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Le « nouveau » libéralisme
Le libéralisme survivra-t-il à la crise économique et financière ? Les pronostics se multiplient mais il est difficile de percevoir les réalignements idéologiques en cours. Au début du XXe siècle déjà, une autre crise du capitalisme donna naissance à un courant intellectuel et politique, le « nouveau » libéralisme, dont Keynes fut l’un des héritiers. La philosophe Catherine Audard retrace l’histoire de cette refondation.
« La transition de l’anarchie économique vers un régime visant délibérément à contrôler et diriger les forces économiques dans l’intérêt de la justice et de la stabilité sociale présentera d’énormes difficultés à la fois techniques et politiques. Je suggère néanmoins que la véritable mission du nouveau libéralisme est de leur trouver une solution ».John Maynard Keynes, « Suis-je un libéral ? » (1re éd. 1925), in La Pauvreté dans l’abondance, Paris, Gallimard, 2002 (souligné par nous).
Ce diagnostic de Keynes sonne étonnamment contemporain [1].
Le monde occidental sort de trente ans de politique économique dominée
par le néolibéralisme qui ont conduit certes à une plus grande
prospérité mondiale, mais aussi à une crise financière d’une très grande
gravité, parfaite illustration de l’anarchisme économique que fustige
Keynes et qu’il avait expérimenté en première ligne, avec la dépression
de 1929. Mais si la dérégulation des forces du marché a conduit le
capitalisme au bord du précipice, les modèles alternatifs, communisme et
socialisme, ont été, eux, largement frappés de discrédit depuis la
chute du mur de Berlin, comme ils l’étaient déjà pour Keynes. Comme les
gouvernements sociaux-démocrates actuels, Keynes refusait de voir dans
le socialisme un remède aux maux du laissez faire. Quant au
retour au protectionnisme, qui, rappelons-le, n’était pas un dogme pour
Keynes, même s’il est une tentation, il est un moyen infaillible de
transformer la récession en dépression, puisqu’il aggrave l’effondrement
de la demande mondiale.
Vers quelle théorie se tourner si l’ultralibéralisme comme le socialisme ont été déconsidérés ?
Telle est la question urgente qui se pose à tous les gouvernements
modérés en 2009. Mais c’était également la question que se posaient au
tournant du XXe siècle les auteurs libéraux progressistes qui, hostiles aussi bien au libéralisme orthodoxe de l’École de Manchester [2]
qu’au socialisme, ont influencé Keynes. Ce sont ces auteurs, ainsi que
leur politique économique et sociale, qui font l’objet de cette étude de
ce qu’on a appelé le New Liberalism en Angleterre. [3]
La naissance du « nouveau » libéralisme au tournant du XXe siècle
D’un libéralisme de parti à un libéralisme d’idées
Le libéralisme connaît des transformations remarquables en Angleterre au tournant du XXe siècle. Il cesse progressivement d’être la formation politique dominante et est évincé après 1922 par le parti socialiste, le Labour Party,
devenant de plus en plus minoritaire et éloigné du pouvoir en raison du
bipartisme qui caractérise la politique anglaise. Mais il acquiert et
développe également, pendant la même période, une influence
intellectuelle et une stature morale sans commune mesure avec sa
représentation politique. Il passe d’un libéralisme de parti à un
libéralisme d’idées, forgeant ce qu’on a appelé le « nouveau »
libéralisme qui s’éloigne considérablement des positions du libéralisme
classique. Son renouveau intellectuel est animé par des philosophes,
des économistes, des politologues, des sociologues, essayistes ou
universitaires, mais aussi des journalistes, qui sont parfois également
des hommes politiques et qui ont un prestige et une influence
considérables auprès des classes dirigeantes. Ces auteurs se confrontent
aux textes classiques du libéralisme comme aux positions du parti
libéral pour les critiquer et les remanier sous des angles extrêmement
variés, donnant son nouveau visage au libéralisme.
