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« Les procès contemporains de la démocratie libérale », dirigé par Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), autour de la question « Pourquoi la France penche-t-elle vers l'État administratif dans un esprit illibéral ? ».
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A cette occasion intervenait Lucien
JAUME, directeur de recherche CNRS au CEVIPOF, auteur de L'Individu
effacé ou le Paradoxe du libéralisme français (Fayard,
1997). Cette vidéo rend compte de son intervention.
La France, l'État administratif et le libéralisme 1/2 - YouTube
La France, l'État administratif et le libéralisme 2/2 - YouTube
Je profite de ces 2 vidéos afin de faire un rappel ici de Ludwig von Mises ( Première édition allemande (sous le titre Liberalismus) en 1927) traduit par Hervé de Quengo
Les racines psychologiques de l'antilibéralisme
L'objet de
cet ouvrage ne peut pas être de traiter du problème de la coopération
sociale autrement que par des arguments rationnels. Mais
les racines de l'opposition au libéralisme ne peuvent pas être
comprises en ayant recours à la raison et à ses méthodes. Cette
opposition ne vient pas de la raison, mais d'une attitude mentale
pathologique — d'un ressentiment et d'un état neurasthénique qu'on
pourrait appeler le complexe de Fourier, d'après le nom de ce socialiste
français.
Il y a peu à
dire au sujet du ressentiment et la malveillance envieuse. Le
ressentiment est à l'œuvre quand on déteste tellement quelqu'un
pour les circonstances favorables dans lesquelles il se trouve, que
l'on est prêt à supporter de grandes pertes uniquement pour que l'être
haï souffre lui aussi. Parmi ceux qui attaquent le
capitalisme, plusieurs savent très bien que leur situation serait
moins favorable dans un autre système économique. Néanmoins, en pleine
connaissance de cause, ils défendent l'idée d'une réforme,
par exemple l'instauration du socialisme, parce qu'ils espèrent que
les riches, dont ils sont jaloux, souffriront également dans ce cas. On
entend toujours et encore des socialistes qui
expliquent que même la pénurie matérielle serait plus facile à
supporter dans une société socialiste parce que les gens verront que
personne n'occupe une meilleure situation que son
voisin.
En tout état
de cause, on peut s'opposer au ressentiment par des arguments
rationnels. Il n'est après tout pas très difficile de montrer à
quelqu'un qui est plein de ressentiment, que la chose importante
pour lui est d'améliorer sa propre situation, pas de détériorer celle de
ses semblables qui occupent une meilleure
position.
Le complexe
de Fourier est bien plus difficile à combattre. Dans ce cas, nous avons à
faire face à une maladie grave du système nerveux,
une névrose, qui est plus du ressort du psychologue que du
législateur. On ne peut pourtant pas la négliger quand il s'agit
d'étudier les problèmes de la société moderne. Malheureusement, les
médecins se sont jusqu'ici peu préoccupés des problèmes que
constitue le complexe de Fourier. En fait, ces problèmes ont à peine été
notés, même par Freud, le grand maître de la psychologie, ou
par ses successeurs dans leur théorie de la névrose, bien que nous
soyons redevables à la psychanalyse de nous avoir ouvert la voie de la
compréhension cohérente et systématique des désordres
mentaux de ce type.
A peine une
personne sur un million réussit à réaliser l'ambition de sa vie. Les
résultats de notre travail, même si l'on est favorisé par
la chance, restent bien en deçà de ce que les rêveries de la
jeunesse nous laissaient espérer. Nos plans et nos désirs sont ruinés
par un millier d'obstacles et notre pouvoir est bien trop faible
pour réaliser les objectifs que nous portions dans notre cœur.
L'envol de ses espoirs, la frustration de ses plans, sa propre
insuffisance face aux buts qu'il s'était fixé lui-même — tout ceci
constitue l'expérience la plus pénible de tout homme. Et c'est, en
fait, le lot commun de l'homme.
Il y a pour un homme deux façons de réagir à cette expérience. On trouve l'une dans la sagesse pratique de Goethe :
Voulez-vous dire que je devrais haïr la vie
Et fuir vers le désert
Parce que tous mes rêves bourgeonnants n'ont pas fleuri ?
crie son Prométhée. Et Faust reconnaît au « moment le plus important » que « le dernier mot de la sagesse »
est :
Personne ne mérite la liberté ou la vie
S'il ne les conquiert chaque jour à nouveau.
Une telle
volonté et un tel esprit ne peuvent pas être vaincus par la malchance
terrestre. Celui qui accepte la vie pour ce qu'elle est et
ne se laisse pas submerger par elle, n'a pas besoin de chercher
refuge dans la consolation d'un « mensonge salvateur » pour compenser
une perte de confiance en soi. Si la réussite
espérée n'est pas au rendez-vous, si les vicissitudes du destin
démolissent en un clin d'œil ce qui avait été péniblement construit au
cours d'années de dur labeur, alors il multiplie simplement
ses efforts. Il peut regarder le désastre en face sans désespérer.
Le névrosé
ne peut pas supporter la vie réelle. Elle est trop grossière pour lui,
trop ordinaire, trop commune. Pour la rendre supportable,
il n'a pas, contrairement à l'homme sain, le cœur de « continuer en
dépit de tout. » Ce ne serait pas conforme à sa faiblesse. A la place,
il se réfugie dans un fantasme, une illusion.
Un fantasme est, d'après Freud, « quelque chose de désiré en soi,
une sorte de consolation » ; il se caractérise par sa « résistance face à
la logique et à la réalité ».
