L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.
On ne connaît que trop bien, depuis quelques années, ce phénomène
que constituent les "conservateurs étatistes", individus ayant trahi et
apparemment oublié leurs principes et leur héritage dans une quête
de puissance et de lucre, de respectabilité et d'accès aux coulisses du
pouvoir ; individus qui se sont désormais établis à
Washington, à la fois physiquement et intellectuellement.
Tout le monde ne connaît cependant pas un autre développement,
apparenté et bien plus contradictoire : la montée en puissance, au cours
des
dernières années, des "libéraux étatistes", qui dominent
pratiquement totalement le mouvement libéral-libertarien dont ils ont
pris le contrôle. Ce qui est bizarre avec eux, c'est qu'ils violent
évidemment la nature et le sens du libéralisme, à savoir un
attachement à l'idéal constitué soit de l'absence de tout État, soit
d'un État très fortement réduit et strictement limité à la défense
des personnes et de la propriété : ce que le philosophe ex-libéral
Robert Nozick avait appelé l'État ultra-minimal ou ce que le grand
écrivain paléo-libéral H.L. Mencken appelait "un État à
la limite de ne plus être un État du tout." Jusqu'à quel point ce
développement en est-il arrivé, et comment a-t-il pu se produire ?
Le libéralisme étatiste imprègne et domine ce que, par analogie
avec les conservateurs, on pourrait appeler le "mouvement
libéral officiel". A partir de ce qui n'était il y a une vingtaine
d'année qu'un courant, de ce que les marxistes appelaient un
groupuscule, le libéralisme a mis en place un "mouvement officiel",
bien qu'il n'ait jamais, Dieu merci, obtenu un quelconque pouvoir
politique. Alors qu'il n'y a heureusement aucun équivalent libéral à National
Review [magazine conservateur américain de William Buckley,
NdT] pour régner sur le mouvement ou pour purger les hérétiques, il
existe un réseau d'institutions et de revues qui
constituent bel et bien un "mouvement officiel".
Depuis plus de vingt ans, le Parti libertarien [le Libertarian Party]
était une institution centrale, qui avait commencé de bonne
heure et de façon étrange, et qui d'une certaine manière créait
plutôt qu'elle ne le reflétait le mouvement dans son ensemble. Jusqu'à
ces dernières années, les militants du parti tiraient fierté
de leur pureté et de la cohérence de leur dévouement au principe
libéral. Le mouvement libéral-libertarien, toutefois, a toujours été
bien plus large que le Parti lui-même. Il consiste en un
réseau informel d'instituts (think-tanks) défendant le libéralisme
et l'économie de marché : instituts au niveau national, avec des groupes
de pression, qui gravitent autour de
Washington ; instituts au niveau des régions ou des États
américains, qui doivent forcément rester au coeur du pays, physiquement
si ce n'est pas hélas en esprit. Il y a aujourd'hui des
organisations juridiques qui paraît-il engagent des poursuites au
nom de la liberté contre la tyrannie du gouvernement. Le mouvement
comporte aussi deux mensuels, ainsi que d'autres qui ont
disparu entre temps : un magazine relativement riche et horriblement
ennuyeux, Reason, basé à Santa Monica (Californie) ; et un "fanzine" d'amateurs,
Liberty, basé dans l'État de Washington.
Il existe aussi des réseaux apparentés d'institutions qui, comme
beaucoup de lettres d'information traitant de placements et
d'investissements, ne font pas
exactement partie du mouvement mais sont des sympathisants de la
cause. Le mouvement libéral est même suffisamment grand pour comprendre
un incompréhensible journal universitaire "post-libéral",
qui essaie d'intégrer libéralisme, marxisme et déconstructionnisme,
périodique publié avec ténacité par un personnage digne de l'éternel
étudiant chekhovien, sauf qu'il est bien moins inoffensif
et financièrement bien mieux en point que le héros plutôt adorable
de Chekov.
Ce qui est fascinant, c'est que presque toutes ces institutions,
depuis les instituts jusqu'au Parti libertarien autrefois si pur, en
passant par les magazines, ont
abandonné particulièrement rapidement toute trace de leurs principes
initiaux : la ferme résolution de réduire l'État et de défendre les
droits de propriété.
Certaines raisons ne nécessitent bien entendu pas d'explications :
la volonté d'imiter les conservateurs étatistes qui ont soif de
respectabilité et de
reconnaissance sociale, trouvée à l'occasion de cocktails à
Washington, et qui, ce n'est pas un hasard, recherchent aussi le
pouvoir, une bonne planque et des soutiens financiers. Mais il y a
plus. A la base se trouve ce que beaucoup d'entre nous ont pu
apprendre douloureusement au cours des ans : il ne peut y avoir de
véritable séparation entre une idéologie politique formelle
d'une part, les idées et les attitudes de l'autre.
Le libéralisme est logiquement compatible avec presque toutes les
cultures, toutes les sociétés, toutes les religions et tous les
principes moraux. Sur le plan
purement logique, la doctrine politique libérale peut être séparée
des autres considérations : on peut logiquement être - et, de fait, la
plupart des libéraux-libertariens le sont - :
hédoniste, libertin, immoral, ennemi militant de la religion en
général et du christianisme en particulier tout en demeurant un partisan
cohérent de la politique libérale. En fait, en bonne
logique, on peut être un défenseur cohérent des droits de propriété
sur le plan politique tout en étant un fainéant, un bel escroc et un
racketteur en pratique, comme bien trop de
libéraux-libertariens tendent à l'être. On peut, sur le plan
purement logique, faire ces choses. Mais sur le plan psychologique,
sociologique, et en pratique, ça ne marche jamais ainsi.
C'est pourquoi, comme l'a souligné Justin Raimondo en étudiant ce
qui avait mal tourné dans le mouvement libéral, ce dernier a commis une
grave erreur à ses débuts,
dans les années 1970, en se coupant de tout mouvement de droite
ainsi que de tout type de tradition ou de culture américaine. En suivant
l'exemple d'Ayn Rand, que la plupart des libertariens
admiraient avec enthousiasme, les libéraux prétendaient être de
véritables individualistes et d'authentiques révolutionnaires, n'ayant
rien à voir avec la droite et apportant au monde une
révélation politique totalement novatrice. De fait, le mouvement
libéral a toujours été presque délibérément ignorant de l'Histoire et de
tout ce qui touche aux affaires étrangères. Les
syllogismes compliqués de la théorie libertarienne, la science
fiction, la musique rock et les mystères des ordinateurs ont constitué
la totalité des connaissances et des intérêts de ses
membres.
Une des raisons de cette séparation, que je n'avais pas bien saisie à
l'époque, était issue d'une violente haine envers la droite, ainsi que
de la crainte des
libéraux de se retrouver associés avec un mouvement conservateur ou
de droite, ou de se retrouver étiquetés comme tel. Une partie de cette
haine provenait d'une haine plus générale et encore plus
intense à l'encontre de la chrétienté, haine que certains avaient
héritée d'Ayn Rand.
Pour être précis, l'un des aspects importants du récent virage vers
l'étatisme vient de ce qu'un égalitarisme profondément enraciné a exercé
son influence et
infecté les idées politiques des libertariens. Grattez un peu, et
sous l'égalitariste vous trouverez inévitablement un étatiste. Comment
l'égalitarisme qui se développe et qui se répand au sein
des libéraux peut-il être rendu compatible avec leur prétendue
croyance à l'individualisme et au droit de chacun de s'élever suivant
son propre mérite, sans être gêné par l'État ? La
solution à ce problème est à peu près la même que dans les autres
versions courantes du "politiquement correct".
Les libéraux-libertariens sont fermement convaincus que, si les
individus ne sont pas "égaux" entre eux, tous les groupes imaginables :
communauté ethnique,
race, sexe et, dans certains cas, espèce, sont en réalité et doivent
être rendu "égaux", que chacun possède des "droits" qui ne doivent pas
être restreints par une forme quelconque de
discrimination.
Et ainsi, s'opposant à son ancienne et supposée dévotion envers des
droits de propriété absolus, le mouvement libéral a reconnu presque tous
les faux "droits" de la
gauche qui ont pu être fabriqués au cours des dernières décennies.
Peu avant que je ne quitte le mouvement libertarien et son Parti il a
cinq ans (décision que je n'ai jamais regrettée, mais dont je me
félicite au contraire chaque
jour) je racontai à deux dirigeants bien connus du mouvement que
j'estimais ce dernier désormais infecté et gangrené par l'égalitarisme.
Quoi ? me dirent-ils. C'est impossible. Il n'y a pas
d'égalitarisme dans le mouvement. Puis je leur dis qu'un bon exemple
de cette infection pouvait se voir dans la récente admiration envers le
révérend et "Docteur" Martin Luther King. Absurde, me
répondirent-ils. Eh bien, il est assez intéressant de constater que,
six mois plus tard, ces deux gentilshommes publièrent un article
saluant le "Docteur" King comme un "grand libéral". Qualifier
ce socialiste, cet égalitariste, ce chantre de l'intégration
obligatoire, cet adversaire haineux des droits de propriété, ce
personnage qui, par dessus le marché, fut longtemps sous la coupe du
Parti communiste, qualifier cet homme de "grand libéral", voilà bien
un signe évident de l'ampleur de la décadence du mouvement.
De fait, au milieu de toutes les discussions récentes sur les "tests
révélateurs", il me semble qu'il y a un excellent test permettant de
distinguer entre un
conservateur authentique et un néoconservateur, entre un
paléolibéral et ce que nous pouvons appeler un "libéral de gauche". Ce
test, c'est ce que l'on pense du "Docteur" King. Et ce ne devrait
en fait être une surprise pour personne que, comme nous allons le
voir, il y ait eu quasi-fusion entre les néoconservateurs et les
libéraux de gauche. Il est même en pratique devenu difficile de
les distinguer.