Il faut ajouter que ces auteurs ont eu un
rayonnement international et que des mouvements comparables au New
Liberalism ont existé en France, comme le « solidarisme »
de Charles Renouvier (1815-1903), Alfred Fouillée (1838-1912), Léon
Bourgeois (1851-1925), Charles Gide (1851-1925) et même Émile Durkheim
(1858-1917) [4]. En Italie, le libéralisme classique représenté par le célèbre économiste Vilfredo Pareto [5]
(1848-1923) a suscité les réactions d’intellectuels opposés au fascisme
comme Benedetto Croce (1866-1952), fondateur du parti libéral italien,
l’économiste Luigi Einaudi (1874-1961) et l’historien du libéralisme,
Guido de Ruggiero (1888-1948), inspirées par le « nouveau » libéralisme et sa critique du libéralisme économique ou liberismo. Quant au « socialisme libéral » de Carlo Rosselli (1899-1937) [6], il a marqué durablement la tradition politique italienne [7]. En Allemagne, Wilhelm Dilthey (1833-1911) et Max Weber (1864-1920) [8]
incarnent les espoirs du libéralisme ainsi que ses échecs et son
incapacité à prendre pied dans un contexte idéologique hostile. Aux
États-Unis, le « progressisme » américain est l’équivalent du « nouveau » libéralisme et sa nouvelle éthique démocratique et égalitaire s’exprime dans le magazine The New Republic,
avec son fondateur Herbert Croly (1869-1930), Walter Lippmann
(1889-1974), son publiciste le plus célèbre, ainsi que le philosophe
John Dewey (1859-1952) qui, tous, puisent leur inspiration dans la
philosophie de William James (1842-1910). Notons que l’un de ses grands
intellectuels, Thomas Woodrow Wilson (1856-1924), professeur de sciences
politiques à Princeton, fut président des États-Unis de 1913 à 1921.
Le libéralisme en Angleterre (1870-1920)
Quelle est la situation spécifique du libéralisme en Angleterre ?
En 1870, au moment de son apogée, le parti libéral est divisé en deux
courants principaux. Le premier courant, plus conservateur, est
l’hériter des Whigs des XVIIe et XVIIIe
siècles, grands propriétaires terriens alliés à la bourgeoisie
d’affaires pour des raisons tactiques afin de défendre leurs privilèges
contre la dynastie des Stuarts et la monarchie absolue. Les éléments les
plus conservateurs du parti se sont séparés des libéraux en 1832 sur la
question du libre-échange, mais aussi de la réforme électorale et de
l’élargissement du droit de vote, et rejoignent un nouveau parti qui se
substitue aux Tories, le parti conservateur. Les libéraux conservateurs
qui restent au parti, dont les représentants sont Richard Cobden, John
Bright, et surtout le premier ministre William Gladstone, sont partisans
du libre-échange contre les conservateurs protectionnistes et
impérialistes, dont le leader est Benjamin Disraeli.
En face d’eux, et en position de plus en plus dominante, les libéraux réformateurs et « radicaux » influencés par l’utilitarisme se préoccupent avant tout d’améliorer le bien-être (welfare)
des classes laborieuses et de lutter contre la pauvreté, en intervenant
dans des secteurs jusque-là réservés à la charité privée. Ils sont
également hostiles à l’impérialisme britannique et au coût des guerres
coloniales. Ces préoccupations les amènent à critiquer les dogmes du
libéralisme économique et à prôner au contraire l’intervention de l’État
dans la vie sociale et économique.
Mais, malgré ces conflits, on peut dire
que le consensus libéral résiste aux crises économiques et sociales
beaucoup plus longtemps qu’ailleurs. Le libéralisme continue de nourrir
une image idéalisée du capitalisme et de son fonctionnement. Il comprend
la nouvelle société qu’il voit se former sous ses yeux dans les mêmes
termes individualistes que jadis, attribuant le chômage et la misère
avant tout à des défauts de « caractère » ou à la malchance. Incapable de saisir les causes de la crise sociale, il cherche à en guérir les symptômes : pauvreté, insécurité, chômage. Il n’établit aucun lien entre la pauvreté croissante du prolétariat et le capitalisme.
C’est la montée du socialisme, sous la
forme du travaillisme, qui change la situation et radicalise l’aile
réformatrice du parti libéral. Mais le travaillisme, qui donne naissance
en 1906 au Labour Party, bien loin d’être influencé par le
socialisme révolutionnaire et le marxisme comme en Europe continentale, a
ses sources morales dans le libéralisme modéré et dans le
protestantisme libéral, le méthodisme en particulier [9].
C’est seulement en 1918 qu’il cesse d’être un allié politique des
libéraux et qu’il devient un opposant politique du parti libéral, lui
ravissant la première place aux élections en 1922. Entre 1906 et 1911,
avec l’aide des travaillistes, les libéraux réformateurs ont fait voter
une législation sociale très avancée : indemnités en cas d’accident de
travail, repas gratuits dans les écoles, réglementation du travail des
enfants, limitation du travail à 8 heures dans les mines, protection des
syndicats dont les pouvoirs sont accrus, revenu garanti pour toute
personne âgée de plus de soixante-dix ans, début de la démolition des
taudis et amélioration des logements ouvriers. Enfin, le National Insurance Act, voté en 1911, met sur pied le premier système d’assurance-chômage et maladie. Les prémisses du Welfare State sont donc l’œuvre des libéraux, appuyés par les travaillistes [10].
Mais cette radicalisation conduit, en
1916, à l’éclatement du parti entre radicaux (comme Lloyd George),
modérés (comme Lord Asquith) et conservateurs, partisans de l’Empire au
moment de la guerre des Boers. Le parti libéral perd ainsi, au lendemain
de la Première Guerre mondiale, la position dominante qu’il occupait
dans la vie politique anglaise, au profit du parti travailliste.
