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février 16, 2025

USAID (Agence des États-Unis pour le développement international)

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Pendant des années, les médias nous ont rabâché que la Russie manipule les élections, qu’elle finance des campagnes de désinformation en France et partout le monde…
 
 

 
Mais qui finance les ONG occidentales, les journalistes, les laboratoires, les coups d’État ?
 
Voici le vrai visage de l’USAID, ses liens avec BigPharma, Bill Gates, George Soros et le WEF :
Dans les années 1990, 300.000 femmes indigènes ont été stérilisées sans leur consentement dans le cadre d’un programme de contrôle démographique au Pérou.
Qui finançait ? L’USAID.
 
Et pire encore : les fonds étaient alloués en fonction du nombre d’opérations pratiquées.
Entre 2013 et 2019, 122 millions de dollars d’aide alimentaire envoyée en #Syrie ont été détournés par Mahmoud Al Hafyan au profit de groupes affiliés à Al-Qaïda.
9 millions de dollars ont été directement versés à des terroristes.
 
 

 
Alors est-ce une perte de contrôle de l’USAID ou un financement déguisé du chaos ?
La suite permet d’avoir de sérieux doutes
En 2017, l’ONG Children of God Relief Institute est accusée d’avoir couvert des abus sexuels sur des enfants.
Son principal bailleur de fonds ? L’USAID, avec 29,3 millions de dollars.
Encore une horreur sans nom dans laquelle l’USAID trempe…
 
En 2022, l’ambassade des EtatsUnis a alloué 10.000 dollars au Festival Queer Lisboa pour promouvoir des films à thématique incestueuse.
Un scandale dénoncé par Marco Rubio, mais totalement passé sous silence par les médias.
On se demande bien pourquoi
 

 
 
L’USAID, c’est 6 200 journalistes et 707 médias financés en 2023 dans 30 pays.
En Ukraine, 9 médias sur 10 dépendent de ces subventions.
En clair : 800 millions d’auditeurs minimum ont été trompés par une information biaisée et tronquée.
Parmi les médias touchés : 
 
 

 
Politico a reçu 44 000$ en “frais d’abonnement” entre 2023 et 2024.
BBC Media Action (différent de BBC News) a obtenu 3,2 millions de dollars pour des “projets éducatifs”.
Mais l’USAID ne se contente pas de financer, elle formate :
279 ONG ont été formées aux “bonnes pratiques journalistiques”, notamment au fact-checking pro-occidental en Géorgie et en Ukraine.
Et la France dans tout ça ?
 
L’USAID a accordé 778 millions de dollars à Internews entre 2015 et 2025.
L’AFP n’apparaît pas dans les subventions directes, mais elle bénéficie des fonds USAID via des services d’information mutualisés dont Internews.
Mieux encore : des journalistes AFP ont été formés par l’USAID aux ateliers de “fact-checking”.
Résultat ?
 
L’USAID, c’est aussi 40 milliards de dollars en 2023 pour l’achat de médicaments, redistribués principalement à J&J, Pfizer et Gilead, et une couverture médiatique qui protège ces grands groupes pour vendre un maximum de vaccins.
Pfizer engrange 122 milliards grâce aux vaccins et au Paxlovid.
Gilead rafle le gros lot avec son traitement contre le VIH : 92 milliards de dollars de revenus prévus d’ici 2029.
ViiV Healthcare (GSK) bénéficie de 20 milliards pour son antirétroviral, massivement diffusé en Afrique via PEPFAR.
Derrière ces chiffres, quelques “coïncidences” troublantes :
• Samantha Power, ex-directrice USAID, siégeait chez Gilead.
• Peter Marocco, actuel patron USAID, était lobbyiste pour Pfizer.
• 57% des employés de l’USAID viennent de l’industrie pharmaceutique.
Et les philanthropes dans tout ça ?
L’Agence France Presse a publié 12 articles en 2024 démentant des "fake news" sur l'USAID, dont une vérification des paiements à des célébrités.
 
 

 
Mais ce n’est pas tout :
L’USAID, c’est aussi la grande alliée de la Fondation Bill & Melinda Gates, via Gavi, l’Alliance du vaccin.
Entre 2021 et 2025, l’agence américaine a injecté 1,58 milliard de dollars dans Gavi, ce qui en fait le 2ᵉ plus gros contributeur après le Royaume-Uni.
En 2021, elle a aussi versé 4 milliards de dollars à COVAX (Gavi) pour financer les vaccins COVID, soit un tiers du budget total.
Et qui décide des priorités de Gavi ?
Bill Gates en personne, qui siège aux comités stratégiques et coupe les financements quand ça ne rapporte plus assez.
 
 

 
Mais un autre nom revient souvent dans ces financements :
GeorgeSoros, via le Balkan Media Network.
L’USAID a attribué 270 millions de dollars à l’East-West Management Institute, un satellite d’Open Society.
Cet argent a servi à financer :
• Les révolutions de couleur en Ukraine (Maïdan 2014), Géorgie (2003) et Kirghizstan (2005).
• Les techniques de mobilisation citoyenne du printemps arabe et en Biélorussie (2020).
• 5 milliards de dollars injectés dans des ONG locales en Ukraine entre 1991 et 2014.
Sûrement son attachement inconditionnel aux valeurs démocratiques ?
L’USAID ne finance pas uniquement les médias et des labos pharmaceutiques.
Elle est aussi un acteur clé du Forum Économique Mondial (WEF).
💰 68,3 millions de dollars versés directement au WEF entre 2015 et 2022 pour des projets comme l’Alliance Globale pour la Facilitation des Échanges.
💰Un accord de 52 millions de dollars signé dès 2013 pour des programmes en Afrique et en Asie.
Et plus inquiétant encore, en 2023, au sommet de Davos, l’USAID a lancé le EDGE Fund, un fonds de 50 millions de dollars destiné à privatiser les ressources africaines.
On trouve aussi des projets tels que la Barbados Blue-Green Bank, une initiative “climatique”.
On n’en attendait pas moins du labo de la Grande Réinitialisation
Derrière l’humanitaire, on retrouve toujours les mêmes mécanismes de soft power :
🔸 Détournements massifs vers des groupes armés
🔸 Ingérences électorales sous couvert de “démocratie”
🔸 Financements culturels et médiatiques imposant une vision idéologique
🔸Collusion entre ONG et grandes entreprises privées
Et bien pire encore, dont nous apprendrons probablement bientôt les détails…
 
L’#USAID n’est que l’arbre qui cache la forêt.
Derrière ces scandales se cache une stratégie globale : manipulation des peuples, contrôle des ressources, domination par le “soft power”.
 
Et ce n’est que le début…
▷ Pourquoi l’Occident est en plein déclin (et ce que personne ne veut dire)
▷ Les stratégies militaires de la Russie qui changent la donne
▷ Israël, le 3e Temple et le rôle caché de Trump
▷ Les 3 placements clés à ne surtout pas rater en février 2025
Nos analyses confidentielles, rédigées par des spécialistes comme François Martin, Sylvain Ferreira et Pierre-Antoine Plaquevent, sont disponibles dans la dernière édition de la Revue.
 
