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mai 25, 2015

Histoire et analyse du vote blanc et vote obligatoire

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Le vote blanc est reconnu, mais aucune publicité en a été effectuée des pouvoirs publics, de même du côté des médias. Quoi en penser ? Reconnu mais pas vraiment comptabilisé, affaire à suivre !!



Sommaire:

A) Le vote blanc et le droit électoral - Par Eric LAFOND Doctorant en Droit Public, Chargé d'enseignement à l'Université Jean Moulin Lyon 3

B) PROPOSITION DE LOI tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections.- Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002. - par MM. Jean-Pierre ABELIN, Pierre ALBERTINI, Hervé MORIN

C) Pouvoirs publics : reconnaissance du vote blanc - Loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections publiée au Journal Officiel du 22 février 2014 [sur le site Légifrance]
 
D) Vote blanc et nul : jusqu'à quand fermerons-nous les yeux ? - Jérémie Moualek - Marianne

E) Vote Blanc, Vote Nul & Abstention - Voter blanc, c’est quoi ? - Parti du vote blanc

F) Suffrage censitaire et Suffrage universel de Wikiberal
 
G) Le vote obligatoire, une “fausse bonne idée”- Didier Maus - par Jean-Michel ROCHET

H) Vote obligatoire : « cercle vertueux » ou « pari qui se heurte à la réalité »… le pour et le contre par Marion Esquerré - courrier des maires

I) Le vote blanc, premier parti de France ! Sondage IFOP pour Synopia - Alexandre Malafaye, président de Synopia




A) Le vote blanc et le droit électoral

A niveau constant entre 1945 et 1993 (environ 2,5 % des votants), le vote blanc et nul connaît un accroissement régulier depuis 1993 et se rapproche de la barre des 5% [1] (hors référendum [2]). A quelques mois de l'élection présidentielle et des élections législatives, il est bon de s'interroger sur la place de ce vote blanc dans notre droit électoral. Souvent évoqué et jamais appliqué, le principe de la reconnaissance du vote blanc comme un suffrage exprimé semble constituer une gêne au bon fonctionnement du système électoral [3]. Toutefois, il n'en a pas toujours été ainsi. De la révolution française au milieu du XIXème siècle [4], il constituait une alternative électorale reconnue pour l'électeur. Certes, il ne s'agissait pas encore du suffrage universel direct, ni même du suffrage masculin universel et direct fruit de l'avènement de la troisième République. Pourtant, sans entrer dans les détails du système électoral de cette période [5], nous garderons à l'esprit que le vote blanc constituait un choix électoral possible tant que la qualité d'électeur ne concernait qu'un faible nombre d'habitants. Nos ancêtres avaient peut-être alors moins le souci de l'efficacité électorale et davantage celui d'être fidèle, dans une certaine mesure, à la rhétorique démocratique ; à savoir la reconnaissance, à travers le vote, d'un droit d'expression et d'un droit de révocation des représentants [6]. Le passage progressif au suffrage universel a conduit à occulter le droit d'expression par le biais du bulletin de vote et à privilégier celui de la révocation des élus en place.

Or, l'accroissement régulier du nombre de bulletins blancs et nuls ne constitue-t-il pas un indice d'une imperfection du système électoral ? Ce constat est-il l'indicateur d'une volonté d'un électorat d'obtenir autre chose ou davantage du droit électoral ? La réponse est très certainement affirmative si on associe à la réflexion l'augmentation conséquente de l'abstentionnisme et du nombre de non-inscrits [7] qui, ensemble, portent à 50 % la population qui n'exerce plus son droit de vote. Certes, disposer d'un droit est aussi celui de ne pas s'en servir, mais cette faible participation conduit à transformer le droit électoral en une mécanique dont l'objectif, la légitimité des élus, se fragilise.

Nombre d'écrits universitaires ont abordé la question de l'abstention, essentiellement sous l'angle sociologique ou plus largement sous celui de la science politique [8], pour essayer de comprendre les raisons de ce phénomène. La question du vote blanc est le plus souvent intégrée à ces études. A l'inverse, les juristes semblent désarçonnés par ces questions et se refusent à voir là un dysfonctionnement du système électoral. Une position respectueuse des disciplines universitaire, car la problématique affleure trop les notions de psychologie du votant et du mécanisme de représentation. Une position peut-être confortable qui consiste à laisser aux mains de la science politique ce que n'ose aborder le droit. Il faut reconnaître qu'il est difficile d'appréhender juridiquement l'abstention. Elle participe en effet, à l'heure actuelle, au seul calcul du seuil permettant de valider une élection à la majorité absolue dès le 1er tour [9]. A l'inverse, le vote blanc est accessible à la réflexion juridique, car il est déjà intégré, bien que ce soit de façon paradoxale (comptabilisé, déclassé et oublié) dans le droit électoral. C'est pourquoi, il faut s'intéresser à sa qualification juridique et aux principes juridiques dont il peut être le porteur. Et de s'apercevoir qu'un changement de statut du vote blanc pourrait porter une autre application des principes forts utiles à la démocratie que sont les droits d'expression et de révocation, puis générer des conséquences concrètes sur le fonctionnement des scrutins électoraux et sur les résultats des élections [10]. C'est pourquoi, il importe de s'interroger sur les conditions de la restauration de ce droit d'expression dans le mécanisme électoral (I), mais aussi sur les modifications à apporter à un droit de révocation élargi (II).

I.- La reconnaissance du vote blanc ou la restauration du droit d'expression dans le système électoral
Dans un sondage réalisé par le Centre d'études et de connaissances sur l'opinion publique (CECOP), les motivations du vote blanc apparaissent comme étant les suivantes [11] :

- refus des candidats en présence (36%)
- hostilité à l'égard de la politique (35%)
- difficulté à choisir entre les candidats (20%)
- désintérêt (13%)
- manque d'information (11%)

Au-delà des réserves traditionnelles face à cet outil statistique, il convient d'admettre que ce vote est motivé. Par ailleurs, même s'il est admis qu'il est actuellement impossible de différencier le vote nul du vote blanc [12], les bulletins de vote raturés et annotés peuvent aussi être considérés comme relevant d'un processus d'expression, de contestation. Dès lors, se pose la question de la reconnaissance de cette expression, quand bien même serait-elle marginale. Elle est aujourd'hui parfois qualifiée « d'abstentionnisme civique [13] », mais cette dénomination n'est finalement que le reflet d'un système électoral qui ne confère pas à ce vote une dimension d'expression.

En effet, la mécanique électorale actuelle se réfère à un mode d'expression unilatérale, des candidats vers les électeurs : « nous vous proposons ; en votant pour nous vous acceptez ». La reconnaissance du vote blanc permet alors l'instauration d'une expression bilatérale où l'électeur peut aussi s'adresser aux candidats en leur signifiant qu'aucun d'entre eux ne le convainc, que leurs différences ne sont pas assez marquées ou que leurs propositions manquent de clarté.

Dans une élection à deux tours, il permet aussi l'installation d'un dialogue électoral entre les candidats franchissant le 2ème tour et les électeurs. Ce dialogue se définirait comme étant du type « oui, mais » ou « non, mais ». Les candidats seraient amenés à en tenir compte pour espérer convaincre ces électeurs de voter pour eux au second tour.

Enfin, il est possible que le vote blanc permette de clarifier la signification des choix électoraux. En effet, il est acquis que parmi les voix se portant sur les candidats représentant les extrêmes de l'échiquier politique, certaines constituent une forme de protestation à l'égard des partis majoritaires et non l'adhésion aux propositions de ces candidats. Dès lors, l'hypothèse que nous émettons ici est la suivante. En reconnaissant au vote blanc une capacité d'expression, il concentrera les messages de contestation, d'insatisfaction et d'attente d'autre chose. Par conséquent, les résultats électoraux offriront une lecture plus affinée du poids que représente chaque parti en présence.