Les sources intellectuelles du "nouveau" libéralisme
Derrière les transformations du parti
libéral, son éclatement et la naissance du parti travailliste pendant
cette période, il faut voir l’action indirecte, mais parfois aussi
directement politique, d’un nouveau mouvement intellectuel qu’on a
appelé New Liberalism, né dans les universités d’Oxford ou de
Cambridge. Ce mouvement a exercé une influence très importante sur les
élites et les hommes politiques, mais a su également trouver des
journalistes et des écrivains pour diffuser plus largement ses vues.
L’héritage de John Stuart Mill (1806-1873)
Ce « nouveau »
libéralisme a, tout d’abord, ses sources intellectuelles dans les
écrits de John Stuart Mill. Sous l’influence de Wilhelm von Humboldt
(1767-1835), représentant du libéralisme allemand du Sturm und Drang [11], Mill a développé une nouvelle conception de l’individu qui doit beaucoup au concept hégélien et humboldtien de Bildung, terme ambigu qui signifie à la fois la formation de l’individu, son éducation ou ce que Mill appelle « la culture de soi ». Disons qu’à la conception abstraite et non historique de l’individu libéral du XVIIIe
siècle, Mill substitue une conception beaucoup plus riche, évolutive et
dynamique de l’individu comme résultat d’un processus
d’individualisation : l’individualité. Dans De la liberté
(1859), le manifeste du libéralisme moderne, il affirme que
l’individualité est un des éléments essentiels du bien-être et donc une
valeur centrale du libéralisme.
En conséquence, la société a un rôle
central à jouer dans la formation de l’individualité et la nature
sociale de l’individu est affirmée. Mill refuse toute opposition
tranchée entre individu et société. Le but du libéralisme est d’indiquer
« la nature et les limites du pouvoir que
la société peut légitimement exercer sur l’individu […] ce contrôle
extérieur n’étant justifié que pour les actions de chacun qui touchent à
l’intérêt d’autrui ». Indiquer clairement
les limites de l’action de la société sur l’individu permet de lutter
contre les contraintes inacceptables et injustifiées qu’elle risque
d’imposer au développement individuel, contre l’autorité abusive qu’elle
fait peser sur les individus et leur créativité. Mais le libéralisme ne
refuse certainement pas l’idée que la société ait une influence sur la
formation de l’individu et « la culture (Bildung) de soi ».
Le libre développement de l’individu est un élément essentiel du
progrès social, mais, sans l’aide et la contribution des autres, ce
développement serait impossible.
Liée à cette conception de l’individualité, Mill développe une conception pluraliste
de la société, mais aussi de la connaissance et de l’éthique, là encore
en opposition avec les tendances monistes de l’idéologie des Lumières.
Il insiste sur le fait que la pluralité des opinions est absolument
nécessaire à la découverte de la vérité (De la liberté, chapitre II) comme à la liberté de l’individu de choisir son propre chemin, la voie de son développement personnel.
Mais c’est surtout en tant qu’homme politique – il est candidat socialiste aux élections de 1868 – et économiste – ses Principes d’économie politique
de 1848 ont un énorme succès parce qu’il y apparaît plus soucieux de la
classe ouvrière qu’aucun économiste avant lui – que Mill inspire
l’évolution du mouvement libéral vers une conscience de plus en plus
aiguë des questions sociales et ce sont surtout ses derniers écrits sur
le socialisme, sur les droits des femmes et sur le gouvernement
représentatif qui constituent les sources du nouveau paradigme.
Du « nouveau » libéralisme au travaillisme : T.H. Green, L.T. Hobhouse et John Hobson
Le penseur le plus important du nouveau libéralisme est certainement le philosophe d’Oxford Thomas Hill Green (1836-1882) [12]
dont l’enseignement a un rayonnement extraordinaire bien après sa mort
sur tout le personnel politique de l’époque, sans oublier sur Keynes
lui-même qui, s’il ne le cite pas, s’en inspire [13].
Green développe les idées de Mill, mais va beaucoup plus loin que lui
dans la dénonciation de la liberté des contrats et de la liberté
économique, et ses thèses sur la nature sociale de l’individu sont très
proches de celles de Durkheim dont il est le contemporain [14].