Dans le "mouvement libéral officiel", les "droits civiques" ont été
acceptés sans problème, remplaçant totalement les véritables droits de
propriété. Dans certains
cas, cette acceptation d'un "droit à ne pas être l'objet d'une
discrimination" a été explicite. Dans d'autres, lorsque les libéraux
veulent accorder leurs nouvelles idées avec leurs anciens
principes et n'ont pas peur des sophismes, voire de l'absurde, ils
choisissent la voie sournoise tracée par l'American Civil Liberties Union
(ACLU) : si la
moindre trace d'État intervient quelque part, alors le prétendu
"droit" à un "accès égal" doit prendre le pas sur la propriété privée ou
même sur toute mesure de bon sens.
C'est ainsi que lorsque le juge Sorokin, qui va bientôt être promu,
suite à un consensus bipartite du Sénat américain, à la prestigieuse
Cour d'appel fédérale, a
décidé qu'un clochard malodorant devait avoir le droit d'empuantir
une bibliothèque publique du New Jersey et de suivre les enfants aux
toilettes, parce qu'il s'agit là d'un lieu public dont
l'accès n'est donc pas susceptible de restrictions, la dirigeante
nationale du Parti libertarien a publié un communiqué officiel le
félicitant de sa décision. D'une façon analogue, les
libertariens ont rejoint l'ACLU dans son combat pour la prétendue
"liberté d'expression" des clochards et des mendiants dans les rues de
nos villes, aussi agaçants et intimidants puissent-ils
être, et ce parce que les rues sont, somme toute, des lieux publics
et, que tant qu'elles le resteront, elles devront continuer à rester des
cloaques, bien qu'il soit assez difficile de voir
pourquoi la grande théorie libertarienne le nécessiterait. [Il est à
noter que Walter Block, dans un article défendant la liberté totale
d'immigration ("A Libertarian Case for Free Immigration",
Journal of Libertarian Studies,
13, no 2, 1998), a repris à son compte l'argument sur la bibliothèque
publique à laquelle on ne peut refuser
l'accès. Son ami Hans-Hermann Hoppe a critiqué cette position dans
son livre "Democracy, the God that failed" (Transactions Publishers,
2001, note de la page 159). Hoppe ajoute que la propriété
publique devrait être considérée comme appartenant aux contribuables
et que ni le clodo, ni l'étranger n'ayant payé d'impôts, ils ne peuvent
revendiquer ces lieux. NdT]
Toujours dans la même veine, le principal juriste "libéral de
gauche" de Washington affirme fièrement jusqu'à ce jour qu'il ne fit que
suivre les principes libéraux
quand, à son poste du ministère fédéral de la justice - poste qui en
soi n'est déjà pas facile à concilier avec de tels principes - il
apporta son concours au pouvoir judiciaire dans son
abominable décision de menacer de prison le conseil municipal de
Yonkers (New York) s'il refusait d'approuver un projet de HLM pour la
raison que ces lieux deviendraient rapidement un dépotoir de
drogués et de criminels. Son raisonnement était le suivant : cette
opposition était une violation de la doctrine de non-discrimination car
Yonkers avait d'autres projets de logements publics
sur son territoire !
Ce ne sont pas seulement les opérations purement gouvernementales
que vise cette doctrine "libérale". Elle s'applique aussi à toutes les
activités qui ont affaire à
l'influence du secteur public, en utilisant par exemple les rues de
l'État ou en acceptant des fonds publics. En fait, il n'est même pas
toujours besoin d'une véritable action du gouvernement.
Parfois, ces libéraux se rabattent sur l'argument qu'il est vraiment
très difficile de toute façon, de nos jours, de faire la différence
entre de qui est "privé et ce qui est "public", que tout
est à moitié public, et qu'essayer de conserver des droits de
propriété dans une telle situation est irréaliste, naïf, ne tient pas
compte de la réalité et ne constitue qu'un grain de sable
"puriste" jeté dans la machine du "progrès" néoconservateur ou
libéral de gauche.
Récemment, il y eut un débat fascinant entre un juriste paléolibéral
de Californie et un employé d'une organisation juridique prétendument
"libérale" nouvellement
créée en Californie, le Center for Individual Rights,
dirigé par le célèbre néoconservateur David Horowitz, qui aime se
présenter comme "libéral". Ce Centre
est au passage une excellente illustration de fusion explicite entre
néoconservateurs et libéraux de gauche, car son bureau dirigeant
comporte plusieurs membres éminents du mouvement
libéral.
Le juriste "paléo" s'opposait au soutien du Centre à l'idée d'une
interdiction légale faite aux universités d'édicter des règlements
limitant ce que les membres du
Centre appelaient "les droits constitutionnels de la liberté
d'expression" des étudiants et de la faculté. Ce critique paléo était
d'accord pour combattre le "politiquement correct" et les codes
de bonnes conduite restreignant les prétendus "discours de haine",
mais soulignait ce qu'on aurait, il y a peu de temps, considéré comme
évident et banal, non seulement par les conservateurs et
par les libéraux, mais aussi par tous les juges et par tous les
Américains : le Premier Amendement, ou les droits à la liberté
d'expression, ne s'appliquent qu'au gouvernement, seul le
gouvernement peut empiéter sur de tels droits. Les personnes et les
organisations privées peuvent exiger que tout individu qui utilise leur
propriété respecte des règlements quant à la conduite
ou les paroles à tenir, et tout individu qui utilise cette propriété
accepte de ce fait de respecter ces règlements. Une loi limitant
l'usage de tels règlements restreint par conséquent les
droits de propriété tout autant que le droit de rédiger des contrats
libres concernant son usage.
En réponse, le représentant du Centre méprisa cet argument considéré
comme irréaliste et puriste : de nos jours, pour les libéraux
officiels, tout ou presque
est dans une certaine mesure public, de sorte qu'à l'inverse de tout
ce que raconte l'enseignement libéral, "privé" et "public" sont
mélangés. L'employé du Centre ne fut pas le moins du monde
gêné quand le juriste paléo utilisa ce que toute personne sensée
considèrerait comme un raisonnement par l'absurde : à savoir que, en
bonne logique, cette approche impliquerait que l'État
devrait empêcher tout employeur privé de licencier un employé
exerçant son droit à la "liberté d'expression" en dénonçant ou en
insultant son patron, même dans les locaux de la compagnie.
Le problème, quand on utilise un raisonnement par l'absurde avec des
libertariens, a toujours été que ceux-ci ne sont que trop heureux de
choisir l'absurde. Et nos
soi-disant "libéraux" sont ainsi en train d'aller plus loin que le
Juge Hugo Black lui-même dans la séparation entre la liberté
d'expression et les droits de propriété, et dans l'exaltation de la
première au détriment des seconds. Même un "absolutiste du Premier
Amendement" comme le Juge Black avait expliqué que la "liberté
d'expression" ne donnait à personne le droit de venir chez vous
pour vous importuner à longueur de journée.
Les "droits civiques" et la "liberté d'expression", ainsi que le
mélange du "public" et du "privé" ne sont que le premier "Grand Bond en
Avant Étatique" du
mouvement libéral. L'une des caractéristiques culturelles de la
plupart des membres de ce mouvement a toujours été un soutien passionnée
aux moeurs et aux pratiques des "modes de vie alternatifs"
et à "l'orientation sexuelle" en opposition avec les habitudes et
les principes bourgeois ou traditionnels. La forte corrélation entre
cette tendance "libertaire" et la haine endémique envers la
chrétienté devrait sauter aux yeux de tous.
Alors que cette attitude culturelle a toujours imprégné les
libertariens, la nouvelle caractéristique vient de leur soutien aux
"droits des homosexuels" comme
expression d'un "droit civique" à la non-discrimination. Les choses
en sont venues au point où l'un des plus éminents instituts libéraux
pratique sa propre forme de "discrimination positive"
envers les homosexuels, embauchant ou ne soutenant que des
homosexuels déclarés et, pour le moins, licenciant tout membre de
l'équipe qui ne serait pas assez enthousiaste quant à cette procédure
ou quant aux droits homosexuels en général.
Dans un autre institut libéral, qui ne s'occupe que de questions
économiques, le numéro 2 a récemment tiré profit des vacances du numéro 1
pour organiser une
réunion et dévoiler ouvertement son homosexualité à tout le monde.
Puis il demanda les réactions de l'équipe à son ardente annonce et
demanda par la suite au numéro 1 de mettre dehors ceux qui
n'avaient pas montré un enthousiasme suffisant envers cette
nouvelle.
Le Parti libertarien a pendant des années eu son comité "gay et
lesbien". Autrefois, le programme de ce comité se réduisait à demander
l'abolition des lois contre
la sodomie, position libérale bien banale. Aujourd'hui, au
contraire, dans notre meilleure des époques, les théoriciens de ce
comité exigent l'autorisation de la nudité publique et des actes
sexuels en public, chose que leurs collègues d'Act-Up ont réussi à
faire cet été lors d'une Parade homosexuelle à New York : acte
techniquement illégal, bien que cette illégalité n'ait
manifestement pas entraîné de représailles de la part du nouveau
maire Républicain. La justification, bien sûr, étant que les rues sont
publiques (n'est-ce pas ?) et que tout doit y être
permis.