Ainsi, la reconnaissance du vote blanc dans le système électoral consacre la restauration d'un droit d'expression à triple facettes qui offre une responsabilité à l'électeur, facilite le dialogue avec les candidats et clarifie les résultats électoraux. Dans le même temps, il implique bien sûr de faire évoluer le droit de révocation, constitutif de la règle démocratique.

II.- Un droit de révocation élargi
Il faut entrer dans la mécanique électorale pour comprendre les modifications importantes que peut apporter la reconnaissance du vote blanc. Aujourd'hui, les votes blanc et nul sont comptabilisés lors du dépouillement (quantification), mais le pourcentage obtenu par chaque candidat est calculé par une règle de 3 (nombre de voix exprimées en faveur d'un candidat / nombre total de votes - votes blanc et nul). Ainsi, en écartant les votes blanc et nul (disqualification), le résultat électoral obtenu se réfère-t-il à environ 95% des personnes qui se sont déplacées pour voter.

La qualification du vote blanc [14] offrirait alors, comme première conséquence, et lors d'un premier tour électoral, une somme des voix obtenues par les différents candidats inférieure à 100%, la différence étant assurée par le vote blanc. Lors d'un second tour, cela implique l'hypothèse qu'il soit possible que le vainqueur de l'élection ne soit pas élu à la majorité absolue, mais seulement relative [15]. Ainsi, dans le cas de l'élection présidentielle, il faudrait modifier l'article 7 de la Constitution du 4 octobre 1958 [16] afin de prévoir que le Président pourra être élu, au second tour, à la majorité relative [17].

La révision de la constitution est symbolique de l'ampleur de la réforme afférente à la reconnaissance du vote blanc. Il convient d'examiner à leur tour les autres conséquences qui doivent être envisagées. Ainsi, la réflexion doit-elle être menée à propos des seuils d'accès au second tour. Si pour l'élection présidentielle [18] elle ne se pose pas, car il y aura toujours deux premiers, elle est majeure pour les élections législatives et les élections municipales.

Rappelons pour ce qui concerne les législatives, qu'il est nécessaire d'atteindre, nonobstant le pourcentage obtenu, le seuil de 12.5 % des inscrits pour figurer au deuxième tour. Mécaniquement, la reconnaissance du vote blanc ne rend pas plus difficile l'accession à ce plancher. A l'inverse, lors des élections municipales, le système électoral devient plus complexe. En effet, lors du résultat du premier tour sont examinés les pourcentages obtenus par rapport au nombre de votants. Les listes dépassant le seuil de 5% ont seulement le droit de fusionner avec les liste ayant obtenu 10% et plus. Ces dernières ont aussi le droit de se maintenir au second tour. Par conséquent, la reconnaissance du vote implique de réfléchir au maintien ou à la diminution de ces seuils [19], car si un faible pourcentage de vote blanc ne modifie pas considérablement les résultats, un chiffre aux alentours de 8 à 10% aurait des conséquences importantes sur le scrutin électoral. Le droit de révocation prend ici une dimension inattendue au sens où il peut produire, dans le schéma actuel, l'exclusion des petits partis du jeu électoral. Dès lors, afin de ne pas aboutir à un résultat paradoxal que constituerait l'appauvrissement du jeu démocratique, la reconnaissance du vote blanc semble conduire, de façon concomitante, à un abaissement des seuils d'accès au second tour.
Dans cette logique, et si nous poursuivons notre raisonnement, il apparaît nécessaire d'imaginer un seuil à partir duquel le vote blanc remet en cause le scrutin électoral en tant que tel. En effet, qu'adviendrait-il de la légitimité des candidats si au second tour d'une élection le vote blanc recueillait un chiffre proche voir davantage de suffrages que les deux candidats ou les X listes en présence ? Le droit de révocation peut-il conduire à l'annulation d'une élection ? Le principe d'efficacité propre au mode de scrutin majoritaire s'oppose à cette conséquence [20]. Pourtant, il est le résultat logique de l'addition du droit d'expression et du droit de révocation.

Enfin, il convient d'examiner l'aspect financier, car ce dernier fait partie intégrante du système électoral. La loi en vigueur dispose que l'accession au remboursement des frais de campagne est conditionné par l'obtention d'un résultat égal à 5% des suffrages exprimés. Nous tirons ici les mêmes conditions que lors de nos propos précédents, à savoir le nécessaire abaissement de ce seuil.

L'approche des élections présidentielles et législatives de 2002 et la crainte d'un fort désintéressement de nos concitoyens motive partiellement cette réflexion. Plus fondamentalement, l'abstention récurrente et croissante nécessite une réflexion à laquelle les juristes doivent participer. En effet, qu'elle est la valeur de l'article 3 de notre constitution selon lequel « Le suffrage peut-être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est universel, direct et secret » si le droit d'expression et le droit de révocation propre à la Démocratie sont partiels ? Une clause de style ?

 Par Eric LAFOND


[1] En moyenne nationale pour les élections législatives ou présidentielles. Il dépasse ce chiffre dans de nombreuses circonscription ou lors des élections locales.
[2] Le référendum relatif à l'adoption du quinquennat organisé le 20 septembre 2000, outre un taux d'abstention record, a connu un niveau record de vote blanc et nul (16.18 %).

[3] Depuis 1988, douze propositions de loi (dont 6 depuis juin 1997) ont été déposées visant à reconnaître le vote blanc comme une expression électorale. Toutefois, aucune de ces propositions n'a franchi l'étape du bureau de l'Assemblée, faute d'être complète sur le plan constitutionnel et légal.

[4] 1852, cf. infra.

[5] Pour l'anecdote, on peut préciser qu'il était admis d'écrire et de faire des propositions sur les bulletins de vote. Le recensement desdites propositions était bien sûr facilité par le caractère réduit du corps électoral.

[6] En référence évidemment à la tradition démocratique grecque.

[7] Les études des cartes électorales montrent que le vote blanc ou nul et l'abstention sont deux phénomènes complémentaires. En effet, là où l'abstention est plus faible, le vote blanc et nul est plus important et inversement. Notes et Etudes documentaires, n° 5066, « La France aux urnes », 1998, pp.17-42.

[8] MAYER (N.) (dir.), Les modèles explicatifs du vote, Ed. l'Harmattan, Paris, 1997, 288 p. et plus particulièrement, SUBILEAU (F.), « L'abstentionnisme : apolitisme ou stratégie ? », pp.245-267.

[9] Il faut qu'au minimum 25 % des inscrits se soient déplacés pour qu'un candidat crédité de plus de 50% des suffrages au 1er tour soit élu et que le 2nd tour ne soit pas organisé. Il est à noter que cette règle s'applique uniquement pour les élections cantonales (art. L.193 du code électoral) et les élections législatives (art. L.126 du code électoral), sans qu'il soit aisé d'expliquer pour quels motifs les autres élections échappent à son application.

[10] Il est à noter que la Suède est le seul pays européen où le vote blanc est comptabilisé.

[11] Avril 1998. Le total des résultats est supérieur à 100% en raison de la possibilité de donner plusieurs réponses. Le même sondage mentionne la fait que 62% des personnes interrogées seraient favorables à la reconnaissance du vote blanc.

[12] Sont comptabilisés comme vote nul : les enveloppes vides, les enveloppes comprenant plus de 1 bulletin, les enveloppes comprenant des bulletins déchirés, ou sur lesquels des inscriptions ont été ajoutées, etc. Les procès-verbaux officiels dénombrent ainsi treize catégories de ces formes de vote. Pour mémoire, nous rappellerons que l'assimilation du vote blanc et du vote nul date d'une décision de la Chambre de 1839, confirmée par décret le 2 février 1852 et par une loi de 1915.

[13] Notes et Etudes documentaires, op.cit. Voir aussi, SUBILEAU (F.), Communication du Centre d'étude de la vie politique française, mai 1997.