Green est remarquable par sa lecture de Rousseau, qu’il admire, et des
philosophes idéalistes allemands, Kant, Hegel, Humboldt, qu’il essaye de
concilier avec l’héritage libéral anglais et écossais. Suivant Kant, il
rejette l’utilitarisme qui était la doctrine morale préférée des
libéraux et affirme, au contraire, que le lien social ne résulte ni d’un
contrat à la manière de Locke ni de l’utilité à la manière de Bentham,
mais de la reconnaissance par chacun de la personne de l’autre comme
d’une fin en soi et des intérêts des autres comme constitutifs de
l’intérêt personnel. Il critique ainsi l’individualisme atomiste du XVIIIe
siècle et lui substitue la vision, inspirée de celle de Mill, d’une
individualité qui se développe et se perfectionne grâce à l’apport
constant des autres, fondant ainsi un droit de l’individu vis-à-vis de
la société qui lui doit les moyens de la réalisation de son
potentiel, réalisation essentielle pour le bien-être et le progrès de
tous. Cette idée est notamment reprise dans le « solidarisme » de Léon Bourgeois et son concept de la « dette sociale ». À la suite d’Aristote et de Hegel, Green appelle « bien commun »
cette interaction entre intérêt individuel et intérêt commun et en fait
le fondement de la morale et de l’obligation politiques [15].
Green est à la source de quatre innovations dans le programme libéral. Tout d’abord, il distingue radicalement la liberté négative du « vieux » libéralisme, celle des droits individuels, et la liberté positive du « nouveau libéralisme »,
celle des droits-créances, des moyens sociaux et économiques que la
société fournit à l’individu pour permettre le développement de ses
potentialités. Il amorce ainsi un débat entre liberté positive et
liberté négative qui devient central dans l’idéologie libérale du XXe siècle et qui suscite la célèbre défense de la liberté « négative » par Hayek dans La Constitution de la liberté
(1960). Ensuite, il réaffirme la nature sociale de l’individu dont le
développement est tributaire de l’apport des autres et de la société.
Puis, il fait la critique du libéralisme économique en soutenant que le
marché est une institution sociale comme une autre qui doit donc être
régulée pour fonctionner à l’avantage de tous et non pas seulement de
certains. Enfin, il soutient la légitimité de l’intervention de l’État
et de la législation dans les domaines de l’éducation, de la santé
publique, de la propriété privée et du droit du travail pour neutraliser
les effets pervers des excès de la liberté individuelle.
À la suite de Green, Leonard T. Hobhouse (1864-1929) [16]
condamne le libéralisme économique qui conduit à creuser l’écart entre
riches et pauvres et propose un programme sévère de taxation des profits
des entreprises. Il défend le rôle de l’État qui doit réguler la vie
sociale et soutient que les réformes sociales peuvent être compatibles
avec le respect de l’individu. La nouvelle citoyenneté devrait inclure
les droits sociaux et pas seulement les droits politiques. Il se
rapproche ainsi du travaillisme naissant et de la Fabian Society. Celle-ci, qui existe toujours, a servi de premier think tank au parti travailliste et compte parmi ses membres fondateurs Béatrice et Sidney Webb, George Bernard Shaw et H. G.
Wells. Elle défendait l’intervention de l’État dans la société, grâce à
une bureaucratie efficace et honnête, le collectivisme et la
méritocratie, tout en se considérant comme l’héritière du libéralisme [17].
Le nouveau libéralisme est également
l’œuvre d’économistes, pas seulement de philosophes ou d’essayistes.
Ainsi l’harmonie entre efficacité économique et réformes sociales
est-elle le credo des travaux de l’économiste Alfred Marshall. Quant à
John Hobson, le disciple de Green et Hobhouse et l’auteur de The Evolution of Modern Capitalism (1894) et d’Imperialism
(1902), il rejoint, comme Hobhouse lui-même, les rangs du parti
travailliste après la Première Guerre mondiale, quand le courant
impérialiste du parti libéral rend impossible tout effort de réformes
sociales.
John Maynard Keynes (1883-1946)
Il est impossible d’évoquer le « nouveau » libéralisme en Angleterre sans évoquer la figure de Keynes [18].
Confondant Keynes et le keynésianisme, on a souvent présenté Keynes
comme antilibéral. En réalité, il est bien l’héritier des idées du « nouveau »
libéralisme. Il s’oppose à une certaine version du libéralisme, celle,
dogmatique et conservatrice, de l’École de Manchester et du parti
libéral au début du XXe siècle, ou celle des conceptions économiques « orthodoxes » du Trésor avec lequel il a tellement de conflits, mais certainement pas au « nouveau » libéralisme dont il est, au contraire, le continuateur [19].
On peut dire, tout d’abord, que Keynes a
parachevé le nouveau paradigme libéral en donnant à l’État administratif
la dernière justification qui lui manquait encore : celle de
l’expertise économique, et non plus seulement sociale, comme c’était le
cas pour l’État social allemand de Bismarck. La pauvreté et les
problèmes sociaux sont dus, selon lui, à la mauvaise gouvernance
économique, à l’incompétence et à la mauvaise gestion de l’économie par
les gouvernements, à leur « bêtise », dit-il souvent, se référant à ses innombrables démêlés avec les responsables du Trésor et avec les tenants du free market à tout prix, plutôt qu’aux défauts de caractère des « pauvres ».
