En conclusion, d'après ce que j'ai lu de Hoppe et sur Hoppe (mais
j'avoue n'avoir pas tout lu, loin de là), les reproches que j'ai pu voir
faits à ses thèses sont au mieux superficiels, limités à une discussion
des goûts et des couleurs qu'aurait la communauté préférée de chacun, et
sinon complètement infondés. Encore et toujours, il ne s'agit que de
« deux poids deux mesures et pétition de principe »,
par lesquels les étatistes refusent de voir que tout ce qu'ils
reprochent à la liberté, l'état le fait en pire, avec un monopole qui
intrinsèquement viole les droits de chacun, et dont la dynamique
délétère dissout le tissu social et empêche le progrès.
7.
Dans quelle mesure seriez-vous en faveur d'une dictature libérale,
c'est-à-dire
un régime autoritaire tenu d'une main de fer par une figure qui se
contenterait de faire respecter le droit libertarien? Cette situation
serait-elle un moindre mal à vos yeux par rapport à nos
social-démocraties ou au socialisme totalitaire?
Par définition, une dictature n'est pas libérale. Le seul régime
absolument libéral est l'anarcho-capitalisme, décrit dans ma réponse à
la question précédente, ou de façon équivalente et sous d'autres noms,
un
régime de liberté,
des
gouvernements libres,
la
panarchie,
un
ordre polycentrique concurrentiel,
la
démocratie avec un petit d,
l'autarchisme,
un
ordre naturel,
le
volontarisme,
la métarchie,
etc. Une dictature est disqualifiée. Donc, pris hors contexte, comme un
absolu, il s'agit d'un contresens.
Cela dit, le libéralisme n'est pas un « tout ou rien » utopiste, par
lequel toutes les situations ne valent également rien et sont
impossibles à distinguer tant que le nirvana rêvé n'a pas été atteint;
c'est encore moins une eschatologie qui comme le marxisme justifie tous
les moyens pour atteindre l'utopie désirée; au contraire c'est une
théorie des moyens que les individus peuvent légitimement employer,
indépendamment de leurs fins forcément diverses et variés. Le
libéralisme est une philosophie du réel et, confronté à des choix réels
entre alternatives, sait donner des réponses – mais certes il ne
prétend pas apporter des réponses à tous les choix, n'étant pas
une idéologie totalitaire prétendant tout régimenter, contrairement,
encore une fois, à l'islamisme, au marxisme, et autres religions
mortifères. Donc, si, en contexte, il est offert un choix entre un
régime non libéral donné et une alternative encore moins libérale, alors
par l'hypothèse même, la première alternative est plus libérale que la
seconde alternative « moins libérale » proposée.
Notons toutefois qu'il n'y a aucun sens à comparer des régimes qui ne
sont rivaux en aucun sens, comme la démocratie athénienne antique et le
règne de Genghis Khan, ou la démocratie allemande de 1936 et la
dictature de Napoléon III; à aucun moment il n'y a de choix réel entre
de telles paires de régimes, et ce serait comparer des choux et des
carottes que de vouloir distinguer l'un de l'autre. À se donner des
choix imaginaires, on peut toujours piper les dés pour obtenir une
réponse aussi arbitraire qu'imaginaire, en comparant un dictateur
éclairé régnant sur un pays paisible à un peuple en proie au chaos
élisant des démagogues sanguinaires menant le pays à la ruine, ou au
contraire en comparant les électeurs civilisés d'un pays paisible au
dictateur totalitaire d'un pays au fond du gouffre; cela ne nous
apprend rien ni sur la dictature ni sur la démocratie, ni sur aucun des
deux pays distincts aux époques différentes où ils sont comparés. Un
choix réel se pose à un moment donné entre des rivaux donnés, qui ont
chacun une chance de gagner sur un même territoire donné avec une même
population donnée. Ainsi, on pourra comparer dans le temps l'évolution
de tel pays avant et après une révolution, une conquête, une
décolonisation; on pourra aussi comparer avec l'évolution de pays
initialement semblables ayant vu des changements de régime (ou absences
de changements) différents. Pour juger de la situation en Somalie,
plutôt que de comparer son niveau de vie à celui de la Suisse, il faut
donc comparer la Somalie en général durant la dictature socialiste
précédente ou durant l'anarchie subséquente; il faut comparer
l'évolution relative de régions de Somalie soumises à des régimes
différents; il faut comparer l'évolution avant/après de régions de
Somalie qui auraient changé de régime; il faut comparer l'évolution de
la Somalie à celle de pays voisins qui n'ont pas transitionné d'une
dictature centralisée à une anarchie relative. Les cas les plus clairs
seront bien sûr ceux où on pourra faire une comparaison dans l'espace de
pays partitionnés en deux ou plus, comme l'Allemagne Est/Ouest, la Corée
Nord/Sud, le Vietnam Nord/Sud, l'Irlande Nord/reste, la partition entre
Danemark-Norvège-Islande, la Chine continentale vs Taiwan, Hong Kong ou
Macao, la Pologne divisée entre Prusse, Autriche et Russie, etc. Il est
possible aussi de comparer plusieurs partis rivaux qui chacun prétendent
au contrôle du même territoire (Girondins vs Jacobins vs Monarchistes,
Russes blancs vs Bolchéviques, Guelfes et Gibelins, Bleus et Verts à
Constantinople, etc.); bien sûr le conflit armé en lui-même peut rendre
flou le résultat à attendre en temps de paix, mais la violence et
l'agression relative des parties sur les territoires contrôlés peut
donner une idée de laquelle est plus tyrannique. Bref, s'il est possible
de faire des comparaisons pertinentes, il faut faire attention à n'en
pas faire qui soit dénuée de sens.
Maintenant, pour comparer des régimes et en trouver un plus libéral
qu'un autre, il n'est pas besoin d'imaginer, car les exemples abondent:
Entre la Chine maoïste du « grand bond en avant » qui massacre et affame des
dizaines de millions d'innocents et la Chine ouverte à l'économie de
marché de Deng Xiao Ping qui fait de la Chine la première puissance
économique mondiale, il n'y a pas photo sur laquelle préférer; toutes
deux sont des dictatures communistes criminelles, réprimant en camps de
concentration l'expression d'idées opposées à celles imposées par le
régime; mais la seconde est néanmoins nettement meilleure. Toutes deux
sont extrêmement antilibérales, mais un libéral n'aura néanmoins aucun
mal à préférer l'une à l'autre. Entre la République populaire et
« démocratique » de Corée (du Nord) de Kim Il Sung, avec ses camps de
concentration, ses famines, son système de castes héréditaires, sa
répression à peine croyable, et la dictature militaire criminelle de
Park Chung-hee en Corée du Sud, qui ne se prétend pas aussi
« démocratique », mais est combien plus ouverte politiquement et
économiquement, et qui fera du pays un « dragon asiatique », il n'y a pas
photo non plus sur laquelle préférer; encore moins entre la Corée du
Nord des Kim suivants, et la Corée du Sud maintenant vraiment
démocratique des successeurs de Park. Entre la république « démocratique »
d'Allemagne de l'Est et la république « fédérale » de l'Ouest, il est
aussi facile de préférer l'Ouest « capitaliste » à l'Est « socialiste »: en
cas de doute, on peut regarder comment les Allemands votaient avec leurs
pieds quand bien même ils devaient franchir un mur avec miradors et
gardes qui tirent pour tuer. Entre un régime israélien imposant la
suprématie juive mais reconnaissant aux citoyens arabes de toute
confession tous leurs droits civiques tant qu'ils restent une minorité,
et un régime palestinien démocratique où tous les partis prônent le
génocide des juifs et l'oppression des non-musulmans, aujourd'hui ou
demain selon le radicalisme du parti, il n'y a pas plus photo sur lequel
est plus propice au développement individuel. Entre la dictature
militaire criminelle du Shah d'Iran et le régime islamique encore plus
massivement criminel qui l'a suivi, il n'y a pas photo non plus lequel
est plus libéral et le plus propice à la belle vie. Entre un régime
socialiste violant la constitution et se préparant ouvertement à la
révolution violente, disant vouloir imiter Cuba, la Corée du Nord, le
Nord-Vietnam, chantant la révolution sanglante, promettant des camps de
concentration pour ses ennemis, déjà ruinant l'économie du pays et
faisant descendre des millions de citoyens affamés dans les rues, et un
coup d'état appelé de leurs vœux par la cour suprême et le parlement,
qui sauvera le pays du communisme, et en fera à terme le plus prospère
du continent, il n'y a toujours pas photo pour
préférer le Chili de Pinochet à celui d'Allende.
Donc oui, sans cautionner le moins du monde aucun de ces régimes comme
étant libéral dans l'absolu ou dans l'intention (et notons d'ailleurs
qu'aucun des régimes cités ne se réclame du libéralisme), il est permis
de les comparer à un autre régime rival, de trouver que l'un des deux
rivaux est plus libéral que l'autre (ou moins illibéral) et de constater
qu'en effet il y fait mieux vivre. Il est aussi permis de critiquer les
aspects illibéraux de ces régimes, et d'offrir à leurs dictateurs des
conseils sur la façon d'être plus libéraux, même en respectant leur
condition irréductible qu'ils souhaitent rester au pouvoir. Quand Milton
Friedman ou un autre libéral réputé vient donner des conférences en
Chine communiste, au Chili de la dictamola, en Inde pré- ou
post-coloniale, ou même aux États-Unis, cela n'implique aucunement
qu'aucun de ces pays soit « libéral » par le seul fait qu'un libéral y ait
été autorisé à parler. Cela n'implique aucunement que leurs dirigeants
soient libéraux, que les libéraux trouvent que ces régimes sont
libéraux, etc. – cela implique seulement que les libéraux ont la parole
dans ces pays, et peuvent y critiquer le régime de n'être pas assez
libéral sans être mis en prison. Cette liberté d'expression (du moins
pour les professeurs connus) est effectivement un aspect relativement
libéral de ces régimes, dont il faut savoir gré, et qui les place
au-dessus des dictatures communistes typiques; mais c'est mettre la
barre bien basse que de faire de cela le critère ultime du libéralisme;
et avec le même critère mutatis mutandis, on pourrait tout aussi
bien affubler les mêmes pays de l'épithète communistes, monarchistes,
racialistes, fondamentalistes chrétiens ou musulmans, etc., parce que
des orateurs de ces obédiences respectives ont pu s'y exprimer sans
finir en prison.
Est-il donc possible qu'une dictature puisse positivement rivaliser avec
une démocratie? Ma foi oui – on peut imaginer une dictature où le droit
de vivre est reconnu à tous les non-opposants, et une démocratie qui
vote le « nettoyage ethnique » par le meurtre de masse d'une partie de la
population. De tels nettoyages ethniques dans un cadre plus ou moins
démocratique se sont même vus, souvent, que ce soit en Allemagne, en
Algérie, au Rwanda, au Soudan, au Zimbabwe, en Serbie, en Bosnie, au
Pakistan, aux États-Unis. On peut même
suspecter que la démocratie est une des inspirations majeures de ces
massacres. Quand le principe politique accepté est celui d'un ordre
supérieur qui s'impose à tous, quelle que soit leur culture, que cet
ordre soit l'arbitraire impérial des réactionnaires ou l'ordre naturel
des libéraux, alors de nombreuses cultures peuvent vivre en paix sous le
même empire, dans un entrelacement paisible de communautés ethniquement
et culturellement différentes; cela s'est vu à titres divers sous les
empires romain, ottoman, colonial anglais ou français, austro-hongrois,
et même russe tsariste ou communiste; cela se voit à un certain point
dans des pays où les droits individuels libéraux l'emportent encore sur
la démocratie, comme aux États-Unis ou au Canada. Mais que le principe
démocratique remplace dans les esprits ce principe supérieur, alors
soudain, la majorité aura le pouvoir totalitaire de faire ce qu'elle veut
de la minorité; ainsi, selon les rapports de force et d'influence, une
communauté se verra opprimée par une autre, imposer les
règles de cette autre et dénier le respect de ses propres règles; la
seule échappatoire est la résistance armée qui appelle une répression
non moins armée, et se termine en nettoyage ethnique ou en sécession,
mais forcément en l'établissement de territoires à domination
ethnico-culturelle bien établie. Pourquoi Turcs et Arméniens, Allemands
et juifs, Français (post)chrétiens et Algériens musulmans, hutus et
tutsis, Soudanais arabisés et Soudanais nègres chrétiens du sud ou
musulmans de l'ouest, Nigérians chrétiens du sud et musulmans du nord,
Irakiens sunnites ou chiites, arabes et kurdes, Palestiniens juifs et
musulmans, Libanais chrétiens et druzes et musulmans sunnites et
chiites, Serbes et Croates ou Albanais, Indiens hindous et musulmans,
Irlandais protestants et catholiques, etc., etc., doivent-ils
s'entretuer jusqu'au massacre total, alors qu'ils vécurent en paix
relative pendant des siècles? Parce que la démocratie rend complètement
invivable la cohabitation dans le même pays où l'un votera l'oppression
de l'autre.
Même sans en venir au nettoyage ethnique franc et massif, des dictatures
peuvent surpasser des démocraties rivales. Entre la prospère Rhodésie du
Sud d'Ian Smith et le Zimbabwe démocratique qui a porté Mobutu au
pouvoir et réduit le pays à la misère et au chaos meurtrier, le choix
est facile. Le régime démocratique mis en place par les États-Unis en
Irak n'a pas l'air évidemment meilleur que la dictature pourtant
sanguinaire de Saddam Hussein. La brève tentative égyptienne récente fut
un fiasco de corruption et de fanatisme religieux heureusement vite
renversé, et la tentative d'établir une démocratie en Lybie est passée
directement à la guerre civile avant même la moindre élection. Donc oui,
en tant que libéral ou simplement en tant qu'être humain, on peut
parfois préférer une dictature donnée à une démocratie donnée comme
rivales dans le même pays au même moment – ce qui n'est aucunement une
caution de ladite dictature comme un régime souhaité plutôt qu'un
moindre mal. Face à l'imprécation facile des bien-pensants aux certitudes
fondées sur des préjugés superficiels, le libéralisme oppose une
comparaison rationnelle entre alternatives effectivement offertes, qu'il
juge par leurs effets prévisibles et constatés.