GÉOPOLITIQUE PROFONDE

Olivier Vial : « En France, beaucoup de grandes sociétés se sont laissé infiltrer par la pensée woke ».

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Violences contre les étudiants de l’UNI, censure dans la presse et wokisme, le directeur du laboratoire d’idées indépendant CERU, Olivier Vial, livre son analyse pour Epoch Times.
 
Epoch Times : Ces derniers jours, des étudiants de l’UNI ont été violemment attaqués ou menacés sur plusieurs campus sur l’ensemble du territoire par des militants d’extrême gauche, notamment à Toulouse, mais aussi à Strasbourg, où des membres du syndicat ont été séquestrés. Des menaces de mort ont également été taguées sur le mur de l’université de Nantes. Qui sont les organisations responsables de ces violences ?
 

 
 
Nous avons affaire à des organisations souvent très autonomes assez difficiles à identifier. Cependant, à Strasbourg, nous savons que ce sont des étudiants issus de la Jeune Garde qui ont commis ces violences. C’est un mouvement antifa dont le porte-parole et fondateur est aujourd’hui député LFI, Raphaël Arnaud. Le fameux député fiché S qui a toujours revendiqué l’utilisation de la violence à des fins politiques.
 
À Toulouse, un autre mouvement est apparu. La majorité des agresseurs étaient masqués, mais l’un d’entre eux a été reconnu. Il s’agit d’un des responsables du mouvement Le Poing Levé. Ce dernier est issu de la mouvance trotskyste française et a récemment pris ses distances avec le NPA, le jugeant trop modéré. Il y a aujourd’hui une galaxie de militants d’extrême gauche qui tournent autour de ces deux grands mouvements, qui prônent la violence et l’utilisent quotidiennement.
 
Par ailleurs, le plus inquiétant est de voir cette violence augmenter et de constater qu’une partie non-négligeable des étudiants semblent séduits par certaines de ces organisations, sans cautionner peut-être toutes leurs dérives.
 
Pour autant, à l’université de Bordeaux, le Poing Levé est devenu majoritaire lors des dernières élections étudiantes. Que des organisations d’extrême gauche arrivent à séduire autant d’étudiants malgré leur radicalité et leur violence, est vraiment de nature à inquiéter.
Ces militants d’extrême gauche sont-ils en train d’accentuer leurs attaques ? De se renforcer ?
Oui, très clairement. Ils sont à la fois en train de gagner une bataille culturelle dans une partie très spécifique de la jeunesse étudiante, dans certaines filières, mais aussi dans les cursus de fabrication de nos élites.
 
On sent vraiment une volonté de leur part de créer un climat de tension physique de plus en plus important puisqu’il y a des agressions très régulièrement. Mardi soir, un étudiant s’est également fait agresser dans la région d’Angers par des antifas.
Vous avez publié dans Le Figaro une tribune sur la démission du président du groupe de presse Ebra, Philippe Carli, après que ce dernier a liké des publications de personnalités dites d’ « extrême droite ». Vous êtes à la tête du CERU, qui travaille, entre autres, sur l’état du wokisme en France. Comment interprétez-vous cette démission de Philippe Carli ?
 
Il y a un lien très intéressant entre ce que nous venons d’aborder et ce qui est arrivé à Philippe Carli. Mark Bray, le chercheur américain penseur de l’antifascisme, expliquait, en 2018, qu’il fallait développer une nouvelle stratégie face à ce qu’il appelle le « fascisme du quotidien ».
Elle part du constat qu’on ne peut pas toujours faire changer les idées d’une personne, mais que nous pouvons les rendre trop coûteuses socialement, professionnellement et physiquement pour qu’elles soient défendues ouvertement.
 
Il s’agit d’empêcher des personnes de défendre leurs idées, soit en les menaçant physiquement – ce que subissent aujourd’hui les militants de l’UNI sur les campus -, soit en menant des campagnes de harcèlement visant à leur faire perdre leur emploi, leurs amis, etc. Ces campagnes de harcèlement conduisent à ce qu’on appelle la cancel culture.
C’est exactement ce qui s’est passé dans le cas de Philippe Carli, puisque des militants se sont d’abord plaints du fait qu’il ait liké certaines personnalités que ces gens considèrent comme d’extrême droite.
Cela ne devrait jamais être une cause de licenciement ou d’une campagne de harcèlement. Le commun des mortels peut liker des publications sur les réseaux sociaux s’il les trouve pertinentes, sans forcément apporter un soutien à l’ensemble des prises de position de la personne « likée ».
 
Malheureusement, c’est le cas aujourd’hui. Le penseur que je viens de citer, Marc Bray, explique qu’il faut pratiquer le « doxing », c’est-à-dire aller faire des recherches sur une personne, voir qui sont ses amis, ses employeurs et harceler l’intégralité de cette chaîne jusqu’à obtenir sa démission.
Ainsi, certains syndicats de journalistes se sont comportés de la sorte avec Philippe Carli. L’affaire a été relayée ensuite par Médiapart et Blast, et cela a fait suffisamment de bruit pour qu’il soit poussé à la démission, puisque l’un des principaux actionnaires du groupe de presse, le Crédit mutuel (qui, selon l’Index du Wokisme en entreprise, n’en est pas à ses premières concessions à l’idéologie woke), a jugé préférable pour la paix des rédactions qu’il se retire.
C’est l’un des cas les plus emblématiques de cette nouvelle forme de censure et d’atteinte à la liberté d’expression.
 
Cette histoire est grave et inédite : on ne condamne pas quelqu’un pour des propos qu’il a tenus, mais simplement pour un like, quelque chose de très anodin !
Et la démission de Philippe Carli ne résulte pas d’une décision de justice, mais de pressions exercées par certains organismes. La pression et les atteintes réputationnelles organisées par des mouvements d’extrême gauche, avec le soutien de certains médias, vont conduire à une vraie privation de liberté d’expression et même de liberté de liker, ce qui est quand même quelque chose de grave.
Le gynécologue de Pau qui n’avait pas souhaité examiner une femme trans a été sanctionné au mois de janvier. Est-il, lui aussi, une victime de l’idéologie woke ?
 
Il y a cette volonté, dans la décision du Conseil de l’ordre des médecins local, de prendre une sanction pour éviter que l’ensemble de la profession ne soit entaché par cette histoire. Mais en faisant ça, l’organisme a commis une vraie erreur d’analyse : la très grande majorité des Français comprend tout à fait que ce gynécologue n’était pas en mesure de recevoir une femme qui était biologiquement un homme. En plus, le secteur de la gynécologie, notamment en province, est extrêmement débordé.
 