Jusqu'à récemment, l'attachement des institutions libérales de
gauche aux "droits des homosexuels" était plus implicite qu'explicite,
et se manifestait soit sous le
couvert d'une action publique, soit par une discrimination
"positive" de leur part. Ce qu'est qu'au mois dernier qu'un nouveau pas a
été franchi dans la revendication ouverte et officielle de
droits spécifiques des homosexuels. David Boaz, dirigeant de
l'institut le plus en vue de la gauche libérale, le Cato Institute
[Rothbard fut à sa création un
membre influent du Cato Institute. Voir à ce sujet et à propos des
différents ultérieurs la biographie de Rothbard par Justin Raimondo :
"An Enemy of the State", Prometheus Books, 2000,
chapitre 5. NdT], a en effet écrit un éditorial étonnant dans le New
York Times, étonnant non pour le journal où il est paru bien entendu,
mais quant à son contenu.
Le contenu de cet article était inhabituel à deux égards :
Premièrement, pour la première fois peut-être de la part d'une
institution se prétendant libérale,
il traitait les initiatives "anti-homosexuelles" qui ont eu lieu
dans le pays comme un "assaut" envers les "droits" des homosexuels, sans
discuter du contenu de leurs propositions, qui n'étaient
que des tentatives d'interdire les lois condamnant la discrimination
anti-homosexuelle. Bref, les initiatives que dénonçait ce libéral
étaient en fait des mesures destinées à protéger les droits
de propriété contre un assaut de la part de cette partie de la
législation qui confère des privilèges particuliers aux homosexuels. Ce
qui est particulièrement étrange dans cette erreur, c'est
que, si les libéraux sont compétents pour juger de quelque chose, ce
devrait être pour ce qui concerne la distinction entre protection et
agression des droits de propriété.
La deuxième étrangeté de cet éditorial est que cet éminent membre du
Cato Institute y critique les conservateurs pour avoir, d'après lui,
fait des homosexuels des
"boucs émissaires" alors qu'ils ignoreraient, à ce qu'il paraît, ce
qu'il considère comme le véritable problème social et moral de notre
époque : les mères célibataires et... sonnez
trompettes... le divorce !
Pourquoi les conservateurs écrivent-ils bien plus sur les
homosexuels ? En premier lieu, il me semble clair que le problème des
mères célibataires a rencontré
un large écho au sein des conservateurs. Quant au divorce, il est
curieux qu'un un libéral de gauche, voué au modernisme et au changement,
chante la nostalgie du bon vieux temps où les femmes
divorcées étaient obligées de quitter la ville. Mais le point
remarquable dans son raisonnement est en fait cette incapacité
stupéfiante et délibérée de garder contact avec la réalité.
Pourquoi les conservateurs passer-ils plus de temps à écrire sur les
homosexuels que sur le divorce ? Eh bien, tout simplement parce qu'il
n'y a pas de parade
bruyante des militants du "mouvement des divorcés" déambulant sur la
Cinquième avenue de New York au cours d'une "Divorce Pride", marchant à
poil et se livrant en public à des actes sexuels entre
divorcés, réclamant des lois pour lutter contre la discrimination
envers les divorcés, une discrimination positive en faveur de ces mêmes
divorcés, des articles spécifiques aux divorcés dans la
loi et une proclamation publique perpétuelle de la part des
non-divorcés quant à l'égalité ou la supériorité du divorce sur la
continuation du mariage.
Les choses ont évolué au point que le mot "libéral" [libertarian] a
une nouvelle connotation lorsqu'il est utilisé par les médias. On avait
l'habitude de l'utiliser
pour désigner une opposition à toute forme d'intervention du
gouvernement. Désormais, cependant, "libéral" est quasiment devenu dans
l'esprit du public synonyme de partisan des "droits des
homosexuels". C'est pourquoi le candidat préféré, pour l'élection
présidentielle de 1996, de tous les libéraux qui ne veulent pas
s'associer de trop près, en pensée et en acte, au Parti
libertarien, est sans conteste William Weld, le gouverneur
Républicain du Massachusetts qui aime se présenter lui-même comme
"libéral".
La raison pour laquelle Weld utilise ce terme n'est pas son prétendu
"conservatisme fiscal". Lui et ses acolytes ont été décrits comme
d'héroïques réducteurs
d'impôts et du budget de l'État. Sa prétendue "baisse des impôts" a
consisté à prendre le chiffre effroyablement gonflé du dernier budget de
Michael Dukakis pour le réduire d'un petit 1,8%. Mais
même cette baisse minuscule a été plus que compensée depuis par de
fortes augmentations du budget. Ainsi, le conservatisme fiscal de Weld
se manifesta l'année suivante par une hausse des dépenses
de 11,4% au Massachusetts ; et cette année il l'augmente à nouveau
d'environ 5,1%. Pour le dire autrement, le geste de William Weld
consistant à baisser de moins de 2% a été plus que
compensé par une augmentation du budget de 17% au cours des deux
dernières années. Vous avez dit "conservatisme fiscal" ? L'histoire se
répète sur le front des impôts : les baisses
annoncées haut et fort par Weld ont été plus que compensées par de
fortes augmentations.
Mais il ne s'agit que de maquillages destinés à tromper les
conservateurs. Le "libéralisme" de Weld, dans son esprit et dans celui
de ses admirateurs libéraux de
gauche, réside presque exclusivement dans son attachement passionné
aux "droits des homosexuels", ainsi qu'à la discrimination positive en
faveur de ces derniers, discrimination qu'il a mise en
place en nommant à des postes importants un grands nombre
d'homosexuels notoires. Pour finir, je voudrais aussi mentionner que
Weld est un partisan fanatique de l'écologie et de sa destruction
despotique du niveau de vie de l'espèce humaine.
Récemment, les libéraux de gauche ne se sont pas contentés de
soutenir des Républicains de gauche : ils ont aussi fait une incursion
dans le Parti démocrate.
Plusieurs dirigeants du Cato Institute ont soutenu la campagne de
Doug Wilder en Virginie, l'un d'eux étant même devenu membre de la
commission des finances de Wilder. L'attirance exercée par
Wilder au détriment du Républicain de gauche Coleman est que Wilder
incarne par sa personne et par sa vie à la fois la "diversité" sexuelle
et raciale tellement aimée des libéraux de gauche. Il
est toutefois typique que leur sens aigu de la politique les ait
fait s'embarquer avec enthousiasme dans le bateau de Wilder juste avant
qu'il ne coule sans laisser la moindre trace...
La nouvelle devise de presque tous les libéraux de gauche pour ce
qui est de choisir des candidats du Parti libertarien est devenue :
"fiscalement
conservateur, mais socialement tolérant." La signification de
l'expression "fiscalement conservateur" peut se réduire, et se réduit
dans les faits, à bien peu : elle signifie habituellement
dépenser, ou proposer de dépenser, un peu moins que leurs
adversaires politiques, ou encore ne pas trop augmenter les impôts.
"Socialement tolérant", tournure au mieux vaseuse, est une
expression codée pour un ensemble de politiques et de caractéristiques
éparses : attachement aux
droits des homosexuels, aux droits civiques et généralement et
par-dessus tout, ne pas être "rempli de haine" comme la droite
chrétienne, Pat Buchanan et le Rothbard-Rockwell Report. Alors que
nous ne sommes tous par définition que des brutes épaisses suant la
"haine" par tous les pores, les libéraux de gauche, comme nous le savons
tous si bien, ne sont que de braves gars, leurs êtres
n'émettant que des ondes d'amour, de générosité et de chaleur
d'esprit. Et, comme nous disons à New York, que leur vie soit la plus
longue possible ! De fait, je n'ai pas la même expérience
personnelle des néoconservateurs que certains d'entre vous, mais je
peux vous assurer que les libéraux de gauche valent les néoconservateurs
en ce que vous ne voudriez pour rien au monde avoir
affaire à eux. Faites moi confiance pour ça.
Pour être "socialement tolérant", il ne faut bien entendu pas
émettre la moindre critique sur l'idée d'immigration libre. Au
contraire, il convient de la soutenir
sans réserves. Avec les libéraux de gauche et les néoconservateurs,
toute proposition, quelle qu'en soit la raison, de limiter l'immigration
ou même de réduire le flux d'illégaux est
automatiquement et hystériquement dénoncée comme raciste, fasciste,
sexiste, hétérosexiste, xénophobe, et toute la panoplie d'épithètes
injurieux à portée de main. (Bien que les néoconservateurs
semblent, curieusement, faire une exception flagrante envers ceux
qu'ils appellent de manière assez vague les "terroristes arabes".) Les
choses en sont venues à un tel point que le Parti
libertarien, qui s'était opposé avec force et de manière constante à
tout impôt et à toute dépense de fonds publics, est maintenant en train
de changer rapidement de politique et d'attitude, y
compris sur ce sujet, pourtant depuis longtemps cher aux coeurs
libéraux.
En Californie, il y aura en Novembre de cette année un vote sur une
proposition remarquablement simple et intitulée "Save Our State"
[Sauvons notre État], qui
pourrait être reprise par tout Américain des classes ouvrières ou
moyennes. En fait, ceux qui la connaissent en sont des partisans
enthousiastes. Cette proposition interdit tout usage de fonds
publics en faveur d'étrangers en situation irrégulière. La plupart
des gens, bien sûr, pensent ces illégaux devraient plier bagage et
retourner chez eux, mais certainement pas bénéficier aux
frais du contribuable de l'aide médicale et des écoles publiques,
ainsi que de tout l'appareil de l'État-providence.
Comme vous pouvez l'imaginer, tout l'establishment et tous les
groupes bien-pensant se sont opposés avec hystérie à cette proposition.