C) La concurrence et l'harmonie spontanée
des intérêts
8. Il n’est pas
rare d’entendre dire que la compétition à laquelle se vouent les
entrepreneurs peut prendre l’aspect d’une bataille sans merci où le plus
fort écrase le plus faible. Dans ce contexte il serait conforme aux
exigences de la morale, affirme-t-on, que les entrepreneurs, par charité
mutuelle, s’imposent des actes d’autolimitation et tempèrent la
concurrence qu'ils se livrent.
L’argument généralement avancé peut se formuler comme suit: Les
entrepreneurs les plus efficaces sur un marché peuvent ruiner leurs
concurrents, et ceci se fait au détriment des salariés des boîtes les
moins efficaces. Celui qui réussit à abaisser ses prix au point de
retirer du marché ses concurrents
commet un crime commercial ‒ il crée du chômage et il impose un
monopole en sa faveur. Dès lors, il peut fixer les prix à sa guise et
les consommateurs n’ont plus leur mot à dire. Le plus fort sur le marché
devrait tempérer son agressivité et laisser survivre ses concurrents;
et ce, puisque la loi morale nous ordonne avant toute chose de ne pas
faire aux autres ce que nous n’aimerions pas qu’ils nous fassent. Ce
précepte élémentaire vaut pour le monde des affaires.
Quel regard portez-vous sur ce discours en vogue?
Les socialistes ne savent voir dans tous les phénomènes sociaux que
la lutte, le combat, le conflit, le commandement, la hiérarchie, l'opposition des volontés;
ils n'ont rien d'autre à dire, et rien d'autre à proposer.
Même quand ils parlent de « coopération », il ne s'agit jamais que de sacrifices unilatéraux;
ils ne connaissent que des jeux à somme négative, gagnant-perdant ou perdant-perdant.
Leur idéologie est donc profondément et fondamentalement antisociale ‒
leur nom même est un mensonge empoisonné, comme tout ce qu'ils contribuent à la société.
Ils sont l'incarnation même de la dé-civilisation.
Les libéraux au contraire, reconnaissent et célèbrent les jeux à somme positive, gagnant-gagnant,
comme seule forme véritable de coopération, comme le fondement de toute société
et comme le principe même de la civilisation ‒ et condamnent les jeux à somme négative
comme autant d'absurdités à éviter et d'agressions à réprimer.
Le dernier des sophismes économiques
fameusement raillés par Bastiat est celui de la
domination par le travail.
Pour n'en citer qu'un court extrait:
Dans une bataille, celui qui est tué est bien tué, et l'armée est
affaiblie d'autant. En industrie, une usine ne succombe qu'autant que
l'ensemble du travail national remplace ce qu'elle produisait, avec un
excédent. Imaginons un état de choses où, pour un homme resté sur le
carreau, il en ressuscite deux pleins de force et de vigueur. S'il est
une planète où les choses se passent ainsi, il faut convenir que la
guerre s'y fait, dans des conditions si différentes de ce que nous la
voyons ici-bas, qu'elle n'en mérite pas même le nom.
Voilà toute la différence entre les jeux économiques à somme positive
et les jeux politiques à somme négative.
Alors que des ennemis politiques perdent tous deux à s'entretuer,
des concurrents économiques gagnent tous deux à s'émuler.
Chaque réussite de l'un est bientôt un gain pour tous:
l'innovateur d'abord, qui peut produire mieux et moins cher, et faire ainsi de nouveaux profits;
ses clients, qui auront trouvé meilleure qualité à meilleur marché;
ses concurrents sur le même créneau qui, en l'imitant,
peuvent bénéficier d'un progrès spécifique au capital qu'ils ont investi;
leurs clients, fournisseurs, et de proche en proche toute la société,
qui bénéficie du progrès réalisé.
À l'opposé, chaque erreur, si elle touche d'abord celui qui la commet,
est en fin de compte une occasion manquée pour tous,
sauf a contrario comme opportunité pour tous d'en tirer les leçons.
Ainsi, celui qui refuse de s'améliorer, d'apprendre des réussites et des erreurs
qu'il fait et que d'autres font, perdra en fin de compte ses clients et fera faillite
‒
mais ce n'est pas la faute des autres, c'est la sienne, et en fait
c'est bien dommage à la fois pour lui et pour les autres
qui n'auront plus ce concurrent utile pour se calibrer,
en plus de profiter de ses innovations.
La compétition entre concurrents est donc une coopétition,
où tous bénéficient du libre choix, de la comparaison, de l'innovation, de l'imitation.
Dans un marché libre, nul n'« écrase » nul autre.
L'hypothèse même de liberté du marché est
que les droits de propriété de chacun des participants sont respectés.
Certes, un producteur peut « perdre des parts de marché » au bénéfice d'un concurrent;
mais ce n'est pas un vol, car nul ne « possède » de parts de marché,
chacun doit les mériter à chaque instant.
Et en fin de compte, chaque part de marché est un consommateur effectif ou potentiel,
que chaque producteur s'il veut « conquérir » cette part de marché doit convaincre
d'accepter volontairement son offre de service, parce qu'elle est non seulement
bonne et préférable à refuser tout service, mais aussi meilleure que l'offre de
tout autre concurrent.
En effet, pour chaque service, chaque consommateur
possède le droit d'accorder sa clientèle au fournisseur de son choix, ou de ne
l'accorder à personne, quitte à devoir produire le service soi-même ou s'en
passer. C'est le principe même de la concurrence (nous y reviendrons). Ni perdre
ni gagner de parts de marché n'est donc un effet garanti de la concurrence, et
d'ailleurs comme les parts perdues par l'un sont gagnées par l'autre, il n'y a
aucun effet macro-économique négatif ou positif à voir dans cet aspect « redistributif » du phénomène.
Montrer du doigt comme scandale une partie d'un phénomène
tout en en occultant la contrepartie nécessaire
est un cas de sophisme anti-comptable
typique des socialistes.
La métaphore guerrière, si elle peut motiver certains gestionnaires
ou fleurir le langage de commentateurs, ne décrit donc
ni la relation entre fournisseurs et clients,
ni celle entre concurrents.
Les socialistes sont obnubilés par le conflit, les jeux à somme nulle ou négative,
seul paradigme qu'ils puissent comprendre;
mais la folie destructrice est entièrement dans leurs propres cerveaux malades,
et non pas dans le capitalisme qu'ils prétendent critiquer.
Si on veut voir l'effet de la concurrence,
il faut voir comment elle modifie le comportement des acteurs.
Ce qui est clair, c'est qu'elle force tous les producteurs
à produire toujours plus, mieux et moins cher,
et ainsi rendre davantage de services aux consommateurs pour un moindre coût macroéconomique.
Certains socialistes proclameront que le résultat de cette amélioration
est de réduire le marché total pour les producteurs et de les appauvrir,
puisque le prix total des services existants diminue;
mais comme toujours,
il s'agit d'un sophisme anti-comptable.
Car cet effet de la concurrence, d'avoir produit mieux et plus pour moins de ressources,
a donc rendu disponibles toutes les ressources non dépensées,
aussi bien du côté du producteur, que du côté du consommateur.
Le producteur pourra rediriger ses ressources économisées vers de nouvelles activités,
et le consommateur pourra rediriger ses ressources économisées
pour acquérir le produit de ces activités.
Quant à l'innovateur, il pourra engranger en récompense de
son service rendu à l'humanité
les bénéfices du coût diminué à prix de vente constant,
jusqu'à ce que ses concurrents l'imitent et que les prix baissent en conséquence.
Encore une fois, la concurrence ne garantit aucunement qu'aucun producteur gagnera ou perdra
‒
sauf celui le plus habile à améliorer les choses pour toute l'humanité,
ce qui est la seule chose que la concurrence garantit.
En d'autres termes, la concurrence est un jeu à somme positive,
par lequel davantage de services sont rendus, davantage de satisfactions sont apportées,
les ressources dépensées diminuent, celles disponibles augmentent.
La « concurrence », gros mot dans la bouche des collectivistes,
n'est pas autre chose que la liberté du consommateur,
ce consommateur que les collectivistes passent leur temps à insulter;
car ce consommateur est chacun d'entre nous, êtres humains.
D'ailleurs le producteur aussi est chacun d'entre nous,
sauf que le faramineux gain en productivité dû à la division du travail
fait que nous produisons en gros une petite catégorie de services,
alors que nous en consommons en détail une vaste variété.
Si les hommes comprenaient qu'ils sont les consommateurs et producteurs
visés par la propagande étatiste et victimes de l'action de l'état,
et s'ils comprenaient que les soi-disant aides à certains producteurs
consistent forcément à voler la majorité d'entre eux
au bénéfice hypothétique d'une petite clique bien introduite,
ils ne soutiendraient pas ces exactions.
Mais c'est bien pourquoi l'état et les étatistes dépensent
des ressources considérables à la propagande et au contrôle des esprits,
du berceau à la tombe, via les programmes scolaires obligatoires écrits par des communistes,
les médias à la botte sous peine de voir leurs subventions remplacées par un contrôle fiscal, etc.
Cette concurrence a de nombreux autres bénéfices, tous dynamiques:
ces bénéfices seront incompréhensibles aux esprits « statiques »
qui examinent la structure de production à un instant donné
et font comme si elle était un état permanent;
ils seront tout aussi incompréhensibles aux esprits « cinématiques »
qui veulent bien voir des changements,
mais refusent d'en voir les causes, les forces en présence,
et préfèrent une interprétation mystique de ce changement
comme progrès téléologique vers leur utopie, guidé par Dieu,
par l'avant-garde du prolétariat, ou quelque force collective supérieure,
mais en tout cas pas par les choix et actions de simples individus.
Or, les bénéfices de la concurrence (et les travers de l'intervention politique)
sont tous en termes d'incitations, de forces économiques s'exprimant
à travers les choix des divers acteurs individuels.
Nous avons déjà vu l'incitation au progrès (économique, technique, social,
organisationnel, etc.)
que crée la concurrence;
mais il y a aussi le signal du progrès contenu dans le prix des services et produits.
Grâce à la libre concurrence,
chaque producteur peut comparer sa performance à celle des autres producteurs
à partir des prix publiés, des profits engendrés, etc.,
et peut similairement comparer les prix de ses fournisseurs, etc.
La concurrence, via le système des prix, donne donc aux producteurs
non seulement l'incitation à s'améliorer, mais aussi le moyen de mesurer l'amélioration,
sans lequel il n'y aurait pas de rétroaction positive, seulement au mieux une marche au hasard.
Quand la concurrence diminue, le signal du système des prix s'estompe puis disparaît,
et les entreprises restantes ont plus de difficulté à s'améliorer;
sur le long terme, ces entreprises souffrent de cette absence, comme tous,
même si sur le court terme elles peuvent gagner en « parts de marché »
‒ car du fait de l'inefficacité du monopole, leur marché ne s'étendra pas aussi vite;
or mieux vaut 10% de beaucoup que 90% de fort peu.
En effet, contrairement à ce que prétendent les socialistes pour justifier leurs
vols, il n'y a pas un gâteau de taille donnée quelles que soient les actions des hommes,
dont il s'agirait de « redistribuer » les parts (euphémisme pour le vol qu'ils proposent);
au contraire, il faut chaque jour refaire du gâteau, et la production en augmentera ou diminuera
selon les actions des hommes ‒ et les déprédations du monopole et sa bureaucratie
contribuent largement à diminuer cette production.
Si ces déprédations empêchent 5% de croissance chaque année en moyenne,
au bout de quinze ans, cela fait une nation plus de 2 fois moins riche,
au bout d'un demi-siècle, plus de 11 fois,
au bout d'un siècle, plus de 131 fois moins riche ‒
largement de quoi compenser toutes les « pertes » en « part de marché »,
et toutes les « inégalités » dont « souffriraient » les « pauvres » qui ne le seraient comparativement plus
(et effectivement, un « pauvre » d'aujourd'hui dans un pays capitaliste vit mieux qu'un roi,
dans la plupart des nations, il y a quelques siècles).
Mais bien sûr, dans un marché libre c'est aux créateurs que bénéficierait d'abord la croissance,
alors qu'avec le monopole, ce sont les parasites qui gagnent,
et ces parasites ne veulent surtout pas abandonner leur pouvoir et le luxe qu'il leur apporte
‒
en fin de compte, cette sélection de qui a le pouvoir
est un autre effet dynamique important du choix entre capitalisme et étatisme.
Les socialistes font aussi surgir tantôt le spectre
d'entreprises qui feraient sans cesse des profits monstres sans rien faire pour les mériter
à moins que l'état ne grève leurs profits,
tantôt le spectre opposé d'entreprises qui feraient faillite si l'état ne les aidait pas.
Ils ne se rendent pas compte que ces deux menaces fantômes sont mutuellement contradictoires,
parce qu'en fait peu leur importe: leur but n'est pas de développer une théorie sociale cohérente,
mais de faire feu de tout bois pour « combattre » le capitalisme
(toujours le paradigme de la guerre, du jeu à somme négative)
et justifier toujours davantage de pouvoirs étatiques.
Or, les profits et les pertes tous deux sont des phénomènes sains:
les uns récompensent ceux qui créent des richesses, qui prévoient quels investissements seront utiles,
et les seconds punissent ceux qui détruisent des richesses, qui font des mauvais choix d'investissement.
Taxer les uns pour aider les seconds, c'est décourager la création de richesse
et encourager sa destruction; c'est bénéficier aux grandes banques complices de l'état
qui sauront prendre des risques absurdes et privatiser leurs profits en nationalisant leurs pertes;
c'est forcer des producteurs inefficaces à continuer de détruire des richesses,
de maintenir des travailleurs dans des emplois absurdes (ou pire, des non-emplois)
qui leur sucent la vie et en détruisent le sens.
Bref, c'est appauvrir tout le monde, non seulement matériellement,
mais ce qui est bien pire, spirituellement.
Alors que la concurrence sur un marché libre au contraire, régénère l'homme spirituellement,
lui donnant une boussole qui lui indique comment il peut se servir soi-même en servant l'humanité,
alignant ainsi les incitations dans une plus grande harmonie sociale.
La faillite est saine.
Les socialistes agitent le spectre de la faillite pour justifier le « sauvetage »
de grandes banques et autres entreprises privilégiées;
ce par quoi ils désignent en fait un transfert de fonds volés aux contribuables,
soi-disant « dépense publique », que font les politiciens
pour garnir les comptes en banque de leurs grands amis les plus mauvais gestionnaires.