Nous avons ici la conjonction d’une forme de cancel culture avec du harcèlement qui va pousser le Conseil de l’ordre à prendre cette mauvaise décision de suspension ; et de l’autre, une tendance liée au wokisme, qui consiste à dire que la société devrait se soumettre à l’autodétermination des gens. Cette philosophie est d’ailleurs défendue par la Haute autorité de santé (HAS, ndlr) quand elle préconise de faciliter les transitions de genre chez les mineurs.
 
Heureusement, cette tendance est encore extrêmement minoritaire, mais on constate qu’elle progresse et qu’elle peut avoir des conséquences assez graves, y compris pour la santé. Regardez ce qui se passe avec les personnes de plus en plus nombreuses qui regrettent d’avoir entrepris des transitions de genre précoces.
 
Aujourd’hui, avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, comment analysez-vous la puissance du wokisme à la fois aux États-Unis et en France ?
Il y a outre-Atlantique une prise de conscience anti-woke. Cette prise de conscience est de plus en plus forte et a notamment permis l’élection de Donald Trump. Les électeurs latinos-américains et une partie des hommes afro-américains ont voté pour lui, précisément à cause de certaines dérives wokistes.
Pour autant, ça ne veut pas du tout dire qu’aux États-Unis et en France, le wokisme est en train de s’affaiblir. Je pense même le contraire. Il existe un risque de réactions wokes aux politiques de Donald Trump et que le mouvement se renforce.
 
Malheureusement en France, on a l’impression que cette prise de conscience contre les dérives du wokisme n’est pas aussi forte qu’en Amérique. Par résistance au trumpisme, beaucoup se déclarent woke !
Et si aux États-Unis, les entreprises commencent à faire machine arrière sur le wokisme, en France, ce n’est pas du tout le cas. Beaucoup de grandes sociétés se sont laissé infiltrer par la pensée woke. On ne voit pas du tout de commencement de retour en arrière.
 

 

octobre 17, 2023

L'IMPLOSION ÉTATIQUE ET L'AVENIR DU LIBÉRALISME EN FRANCE

Rappel et déjà 23 ans, et toujours la même idéologie aux conséquences toujours dès plus incroyables

Montréal, 1er avril 2000, entrevue avec Martin MASSE de QL

 

   Le « génie français » ne s'exprime plus depuis longtemps dans l'élégance, la subtilité et la profondeur philosophiques, mais plutôt, des deux côtés de l'Atlantique, dans la logomachie nationalo-étatiste. Tout comme le Québec en Amérique du Nord, la France est l'une des régions parmi les plus taxées et bureaucratisées en Europe, et l'un des pays au monde où les idées libérales sont le plus férocement combattues par une petite élite marxisante qui résiste encore et toujours à la soi-disant « dictature du marché » 
  
          Bertrand Lemennicier trace un tableau assez sombre de la situation dans l'Hexagone. Selon lui, les Français sont économiquement incultes et la pensée libérale n'arrive pas à percer les barrières des médias et des milieux académiques. Toutefois, les pressions venant de la Communauté européenne et de la concurrence internationale se font sentir et des factions de la nomenklatura socialiste au pouvoir perçoivent désormais la nécessité des réformes. Aussi, comme ailleurs, internet pourrait permettre aux libertariens de répandre leurs idées et de mieux s'organiser en contournant les réseaux fermés de l'establishment de gauche.  

          Bertrand Lemennicier, économiste et professeur à l'Université de Paris II, est l'une des figures importantes du courant intellectuel libertarien en France ces dernières décennies. Comme on peut le constater sur son site web, il n'a pas froid aux yeux lorsque vient le temps de défendre la liberté individuelle sous toutes ses formes: sur une page consacrée aux sujets et thèmes tabous, on conseille aux âmes sensibles de s'abstenir... Il était de passage au Québec il y a quelques semaines pour donner une conférence dans les cadre des séminaires Choix individuels et liberté organisés par les professeurs Alain Albert et Pierre Lemieux à l'Université du Québec à Hull. C'est là que le QL l'a rencontré. 

L'inculture économique française  Martin Masse: Vous dites qu'il y a en France une sorte de mouvement orchestré contre le libéralisme et les idées libérales. Mais n'est-ce pas étrange que les gauchistes en France dénoncent une soi-disant « pensée unique » libérale qui n'existe pratiquement pas? 
  
Bertrand Lemennicier: L'anomalie en France est simple, les économistes ne sont pas le « groupe d'experts » qui discutent d'économie. C'est sans doute une particularité du milieu médiatique français, on ne s'adresse pas aux économistes pour parler d'économie parce que l'on ne veut pas que les Français soient confrontés au principe de réalité. Le milieu intellectuel de gauche, qui contrôle en grande partie les médias, cherche à développer ou à entretenir dans l'opinion publique un sentiment anti-économie. Il le fait en usant de l'émotion. Pour cela on prend des gens qui savent manier l'émotion. Et les littéraires sont mieux placés que d'autres pour ça, d'où le phénomène surmédiatisé de Vivianne Forrester. C'est un des paradoxes, son succès vient d'abord de l'ignorance des Français sur ce qu'est le libéralisme d'une façon générale, il y a à propos de cette philosophie politique une inculture totale, et aussi sur ce qu'est la théorie économique. Il y a une double inculture en France, d'abord celle sur le libéralisme – ça, ça ne surprend pas trop – mais en même temps sur l'analyse économique élémentaire. 
  
MM: Plus qu'ailleurs? 
  
BL: Il paraît qu'aux États-Unis, c'est à peu près pareil. Mais je pense que les Français ont quand même une tradition étatique profonde et une ignorance des phénomènes économiques parce qu'on a été marxisés beaucoup plus qu'aux USA. Mais cette ignorance ne prend pas sa source après les années 1945 mais au 19e siècle. Il faut savoir qu'il y a un monopole de l'éducation nationale depuis le 19e siècle qui n'a pas évolué. À travers l'université, avec la marxisation des années 1968, l'ignorance du libéralisme comme de l'économie continue encore aujourd'hui – l'ouvrage de Viviane Forrester a pour fondation intellectuelle le marxisme. Il y a des générations d'étudiants qui sont dans des facs où l'enseignement de l' économie est tenu par des collègues qui sont d'anciens marxistes ou des gauchistes. Au mieux, ils se sont reconvertis en keynésiens, ils sont nécessairement interventionnistes. Même ceux qui sont néo-classiques, non marxistes, qui pratiquent souvent l'économie mathématique sont aussi des interventionnistes ou des étatistes etc. Les collègues de ma propre fac sont au moins pour un État minimal. La raison en est que ces économistes « mathématiciens » n'ont pas compris les mécanismes de marché. Ils en sont restés au modèle de Walras et à la méconnaissance des mécanismes de marché en termes de processus, ça c'est très clair. Leur vision de l'État reste influencée par les idées du Prix Nobel Samuelson: l'Etat doit intervenir pour pallier les soi-disant « faillites du marché ». Hélas mes collègues libéraux – il y en a quelques-uns – et moi nous exerçons notre profession dans cette ambiance-là.  