Il ne suffit pas du tout, dès lors, de chercher à éloigner le
patient de son fantasme par des démonstrations convaincantes de son
absurdité. Afin de guérir, le malade doit surmonter lui-même son
mal. Il doit apprendre à comprendre pourquoi il ne veut pas faire
face à la vérité et pourquoi il cherche refuge dans ses illusions.
Seule la
théorie de la névrose peut expliquer le succès du Fouriérisme, produit
fou d'un cerveau sérieusement dérangé. Ce n'est pas ici
l'endroit pour démontrer la preuve de la psychose de Fourier en
citant des passages de ses écrits. De telles descriptions ne présentent
d'intérêt que pour le psychiatre, ou pour ceux qui tirent
un certain plaisir à la lecture des produits d'une imagination
lubrique. Mais c'est un fait que le marxisme, quand il est obligé de
quitter le domaine de la pompeuse rhétorique dialectique, de la
dérision et de la diffamation de ses adversaires, et qu'il doit
faire quelques maigres remarques pertinentes sur le sujet, n'a jamais pu
avancer autre chose que ce que Fourier,
« l'utopiste », avait à offrir. Le marxisme est de même également
incapable de construire une image de la société socialiste sans faire
deux hypothèses déjà faites par Fourier,
hypothèses qui contredisent toute expérience et toute raison. D'un
côté, on suppose que le « substrat matériel » de la production, qui est
« déjà présent dans la nature sans effort
productif de la part de l'homme, » est à notre disposition dans une
abondance telle qu'il n'est pas nécessaire de l'économiser. D'où la foi
du marxisme dans une « augmentation
pratiquement sans limite de la production. » D'un autre côté, on
suppose que dans une communauté socialiste le travail se transformera
« d'un fardeau en un plaisir » — et qu'en
réalité, il deviendra « la première nécessité de la vie ». Là où les
biens abondent et le travail est un plaisir, il est sans aucun doute
très facile d'établir un pays de
Cocagne.
Le marxisme
croit que du haut de son « socialisme scientifique » il est en droit de
regarder avec mépris le romantisme et les
romantiques. Mais sa propre procédure n'est en réalité pas
différente des leurs. Au lieu d'enlever les obstacles qui se dressent
sur la route de ses désirs, il préfère les laisser simplement
disparaître dans les nuages de ses rêves.
Dans la vie
d'un névrosé, le « mensonge salvateur » possède une double fonction. Il
ne le console pas seulement des échecs
passés, mais lui offre aussi la perspective de succès futurs. En cas
d'échec social, le seul qui nous concerne ici, la consolation consiste à
croire que l'incapacité d'atteindre les buts élevés
auxquels on aspirait n'est pas due à sa propre médiocrité mais aux
défauts de l'ordre social. Le mécontent attend du renversement de cet
ordre la réussite que le système en vigueur lui interdit.
Par conséquent, il est inutile d'essayer de lui faire comprendre que
l'utopie dont il rêve n'est pas possible et que le seul fondement
possible d'une société organisée selon le principe de la
division du travail réside dans la propriété privée des moyens de
production. Le névrosé s'accroche à son « mensonge salvateur » et quand
il doit choisir entre renoncer à ce mensonge et
renoncer à la logique, il préfère sacrifier cette dernière. Car la
vie serait insupportable à ses yeux sans la consolation qu'il trouve
dans l'idée du socialisme. Elle lui dit que ce n'est pas
lui, mais le monde, qui est responsable de son échec : cette
conviction accroît sa faible confiance en lui et le libère d'un pénible
sentiment d'infériorité.
Tout comme
le dévot chrétien peut plus facilement supporter le malheur qui lui
tombe dessus sur terre parce qu'il espère poursuivre une
existence personnelle dans un autre monde, meilleur, où les premiers
seront les derniers et vice versa, de même le socialisme est devenu
pour l'homme moderne un élixir contre l'adversité
terrestre. Mais alors que la croyance dans l'immortalité, en tant
que récompense dans l'au-delà, et dans la résurrection constituait une
incitation à se conduire de manière vertueuse dans la vie
terrestre, l'effet de la promesse socialiste est assez différent.
Cette promesse n'impose aucun autre devoir que d'apporter son soutien
politique au parti du socialisme, tout en augmentant en
même temps les attentes et les revendications.
Ceci étant
la nature du rêve socialiste, il est compréhensible que chaque adepte du
socialisme en attend précisément ce qui lui a été
jusque-là refusé. Les auteurs socialistes ne promettent pas
seulement la richesse pour tous, mais aussi l'amour pour tous, le
développement physique et spirituel de chacun, l'épanouissement de
grands talents artistiques et scientifiques chez tous les hommes,
etc. Récemment, Trotski a affirmé dans un de ses écrits que dans la
société socialiste « l'homme moyen se hissera au niveau
d'un Aristote, d'un Goethe ou d'un Marx. Et de nouvelles cimes
s'élèveront à partir de ses sommets » 1.
Le paradis socialiste sera le royaume de la perfection, peuplé par des
surhommes totalement
heureux. Toute la littérature socialiste est remplie de telles
absurdités. Mais ce sont ces absurdités qui leur apportent la majorité
de leurs partisans.
On ne peut pas envoyer tous ceux qui
souffrent du complexe de Fourier aller voir un médecin pour un
traitement psychanalytique, le nombre des malades étant bien
trop grand. Il n'y a pas d'autre remède possible dans ce cas que le
traitement de la maladie par le patient lui-même. Par la connaissance de
soi, il doit apprendre à supporter son sort dans la
vie, sans chercher de bouc émissaire sur lequel il puisse rejeter
toute la responsabilité, et il doit s'efforcer de saisir les lois
fondamentales de la coopération sociale.
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