À écouter les lamentations des socialistes,
on pourrait croire qu'une faillite consiste à fusiller les employés,
dynamiter les usines, abandonner les clients et créanciers,
et faire un bûcher de tout le capital de l'entreprise faillie.
Or, il s'agit tout du contraire:
Dans un système capitaliste, la faillite ne consiste par à détruire les ressources,
mais à les sauver, à les rendre disponibles,
à les enlever des mains incompétentes de leurs dirigeants actuels
pour les confier à de nouveaux dirigeants qui sauront les sauver en leur donnant
de nouvelles directions, créatrices plutôt que destructrices.
Les employés perdent certes leur salaire, mais ils sont aussi libérés
de leur obligation de travailler tous les jours pour cette entreprise contre-productive,
et peuvent ainsi trouver ailleurs un emploi plus productif et donc mieux payé.
De même, les machines, les matières premières, les inventions, les relations clients, etc.,
si elles valent toujours quelque chose, pourront être reprises par de nouveaux entrepreneurs.
Peut-être même une partie des employés pourront-ils continuer de travailler
sur le même projet, s'ils rendent un service utile, contrairement au reste de l'entreprise.
Quant aux créditeurs (y compris les clients non servis), s'ils ne pourront pas être
complètement remboursés (sinon, l'entreprise n'aurait pas à faire faillite),
du moins ils pourront recevoir une compensation partielle d'autant plus importante
que la faillite aura lieu plus tôt, au lieu d'avoir été différée.
C'est au contraire l'intervention de l'état qui, en dépouillant les producteurs
pour alimenter des prédateurs, assure que les ressources immobilisées
par l'entreprise en faillite continueront d'être gâchées,
dans une orgie de destruction.
Plus longtemps l'entreprise en faillite est maintenue dans sa configuration destructrice,
plus s'étendra son passif, plus diminueront les chances d'une reprise favorable
à la préservation des emplois existants ‒
moins des investisseurs voudront s'embarrasser des dettes accumulées,
de l'esprit négatif d'employés qui croient que tout leur est dû
et veulent continuer sans changement une activité condamnée, etc.
Là où une faillite rapide permet une réallocation efficace du capital,
et une préservation d'une fraction productive de l'activité terminée,
une lente agonie prolongée par l'état assure la destruction complète du capital
et la dissolution de l'entreprise tout entière.
Plus les acteurs d'une entreprise en faillite (dirigeants, actionnaires, travailleurs, etc.)
persévèrent dans leur activité improductive,
au lieu de se convertir aux nouvelles activités productives
automatiquement rendues possibles par cette concurrence,
plus ils sont des zombies qui vivotent sans objet aucun.
L'état, quand il intervient pour prolonger une telle agonie,
loin d'aider ni les employeurs, ni les employés, ni les clients, ni les fournisseurs,
ni une économie abstraite désincarnée ne correspondant à aucun des précédents,
ne fait que les maintenir dans cette état sous-humain,
où les employeurs et employés sont privés de la dignité de gagner leur vie
par leur propre activité mais sont transformés en parasites,
où les fournisseurs restent en sursis d'une faillite,
où les clients doivent se satisfaire d'un produit trop cher ou mal adapté.
Une telle intervention n'est que pure destruction.
Notons qu'un homme d'affaires qui ferait un mauvais investissement dans une telle entreprise
aurait lui aussi le même effet délétère ‒ mais il serait puni par la perte de ses capitaux,
et ou bien apprendrait à faire mieux,
ou bien disparaîtrait bientôt du marché pour laisser place à ses meilleurs.
Un homme politique qui prétend « sauver » une entreprise en faillite
fait porter le poids de cette destruction sur les contribuables,
tandis que lui savoure du caviar dans des salons à la mode, aussi aux frais du contribuable
‒ et, rendu populaire par les médias et réélu, continue à détruire de plus belle.
Comme le dit Achille Tournier: « La politique est le seul métier qui se passe
d'apprentissage, sans doute parce que les fautes en sont supportées par d'autres
que par ceux qui les ont commises ».
Un autre spectre agité par les socialistes contre la concurrence
est celui d'un monopole de fait vers lequel tendrait présumément tout marché libre,
comme solution duquel ils proposent ou un monopole de droit,
ou de façon plus subtile mais en fait équivalente, des réglementations écrasantes.
Or, le monopole de droit comme solution à la peur d'un monopole de fait,
c'est encore une fois la certitude du pire comme remède absurde au risque du mal:
car le pire possible imaginable que cette liberté apporterait
(si par quelque anti-miracle la dynamique de concurrence jouait à l'envers)
serait qu'un monopole émerge temporairement, et que la « solution » proposée
consiste précisément à établir de façon permanente cette pire de toutes les résolutions.
Les réglementations sévères n'ont pour effet que d'exclure la concurrence,
d'élever des barrières empêchant les petites entreprises et autres nouveaux venus d'entrer en concurrence,
et de développer des bureaucraties aussi malsaines que puissantes
au sein des entreprises autant que dans les administrations censées les surveiller,
impliquant de vastes déséconomies d'échelle dont le public pâtit.
« Malheureusement, le nom
d'“économiste” a depuis l'époque de Bastiat été largement
(mais pas complètement) volé par des statisticiens étatistes et autres numérologues économétristes,
qui nient les principes de base de l'économie (prétendument
dépassés) pour défendre les interventions violentes de
l'état, jeux à somme négative dont ils sont (ou du moins se
croient) les bénéficiaires. »
On pourrait continuer, et continuer pour longtemps,
pour déconstruire encore et toujours des thèses étatistes farfelues
chaque fois recommencées comme si on n'avait rien prouvé.
Après avoir identifié l'erreur, il est important d'aller au cœur du problème.
Les socialistes chaque fois agitent un épouvantail,
font valoir la peur de l'incertain avec comme remède la certitude du pire;
chaque fois, ils font mousser l'envie contre ceux qui réussissent et
les bas instincts tribaux de ceux qui se vautrent
dans l'incapacité à produire leur subsistance via l'échange volontaire;
chaque fois, ils veulent ne voir la société que comme une lutte, un jeu à somme négative,
et vouent un culte à la violence écrasante comme solution miracle à tous les problèmes;
chaque fois ils n'envisagent le monde qu'à travers une vision émotionnelle statique,
non seulement ignorants de la dynamique causale de l'action humaine,
mais à rebours de toutes les lois de cette dynamique;
chaque fois, ils agitent la main douce par laquelle l'état dispenserait ses bienfaits bien visibles,
et se gardent de montrer la main rude par lequel l'état, subrepticement mais nécessairement,
leur fait dans le noir des misères plus grandes que ces bienfaits, jeu à somme négative oblige;
chaque fois, par un tour de passe-passe ils font croire aux masses ignorantes
qu'elles sont bénéficiaires de l'intervention de l'état, alors même que seule une toute petite minorité
de ces socialistes est effectivement bénéficiaire,
et que la masse des hommes est nécessairement exploitées par cet état.
Du début à la fin, c'est une escroquerie, et toute la logique du monde ne suffira pas à la faire cesser;
à la racine du problème, c'est d'une psychothérapie qu'ont besoin les victimes,
une mise à jour improbable de leur logiciel (voire matériel?) mental.
La peur de l'inconnu,
l'envie du succès d'autrui,
la haine de l'Autre,
la paresse à gagner honnêtement sa vie,
une solution si facile (la force) qu'un enfant la comprendrait,
la propagation de traumatismes violents issus de temps barbares pas encore révolus,
la facilité émotionnelle de se sentir automatiquement dans le camp des gentils,
le confort du conformisme bien-pensant,
le refus de la responsabilité des décisions passées rejetée sur ceux qui ont réussi,
le refus de la responsabilité des décisions futures rejetée sur une entité censément supérieure,
la bassesse de s'aplatir devant une entité censément supérieure,
l'évasion de la difficulté de raisonner,
voilà les ficelles psychologiques sur lesquelles repose le socialisme,
qu'il faut rompre toutes pour libérer chaque individu.
Bien sûr, la plus solide n'est pas la même dans chaque cas,
et certains individus ont noué un nœud si étroit qu'ils ne s'en sortiront jamais.
Citons donc pour conclure Charles Mackay: « Les hommes, a-t-on bien dit, pensent
en meute; on verra qu'ils perdent la raison en meute, mais ne retrouvent leurs
sens que lentement, un par un. »
9. Remontant au moins à Bastiat, l’expression « harmonie des
intérêts » est devenue un leitmotiv de la science économique. Elle ne
laisse pas de susciter le mépris et la moquerie d’un grand nombre de
savants car ils y voient la formulation d’un dogme naïf, niais et
obsolète.
Ludwig von Mises s’exprime en ces termes au sujet de l’harmonie:
« Parce que beaucoup de gens, et même tous, désirent du pain, des
vêtements, des chaussures, et des autos, la production en masse de ces
biens devient réalisable et elle réduit les coûts de production au point
qu'ils deviennent accessibles à peu de frais. (…)
Tel est le sens du théorème de l'harmonie des intérêts bien compris de
tous les membres d'une société de marché. Quand les économistes
classiques ont fait cette affirmation, ils essayaient de souligner deux
points: d'abord, que tout le monde est intéressé au maintien de la
division sociale du travail, système qui multiplie la productivité des
efforts humains. Secondement, que dans la société de marché, la demande
des consommateurs dirige en dernier ressort toutes les activités
productrices. »
Ceci vous paraît-il un bon résumé, exhaustif et complet, du procès de
l’harmonisation des intérêts dans la société de marché? Aimeriez-vous
insister sur certains points éventuels non abordés par cette citation?
Comment expliquer, selon vous, que le théorème de l’harmonie suscite à
ce point la raillerie
et la consternation?
Je partage totalement le point de vue de Bastiat et de Mises sur ce sujet:
l'harmonie des intérêts humains est la condition nécessaire et suffisante
de l'existence de toute société.
Si une société existe, c'est nécessairement que les humains ont dans l'ensemble
un intérêt à coopérer qui dépasse celui à s'affronter.
Si les humains ont plus intérêt à coopérer qu'à s'affronter,
alors ils s'organisent naturellement en société.
Or, par définition même, la coopération, jeu à somme positive,
vaut mieux que l'affrontement, jeu à somme négative ‒
et la possibilité de constamment améliorer cette coopération
est la caractéristique même de l'homme:
le langage qui permet de négocier des accords arbitraires,
le respect de la parole tenue et le Droit
qui permettent de projeter la coopération à travers le temps,
la science qui permet de se mettre d'accord sur des choses mesurables
toujours plus élaborées, etc.,
sont les outils mentaux qui font de l'homme un animal non seulement social, mais méta-social,
capable de redéfinir la société vers toujours plus de coopération ‒
ou, malheureusement, quand il est victime de biais erronés systématiques,
vers de moins en moins de coopération dans les domaines où s'étend l'erreur.
Cette harmonie des intérêts humains n'est donc rien d'autre que le phénomène social même,
considéré sous le point de vue de la dynamique causale,
le point de vue des économistes.
Malheureusement, le nom d'« économiste » a depuis l'époque de Bastiat été largement
(mais pas complètement) volé par des statisticiens étatistes et autres numérologues économétristes,
qui nient les principes de base de l'économie (prétendument dépassés)
pour défendre les interventions violentes de l'état, jeux à somme négative
dont ils sont (ou du moins se croient) les bénéficiaires.
De nos jours, seule l'école économique dite « autrichienne », et divers autres économistes libéraux,
continuent la tradition des économistes classiques,
depuis sa naissance jusqu'à l'invasion des suppôts de l'état au cours du XIXème siècle,
placés dans les nouvelles universités publiques
pour enseigner leur version dévoyée de la science économique.
Quant au second point formalisé par Mises, que Bastiat avant lui défendait inlassablement,
il est une affaire de logique dynamique: de la consommation et de la production,
laquelle est le but de l'autre, laquelle est le moyen de l'autre?
Préféreriez-vous pouvoir consommer sans produire, ou produire sans consommer?
La réponse est évidemment que la production est le moyen de la consommation,
et que les choix qui mènent à dépenser plus d'efforts pour obtenir moins de satisfactions sont absurdes.
Or c'est exactement ce en quoi consistent le protectionnisme,
les subventions aux entreprises en détresse,
l'exclusion de la concurrence sur certains services via prohibitions et « réglementations »,
et en fin de compte, toutes les interventions de l'état sur l'économie.
Bien sûr, les castes dominantes, contrairement à celui de l'ensemble de la société,
bénéficient de ces jeux à somme négative, et donc de leur point de vue,
ces choix et ces interventions mènent à leur obtenir d'immenses satisfactions
pour relativement peu d'efforts ‒
et c'est pourquoi ils font tout pour préserver leur pouvoir,
y compris assommer les victimes par une propagande constante ‒
et tant qu'à faire croire soi-même à cette propagande
qui fait d'eux des gentils plutôt que des méchants,
ce qui est bon à la fois pour tromper les victimes et flatter pour leur propre égo.
Si la société est par essence indissociable d'une harmonie générale des intérêts humains,
l'état à l'opposé est donc indissociable d'un antagonisme irrémédiable
entre dominants vivant de la violence et dominés forcés de leur payer tribut.
Or, il est essentiel à l'état moderne d'utiliser la tromperie comme multiplicateur
d'une force nécessairement moindre que celle du reste de la société s'il pouvait s'organiser;
railler les théories qui expliquent la nature de l'harmonie sociale
et par contraste celle de l'antagonisme politique,
est donc une tâche nécessaire de toute propagande étatiste.
Cet antagonisme politique est au mieux un prix à payer,
un défaut de la structure forcément imparfaite de la coopération humaine,
un reliquat d'époques encore plus barbares que la nôtre,
un mal qui n'a pas encore été résorbé car il n'est pas le sujet le plus urgent,
quand la coopération peut s'améliorer plus vite par le progrès technique que le progrès moral.
Au pire, c'est un parasite dangereux et mortel,
dont l'humanité aura du mal à se débarrasser,
et qui risque de la faire sombrer dans une conflagration mondiale de trop.
Mais aussi destructeur et dangereux soit cet antagonisme,
il reste un phénomène secondaire derrière celui de l'harmonie qui fonde la société
‒
car, menant une existence parasite, il ne peut se nourrir de ce que la société crée,
et ne peut jamais détruire plus qu'il n'a été construit.
Et pourtant, elle tourne: la civilisation est forcément plus créatrice que destructrice;
la plupart des hommes vivent honnêtement et productivement, cependant que seule une minorité
peut vivre de spoliation légale ou illégale.