Glasnost made in France 
  
BL: À l'heure actuelle en France, il n'y a plus d'opposition, il n'y a plus de droite, il n'y a plus rien. Les hommes politiques de droite (qui sont dans leurs idéaux en fait de gauche) ne peuvent plus s'exprimer, on ne les entend pas à la radio, ni à la télévision. Tout est dominé par la gauche. D'où le sentiment de pensée unique chez des gens comme nous. Cependant à l'intérieur de la gauche, on a le phénomène de la nomenklatura des pays de l'Est. Il y a une fraction de la gauche qui est pour que l'on ouvre le pays, qu'on le pousse vers le libéralisme.  
  
MM: Pourquoi est-ce qu'ils se définissent à gauche ces gens-là, alors? 
  
BL: Il y a deux gauches, sinon trois. L'ensemble des gauchistes de 68 qui ne sont pas ouvriers mais étudiants, fils de riches, plus riches que moi, qui ont viré à gauche pour x nombre de raisons, soit par intérêt personnel, soit parce qu'ils croyaient que l'avenir était au socialisme. Une fraction d'entre eux sont pour une forme de libéralisme, d'ouverture du pays. En revanche une autre fraction est contre. Donc il y a un conflit qui est très typé, qu'on a retrouvé au moment de Gorbatchev, entre une nomenklatura qui voit bien qu'il faut ouvrir le pays parce qu'on ne peut pas continuer plus loin, et puis une autre qui veut exactement l'inverse. On est dans cette phase, me semble-t-il, dans le milieu politique de gauche. Avec le fractionnement et la montée des extrêmes, avec Krivine et puis Arlette Laguillier qui gagnent des votes à gauche contre le PC ou le PS. Les écologistes entre eux subissent la même fracture: c'est la compétition entre Cohn-Bendit et puis Voynet. Et ce qui me paraît particulièrement intéressant, en France, c'est l'arrivée au pouvoir de la génération gauchiste et trotskyste de 1968. Jospin est un ancien trotskyste. Un clan de 68 applique ses idées d'autrefois, avec certains qui sont plus ou moins évolués, des gens qui sont restés strictement marxistes, Krivine et d'autres, et avec un Cohn-Bendit qu'on va critiquer comme étant libéral à gauche, mais qui va rejoindre un Fabius qui lui aussi tourne un peu libéral.  
  
Donc, il y a une gauche libérale, une gauche gorbatchévienne, et puis une gauche communiste ultra-gauche qui veut faire le chemin exactement inverse. D'où la contradiction, mais enfin, c'est une contradiction qui est strictement interne, qui ne porte pas nécessairement à conséquence, parce que la France est gouvernée par la Commission européenne. Toutes les grandes décisions ne sont plus prises en France, mais prises à travers la constitution de l'Europe, à travers la Commission européenne. Le pouvoir monétaire a disparu en France, puisque maintenant c'est le « machin » européen comme aurait pu dire de Gaulle, le droit français n'existe plus puisque ce sont les conventions européennes qui dominent le droit français, et les Français ne peuvent plus faire autrement. Petit à petit même la France est obligée de réformer sa bureaucratie, d'où les grèves des fonctionnaires. Les privatisations nous sont imposées, si on ne les fait pas, on est sanctionné par la CE. 
  
D'où le climat politique. En fait il n'y en a presque plus. Je pense que très rapidement on va voir ce qui est apparu dans les pays de l'Est, un divorce extrêmement profond entre les opinions publiques affichées et médiatiques d'un petit microcosme, assez parisien, et le reste de la population. On le voit, à chaque élection, le taux d'abstention et de votes blancs ou nuls monte constamment. Il monte d'autant plus que l'on est jeune. Et ça, c'est les prémisses d'une révolution au sens des pays de l'Est.  

Libéraux ostracisés  
  
MM: Pour revenir à la campagne contre les vrais libéraux, comment est-ce qu'on ostracise tous ceux qui pensent différemment? Madelin est quand même là, il doit bien y avoir des gens, la France c'est quand même gros, c'est 60 millions d'habitants, il y a quand même des places où s'exprimer.  
  
BL: Oui et non. Madelin ne peut pas dire ce qu'il pense, il affiche de temps en temps des opinions publiques qui divergent de ses croyances privées. 
  
MM: Pour ne pas se faire ostraciser? 
  
BL: Oui, pour ne pas se faire ostraciser, et c'est comme ça que ça fonctionne. La droite n'a jamais détenu le pouvoir médiatique. Elle ne le détient pas à cause des événements de 44-45. La presse française avait choisi le camp de Vichy. À l'épuration, les communistes ont pris le contrôle de la presse à travers des journaux et le contrôle de l'imprimerie. Tout le développement du futur, jusqu'à maintenant, est inscrit dans ce point de départ, la sécurité sociale, la mainmise du PC et de la CGT [syndicat communiste] sur le ministère des Transports, etc. Même dans le sport. Il suffit de regarder quels sont les ministères qu'ont les communistes pour voir qu'ils ont redemandé leurs bastions. Alors en 83 c'était pareil, et en 97 aussi. En 44, ils avaient demandé le ministère de l'Intérieur, le ministère des Armées, etc. De Gaulle a dit non pour le ministère de l'Intérieur et le ministère des Armées, mais il a donné le Transport, il a donné le ministère de la Sécurité sociale et je ne sais plus quoi d'autres, deux ou trois autres, et ils ont fait passer toutes leurs réformes qui ont figé la France, pratiquement, qui figent la France jusqu'à maintenant.  
  
D'autres facteurs jouent: la manipulation de l'électorat à travers les permis de construire, la politique de HLM et le découpage des circonscriptions, et aussi à travers le contrôle de la télévision. Sans parler des effets de stigmatisation de l'alliance entre communistes et socialistes dénoncée par les gaullistes jusqu'en 1981, l'alliance entre l'extrême-droite et la droite dénoncée par les socialistes que le contrôle de la télévision favorise. 
  
MM: Est-ce que vous diriez que ça a marché tellement bien qu'aujourd'hui parmi la population, il n'y a même pas de libéraux qui s'ignorent ou de libéraux cachés? 
  
BL: Non, il y en a. 
  
MM: Pourquoi est-ce qu'ils n'émergent pas ces libéraux-là?   

BL: L'expérience montre qu'il y a une fraction de la population française qui est libérale, j'allais dire spontanément libérale, mais on ne peut coaliser ces gens-là parce que l'on ne peut pas, au niveau des médias, atteindre un seuil suffisant de libéraux pour générer une cascade libérale. Soit la taille du groupe des libéraux est trop petite, ce qui est vrai, soit parce que le nombre d'activistes libéraux est trop faible. On est obligé de tout faire et on ne peut profiter de la spécialisation que l'on observerait si la taille du « marché » des idées libérales était plus grande.   
  