La nouvelle science économique doit permettre de résoudre les crises
économiques en changeant les paramètres et en comptant sur
l’intervention de l’État pour les mettre en œuvre, par exemple par une
politique de grands travaux dont l’inspiration se trouve, avant Keynes,
chez les économistes américains institutionnalistes. Keynes complète,
plutôt qu’il ne transforme, le libéralisme pour y faire entrer des idées
nouvelles, celles de risque, d’incertitude, d’anticipation, de
probabilités ainsi que l’importance des phénomènes macro-économiques.
Comme il le fait remarquer, non sans vanité, de même que la théorie de
la relativité d’Einstein intègre comme un phénomène particulier valable
pour des vitesses inférieures à la vitesse de la lumière les équations
de Newton, de même sa théorie générale intègre les conceptions
classiques et néo-classiques de l’économie libérale comme des cas
particuliers.
On peut constater, ensuite, qu’en raison de son pragmatisme – ne proclame-t-il pas fièrement : « Quand les faits changent, je change d’avis » – Keynes évolue par rapport au « nouveau »
libéralisme et trouve une alternative aussi bien au protectionnisme
d’une partie de la droite qu’à la politique interventionniste et
redistributive de la gauche, à savoir la possibilité de réguler les
cycles économiques et les politiques de l’emploi tout en favorisant la
croissance économique. Dans sa conférence de 1924, publiée en 1926 sous
le titre La Fin du Laissez faire [20],
il explique ses positions pragmatiques en faveur de l’intervention de
l’État. Ce texte aurait pu servir de point de départ au grand débat avec
Hayek qui n’a jamais eu lieu en raison de la mort de Keynes en 1946.
Dans un texte de 1925, « Suis-je un Libéral ? » [21], Keynes précise encore davantage sa position à l’égard du « nouveau »
libéralisme. Il part d’une théorie non marxiste des étapes du
développement économique, proposée par l’économiste américain
institutionnaliste J. R. Commons (Institutional Economics, 1934) [22].
Celui-ci distingue trois stades du développement : 1) le stade de la
rareté, 2) le stade de l’abondance et de l’individualisme, 3) le stade
de la stabilisation et de la régulation, après les grandes crises du
capitalisme.
Dans ce dernier stade, la réduction de la
liberté individuelle est liée aux interventions gouvernementales, mais
surtout à des interventions économiques à partir de l’action concertée
secrète ou semi-ouverte, ou d’arbitrage des associations, corporations,
syndicats et autres mouvements collectifs des patrons du commerce ou de
l’industrie, des banques, mais aussi des syndicats de travailleurs,
ouvriers et paysans. À ce stade, les libertés sont menacées par le
fascisme et le bolchévisme. Le socialisme n’offre pas d’alternative
parce qu’il raisonne comme si l’ère d’abondance existait toujours.
L’avenir du « nouveau »
libéralisme est de chercher à résoudre les immenses difficultés de
cette ère de stabilisation, de contrôle et de régulation des forces
économiques en vue de créer la justice et la stabilité sociale. Quant au
parti travailliste, bien que « stupide » (« silly », dit Keynes), il devra être attelé au programme du libéralisme. Keynes, comme le « nouveau »
libéralisme, soutient la compatibilité entre socialisme et libéralisme.
Cependant, il rejette le socialisme comme remède économique aux maux du
laissez faire parce qu’il défend des politiques économiques
inefficaces, l’interférence avec les libertés individuelles, et qu’il se
veut révolutionnaire, défendant une idéologie de classe et un
anti-élitisme jugé absurde. Il reste le parti libéral, pourtant
clairement incapable de renouvellement en 1925 en raison de ses
divisions internes et de ses échecs électoraux. Les « jeunes libéraux »,
comme William Beveridge, ne reviendront au pouvoir qu’après la guerre,
en 1944, avec un programme qui s’inspire des idées de Keynes. Mais « le parti libéral demeure le meilleur instrument de progrès – si seulement il avait une direction forte et un bon programme ».
Dans sa Théorie générale (1936), Keynes développe certes des conceptions assez différentes de celles du « nouveau »
libéralisme. Il ajoute la stabilisation macroéconomique au programme
libéral d’avant-guerre et lui donne la priorité. L’instabilité à court
terme du capitalisme est pour lui un danger plus grand que l’injustice à
long terme dans la distribution de la richesse et des revenus. Les plus
grands maux économiques sont le risque, l’incertitude et l’ignorance.