[14] Légalement, il s'agira de modifier l'article L 65 du code électoral. Pour ne pas trop complexifier la présentation, nous engloberons les votes nuls.

[15] Il faut noter ici qu'en Grèce où le vote blanc est reconnu, le pourcentage obtenu par le vote blanc est automatiquement ajouté au parti vainqueur de l'élection afin de favoriser l'efficacité du scrutin majoritaire. La méthode est surprenante car elle atténue le droit d'expression et fragilise le droit de révocation.

[16] « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. »

[17] Il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'école, car si on se réfère aux chiffres de 1995, la comptabilisation des votes blanc modifie le score de M. CHIRAC qui passe de 52.64 % à 49.6 %.

[18] Idem pour les élections cantonales.

[19] Pour éclairer nos propos, prenons l'exemple d'une liste ayant réalisé 5,1% des suffrages exprimés au premier tour des élections avec le système actuel. Le taux de vote blanc et nul est de 4,5%. En comptant tous les suffrages, elle n'obtient plus que 4,88 %, ce qui signifie qu'elle ne peut plus fusionner au 2nd tour.

[20] A l'identique, la faible participation des électeurs lors de scrutins partiels ou à lors de plusieurs scrutins successifs (élections cantonales de 1988) plaide pour éviter la multiplication des consultations.
 
 

 
B) PROPOSITION DE LOI tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections.

Elections et référendums.
________________________

EXPOSÉ DES MOTIFS
 
Mesdames, Messieurs,
Dans une démocratie, l'exercice du droit de vote est un acte civique de la plus haute importance. Il traduit en effet l'engagement de chaque électeur et témoigne aussi de l'assise populaire des institutions. Cette affirmation est d'autant plus cruciale qu'en France, l'exercice du droit de vote est intimement lié à la citoyenneté. Comme le soulignait Ernest Renan, «la nation est un plébiscite de tous les jours», ce qui signifie que notre volonté de vivre ensemble doit être sans cesse renouvelée et que le processus de légitimation des pouvoirs se doit d'être régulièrement réaffirmé.

Au moment où, dans notre société, les menaces sur la cohésion sociale sont multiples, le droit de vote doit être encouragé et valorisé.

Or, l'article L. 66 du code électoral assimile fâcheusement les bulletins blancs aux bulletins nuls. Cette confusion, née de la volonté du législateur, ne recouvre plus, ou très partiellement, la réalité électorale présente. Il est d'ailleurs intéressant de souligner que les dispositions de la loi du 30 décembre 1988 relatives aux machines à voter prévoient l'enregistrement et la totalisation du vote blanc! Comme si la législateur avait, une fois n'est pas coutume, anticipé sur les évolutions de l'opinion publique et de ses demandes.

Un sondage réalisé en avril 1999 permet de mesurer les attentes de nos concitoyens sur cette question : 7 % des Français (soit 3 millions de personnes) déclarent avoir souvent voté blanc ou nul, 13 % quelquefois, et 16 % très rarement. Les motivations de vote de l'électeur «blanc» ne sont ni le désintérêt ni le manque d'information mais avant tout le refus des candidats en présence et l'hostilité à la politique proposée.

Reconnaître le vote blanc rencontre la faveur d'environ 60 % des personnes consultées par l'IFOP contre 40 % d'avis contraire. Ce sont surtout les jeunes électeurs qui se prononcent en ce sens (à 75 % chez les moins de 35 ans). 86 % des cadres supérieurs et professions libérales s'y déclarent favorables. Enfin, quelle que soit l'orientation politique des personnes interrogées, une majorité se prononce en ce sens, à gauche, à droite ou à l'extrême droite.

Ce sondage permet de mesurer l'ampleur du malaise politique. La progression des suffrages blancs et nuls, la demande de reconnaissance du vote blanc traduisent en effet la montée inexorable des attitudes contestataires. La question posée est donc claire : vaut-il mieux reconnaître le vote blanc comme exutoire civique et élargir ainsi l'offre politique, ou encourager une expression protestataire nettement plus périlleuse pour la démocratie?

Sans évoquer les taux d'abstention qui traduisent eux aussi l'état de doute et de résignation de l'opinion.

Faut-il rappeler ici le résultat du premier tour de l'élection présidentielle de 2002? Sur 41 millions d'inscrits, on comptabilise 1 million de votes blancs et nuls, et près de 12 millions d'abstentions. Aux élections législatives, l'abstention bat un nouveau record puisqu'elle atteint 35,5 %. La comparaison avec les scrutins précédents est éloquente : 32 % (1997); 31 % (1993); 34 % (1988); 21,5 % (1986); 29 % (1981).

Certes, l'abstention touche globalement tous les pays de vieille démocratie (40 % lors des dernières législatives de juin 2001 au Royaume-Uni). Mais le croisement : forte abstention hausse sensible des votes protestataires est l'expression d'une crise manifeste.

L'abstention de nos concitoyens, les votes de rejet, l'appel aux extrêmes sont désormais des données dont on ne peut faire l'économie pour interpréter les résultats d'une élection. L'expression des suffrages s'est désormais diversifiée : l'affrontement bipolaire tend à s'atténuer au profit de choix plus relatifs qu'il serait dérisoire, voire dangereux, d'ignorer.

Les arguments ne manquent pas pour justifier la comptabilisation du vote blanc au nombre des suffrages exprimés. D'abord, et cette raison n'est pas négligeable, il s'agit d'une demande formulée par nos concitoyens. Sept propositions de loi déposées lors de la Xe législature, cinq sous la XIe et déjà cinq sous la XIIe, preuve supplémentaire de son caractère récurrent et de l'intérêt suscité par cette question chez des parlementaires appartenant aux courants politiques les plus divers! Ensuite, et il s'agit là d'une question essentielle sur le plan politique, il serait dangereux de contraindre des électeurs désireux d'exprimer une insatisfaction de se réfugier, faute de mieux, dans le vote extrémiste.

Il n'y a pas de démocratie vivante sans pluralisme mais aussi sans citoyenneté. Le Parlement s'honorerait donc à reconnaître que celle-ci peut épouser plusieurs formes. Le vote blanc n'est ni une abstention ni un vote nul. Sa reconnaissance ne saurait susciter de craintes excessives ou déplacées.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«Le maire doit déposer sur cette même table des bulletins blancs dont le nombre doit correspondre à celui des électeurs inscrits.»
Article 2
Le troisième alinéa de l'article L. 65 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
«Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés.»
Article 3
Dans le premier alinéa de l'article L. 66 du code électoral, les mots : «blancs, ceux» sont supprimés.
_________________________________________________________

N° 0501 - Proposition de loi de sur la reconnaissance du vote blanc aux élections (M Jean-Pierre Abelin)

 
N° 501
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par MM. Jean-Pierre ABELIN, Pierre ALBERTINI,
Hervé MORIN
et les membres du groupe UDF (1) et apparentés (2),
(1) Ce groupe est composé de : MM. Jean-Pierre Abelin, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Yvon Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer, Gérard Vignoble.
(2) MM. Pierre Albertini, Christian Blanc, Philippe Folliot.

Députés.



C) Pouvoirs publics : reconnaissance du vote blanc - Loi n° 2014-172 du 21 février 2014

Le Parlement a définitivement adopté une proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections.

Le vote blanc consiste, pour un électeur, à glisser un bulletin vierge (ou pas de bulletin du tout) dans l’enveloppe qu’il dépose ensuite dans l’urne. Jusque-là, le code électoral n’établissait pas de distinction entre vote blanc et vote nul (bulletins déchirés ou annotés). Lors du dépouillement, les votes blancs et les votes nuls étaient comptabilisés ensemble et annexés au procès-verbal du dépouillement mais sans être pris en compte dans le décompte des suffrages exprimés.