La science économique sous tutelle de l'État 
  
MM: Qu'est-ce qui manque pour que ça marche? 
  
BL: Il manque une chose relativement simple: des enseignants libéraux en France, et des économistes libéraux en particulier. Ils ont été en fait éliminés de l'enseignement en 1880...  
  
MM: Ça fait 120 ans! 
  
BL: Oui, parce que l'enseignement de l'économie a été interdit et a été mis chez les juristes. Avant, il y avait des chaires d'économie. Jules Ferry a collé l'économie dans les facultés de Droit. Même son ami Walras, il ne lui a pas offert une possibilité d'enseigner à Paris ce qu'il réclamait. Les socialistes de l'époque redoutaient comme aujourd'hui cet enseignement-là. Mais dans les facs de droit, avant de devenir économiste, il fallait faire son doctorat, enfin presque, c'est au niveau du doctorat qu'on se spécialisait en économie. Donc, c'était des juristes. Et vous avez simultanément la montée du droit positif. Cela va durer pratiquement jusqu'en 1964-65. À cette date, on va se séparer des juristes. Il va se créer un enseignement de l'économie dans l'université. Le seul enseignement qui restait de l'économie était à travers les écoles d'ingénieurs. Il y a eu quelques grands libéraux, comme Rueff, Allais... on ne sait pas trop s'il est libéral, il est plus gâteux qu'autre chose. Il y en a eu quelques-uns à travers Polytechnique, mais pas beaucoup. Alors, en 1964, la science économique devient autonome et qu'est-ce que vous avez? Eh bien, vous avez tout le travail des gens de gauche, de l'intelligentsia de gauche dans l'enseignement – l'école normale étant dans les mains du PC – une grande partie des élites sont à gauche, deviennent marxistes, et 68, eh bien, c'est la génération des marxistes qui envahit l'enseignement. Donc, avec le phénomène de la généraiton de 68 qui a contrôlé l'enseignement unversitaire et secondaire, je constate que c'est tout à fait normal de ne pas trouver de libéraux. 
  
MM: Donc, en ce moment, les gauchistes dominent tout, dans l'éducation, dans les médias... 
  
BL: Oui, dans l'éducation, oui, dans les médias, etc.   

Les fondations sous tutelle de l'État 
  
MM: Un journal comme Le Figaro, est-ce qu'il n'y a pas de la place là-dedans? 
  
BL: Un petit peu de place, mais sur les pages d'économie, une fois par semaine, et encore... Jean-Jacques Rosa, on ne peut pas dire que ce soit un hyper libertarien. Il est pour un plus petit État mais c'est un souverainiste, alors il est pour la nation contre l'État européen. Je comprends qu'on ne veuille pas de l'État européen, mais il n'y a pas de raison qu'on veuille aussi de l'État français, qui ne me paraît pas meilleur que l'État européen sous cet angle-là! Donc, il y a une difficulté à franchir ce cap des médias, et il y a une difficulté profonde de financement des activités libérales. Les groupes d'activistes qu'on voit à gauche sont financés d'une manière importante par l'État au travers des associations, de la capture des mutuelles. Les gens à droite, ou les libéraux, n'ont jamais été financés. Les entreprises ne financent pas, il n'y a pas de système de fondation qui permet justement la création de think tanks à l'anglaise ou à l'américaine... 
  
MM: Parce que la loi empêche les fondations? 
  
BL: Il y a un monopole de la Fondation de France, c'est-à-dire que c'est l'État qui décide si vous avez le droit d'avoir le statut de fondation, il faut que ce soit d'« utilité publique », et vous pensez bien que c'est pas le libéralisme qui va être reconnu d'utilité publique par les étatistes! Toute fondation qui est créée en France doit déposer ses fonds à la Fondation de France, c'est elle qui gère. 
  
MM: Les fonds qu'elle lève elle-même?  
  
BL: Si par exemple vous voulez lever des fonds pour soigner des handicapés, vous levez vos fonds, vous créez votre fondation, vous demandez à être reconnu d'utilité publique, alors vos fonds ne sont pas gérés par votre fondation, ils sont gérés par Fondation de France.  
  
MM: Mais les fonds, vous les obtenez du public, et les gens ont des reçus pour fin d'impôt, pour déductions fiscales? 
  
BL: Ah oui, tout à fait.  
  
MM: Mais ça veut dire que la Fondation de France décide où vous pouvez dépenser votre argent? 
  
BL: Oui, c'est le gouvernement, c'est eux qui gèrent au sens où ils vont contrôler étroitement l'utilisation des fonds...  
  
MM: Mais c'est ridicule! 
  
BL: Bien non, c'est le monopole! C'est le monopole de la charité dans les mains de l'État! D'ailleurs, l'histoire de la création de la fondation de France confirme cet argument, le juriste ou conseiller d'État qui a fait le projet écrit clairement dans son rapport qu'il faut un tel monopole. 
  
MM: Quand on contrôle l'argent, on contrôle tout.  
  
BL: Oui les hommes de l'État veulent contrôler les dons. Cependant on peut créer des fondations d'entreprises à condition que la fondation ne recouvre pas les intérêts de l'entreprise de près ou de loin. Mais les fondations d'entreprises sont antilibérales parce que les entreprises en France le sont. 
  
MM: Parce qu'elles sont subventionnées? 
  
BL: Parce qu'elles ont trop de liens avec l'État, elles sont d'abord soumises au diktat de l'État, elles ont toujours misé sur l'État, jamais sur la société civile.  
  
MM: C'est une grosse différence avec les États-Unis. 
  
BL: Oui, avec les États-Unis. Alors ça, c'est essentiel, parce que vous ne voyez pas émerger en France de think tanks qui pourraient rentrer en compétition avec la recherche publique ou avec l'éducation publique, vous ne les voyez pas émerger en France.   

MM: Et Euro 92, ce n'est pas une fondation? 
  
BL: Non, c'est un institut, ça n'a rien à voir. Un moment donné ça a servi plus pour Madelin, c'était lié à Idées Actions, ça l'est peut-être moins maintenant, encore que, bon... Et puis il n'y a pas de moyens, en fait, le problème est celui-là, l'institut Euro 92, ça fonctionne avec Henri [Lepage] et un site internet aujourd'hui. Il n'y a même pas de personnel, pas de secrétaire. Fort heureusement Internet nous permet de faire des choses qu'on ne pouvait pas faire autrefois.  Le monolithe universitaire 
  
MM: Donc, pour renverser la vague gauchiste, il y a différentes stratégies, on peut regarder ça sous l'angle de la stratégie. Par exemple, essayer d'établir une sorte de respectabilité académique avec des fondations, ça c'est impossible.  
  
