. « Dès l’abandon de l’ONP, alors que les équipes n’étaient pas informées de l’avenir de SIRHEN par la direction de programme, directement rattachée au secrétariat général, nous avons lancé de premières alertes. La question qui se posait était simple : pourquoi continuer à faire courir ce canard dont on avait coupé la tête ? » L’expression du SGEN est brutale, mais elle dit bien le désarroi des équipes au cours de l’année qui vient de s’écouler. 

« On a continué à dépenser beaucoup d’argent sur le projet, avec des sous- traitants ou en multipliant les audits », poursuit le SGEN. 

Un coût à la ligne de code élevé
Le ministère ne nie d’ailleurs pas – ou plus cette accumulation de déboires.

« De nombreux facteurs expliquent les difficultés que nous avons connues. Des problèmes de pilotage opérationnel dans les premières phases, une évaluation financière du programme très sous- estimée faute d’étude sérieuse, des choix de format de données effectués en fonction de l’ONP. Ces contraintes ont pesé lourd, reconnaît le ministère. Par ailleurs, le niveau d’exigence des utilisateurs a été insuffisamment pris en compte. L’existant a beau être fonctionnellement obsolète, il embarque un haut degré d’automatisation. Même remarque pour la reprise des données, qui a généré 1 ou 2 % d’erreurs ; un taux habituellement acceptable, sauf qu’à l’Education Nationale, il concerne de gros volumes de données et que le ratio gérants/gérés (nombre de gestionnaires par nombre de personnes prises en charge, NDLR) est très optimisé du fait du haut niveau d’automatisation. Ce qui nous a contraint à revenir sur les développements... » 

La conséquence est connue : sur SIRHEN, le coût à la ligne de code est très supérieur aux standards habituels. En l’état, serait-on tenté d’ajouter, le coût à l’utilisateur pris en charge est lui aussi totalement disproportionné... Seule l’intégration des 855 000 enseignants permettrait ici de rééquilibrer les termes de l’équation. L’Education Nationale souligne toutefois les récents progrès du programme. Comme une satisfaction des utilisateurs qui s’améliore, comme le montre un baromètre de la satisfaction des utilisateurs que nous avons pu consulter. «Mais les premiers retours des utilisateurs étaient épouvantables ! », tempère Jean-Louis Brunel. Avec des problèmes signalés dans la gestion des droits ou dans l’ergonomie. S’y ajoutait la nécessité d’une double saisie des informations du fait de la période de rodage de l’application. Au point que les gestionnaires travaillant sur SIRHEN se sont vu attribuer une prime spécifique en raison du lancement du projet... Même les utilisateurs interrogés sur le site officiel de promotion du projet ne se privent pas de le critiquer, parlant de ses limites fonctionnelles ou des durées excessives de correction des anomalies ! 

« Sur les premières populations qui ont migré sur SIRHEN, les utilisateurs ont connu 4 mises à jour le 1er mois, à des heures où l’application était en production, relate le SGEN. Cette anecdote reflète bien les difficultés de maîtrise du projet, dans un contexte privilégiant la sous-traitance. » 

Pour ce syndicat, une des conditions du sauvetage de SIRHEN réside dans laparticipation active au programme de la DGRH(direction générale des RH de l’Education Nationale), étrangement peu impliquée jusqu’à présent selon le SGEN. « Car SIRHEN a longtemps été un projet orphelin, abordé sous un angle technique », note un observateur de ce syndicat. 

SIRH existants à l’abandon
Un orphelin particulièrement gourmand, au point d’affamer les autres ‘enfants’ de l’Education Nationale, les applications existantes qui, aujourd’hui encore, prennent en charge l’essentiel des processus RH de l’administration. Un autre rapport de l’IGAENR, portant sur les SI du premier degré, montre ainsi que le poids budgétaire de SIRHEN a phagocyté les évolutions des applications en place. « La perspective de SIRHEN a limité et contraint les évolutions sur l’ensemble des systèmes d’information existants à un moment où d’importants changements intervenaient dans l’organisation et la gestion de l’école », écrit l’inspection générale. « Le souci réside dans l’adaptation de ces outils aux nouvelles règles de gestion, d’où l’irruption d’opérations manuelles, les utilisateurs compensant les déficits des outils », abonde Catherine Nave-Bekhti. En 2014 par exemple, SIRHEN a bénéficié de près de 35 M€ de crédits, tandis que les SIRH des premier et second degrés devaient se contenter... d’environ dix fois moins. 

« Quand SIRHEN a été lancé, il était légitime de réduire les budgets consacrés à l’existant. Mais peut-être, est-on allé un peu loin : on est aujourd’hui arrivé dans une zone à risques, commente le ministère.On va travailler à la bonne articulation entre les SIRH en place et SIRHEN, car des synergies sont possibles. Elles permettront notamment de combler les retards actuels des SIRH, surtout que ces derniers ne finiront d’être remplacés que dans plusieurs années. » 

Dans ses plans d’origine, le ministère prévoyait d’achever le déploiement de SIRHEN, avec la prise en compte de la gestion des personnels enseignants du premier degré, au cours de l’année scolaire... 2013/2014.

Reynald Fléchaux




Lancé en 2007, le programme de rénovation du SIRH de l’Education Nationale (SIRHEN) a déjà coûté 321 millions d’euros au lieu des 80 millions prévus initialement. Le Sénat souhaite lui couper ses crédits pour 2016. Dans la famille gaspillage et projets informatiques qui ne tiennent pas debout, je ne demande ni Louvois, ni l’ONP ni même Chorus, je demande SIRHEN ! Voici donc le projet qui a fait réagir les sénateurs dans le rapport sur le projet de Loi de Finances 2016. Dans un amendement, le sénateur de la Meuse Gérard Longuet demande purement et simplement que les crédits destinés à SIRHEN en 2016 soient supprimés.
Qu’est-ce qui a déclenché l’ire des sénateurs ? Encore une fois, un projet informatique qui n’a donc pas respecté ses engagements financiers. Lancé en 2007, le SIRHEN était doté de 80 millions d’euros sur 7 ans. Résultat : il a déjà avalé 321 millions d’euros, soit un surcoût de 241 millions d’euros. D’une durée initiale de 7 ans, le projet est finalement prolongé sur 13 ans. « Au stade actuel de son développement, SIRHEN ne permet que la gestion administrative et de paye des personnels d’inspection et des administrateurs civils, soit environ 4 000 personnes », écrit le sénateur Longuet.  Son déploiement pour les personnels de direction est prévu pour la fin de l’année 2015. En 2016, le logiciel devrait permettre la gestion des ingénieurs et des techniciens de recherche et de formation ».
4 000 personnes aujourd’hui donc. Et selon le ministère de l’Education nationale lui-même, le nombre de personnels (enseignants, personnel administratif et autre) pour l’année scolaire 2014-2015 est de… 1,052 million ! Mais ce n’est pas terminé : « il n’est pas prévu, à court terme, que ce logiciel permette la gestion des enseignants », écrit encore le sénateur. « La poursuite de ce projet doit être questionnée », s'interroge-t-il enfin.
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