Les parlementaires ont considéré que le vote blanc a une signification politique particulière et qu’il convient d’opérer une distinction claire entre l’absence de vote, le vote nul parce qu’irrégulier et le vote blanc du citoyen. En outre, une meilleure reconnaissance du vote blanc devrait contribuer à la lutte contre le développement de l’abstention voire "dégonfler les votes pour les extrêmes", l’électeur disposant d’une voie nouvelle pour faire entendre son insatisfaction à l’égard de l’offre politique et pour appeler au renouvellement de celle-ci.

Le texte adopté par le Parlement modifie le code électoral pour assurer, lors de chaque scrutin, la comptabilisation des votes blancs de manière séparée des bulletins nuls. Le nombre de votes blancs sera mentionné dans les résultats du scrutin. Néanmoins, les votes blancs ne seront pas comptabilisés dans les suffrages exprimés. Les seuils électoraux pour se maintenir au second tour ou pour atteindre la majorité absolue ne seront donc pas modifiés par ce nouveau mode de comptabilisation. En outre, le texte ne concerne pas l’élection présidentielle (une modification des règles de l’élection présidentielle nécessiterait une loi organique).

L’article 6 de la loi prévoit une entrée en vigueur le 1er avril 2014. Ces nouvelles dispositions s’appliqueront pour la première fois lors des élections européennes du 25 mai 2014.

Travaux préparatoires
Assemblée nationale - 1ère lecture
Proposition de loi de MM. François SAUVADET, Jean-Louis BORLOO et Charles DE COURSON et plusieurs de leurs collègues visant à reconnaître le vote blanc aux élections, n° 107, déposée le 24 juillet 2012 (mis en ligne le 25 juillet 2012 à 8 heures 15)
et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Amendements
- Amendements déposés sur le texte n° 400
- Recherche multicritère
Travaux des commissions

- commission des lois
La Commission saisie au fond a nommé M. François Sauvadet rapporteur le 7 novembre 2012

Amendements déposés en commission (format pdf)

Nomination rapporteur au cours de la réunion du 7 novembre 2012 à 16 heures 30
Examen du texte au cours de la réunion du 14 novembre 2012 à 9 heures 45
Rapport n° 400 déposé le 14 novembre 2012 (mis en ligne le 15 novembre 2012 à 17 heures 35) par M. François Sauvadet
Discussion en séance publique

1ère séance du jeudi 22 novembre 2012

Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections, adoptée en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 22 novembre 2012 , TA n° 41
Sénat - 1ère lecture
(Dossier en ligne sur le site du Sénat)

Proposition de loi , adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître le vote blanc aux élections, n° 156, déposée le 22 novembre 2012
et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale

Travaux des commissions

- commission des lois
La Commission saisie au fond a nommé M. François Zocchetto rapporteur le 30 janvier 2013
Rapport n° 357 déposé le 13 février 2013 :
Texte de la commission n° 358 (2012-2013) déposé le 13 février 2013

Discussion en séance publique au cours de la séance du jeudi 28 février 2013
Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections, modifiée en 1ère lecture par le Sénat le 28 février 2013 , TA n° 105
Assemblée nationale - 2e lecture
Proposition de loi , modifiée par le Sénat, visant à reconnaître le vote blanc aux élections, n° 768, déposée le 28 février 2013 (mis en ligne le 12 mars 2013 à 15 heures)
et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Amendements
- Amendements déposés sur le texte n° 1563
- Recherche multicritère
Travaux des commissions

- commission des lois

Amendements déposés en commission sur le texte n° 768

Examen du texte au cours de la réunion du 20 novembre 2013 à 11 heures
Examen des amendements (art. 88) au cours de la réunion du 28 novembre 2013 à 9 heures 15
Rapport n° 1563 déposé le 20 novembre 2013 (mis en ligne le 22 novembre 2013 à 16 heures 55) :
Annexe 0 - texte de la commission (mis en ligne le 20 novembre 2013 à 15 heures 40)

Discussion en séance publique

1ère séance du jeudi 28 novembre 2013

Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections, adoptée avec modifications en 2e lecture par l'Assemblée nationale le 28 novembre 2013 , TA n° 247
Sénat - 2e lecture
(Dossier en ligne sur le site du Sénat)

Proposition de loi , adoptée avec modifications, par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, visant à reconnaître le vote blanc aux élections, n° 180, déposée le 28 novembre 2013
et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale

Travaux des commissions

- commission des lois
Rapport n° 338 déposé le 5 février 2014 :
Texte de la commission n° 339 (2013-2014) déposé le 5 février 2014

Discussion en séance publique au cours de la séance du mercredi 12 février 2014
Proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections, adoptée sans modification en 2e lecture par le Sénat le 12 février 2014 , TA n° 75
 
Pouvoirs publics : reconnaissance du vote blanc
(Les informations concernant les réunions à venir ont un caractère prévisionnel et sont susceptibles d'être modifiées)
Loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections publiée au Journal Officiel du 22 février 2014 [sur le site Légifrance]




D) Vote blanc et nul : jusqu'à quand fermerons-nous les yeux ?
 
 Pour l'universitaire Jérémie Moualek, le vote blanc "compté mais non comptabilisé dans les suffrages exprimés, demeure un geste électoral non commenté". A tort : car une nouvelle fois, écrit-il, il "a fait mouche" en séduisant un peu plus de 700 000 électeurs. Ajouté au vote nul, poursuit-il, on dépasse même le million et le score enregistré par "bon nombre de formations politiques"... lire précédent article: La mascarade du « nouveau vote blanc »

Le vote blanc, censé être reconnu depuis le 1er avril 2014, n’attire toujours pas les commentaires post-électoraux. Compté mais non comptabilisé dans les suffrages exprimés, il demeure un geste électoral non commenté. Mais, comment reprocher aux journalistes de ne pas s’atteler à un sujet synonyme souvent d’incompréhensions et obligeant à des calculs électoraux imparfaits ?

Pourtant, de nouveau, le vote blanc a fait mouche : 703 879 voix et 3,29 % des votants. Et, si on lui ajoute - donc - le chiffre du vote nul (en grande partie, des votes blancs « dans l’esprit » ou « à message »), l’ampleur du phénomène ne fait plus aucun doute :

Vote blanc (703 879 ; 3,29%) + Vote nul (343 454 , 1,60%) = 4,89% des votants (1 047 333).

Un chiffre global dans la lignée des scrutins précédents que sont les européennes et les municipales (1) et qui supplante assez franchement les scores réalisés lors des dernières élections similaires (alors appelées « cantonales »).



Et, pendant qu’on disserte sur la fâcheuse tendance au surpoids du Front national et sur les balbutiements de la gauche, on en oublie que le vote blanc (seul) dépasse un bon nombre de formations politiques comme Europe écologie - Les Verts, le Parti communiste, Debout la France ou le MoDem. Ajouté au vote nul, il supplante même le Front de gauche ! Le classement (certes imparfait, au regard de la classification imprécise des étiquettes politiques réalisée par le ministère de l’Intérieur) peut-être alors lu comme ceci :


 
Tout en étant un refus de choisir, le vote blanc et nul est un refus de renoncer à voter. Il s’avère dès lors être un « droit de choisir de ne pas choisir » qui dénote d’une offre politique trop peu différenciée tout comme d’une absence apparente d’alternatives crédibles aux yeux d’électeurs de plus en plus nombreux. Et ce, surtout si l’on y ajoute la majorité des abstentionnistes dont beaucoup, lassés aussi de ne pas voir le vote blanc pris en compte dans les suffrages exprimés, ont fini — par dépit — par déserter les urnes…

D’ailleurs, si l’on regarde les résultats du vote blanc et nul à l’échelle des départements (voir carte ci-dessous), on s’aperçoit que celui-ci obtient ses plus hauts scores lorsque la participation y est bien plus élevée que la moyenne nationale (50,17 %). C’est le cas surtout de l’Aude (57,46 %), l’Aveyron (59,71 %), la Corrèze (59,6 %), la Creuse (58,65 %), le Gers (60,11%) ou le Lot (59,43 %).