Le rôle de l’État est de les minimiser grâce à sa politique monétaire et
d’investissements en grands travaux, équipements sociaux, etc. Keynes
déplace le problème de la justice sociale de la microéconomie vers la
macroéconomie. L’injustice devient un problème d’incertitude, la justice
une affaire de prédictibilité contractuelle. Contrairement à ce que
l’on pense généralement, la redistribution joue un rôle mineur dans sa
philosophie sociale, comme une partie de la machinerie de la
stabilisation macroéconomique, certainement pas comme un moyen vers une
fin idéale. Son étatisme et surtout son élitisme le différencient des « nouveaux »
libéraux d’avant-guerre qui valorisaient la démocratie comme une fin en
soi, alors que Keynes souhaite plutôt un État gestionnaire et
technocrate. Il ne faut pas oublier non plus la différence de style
intellectuel entre le « nouveau »
libéralisme d’Oxford, teinté d’hégélianisme, et les économistes de
Cambridge qui ont été les maîtres de Keynes. À distance des nouveaux
libéraux, Keynes en est resté malgré tout un compagnon de route.
Une nouvelle conception de la liberté et de l’État
De la liberté négative à la liberté positive
La première transformation accomplie par
les libéraux réformateurs concerne la conception de la liberté libérale.
Rappelons les termes du débat.
Pour le libéralisme classique, la liberté
était essentiellement conçue comme le droit à un espace privé
inviolable, comme la protection vis-à-vis des autorités abusives, que ce
soit le pouvoir exercé par autrui, par le groupe et la société, la
coercition de l’État et des lois ou l’autorité des églises. C’est ce
qu’on a appelé la liberté négative ou défensive. Mais, pour le « nouveau » libéralisme, la liberté est également positive :
c’est le pouvoir d’agir au mieux de ses intérêts ou de ses valeurs sans
en être empêché par quiconque ou par quoi que ce soit, sauf si l’on
nuit à autrui. C’est la conception qui était déjà défendue par Mill :
« Personne ne soutient que les actions doivent être aussi libres que les opinions […] Les actes de toute nature qui, sans cause justifiable, nuisent à autrui peuvent être contrôlés […] La liberté de l’individu doit être contenue dans cette limite : il ne doit pas nuire à autrui. Et dès qu’il s’abstient d’importuner les autres et qu’il se contente d’agir selon son inclination et son jugement dans ce qui ne concerne que lui […] il doit être libre de mettre son opinion en pratique à ses propres dépens » (De la liberté, 1861, p. 145-146).
T. H. Green reprend et développe cette distinction entre freedom from, liberté à l’égard des contraintes, et freedom to,
liberté active, ou liberté-puissance. Une telle distinction est
cruciale puisque les obstacles ne sont pas les mêmes dans les deux cas.
Pour la première, l’obstacle se situe dans l’autorité arbitraire,
politique ou religieuse et dans la contrainte. Pour la seconde,
l’obstacle est l’absence des moyens d’agir et de réaliser les projets de
vie de l’individu. On peut très bien vivre sous le règne des
institutions de la liberté et souffrir d’un manque de liberté si l’on ne
dispose pas des conditions sociales et économiques nécessaires au
développement de son potentiel : éducation, santé, logement, salaire
décent, etc. Les droits socio-économiques sont donc aussi importants que
les libertés personnelles et politiques pour la liberté. C’est sur ce
point que les débats avec le « nouveau » libéralisme vont faire rage pendant tout le XXe siècle. En effet, où se situe dorénavant la différence avec le socialisme ?
Le libéralisme classique avait toujours
considéré que les institutions politiques (gouvernement représentatif,
séparation des pouvoirs, contrepouvoirs, contrôles de
constitutionnalité, décentralisation, etc.) étaient en première ligne
pour protéger les droits et les libertés des individus. Pour le
socialisme, au contraire, ces institutions ne peuvent pas jouer pas de
rôle effectif puisque ce sont les conditions socio-économiques qui sont
cruciales pour la « vraie »
liberté. La justice sociale est pour le socialisme le seul moyen de
l’épanouissement de l’individu et il ne peut y avoir de liberté sans les
moyens de la liberté pour tous. Le « nouveau » libéralisme tente de combiner ces deux conceptions. Si l’on comprend les soi-disant droits « naturels » comme des allocations sociales et comme des moyens positifs d’agir, des pouvoirs, et non pas seulement des protections « passives »,
comme disait Benjamin Constant, la liberté individuelle n’est plus
menacée par la justice sociale, elle en résulte, ce qui est un
retournement complet des thèses libérales : « La liberté ne devient pas tant un droit de l’individu qu’une nécessité de la société » (Hobhouse, Liberalism, 1911).
Une nouvelle conception de l’État
En 1886, Woodrow Wilson, alors jeune
professeur de sciences politiques à Princeton, admirateur de Hegel et de
la conception allemande bismarckienne de l’État social, publie son
livre L’État, qui argumente en faveur d’un plus grand pouvoir de
l’exécutif au sein du gouvernement central. Ce livre, qui devient
rapidement un classique des études en sciences politiques, marque un
changement total dans l’attitude du libéralisme vis-à-vis de l’État qui,
jusque-là, avait été perçu comme un péril pour les libertés
individuelles.