BL: Ça, c'est impossible, y compris à l'université. C'est-à-dire que le système de cooptation est tel qu'on n'a jamais pu se regrouper entre libéraux par exemple pour détenir ou contrôler un département d'économie – excepté à Aix-en-Provence, et encore, ils ne sont pas dominants dans leur propre université, et pour moi c'est un accident historique. L'implantation d'un petit groupe de libéraux très actifs à Aix sous l'impulsion de Jacques Garello dépend d'une conjoncture des votes dans les commissions de spécialistes qui recrutent les enseignants. De temps en temps ils ont la majorité dans leur département.  
  
MM: Et est-ce qu'ils sont aussi ostracisés, les professeurs libéraux?  
  
BL: Ah mais oui, la plupart d'entre nous, bien entendu, nous avons été ostracisés, ou nous le sommes encore oui.  
  
MM: Dans quel sens, qu'est-ce qui se passe? 
  
BL: L'ostracisme opère à tous les niveaux, soit au travers des cours, suppression de cours sans que l'on vous préviennent, non-renouvellement de cours (on a connu cet épisode à Dauphine), empêchement d'avoir des positions de contrôle dans l'université, censure sur la publication de livres, etc.  
  
MM: Vous n'avez pas une espèce de garantie, une permanence? 
  
BL: On l'a puisqu'on est des employés de l'État et on a un statut très protégé en tant que professeur, moi j'ai un statut d'indépendance de la pensée, c'est un des aspects intéressants du statut lui-même, c'est la liberté de pensée, etc. Mais ça ne suffit pas. 
  
MM: Dans les faits si on vous coupe des cours, si on vous enlève des tribunes, ça ne donne rien.  
  
BL: Voilà, exactement, c'est ça, c'est ce qui se passe! On va vous supprimer des cours ou l'accès à des fonds de la recherche  
  
MM: Et ça, c'est fait systématiquement selon vous? Dans toute la France, il n'y a pas d'endroit où les libéraux peuvent vraiment enseigner normalement? 
  
BL: Ah non, on le sait que trop, puisqu'ils n'ont jamais réussi à se regrouper. Bon, est-ce qu'il fallait le faire, c'est un point qu'on discute, mais ils n'ont jamais eu un point fort en dehors d'Aix-en-Provence, il n'y a pas eu d'autre pôle. À Paris on n'a jamais pu le faire, c'est le système qui veut ça parce que, c'est ce que je pense, on n'avait pas le seuil critique de profs libéraux en France pour réussir. En Science Po, ils ont essayé de se regrouper, mais ça n'a pas marché. Ils ont un petit noyau, mais ça n'a pas réussi, même en Science Po, on n'a pas réussi à avoir un groupe de libéraux. Et Science Po, c'est quoi, c'est un bastion à domination socialiste. 
  
MM: Donc, dans le milieu académique, c'est fermé. Et c'est fermé à long terme, là, il n'y aura pas de changement... 
  
BL: Oui, tout à fait.  
  
MM: Et aussi longtemps qu'ils contrôlent ça, finalement, la légitimité académique du libéralisme n'a pas de chance.  
  
BL: N'a pas de chance, hélas c'est un fait. Il y a eu des erreurs de la part des aînés, soit liées à l'action collective soit en négligeant de passer le flambeau à des générations plus jeunes. La solution adoptée par exemple par les Aixois est de développer des institutions privées. La création d'IHS Europe, une filiale de IHS États-Unis [Institute for Human Studies], qui s'appelle aujourd'hui IES Europe, et de l'université d'été (c'est par cette université d'été que j'ai été mis en contact avec le groupe des libéraux en France) est un exemple rare de réussite. Jacques Garello est l'entrepreneur en libéralisme en France au travers de différentes associations, ALEPS, le site Libres, Génération libérale. Au niveau des fonds, il a pu convaincre des entreprises d'investir dans les idées libérales. Parce qu'il y a quand même des entreprises qui aident, qui donnent, mais ça ne suffit pas pour créer un réel pôle, et physiquement on n'a jamais créé un think tank. Il y a eu des essais mais qui ont toujours été ratés faute de fonds. Je dois cependant mentionner la montée en puissance de l'IFRAP (Institut Français pour la Recherche sur les Administrations Publiques) qui fait un travail remarquable avec de petits moyens. Donc, c'est le point important de l'échec du libéralisme en France   

La télé des petits copains 
  
MM: Si on regarde d'autres stratégies, dans les médias c'est quoi la situation? Le gouvernement ne contrôle tout de même plus les médias, Mitterrand avait libéralisé la télé et la radio, non? 
  
BL: Ah non, non non, ça, ça a empiré! Ce qu'il a libéré, c'est la radio.  
  
MM: La radio seulement. C'est-à-dire qu'avant il n'y a avait que des radios d'État, et là il y a des radios privées.  
  
BL: Oui, oui, locales ou autres, ça, ça a été libéralisé.  
  
MM: Et la télé? 
  
BL: La télé, c'est entièrement contrôlé, et puis on a fait le partage. FR3, c'est dans les mains des communistes, la Deux c'est dans d'autres mains, la Une a été privatisée, ça a été la grande erreur d'ailleurs d'une certaine manière. 
  
MM: Pourquoi? 
  
BL: Parce que TF1 a un monopole de fiat par son réseau hertzien (sa part de marché en audience dépasse 50 %). Il y a un contrôle de la télé par le CSA. Ce sont de fausses privatisations, en fait il s'agit de concession temporaire des ondes, il faut remplir un cahier des charges, etc. La seule chaîne privée et payante est Canal +. Cette chaîne privée a été donnée aux copains de Mitterrand. 
  
MM: Donc, même privatisée, c'est des socialistes qui contrôlent ça, on parle de l'information là-dessus, des émissions d'affaires publiques, ce sont des socialistes ou des communistes qui contrôlent? 
  
BL: Ah oui, qui contrôlent. Et c'est frappant quand vous regardez Canal +. Vous regardez tout ce qui est politique, en dehors des films et du sport, tout ce qui est information, etc., c'est même pas... c'est gauchiste. Les guignols [émission satirique mettant en vedette des marionnettes], si vous regardez les guignols, le débat, c'est très clair.  
  
MM: Et là, toutes les télévisions, mêmes les privées, il n'y a pas d'espace... 
  
BL: Alors, la Cinq, c'est une chaîne publique. Arte, un mélange avec les Allemands qui est pas toujours mauvais, les choses ont évolué avec le satellite et le câble. Maintenant, je peux avoir accès, ce que je ne pouvais pas avoir auparavant, accès soit à CNN ou simplement aux Anglais, soit à Sky News... 
  
MM: Mais les Français ne passent pas là-dessus! Si vous voulez passer votre message à la télé, est-ce qu'on vous interview à la télé? 
  
BL: Ah non non non, on ne va pas nous interviewer à la télé.  
  
MM: Jamais? À la télé française? 
  
BL: Il y a eu, il y a eu... épisodiquement, moi je suis passé une fois à LCI [canal d'information continue]... 
  