De même, le vote blanc et nul est fort dans les territoires où le Front national s’avère le moins attractif (25,24 % des votants au niveau national). Ainsi, les chiffres du parti dans le Gers (10,16 %), la Corrèze (7,89 %), le Cantal (7,09 %), l’Aveyron (12,64 %) ou les Hautes-Alpes (8,89 %) illustrent parfaitement cette tendance (à l’exception notable de l’Aude, où le FN recueille 33,66 % des voix).

Bien évidemment, il faudrait analyser plus en profondeur les arcanes du phénomène pour le saisir avec justesse. Malgré tout, il convenait au moins d’en finir avec la mise sous silence de ses résultats (même une dépêche AFP n’a pas été émise !) ainsi qu’avec l’« euphémisation » de ces derniers (puisque le vote blanc, détaché du vote nul à des seules fins statistiques, en vient à voir son nombre réduit par une distinction dont personne ne comprends les usages concrets dans les urnes).

Au premier tour, plus d’un million de personnes se sont donc déplacés jusqu’aux bureaux de vote alors même qu’elles ne trouvaient pas « bulletins à leur urne » : symboles d’une crise de l’offre politique, ces électeurs semblent être aussi le symptôme d’un système qui ne sait plus susciter l’adhésion et aussi les preuves – parfois – d’une exigence démocratique revendiquée. Combien faudrait-il qu’ils soient pour qu’enfin, au lendemain d’une élection, leur nombre daigne être publié et commenté ?

Jérémie Moualek est doctorant-enseignant en sociologie à l’Université d’Evry (Centre Pierre Naville, Ceraps). Il prépare une thèse sur le vote blanc et nul. Retrouver ici son blog « Voter en touche ».
 
(1) Du fait de leur mode de scrutin particulier (grands électeurs), les sénatoriales 2014 ne sont pas prises en compte.

Départementales : la percée du vote blanc - Le Point





E) Vote Blanc, Vote Nul & Abstention - Voter blanc, c’est quoi ?

Le vote Blanc

Le Vote Blanc consiste pour un électeur à déposer dans l’urne un bulletin blanc dépourvu de tout nom de candidat ou une enveloppe vide.
Voter blanc indique une volonté de participer au débat démocratique mais marque un refus des choix proposés.
Ce type de vote est clair et n’autorise – selon nous – qu’une seule interprétation :

 “Je veux participer mais ce que vous me proposez ne me convient pas.”

En d’autres termes, le vote blanc doit posséder un pouvoir invalidant permettant de révoquer une offre politique qui serait jugée inappropriée.

Le vote nul.

Le Vote Nul est souvent le résultat d’une erreur de manipulation.
  • Bulletins de vote déchirés, raturés, annotés ou griffonnés.
  • Autre contenu qu’un bulletin officiel.
  • Enveloppe contenant plusieurs bulletins.
Mais, il arrive également que l’électeur ait volontairement déposé un bulletin nul pour manifester son opposition aux différents choix présentés. Il rejoint ainsi, dans l’intention, ce qu’exprime un vote blanc.

L’abstention.

L’abstention consiste à ne pas participer au scrutin, c’est-à-dire à ne pas voter. Elle exprime principalement un désintérêt total pour la vie politique. L’abstention est devenue ces dernières années un acte politique, pour certains, consistant à ne pas se prononcer afin de montrer son désaccord : l’abstentionnisme militant.

Hélas on ne dispose d’aucun outil permettant de distinguer cet abstentionnisme militant du simple désintérêt (ou du beau temps qui éloigne les électeurs des bureaux de vote.)

Autre inconvénient majeur de l’abstention, c’est qu’elle est toujours interprétée par le pouvoir politique comme une simple non-participation et n’a aucun effet sur les résultats.

Vote Blanc et Suffrages Exprimés

Comptabiliser le Vote blanc est une chose, l’intégrer dans les suffrages exprimés en est une autre.
Pour les Citoyens du Vote Blanc, il est en effet impératif d’inclure les votes blancs parmi les suffrages exprimés pour les confronter aux scores des candidats en lice.

Exemple : Imaginons les candidats A et B et 10 électeurs.
3 électeurs votent pour le candidat A et 4 pour le candidat B,
2 votent blanc
et 1 abstentionniste qui ne vient tout simplement pas voter.
Voici les résultats que l’on obtient suivant que le vote blanc est considéré (ou non) comme un suffrage exprimé :



Votes Blancs NON comptabilisés comme Suffrages Exprimés
Candidat A : 3 votes sur 7 = 42,9%
Candidat B : 4 votes sur 7 = 57,1 %



Vote Blanc comptabilisés comme Suffrages Exprimés
Candidat A : 3 votes sur 9 = 33,3%
Candidat B : 4 votes sur 9 = 44,4 %
Vote Blanc : 2 votes sur 9 = 22,2 %

Certes, dans les 2 cas, la candidat B est le vainqueur de l’élection. Mais sa légitimité est bien plus faible lorsqu’on inclut les votes blancs comme suffrage exprimé. Le vote blanc joue un rôle d’avertisseur.

Les raisonnements par l’absurde

Faisons preuve d’imagination et projetons nous à un premier tour de présidentielles.
Si le vote blanc était reconnu et emportait plus de 50% des suffrages, alors le peuple aurait manifesté le fait qu’aucun des candidats ne l’a convaincu. Par conséquent, le scrutin serait annulé et d’autres élections proposées. Les participants devraient revoir leurs copies et faire évoluer leurs propositions.

Dans le système actuellement en place aujourd’hui, dans ce même cas de figure, si le vote blanc emportait 80% des suffrages, cela n’aurait aucun effet. Un des partis se répartissant les 20% restants serait tout de même élu !

Et vous trouvez cela normal ?
Si non, vous n’avez plus qu’à nous rejoindre et militer pour ce contre-pouvoir démocratique.

http://www.parti-du-vote-blanc.fr

  1. Exemple : 23% au deuxième tour de l'élection cantonale de Marignane (duel entre un candidat MNR et un FN) : http://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Cantonales/elecresult__cantonales_2004/%28path%29/cantonales_2004/013/canton36.html [archive]
  2. Rapport de l'Isie : www.isie.tn/Ar/image.php?id=762
  3. a, b et c François Sauvadet, Rapport fait au nom de la Commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l'Administration générale de la République sur la proposition de loi (no 107) visant à reconnaître le vote blanc aux élections (lire en ligne [archive])
  4. À l’élection présidentielle de 2012, François Hollande a ainsi recueilli 51,6 % des suffrages exprimés mais seulement 48,6 % des votants.
  5. Patrick Roger, « Le vote blanc (presque) reconnu », Le Monde,‎ (lire en ligne [archive])
  6. « Compte rendu de la première séance du 22 novembre 2012 » [archive], sur www.assemblee-nationale.fr
  7. « Dossier législatif de la proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections, no 107 de la quatorzième législature, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012 » [archive], sur www.legifrance.gouv.fr
  8. « Bulletins blancs et nuls », Dossier thématique du Conseil Constitutionnel : Référendum du 29 mai 2005,‎ (lire en ligne [archive])
  9. Dernières phrases du troisième alinéa de l’article L65 du Code électoral sur Légifrance [archive]
  10. Dupont-Aignan inscrit la reconnaissance du vote blanc dans son programme [archive]





F) Suffrage censitaire et Suffrage universel de Wikiberal

Le suffrage censitaire est un mode d'élection dans lequel seule une partie de la population, pouvant payer un certain niveau d'impôt, peut voter.
Emmanuel Sieyès introduisit le suffrage censitaire dans la constitution de 1791, estimant que seuls les citoyens riches contribuent à la bonne marche de l'économie nationale et qu'il est par conséquent juste qu'ils influent sur la vie politique par le truchement du vote. Sieyès distingue les « citoyens actifs », ceux qui paient suffisamment d’impôts directs et qui sont capables de voter, des citoyens passifs, dont la richesse ne justifie pas une imposition, et incapables de voter. Napoléon Bonaparte s'appuiera par la suite sur ces "masses de granit", qui le plébisciteront jusqu'à la fin du Premier Empire.
Le suffrage censitaire tente de remédier à un défaut de la démocratie, qui permet à une majorité, politiquement forte mais économiquement faible, d'opprimer une minorité économiquement forte. Il limite les tentations de démagogie, en faisant en sorte que les "décideurs" soient également les "payeurs", ce qui n'est plus le cas dans les démocraties modernes où une majorité peut impunément opprimer une minorité.
Sous l'influence des idées égalitaristes, le suffrage censitaire a été progressivement abandonné en faveur du suffrage universel.