Dans cette coalition on
pouvait évidemment retrouver le grand patronat, les syndicats, les
associations d'enseignants, les médias, les experts, les professeurs, et
toutes les élites faiseuses d'opinion, bref les
suspects habituels [the usual suspects]. Ces groupes ont tous
dénoncé "Save Our State" comme un encouragement à la diffusion de
l'ignorance et du mal. Les partisans de la proposition furent
dépeints comme pleins de haine, racistes, sexistes, hétérosexistes,
xénophobes, etc. Les seuls à la défendre étaient un ensemble
d'organisations inconnues, véritablement populaires, qui essaient
d'éviter plutôt qu'elles ne recherchent la publicité parce qu'elles
ont déjà reçu des menaces de mort et d'attentat à la bombe, probablement
de la part des membres de la "communauté illégale" que
l'on appelerait normalement "gangsters" s'il n'y avait le
politiquement correct.
Notre collaborateur Justin Raimondo est, je suis fier de le dire, le
coordinateur de "Save Our State" à San Francisco et il rapporte que le
chef de la section de
San Francisco du Parti libertarien (je dois préciser ici que l'État
de Californie est peut-être le seul où le Parti a de nombreux membres et
ne se résume pas à une organisation de papier)
s'oppose à cette proposition - une première chez les libéraux :
s'opposer à une réduction d'impôts !
Quel raisonnement a-t-il conduit le Parti libertarien à abandonner
précipitamment le contribuable et les droits de propriété en faveur du
politiquement
correct ? C'est que l'application de la proposition "Save Our State"
pourrait représenter une menace pour les libertés civiles ! Mais
l'application de n'importe quelle mesure, bonne ou
mauvaise, pourrait bien sûr menacer les libertés civiles et ce n'est
pas une excuse pour refuser de voter un projet valable. Les frontières,
apparemment, ne doivent pas seulement rester grandes
ouvertes : il faut aussi encourager cette ouverture et la financer
au frais du contribuable américain. La confusion entre public et privé,
le changement de définition des "droits" sont
visiblement allés si loin que tout immigré en situation irrégulière a
maintenant le droit de lessiver le contribuable pour un montant que
Dieu seul connaît. Bienvenue dans le libéralisme
étatiste !
L'opposition aux impôts s'est en fait systématiquement affadie. Le
Cato Institute s'est récemment déclaré en faveur de la campagne
richement dotée réclamant la
suppression de l'impôt sur le revenu pour le remplacer par un impôt
sur les ventes. La revendication de le Vieille Droite et des vieux
paléos, telle que je me la rappelle depuis mes années de
jeunesse, était de supprimer le Sixième amendement et l'impôt sur le
revenu, point. La variante actuelle constitue une proposition bien
différente. En premier lieu, elle repose sur le slogan que
les conservateurs ont hérité des "théoriciens de l'offre"
[supply-siders] et qui a été finalement adopté par presque tous les
économistes et soi-disants hommes d'État : quoi qu'il arrive, et
quelle que soit l'évolution de la législation des impôts, il
faudrait que la modification de la loi soit "neutre" quant aux rentrées
fiscales, c'est-à-dire que le montant total de la récolte ne
doit jamais baisser.
On n'explique jamais comment cet axiome s'inscrit dans la doctrine
conservatrice ou libérale, ni pourquoi diable les rentrées fiscales ne
devraient pas diminuer.
Hein, pourquoi donc ? A la réponse habituelle, qui nous dit que nous
devons nous soucier des déficits fédéraux, la réplique appropriée, que
plus personne ne fait, est de diminuer fortement
les dépenses de l'État. Ce qui exige bien sûr que l'on en revienne à
la vieille définition démodée de la "diminution du budget", i.e. une
véritable diminution du budget, et non que l'on accepte
le sens actuel qui signifie diminution de son "taux de croissance"
ou diminution se fondant sur une prédiction de croissance du Congrès ou
de la présidence, basée sur des hypothèses
inévitablement douteuses. Comme l'a souligné un numéro récent du Free Market, la lettre du Mises Institute, il
y a de graves défauts dans cette idée de remplacer l'impôt sur le revenu par un impôt sur les ventes.
En premier lieu, et contrairement au caractère prétendument
"réaliste" et "pragmatique" de cette proposition, elle ne conduirait pas
en pratique à la suppression de
l'impôt sur le revenu, mais plutôt à l'ajout d'une nouvelle taxe sur
les ventes à notre sordide législation fiscale actuelle. En second
lieu, si la part "personnelle" de l'impôt sur le revenu
était éliminée, la part "patronale" demeurerait. De cette façon,
l'abominable Gestapo fiscale resterait intacte et continuerait à
examiner les livres de comptes et à s'immiscer dans nos vies. De
plus, une taxe de 30% sur les ventes réclamerait également des
mesures lourdes pour la faire respecter, de sorte qu'un nouveau service
du Ministère des finances devrait rapidement mettre son nez
dans les comptes de chaque commerçant du pays. Il ne me semble pas
nécessaire d'avoir un doctorat ou un sens théorique très poussé pour
prévoir ces conséquences. Ce qui conduit à mettre en doute
la bonne foi des partisans de cette réforme.
En parlant de bonne foi : l'une des pires histoires de tous les
instituts défendant l'économie de marché, ainsi que de tous les journaux
et institution
libéraux "officiels", fut de soutenir comme de nombreux autres
moutons tout le tintouin fait autour de l'ALENA [Accords de
Libre-Échange du Nord de l'Amérique, en anglais NAFTA], et désormais en
faveur de l'Organisation Mondiale du Commerce. Le Fraser Institute
canadien a réussi, sans rencontrer la moindre résistance, à conduire
presque tous
les instituts libéraux du pays vers ce qu'ils ont appelé le "Réseau
de l'ALENA" ["Nafta Network"], qui a consacré des sommes sans précédent à
une agitation, une propagande et de prétendues
"recherches" sans fin, destinées à faire passer l'ALENA. Et pas
seulement les instituts : les ont rejoints un grand nombre de libéraux
et de sympathisants du libéralisme que l'on trouve
parmi les chroniqueurs, écrivains et experts.
Le développement de ce processus nous a apporté quelques
distractions macabres. La ligne suivie au départ par ces libéraux de
gauche était la ligne
Bush-Clinton : à savoir que l'ALENA favoriserait, et en serait même
une condition indispensable, le beau concept de libre-échange, devenu
article de foi des Républicains conservateurs lors
des présidences Reagan. L'unique opposition à l'ALENA proviendrait
donc uniquement d'une alliance constituée de protectionnistes
déconcertés ou plus probablement méchants : des responsables
syndicaux socialistes, le détestable Ralph Nader, des fabricants
nationaux inefficaces à la recherche de tarifs protecteurs et leurs
larbins. Pire encore, on y trouve des alliés remplis de haine,
protectionnistes, xénophobes, racistes, sexistes et hétérosexistes,
tel Pat Buchanan.
C'est à ce moment que Pat Buchanan fit un coup de maître,
déconcertant les forces pro-ALENA. Il attira l'attention sur le fait que
des partisans du libre-échange,
aussi ardents et puristes que Lew Rockwell, moi-même et le Mises
Institute, ou encore les membres du Competitive Enterprise Institute,
s'opposaient à l'ALENA
parce qu'il s'agit de mesures faussement libérales, qui comprennent
de nombreuses restrictions au libre-échange, notamment des contrôles
socialistes en ce qui concerne l'emploi et le respect de
l'environnement. Et parce que, de plus, ces mesures sont
particulièrement dangereuses, ajoutant des restrictions
intergouvernementales aux restrictions internationales, et qu'il faudra
les faire
respecter par de nouvelles organisations intergouvernementales ne
devant rendre de compte à personne et certainement pas aux électeurs des
nations concernées.
Il est amusant de voir que les propagandistes pro-ALENA durent
changer leur fusil d'épaule dans la précipitation. Ils furent obligés de
nous attaquer, soit
nominalement soit sur le plan général. Comme ils ne pouvaient pas
nous dépeindre comme des protectionnistes, ils eurent à se battre
simultanément sur deux fronts, attaquant les méchants
protectionnistes de droite et de gauche tout en dénonçant
simultanément notre pureté excessive quant au libre-échange, reprenant
ainsi l'expression de Voltaire, que je commence à détester presque
autant que les mots "aliénation" et "tolérance" : le mieux est
l'ennemi du bien. En fait, bien sûr, NAFTA et OMC ne sont en aucun cas
le "bien" : ils ne font qu'empirer la situation et
sont considérés comme des "maux" par tout libéral au véritable sens
du terme.
Quelques libéraux de gauche ont répondu à nos critiques du projet de
gouvernement mondial que seuls des xénophobes et des étatistes
pouvaient se soucier de
"souveraineté nationale", parce que d'après les grandes théories
libérales seul l'individu est souverain, pas la nation. Je ne souhaite
pas discuter longuement de ce point. Mais, pour moi, il
devrait être évident à tout libéral que l'ajout de nouveaux niveaux
de gouvernement, plus élevés et plus étendus, ne peut qu'augmenter
l'étendue et l'intensité du despotisme, que plus ces niveaux
sont élevés, moins ils sont soumis au contrôle, à leur limitation ou
à leur suppression de la part de la population.
Mais je constate de plus en plus qu'on ne peut jamais rien
considérer comme évident avec les prétendus libéraux. De fait, Clint
Bolick, éminent théoricien et
activiste libéral sur le plan juridique, a écrit un livre pour le
Cato Institute où il étudie de façon étrange l'Amérique d'aujourd'hui
pour en conclure que la véritable tyrannie, la véritable
menace pour nos libertés, ne serait ni le Léviathan fédéral, ni le
Congrès, ni l'exécutif, ni encore le nombre sans cesse croissant des
despotes à vie qui composent la magistrature fédérale. Non
rien de tout cela : la véritable menace pour nos libertés serait au
contraire les gouvernements populaires locaux.