Du moins le progrès immense effectué en quelques siècles, grandissant toujours plus vite,
est témoin que c'est bien le cas.
La décadence et la chute attendent les sociétés pour lesquelles ce n'est plus le cas
et qui, espérons-le, laisseront la place à des sociétés plus saines;
mais tant que ces sociétés tiennent encore,
c'est que la coopération est un phénomène prépondérant sur l'agression ‒
ou du moins que le capital matériel et moral
accumulé et construit par la coopération des générations passées
n'a pas (encore) été complètement dilapidé ou détruit par le socialisme.
Pour finir, je dirais qu'il n'y a bien sûr pas de résumé exhaustif ni complet du phénomène social,
ni donc des controverses à son sujet.
La société consiste en l'interaction de milliards d'individus,
alors que « tous » les détails du comportement ne serait-ce que d'un seul individu,
si même il était possible de tous les mesurer simultanément les sans modifier,
dépasse et de loin non seulement l'entendement d'aucun individu,
mais aussi celui de tous ces individus mis ensembles,
cet entendement étant un petit sous-ensemble des mêmes détails qu'il lui faudrait prendre en compte.
Il est impossible de représenter fidèlement tous ces détails, encore moins les comprendre.
La formation de concepts synthétiques et abstraits est donc une nécessité
de toute science sociale, voire de toute science en général.
Mais là se trouve aussi l'occasion d'une erreur essentielle,
celle de prétendre que certains concepts abstraits ont une vie propre
par-delà la description des phénomènes qu'ils résument et en contradiction avec ces phénomènes.
C'est l'animisme, la volonté de voire une « âme », une intention, un « plus »
qui ne soit pas une propriété intrinsèque des phénomènes sous-jacents étudiés,
mais une cause extrinsèque venue d'un « en haut » sacré.
Alors que les libéraux comprennent que l'ordre social émerge
des comportements individuels, les socialistes et autres étatistes
veulent personnifier un « tout » préexistant indépendamment duquel dériverait l'ordre.
Cette pensée magique leur dispense d'étudier la réalité de l'action humaine comme une science,
et leur fait concevoir le monde comme un argile malléable
soumis à la volonté arbitraire d'un pouvoir venu d'en haut
dont les détenteurs ne seraient que les messagers de l'entité collective prétendue.
Sur la notion d'émergence d'ordre abstraits élaborés
à partir de comportements individuels élémentaires plus simples,
outre les classiques libéraux,
on pourra lire les très beaux livres de Douglas Hofstadter et de Daniel C. Dennett,
qui expliquent l'émergence de l'intelligence à partir de comportements neuronaux plus simples,
combien même les auteurs sont paradoxalement de tendance socialiste eux-mêmes
(par tribalisme d'universitaires?)
n'ayant pas su appliquer leurs concepts à l'échelle d'une économie.
Hofstadter comprend que des forces fondamentales de la physique, aux particules élémentaires,
aux atomes, aux molécules, à la biochimie, à l'organisation cellulaire,
à l'interaction entre neurones, à des activités correspondant à des sensations élémentaires,
à des idées concrètes ou abstraites, à des enchaînements d'idées,
à des pensées abstraites, à des raisonnements qui manipulent et comparent ces pensées, etc.,
il y a à chaque fois des niveaux d'abstraction qui ne peuvent ni contredire les niveaux plus bas,
ni même apporter des informations supplémentaires à celles représentées pas ces niveaux plus bas.
De même, les meilleurs informaticiens comprennent l'architecture
des ordinateurs numériques,
du transistor, à la porte logique, au microprocesseur, à la convention
d'appel des registres,
à la machine virtuelle d'un langage de programmation, à la sémantique
formelle de ce langage,
à la sémantique de l'application écrite dans ce langage,
au programme tel qu'écrit par le programmeur dans le langage source,
au programme tel que conçu dans un langage dédié effectif ou conceptuel,
à l'interaction avec l'utilisateur,
aux activités humaines dont cette interaction participe;
et ils voient que chaque niveau est une abstraction des niveaux plus bas
et une implémentation des niveaux plus hauts, sans qu'à aucun moment
il ne puisse possiblement y avoir de contradiction entre niveaux
différents
‒ même s'il peut y avoir contradiction entre ce que l'auteur voulait
faire
et ce qui a été réalisé, lequel bogue se propage vers les niveaux
supérieurs qui
du coup ne correspondent plus non plus à ce qu'ils prétendaient être,
étant basés sur une carte qui ne décrit pas fidèlement le territoire.
(Dijkstra remarque que les informaticiens sont uniques
dans le nombre de niveaux d'abstraction différents mais ainsi liés les
uns aux autres
qu'ils manipulent au cours d'un même projet;
cela devrait les aider à comprendre le concept d'émergence.
Par contre, ce qui ne les aide pas à comprendre ce concept, leurs
niveaux d'abstraction sont des objets rigides plutôt que des concepts
fluides,
ce qui les rend à la fois plus expressifs et plus fragiles.)
Un économiste authentique de même verra que la société émerge des actions individuelles,
et qu'il n'y a pas de force supérieure magique extérieure à la société qui fait régner l'ordre,
seulement des forces internes à cette société;
et qu'aucun phénomène ne peux apporter un « plus » qui viole les principes des phénomènes sous-jacents,
ces phénomènes-là étant constitutifs de celui-ci.
Ainsi les biens réels hommes de l'état, qui vivent d'employer la force ou de menacer de l'employer,
n'ont pas d'effet magiquement positif quand chaque élément de violence mis en œuvre a un effet négatif.
Non seulement ils ne sont ni supérieurs ni extérieurs,
ils sont véritablement la lie de la société, des sociopathes sans scrupules,
et qui introduisent non pas l'ordre mais le désordre.
L'ordre, le vrai, naît de l'harmonie des intérêts des hommes à coopérer entre eux
dans des jeux à somme positive.
Par François-René Rideau,
Via QL, propos recueillis par Grégoire Canlorbe
D) Entretien avec François-René Rideau
sur l'égalitarisme, le socialisme et la démocratie
10. On entend
souvent dire que la division du travail, au fur et à mesure qu’elle
gagne du terrain, implique l’accroissement des inégalités sociales. Les
riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres deviennent de
plus en plus pauvres, au point qu’une nouvelle aristocratie voit le
jour: l’aristocratie des capitaines d’industrie, des actionnaires et des
banquiers.
Ce point de vue était notamment défendu par Tocqueville. Je lui laisse
la parole:
« À mesure que le principe de la division du travail reçoit
une application plus complète, l'ouvrier devient plus faible, plus borné
et plus dépendant. L'art fait des progrès, l'artisan rétrograde. D'un
autre côté, à mesure qu'il se découvre plus manifestement que les
produits d'une industrie sont d'autant plus parfaits et d'autant moins
chers que la manufacture est plus vaste et le capital plus grand, des
hommes très riches et très éclairés se présentent pour exploiter des
industries qui, jusque-là, avaient été livrées à des artisans ignorants
ou malaisés. Ainsi donc, dans le même temps que la science industrielle
abaisse sans cesse la classe des ouvriers, elle élève celle des maîtres.
Qu'est-ce ceci, sinon de l'aristocratie? L’aristocratie manufacturière
de nos jours, après avoir appauvri et abruti les hommes dont elle se
sert, les livre en temps de crise à la charité publique pour les
nourrir. » (De la Démocratie en Amérique, Tome II, deuxième partie, chapitre 20.)
Que vous inspirent ces propos de Tocqueville?
La première remarque que ces propos m'inspirent est que
le culte que certains libéraux font à Tocqueville est tout à fait exagéré.
Si Tocqueville avait effectivement le goût de la liberté,
et si sa finesse d'esprit lui a permis à la fois de voir et d'exprimer
certaines choses que d'autres n'ont pas su voir et dire avant lui,
il n'était décidément pas un libéral très conséquent ni très érudit.
C'est donc un auteur sympathique et éclairant, mais certes pas
une autorité d'aucune sorte ni un modèle à suivre,
et surtout pas pour ses théories, qui ne valent pas grand-chose,
contrairement à ses observations, qui elles valent beaucoup.
Il n'en est donc pas un porte-parole des idées libérales,
qu'il n'a d'ailleurs jamais prétendu être.
Que d'aucuns ne trouvent pas d'étendard meilleur que lui
en dit plus sur la pauvreté d'esprit de ceux-là que rien sur Tocqueville,
auteur méritant d'être lu, même si avec une pincée de sel.
S'il faut un porte-parole du libéralisme en France à la moitié du XIXème siècle,
prenons plutôt Bastiat à la place, homme à la fois de plume et d'action,
qui a non seulement une compréhension profonde des principes
mais aussi un verbe clair agrémenté d'un brin d'humour.
Quant à la substance du débat, il en reste trois points:
d'une part une exhortation à l'égalité,
revendication socialiste par excellence, et aussi absurde que tout le socialisme;
d'autre part l'affirmation socialiste non moins typique et absurde
que la liberté économique aboutirait à rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres;
enfin, une dénonciation d'une soi-disant « aristocratie » économique
par analogie avec le pouvoir effectivement néfaste de la ci-devant aristocratie politique.
Réglons son compte à l'égalitarisme
J'ai écrit plusieurs articles
sur le sujet de l'égalité, ce miroir aux alouettes absurde,
corruption de la justice par un émotionnalisme envieux:
dans « Universalité et non pas
"égalité" »,
je démonte le faux concept de soi-disant égalité des droits,
qui n'est qu'un prétexte pour justifier le pouvoir arbitraire des puissants,
et je le remplace par le vrai concept d'universalité du Droit naturel;
dans
« John Rawls, ou le socialisme diabolique »,
je démonte les escroqueries intellectuelles
du soi-disant plus brillant philosophe égalitariste du XXème siècle,
en fait filou soviétoïde tendance NEP, un
socialiste cupide;
et dans « Socialist Fable » (en anglais),
je dénonce son successeur nobélisé le tout aussi totalitaire bon teint
Amartya Sen.
Il est décidément facile de faire de la propagande socialiste
quand on est riche à millions dans une tour d'ivoire.
Sauvons d'abord ce qui peut et doit être sauvé.
François Guillaumat a systématisé cette idée de sauver les concepts:
identifier ce qui, dans une escroquerie intellectuelle, est l'hameçon de vérité,
par lequel les victimes se laissent attraper, et par lequel elles peuvent être rescapées;
le bébé à ne pas jeter avec l'eau du bain – ou plutôt, avec l'eau du marais et ses alligators.
En effet, si vous n'offrez pas de planche de salut à ceux dont vous dénoncez les idées criminelles,
si en acceptant vos explications, ils n'avaient d'autre recours que de s'identifier soi-même
à des criminels ou à des idiots, alors, ils ne feront que s'attacher davantage à leurs idées délétères;
ils préféreront ignorer vos arguments, se réfugier dans
l'identification tribale à leur Nous, supposé camp du bien,
et vous rejeter par un anathème dans l'Autre, maudit camp du mal.
Si au contraire, vous expliquez quel est ce point de départ positif que vous reconnaissez à l'autre,
ce fond honnête sur lequel reposent leurs opinions,
et expliquez comment ce fond a été corrompu, travesti, parasité par une idéologie criminelle;
si vous accordez à votre interlocuteur le statut de victime honnête plutôt que d'escroc malhonnête;
si vous leur permettez de conserver et respecter tout l'engagement émotionnel qu'ils ont eu
en l'ancrant dans ce cœur conceptuel valide;
si vous leur permettez de rediriger cette énergie positive,
du piège mortel où l'a détourné le parasite mental du socialisme
vers la vie que leur offre le libéralisme;
alors ils pourront, plus facilement, vous écouter, et rentrer dans le droit chemin.
François Guillaumat préfixera donc systématiquement du mot pseudo-
le concept faussé par le socialisme;
et il utilise le mot sans préfixe, ou parfois qualifié de vrai,
pour préciser le concept sauvé.
On pourrait même parler de pseudo-socialisme, si on voulait prendre la peine de sauver
ce qu'il y a à sauver dans le socialisme;
mais vu que le mot n'est jamais employé que dans un sens déjà corrompu,
dont il n'y a pas grand-chose à sauver, nous laisserons (pour l'instant) cette tâche à d'autres.
Ainsi, derrière le pseudo-concept d'égalité, il y a un cœur de concept valide;
je peux même identifier deux concepts valables,
tous deux effectivement rattachés à la notion de justice,
qui sont confondus et dénaturés dans le pseudo-concept d'égalité.
Il y a d'une part le concept d'universalité du droit,
et d'autre part le concept d'équité dans la distribution de gains ou de pertes.
Je ne m'attarderai pas longtemps sur le concept généralement accepté
quoique rarement bien compris d'universalité du droit.
Je l'ai déjà discuté dans mon article
« Universalité et non pas
"égalité" ».
Mais dirai quelques mots sur la façon dont il est dénaturé.
L'universalité du droit, c'est le méta-principe selon lequel
le droit se fonde sur des principes universels
qui s'appliquent en tout temps, en tout lieu et pour toute personnes.
En fait, ce n'est rien d'autre que le principe selon lequel la justice se fonde sur la raison
et la reconnaissance que les arguments ad hoc sont fallacieux.
La justice c'est la paix.
Dans une discussion pour déterminer un accommodement qui satisfera les parties en présence
(ou du moins qui ralliera derrière lui ceux qui sinon s'allieraient à l'une des parties en conflit)
seuls les arguments rationnels sont des outils pacifiques à même de ramener la paix.
En dehors de la raison, il ne reste que la force et la tromperie,
qui sont la guerre, donc le contraire même de la paix qui est
l'objet de la justice.
La soi-disant « égalité en droit » est un faux concept, car le droit consiste précisément
à arbitrer des différends entre deux parties différentes
qui ne sont par hypothèse jamais égales et surtout pas interchangeables;
si les deux parties étaient égales, le sort du procès serait indifférent
et on le réglerait plus vite aux dés que devant une cour.
Les hommes sont partout différents, mais la raison, et donc le droit,
est partout la même – c'est le droit qui est égal à lui-même.
L'expression « égalité en droit » est une façon au mieux fort maladroite,
et trop souvent délibérément trompeuse, d'invoquer le principe d'universalité du droit,
et de le subvertir comme faux prétexte à l'égalitarisme.