MM: Garello, des gens connus comme ça, est-ce qu'ils passent...?  
  
BL: Garello est passé une fois, invité par P. Manière, moi je suis passé plusieurs fois et à chaque fois, les émissions ont été fermées.  
  
MM: Hein! 
  
BL: Je porte la poisse à la télé! Je suis passé deux fois à FR3 dans l'émission de Berckoff, la première pour le livre fendre les indéfendables de Walter Block et la seconde sur le droit de porter les armes. L'émission a été supprimée après.  

MM: On ne vous invite jamais quand il y a des débats, un pour et un contre sur quelque chose, il n'y a jamais de libéraux qui sont invités? 
  
BL: Ah non, non non, surtout pas! 
  
MM: Qui est invité? C'est un communiste versus un gaulliste? 
  
BL: Oui! Ou Viviane Forrester!  
  
MM: Mais il n'y a pas de débat alors! 
  
BL: Ah ah! Non mais, c'est un des problèmes. De temps en temps à LCI, Henri Lepage est passé une ou deux fois en débat, Pascal Salin aussi est passé... 
  
MM: Mais vous comptez ça sur les doigts de la main, là, des libéraux qui passent à la télé. 
  
BL: Oui, de toute façon. Et moi je suis passé aussi sur l'immigration, je me rappelle, avec Philippe Simonot, à LCI, quand il avait son truc. Et peu de temps après, Philippe Simonot, on a supprimé son émission. Donc, on voit bien le contrôle, on ne peut pas s'exprimer. J'ai même été, moi, à des émissions de radio à France Culture, eh bien, supprimées! Le seul truc où on peut s'exprimer régulièrement, c'est Radio Courtoisie. Mais Radio Courtoisie, c'est vraiment la droite, l'extrême-droite, c'est toutes les droites d'une certaine manière, et c'est local. C'est-à-dire que ça ne frappe qu'une faible partie de la France – quoique depuis peu ils sont sur le satellite TPS donc l'audience est sur l'ensemble de la France et de l'Afrique du Nord. 
  
Le Monde de l'unanimisme gauchiste 
  
MM: Les journaux? Les magazines? 
  
BL: Les journaux, c'est réglé. Pas moyen d'écrire dans Le Monde non plus. Les seuls qui y arrivent, c'est de temps en temps Pascal Salin, compte tenu sans doute de son réseau de relations, de temps en temps, soit dans Le Monde, soit dans Le Figaro. Il avait une rubrique de conjoncture sur FR3 un moment donné, sous un autre gouvernement plutôt de droite à l'époque, mais il a dû laisser tomber ce genre de chose. On a réellement cette difficulté. Alors qu'est-ce qui reste? Il nous reste l'accès Internet. 
  
MM: Le magazine de Guy Sorman, il n'avait pas fondé un magazine, lui? 
  
BL: Non, ça a disparu, il est fermé. 
  
MM: Déjà? 
  
BL: Oui. C'est intéressant parce qu'il y a eu plusieurs magazines, Euro 92 avait voulu fonder un magazine, mais ça a fermé.  
  
MM: Pourquoi ça a fermé? Parce que ça ne se vendait pas? Parce qu'il y a eu des pressions politiques? 
  
BL: Non, parce que ça ne se vend pas. Il y a Valeurs actuelles, qui est quand même assez libéral, peut-être Le Point un peu plus. Alors il y a eu un effort, il y a eu une relève quand même dans le monde journalistique, des gens qui ont une position plus grande dans le milieu journalistique, mais des journalistes économiques, pas des journalistes d'une manière générale. Donc, ça existe, on ne peut pas être négatif à ce point-là. Il n'empêche que les idées quand même évoluent, si je regarde vingt ans avant, je pense qu'il y a quand même un progrès. Il y a même des socialistes qui disent quand même qu'il faut que ce soit plus libéral. 
  
MM: Plus libéral dans le sens de moins interventionniste, moins autoritaire, mais ils le sont tout de même encore.  
  
BL: Moins de fiscalité, plus de marché, plus de privatisations.  
  
MM: Mais c'est juste sur une échelle où, par rapport à d'autres qui le sont beaucoup, eux le sont un peu moins. Ils ne sont pas des libertariens, d'aucune façon.  
  
BL: Ah non, non, on le saurait, sans quoi, ils ont le pouvoir, hein! 
  
Une révolution silencieuse 
  
MM: Ces gens-là ne sont pas de vrais libéraux, ils sont amenés par la force des choses à aller dans cette direction. La Communauté européenne, est-ce que ça va forcer à changer les choses suffisamment pour que ça dégèle? Parce que privatiser deux ou trois sociétés, ça change pas grand-chose. 
  
BL: Bon, ça change pas grand-chose, mais ils sont obligés de privatiser les assurances, ils sont obligés de privatiser Air France, ils sont obligés de privatiser la SNCF [société des chemins de fer], ils sont obligés de privatiser le système d'entreprises publiques, et en fait, sans doute aussi la sécurité sociale, à travers le problème des mutuelles et des assurances. Tout le système élaboré en 44, 45, 47, qui va façonner l'État français saute avec la CE. C'est une révolution silencieuse parce qu'en France, on nous le cache, sauf qu'on voit les conflits. L'impact de la CE est sans doute puissant... 
  
MM: Mais est-ce que c'est la seule voie de changement que vous voyez? Si on continue dans les stratégies, est-ce qu'il y en a d'autres? Il y a l'Internet, parce que c'est la seule façon de briser le monopole des médias de l'establishment, pour le moment. 
  
BL: Oui, mais à condition que vous montiez, que les gens montent sur Internet. Vous savez, en France, les gens montent sur Internet pour aller voir du sexe. 
  
MM: Et ça se développe moins vite qu'ici.  
  
BL: Ça se développe moins vite. Même mes propres étudiants, ça vient petit à petit, mais c'est pas évident.  
  
Il y a aussi le problème démographique de la retraite dans sept ans. La France ne peut pas faire de transition vers la capitalisation des pensions à cause du corporatisme et du financement des syndicats et des partis politiques. Nos retraités sont les plus riches d'Europe pratiquement et dans sept ans, le ratio des retraités versus les cotisants va devenir insoutenable. On ne pourra pas payer. Ils vont être obligés de sanctionner ou ma génération, ou la génération suivante. C'est eux qui vont encaisser le choc. Alors, mes étudiants, comment ils vont payer?    

MM: Et qu'est-ce qui va se passer? Les gens vont réagir contre l'État? 
  
BL: Ah mais, c'est l'implosion! C'est le choc objectif que je vois, de l'incapacité de l'État français local – puisque pour le reste, c'est la CE – à faire face à ses promesses. 
  
MM: Et vous pensez que ce sera une opportunité pour les libéraux de montrer que l'État est en faillite?