Il me semble impossible de tenir un quelconque raisonnement ou
d'avoir la moindre discussion avec des gens qui étudient la vie actuelle
des Américains et en
arrivent à de telles conclusions. Qualifier ces individus de
"libéraux", comme dire des partisans l'ALENA qu'ils sont en faveur du
"libre-échange", c'est déformer le sens des mots au-delà de tout
entendement. Comme avec les décontructionnistes, nous entrons avec
les libéraux de gauche dans un monde à la Humpty Dumpty, où les mots ne
veulent dire que ce qu'on choisit de leur faire dire et
où la véritable question est de savoir qui sera le maître.
En parlant de celui qui sera le maître, les partisans de l'ALENA ont
eu le toupet d'accuser la "coalition" des protectionnistes et des
authentiques partisans du
libre-échange d'être payés par la méchante industrie textile. Cette
accusation, tenez-vous bien, provient d'institutions largement
subventionnées par les gouvernements mexicain et canadien, par
des lobbyistes mexicains et canadiens, ainsi que par des entreprises
et des donateurs issus des industries d'exportation. Car une des
vérités bien tues de la politique étrangère américaine depuis
la Deuxième Guerre Mondiale et même depuis 1930, y compris pour ce
qui est des négociations commerciales, des traités et accords entre
États, du prétendu "libre-échange" et des échanges
commerciaux, tout comme pour tous les programmes d'aide
internationale, cette vérité c'est que la motivation principale était de
mettre en place des subventions publiques, payées par les
contribuables, aux industries d'exportation et aux banquiers qui les
soutiennent. On peut parler d'individus élevés en serre !
Je ne voudrais pas clore ce chapitre sur l'ALENA sans mentionner
brièvement la réponse étonnante du Parti libertarien. Rappelons à
nouveau que le Parti s'était
autrefois toujours opposé à toute forme de restrictions ou de
contrôles commerciaux entre États. Et pourtant, l'auguste Comité
national qui dirige le parti entre deux conventions - qui sont de
plus en plus rares d'ailleurs, s'est senti obligé d'émettre un
communiqué soutenant l'ALENA au point culminant de la controverse,
jetant ainsi tout son poids dans la bataille.
Celui qui dirige en réalité le Comité national est lui-même un
théoricien libéral reconnu. Seule la nostalgie de ses anciennes idées,
ou un minimum d'intégrité, l'a
empêché d'essayer de répondre à nos critiques. Malheureusement il a
dû pour ce faire avoir recours au type d'argument autrefois en vogue
dans ces minuscules organisations (véritables sectes) au
nom si grandiose, comme le Parti International Révolutionnaire des
Travailleurs. A savoir : lui et le Comité national reconnaissent qu'il y
a un problème avec l'ALENA, que son organisation
bureaucratique internationale pourrait bien signifier des
restrictions dépassant ses prétendus caractéristiques libérales. Mais,
concluent-ils, il ne faut pas s'en soucier parce que, dans ce cas,
le Parti libertarien mettrait tout son poids politique pour arrêter
cette dérive. Quel soulagement de savoir que le Parti libertarien se
mettra en travers de l'ALENA et de ses inévitables
conséquences !
Lorsque l'alliance "paléo" commença à gagner en influence, nous
fûmes pendant un moment la cible de violentes attaques de la part des
néoconservateurs, rejoints
désormais par les nouveaux "libéraux officiels". Virginia Postrel,
éditrice du mensuel Reason, s'est en un sens fait une spécialité des
attaques contre la droite proche de Buchanan. Elle la
dénonce habituellement pour sa prétendue opposition au
"changement" ; en fait elle fait un peu penser aux harpies médiatiques
qui faisaient écho aux partisans de Clinton durant la campagne
présidentielle, chantant la nécessité du "changement", apparemment
changement pour le changement, sans autre but, et qu'elle confond avec
une étrange Société des Possibles [Opportunity Society].
La véritable question est toutefois bien de savoir de quel
changement il s'agit, pour quoi faire et dans quelle direction ? Les
paléos, après tout, sont de grands partisans du changement,
d'un changement radical qui plus est. Sauf que mon petit doigt me
dit que le changement que nous recherchons - réactionnaire et plein de
haine - n'est pas exactement le type de "changement,
changement, changement" dont parlent cette éditrice et autres
néoconservateurs ou Clintoniens.
Ce mois-ci, elle a écrit un éditorial dénonçant la coalition
anti-GATT, qu'elle considère très curieusement comme "des partisans de
l'immobilisme... en appelant à
la puissance de l'État pour bloquer le processus dynamique des
marchés et du choix individuel." Qu'elle puisse interpréter une mesure
soutenue avec enthousiasme par le président Clinton et le
reste de l'establishment étatique comme un exemple du marché et de
choix individuel s'opposant à la puissance de l'État, voilà qui dépasse
l'entendement.
Une autre anecdote a suscité la colère de notre éditrice, toujours
dans ce même éditorial. Ici aussi elle trouve une coalition de
l'immobilisme essayant de bloquer
le processus bénéfique de la croissance économique dans un marché
libre. Ici aussi nous avons une coalition de progressistes, de
conservateurs, de résidents du coin, d'historiens et de toute
sorte d'autres personnes essayant de conserver et d'honorer
l'héritage américain et essayant d'empêcher la construction sur les
lieux mêmes de la Bataille de Manassas d'un parc à thème Disney
traitant de l'Histoire américaine. L'une des raisons principales
pour empêcher cette "Esneirisation" du Nord de la Virginie est la
version politiquement correcte de l'Histoire que veut infliger à
des visiteurs ne se doutant de rien l'historien en chef d'Eisner :
Eric Foner, marxiste-léniniste notoire.
Foner, au passage, dans une illustration parfaite de cette alliance
entre la gauche et les néoconservateurs, était, lors d la première année
de présidence Reagan,
le principal "expert" à aider Irving Kristol et les néoconservateurs
dans leur dénonciation de Mel Bradford comme "raciste" et "fasciste",
pour avoir eu l'audace de critiquer l'un des principaux
despotes de l'Histoire américaine : Saint Abraham Lincoln, qui, par
bien des côtés, est le prédécesseur du "Docteur" King en ce qu'il nous
aide à séparer rapidement le bon grain de droite
des diverses variétés d'ivraie de gauche.
Dans son article, Postrel décrit cette coalition contre le parc à
thème comme une "coalition de la gauche opposée à la croissance et des
conservateurs attachés au
sang et à la terre." En un certain sens il n'est pas surprenant que
l'éditrice, libérale de gauche, oublie de signaler que le projet se
propose d'infliger une version politiquement correcte,
marxiste léniniste, de l'Histoire américaine à des touristes
innocents et que donc elle ne s'y intéresse pas. Mais Pat Buchanan, une
fois encore, jeta une clé à molette dans la machine de
propagande de la gauche libérale en signalant que votre serviteur,
dans un article du Free Market, avait montré que ce parc à thème Disney
n'était nullement le résultat du marché, mais bel et
bien un projet dépendant explicitement d'une subvention de 160
millions de dollars, payés par les contribuables de l'État de Virginie.
Est-ce réellement une preuve d'immobilisme, de refus de la
croissance et du libre-échange que de s'opposer à un projet exigeant une
aide des contribuables à la
hauteur de 160 millions de dollars ? Comment cette éditrice
prétend-elle défendre son soutien face à cette critique, émanant de la
part de quelqu'un qui, pour le moins, peut être considéré
comme un peu plus libéral et opposé à l'État qu'elle ne l'est ? Sa
ligne de défense est assez instructive et particulièrement peu
convaincante. Son commentaire est le suivante, reproduit
intégralement : "l'objection des partisans du libre-échange
expliquant que ce parc touche des subventions ne constitue pas le coeur
du débat." Eh bien, c'est ce qui s'appelle répondre à cet
argument.
L'une des raisons principales qui aurait à ce qu'il paraît conduit
les libéraux à haïr la religion est qu'ils seraient eux, les libéraux,
des défenseurs acharnés de
la raison avant tout, alors que les croyants seraient inévitablement
trompés par ce que les rationalistes aiment appeler une "superstition".
Il est instructif de réfléchir sur la qualité des
capacités de raisonnement que ces libéraux ont montré lors de leur
éloignement de la liberté et des droits de propriété.
Retournons maintenant à une dernière mesure qui illustre le "Grand
Bond en Avant Étatiste" du mouvement libéral. Il s'agit de spn soutien
au programme de bons
scolaires, proposition que les libéraux de gauche de Californie ont
soumis sans succès au vote en novembre dernier. Les néoconservateurs et
les libéraux de gauche entrèrent joyeusement dans la
bataille californienne du bon scolaire, qu'ils ont largement
financée, convaincus de n'avoir d'autres adversaires que les habituels
et syndicats d'enseignants et de progressistes.
Le libéraux de gauche utilisèrent à cette occasion leur mot ronflant
favori, "choix", qu'ils avaient d'abord appliqué au choix des femmes
quant à l'avortement, et
qu'ils voulaient désormais étendre au choix des parents et des
enfants quant aux écoles à fréquenter, et au choix entre écoles privées
et publiques. Ayant anticipé le déroulement du débat, les
partisans du bon scolaire menaient tranquillement leur campagne
quand ils furent à nouveau éclipsé par un article influent de Lew
Rockwell dans le Los Angeles Times, article qui constitua,
d'après ce qu'ils avouèrent tristement un peu plus tard, la plus
grande force ayant conduit à l'échec de leur plan. Lew sortit du débat
habituel pour souligner des points auxquels tenaient
particulièrement les parents et les contribuables californiens
mobilisés dans la critique du système d'école publique.