L'autre concept dénaturé par les égalitaristes est celui d'équité:
dans une négociation, dans l'arbitrage d'un différend,
quand il s'agit de distribuer de gains ou autres biens disputés entre plusieurs parties,
la solution juste est de les répartir en proportion des titres
légitimement revendiqués, mesurés et reconnus de part et d'autre.
Or, en l'absence partielle ou totale de tels titres,
ou d'autre aulne mutuellement accepté proportionnellement auquel établir les parts,
on pourra arbitrairement décréter comme égales les parts du résidu.
Cette égalité des parts peut alors se justifier comme point de Schelling
sur lequel fonder un équilibre pacifique; et celui qui voudrait sans justification
s'écarter de cet équilibre se frotterait à la résistance légitime des autres parties.
Mais notons bien qu'alors cette égalité des parts n'est pas
un principe qui s'impose par-dessus toute autre considération;
c'est au contraire une position de repli, un principe par défaut,
qui ne se substitue pas aux autres critères de partage, et ne les éclipse pas,
mais fournit un ultime moyen de départage en leur absence.
Elle ne vaut que quand toutes les autres revendications ont été prises en compte,
qu'après avoir épuisé tout autre principe, que dans l'ignorance de facteurs supplémentaires,
que dans la présomption d'invalidité des revendications ou accusations qui n'auront pas été établies.
C'est pourquoi dans un différend entre un voleur et sa victime,
il ne viendrait pas l'idée d'accorder la moitié du butin au voleur,
et ne rendre que la moitié à la victime.
Entre le propriétaire innocent et le plaintif malveillant qui voudrait utiliser la force publique
pour le dépouiller à coup d'accusations frauduleuses, on ne récompense pas systématiquement
le calomniateur à chaque fois à hauteur de la moitié des sommes qu'il revendique.
Dans la répartition de gains entre associés, il ne viendrait pas l'idée de donner autant à chacun,
quand certains ont contribué beaucoup et d'autres presque rien.
Dans une transaction commerciale déjà conclue,
il ne viendrait pas l'idée de revenir sur le prix mutuellement accepté
pour déterminer le profit (ou la perte) que chacun aurait fait dans la transaction
et partager ce profit (ou cette perte) en deux.
Dans son œuvre empoisonnée
dont j'ai analysé les grandes lignes,
le pseudo-libéral Rawls invoque fameusement un « voile d'ignorance »
comme un tour de passe-passe pour renverser l'ordre de priorité entre critères de justice:
il invite le lecteur à s'imaginer en philosophe-dieu devant choisir la répartition
des biens et des jouissances entre membres d'une société, avant de s'y incarner
« au hasard »,
mais avec une distribution de hasard que Rawls focalise autour du sort plus mal loti.
Acceptons un instant comme exercice la prémisse contrefactuelle
que Rawls ou ses lecteurs aient des pouvoirs divins ou puissent sérieusement se l'imaginer;
mettons momentanément de côté le tour proprement diabolique (que j'ai examiné ailleurs)
par lequel tous sont projetés sur le cas le pire,
permettant au diable de gagner à tous les coups plutôt que de ne jouer qu'une seule fois.
Oublions l'arbitraire total par lequel l'intellectuel aux bottes du pouvoir définit à son gré
qui fera ou ne fera pas partie de l'ensemble des plus mal lotis,
et quelles interventions justifier en leur nom.
Il reste encore l'escroquerie intellectuelle de vouloir forcer un choix dans des décisions de justice
dans l'ignorance volontaire de toutes les circonstances particulières
qui sont censées informer la décision!
Pour autant que le philosophe-dieu dusse choisir à l'avance d'une règle de décision,
la solution évidente est que cette règle consistera à examiner les faits particuliers
disponibles au moment du choix final plutôt que d'en faire abstraction.
(Un informaticien dira que la décision sera calculée dynamiquement au moment de l'exécution,
plutôt que d'être une constante décidée statiquement au moment de la compilation.
Un logicien prendra soin de ne pas inverser l'ordre de quanteurs existentiels et universels
du moins sans remplacer les symboles existentiels par des fonctions de Skolemisation.)
S'il fallait prendre l'argument général de Rawls au sérieux – que le premier philosophe venu
peut décider arbitrairement quelle information est ou n'est pas utilisable
par un juge dans une décision d'importance vitale –,
on pourrait tout autant exiger d'un docteur qu'ils recommande un traitement
sans rien savoir du patient,
ou d'un guide qu'il choisisse le chemin à prendre sans savoir ni où il est ni où il va.
Et en choisissant d'avance de façon toute aussi arbitraire quelle autre information un philosophe-dieu
pourrait ou ne pourrait pas utiliser pour prendre des décisions,
on pourrait éliminer toute information cruciale que l'on voudra;
mais notons que cela ne pourra jamais favoriser que les coupables et imméritants
au détriment des innocents et des méritants.
Rawls veut rendre interchangeable le coupable et l'innocent, l'agresseur et la victime,
le travailleur et le paresseux, le chercheur (ou chasseur) qui trouve et celui qui rentre bredouille,
etc.
Derrière les tours de prestidigitation intellectuelle,
tout cela n'est en fin de compte qu'un prétexte pour subvertir les principes de toute justice,
et draper l'injustice du nom de justice.
Ayn Rand écrit « il n'y a rien de si injuste que de donner ce qui n'est pas mérité »
–
c'est d'ailleurs la définition même de l'injustice.
J'ajouterai que le pseudo-concept d'égalité est typique de la pré-pensée statique:
échec à se projeter dans le temps, ce pseudo-concept d'égalité
est en fait d'une iniquité grotesque quand on examine ses effets
intergénérationnels.
Considérer à chaque instant que tous les humains vivants sont égaux,
malgré la diversité flagrante de leurs comportements et de leurs résultats,
c'est donner un poids disproportionné
aux familles de ceux qui se reproduisent de façon irresponsable et que d'autres devront nourrir,
aux dépens de ceux qui travaillent et ne se reproduisent qu'ayant assuré l'avenir de leur progéniture.
Sans que les prudents aient rien fait pour démériter,
et sans que les imprudents et impudents aient rien fait pour rien mériter,
voilà que les plus responsables se retrouvent à devoir travailler à jamais pour les plus irresponsables.
Outre l'injustice flagrante, on voit aussi l'effet dysgénique délétère d'une telle politique
qui, de génération en génération, favorise chaque fois les plus irresponsables.
En termes techniques, le socialisme promeut la r-stratégie
de ceux qui se reproduisent le plus vite possible comme des lapins,
qui plus est aux frais d'autrui comme des coucous,
et pénalise la K-stratégie
de ceux qui visent pour leur progéniture et pour l'humanité la qualité plutôt que la quantité.
Ainsi, là où règne le socialisme, les producteurs effectifs se retrouvent proprement cocus,
au profit d'une nouvelle caste de parasites.
Notons que même en niant l'évidence que tous ne sont pas aussi productifs que les autres,
ou la justice de ne pas leur voler les fruits de leur travail,
il reste que ceux qui sont plus frugaux ou plus prévoyants, qui consomment moins aujourd'hui,
se voient dénier le droit de consommer plus tard les fruits de leur travail,
que d'autres consomment aujourd'hui et font des enfants pour consommer demain.
Dans la logique socialiste, les frugaux forfont leurs droits à consommer
au nom de les empêcher de posséder individuellement quel capital que ce soit.
Or, bien sûr, il faut un aveuglement volontaire singulier pour ignorer
que tous ne sont pas aussi productifs.
Ceux qui ont individuellement ou collectivement inventé, construit et utilisé
des machines ou des techniques d'organisation qui permettent à un homme seul ou un groupe d'hommes
de faire ce que des centaines de fois plus d'hommes faisaient auparavant (ou étaient incapables de faire)
sont évidemment des centaines de fois plus productifs que ceux qui,
par paresse, abrutissement, manque de vision, ou à cause de l'oppression qui leur est imposée,
n'ont pas su ou pas pu créer ces machines, et continuent d'œuvrer à l'ancienne.
Les créateurs de ces outils manuels mêmes sont plus productifs que ceux utilisant
des outils plus primitifs voire pas d'outil.
Les machines, les techniques d'organisation, sont un capital,
qui a dû être créé par des individus plus prévoyants et meilleurs dans leurs prédictions
que ceux qui ont failli à les créer, voire ont consommé tout ce qu'ils possédaient;
et le travail sauvé par ce capital est libéré pour être mieux employé
ailleurs,
enrichissant ainsi l'humanité.
Mais les socialistes veulent dépouiller les créateurs et les prévoyants de tout capital,
par haine de tout capital individuel, par rage de tout collectiviser.
Les socialistes veulent ignorer que leur monopolisation « nationale » du capital
(tout socialiste est un socialiste national)
non seulement détruira l'incitation à innover de façon productive
(tandis qu'elle créera une incitation à l'innovation dans le parasitisme)
mais aussi détruira les moyens de comparer les diverses innovations
pour déterminer objectivement lesquelles sont bonnes
(il n'y en aura dans les activités officielles au plus qu'une innovation, celle imposée par l'état,
et elle sera le fruit de l'arbitraire subjectif des puissants).
Même au niveau « collectif », les socialistes internationaux voudront punir
ces nations qui sont les plus productives et innovantes pour les sacrifier
à celles qui se vautrent dans des comportements improductifs,
dans l'arriération, la superstition, et surtout dans la tyrannie – en un mot, dans la barbarie.
Ils auront aussi la haine des entreprises multinationales qui apportent
leurs capitaux matériels et leurs comportements productifs aux pays pauvres,
au nom de la préservation des techniques productives arriérées de ces pays
ou au nom d'interdire à tout autre qu'à l'état (d'ordures) corrompu de ces pays
l'initiative d'améliorer quoi que ce soit dans les méthodes de production.
Les socialistes sacrifient donc tout progrès matériel et moral
à leur culte religieux de l'égalité –
culte que le fondateur du socialisme moderne,
Pierre Leroux, revendiquait d'ailleurs ouvertement et fièrement.
« Selon un mensonge sans cesse répété, la liberté rendrait
les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.
Apparemment, le matraquage intellectuel marche,
puisque cette affirmation fait figure de poncif jamais mis en cause,
alors même que la moindre examination honnête suffit à en déterminer l'absurdité. »
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Le socialisme mène donc directement à la fois au sacrifice inique
des plus travailleurs, des plus productifs, des plus responsables, des
plus moraux, des plus frugaux,
mais aussi à la promotion d'une idiocratie, peuplée de dépravés, de
parasites,
d'irresponsables, des plus vicieux, des plus dépensiers
– jusqu'à ce que la société ou la planète s'écroule
du fait de sa déchéance morale, les successeurs dégénérés
étant incapables de faire fonctionner les institutions de la société
que leur a légué leurs aînés.
Or, pour reprendre le mot de Margaret Thatcher, « le problème avec le
socialisme c'est qu'il vient inévitablement à bout d'argent des
autres »;
ne pouvant alors continuer leur parasitisme effréné,
les parasites socialistes bientôt s'entre-déchirent violemment
pour se partager les lambeaux de la civilisation léguée par leurs meilleurs
qu'ils contribuent chaque jour à détruire.
Bien sûr, les socialistes nieront que la théorie de l'évolution s'applique à l'espèce humaine.
L'évolution selon eux ce serait magiquement arrêtée il y a quelques milliers d'années,
simultanément sur toute la planète, pour la seule espèce humaine,
du moins pour tout ce qui influence la cognition, le sens moral et la valeur personnelle.
Ils nieront d'ailleurs cette évolution pour tout caractère héritable,
qu'il soit d'origine génétique, ou reproduit et transmis après la naissance,
ou une combinaison des deux:
tout capital humain est pour eux une injure à l'Égalité, leur idole assoiffée de sang.
Ainsi d'aucuns comme Bourdieu dénonceront-ils comme un scandale la « reproduction des élites »,
le fait qu'une famille puisse léguer d'une génération,
la soif du travail et des études,
la connaissance de matières étudiées ou les ficelles de divers métiers,
la discipline sur soi-même ou les bonnes habitudes commerciales,
un carnet d'adresses renseignant sur quelles sont les bonnes personnes fiables,
ou le capital confiance que ces personnes auront envers vous, etc.
Leur haine de possession personnelle de capital s'étend donc
non seulement au capital matériel, mais aussi à tout capital humain.
Les socialistes nieront donc contre toute évidence la moindre différence existant entre êtres humains
et, s'ils sont obligés de la reconnaître, la dénonceront
comme un scandale qu'il faut abolir par la force suprême de l'état.
Leur hypothèse aussi bien que leur idéal est que les humains sont ou doivent être
des unités interchangeables, dénuées de valeur morale individuelle,
simples machines à obéir et à jouir;
et ils sont toujours prompts à sacrifier la jouissance à l'obéissance,
l'individu devant s'effacer devant un collectif sans cesse glorifié,
qui n'est que la marionnette à travers laquelle s'expriment les désirs des puissants
auxquels les socialistes s'identifient à raison ou à tort
(selon qu'ils soient caves
ou Affranchis).
Les socialistes sont incapables de supporter le poids de la morale individuelle
qui s'étend à toute action humaine;
ils veulent diviser cette action entre des actes de « production » et de « consommation »
qui, pour eux, sont ou doivent être matériels et mécaniques,
sans décision aucune, sans implication morale ni conséquence morale,
et sans relation les premiers aux seconds.
Au contraire, pour un libéral, la charge morale n'est que l'autre face inséparable de la liberté,
et les choix individuels que chacun fait dans cette liberté sont la vie même;
« production » et « consommation » ne sont pas des activités séparées ni séparables,
mais participent de la même action humaine,
se disputent les mêmes ressources à commencer par le temps de vie humain,
partagent les mêmes satisfactions à commencer par le sens que l'homme donne à sa vie,
et sont nécessairement liées les unes aux autres.
Les socialistes endurcis,
s'ils n'arrivent plus à nier l'existence du dysgénisme inhérent à leur système,
opteront pour toujours davantage de totalitarisme comme « solution »
aux problèmes posés par leurs interventions oppressives précédentes;
en l'occurrence, ils proposeront d'établir un totalitarisme reproductif
(comme ils en ont établi un en Chine depuis les années 1970):
non seulement leur état devra rationner strictement toutes les consommations
pour donner ou bien strictement « les mêmes » à tous (malgré leurs besoins différents),
ou des paquets strictement « égaux » selon quelques critères mystérieux
(les membres du parti restant bien sûr
« plus égaux que
les autres »);
mais encore leur état devra aussi décider qui aura combien d'enfants.