 
BL: Oui. C'est l'implosion de l'URSS, ça s'effondre. Le système soviétique en France, à travers la Sécu, à travers l'éducation nationale, va s'effondrer tout seul. Alors, c'est une hypothèse, ça peut d'ailleurs être plus rapide, on ne sait pas qu'est-ce qui peut mettre l'étincelle. Publiquement, les opinions ont dû être déjà divorcées des croyances privées, des actes privés aussi, et ça, ça va aller en s'écartant, et puis il y a un moment donné où ça ne peut plus tenir. 
  
MM: Mais les gens vont peut-être réagir en se disant qu'il faut plus de contrôle. Pourquoi est-ce qu'ils réagiraient dans un sens plus libéral? 
  
BL: Parce qu'il y a une contrainte fiscale. Vous ne pouvez plus prendre votre retraite au même âge que les anciennes générations. Il faut rajouter cinq ans. Si vous la prenez plus tôt, vos revenus seront divisés par deux. Le gouvernement va augmenter toute la fiscalité, y compris celle sur les pensions de retraite, s'il peut le faire sans affronter les groupes de pression (il y a 9 millions de retraités aujourd'hui, demain ils seront 15 millions). Qu'est-ce que ça veut dire? Ma génération n'aura pas de retraite! Qu'est-ce que je fais? Je vais à l'étranger? Je dis à mes enfants de partir? C'est le risque majeur qui se rapproche rapidement. L'effet de boule de neige peut être plus rapide et arriver avant le phénomène démographique qui nous laisse encore une dizaine d'années. On ne sait pas.  
  
Il y aussi le choc de l'euro. Le choc de l'euro, ça veut dire que la politique fiscale, comment vous la contrôler?, ce n'est plus dans nos mains. Le budget, comment vous allez faire vos déficits budgétaires? La banque centrale européenne vous dira que vous n'avez pas le droit de faire plus de ceci ou plus de cela.  
  
Les contraintes de la concurrence 
  
MM: Ici, le débat là-dessus, sur comment forcer les gouvernements à privatiser, à couper, à réduire leur déficit et à l'éliminer, à réduire l'interventionnisme, ce n'est pas quelque chose d'imposé d'en haut, mais c'est l'idée de la concurrence. Est-ce que c'est aussi fort en Europe qu'ici? En Amérique du Nord, la concurrence est très forte entre les cinquante États et les dix provinces. Si une province baisse les impôts comme en Alberta et en Ontario, ici, on le sent tout de suite, les entreprises investissent ailleurs, les gens déménagent, etc.  
  
BL: C'est le bon côté du fédéralisme, mais en Europe, la concurrence des États n'est pas aussi forte que ça. D'abord, parce que les gouvernements en place ne la veulent pas, ils veulent une Europe harmonisée vers le haut.  
  
MM: Mais la concurrence internationale, est-ce qu'elle se fait sentir? Est-ce qu'elle fait partie du débat?                  
  
BL: Ça, la concurrence internationale, elle se fait sentir, oui. C'est Viviane Forrester et consort, elle ne veut pas de la dictature des marchés mondiaux. Les fonds de pension américains, quand ils viennent en France – parce que nous, on n'a pas le droit d'avoir des fonds de pension – c'est eux qui prennent nos entreprises et puis ils s'en vont. 
  
MM: Est-ce que les gouvernements se servent de cet argument-là pour dire: il faut baisser les taxes? Parce qu'ici ils le font. 
  
BL: Non. Ici, ils le font parce qu'il y a une concurrence directe. Mais justement, en France, c'est la gauche libérale qui dit ça, qu'il faut prendre le train en marche et ne pas se laisser faire battre par ça. Mais nous, ce qu'on voit, c'est surtout la montée des impôts, la machine continue. J'hyper-réglemente, la fiscalité monte, le machin monte, tout monte.  
  
MM: Mais les impôts n'ont pas baissé récemment, avec Jospin? 
  
BL: Mais non, non. C'est l'année d'ailleurs où on a été le plus taxé. C'est pas parce que les mecs ils annoncent que, o.k., on va faire une réforme, qu'en réalité elle se passe! Et que ce soit droite ou gauche, parce que Juppé, il y a mis du sien dans cette histoire-là.  
  
L'espoir des nouvelles générations 
  
MM: Si on revient à nos stratégies pour libéraliser la France, donc, est-ce qu'il y en a d'autres? Peut-être que ces mouvements-là, la mondialisation, l'euro, la CE, les pensions, ça pourrait aider en forçant les gouvernements à être plus réalistes. Mais qu'est-ce que vous voyez d'autre d'un point de vue plus optimiste? 
  
BL: Bon, il y a eu un progrès, malgré tout, dans la transmission des générations. Moi, quand je regarde les jeunes libertariens en France, on a transmis à des plus jeunes, et ils sont plus activistes dans le sens des libertariens américains. Nous, on est trop académiques. Alors, ce qui nous manque, c'est ça. On n'a pas encore les activistes élémentaires mais ça va peut-être venir.  
  
MM: Vous les voyez émerger.  
  
BL: Par rapport à il y a dix ans, oui. Les seuls libertariens il y a dix ans, c'était nous, les professeurs, les gens qui ont autre chose à faire, les intellectuels. Tandis que là, c'est des intellectuels, mais qui sont un petit peu comme les socialistes et qui ont bien compris qu'il faut faire de l'activisme politique – enfin, pas nécessairement politique, parce qu'on ne veut pas forcément créer de parti – mais Internet permet justement de repérer ces gens-là. Au niveau européen, ce n'est pas plus fort mais ça existe. Donc, je ne suis pas, moi, pessimiste, si on regarde, il y a quand même une évolution des idées. Nous, on n'écrit plus, mais par exemple les journalistes écrivent des bouquins. Les jeunes, il y a quand même plus de libertariens qu'il y en avait, même si nous, on a même plus de contact avec eux nécessairement. Donc, il y a une forme d'autonomie du mouvement. La génération académique, on n'a pas réussi réellement à la faire, mais bon, il y a quand même un travail, il y a des étudiants qui sont libéraux, on influence quand même quelques étudiants de temps en temps. 
  
MM: Donc, c'est une question de générations, vous êtes optimistes pour les cinquante prochaines années, mais à court terme... 
  
BL: Ah mais, cinquante ans, c'est beaucoup parce qu'à cette date-là je serai dans un trou depuis longtemps, sauf progrès biotechnologique inespéré! J'espère donc que cela sera plus proche. Mais à court terme on peut être découragé. 

Bertrand Lemennicier:avec Martin Masse:sur QL

Bertrand Lemennicier


Bertrand Lemennicier est économiste, professeur émérite à l'Université Paris Sorbonne et auteur du livre La morale face à l'économie (Éditions d'Organisation), notamment. On peut consulter ses autres textes sur Bertrand Lemennicier.

   

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L'implosion étatique et l'avenir du libéralisme en France - Entrevue  (no 59 – 13 octobre 2001)


 

 

Source:QL

 

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