Lew souligna que (1) l'État-providence et le fardeau subi par les
contribuables augmenteraient au lieu de diminuer avec la mise en place
de ce programme de bons
scolaires ; et (2) que si les enseignants des écoles publiques
peuvent certes s'opposer à ce programme, ce qui est bien plus important
et plus dangereux, c'est que ce programme conduirait à
un contrôle des écoles privées plus strict de la part de l'État, ces
écoles étant pour l'instant encore en grande partie à l'abri des
intrusions gouvernementales. Le gouvernement contrôle
toujours ce qu'il subventionne et, dans le cas du bon scolaire,
l'État serait obligé de définir de qui constitue une "école" afin
qu'elle puisse toucher les aides.
Comme pour tout programme de redistribution, l'étendue des choix des
bénéficiaires ne peut croître qu'aux dépens des perdants, en
l'occurrence des parents d'enfants
allant aujourd'hui dans une école privée. Cet argument se révéla non
seulement être une véritable bombe, mais Lew utilisa, pour la première
fois je crois, un autre argument puissant et
sensible ; (3) le programme de bon scolaire détruirait les écoles
publiques de banlieues aujourd'hui relativement bien et soigneusement
protégées, parce qu'elles seraient obligées d'accepter
tous ceux qui viendraient d'autres quartiers.
En bref : ces écoles de quartiers, contrôlées dans une certaine
mesure par les parents et les contribuables locaux, seraient forcées
d'accepter les hordes de
la jeunesse inéducable et même criminelle du centre-ville. Les choix
de ces parents de banlieue diminueraient. Non seulement les enfants des
banlieues seraient en danger, mais la valeur de leurs
biens immobiliers, reposant pour une bonne part sur leur
déménagement pour des quartiers comportant d'assez bonnes écoles, serait
en grand péril.
Alors que ce dernier argument de Lew Rockwell, très politiquement
incorrect, fut en butte à l'hystérie prévisible des libéraux de gauche,
qui l'accusèrent comme
d'habitude de racisme, sexisme, hétérosexisme, etc., etc., son
argument fut particulièrement efficace là où il le fallait : chez les
habitants de la classe moyenne des banlieues, qui étaient
jusque là prêts à voter en faveur du programme de bon scolaire. Il
n'y a pas de meilleur témoignage de la puissance des idées, quels que
puissent être l'ambiance politique préalable ou les
soutiens financiers.
Une remarque générale : il y a quatorze ans, le Parti libertarien
mena sa campagne présidentielle la plus richement dotée, et donc la plus
largement relayée
par les médias. Lors de cette campagne, menée par ce qui déjà
n'était certainement pas son aile la plus puriste, les médias, qui s'y
intéressaient pour la première fois, demandèrent qu'on leur
explique en quelques mots ce qu'était le "libertarianisme". La
réponse fut : un "progressisme combiné avec un faible niveau d'impôts"
[Cf. la remarque initiale. NdT]
Le chef absolu de cette campagne, Ed Crane, est désormais à la tête
de l'un des instituts libéraux américains les plus en vue. Récemment,
lui et ses collègues ont
fourni une autre formule résumant l'essence du libéralisme. "Un
"progressisme de marché" [Ibid.
NdT]. Il est à noter
que si l'ancienne définition faisait encore référence à des impôts
réduits, le nouveau credo peut être accepté par presque tout le monde.
Après tout, la plupart des socialistes se présentent
comme "progressistes" et tous les socialistes acceptent désormais un
certain type de marché. Cette expression pourrait donc être, et a
peut-être été, retenue par notre président, le bien peu
libéral William Jefferson Blythe Clinton IV, tout comme par le
dernier dirigeant de la défunte Union soviétique, Mikhaïl S. Gorbatchev.
Vous avez dit respectable et au sein du courant
dominant ?
Ces dernières semaines, le même théoricien éminent du "progressisme de marché" [Ibid.].
a décidé de combattre ce qu'il considère comme le grand danger
représenté par le mouvement populiste de droite. Il propose à la place
de ce dernier une "Révolution de velours", terme qui semble
bien plus étrange et bien plus exotique aux États-Unis qu'il ne
l'était en République tchèque.
Cette Révolution de velours qui, selon notre éminent libéral de
gauche, limitera le gouvernement fédéral "sans perturbations", est un
simple ensemble de trois
mesures légales. L'une consiste à remplacer l'impôt sur le revenu
par une taxe sur les ventes, proposition dont j'ai déjà parlé. La
deuxième consiste à limiter les mandats et la troisième
consiste à faire passer un amendement obligeant à l'équilibre du
budget. Le problème avec cet ensemble est de ne rien arranger, mais
plutôt d'empirer les choses : au mieux, on peut tromper
les masses en leur faisant croire que Washington a été dompté et à
les conduire à abandonner tout intérêt pour le sujet. C'est peut-être
d'ailleurs l'objectif.
Très brièvement, l'amendement exigeant un budget équilibré est un
bobard et une escroquerie intellectuelle. Hormis les clauses
dérogatoires permettant au Congrès
d'échapper facilement à cet amendement, le fait qu'il représenterait
une excuse facile pour justifier la hausse des impôts, et le fait que
le gouvernement fédéral peut aisément mettre ses
dépenses dans la partie "activités hors budget" comme il le fait
déjà, le prétendu "équilibre" ne concerne que les projets de dépenses
futures et non le budget actuel. Or tout le monde peut bel
et bien prévoir n'importe quelles dépenses futures.
Enfin, il n'y a aucune obligation associée : les membres du Congrès
votant en faveur de budgets non équilibrés seront-ils tous virés et
éliminés ?
Ce qui m'amène à la troisième partie de cette triade : la limitation
tellement vantée des mandats. Je n'ai pas d'opposition au concept en
soi. Le problème,
c'est que la limite des mandats ne peut restreindre que ceux des
élus du Congrès ou des États, alors que le bras législatif est de loin
celui qui a le plus grand pouvoir parmi les trois branches
du gouvernement. De ces branches, les élus du Congrès et des États
sont les seuls à devoir rendre des comptes au public et à être soumis
aux représailles des électeurs. Ce sont les seuls dont
nous pouvons nous débarrasser rapidement et pacifiquement. Comparez
cette situation avec celles des autres branches néfastes, qui ne sont
pas soumises à un mandat.
Il y a l'exécutif, au sein duquel seul le Président est élu pour une
durée limitée, malgré les ronchonnements de tous les partisans de la
"démocratie". Le reste de
notre vaste bureaucratie fédérale ne peut pas être changé par le
public. Véritables despotes, ils ont été congelés sur place par le
système du "service public", imposé au public par les élites
intellectuelles et médiatiques de la fin du dix-neuvième siècle Et
il y a pour finir les véritables et abominables tyrans de notre époque,
j'ai nommé la justice fédérale sans bornes et qui
s'emballe : elle jouit d'un pouvoir virtuellement absolu sur chaque
ville et village ainsi que sur la vie de tout un chacun. Et à son
sommet, on trouve la Cour suprême et ses despotes
inamovibles. Si les gens commençaient à proposer, par exemple, de
supprimer l'administration fédérale et de limiter à deux ans les
fonctions de juge fédéral, alors je commencerais à les
considérer comme une solution au problème plutôt que comme une
partie du problème.
En conclusion : contrairement aux libéraux de gauche qui tentent
désespérément d'arracher ses dents à la révolution populaire, je crois
que les jours du
"réalisme" de Washington, répandu à la fois chez les conservateurs
et chez les libéraux de gauche, sont comptés. Il existe désormais un
puissant mouvement populaire, qui se lève partout au coeur
de l'Amérique : mouvement radical et populiste de droite, conduit
par une détestation profonde et un mépris envers, tout d'abord
évidemment les Clinton et leur répugnante équipe, puis
Washington en général, ses idéologues et sa culture, enfin tous les
politiciens en général et ceux habitant Washington en particulier.
Cette droite populaire est très différente de ce que nous avons
connu jusqu'ici. Elle déteste profondément les médias dominants et ne
leur accorde aucune confiance.
De plus, elle ne voit pas l'utilité des organisations de Washington
et de leurs dirigeants traditionnels. Ce peuple ne se satisfait pas de
devoir financer ces organisations et de devoir suivre
docilement leurs ordres. Ses membres ne sont peut-être pas
"socialement tolérants". Mais ils sont mauvais coucheurs, en ont marre
du gouvernement fédéral et sont de plus en plus en colère. Dans
cette atmosphère naissante, la stratégie supposée être pragmatique
de Washington, consistant à faire la lèche au pouvoir, n'est pas
seulement immorale et sans principes : elle ne peut plus
marcher, même à court terme. Les les classes ouvroières et les
classes moyennes opprimées sont enfin en marche, et ce nouveau mouvement
de droite n'a pas de place pour les traîtres de l'élite qui
les ont si longtemps menés par le bout du nez, ni de temps à perdre
avec eux.
par Murray Rothbard
Texte paru dans le Rothbard-Rockwell Report, Novembre 1994.