Si on les laisse imposer sérieusement l'égalitarisme intergénérationnel,
ils décideront aussi qui aura ces enfants avec qui et à quel âge;
les bureaucrates devront décider quels gènes devront être transmis et quels gènes éteints.
Ce totalitarisme se fera ou bien au nom de l'eugénisme
(qui a mauvaise presse ces temps-ci, après la défaite du socialisme raciste allemand),
ou bien au nom de la préservation d'un statu quo
supposé magiquement optimal, à préserver à jamais,
en tout cas au nom d'une « égalité » mystique
et d'un « progrès » non moins mythique vers un « avenir radieux ».
Enfin, les socialistes les plus fanatiques présenteront ouvertement l'irresponsabilité
comme un idéal à revendiquer, dans leur renversement habituel de toute valeur morale;
ils nieront l'existence même de ressources économiques limitées,
ce qui ne les empêchera pas de prétendre simultanément
que les ressources de la nature sont taboues et qu'il faut en prohiber l'usage par l'homme;
certains se diront même fiers d'êtres des parasites et mépriseront ouvertement tout travail productif,
tout en exigeant du reste de la société qu'elle continue d'alimenter leur train de vie.
Si des socialistes osent jamais reconnaître des différences entre individus
quant aux valeurs morales et à la valeur morale,
ce sera tantôt pour se prétendre eux-mêmes dignes de régner car supérieurs,
tantôt comme une injustice qu'il faut extirper par la force,
en faisant rentrer tous les hommes dans un carcan
qui gommera toute individualité entre eux en toute matière morale.
Alors, les socialistes vont-ils réglementer la reproduction
pour figer les gênes dans leur répartition actuelle?
Devront-ils cloner ceux qui seraient morts prématurément
pour préserver l'équilibre sacré du statu quo?
Vont-ils instaurer un contrôle totalitaire des naissances,
de qui épouse qui et se reproduit quand, pour « égaliser » de force
le « taux de fécondité » entre tous les individus et/ou tous les gènes?
Notons que le fameux taux de fécondité, dont les statisticiens étatistes
raffolent,
est une statistique imbécile qui ne renseigne aucunement sur l'évolution de la population;
en effet, la croissance de la population dépend tout aussi crucialement de la vitesse de reproduction:
comparez donc la croissance de la population à un même taux de fécondité de trois enfants par femme,
dans un cas où elles se reproduisent en moyenne tous les trente ans
ou dans celui où elles se reproduisent en moyenne tous les vingt ans.
Entre les membres productifs de la société qui ne se reproduisent pas,
et les parasites professionnels qui font des dizaines d'enfants,
le dysgénisme socialiste programmé dans les pays occidentaux
les transformeront bientôt en Idiocratie.
Notons que contrairement à ce que croient certains socialistes « nationaux »
dans leur conception tribale, ce parasitisme n'est pas un problème d'immigration en soi:
l'immigration ne fait qu'amplifier le phénomène dysgénique inhérent au socialisme;
les migrants étant tous à la marge et particulièrement sensibles aux incitations
seront en moyenne plus parasites que les locaux dans un pays socialiste;
dans un pays libéral, au contraire, ils tendront à être plus productifs en moyenne que les locaux.
Chaque pays a l'immigration qu'il mérite.
« Lutter contre l'immigration » ne fera donc que laisser les coudées franches au socialisme
pour qu'il continue à détruire le pays, peut-être plus lentement,
cependant que seul « guérir du socialisme » pourra non seulement arrêter la ruine,
mais aussi l'inverser, auquel cas l'immigration devient un atout.
D'un point de vue de la dynamique multigénérationnelle,
l'égalitarisme est donc un concept absurde,
qui n'est prétexte qu'au génocide statistique des populations et gènes portant la civilisation,
et leur remplacement en quelques générations par des populations et gènes portant la barbarie.
Notons qu'un « génocide statistique », en tant que tel,
n'est pas un mal que l'on peut reprocher au socialisme:
le remplacement de populations relativement inadaptées par des populations plus adaptées
est l'essence même de tout phénomène d'évolution par sélection, tel que mis en évidence par Darwin.
La sélection existe de toute façon, c'est un fait de la nature que rien ne changera.
Non, le reproche à faire au socialisme n'est pas l'existence de la sélection,
mais l'effet proprement diabolique du socialisme sur le critère de sélection:
c'est le jeu à somme négative généralisé qui gangrène toute la société,
la polarisation de toute interaction sociale en terme de « lutte »,
la guerre de tous contre tous, la violence permanente et universelle,
la récompense aux comportements proprement antisociaux,
la négation systématique du seul principe à même d'arrêter les conflits, le droit de propriété.
Les conséquences statistiques à long terme ne sont
qu'une façon d'appréhender clairement le mal déversé sur le monde,
en terme de ses conséquences nécessaires prévisibles à grande échelle.
Le socialisme n'empêche pas magiquement la sélection darwinienne,
mais ne fait que l'orienter vers la sélection d'une population
de parasites éhontés et d'esclaves sans espoir,
de brutes dénuées d'âme et de pleutres sans initiative,
de petits chefs mesquins et de moutons tantôt obéissants tantôt tricheurs,
d'inquisiteurs démoniaques de la pensée unique et de menteurs hypocrites de la double-pensée,
de pseudo-idéalistes insouciants des conséquences de leurs idées
et de calculateurs sans scrupules incapables de compassion.
La vision d'un monde sans pitié que les socialistes projettent sur le capitalisme,
n'est en fait que la noirceur du monde intérieur de ces socialistes –
et cette noirceur, ils la réalisent et la propagent partout autour d'eux
dès qu'ils ont la moindre once de pouvoir.
Une fois que l'on a pris conscience de la monstruosité au cœur du socialisme,
on se rend compte que l'oppression voire l'extermination pure et simple des opposants
par les très nombreux socialistes qui sont arrivés au pouvoir
n'est pas une aberration contre-nature,
mais le prolongement naturel de cette philosophie.
Les socialistes pressés de trouver des résultats plus rapides
que via un génocide seulement « statistique » par déni systématique de reproduction,
en arrivent au génocide violent.
L'extermination a ainsi été prônée aussi bien par Marx pour les juifs, par Engels pour les slaves,
ou par George Bernard Shaw (avec un gaz « humanitaire ») pour tous les « impropres » aux socialisme, etc.
Quand ces exterminations sont effectivement réalisées par les terroristes jacobins,
par leurs émules Lénine, Staline, Hitler, Mao, Pol Pot, et autres grands chefs socialistes,
ce n'est pas une trahison du socialisme,
mais sa forme la plus pure et la plus directe – du premier jour où ils ont eu le pouvoir.
Les socialistes conséquents vouent une haine tenace à la civilisation
et à ses vertus pacifiques qu'ils accusent d'être « bourgeoises »,
voire « racistes » ou « patriarchiques » ou des symptômes d'un privilège.
Il veulent sans cesse les éradiquer et créer par la terreur et par la propagande
un « homme nouveau », un homo sovieticus, plus « pur »,
dénué de tout individualisme ou toute individualité,
et qui sera ainsi adapté à leurs utopies collectivistes.
Mais c'est la nature humaine même qu'ils veulent extirper
et, en fait, ils ne peuvent pas l'éliminer, seulement la corrompre;
le socialisme n'est pas fait pour l'homme réel,
ni d'ailleurs pour aucun homme digne de ce nom.
Fort heureusement, la plupart des socialistes ne sont pas conséquents
et n'osent pas aller jusqu'à cette conclusion logique du socialisme
– ils se contentent de promouvoir les aspects qui sont
dans leur intérêt personnel ou tribal, tel qu'ils le perçoivent;
le collectivisme et l'anti-individualisme ne sont que des prétextes pour écraser autrui
et se faire mousser soi-même – hypocrisie continuelle des socialistes « modérés ».
Ainsi, ils sont prompts à demander impôts, contrôle bureaucratique et oppression policière pour les autres,
ceux qui sont loin de leur cercle de connaissance ou de leur affiliation tribale;
et ils sont prompts à demander subventions, liberté d'action et protection policière pour eux-mêmes.
Mais c'est un jeu de dupes, à somme négative où ils sont tous perdants ou presque:
seule la classe dirigeante s'en sort, et elle s'en sort très très bien
– elle dupe ses victimes en leur faisant croire qu'ils sont exploiteurs,
alors qu'ils sont doublement exploités, une fois matériellement, en les dépouillant et les opprimant,
et une fois spirituellement, en leur faisant croire qu'ils sont élevés par l'état (de socialauds)
alors qu'en fait ils sont corrompus jusque dans leur âme, en cultivant leurs penchants les plus vils.
L'égoïsme dont ces socialistes font preuve à l'intérieur de leur cercle égoïste élargi
est en général proportionnel à la violence qu'ils proposent d'infliger à ceux au-delà:
plus l'image qu'ils ont d'eux-mêmes est noire, celle d'un profiteur mesquin et partial,
plus celle qu'ils ont d'autrui l'est, et réciproquement.
C'est en fin de compte de l'image dans leur propre miroir qu'ils ont peur.
Ainsi, les faux bons sentiments théoriques du socialisme
ne sont en pratique que la peur névrotique de l'Autre, autant que celle de Soi-Même:
une peur de la liberté, un refus de la responsabilité, une envie de la propriété,
un manque dans la confiance en soi, une faille dans l'intégrité du caractère,
en un mot: un trouble du sens de sa propre personnalité.
L'égalitarisme n'est que la ratiocination de ces névroses;
en tant que projet utopique, il ne veut rien dire,
son contenu précis étant indéfinissable et changeant
au gré des jalousies infinies de ses zélateurs;
en tant que mouvement politique, c'est un phénomène historique
qui n'échappe pas aux conséquences logiques nécessaires
et immanquablement néfastes de ses actions;
en tant que mantra religieuse,
il n'est qu'une excuse au pouvoir sans cesse plus étendu des puissants,
un prétexte pour tous les candidats à davantage de parasitisme,
un leurre pour les esprits énervés,
une idole pour les masses subjuguées,
qui préfèrent se croire maîtres, quand elles sont esclaves.
Tous toujours plus riches!
Venons-en maintenant au mensonge sans cesse répété selon lequel la liberté rendrait
les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.
Apparemment, le matraquage intellectuel marche,
puisque cette affirmation fait figure de poncif jamais mis en cause,
alors même que la moindre examination honnête suffit à en déterminer l'absurdité:
en effet on s'aperçoit bien vite qu'aucun fait historique ni aucun argument logique
ne saurait appuyer cette allégation, ni n'est d'ailleurs jamais invoqué pour la justifier;
la seule « justification » jamais apportée est que ce serait une « évidence ».
En fin de compte, ce sophisme repose entièrement sur une vision émotionnelle statique
comme faille psychologique pour parasiter ses hôtes:
le « penseur » statique, appelons-le statipenseur,
incapable d'appréhender la dynamique économique,
préfère se replier sur une vision mécanique
qui reproduit à jamais ses perceptions instantanées.
Le mensonge n'est « évidence » que parce que le public
a été inlassablement conditionné pour ne pas penser,
mais à confortablement se sentir intelligents si, et seulement si,
ils répètent la réponse voulue par les autorités,
à commencer par les enseignants de l'éducation nationale socialiste.
Le progrès humain fantastique des trois derniers siècles,
qui dans le temps comme dans l'espace coïncide largement avec le capitalisme,
alors qu'ailleurs règnent stagnation et cycles de famines,
devrait pourtant suffire à montrer l'absurdité de cette thèse fantaisiste.
Comment? Les pauvres s'appauvrirait? Ils devraient donc être plus pauvre
qu'il y a dix, vingt, cinquante, cent ou deux cents ans.
Et par récurrence, ils devraient être plus pauvres que les hommes préhistoriques
vivant dans des cavernes, ou des singes vivant nus dans des arbres.
Or, c'est tout le contraire! Jamais les pauvres n'ont été aussi riches;
un « pauvre » dans un pays africain un tant soit peu capitaliste
(i.e. qui n'est pas massacré dans des guerres et famines organisées par l'état (de dictateurs)),
non seulement ne meurt plus de faim, mais a souvent accès à un téléphone sans fil,
aux bases de la médecine moderne, à des spectacles sur une radio ou une télévision,
et un train de vie qui rendrait jaloux un roi dans son pays il y a quelques siècles;
un « pauvre » dans un pays riche vit dans un luxe inimaginable pour la plupart des riches
d'il y a à peine quelques décennies.
Non seulement manger à sa faim,
non seulement ne pas avoir un travail physiquement exténuant,
mais de plus risquer de souffrir d'obésité
parce qu'il est si facile de manger trop sans faire d'effort physique?
L'eau courante? l'électricité? un ascenseur? des bus, trains, voitures?
Ne pas avoir à marcher plusieurs heures par jour?
Une machine à laver le linge ou la vaisselle, des aspirateurs et lave-sols?
Des jouets – électroniques – pour les enfants?
Non seulement ne pas marcher pieds nus, mieux que des sabots,
des chaussures, et pas qu'une seule paire?
Des vêtements propres et beaux, tous les jours et pas que le dimanche
(pour les moins pauvres qui possédaient des vêtements du dimanche!)?
De la viande tous les jours, si l'on veut?
Voire pouvoir s'offrir un repas dans un restaurant?
Une semaine de travail de moins de 70 heures?
Ceux de ces concepts qui avaient un sens à l'époque étaient des luxes pour nos grands-parents
quand ils étaient enfants, même au sein de familles aisés – sans parler des pauvres.
Partout où le capitalisme a pu tant bien que mal s'exprimer,
les conditions humaines ont progressé de manière phénoménale,
cependant que les pays tombant dans le socialisme les ont vues stagner voire régresser
(comme l'ont montré Cuba, le Zimbabwe, le Venezuela, et maintenant la Grèce,
sans parler du contraste entre les deux Allemagnes ou les deux Corées).
Non seulement les conditions d'existence, mais l'existence elle-même
d'une population décuplée en trois siècles est un luxe inestimable;
comme le constatait Jean Fourastié:
Les prolétaires des années 1800 en Europe et des années 1950 en Asie
et en Afrique, ne sont pas d'anciens riches ruinés par le capitalisme.
On pourrait dire que ce sont d'anciens morts qui ne meurent plus.
Leur existence vient de la suppression des famines par le progrès
des techniques de production.