Voir aussi

Suffrage universel

 Le suffrage universel est le principe d'expression de la volonté populaire. Le corps électoral est constitué de tous les citoyens et citoyennes en âge de voter à condition qu'ils ne soient pas privés de leurs droits civiques.
Si, en France, le suffrage universel masculin est admis dès 1848, les États-Unis n'ont renoncé qu'en 1964 au système des « poll-taxes », qui maintenait dans certains États un cens électoral.
Historiquement, le suffrage universel s'oppose au suffrage censitaire, mode de suffrage dans lequel les électeurs sont uniquement les personnes de la population qui payent un impôt direct (le « cens ») d'un montant dépassant un seuil déterminé par la loi électorale en vigueur. C'était le mode de suffrage le plus usité au XIXe siècle.

Qu'en pensent les libéraux ?

En 1863, dans Le Parti libéral, son programme et son avenir, Édouard Laboulaye, à l'instar de Prévost-Paradol, mais contrairement à Benjamin Constant ou à Montalembert, juge cette réforme indispensable pour éduquer la majorité de ses compatriotes à la raison et à la liberté. Avant lui, John Lilburne notamment avait défendu dès le XVIIe siècle cette idée.
Toutefois, pour nombre de libéraux et de libertariens, le suffrage universel, expression de la démocratie, n'est qu'un moyen de sélection des représentants, et surtout pas une fin en soi. Hayek écrit notamment : « Que dans le monde occidental, le suffrage universel des adultes soit considéré comme le meilleur arrangement, ne prouve pas que ce soit requis par un principe fondamental » (La Constitution de la liberté).
Le suffrage universel présente l'inconvénient de favoriser les politiques les plus démagogiques, sous couvert d'« acquis sociaux », particulièrement dans des pays comme la France où la moitié des personnes ne paient pas d'impôt sur le revenu. Le problème majeur que pose un tel vote est qu'il ne discrimine pas entre les gens qui payent des impôts et ceux qui n'en payent pas ou qui en vivent (fonctionnaires, retraités, chômeurs, etc.). Autrement dit, ceux dont les revenus dépendent de l'impôt ont autant voix au chapitre que ceux qui sont imposés. Le droit de vote pour tous constitue donc un écart par rapport à l'égalité devant la loi et participe donc plus de l'égalitarisme que de l'isonomie chère aux libéraux.
Si l'on admet que l'État n'est pas autre chose que la propriété des citoyens, les règles relatives à la propriété devraient s'appliquer, et l'importance du vote d'une personne devrait être proportionnelle aux impôts qu'elle paie : il faudrait donc abandonner le principe égalitariste "un homme, une voix".

Citations

  • Que les fonctionnaires, les retraités âgés, les chômeurs, etc., aient le droit de voter sur la manière dont ils doivent être payés sur la poche du reste, et qu'ainsi leur vote soit sollicité par la promesse d'être payés davantage, voilà qui n'est guère raisonnable. Il ne le serait pas non plus si les employés de l'État avaient voix au chapitre pour décider que soient adoptés les projets qu'eux-mêmes ont élaborés, ou si les personnes qui ont à exécuter les ordres de l'Assemblée gouvernementale avaient part aux décisions sur le contenu de ces ordres. (Friedrich Hayek)
  • Cette controverse [sur le suffrage universel] (aussi bien que la plupart des questions politiques) qui agite, passionne et bouleverse les peuples, perdrait presque toute son importance, si la Loi avait toujours été ce qu'elle devrait être. En effet, si la Loi se bornait à faire respecter toutes les Personnes, toutes les Libertés, toutes les Propriétés, si elle n'était que l'organisation du Droit individuel de légitime défense, l'obstacle, le frein, le châtiment opposé à toutes les oppressions, à toutes les spoliations, croit-on que nous nous disputerions beaucoup, entre citoyens, à propos du suffrage plus ou moins universel ? Croit-on qu'il mettrait en question le plus grand des biens, la paix publique ? Croit-on que les classes exclues n'attendraient pas paisiblement leur tour ? Croit-on que les classes admises seraient très jalouses de leur privilège ? Et n'est-il pas clair que l'intérêt étant identique et commun, les uns agiraient, sans grand inconvénient, pour les autres ? (Frédéric Bastiat, La loi)

Voir aussi




G) Le vote obligatoire, une “fausse bonne idée”- Didier Maus  



Les politiques parlent souvent de rendre le vote obligatoire, mais ne vont pas plus loin. Pourquoi ? Un constitutionnaliste répond.

Ancien conseiller d’État, président émérite de l’Association internationale de droit constitutionnel et, par ailleurs, maire de Sannois-sur-Seine, Didier Maus a tenu à compléter notre récente série d’avis des parlementaires du secteur sur l’éventualité de rendre le vote obligatoire. Il nous a ainsi fourni les éléments que l’on peut retrouver dans son article publié par les Cahiers de la Fondation Jean-Jaurès*.

Didier Maus précise tout d’abord qu’un 

« recensement exhaustif des propositions de loi permet de remarquer que trente-trois propositions relatives à l’instauration d’un vote obligatoire ont été déposées entre 1871 et 1914, puis dix entre 1918 en 19392. Sous la IVe République, neuf propositions de ce type ont été recensées. Un certain emballement existe sous la Ve République puisqu’il est possible de dénombrer seize propositions, toutes déposées à l’Assemblée nationale : trois entre 1959 et 1971, zéro entre 1971 et 2000, mais, par contre, treize depuis le début du XXIe siècle. » Il ajoute : « Pour se limiter aux treize propositions déposées depuis 2000, il convient de constater qu’il s’agit pour l’essentiel de propositions émanant de la droite et du centre, certaines étant d’ailleurs reprises lors des législatures successives. La seule proposition émanant de la gauche est une proposition de 2003 visant à rendre la participation obligatoire au vote et modifiant certaines dispositions du Code électoral. Elle a été déposée avec comme premier signataire Laurent Fabius, alors numéro deux du Parti socialiste, et est centrée sur l’idée que la démocratie impose des devoirs. Il s’agit d’une proposition très structurée, visiblement mise au point par un groupe de travail composé de spécialistes du droit électoral. »
Et il précise leur but : « D’une manière générale, les diverses propositions ont pour premier objectif de lutter contre l’abstentionnisme. »
“Aucune proposition n’a été évoquée en séance”
Vote obligatoire, reconnaissance du vote blanc. Une autre constance remarquée par Didier Maus :  

« Plusieurs propositions, de manière assez logique, considèrent que l’instauration du vote obligatoire doit être accompagnée de la possibilité de voter blanc, c’est-à-dire de se rendre dans un bureau de vote pour exprimer son désaccord avec l’offre électorale, mais de participer quand même au scrutin. Il conviendrait d’aller plus loin que la réforme de 2013 et de reconnaître qu’un vote blanc est un « suffrage exprimé », évolution qui est loin de recueillir l’unanimité.
Aucune des propositions répertoriées n’a fait l’objet d’une procédure ultérieure, aucune n’a été rapportée et aucune, bien évidemment, n’a été évoquée en séance publique. Le sujet, pour important qu’il soit, n’a jusqu’à présent pas passionné les grands responsables politiques. »
“L’abstention découle du sentiment que les choix proposés ne sont pas sincères”
« Depuis que le débat existe, c’est-à-dire depuis une proposition de loi déposée à la Chambre des députés, le 26 juin 1871, les mêmes éléments de débat sont avancés » 