Repris dans "The Irrepressible Rothbard" (2000) publié par The Center for Libertarian Studies
Repris dans "The Irrepressible Rothbard" (2000) publié par The Center for Libertarian Studies
[Remarques du traducteur : Hervé de Quengo
Dans le texte suivant, Rothbard emploie systématiquement le
terme de "libertarian" que j'ai traduit par "libéral" et "libertarien"
de manière quelque peu aléatoire. (Il emploie en particulier
l'expression "left-libertarian", traduite par "libéral de gauche",
pour désigner les membres du courant libertarien américain auxquels il
s'oppose, alors que le terme "left-liberal", qu'il
utilise aussi, signifie en gros "socialiste" sous sa plume, selon
l'usage aux États-Unis.) Si le terme "libéral" devrait suffire, n'ayant
pas (encore ?) la connotation interventionniste
américaine, certains aspects de la critique de Rothbard sont plus
particuliers aux développements du courant "libertarien" américain (qui
est par ailleurs souvent considéré comme plus
intransigeant, alors que Rothbard nous montre certaines de ses
dérives) et c'est pourquoi j'ai fait jouer l'alternance. Il ne faut donc
pas chercher d'intention de distinguer les deux attitudes
chez Rothbard..
Ici la controverse d'un jeune socialiste, l'ineptie du jour
Le libéralisme est étatiste
Le libéralisme peut être divisé en deux grands courants fondamentaux contemporains : le libéralisme humaniste de Friedrich Hayek et Pascal Salin, et le libéralisme utilitariste de Catherine Audard, auquel on peut aussi rattacher John Rawls ou John Stuart Mill.
Ces deux courants affirment généralement leur filiation au libéralisme classique, développé entres autres par Adam Smith, mais le libéralisme utilitariste se démarque en revendiquant sa filiation au nouveau libéralisme du XIXème siècle. De nos jours, le libéralisme humaniste est qualifié régulièrement par ses opposants de néo-libéralisme, ou d'ultra-libéralisme. On peut en outre considérer le libérisme italien comme pouvant aussi être rattaché, peu ou prou, à ce courant. Quant au libéralisme utilitariste, on le qualifie généralement de nos jours de social-libéralisme.
Dans cet essai, je m'efforcerai de montrer que le libéralisme humaniste est étatiste.
Étant donné que le libéralisme utilitariste ne s'est jamais réclamé de l'anti-étatisme, je ne chercherai pas à montrer que ce courant du libéralisme est étatiste. On peut en effet considérer que pareil exercice serait trivial, étant donné que le libéralisme utilitariste a toujours réclamé l'interventionnisme étatique comme nécessaire et souhaitable à la réalisation de son projet de société.
La plupart des libéraux humanistes prétendent généralement, et sûrement sincèrement, que le libéralisme est une idéologie politique anti-étatiste. Néanmoins, ils se trompent, comme j'essayerai de le démontrer dans cet essai. En effet, s'il est vrai que le libéralisme humaniste se réclame de l'anti-étatisme, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une simple posture, qui ne s'accorde pas avec les implications des fondements doctrinaux du libéralisme humaniste, étant donné que ces derniers impliquent un étatisme certain.
Cette thèse a, à ma connaissance, rarement été soutenue. Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Ilitch Oulianov, et tous les penseurs marxistes et marxiens, se sont en effet généralement contentés de définir le libéralisme (humaniste) comme la simple expression idéologique des intérêts de la classe bourgeoise ou dominante. Ils n'ont donc pas cherché explicitement à montrer le caractère étatiste du libéralisme, bien que leurs écrits puissent être interprétés dans ce sens dans bien des cas.
Par ailleurs, je souhaiterais préciser quelques termes afin de pouvoir permettre une compréhension optimale de ma thèse.
Tout d'abord, le libéralisme humaniste est une idéologie politique, préconisant l'organisation de la société sur le principe de la liberté individuelle. Une idéologie politique est un projet de société articulé politiquement, fondé sur une certaine lecture de la nature huamine et sur certaines valeurs.
L'étatisme peut être compris dans certains cas comme une idéologie politique à part entière, préconisant l'intervention de l'État dans la société. Mais dans cet essai, je considérerai simplement l'étatisme comme un synonyme d'interventionnisme étatique. Autrement dit, je ne considérerai l'étatisme que comme un composant d'une idéologie politique, et non comme une idéologie politique en lui-même.
L'argument en faveur de ma thèse est découpé en huit prémisses que je présenterai et défendrai successivement. L'enchaînement des prémisses est formé par une série d'implications tirées des principes fondamentaux du libéralisme humaniste.
1. Le libéralisme humaniste implique la propriété privée des moyens de production.
Le libéralisme humaniste implique la propriété privée des moyens de production. Par conséquent, on ne peut imaginer une société libérale où la propriété des moyens de production serait commune ou collective.
Je considère qu'un moyen de production est tout ce qui sert à produire dans une proportion supérieure à celle de l'individu. Par exemple, l'individu (ou le ménage) produisant des légumes et des fruits pour sa seule consommation dans son potager n'est pas le propriétaire d'un moyen de production, mais d'un bien (ou d'un moyen) de consommation. On notera en outre que le terme « moyen de production » est relativement neutre (soit sans connotation partisane), étant donné que des penseurs comme Karl Marx ou Friedrich Hayek, l'utilisent aussi bien l'un que l'autre.
Le libéralisme humaniste implique que l'individu ne doit jamais être soumis contre sa volonté à à une décision à laquelle il n'adhère pas librement. C'est le principe de la liberté individuelle. Ce principe signifie donc qu'un régime politique dictatorial est incompatible avec le le libéralisme humaniste, mais cela signifie aussi qu'un régime politique démocratique qui prendrait ses décisions par vote à la majorité, est lui aussi incompatible avec le libéralisme humaniste. Seule une démocratie prenant ses décisions par vote à l'unanimité serait compatible avec le libéralisme humaniste. Ce développement implique que le libéralisme humaniste ne peut impliquer aisément (puisque toute décision collective doit se faire à l'unanimité) une organisation de la société fondée sur autre chose que des principes protégeant la liberté individuelle de toute atteinte.
Le libéralisme humaniste ne peut donc que difficilement impliquer une organisation de la société sur le principe de la propriété collective ou étatique des moyens de production. Je ne dis pas que cela soit théoriquement impossible, mais que c'est difficilement envisageable, et dans le cas où cela serait mis en pratique, pareille organisation volontaire ne saurait être que temporaire, car les individus changeant au fil des générations, le libre consentement évolue de même. Dans la pratique, on note que toutes les sociétés libérales se sont toujours fondées sur le principe de la propriété privée des moyens de production.
Afin de renforcer cette prémisse, je citerais Friedrich Hayek lorsqu'il parle d'un « système de concurrence libre, basée nécessairement sur la propriété privée » (HAYEK Friedrich, La route de la servitude, Presses universitaires de France, 1946, Paris, p. 77)
Ici, Hayek dit bien qu'une société de concurrence libre (c'est à dire libérale) implique nécessairement la propriété privée. Et il est évident que la propriété privée générale implique la forme de propriété spécifique qu'est la propriété privée des moyens de production.
Il semble bien qu'une société libérale humaniste puisse impliquer bien plus sûrement la propriété privée des moyens de production, en accord clair avec le principe de liberté individuelle, que la propriété collective ou étatique des moyens de production. Cette dernière dépendrait, elle, d'une utopique prise de décision collective unanime de chacun des membres composant la société libérale humaniste.
2. La propriété privée des moyens de production implique une inégalité dans la répartition des moyens de production.
La propriété privée des moyens de production implique une inégalité dans la répartition des moyens de production entre les membres d'une société, car selon la loi de la concurrence les individus les plus productifs accaparent les profits au détriment des individus les moins productifs. Par conséquent, les individus les individus les plus productifs ont tôt fait de disposer de davantage de fruits de la production, alors que les individus moins productifs s'endettent, dépendant ensuite des plus productifs pour leur subsistance. Par conséquent, la dépendance des individus les moins productifs les amènent à abandonner leurs moyens de production aux individus plus productifs, créant une inégalité dans la répartition des moyens de production.
Pourtant, une société libérale pourrait théoriquement être composée d'individus ayant strictement la même quantité de moyens de production (qualitativement égaux). Par exemple, tous les individus d'une société libérale pourraient avoir la même portion de terre (la terre étant supposée également productive). Il s'agirait soit d'une état de fait initial, soit d'une libre décision collective prise à l'unanimité, et non du choix de la majorité l'imposant à une minorité, soit d'un hasard conjoncturel.
Il y a deux réponses possibles que je vois à cette objection.
Premièrement, il est utopique (ou extrêmement improbable) qu'une société libérale accepte unanimement de s'organiser sur les bases d'une répartition égalitaire des moyens de production, et en qu'en plus de cela elle accepte de déterminer collectivement la production par la planification en fonction de ses besoins et envies, étant donné que cela impliquerait une somme énorme de prises de décision à l'unanimité sur tous les aspects quotidiens de la vie économique des individus d'une société. Mais si ces deux conditions (extrêmement improbables) ne sont pas remplies, alors la société libérale ne peut qu'être fondée sur la propriété privée des moyens de production.
Deuxièmement, toutes les sociétés fondées sur la propriété privée des moyens de production l'ont été par une répartition coercitive des moyens de production : les plus forts s'accaparant les moyens de production. C'est à dire que dans les faits, il n'y a jamais eu de société égalitaire fondée sur la propriété privée des moyens de production.
Par ces deux contre-objections, on ne peut que constater que la propriété privées des moyens de production implique nécessairement une inégalité dans la répartition des moyens de production.
3. L'inégalité dans la répartition des moyens de production implique un groupe possédant et un groupe non possédant.
Par définition, une inégalité dans la répartition des moyens de production a pour conséquence un groupe social avantagé par l'inégalité de répartition, et un groupe social désavantagé.
L'inégalité dans la répartition des moyens de production implique donc un groupe possédant davantage qu'un autre.