Le livre Liberalism de Leonard T.
Hobhouse, publié en 1911, représente en Angleterre la meilleure
formulation de cette nouvelle approche. Il prône le rôle de l’État pour
réguler la vie sociale et mettre en œuvre des réformes compatibles avec
le respect de l’individu, une nouvelle citoyenneté qui inclut les
nouveaux droits sociaux et qui se fonde sur la croyance dans l’harmonie
possible entre liberté individuelle, efficacité économique et réformes
sociales, espoir qui n’est pas sans éveiller de nombreux échos pour les
libéraux comme les socialistes au début du XXIe siècle…
On peut dater de ce moment la révolution
dans la conception de l’État qui substitue aux contrôles traditionnels
des contre-pouvoirs, des checks and balances et de la
Constitution, le nouvel État administratif, compétent, efficace et tout
entier dévoué au bonheur de tous. Sous l’influence de ce « nouveau »
libéralisme, un changement de paradigme s’opère et l’on passe de la
théorie du gouvernement limité à celle de l’État au service de la
société et du bonheur des citoyens. L’un des fondements du libéralisme
classique s’écroule alors : la méfiance à l’égard des interventions de
l’État.
Les missions nouvelles de l’État
Pour répondre à des crises, à des injustices d’un type et d’une ampleur nouveaux, le « nouveau »
libéralisme appelle à l’intervention de l’État dans l’économie après la
crise de 1929 et à accepter son rôle pour domestiquer les excès du
capitalisme et du marché. Le champ d’action de l’État s’étend maintenant
à toutes sortes de domaines qui étaient en dehors de sa juridiction. La
tâche de l’État n’est plus seulement « négative »
– protéger les individus contre les atteintes à leur liberté –, mais
consiste à faire leur bonheur en stabilisant l’économie et en régulant
le marché mondial.
Sont également acceptées les interventions
dans la sphère privée et la société civile : la famille (politiques
démographiques), la santé et l’éducation, le chômage, les entreprises et
le monde du travail, le syndicalisme, etc. De menace, l’État devient un
vecteur du Bien puisque son rôle est désormais de satisfaire les
besoins de ses citoyens. Le welfare devient la responsabilité du
gouvernement et non plus de la société civile, des associations privées
religieuses ou laïques de charité et de solidarité.
Des moyens nouveaux : l’État administratif
Cette nouvelle conception de l’État
justifie l’existence de nouveaux moyens d’action pour l’État
administratif, c’est-à-dire le développement d’agences d’experts non
élus pour résoudre les problèmes sociaux et économiques. Elle justifie
l’abandon du principe fondateur, pour Locke et Montesquieu, de la
séparation des pouvoirs puisque le pouvoir administratif devient de plus
en plus autonome, un « quatrième pouvoir »
sans véritable contrôle. Il dépend seulement indirectement de
l’exécutif et il n’est pas responsable devant les citoyens puisque les
parlements n’ont plus aucun droit de regard dès qu’une agence
administrative est créée. C’est ce point qui est probablement le plus
problématique dans le « nouveau »
libéralisme. En effet, comme la séparation des pouvoirs est un obstacle
à l’efficacité des gouvernements dans leur action sociale, on assiste à
l’abandon de la doctrine libérale de la non-délégation des pouvoirs qui
permet l’apparition d’agences administratives indépendantes (National Health Service en Angleterre, Sécurité Sociale en France, Security and Exchanges Commission
aux États-Unis pour la régulation des marchés financiers, d’autres
agences similaires pour contrôler les médias, le commerce, la sécurité
intérieure). Il s’agit de pouvoirs non élus et placés sous le contrôle
de l’exécutif, sans que les parlementaires puissent les évaluer, sauf en
cas de crise. L’accroissement de la taille et de l’influence des
bureaucraties d’État non responsables devant les citoyens s’effectue
parallèlement à l’augmentation de la bureaucratie dans les gigantesques
consortiums multinationaux. Comme l’avait déjà vu Max Weber au début du
siècle, la bureaucratie devient la menace la plus sérieuse à l’égard des
libertés individuelles [23].
Pour cette raison, le libéralisme a été associé aux États-Unis et en
Angleterre au big government et c’est l’un des thèmes sur lesquels,
depuis l’administration Reagan, les républicains ont fait campagne
contre les idées libérales.
Conclusion
« Le fait que le libéralisme accorde une réelle valeur à l’expérience a entraîné une réévaluation continuelle des idées d’individualité et de liberté, lesquelles idées sont étroitement dépendantes des changements affectant les relations sociales » (John Dewey, « The Future of Liberalism », in Later Works, 1935).