, remarque encore le constitutionnaliste seine-et-marnais avant d’ajouter : 

« Il est fréquemment soutenu que l’instauration du vote obligatoire serait contraire à la liberté individuelle. »

Didier Maus remarque ensuite les difficultés que soulèverait une telle mesure comme la quasi impossibilité de mettre en place des sanctions :  

« On imagine alors mal d’aller pointer sur les listes électorales les électeurs récalcitrants, de les poursuivre et de leur infliger une amende qui, par la force des choses, serait minime. Le coût de telles investigations serait quasi rapidement supérieur au montant de l’amende. »

Il conclut donc : 

« l’abstentionnisme se révèle comme étant un véritable choix, une modalité d’expression de son désaccord politique. Est-il utile d’imposer une contrainte à ceux qui, lorsqu’ils l’estiment indispensable, connaissent parfaitement le chemin des bureaux de vote et de sanctionner ceux qui l’ignorent systématiquement, alors même qu’ils sont inscrits sur les listes électorales ? À la suite du colloque du 27 mars 2012, le sociologue Michel Wieviorka, jusqu’alors partisan du vote obligatoire, a changé d’avis et publié sur son blog un résumé de son intervention sous le titre “Comment j’ai changé de position sur le vote obligatoire”. Il estime qu’il s’agit “d’une fausse bonne idée”. »

On en vient donc à l’opinion du constitutionnaliste : 

« En fin de compte, la non-participation à un scrutin découle fondamentalement du sentiment d’un certain nombre d’électrices et d’électeurs que les choix proposés ne sont pas sincères, que les solutions suggérées sont inefficaces et que les personnalités qui se présentent à leur suffrage ne sont pas dignes de leur confiance. Ce n’est pas par la contrainte que le peuple de la République retrouvera le chemin des bureaux de vote. »

Jean-Michel ROCHET
jean-michel.rochet@publihebdos.fr Sur Twitter : @JMRochet
* L’article de Didier Maus paru dans les Cahiers de la Fondation Jean Jaurès est disponible sur Internet à cette adresse :



H) Vote obligatoire : « cercle vertueux » ou « pari qui se heurte à la réalité »… le pour et le contre

Bataille d’experts : Loïc Blondiaux connu pour travailler sur les questions de démocratie et de participation des citoyens, est favorable à l'expérimentation d'un vote obligatoire tandis que Jérémie Moualek, spécialiste du vote blanc, y voit une mauvaise solution. Ils exposent leurs arguments.

Face à l’abstention qui, de scrutin en scrutin, grignote un peu plus la légitimité des résultats électoraux, certains élus et responsables politiques ont remis sur la table la solution du vote obligatoire. La proposition figurait notamment dans le rapport du président de l’Assemblée sur l’engagement républicain, présenté le 15 avril dernier(1).

En fait, l’idée du vote obligatoire refait surface très régulièrement. Jérémie Moualek, chercheur en sociologie et science politique(2), s’est amusé à recenser le nombre de propositions de loi débattues sur le sujet depuis la IIIe République : cent-cinquante-trois.
Et comme le rappelle Loïc Blondiaux, professeur-chercheur en science politique(3)), « c’est un débat souvent violent ». Il suffit, conseille-t-il, de lire la « Chronique d’une allergie républicaine au vote obligatoire (XIXe-XXe siècles) »(4) d’Yves Déloye qui y rapporte les débats parlementaires sur cette question.

Courrierdesmaires.fr. Quel levier représente le vote obligatoire ?
Loïc Blondiaux. La raison principale de mon adhésion à ce système, c’est l’état de notre démocratie dont l’une des caractéristiques majeures est l’abstention différentielle entre les groupes sociaux. Il existe des écarts considérables de participation entre les classes sociales mais aussi entre les classes d’âge. Or, les représentants ont tendance à ne prendre en compte que les intérêts des groupes sociaux qui votent, c’est-à-dire en général les plus favorisés.
Le vote obligatoire me semble à même de réduire ce différentiel de participation et d’obliger les représentants politiques à prendre en compte l’intérêt, en particulier, des catégories populaires et des jeunes.

Jérémie Moualek. Le vote obligatoire ne lutte pas contre l’abstention, mais veut la supprimer tout simplement, en niant sa signification. Le pari de faire renaître la participation par le vote obligatoire s’appuie sur ses supposés effets de sociabilisation politique. L’électeur contraint à aller voter y prendrait peu à peu goût. Mais c’est un pari qui se heurte à la réalité.

Au Pays-Bas, par exemple, le vote obligatoire a été abandonné en 1970 après une soixantaine d’années. A partir de là, l’abstention a explosé. On peut en conclure que le principal moteur de la participation, avant que le vote obligatoire ne soit abandonné, était son caractère punitif.

Le vote obligatoire va surtout obliger les électeurs et pas les élus, ce qui renvoie la responsabilité de l’abstention actuelle aux citoyens et non à leurs représentants”
Jérémie Moualek, chercheur en sociologie et science politique

Quelle que soit ses motivations, une participation massive des groupes sociaux qui s’abstiennent aujourd’hui obligerait les candidats à les prendre en compte ?
J. M. Je ne crois pas que les candidats ajusteront tout d’un coup leur offre à la nouvelle réalité du corps électoral. Je pense qu’ils vont parier sur le « moins pire », sur le fait que les gens contraints d’aller voter voteront blanc ou préfèreront même payer une amende.
Dans les pays concernés par le vote obligatoire, des associations se sont constituées avec un système de cotisation pour prendre en charge les amendes ! Au-delà de l’anecdote, je dirais que le vote obligatoire va surtout obliger les électeurs et pas les élus, ce qui renvoie la responsabilité de l’abstention actuelle aux citoyens et non à leurs représentants.

L. B. Le vote obligatoire peut participer selon moi d’un cercle vertueux. Je fais référence à un mécanisme qui a été notamment identifié par un politologue canadien, Henry Milner, sous le titre de mécanisme de compétence civique. Il montre que l’intérêt pour la politique est soutenu par des politiques sociales relativement égalitaires.

Quand les politiques sociales sont trop inégalitaires, on assiste à un phénomène de marginalisation et de désaffiliation politique des catégories les plus touchées. Ces groupes sociaux ne bénéficient plus des mécanismes d’intégration sociale qui contribuent aussi à ce qu’ils se sentent concernés par les affaires de la cité.

A l’inverse, à l’image des pays scandinaves, des politiques relativement égalitaires ont pour effet de maintenir un niveau de politisation de la société assez fort. Henry Milner fait le lien entre les deux.

En obligeant tout le monde à voter, on oblige les responsables politiques à prendre en compte les catégories populaires dans leurs politiques sociales”
Loïc Blondiaux, professeur-chercheur en science politique

Personnellement, je suis assez convaincu par cela. Et il me semble que le vote obligatoire peut permettre d’entrer dans ce cercle vertueux. En obligeant tout le monde à voter, on oblige les responsables politiques à prendre en compte les catégories populaires dans leurs politiques sociales.

Cette hypothèse que je défends est encore très discutée. Elle se confirme dans certains pays, mais pas dans d’autres. Mais, étant donné la situation, il me semble qu’elle mériterait d’être expérimentée.

La liberté de vote est souvent opposée à l’idée d’un vote obligatoire. Qu’en pensez-vous ?
L. B. Si la contrepartie à l’entrée dans le cercle vertueux auquel je fais référence plus haut est l’obligation de se déplacer une fois de temps en temps pour placer un bulletin dans les urnes, c’est une atteinte à la liberté individuelle qui me semble relativement légère…

J. M. Au contraire, je pense que c’est un argument important. Depuis les prémices du suffrage universel, on n’a eu de cesse de domestiquer l’électeur. A l’origine, le bulletin « autographe » ou « manuscrit » permettait d’exprimer une opinion nuancée. Aujourd’hui, l’expression de l’électeur est réduite à un simple bout de papier, voire à une touche sur une machine à voter.