Par la suite, je parlerai de groupe possédant (avantagé par l'inégalité dans la répartition des moyens de production), et de groupe non possédant (désavantagé par l'inégalité dans la répartition des moyens de production).
4. La non possession des moyens de production implique une situation non désirable pour le groupe non possédant.
En effet, de par sa non possession des moyens de production, le groupe non possédant est contraint d'offrir son temps (c'est ce qu'il possède essentiellement puisqu'il ne possède pas de moyens de production) au groupe possédant pour obtenir de ce dernier la possibilité de produire (et donc de produire de quoi subvenir à ses besoins). Le groupe possédant est donc dans une position où il peut réclamer au groupe non possédant une partie de son temps pour produire pour lui, alors que lui-même n'a pas forcément besoin de produire.
Il s'agit donc d'une situation de contrainte matérielle injustifiée qui ne peut que être que non désirable pour le groupe non possédant.
Cette prémisse s'apparente peu ou prou à la théorie de l'expropriation de la valeur du travail des travailleurs par les capitalistes, telle que développée par Karl Marx.
Elle établit tout comme la théorie pré-citée de Karl Marx, que la situation du groupe non possédant par rapport au groupe possédant le place dans une situation non désirable.
5. La situation non désirable du groupe non possédant implique une volonté rationnelle d'échapper ou de mettre fin à cette situation non désirable.
La relation inégalitaire entre la situation du groupe possédant et celle du groupe non possédant est vécue comme une situation non désirable par le groupe non possédant. Cet état de fait va impliquer chez le groupe non possédant une volonté rationnelle d'échapper ou de mettre fin à cette situation non désirable. Car, rationnellement, un individu ou un groupe social cherche toujours à s'émanciper d'une situation où il est contraint de donner une partie de son temps à un autre individu ou à un autre groupe simplement parce que ce dernier possède quelque chose dont il a besoin pour survivre.
En outre, on peut faire l'hypothèse que tout individu ou tout groupe social cherche à être autonome et libre, et par conséquent cherchera à éviter une situation où il n'est pas libre et pas autonome, comme celle du groupe non possédant vis à vis du groupe possédant.
6. La volonté rationnelle d'échapper ou de mettre fin à la situation non désirable implique une révolte envers l'inégalité de répartition des moyens de production.
La volonté rationnelle du groupe non possédant d'échapper ou de mettre fin à la situation non désirable dans laquelle le place les fondements de la société libérale (la propriété privée des moyens de production) implique la volonté rationnelle d'éliminer la cause de cette situation non désirable.
La volonté rationnelle du groupe non possédant d'éliminer la cause de cette situation non désirable implique la suppression de la propriété privée des moyens de production.
7. La révolte du groupe non possédant envers l'inégalité de la répartition des moyens de production implique l'usage de la coercition par le groupe possédant.
Peu importe la forme que prend la révolte du groupe non possédant, au final, le groupe possédant se retrouve nécessairement à devoir employer la coercition, s'il souhaite maintenir sa possession sur les moyens de production.
A cette proposition, on pourrait objecter que le groupe possédant pourrait simplement accepter de supprimer la propriété privée des moyens de production. Par conséquent, le groupe possédant pourrait accepter une propriété collective des moyens de production.
Une première contre-objection consiste à dire que, de manière rationnelle, le groupe possédant se refuse à perdre la possession des moyens de production, s'il peut la garder à un coût moins élevé que la perte qu'il subirait par la suppression de la propriété privée des moyens de production.
Une seconde contre-objection consiste à dire que étant donné que la propriété privée des moyens de production est une caractéristique nécessaire d'une société libérale humaniste, du moment que l'on passe à un mode de propriété collectif des moyens de production, on ne se trouve plus dans une société libérale humaniste.
Une dernière objection possible à la proposition selon laquelle, la révolte du groupe non possédant envers l'inégalité de la répartition des moyens de production implique l'usage de la coercition par le groupe possédant, consisterait à dire que le groupe possédant pourrait simplement se contenter de redistribuer quelque peu les fruits de la production, pour calmer les velléités de révolte du groupe non possédant, sans modifier le régime de propriété des moyens de production.
A cette objection, je répondrai que du moment que le groupe possédant agit ainsi, il n'agit plus en accord avec le libéralisme humaniste, mais en accord avec le libéralisme utilitariste, et dans ce cas on sort du cadre de ma chaîne d'implications, puisque cette dernière parle des implications des fondements doctrinaux du libéralisme humaniste, et non de ceux du libéralisme utilitariste. Par conséquent, pour rester dans le cadre de cet argument, il est nécessaire de ne pas sortir du cadre du libéralisme humaniste pour proposer une objection à mon raisonnement.
8. La coercition du groupe possédant pour juguler la révolte du groupe non possédant envers l'inégalité de la répartition des moyens de production implique l'intervention de l’État.
Un monde composé d'individus isolés n'est possible que temporairement, étant donné que sans reproduction l'espèce humaine disparaîtrait. De plus, l'être humain a besoin de vivre en société, pour des raisons de survie matérielle et de survie psychologique. Donc, du moment que l'on parle de l'être humain, alors on parle de société.
Une société sans État n'est pas possible, car toute société implique un certain niveau d'organisation, et toute organisation implique un État. Donc, du moment que l'on parle de société, alors on parle d’État.
Étant donné que toute société implique une organisation étatique, le groupe dominant d'une société est obligé d'employer l’État contre le groupe non possédant s'il souhaite éviter que le groupe non possédant ne l'emploie contre lui.
Par conséquent, la coercition d'un groupe social sur un autre prend toujours la forme étatique.
Et c'est pourquoi, la coercition du groupe possédant pour juguler la révolte du groupe non possédant envers l'inégalité de la répartition des moyens de production implique l'intervention de l’État.
Afin de renforcer cette dernière prémisse qui conclut la chaîne d'implications, j'aimerais citer deux auteurs aux idées opposées, mais d'accord sur le rôle de l'Etat dans la société libérale (humaniste).
Premièrement, Friedrich Hayek présente l’État comme légitimé pour exercer une coercition sur le groupe non possédant, comme on peut le voir dans la citation suivante : « L'Etat doit-il ou non ''agir'' ou ''intervenir'' ? (…) Sans doute, l'Etat, par définition, doit agir. (…) L'Etat qui contrôle les poids et les mesures, pour empêcher la fraude, exerce une action ; mais l'Etat qui tolère l'emploi de la violence par les piquets de grève, par exemple, est inactif. » (HAYEK Friedrich, La route de la servitude, Presses universitaires de France, 1946, Paris, p. 64)
Ici, les grévistes (dont on peut légitimement penser qu'ils sont membres du groupe dominée puisque sinon ils ne tiendraient pas de piquet de grève) doivent, selon Friedrich Hayek, être réprimés par la coercition étatique.
Deuxièmement, Selon Rémy Herrera, Karl Marx analyse l'Etat « comme un instrument de classe, (…) intervenant dans ces lutte de classes. » L'Etat est pour Marx « la forme politique d'organisation de la bourgeoisie, qui en prend possession, se l'approprie, pour assurer l'exploitation économique du prolétariat. » (HERRERA Rémy, Brève introduction à la théorie de l’État chez Marx et Engels, Presses universitaires de France, 2000, Paris, pp. 4-5)
En remplaçant, « bourgeoisie » par groupe possédant, et « prolétariat », par groupe non possédant ou lésée, on peut constater que la vision marxienne de l’État correspond au principe de Friedrich Hayek selon lesquel l’État peut intervenir pour réprimer le groupe non possédant, lorsque ce dernier s'oppose aux conséquences de la propriété privée des moyens de production (c'est à dire lorsqu'il s'oppose à la situation non désirable dans lequel il se trouve à cause de la propriété privée des moyens de production).
En conclusion, on ne peut que constater que le libéralisme humaniste est étatiste, puisqu'il implique nécessairement la coercition étatique pour maintenir en place une société fondée sur ses principes fondamentaux (la propriété privée des moyens de production).
Puisque j'ai montré que le libéralisme humaniste est étatiste, et puisque le libéralisme utilitariste est lui aussi étatiste, alors on peut dire que le libéralisme dans son ensemble est une idéologie politique étatiste. En outre, ma thèse implique que les tenants du libéralisme humaniste, les libéraux humanistes, sont étatistes. Ce qui signifie qu'il y a une contradiction entre leur discours anti-étatiste, et la réalité des implications des fondements de leur idéologie.
A partir de ma thèse, on pourrait essayer de prouver que, le libéralisme humaniste étant étatiste, ses dérivés anarchistes, l'anarcho-capitalisme et le libertarianisme, ne sont que des idéologies politiques dénuées d'applications concrètes. En effet, on pourrait impliquer de ma thèse que si les fondements mêmes du libéralisme humaniste impliquent l'étatisme, alors ces mêmes fondements dans d'autres idéologies politiques dérivées devraient impliquer aussi l'étatisme. Ce qui aurait pour résultat qu'une idéologie politique comme l'anarcho-capitalisme, prônant l'abolition de l’État et son remplacement par le libre marché, serait une contradiction, puisque ses fondements mêmes impliqueraient l'étatisme.
Bibliographie
- AUDARD Catherine, Qu’est-ce que le libéralisme ?, Gallimard, 2009, Paris
- HAYEK Friedrich, La route de la servitude, Presses universitaires de France, 1946, Paris
- HERRERA Rémy, Brève introduction à la théorie de l’État chez Marx et Engels, Presses universitaires de France, 2000, Paris
- SALIN Pascal, Libéralisme, édition Odile Jacob, 2000, Paris
par Adrien Faure
Source: Utopies concrètes