Pour cacher toutes ces évidences criantes, les socialistes jettent parfois
une statistique soigneusement choisie pour être interprétée à tort et à travers.
Par exemple, ils compareront d'une décade à l'autre des statistiques sur
les part de richesses possédées par « les pauvres » ou « les riches » dans un pays donné
– alors même que l'identité de ces « pauvres » et de ces « riches » a changé du tout au tout:
ceux qui étaient pauvres ou riches il y a dix ans souvent ne le sont plus;
les étudiants, les immigrés, les débutants, ont trouvé un bon travail depuis;
une nouvelle vague d'immigrés partis de riens, venus de leurs pays pauvres car
anticapitalistes,
forme une nouvelle classe de « plus pauvres » qui ne va pas le rester;
à eux s'ajoute une nouvelle génération d'étudiants, apprentis et débutants
qui partent d'à peine plus;
ceux qui étaient au firmament de la liste des plus riches l'ont quittée,
remplacés par des entrepreneurs aussi talentueux que pour l'instant chanceux,
dont les entreprises leur rapportent aujourd'hui des milliards,
et qui perdront une bonne partie de ces milliards au prochain changement de conjoncture
(bizarrement, les socialistes ne crient jamais
« oh, ceux qui ont perdu le plus d'argent étaient des milliardaires (avant de perdre cet argent)! »).
Entre biais de sélection, regard aussi partial que partiel et grille de lecture collectiviste
qui ignore l'identité des individus pour ne regarder que des agrégats ne correspondant à rien
et surtout à personne, les socialistes n'ont jamais que des statistiques bidons à offrir
en support de leurs affirmations d'une absurdité patente.
Encore et toujours, leurs croyances ne se fondent jamais sur la réalité;
mais au contraire, est l'affaire d'une religion démoniaque
qui nie la réalité et a juré de la détruire.
Lequel de l'étatisme ou du capitalisme explique comment Bébé Doc s'est enrichi,
et lequel explique comment il s'est ruiné?
Les fortunes varient;
les identités des gagnants et des perdants fluctuent;
de nouvelles entreprises naissent, deviennent grandes, fusionnent,
cependant que d'autres encore se divisent, rapetissent, meurent.
L'identité des actionnaires elle-même varie.
Ceux qui travaillent d'arrache-pied à produire toujours mieux,
ceux qui anticipent correctement le changement et font des choix positifs, s'enrichissent;
ceux qui dorment sur leurs lauriers, qui refusent de s'adapter au changement,
qui furent simplement chanceux une fois, qui font de mauvais choix, s'appauvrissent.
Ceux qui n'osent pas prendre leurs chances restent salariés peinards;
certes ils ne deviennent jamais riches, mais jamais pauvres non plus,
et peuvent jouir en paix et profiter de leur vie de famille,
grâce à ceux qui eux prennent tous les risques pour rendre cela possible, et gagnent (parfois).
Et si d'aucuns en venaient à prétendre
que c'est grâce aux « corrections » de l'état (de sociopathes)
que les variations de richesse et les changements de destin apparaissent,
il faut alors se demander quel genre de favoritisme l'état (de corrompus)
fait pour les uns au détriment des autres et avec quelle contrepartie;
on verrait que le lobbyisme pour davantage de privilège non seulement
n'est pas un bienfait que dispense cet état, mais qu'il est une calamité
qui pourrit l'ordre économique apporté par le capitalisme,
et favorise les plus parasites là où l'absence d'intervention d'état (de pourritures)
favorise les plus productifs.
Déjà dans l'introduction à ses Harmonies Économiques,
Frédéric Bastiat expliquait bien (en 1850!)
comme les riches et les pauvres pouvaient très bien s'enrichir ensemble,
voire même de façon que les pauvres s'enrichissent en proportion plus vite que les riches
quand bien même les riches s'enrichiraient davantage en absolu.
La raison en est même d'évidente stupéfiante:
la loi de l'offre et la demande s'applique aux capitaux!
Ainsi, plus les capitaux sont abondants et se font librement concurrence,
plus leur prix diminue relativement à celui du travail ou de toute autre denrée ou service.
Au contraire, plus les capitaux sont monopolisés par l'état (de politiciens voleurs)
et leur emploi entravé par l'état (de bureaucrates irresponsables),
plus leur prix relatif augmente.
La concurrence entre capitalistes est donc le meilleur allié des travailleurs,
cependant que la monopolisation du capital par l'état est leur pire ennemi.
Après avoir été mis de côté par Staline, Trotski a d'ailleurs bien décrit
la monstruosité du système qu'il avait aidé à mettre en place:
« Dans un pays où le seul employeur est l'État, toute opposition signifie
une lente mort de faim. L'ancien principe: "qui ne travaille pas, ne mange pas"
a été remplacé par un nouveau: "qui n'obéit pas ne mangera pas." »
Le socialisme, loin d'aider les travailleurs,
loin d'alléger les imperfections de l'existence que le capitalisme lui-même ne peut éliminer,
rend les travailleurs plus pauvres, et, quand il atteint son but, esclaves.
|
« Tout pouvoir politique institue nécessairement une
cheiristocratie, pouvoir détenu par les pires éléments de la sociétés,
les plus parasites, les plus manipulateurs, les plus dénués de scrupules, etc.
Pour autant qu'on pourra appeler les membres de la classe dominante une “aristocratie”,
ce sera donc une aristocratie du parasitisme politique. »
|
Avant de clore cette discussion sur pauvreté et richesse durable,
il faut bien noter qu'il existe en effet des facteurs
qui font que dans une société capitaliste certains pauvres restent pauvres,
et certains riches restent riches –
d'ailleurs, dans toute société, il y aura de tels critères,
à moins que cette société soit basée entièrement sur le tirage au sort
– et même là on verra que d'aucuns savent mieux que d'autres tirer parti de leur sort désigné.
La nature est plus forte que les fantasmes des control-freaks ayant la phobie du changement.
Il y aura toujours sélection – il ne s'agit que de déterminer selon quels critères.
Or, quels sont les traits favorisés dans une société capitalistes,
par contraste avec ceux qui sont relativement punis?
Sont récompensées les « vertus bourgeoises »:
l'honnêteté, le débat pacifique, la négociation
(qui comprend l'assertion individuelle autant que la (re)connaissance et le respect de l'autre),
l'usage de la raison, l'honneur de garder la parole donnée, la prévoyance (y compris la frugalité),
la compétence, la sagesse, la bénévolence, la bonne conduite en société,
et bien sûr l'esprit d'entreprendre
– tout ce qui contribue à jouer ensemble des jeux à somme positive plutôt que négative.
Il y a donc bien des vertus qui sont promues par le capitalisme,
et ceux qui les cultivent et les maîtrisent auront tendance à s'enrichir,
et riches, à s'enrichir davantage.
A contrario, ceux qui cultivent les vices opposés: malhonnêteté, agressivité, incapacité à négocier,
irrationalité, manque de fiabilité, impéritie, incompétence, ineptitude, malveillance,
mépris d'autrui, manque d'initiative – ceux-là s'appauvriront, et pauvres, s'appauvriront encore.
Ainsi, ceux qui se feront une carrière de vivre d'aide sociale
plutôt que de rebondir vers un emploi productif,
ceux qui se contenteront indéfiniment d'emplois sans qualification et sans initiative,
ceux qui ne voudront pas rechercher et cultiver le talent d'être utile à soi-même et autrui,
ne feront que s'enfoncer, et leur progéniture avec eux, dans la pauvreté permanente,
malgré toutes les « aides » reçues,
tandis que d'autres, fraichement immigrés, partis de rien, ne connaissant pas la langue,
sans amis ni famille ni structure de support, sans compétence vendable sur le marché,
trop vieux et trop chargés d'enfants pour avoir le temps d'en acquérir,
bûcheront tous les jours pour offrir à leurs enfants les meilleures études
qui les propulseront dans les classes moyennes supérieures,
même sans avoir reçu aucune « aide ».
Voilà la différence, dans une société capitaliste, entre les pauvres, qui restent à jamais pauvres,
et les pauvres qui sortent de la pauvreté en dix à vingt ans:
non pas que les uns sont plus ou moins opprimés que les autres,
mais que les uns ont une bonne hygiène de vie tandis que les autres en ont une mauvaise.
Déjà Périclès disait: Quant à la pauvreté, il n'y a aucune honte à avouer être pauvre;
la vraie honte est de ne pas faire ce qu'il faut pour échapper à cette pauvreté.
Nous avions déjà discuté dans les questions
4 et
5 les vertus bourgeoises et leur effet eugénique –
et par contraste l'effet dysgénique du socialisme qui promeut les vices opposés.
Le socialisme n'est pas seulement un retour à des temps barbares,
il est le culte même de la barbarie.
En effet, les sociétés d'ancien régime, en général, et à l'exception de rares sociétés capitalistes
(comme certaines cités grecques antiques et autres républiques romaine, vénitienne ou hollandaise),
faisaient peu de cas de ces vertus bourgeoises,
mettant le commerce et ses vertus au rang le plus bas de la société;
à la place, les régimes guerriers glorifiaient la force et la ruse,
l'honneur tribal du respect de règles socialement imposées
plutôt que d'engagements individuels librement consentis,
la dépense effrénée comme signe de statut social, la discipline de groupe,
l'esprit de corps, la Haine de l'Autre,
l'obéissance sans question et sans scrupules aux chefs et aux prêtres, etc.
En France, la fierté de vivre du travail d'autrui allait
jusqu'à considérer toute activité productrice comme dérogeant à la noblesse:
seule était noble l'exploitation sans vergogne des ressources naturelles et du bétail humain.
C'est cette même morale guerrière qui règne dans tous les partis politiques
– car elle accompagne nécessairement leur mode de vie guerrier,
celui de groupes organisés pour la raison d'être de s'emparer du pouvoir sur autrui,
pour parasiter ces victimes par la force et la ruse.
Dans leur vision du monde où tout n'est que lutte,
il n'est pas étonnant que les socialistes cohérents
adoptent et appliquent entre eux la morale guerrière de ceux qui sont à la conquête du pouvoir
(et/ou disparaissent dans la non-pertinence s'ils n'appliquent pas cette morale
et se retrouvent incapables de conquérir ce pouvoir qui reste leur obsession).
Pour eux, le mot « bourgeois », et tout ce qui s'y rattache, est une insulte;
ils haïssent de tout leur cœur ces vertus bourgeoises qu'ils vouent à la destruction,
par le formatage des nouvelles générations à leur idéologie via l'« éducation » nationale socialiste,
voire par la « rééducation » des adultes et le massacre des irrécupérables.
Aristocratie ou Cheiristocratie
Venons-en enfin à cette calomnie selon laquelle les riches dans une société capitaliste
formeraient une « aristocratie » économique. Là encore, un tel concentré de mensonges
qu'il faut plusieurs pages pour tous les démêler.
D'abord, il y a comme toujours l'aveuglement à toute la dynamique toxique de l'état,
et à celle vitale de la liberté.
Ensuite, il y a le
deux poids deux mesures et pétition de principe
par lequel, comme d'habitude, les sectateurs de l'état présentent comme « solution »
ce qui est en mille fois pire que tous les « problèmes » qu'ils reprochent à la liberté
– faire passer un mal pour un bien.
Puis, il y a l'implication fallacieuse qu'une inégalité signifierait pouvoir.
Enfin, il y a cette équivoque entre le pouvoir économique de faire du bien contre contrepartie
et le pouvoir politique de nuire impunément – faire passer un bien pour un mal.
L'égalité est un leurre; les hommes ne sont pas interchangeables,
leurs situations individuelles seront toujours non seulement différentes l'une de l'autre,
mais encore irréductibles l'une à l'autre:
il n'y a pas d'échelle unique sur laquelle les comparer objectivement.
Comme nous l'avons vu ci-dessus, l'égalitarisme est un tissu d'absurdité,
et non seulement l'étatisme ne peut pas éliminer les inégalités,
mais il ne fait que contribuer pour le pire à quel genre d'inégalités prévaudront.
En effet, l'idée que le pouvoir politique pourrait possiblement servir
à effacer les inégalités est d'autant plus absurde que
le pouvoir politique lui-même est une relation intrinsèquement dissymétrique,
plus polarisante que toute autre relation.
Entre celui qui commande et celui qui obéit,
celui qui dirige et celui qui suit,
celui qui décrète les lois et celui qui les subit,
celui qui reçoit les impôts et celui qui les paie,
celui qui décide de l'allocation des fonds publics et celui qui doit les quémander,
celui qui prend les décisions politiques ou administratives et celui qui les subit,
celui qui surveille et celui qui est surveillé,
celui qui punit et celui qui est puni,
celui qui emprisonne et celui qui est mis en cage,
celui qui tue et celui qui est tué,
celui qui gagne au jeu à somme négative ou nulle et celui qui perd davantage que l'autre reçoit,
la situation est pire qu'inégale.
Quand les uns ont le pouvoir sur les autres,
c'est non seulement une inégalité, mais c'est une relation de contrôle.
Si un voisin possède plus que l'autre, chacun reste indépendant de l'autre;
si chaque voisin possède nominalement « autant » que l'autre,
mais décide comment l'autre peut employer son bien,
alors ni l'un ni l'autre n'est libre, chacun dépend du bon vouloir de l'autre, et
celui des deux qui par le jeu de la politique et des alliances avec des tiers
possèdera le pouvoir effectif sur l'autre sera non seulement inégal, mais bien plus, maître.
Pire encore, alors que comparer les bonnes et mauvaises fortunes (au sens large!) de deux personnes
est largement et irréductiblement subjectif et qu'en déduire une « inégalité » hiérarchique
tient de l'escroquerie intellectuelle,
l'inégalité qui découle de la relation de contrôle politique est elle totalement objective.
Le pouvoir politique non seulement ne peut donc aucunement éliminer les inégalités,
mais tout au contraire, il constitue la pire de toutes les inégalités imaginables.
En fin de compte, le pouvoir politique est tautologiquement le pouvoir des puissants sur les faibles.
Quel que soit l'arrangement par lequel le régime désigne les dirigeants,
il y a forcément une machin-cratie:
il y aura forcément une rétroaction positive tautologique par laquelle les personnes et institutions
qui utiliseront le pouvoir pour se promouvoir elles-mêmes
au détriment des moins agressives seront promues au détriment des autres.