Plus l’électeur a le souhait d’exprimer une opinion complexe, nuancée, plus le mode actuel de vote s’apparente pour lui à une censure. Le vote obligatoire pousserait le processus encore plus loin, en faisant de l’élection une machine à élire, à désigner des gagnants et des perdants.

Et si le vote blanc était reconnu ?
L. B. On pourrait analyser le vote obligatoire comme une ruse des partis de gouvernement visant à maintenir à flot un système de représentation et de partis qui est en réalité à l’agonie. Donc, l’instauration du vote obligatoire impose une condition : la reconnaissance du vote blanc.

Il ne s’agit pas d’obliger les gens à choisir dans l’offre électorale et ainsi, à l’entériner. Ils doivent avoir la possibilité de marquer leur opposition aux candidats en lice en votant blanc. Le vote obligatoire sans une réelle reconnaissance du vote blanc serait d’une violence inouïe.
J. M. Reconnaître le vote blanc en cas de vote obligatoire est en effet la moindre des choses. Mais, à mon sens, il n’aura pas la même signification qu’aujourd’hui.

Actuellement, nous sommes confrontés à une forte abstention dont nous ne sommes pas capables de mesurer les causes : opposition ? manque d’information ? manque d’intérêt ? Du coup, elle est mise sous silence.

Ma crainte est de voir le vote blanc soumis au même régime en cas de vote obligatoire. Car on ne sera pas capable de dire si le vote blanc est le fait de personnes contraintes d’aller voter sous peine d’amende ou de personnes qui souhaitent marquer leur opposition à l’offre politique.

En revanche, si l’on souhaitait s’intéresser au vote blanc aujourd’hui, on pourrait en dire pas mal de choses. On pourrait par exemple tirer des conclusions du fait que 2,2 millions d’électeurs se sont déplacés pour mettre un bulletin blanc ou nul lors des présidentielles de 2012…

Note 02:Jérémie Moualek, chercheur en sociologie et sciences politique rattachés aux universités d'Evry et Lille 2. Thèse en cours sur le vote blanc et nul. - Retourner au texte
Note 03:Loïc Blondiaux, professeur des universités au département de science politique de la Sorbonne (Paris I), chercheur au Centre européen d'études sociologiques et de science politique de la Sorbonne (CESSP) et au Centre de recherches politiques de la Sorbonne (CRPS - Retourner au texte
Note 04:Sous la direction d’Anissa Amjahad, Jean-Michel de Waele et Michel Hastings : « Le vote obligatoire. Débats, enjeux et défis », Economica (Paris), pp.69-88, 2011, Politiques comparées. - Retourner au texte

 
I) Le vote blanc, premier parti de France ! Sondage IFOP pour Synopia

Repris par le Figaro dans son édition du 5 novembre 2014, voilà les deux principaux enseignements du sondage IFOP pour Synopia :

- 85 % des Français interrogés souhaitent que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé et puisse empêcher l’élection d’un candidat, faute de majorité absolue.
- 26 % des Français voteraient blanc au premier tour de l’élection présidentielle si le vote blanc était exprimé.

pdf-icon Pour télécharger le rapport IFOP pour Synopia : Cliquez ici

Le vote blanc, premier parti de France !

Aujourd’hui, même s’il a le choix entre Pierre, Paul ou Jacques, le citoyen n’a pas la possibilité de rejeter l’offre politique dans son ensemble. Ce serait pourtant légitime. Si aucune voiture ne vous plaît, et si aucun vendeur ne vous convainc, vous pouvez tout de même vous déplacer et faire le choix de marcher, ou de prendre le bus. Ce n’est pas le cas en politique. Le vote blanc ne sert à rien, les millions d’abstentionnistes sont pointés du doigt et les bonimenteurs prospèrent.

Première conséquence de ce choix fermé, la plupart de nos représentants sont élus par dépit, ou par rejet d’un autre. Dans les faits, le mode de scrutin actuel garantit presque exclusivement l’élection des candidats issus des partis traditionnels et entretient ces clientélismes qui ruinent la France et épuisent les Français en débats stériles. La frustration qui naît de cette privation de droit se traduit par une explosion des scores des partis dits populistes. Et si rien ne change, si rien ne permet au peuple de France de s’exprimer pleinement lors des élections, le risque ne sera pas de voir Marine Le Pen au deuxième tour, mais de la voir s’installer à l’Élysée. Or, en l’état du délitement de notre vie politique et face au résultat plutôt désastreux de la gestion de la France par la droite et la gauche depuis deux générations, il est à craindre qu’aucun parti, ni aucun candidat ne trouvera de parade à l’inexorable ascension de la fille de Jean-Marie Le Pen. Une fois de plus, le déni de réalité ne changera rien.

Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple impose d’aller au bout de la logique démocratique. Face au pouvoir absolu concédé à l’autorité politique, il faut un contrepoids, un vrai, qui permette aux Français de dire non, sans avoir à choisir entre la peste et le choléra. Une solution existe. Le vote blanc, à condition qu’il soit considéré comme un suffrage exprimé et puisse empêcher l’élection d’un candidat, faute de majorité absolue. Selon le sondage commandé à l’IFOP par Synopia, 85 % des Français le souhaitent. Et si le vote blanc était vraiment pris en compte, 26 % de nos compatriotes voteraient blanc au premier tour de l’élection présidentielle. Ce qui ferait du vote blanc le premier parti de France (un score à rapprocher des 1,9 % de votes blancs comptabilisés en 2012). Dès lors, le principe même de constitution de majorité absolue, le cœur de la légitimité électorale, vole en éclat. Ce chiffre de 26 % devrait donner à réfléchir à nos dirigeants politiques car si l’on additionne aux votes blanc les intentions de vote en faveur du FN et du Parti de gauche, ce sont plus de 50 % des Français qui se détournent de la droite, du centre et de la gauche. Impossible de gouverner ni même de réformer la France dans de telles conditions. Il suffit de regarder notre pays pour s’en convaincre.

Pris en compte dans l’équation d’une élection au scrutin majoritaire, le vote blanc donnerait au citoyen le pouvoir de rejeter civiquement l’ensemble des programmes et des candidats s’ils ne lui conviennent pas. Cette mesure revitaliserait notre démocratie et permettrait d’en finir avec ces petits scrutins entre amis qui imposent un choix prédéterminé et donc un verdict jusque là sans surprise. Elle obligerait les partis à s’adresser aux Français et non à un seul camp. « Peuple de droite, peuple de gauche… » Ça suffit ! Il est temps de s’adresser au peuple de France.

Elle les forcerait à devenir réalistes, experts, comptables, visionnaires. Elle limiterait le recours à ces promesses de campagne qui sont faites pour ne pas être tenues et attisent les désillusions. Elle ferait sauter des lignes de fracture (droite/gauche, riche/pauvre, public/privé, etc.) et permettrait de constituer de vraies majorités capables d’entraîner la France et les Français. Elle ne nécessite aucune modification de la Constitution.

Les opposants à cette idée rétorquent qu’elle rendrait très difficile la formation de majorités. L’argument à lui seul suffit à tuer le système actuel ! Il revient à dire que si les Français pouvaient voter librement, ils seraient incapables de s’entendre sur un nom ou un parti pour gouverner, l’offre politique étant de si piètre qualité. Et il confirme que le jeu politique actuel pervertit la nature même de la démocratie et entrave le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple.

Les débuts seront difficiles. Tant mieux ! Il est temps que les partis et les hommes politique s’adaptent au droit des Français, celui d’être enfin bien gouvernés.

Alexandre Malafaye, président de Synopia



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