Ce qui frappe dans cet épisode du « nouveau »
libéralisme, c’est l’étonnante capacité de réinvention du libéralisme
en fonction des transformations sociales, point sur lequel Dewey insiste
dans cette citation. L’explication en est certainement que, par rapport
aux idéologies concurrentes, socialisme ou conservatisme, le
libéralisme est beaucoup moins rigide et doctrinal et que sa « tolérance structurale » et sa « flexibilité diachronique »,
pour reprendre les termes des brillantes analyses de Michael Freeden,
sont remarquables. Malgré ces transformations, en effet, la structure
conceptuelle du libéralisme est restée la même. Nous retrouvons dans le « nouveau »
libéralisme tous les concepts-clés de souveraineté de l’individu, de
liberté des Modernes, de l’État de droit. Mais cette structure a été
modifiée parce que la relation entre ses concepts-clés et ses concepts
adjacents et périphériques s’est transformée. En particulier, ses
concepts adjacents de démocratie, d’égalité, d’État et de bien commun
ont influencé en profondeur ses concepts-clés. En définitive, ses
valeurs de base –liberté individuelle, esprit d’entreprise, tolérance,
refus du système et du dogmatisme, capacité d’autocritique – inspirent
un style, une forme intellectuelle qui lui sont spécifiques et
qui donnent à sa famille de concepts beaucoup plus de flexibilité et
d’ouverture que dans d’autres idéologies. La maison « libéralisme » a certainement ses portes et ses fenêtres plus largement ouvertes sur le monde qu’aucune autre.
En effet, que voudrait dire la doctrine
de la liberté si ce projet était compatible avec le dogmatisme et
l’esprit de système généralement attribués aux idéologies politiques ?
Par définition, le libéralisme ne peut inspirer des doctrines
dogmatiques et sectaires. C’est pourquoi, par exemple, le néolibéralisme
de Milton Friedman, repris par les gouvernements Thatcher et Reagan,
est difficilement intégrable dans le camp libéral car il bascule très
vite dans le conservatisme par la forme de son argumentation,
souvent sectaire et dogmatique, tout autant que par le contenu de ses
idées. Au contraire, en appliquant la tolérance à la philosophie
elle-même, pour reprendre la formule de John Rawls (Libéralisme politique,
p. 34) le libéralisme contemporain se manifeste dans des constellations
d’idées et de valeurs qui, si elles contiennent un noyau dur, sont
toujours susceptibles de réorganisations différentes comme celles
accomplies par John Stuart Mill ou tous les auteurs du « nouveau » libéralisme que nous avons mentionnés.
On pourra certes objecter que l’éclectisme
n’est pas une bonne formule politiquement et qu’intellectuellement
c’est en général un signe de faiblesse. En réalité, c’est pour une
idéologie politique une force qui lui permet de se rénover, de s’adapter
aux circonstances nouvelles de manière remarquable et de permettre la
coopération politique entre des forces sociales opposées. Mais ce qui
est possible pour un courant intellectuel l’est sans doute beaucoup
moins pour un parti politique. C’est pourquoi le rayonnement du « nouveau »
libéralisme a plus été celui d’un mouvement intellectuel que d’un
programme de parti. Il n’en demeure pas moins que la capacité de
transformation, de réinvention et d’adaptation est inscrite dans la
nature même du libéralisme, dans sa conscience de soi en tant que
doctrine de la liberté humaine en train de s’accomplir.
Aller plus loin
Références bibliographiques
Michael Freeden, The New Liberalism, Oxford, Clarendon Press, 1978 ; Liberalism Divided, Oxford, Clarendon Press, 1986 ; Ideologies and Political Theory, Oxford, Oxford University Press, 1996.
le numéro spécial de la revue Social Philosophy and Policy : Liberalism, Old and New, vol. 24, n° 1, hiver, 2007.
James T. Kloppenberg, Uncertain Victory. Social Democracy and Progressivism in European and American Thought, 1870-1920, Oxford, Oxford University Press, 1986.
Richard Bellamy, Liberalism and Modern Society, Cambridge, Polity Press, 1992.
Gilles Dostaler, Keynes et ses combats, Paris, Albin Michel, 2009 (1re éd. : 2005).
sur le socialisme libéral, voir Serge Audier, Le Socialisme libéral, Paris, La Découverte, 2006, et Monique Canto-Sperber et Nadia Urbinati (dir.), Le Socialisme libéral. Une anthologie, Paris, Esprit, 2003.
John Rawls, Libéralisme politique, Paris, PUF, 1995 (éd. originale : 1993), traduit de l’américain par Catherine Audard.
,
Le « nouveau » libéralisme »,
La Vie des idées
, 29 avril 2009.
ISSN : 2105-3030.
URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-nouveau-liberalisme.html
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