La conséquence nécessaire de cette pression évolutionnaire est
qu'aussi « noble » soit la distribution initiale de pouvoir,
l'évolution naturelle de tout régime politique est vers un Establishment stable
de sociopathes égoïstes hiérarchisés selon leur capacité
à capturer le pouvoir et l'utiliser pour leur propre profit, par tous les moyens malhonnêtes et violents,
au détriment de ceux qui ne voudraient pas jouer leur jeu.
Ainsi, tout pouvoir politique, tout « égalitariste » qu'il puisse prétendre être,
crée de toute nécessité une classe d'individus
« plus égaux que les
autres »:
ceux qui contrôlent plutôt qu'ils ne sont contrôlés.
Les maîtres. Leurs chantres. Leurs clercs. Leurs surveillants. Leurs espions. Leurs sicaires.
Ce n'est pas là une aristocratie, pouvoir détenu par les meilleurs éléments de la société,
les plus productifs, les plus talentueux, les plus honnêtes, etc.
Au contraire, tout pouvoir politique institue nécessairement une
cheiristocratie, pouvoir détenu par les pires éléments de la sociétés,
les plus parasites, les plus manipulateurs, les plus dénués de scrupules, etc.
Pour autant qu'on pourra appeler les membres de la classe dominante une « aristocratie »,
ce sera donc une aristocratie du parasitisme politique.
Elle pourra être composée d'une multitude de petits parasites « pauvres »,
membres de classes protégées, vandales destructeurs et animaux sauvages vivant de subsides de l'état,
et d'une petite minorités de grands parasites riches, qu'ils soient « politiciens »,
« fonctionnaires »
ou qu'ils possèdent des positions privilégiées
soi-disant « privées ».
Peu importe, ce qui les caractérise, c'est qu'ils sont du bon côté du fusil,
tandis que la majorité des citoyens opprimés sont du mauvais côté
(il est possible d'opprimer une minorité de citoyens,
mais cela ne peut pas suffire à soutenir très longtemps
les consommations d'une majorité des citoyens –
puis la société entière se désintègre, les parasites mangeant leur capital,
puis se dévorant entre eux).
Les étatistes qui se plaignent du soi-disant pouvoir des capitalistes
pour promouvoir le pouvoir des politiciens, c'est vraiment la paille et la poutre.
Plus ils sont socialistes, plus les étatistes aiment cultiver le mythe selon lequel
ils sont une avant-garde du prolétariat, une élite populaire,
qui représentent le peuple par quelque force mystique qui préside aux élections
(et s'ils perdent c'est forcément que les élections ont été empêchées de fonctionner proprement).
Ils prétendent posséder une prêtrise par laquelle l'entité collective « peuple »
parle toujours à travers leur bouche et jamais à travers celle de leurs dissidents.
Mais toute cette soi-disant « démocratie » de façade,
moins prononcée mais tout aussi fausse en Occident
que dans les pays ouvertement communistes anciens ou survivants,
est toujours la même escroquerie intellectuelle:
elle cache aux victimes crédules que l'Establishment
politique, bureaucratique, « public » et para-« public »,
constitue une caste qui écrase et exploite la majorité productive via réglementations et taxes.
Comme disait bien Tom Paine, qui ne faisait que populariser
une théorie plus longuement développée par Adam Ferguson:
« Il y a deux classes distinctes d'hommes dans la Nation,
ceux qui paient l'impôt et ceux qui le reçoivent et en vivent. »
On pourra aussi reprendre la formulation d'Achille Tournier:
« Grâce à la bureaucratie et au socialisme, il n'y aura bientôt que deux
partis en France: ceux qui vivent de l'impôt et ceux qui en meurent. »
Le concept d'une classe d'oppresseurs et une classe d'opprimés a été popularisé par Karl Marx;
mais Marx n'a fait que reprendre en la dénaturant la théorie bien antérieure
développée par les philosophes libéraux.
Sa contribution consiste en au moins deux corruptions majeures:
d'une part il a fait de cette « lutte des classes » le centre de la théorie sociale,
lui qui comme tout socialiste ne veut voire partout que des jeux à somme négative
– alors même que ces jeux ne pouvant détruire que ce que d'autres ont construit,
ils constituent nécessairement un phénomène parasite secondaire;
et, d'autre part, il a substitué au critère correct de l'exploitation
(qui impose à l'autre par la force taxes et réglementations)
un faux critère lui permettant d'accuser les producteurs capitalistes innocents
au profit d'une nouvelle classe de parasites socialistes dont il justifie les crimes.
Or derrière tous ses mensonges,
le socialisme ne sert pas à justifier une caste exploitrice comme les autres.
Les régimes exploiteurs d'antan, s'ils valorisaient à outrance la force guerrière,
du moins ne méprisaient pas systématiquement le commerce pacifique – en tout cas pas tous.
Le socialisme lui s'en prend explicitement aux capitalistes
précisément parce qu'ils sont les hommes s'enrichissant par des moyens moraux,
réussissant au commerce pacifique.
Le socialisme, c'est le mal incarné.
Comme contre-exemple à l'idée de cheiristocratie,
d'aucuns assommés par la propagande d'état voudront montrer
quelques « grands hommes » qui auraient fait tant de grandes choses.
Mais si on examine cette « grandeur », on s'aperçoit que
le plus souvent, il s'agit du nombre des victimes innocentes qu'ils ont laissées derrière eux,
et de la puissance écrasante par laquelle ils régnaient en maîtres sur autrui;
qu'ils n'ont pas créé le talent des artistes qu'ils ont mis à leur service avec leur richesse volée,
et que ces artistes auraient été tout aussi talentueux en oeuvrant au service
de ceux dont les richesses ont été volées (richesses qui n'auraient été que plus abondantes sans le vol).
Toutefois, on peut reconnaître que souvent, aux détours d'une révolution ou d'une guerre,
la première génération à diriger un nouveau régime
du moins fait montre de valeurs positives:
leur génie militaire, leur talent d'organisateurs, leur assise intellectuelle,
leur opposition à l'oppression d'un régime précédent pire que le leur,
en faillite car incapable d'inspirer parmi le peuple assez de soutiens pour se maintenir en place, etc.
Ceux qui conquièrent initialement le pouvoir sont rarement des anges,
mais du moins ce sont des quelqu'uns:
ils possèdent de la substance, qui leur a permis de se distinguer avant d'accéder au pouvoir,
qui ne se résume pas à leur habileté dans l'exploitation politique
après leur accession au pouvoir (ce dont il faut faire attention à ne pas les disculper pour autant).
Cependant, bien vite cette première génération laisse place
aux apparatchiks, les hommes de l'appareil d'état,
bureaucrates imbus de leur pouvoir, politiciens professionnels, etc.
– des zéros en tout, sauf pour les intrigues du pouvoir, qu'ils maîtrisent parfaitement.
Assoiffés du pouvoir en soi, adorateurs de l'état, lèche-bottes et démagogues, sociopathes,
ils grimpent quatre à quatre les échelons du pouvoir,
en se marchant sur la tête les uns des autres dans leur sélection des pires,
tous écrasant le public;
et pour asseoir leur pouvoir, ils s'entourent d'une masse de parasites minables
qui leur vendent leur soutien en échange d'une part du butin volé aux producteurs opprimés.
Un nouveau régime politique ne commence donc pas toujours cheiristocratique,
mais le devient toujours très vite.
Même s'il est établi que l'état (d'ordures) est tout le contraire d'une solution,
d'aucuns socialistes continueront à propager la haine du riche,
au prétexte que la richesse même serait injuste.
Désamorçons cette haine, ce sentiment d'injustice injustifié
qui n'est que la ratiocination de l'envie et de la jalousie,
la culture de l'insécurité et de l'aliénation.
Notons d'abord l'absurdité de la notion selon laquelle une inégalité en soi
serait automatiquement une relation de pouvoir du riche sur le pauvre,
et/ou serait une injustice qui ouvrirait une dette de la part du riche envers le pauvre.
Cette notion va à l'encontre de tous les principes reconnus de justice, entre autres:
la présomption d'innocence,
la non-rétroactivité du droit,
et le fait que l'on ne peut être coupable que de ses propres actions.
Comme le dit Hayek,
« la Justice ne s'intéresse pas aux résultats des diverses transactions mais
seulement au fait que ces transactions elles-mêmes soient justes ».
En effet, les situations économiques seront forcément différentes,
mais ces différences n'impliquent pas en soi un pouvoir de l'un sur l'autre;
si les pêcheurs d'une île tropicale se trouvent être plus ou moins aisés
que les pasteurs de steppes lointaines, les tisserands de montagnes éloignées,
ou les habitants inconnus des confins de la galaxie,
seuls les socialistes les plus irrémédiablement tordus prétendront
que les plus riches le sont aux dépens des moins riches,
selon la comptabilité arbitraire par laquelle sont mesurées tous les coûts et bénéfices divers
de leurs situations respectives.
La différence de richesse entre ces contrées lointaines
n'implique évidemment ni relation de pouvoir ni injustice.
Or, cette différence ne devient pas magiquement l'une ou l'autre
si l'on considère des villages plus proches,
ou si des villageois se rencontrent au gré d'un voyage.
Et si la population d'un des deux villages augmente ou diminue par naissance, mort ou migration,
cela ne multiplie ni ne divise automatiquement la part
que les plus riches devraient aux plus pauvres.
Si on découvrait soudain un village perdu dans la jungle, dont les habitants ne possèdent rien,
cela ne créerait pas soudain de dette pour quiconque.
Et si on découvrait demain mille milliards d'extra-terrestres dénués de tout à l'autre bout de la galaxie
ou qu'après création d'une intelligence artificielle il y avait bientôt mille
milliards d'êtres sensibles
miniaturisés et tout aussi dénués de tout, cela n'impliquerait nullement que soudain,
les humains dussent partager leurs biens à égalité avec ces entités,
ce qui d'ailleurs reviendrait pour eux à mourir.
Si les pêcheurs d'une île, pratiquant des techniques plus avancées,
ont un train de vie supérieur à ceux d'une île voisine,
cela n'est pas au détriment de ces derniers.
Si les premiers viennent offrir aux derniers
leur savoir faire et leurs bateaux déjà construits
en échange de travail volontaire, ce serait au bénéfice mutuel,
et ne serait aucunement une injustice ni une relation de pouvoir.
Ou alors, il faut bien distinguer le « pouvoir économique » du « pouvoir politique »,
comme notion complètement opposée.
Le « pouvoir économique », c'est le pouvoir de créer:
le pouvoir de jouer des jeux à somme positive, et de bénéficier à autrui s'il coopère volontairement.
Le « pouvoir politique », c'est le pouvoir de détruire:
le pouvoir de jouer des jeux à somme négative et de nuire à autrui s'il ne se soumet pas de force.
J'ai longuement élaboré l'opposition entre ces deux notions dans mon essai « L'état, règne de la magie noire ».
L'exercice du « pouvoir économique », c'est la justice même.
L'exercice du « pouvoir politique », c'est l'injustice même.
De plus, dans un régime de liberté,
non seulement la soi-disant « aristocratie » économique s'enrichit en produisant,
en coopérant avec autrui pour un bénéfice mutuel dans un jeu à somme positive;
mais encore il n'y a pas qu'un critère de succès qui l'emporte sur l'autre:
chacun est libre de choisir ses propres critères de succès,
d'exceller à ses propres buts, de trouver son propre public;
nul n'est forcé de mettre l'argent devant le reste.
Il est donc faux de ne compter que « les riches » comme étant « les » gagnants de la société,
quand tout le monde gagne aux jeux à somme positive,
et qu'il y a une infinité de critères par lesquels
les uns ou les autres peuvent se retrouver au sommet des critères qui importent pour eux.
C'est tout le contraire d'une société complètement politisée,
où les jeux à somme négative ou nulle aboutissent nécessairement à un classement des gagnants
selon une unique l'échelle d'influence sociale, qui devient tout-importante.
Notons ici que ceux qui s'enrichissent par la collusion avec l'état sont l'opposé
de l'élite économique dont il est question: ils ont au contraire des exemples infâmes
de l'aristocratie politique, ceux qui s'enrichissent par la violence politique de l'état.
Ce n'est donc pas le seul fait d'être riche qui compte – mais comment on s'est enrichi.
Alors, oui, dans un régime de liberté il y aura une « aristocratie naturelle »,
une « élite naturelle », composée des gens ayant le mieux réussi et étant les plus accomplis
dans leurs domaines respectifs. Est-ce un dommage pour quiconque quand un pâtissier,
un chanteur, un avocat, un médecin, un inventeur, un chef d'entreprise, excelle à son métier?
Tout au contraire! C'est un bien pour tous.
Et tous gagnent à ce que chaque poste soit occupé par la personne la plus accomplie
pour la profession donnée, et non pas le contraire.
Non seulement l'élite naturelle n'usurpe pas son autorité par la force,
mais elle gagne et renouvelle à chaque action la confiance de ses semblables par sa compétence.
Et aux socialistes qui oseront prétendre que ce libre choix constitue un « pouvoir » (politique),
j'opposerai Bakounine lui-même, anarchiste s'il en est un, qui dans
« Dieu et l'État »
paie hommage à l'autorité naturelle des hommes dont la compétence est mieux reconnue
–
tous ceux que les socialistes accusent ici de former une aristocratie
(Bakounine malheureusement dans d'autres pages moins inspirée
adopte lui-même la plupart des idées socialistes).
Pour citer Henry Ford: « La question "Qui devrait être le patron?" est la même que
"Qui devrait être le ténor dans le quatuor?" Évidemment, celui qui peut chanter ténor. »
Ou encore, pour citer Renan:
« [...] le préjugé français, qui voit dans la fonction une rente à distribuer au
fonctionnaire bien plus qu'un devoir public. Ce préjugé est l'inverse du vrai
principe de gouvernement, lequel ordonne de ne considérer dans le choix du
fonctionnaire que le bien de l'État ou, en d'autres termes, la bonne exécution
de la fonction. Nul n'a droit à une place; tous ont droit que les places
soient bien remplies. »
En fin de compte, accuser cette élite naturelle, forte de son « pouvoir » économique de créer,
de sa compétence reconnue par un large public qui s'en fait volontairement les acheteurs,
de former une « aristocratie » – c'est une équivoque avec le pouvoir politique de détruire.
Et les socialistes de proposer le pouvoir politique absolu comme « solution » à l'existence de cette élite.
Le socialisme est une idéologie diabolique qui fait passer le bien pour le mal et le mal pour le bien.
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